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Samedi 15 Avril 1865. Paraissant le Samedi. l rc Année.— N° 12. ET 0' Fondée et publiée au profit des Pauvres. ABOSBfEfflEîS'a'S. 5 Mois . . ; . Un Numéro. 5 fr. j c. » 30 Directeur-Gérant : Em. VIDAL. Pour ce qui concerné l'Administration, la Rédaction, les Abonnements et les Insertions, s'adresser au Bureau du Journal, TUO d'Antibes, 2, au l ev Étage. — (Affranchir.) IXSEB&'.S'IQltg, Annonces. Réclames. 25 cent, la ligue. 50 Cannes, le 14 Avsil as«5. p tr Nous recevons de M. A. Macc une lettre datée de Naples et que nous nous empressons de communiquer à nos lecteurs. MON 1 CHER DmECîEUR, Depuis un mois bientôt que nous avons quitté Cannes, si j'en excepte quelques rares journées, nous avons toujours eu de la pluie ou du vent : à notre entrée à Rome, la grêle tombait si abondamment, qu'il nous a été impossible, pendant quelques instants, de quitter les wa- gons; et à notre passage à Velletri, sur la roule de Naples, nous avons trouvé la voie couverte do neige. Au reste, si ce qu'on nous a dit à Pise, à Florence, à Rome, et même ici, n'est pas exagéré, l'hiver a été exceptionnellement très mauvais dans toute l'Italie. Que les étran- gers qui ont fixé leur résidence à Cannes pen- dant cette saison, se félicitent donc de leur choix, car la température y a été incontesta- blement plus douce que partout ailleurs. J'ajou- terai, après avoir vu le? principales stations hivernales de la rivière de Gènes, y compris Nervi, qu'il n'en est pas une aussi privilégiée sous le rapport de la situation, de l'agrément des promenades, et de la riche végétation de la campagne que notre bonne petite ville pro- vençale. Mais il ne faut pas que ces avantages réels et actuels, soient un motif de repos et de trop grande confiance dans l'avenir, de la part de ceux entre les mains desquels sont remis les intérêts de notre cité, car partout une im- pulsion extraordinaire est imprimée à tous les travaux soit publics, soit particuliers, en vue de procurer aux étrangers un bien-être plus grand, en leur rendant le séjour dans chaque ville plus agréable. Puissent nos administrateurs être bien convaincus de cette vérité ! On sa plaint aussi beaucoup en Italie du petit nombre de familles qui cette année y ont passé l'hiver. A Pise, notamment, plusieurs lo- gements sont restés inoccupés. J'avoue, pour ma part, que je le comprend!), car c'est une ville triste et sans aucune animation, malgré FEUILLETON DE LA REVUE DE CANNES LES CERCLES. (Suite.) La Condnmino est une charmante propriété louée dans le principe par la compagnie des jeux pour y établir son cercle. La, au milieu d'un massif d'orangers et de citronniers, s'élève a mi-colline une^ élégante villa dont les salles avaient été dis- posées pour le but qu'on se proposait d'atteindre. Dans ces appartements illuminés le jour par mi soleil splendide, le soir par un brillant éclairage, rien qui ressemblât aux bouges enfumés inaugu- rés à Paris, il y a environ un siècle, sons la lieutenance de police de Monsieur do Sarlino et fermés le 18 juillet 1836 sur la motion de l'ho- norable Monsieur Benjamin Dclcssert. Point de municipaux aux portes, point de quinquels hui- leux, point do tapis maculés et faisant contraste avec l'or qui les couvre, point surtout de ces effluves malsains inhérents à certains milieux voués exclusivement au culte des appétits matériels. On son Université. Heureusement pour elle qu'elle possède trois bijoux qu'on ne peut se lasser d'admirer. Quant à Florence, elle ressemble en ce moment à une ville prise d'assaut par les maçons, les charpentiers et une armée d'ou- vriers do toutes professions qui disposent la plupart de ses monastères et plusieurs palais particuliers, pour recevoir, le mois de mai pro- chain, les ministères et les diverses administra- tions qui doivent se fixer au siège du Gouver- nement. A celle époque auront aussi lieu de grandes fêles à l'occasion de l'anniversaire du Dante et de l'érection de sa statue sur la place Santa-Croce. Nous avons obtenu do voir cette statue dans l'atelier de Pazzi, son auteur : c'est un magnifique monument de l'art moderne. Florence, au reste, est aujourd'hui la vraie patrie de la sculpture, à en juger par les chefs- d'oeuvre dus au ciseau des Pazzi, des Dupré et des Fedi. Comment pourrait-il en être autre- ment, quand ces sculpteurs ont sous les yeux des modèles comme la Venus de Médias, VApollino, VArrotino, les Lutteurs et le Faune dansant. Avant de venir à Naples, nous avons séjourné quatre jours à Piome, et nous avons eu l'heu- reuse chance de pouvoir, pendant ce court es- pace do temps, voir deux fois le Souverain Pontife. Tous les vendredis du mois de mars, Pie IX descend, à midi un quart, dans la basi- lique de Saint-Pierre, pour se mettre en ado- ration dans la chapelle du Saint-Sacrement, se prosterner devant la statue de Saint-Pierre dont il embrasse le pied, et faire une seconde-prière à la confession du premier apôtre. 11 est seu- lement accompagné des cardinaux et de sa maison. Pendant près de 20 minutes j'ai donc pu contempler Sa Sainteté d'aussi près qu'il soit possible de l'approcher : nous n'en étions pas à plus de doux mètres. Le Pape m'a paru jouir d'une santé parfaite; sa figure est pleine, sa marche assurée, et quand il donne la béné- diction ses [rails prennent une expression do douceur extraordinaire et de bonté toute an- gélique. Le lendemain, fête de l'Annonciation, il y a eu messe pontificale à la Minerve. Pic IX s'y est rendu avec sa cour. Placé en avant de la tribune occupée par l'élal-major franc-aisj'ai pu suivre la cérémonie dans tous ses détails. Le Souverain Pontife est arrivé porté sur son arrivait a la Condamine à travers les longues al- lées d'un jardin magique; l'illusion était com- plète. Choque visiteur, nouveau Jason, pouvait se croire appelé à la conquête do la toison d'or. Cette toison si enviée n'était-clle pas au fond de toute celle féerie, sous la garde de ces Messieurs do la banque qui, du reste, il faut en convenir, n'avaient nullement l'air farouche que la fable prête au Dragon de la Colchide. Ils vous rece- vaient avec la meilleure grâce du monde, vous faisaient l'exhibition des b'oaulés de ce riant sé- jour, vous invitaient à prendre part à celle fêle des jeux (pic la nature méridionale donne pres- que continuellement à ses fidèles. La partie ne venait qu'en seconde ligne ; on la faisait unique- ment pour se distraire cl- non pour gagner de l'argent. Gagner de ' l'argent, fi donc f Qui pou- vait y penser au sein de ces arômes, au milieu de ces harmonies du paysage, aux accords de celle enivrante musique qui interprétait les ehcfs-d'oeiivrcs des raaitres ! Grouper des chiffrés quand Cellini soupire, poursuivre une martingale quand liossini laisse tomber de son écrin des cascades de noies élincclanles, écouter le bruit monotone de la bille et du râteau quand la valse do Strauss s'élance en fusées vers le ciel Allons do'nc ! \ Aussi, jouait-on peu à Monaco 'îi celle époque. Les visiteurs étaient surtout des fantaisistes atti- rés autant par la réputation de ce pelit coin de siège, mais probablement pareequ'il était en méditation, et tenait presque constamment les yeux fermés ; je l'ai trouvé un peu affaissé : cependant, à la fin de la messe, il a donné la bénédiction d'une voix très-forte et très-accen- tuée. Ayant pu alors sortir, je me suis rendu sur la place de la Minerve stationnait une foule compacte : toutes les fenêtres, tous les balcons, étaient également remplis de monde; quand Pie IX est sorti, les mouchoirs, les cha- peaux ont été agités, un immense cri fia Vivo, Papa s'est élevé de tons côtés, et la voi- ture du chef de l'église avait depuis longtemps disparu, que des nombreuses exclamations se faisaient encore entendre, pendant que nous étions inondés d'une pluie de petits papiers dorés. 'Celle ovation dont j'ai éié témoin me dispense de tout commentaire. Devant revenir i'i Rome dans une dizaine de jours, nous n'avons parcouru la ville que très- superficiellement, mais nous avons du nous assurer un logement avant notre départ. L'af- fluence des étrangers est devenue depuis une semaine si considérable, que non-seulement tous les hôtels sont pleins, mais qu'il est en- core assez difficile de se procurer des appar- tements en ville. Nous n'avons pu trouver que deux chambres, dont une n'est encore, à vrai dire, qu'un grand cabinet obscur, et. que ce- pendant il nous a fallu payer fort cher. Il en est de même d'ailleurs à Naples, beaucoup de touristes voulant comme nous y faire une-ap- parition avant la semaine sainte. Nous som- mes provisoirement logés dans Yulberrjo dell' Aller/ria, espèce de m.iison garnie qui a beau- coup d'inconvénients, contre un seul avanta- ge, celui d'avoir ses ouvertures sm 1 la célèbre Slrada Toledo. Figurez vous une des rues les plus animées de Paris, avec son mouvement, ses promeneurs, ses voitures de place, ses omnibus, ses riches équipages, et ajoutez à cela des cris incohérents, des gestes incom- préhensibles, et surtout des attelages impossi- bles, et vous aurez une légère idée du spec- tacle qui se passe sous nos fenêtres. Et ce- pendant tout ce monde so meut, se coudoie, s'interpelle, se bouscule même au besoin, sans provocation et sans lutte. Quelle étrange po- pulalion ! Le mauvais temps nous oblige à passer une Les de et terre que par les charmes du lapis vert. fermiers des jeux connaissaient leur monde et ne le fatiguaient pas par des séances trop pro- longées. Il se perdait bien ça et là quelques napoléons, voire même quelques billets .... Mais qui aurait pu garder rancune a ces Mes- sieurs de la banque si convenables de Ion , si bien habillés de noir et cravatés de blanc, d'une tenue si irréprochable el d'une physionomie si avenante; qui aurait pu, dis-jo, leur garder ran- cune pour ces vétilles? J'ai écrit dans un précédent article que la dénomi- nation de Bains de Monaco donnée, à la i""> page des journaux, à rétablissement des jeux procédait sans doute de ce que, de tout étaiilis- sÉJÎpeiit du mémo genre, on sort toujours plus oi)^jjioins lavé.... '$' dois, pour être juste, convenir, que celic pciÇsée à double sens lié s'applique pas, dans mon es'Ki'ït, à la première compagnie fermiers qui, de- puis, a été remplacée par celle de Homhourg. Quelqu'cn fût le motif, celle première compagnie, à. son début, exploitait mollement, elle subissait les influences du climat , il y avait do l'artiste en elle, et sous son règne les, lessives étaient rares. Tout cola se passait très bien ; on lisait, on causait, ou écoulait de bonne musique el on flânait beaucoup plus qu'on ne jouait. C'était presque de l'Arcadic , il n'y manquait que des bergers; et le péché, si péché il y avait, n'était partie de nos journées dans les églises et les musées. Nous avons visité aujourd'hui le mu- seo Borbonico, réunion la plus surprenante, la plus curieuse, la plus riche, des ustensiles, des objets de parure, et des spécimens de tous les produits en usage à Pompeï et à Ilercula- num, au moment de la destruction de ces malheureuses cités, il y a plus de dix-sept cents ans. Nous y avons vu les fameux pains 1 cuits dont la découverte a fait sensation il y a peu de temps, des pruneaux, des figues, des noix, des oeufs, une quantité d'autres conser- ves , et jusqu'à une casserole encore pleine d'une espèce de polenta prèle' à être servie pour un repas que l'éruption a sans doute interrompu. Les habitants ont du être surpris au moment même où ils vaquaient à leurs occupations, puisqu'on a trouvé un squelette de femme tenant à la main une bourse rem- plie de monnaie, qu'on voit dans une des chambres du musée ainsi que des crânes de soldais encore recouverts de leurs casques. C'est donc l'image sensible, palpable, de la vie humaine cessant au moment de sa plus grande activité. Je vous le répète , ces salles du museo Borbonico, sont une des choses les, plus intéressantes qu'on puisse rencontrer... r- Demain nous nous proposons d'aller visiter, la ville de Pompeï elle-même. Quant auVésuve, ne soyez pas 'surpris si je ne vous en parte' pas: que pourrai-je vous dire en effet d'un 1 volcan boudeur qui se drape dans son man- teau de neige, et s'obstine à ne pas lancer la plus petite colonne de fumée; le mieux est de- le passer 1 sous silence. Agréez,- etc. : A. MACÉ. COURRIER- DE LA REVUE DE CANNES. A Monsieur le Directeur-Gérant de la Retue de Canuts : Nous savons par expérience, que quiconque s'occupe ici de la question des •améliorations, s'expose à amasser un orage sur sa Ifitc-, à exciter des jalousies, à- soulever .des fllurmures ; on's'aime pas à entendre la vérité. Aussi après avoir élu- ' ' que véniel. Telle est la sensation que j'ai re- cueillie-de mon premier passage à Monaco. C'esl qu'en vérité ce coin do rocher es! em- preint ,d'un cachet d'originalité toute particulière. C'est un entonnoir, d'accord; mais quel enton- noir ! Le fond on est tapissé d'une luxuriante verdure clîorangers et de citronniers, d'un fouil- lis de.'cactus ot- d'aloès, d'une toison faslucuso de géraniums aux (leurs sanglantes; cl tout cet ensemble de plantes exotiques suspendues aux (lapes âpres de la roche donne à ce pays un aspect tropical qu'il serait difficile de rencontrer ailleurs. Connais tu la contrée où, sous L; noir feuillage, Brilla comme un fruit d'or ls fruit des citronniers, Quel' voyageur tant soit peu .lettré, .n'aurait pas présents à l'esprit, en abordant ce rivage, les deux premiers vers .de la chanson de Mignon? Connais tu la 1 montagno ?-Un sentier dans la nue, Un mulet y chemine...-Un orage... Un torrent... Do ta rjmïï des monts une roche abattue, Et la sombre caverne dort le vieux serpeut ? La montagne ! Un vieux sentier dans la nue.. Comme c'est bien cola. Voyez vous d'ici celle roule , ou plutôt ce sentier à pic do la Turbie pu chemine lo mulet, une sonuelle suspendue au cou, sonnette dont les tintements monotones vont réveiller l'écho de l'antique caste! dos Grimaldi ? J'ai plus d'une fois songé à toi, Goè'llie;- peu-

ET 0' - archivesjournaux.ville-cannes.frarchivesjournaux.ville-cannes.fr/dossiers/revue/1865/Jx5_Revue_Cannes...Samedi 15 Avril 1865. Paraissant le Samedi. lrc Année.— N° 12. ET

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Samedi 15 Avril 1865. Paraissant le Samedi. l r c Année.— N° 12.

ET 0'Fondée et publiée au profit des Pauvres.

ABOSBfEfflEîS'a'S.

5 Mois . . ; .

Un Numéro.

5 fr. j c.

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Directeur-Gérant : Em. VIDAL.Pour ce qui concerné l'Administration, la Rédaction, les Abonnements

et les Insertions, s'adresser au Bureau du Journal, TUO d'Antibes, 2,au lev Étage. — (Affranchir.)

IXSEB&'.S'IQltg,

Annonces.

Réclames.

25 cent, la ligue.

50 —

Cannes, le 14 Avsil as«5.

ptr

Nous recevons de M. A. Macc une lettredatée de Naples et que nous nous empressonsde communiquer à nos lecteurs.

MON1 CHER DmECîEUR,

Depuis un mois bientôt que nous avons quittéCannes, si j'en excepte quelques rares journées,nous avons toujours eu de la pluie ou du vent :à notre entrée à Rome, la grêle tombait siabondamment, qu'il nous a été impossible,pendant quelques instants, de quitter les wa-gons; et à notre passage à Velletri, sur la roulede Naples, nous avons trouvé la voie couvertedo neige. Au reste, si ce qu'on nous a dit àPise, à Florence, à Rome, et même ici, n'estpas exagéré, l'hiver a été exceptionnellementtrès mauvais dans toute l'Italie. Que les étran-gers qui ont fixé leur résidence à Cannes pen-dant cette saison, se félicitent donc de leurchoix, car la température y a été incontesta-blement plus douce que partout ailleurs. J'ajou-terai, après avoir vu le? principales stationshivernales de la rivière de Gènes, y comprisNervi, qu'il n'en est pas une aussi privilégiéesous le rapport de la situation, de l'agrémentdes promenades, et de la riche végétation dela campagne que notre bonne petite ville pro-vençale. Mais il ne faut pas que ces avantagesréels et actuels, soient un motif de repos et detrop grande confiance dans l'avenir, de la partde ceux entre les mains desquels sont remisles intérêts de notre cité, car partout une im-pulsion extraordinaire est imprimée à tous lestravaux soit publics, soit particuliers, en vuede procurer aux étrangers un bien-être plusgrand, en leur rendant le séjour dans chaqueville plus agréable. Puissent nos administrateursêtre bien convaincus de cette vérité !

On sa plaint aussi beaucoup en Italie dupetit nombre de familles qui cette année y ontpassé l'hiver. A Pise, notamment, plusieurs lo-gements sont restés inoccupés. J'avoue, pourma part, que je le comprend!), car c'est uneville triste et sans aucune animation, malgré

FEUILLETON DE LA REVUE DE CANNES

LES CERCLES.(Suite.)

La Condnmino est une charmante propriété louéedans le principe par la compagnie des jeux poury établir son cercle. La, au milieu d'un massifd'orangers et de citronniers, s'élève a mi-collineune^ élégante villa dont les salles avaient été dis-posées pour le but qu'on se proposait d'atteindre.Dans ces appartements illuminés le jour par misoleil splendide, le soir par un brillant éclairage,rien qui ressemblât aux bouges enfumés inaugu-rés à Paris, il y a environ un siècle, sons lalieutenance de police de Monsieur do Sarlino etfermés le 18 juillet 1836 sur la motion de l'ho-norable Monsieur Benjamin Dclcssert. Point demunicipaux aux portes, point de quinquels hui-leux, point do tapis maculés et faisant contrasteavec l'or qui les couvre, point surtout de ceseffluves malsains inhérents à certains milieux vouésexclusivement au culte des appétits matériels. On

son Université. Heureusement pour elle qu'ellepossède trois bijoux qu'on ne peut se lasserd'admirer. Quant à Florence, elle ressemble ence moment à une ville prise d'assaut par lesmaçons, les charpentiers et une armée d'ou-vriers do toutes professions qui disposent laplupart de ses monastères et plusieurs palaisparticuliers, pour recevoir, le mois de mai pro-chain, les ministères et les diverses administra-tions qui doivent se fixer au siège du Gouver-nement. A celle époque auront aussi lieu degrandes fêles à l'occasion de l'anniversaire duDante et de l'érection de sa statue sur la placeSanta-Croce. Nous avons obtenu do voir cettestatue dans l'atelier de Pazzi, son auteur : c'estun magnifique monument de l'art moderne.Florence, au reste, est aujourd'hui la vraiepatrie de la sculpture, à en juger par les chefs-d'œuvre dus au ciseau des Pazzi, des Dupré etdes Fedi. Comment pourrait-il en être autre-ment, quand ces sculpteurs ont sous les yeuxdes modèles comme la Venus de Médias,VApollino, VArrotino, les Lutteurs et le Faunedansant.

Avant de venir à Naples, nous avons séjournéquatre jours à Piome, et nous avons eu l'heu-reuse chance de pouvoir, pendant ce court es-pace do temps, voir deux fois le SouverainPontife. Tous les vendredis du mois de mars,Pie IX descend, à midi un quart, dans la basi-lique de Saint-Pierre, pour se mettre en ado-ration dans la chapelle du Saint-Sacrement, seprosterner devant la statue de Saint-Pierre dontil embrasse le pied, et faire une seconde-prièreà la confession du premier apôtre. 11 est seu-lement accompagné des cardinaux et de samaison. Pendant près de 20 minutes j'ai doncpu contempler Sa Sainteté d'aussi près qu'ilsoit possible de l'approcher : nous n'en étionspas à plus de doux mètres. Le Pape m'a parujouir d'une santé parfaite; sa figure est pleine,sa marche assurée, et quand il donne la béné-diction ses [rails prennent une expression dodouceur extraordinaire et de bonté toute an-gélique. Le lendemain, fête de l'Annonciation,il y a eu messe pontificale à la Minerve. Pic IXs'y est rendu avec sa cour. Placé en avant dela tribune occupée par l'élal-major franc-aisj'aipu suivre la cérémonie dans tous ses détails.Le Souverain Pontife est arrivé porté sur son

arrivait a la Condamine à travers les longues al-lées d'un jardin magique; l'illusion était com-plète. Choque visiteur, nouveau Jason, pouvait secroire appelé à la conquête do la toison d'or.Cette toison si enviée n'était-clle pas au fond detoute celle féerie, sous la garde de ces Messieursdo la banque qui, du reste, il faut en convenir,n'avaient nullement l'air farouche que la fableprête au Dragon de la Colchide. Ils vous rece-vaient avec la meilleure grâce du monde, vousfaisaient l'exhibition des b'oaulés de ce riant sé-jour, vous invitaient à prendre part à celle fêledes jeux (pic la nature méridionale donne pres-que continuellement à ses fidèles. La partie nevenait qu'en seconde ligne ; on la faisait unique-ment pour se distraire cl- non pour gagner del'argent. Gagner de ' l'argent, fi donc f Qui pou-vait y penser au sein de ces arômes, au milieude ces harmonies du paysage, aux accords de celleenivrante musique qui interprétait les ehcfs-d'œiivrcsdes raaitres ! Grouper des chiffrés quand Cellinisoupire, poursuivre une martingale quand liossinilaisse tomber de son écrin des cascades de noiesélincclanles, écouter le bruit monotone de la billeet du râteau quand la valse do Strauss s'élanceen fusées vers le ciel

Allons do'nc ! \Aussi, jouait-on peu à Monaco 'îi celle époque.

Les visiteurs étaient surtout des fantaisistes atti-rés autant par la réputation de ce pelit coin de

siège, mais probablement pareequ'il était enméditation, et tenait presque constamment lesyeux fermés ; je l'ai trouvé un peu affaissé :cependant, à la fin de la messe, il a donné labénédiction d'une voix très-forte et très-accen-tuée. Ayant pu alors sortir, je me suis rendusur la place de la Minerve où stationnait unefoule compacte : toutes les fenêtres, tous lesbalcons, étaient également remplis de monde;quand Pie IX est sorti, les mouchoirs, les cha-peaux ont été agités, un immense cri fiaVivo, Papa s'est élevé de tons côtés, et la voi-ture du chef de l'église avait depuis longtempsdisparu, que des nombreuses exclamations sefaisaient encore entendre, pendant que nousétions inondés d'une pluie de petits papiersdorés. 'Celle ovation dont j'ai éié témoin medispense de tout commentaire.

Devant revenir i'i Rome dans une dizaine dejours, nous n'avons parcouru la ville que très-superficiellement, mais nous avons du nousassurer un logement avant notre départ. L'af-fluence des étrangers est devenue depuis unesemaine si considérable, que non-seulementtous les hôtels sont pleins, mais qu'il est en-core assez difficile de se procurer des appar-tements en ville. Nous n'avons pu trouver quedeux chambres, dont une n'est encore, à vraidire, qu'un grand cabinet obscur, et. que ce-pendant il nous a fallu payer fort cher. Il enest de même d'ailleurs à Naples, beaucoup detouristes voulant comme nous y faire une-ap-parition avant la semaine sainte. Nous som-mes provisoirement logés dans Yulberrjo dell'Aller/ria, espèce de m.iison garnie qui a beau-coup d'inconvénients, contre un seul avanta-ge, celui d'avoir ses ouvertures sm1 la célèbreSlrada Toledo. Figurez vous une des rues lesplus animées de Paris, avec son mouvement,ses promeneurs, ses voitures de place, sesomnibus, ses riches équipages, et ajoutez àcela des cris incohérents, des gestes incom-préhensibles, et surtout des attelages impossi-bles, et vous aurez une légère idée du spec-tacle qui se passe sous nos fenêtres. Et ce-pendant tout ce monde so meut, se coudoie,s'interpelle, se bouscule même au besoin, sansprovocation et sans lutte. Quelle étrange po-pulalion !

Le mauvais temps nous oblige à passer une

Lesde et

terre que par les charmes du lapis vert.fermiers des jeux connaissaient leur monde etne le fatiguaient pas par des séances trop pro-longées. Il se perdait bien ça et là quelquesnapoléons, voire même quelques bi l lets . . . .

Mais qui aurait pu garder rancune a ces Mes-sieurs de la banque si convenables de Ion , sibien habillés de noir et cravatés de blanc, d'unetenue si irréprochable el d'une physionomie siavenante; qui aurait pu, dis-jo, leur garder ran-cune pour ces vétilles?

J'ai écrit dans un précédent article que la dénomi-nation de Bains de Monaco donnée, à la i"">page des journaux, à rétablissement des jeuxprocédait sans doute de ce que, de tout étaiilis-sÉJÎpeiit du mémo genre, on sort toujours plusoi)^jjioins lavé....

'$' dois, pour être juste, convenir, que celicpciÇsée à double sens lié s'applique pas, dans mones'Ki'ït, à la première compagnie fermiers qui, de-puis, a été remplacée par celle de Homhourg.Quelqu'cn fût le motif, celle première compagnie,à. son début, exploitait mollement, elle subissaitles influences du climat , il y avait do l'artisteen elle, et sous son règne les, lessives étaientrares. Tout cola se passait très bien ; on lisait,on causait, ou écoulait de bonne musique el onflânait beaucoup plus qu'on ne jouait. C'étaitpresque de l'Arcadic , il n'y manquait que desbergers; et le péché, si péché il y avait, n'était

partie de nos journées dans les églises et lesmusées. Nous avons visité aujourd'hui le mu-seo Borbonico, réunion la plus surprenante,la plus curieuse, la plus riche, des ustensiles,des objets de parure, et des spécimens de tousles produits en usage à Pompeï et à Ilercula-num, au moment de la destruction de cesmalheureuses cités, il y a plus de dix-septcents ans. Nous y avons vu les fameux pains1

cuits dont la découverte a fait sensation il y apeu de temps, des pruneaux, des figues, desnoix, des œufs, une quantité d'autres conser-ves , et jusqu'à une casserole encore pleined'une espèce de polenta prèle' à être serviepour un repas que l'éruption a sans douteinterrompu. Les habitants ont du être surprisau moment même où ils vaquaient à leursoccupations, puisqu'on a trouvé un squelettede femme tenant à la main une bourse rem-plie de monnaie, qu'on voit dans une deschambres du musée ainsi que des crânes desoldais encore recouverts de leurs casques.C'est donc l'image sensible, palpable, de lavie humaine cessant au moment de sa plusgrande activité. Je vous le répète , ces sallesdu museo Borbonico, sont une des choses les,plus intéressantes qu'on puisse rencontrer... r-

Demain nous nous proposons d'aller visiter,la ville de Pompeï elle-même. Quant au Vésuve,ne soyez pas 'surpris si je ne vous en parte'pas: que pourrai-je vous dire en effet d'un1

volcan boudeur qui se drape dans son man-teau de neige, et s'obstine à ne pas lancer laplus petite colonne de fumée; le mieux estde- le passer1 sous silence.

Agréez,- etc.: A. MACÉ.

COURRIER-DE LA REVUE DE CANNES.

A Monsieur le Directeur-Gérant de la Retuede Canuts :

Nous savons par expérience, que quiconques'occupe ici de la question des •améliorations,s'expose à amasser un orage sur sa Ifitc-, à exciterdes jalousies, à- soulever .des fllurmures ; on's'aimepas à entendre la vérité. Aussi après avoir élu- '

' que véniel. Telle est la sensation que j'ai re-cueillie-de mon premier passage à Monaco.

C'esl qu'en vérité ce coin do rocher es! em-preint ,d'un cachet d'originalité toute particulière.C'est un entonnoir, d'accord; mais quel enton-noir ! Le fond on est tapissé d'une luxurianteverdure clîorangers et de citronniers, d'un fouil-lis de.'cactus ot- d'aloès, d'une toison faslucusode géraniums aux (leurs sanglantes; cl tout cetensemble de plantes exotiques suspendues aux(lapes âpres de la roche donne à ce pays unaspect tropical qu'il serait difficile de rencontrerailleurs.

Connais tu la contrée où, sous L; noir feuillage,Brilla comme un fruit d'or ls fruit des citronniers,

Quel' voyageur tant soit peu .lettré, .n'aurait pasprésents à l'esprit, en abordant ce rivage, lesdeux premiers vers .de la chanson de Mignon?

Connais tu la1 montagno ?-Un sentier dans la nue,Un mulet y chemine...-Un orage... Un torrent...Do ta rjmïï des monts une roche abattue,Et la sombre caverne où dort le vieux serpeut ?La montagne ! Un vieux sentier dans la nue..

Comme c'est bien cola. Voyez vous d'ici celleroule , ou plutôt ce sentier à pic do la Turbiepu chemine lo mulet, une sonuelle suspendue aucou, sonnette dont les tintements monotones vontréveiller l'écho de l'antique caste! dos Grimaldi ?

J'ai plus d'une fois songé à toi, Goè'llie;- peu-