Upload
others
View
4
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
ET SI LA VIE ETAIT UNE GOURMANDISE
Pièce en trois actes
Personnages : Auguste Vieux paysan, poète, réfractaire au progrès Clarisse Jeune employée , pas très futée. Zozotte. Cindy La fille d’Auguste . Trentenaire . Déteste la campagne. Ken Le petit ami de Cindy. Trader. Très mou. Irène L’ex d’Auguste . Agent immobilier. Déteste la campagne. De l’humour. Elisabeth Ancourt Riche femme d’affaires. Tony Chauffeur et majordome de Mme Ancourt . Dealer à ses heures. Style mauvais garçon Décor Une salle à manger de ferme. Grande table. Quelques chaises. Sur le mur du fond, une tête de vache sensée représenter une vraie vache, dans son étable, mais dont la tête, coiffée d’un chapeau, donne dans la salle à manger communicante. Deux sorties , l’une vers l’extérieur, l’autre vers les chambres.
ACTE I , Scène 1
Clarisse , Auguste
( Clarisse fait le ménage en chantant. Elle zozotte)
Clarisse Trois zeunes tambours s’en revenaient de guerre Trois zeunes tambours s’en revenaient de guerre
Et ri et ran ran plan plan , euh …non…ran plan ta plan… non…tan plan plan . Non, ze recommence. Trois zeunes tambours s’en revenaient de guerre
Trois zeunes tambours s’en revenaient de guerre et ri et ran ran plan plan , ran tan plan … ah , ça m’énerve.
( Entrée d’Auguste, tenue de paysan. Un cahier à la main, qu’il pose sur la table)
Auguste Eh ! Tu me parais bien gaie, ma petite Clarisse. Tout va bien pour toi ?
Clarisse Oh ben. Oh ben, crotte, alors! Ca va, ça va , facile à dire. Ze me rappelle plus la çançon . Ze sais plus comment on dit : ran plan plan plan , plan ran plan plan , ran tan plan. Vous la connaissez , vous la
çançon ? Auguste Tu m’en fais un, toi, de rantanplan. (il chante) Trois jeunes tambours s’en revenaient de guerre
Trois jeunes tambours s’en revenaient de guerre Et ri et ran rapataplan, s’en revenaient de guerre –erre. Je
crois que c’est ça. Bon, tu as fait la vaisselle, c’est bien. Tu as aimé mon pigeon aux petits pois ?
Clarisse Z’adore les petits pois, mais alors le pizon, c’est plein de petits os et ça, z’aime pas.
Auguste Bon , je vais essayer d’élever quelques pigeons sans os, rien que pour toi.
Clarisse Bah ! C’est une blague, hein ? Auguste Ben évidemment!
Clarisse Oh ben. Oh ben, crotte, alors! Dommaze. Ca m’aurait bien plu !
(changeant de sujet) Et le fourraze, il est bien ? Ca a dû pousser, non ?
Avec tout ce qu’est tombé !. Faudrait faucer, peut-être, avant qu’il
repleuve. Z’ai écouté la météo, ça va tomber encore. Auguste (attendri) Oui, ma petite Clarisse. C’est bon de te voir t’intéresser à la
ferme. Je suis ravi que tu te plaises ici.
Clarisse Oh oui, M’sieur Auguste ! Ze me plais beaucoup ici. Z’aime beaucoup les animaux. Ze m’entends bien avec les vaces. Ca y est , ze les connais toutes par leur nom. ( elle caresse la tête de la vache, Manon)
Manon, Walkirie, Tosca, Lakmé et puis toutes les autres. Et pourquoi c’est touzours Manon qui a le droit de regarder dans la salle à manzer ?
Auguste C’est la plus vieille. Elle a droit à ce privilège. Et puis , c’est une confidente. Depuis que ma femme est partie , et avant que tu arrives, c’est à elle que je parlais. Mais , je continue à lui parler, sinon elle va
devenir jalouse et te faire la tête. Hein , Manon ? T’es pas comme ça. Tu l’aimes bien Clarisse. Oui, hein ? J’en étais sûr. ( A Clarisse) Dis-
moi, tu as pris le courrier dans la boîte à lettres?
Clarisse Oui, ze l’ai posé sur la table. ( Auguste examine le courrier, ouvre une
enveloppe) La factrice , ze sais pas ce qui lui arrive, elle a mis une lettre
qu’est pas pour vous. Ze vais la remettre à la poste. Auguste Ah bon ? Et c’est la bonne adresse ?
Clarisse Ben oui (elle sort la lettre de sa poche et lit) Mr Zozeph Reblanc, route
du Paradis,….. (la localité où se joue la pièce) . Zozeph, c’est pas vous,
puisque vous vous appelez Auguste. Auguste Oui, mais c’est moi aussi. En fait , je m’appelle Joseph, mais tout le
monde m’appelle Auguste, et je ne suis pas sûr que d’autres personnes, en dehors de l’administration, sachent que je m’appelle Joseph.
Clarisse Oh ben. Oh ben, crotte, alors! Mais alors pourquoi qu’on vous appelle
Auguste ?
Auguste Ouh ! Ca remonte loin ! Quand j’étais jeune, j’ai fait un numéro de clown
avec un partenaire… et d’ailleurs, ce partenaire, ma petite Clarisse ,
c’était ton père. Tu sais que dans un duo classique de clown, il y a le clown blanc et l’auguste. Moi, j’étais l’auguste et ça m’est resté. On s’appelait les clowns Pipo et Chipo, mais je préfère qu’on m’appelle
Auguste plutôt que Chipo. Qu’est-ce que tu en penses ? Clarisse Ze suis bien d’accord. C’est zoli, Auguste. Et vous savez faire le clown ,
alors. Vous me faites le clown , dites ? Auguste Oh là , c’est tellement vieux ! Je ne saurais plus le faire.
Clarisse Oh si , dites! (elle tape des mains comme une petite fille) Oh oui ! Oh
oui !
Auguste Bon alors. Mais je te préviens, je ne suis certainement plus très drôle. Et puis , c’était surtout pour les enfants. Mais puisque tu y tiens. ( il
prend le chapeau de la vache , le visse sur l’arrière de son crâne et marche de long en large à la manière d’un clown) Alors les p’tits
éléphants, ça va , ça va , ça va ? (on peut imaginer quelques facéties de clown, telles que : visage tourné vers le public, arrivé à un bout de scène, il tourne et se retrouve visage vers le fond de scène) Et où ils
sont passés ? ( il se retourne vers le public) Ah , ils sont là ! Faut pas vous cacher, hein ? ( même manège à l’autre bout de scène) (on peut allonger le numéro) ( Clarisse tape des mains et rit aux éclats, comme
une enfant)
Ouh ! C’est plus de mon âge, je suis trop vieux pour faire le clown. Mais tu te rends compte ? J’ai refait le clown pour toi , alors que je ne l’ai
jamais fait pour ma femme ou ma fille.
Clarisse C’est très rigolo. Z’aurais bien voulu vous voir avec Papa. Et vous avez
fait les clowns longtemps ? Auguste Ton père et moi, nous avons fait le numéro quelques années, (rêveur)
histoire de se faire quelques sous, puis on s’est mariés et le numéro s’est arrêté. Mais nous sommes toujours restés en contact.
Clarisse C’est parce que vous étiez un vieil ami de mon père que vous m’avez employée cez vous ?
Auguste Après l’accident de tes parents , je ne pouvais pas te laisser toute seule. Et puis , je m’en réjouis tous les jours.
( elle lui pose un baiser sur la joue et se sauve en courant)
Clarisse (voix cassée) Merci !
Auguste ( à Manon) Qu’est-ce que tu en penses ? C’est bon qu’elle soit là, non ?
Elle est un peu sosotte qui zozotte, mais un cœur gros comme ça et puis quand on lui a expliqué ce qu’il faut faire, elle ne rechigne pas au
boulot. Je ne regrette pas de l’avoir embauchée. Et puis , comme ça, je peux parler à une autre qu’à toi. Ca te fait des vacances, pas vrai ?
(il reprend le cahier qui est posé sur la table) Ah ! J’en ai fini un autre ,
ce matin, près de l’étang. Je vais te le lire. Tu vas me dire ce que tu en penses. Et puis sans concession, hein ? Comme d’habitude. Bon , tu écoutes ? Hein, je te parle. Tu écoutes ? (il pose son bras sur la tête de
la vache) Ca s’appelle Sensualité. Ca te choque ? Euh ! Bon , je
reverrai, peut-être, le titre.
Douceur arrondie De la croupe alanguie De la colline voisine,
Senteur épicée Le matin exhalée
Après une nuit d’orage, Mélodie enchantée
Des frondaisons habitées D’un bien joyeux ramage,
Saveur de la pèche Qui, dans la bouche qui lèche
Coule et lentement régale,
Contact caressant
Du souffle frémissant D’une brise matinale,
Ô nature sensuelle et câline Tu es éminemment féminine. (il regarde la vache) Ah oui, toi non plus , il ne te plaît pas le dernier
vers . Le mot éminemment, il est pas beau , hein ? Ca fait pédant. (Clarisse revient en reniflant et s’essuyant les yeux) Ma petite Clarisse,
je sais , c’est très dur de perdre des êtres chers. Mais tu vas voir, petit à petit , tu vas la remonter, la pente.
Clarisse C’est pas ça, M’sieur Auguste. C’est que ze vous ai entendu dire le poème. C’est beau, ça m’a toute tourneboulée. C’est vrai que le dernier vers , il est moins zoli. Pourquoi que vous diriez pas « tu es
naturellement féminine » ? C’est plus simple. Auguste (il corrige) Ô nature sensuelle et câline
Tu es naturellement féminine. Mais c’est simple et génial. (Il lui pose une bise sur la joue) Ma petite
Clarisse , je te nomme poète-adjoint.
ACTE I Scène 2
Auguste, Clarisse , Cindy, Ken
( Bruit de voiture, Auguste regarde par la fenêtre )
Auguste Ah non! Voilà les bobos ! ( Cindy très excitée entre agitée comme toujours, suivie de Ken tout crotté. Il a un
ordinateur portable à la main. Il est très mou, façon Droopy) Cindy (parlant très vite) Bonjour Papa. Ah ! Si tu savais ! Ah ! C’est terrible!
C’est terrible! ,Impossible d’arriver jusqu’ici. Quel pays ! Il faut être corbeau pour arriver jusque chez toi. Ah ! Ca n’a pas changé. Toujours aussi minable ce pays. ( à Ken) Mon pauvre chéri, je ne sais pas
pourquoi je t’ai amené ici. On va repartir très vite, va. Vers la civilisation. (Ken opine de la tête. Elle s’arrête net. Un instant de silence)
Auguste ( accablé, parlant lentement) Bonjour , ma fille. Je te rappelle que ce
pays minable est le tien. Tu y es née , tu y as grandi, jusqu’à tes 18 ans.
Cindy 16
Auguste Mais non, 18. Cindy A 16 ans , je suis partie en internat et je ne revenais que pour les week-
ends Auguste Bon , si tu veux. De toutes façons , à l’époque, tu aimais …ou tu faisais
semblant. C’est vrai qu’à l’époque, tu t’appelais Louison. Et là, maintenant, tu t’appelles comment ? La dernière fois, tu étais Britney, il me semble.
Cindy Je m’appelle Cindy
Auguste Ah ! Pourquoi pas ? Et le tas de boue qui salit le carrelage, il s’appelle comment ?
Cindy Je te présente Ken Auguste ( au public) J’aurais dû y penser, mais à première vue , j’aurais parié
sur Droopy.
Cindy Ken est trader. Il est très occupé. Il a trouvé un moment pour
m’accompagner. Auguste Et un …trader…, ça a forcément un ordinateur portable à la main et ça
se roule dans la boue dès que ça trouve une flaque. Clarisse Hi, hi, hi. On dirait Hector ?
Ken Qui est Hector ?
Auguste Le verrat. Ken Je suis ravi . Et qu’est-ce que c’est un verrat ?
Clarisse C’est un gros cochon qu’arrête pas de monter sur les truies. Sinon , il
se roule dans la bouillasse.
Cindy Mais si je ne me trompe, c’est Zézette. Qu’est-ce qu’elle fait ici ?
Auguste Elle s’appelle Clarisse. Je l’ai embauchée à la mort de ses parents. C’est mon employée.
Cindy Oh ! Désolée Zez....euh Clarisse. Je ne savais pas que tes parents étaient décédés. Je les ai bien connus.
Clarisse Sniff. Merci Louis…euh …Cindy. Cindy ( de nouveau survoltée) Sinon, de la bouillasse , il y en a plein , en ce
moment dans le coin.
Auguste Ben, il a plu, enfin. Cindy ( agitée, parlant vite) Bon j’te raconte. Alors Ken, il suivait la route au
GPS. Et le GPS, il a pas repéré que dans un bas-fond, un ruisseau a débordé.
Auguste Et toi, tu ne l’as pas vu non plus. Cindy Non, moi, je lisais. Tu sais bien, je lisais toujours quand j’étais petite. Là
maintenant, je lis un Steve Bevey. C’est un roman érotérique… euh non ésotérique. Ca parle des Templiers. C’est super ! J’te raconte. Alors y a un chevalier…
Auguste Et si tu gardais les Templiers pour une autre fois, peut-être qu’on
arriverait à s’y retrouver. Et si tu laissais Ken raconter ses problèmes
avec le ruisseau, ça te permettrait de reprendre ton souffle. Ken (l’air très las. Il parle lentement , par opposition à Cindy) Ouais, eh bé, il
y avait bien 40 à 50 cm d’eau. Il a dû vachement pleuvoir. Alors…alors Je me suis engagé dans le gué . Ouais, eh bé…l’eau, elle montait de plus en plus le long des portières et alors…alors, le 4x4 …il patinait(il
s’arrête , se laisse tomber sur une chaise).
Auguste (moqueur) Allez-y , je suis tout ouïe.
Ken Alors…alors, je suis descendu dans l’eau.
Auguste Ah !Le suspense est insoutenable. Ken Alors , je suis allé derrière la voiture pour pousser
Auguste C’est mieux !
Ken Cindy s’est mise au volant et alors…alors… Auguste ( accroché à la table, goguenard) Oh ! C’est atroce, je n’y tiens plus !
Ken Alors, Cindy a accéléré et alors…alors… les roues ont projeté de la
boue sur ma figure. J’y voyais plus et alors…alors…
Auguste Hitchcock peut aller se rhabiller.
Ken Quand la voiture a avancé, je me suis étalé dans la boue , pardi.
Auguste C’est ce qu’on appelle la chute de l’histoire. Passionnant. Mais , dites -moi, quelque chose m’intrigue. Ils mettent toujours en place des déviations , d’habitude.
Ken Ah ! Je sais pas , je me fie au GPS.
Auguste Et c’est quoi un GPS ? Ken (ravi d’expliquer) C’est un repérage de la voiture par satellite. Le
satellite suit votre voiture. Il vous repère sur une carte et vous indique le chemin à suivre avec une précision extraordinaire. Il vous suffit de lui indiquer votre destination.
Auguste (moqueur) Ah ! Il ne devine pas où vous voulez aller, ah , il ne devine
pas quand même ! Alors , il y a un tas de ferraille qui me suit du ciel,
qui a un œil sur moi et qui sait tout ce que je fais. Ken N’exagérons rien. Si vous n’avez pas de système GPS dans votre
pantalon, il n’en sait rien. Auguste Ah ! Il sait pas ! Ah, il sait pas. Ca fait rien, sentir un œil qui me regarde
en permanence…sans que je le voie , ça me mettrait vachement de mauvaise humeur. Et, évidemment, votre GPS ne vous a pas dit que vous alliez vous étaler dans la bouillasse. Bon, Clarisse, conduis,
euh…Ken à la salle de bain et regarde dans mon armoire s’il peut trouver quelques vêtements à sa taille, même s’ils ne sont pas à son goût.
Ken Je vais chercher les valises. Je prendrai des vêtements à moi
Auguste Si je comprends bien , nous n’avons pas les mêmes goûts, question fringues.
Cindy Ne le prends pas mal, mon p’tit Papa, mais t’es un peu vioque de la loque.
Auguste Ah ! Je suis vioque de la loque ! Cindy Ben oui ! T’es pas loqué très jeuns, quoi.
Auguste Je n’avais pas cette prétention, mais comme ça , c’est dit.
Clarisse Ze vais avec vous, M’sieur Ken. Ze vais vous aider à porter les valises et de là , ze vous conduirai à la salle de bain.
( ils sortent) Auguste ( s’asseyant) Bon, et toi, ma Louison…Je ne t’appellerai pas Cindy,
désolé…donc , toi, qu’est-ce que tu deviens ? Tu sais ,le vioque de la
loque, eh ben, il est content que tu sois venue le voir. Louison ou Britney ou Cindy, tu me manques.
Cindy (s’asseyant sur ses genoux) Mon p’tit Papa, je voudrais venir plus
souvent, mais je suis très occupée. Presque tous les soirs, nous sommes invités ou nous invitons des amis, (elle compte sur ses doigts)
des amis du cercle littéraire, des amis peintres, des amis de la salle de muscu, des amis du boulot de Ken, des amis…
Auguste Vous avez beaucoup d’amis. Et je suppose que vous…euh virevoltez du boulot aux réceptions mondaines, des séances de muscu aux salons littéraires, du coaching au … comment on dit déjà…J’ai vu ça
dans le journal…On ne dit plus « je vais chez l’esthéticienne » , on dit je vais me faire faire un …ah oui.. un relooking.
Cindy Mais c’est pas pareil ! Je t’explique. Auguste TU M’EXPLIQUES RIEN ! Non mais , dis moi, est-ce que tes amis
savent à quoi ressemble le soleil quand il se lève derrière un bosquet de châtaigniers, à quoi sent une prairie qui sèche ses dernières gouttes de rosée ? Est-ce qu’ils connaissent le goût du lait qu’on vient de
traire ? Est-ce qu’ils connaissent … Cindy Non, ils ne connaissent pas! Mais il n’y a pas que ça dans la vie. Est-ce
que tu connais , toi, le bonheur d’assister à une bonne pièce de théâtre, de pouvoir communiquer avec ses amis par un simple petit mail, pour savoir comment ils vont ? Est-ce que tu n’as pas envie de t’habiller
avec des vêtements un peu plus élégants qu’un pantalon de velours côtelé et des bottes ? Est-ce que tu n’as pas envie que ta salle à manger sente autre chose que des relents d’étable ?
Auguste Ma chérie , si tu apprécies tout ça, je veux dire ta vie trépidante, faite
de communication, de contact, si tu l’apprécies réellement et pas pour
faire comme les autres, ou pour jouer un rôle, je suis ravi… Mais tout de même , avoir besoin d’une espèce d’appareil qui, du haut des nuages te dit « si tu veux aller là, passe par là, mais moi les ruisseaux
qui débordent , je les vois pas », alors là , moi je dis , ça , c’est de l’assistanat.
Cindy Mon pauvre Papa, ne me dis pas que tu en es encore à la boussole pour voyager.
Auguste Je ne suis pas complètement arriéré, quand même. Mais , bon , je m’aperçois que si je veux apprécier les choses que j’aime , il faut que je reste sur mon île.
Cindy ( câline , elle s’assied sur les genoux de son père) Reste sur ton île. Je
viendrai t’y voir. ( et elle est repartie) Mais en attendant, il faut que j’aille
voir si Ken arrive à s’habiller, lui que tu trouves assisté.
Auguste Ca m’épate que tu sois avec lui. Mais qu’est-ce que tu lui trouves ?Mou comme il est, je ne comprends pas que tu le supportes.
Cindy Je l’aime et puis il me calme. Auguste Ah !eh ben , ça saute pas aux yeux. Qu’est-ce que ça serait si tu étais
célibataire ? Tu sais pas ? Eh ben , tu devrais prendre 2 ou 3 amants de la même portée, tu deviendrais peut-être vivable.
Cindy C’est pas sympa, ce que tu dis. Je fais des efforts , tu sais, mais c’est plus fort que moi, il faut que ça aille vite.
Auguste Et ton Ken, plus tu accélères , plus il freine. Ca va finir par faire péter la mécanique.
Cindy ( elle tourne en rond et ne tient pas en place) Bon, j’y vais, il va pas y
arriver.
Auguste Mais si ! Son GPS va lui dénicher une chemise propre dans sa valise. T’inquiète pas ( elle sort en haussant les épaules)
Le GPS…( il secoue la tête, désespéré) En attendant, pour moi, c’est
foutu. Maintenant, quand je vais comme tous les soirs pisser face à la Lune, je ne vais pas pouvoir m’empêcher de chercher, dans le ciel, cette espèce de satellite qui va repérer si j’ai des problèmes de
prostate. .
ACTE I , Scène 3
Auguste, Irène, puis Cindy et Ken
( Irène entre brutalement, apparemment retenue par le bas de sa jupe. Elle est
habillée très classe , tailleur et talons hauts. Elle rabat très vite la porte.
Irène Sales bêtes ! Mais lâchez-moi ! C’est pas vrai ! Ah ! Ca n’a pas changé
ici. Mais lâche-moi, j’te dis ! C’est dingue ! Mais elles sont folles ces bestioles !
Auguste Tiens donc !Pour un retour, c’est un retour remarqué …au moins aux yeux du troupeau d’oies. Tu sais, ce sont un peu les oies du Capitole. Elles préviennent toujours quand quelqu’un arrive, du moins quand
elles sont dans le secteur. Et puis , il faut être à leur goût, sinon gare aux mollets. Tu vois, ton tailleur et tes escarpins, à mon avis , c’est un peu le torchon rouge sur le taureau, ça les excite.
Irène Je te préviens , la prochaine fois , je vais te les taguer, façon lacrymo,
ça va être vite fait.
Auguste Ca va pas , non ? Tu vas me gâter les foies gras !
Irène Oh ! et puis je m’habille comme je veux et tu n’as plus ton mot à dire à ce sujet. Bonjour quand même.
Auguste Ouh ! Et c’est pour m’agresser que tu es venue affronter les horreurs et
les périls d’une ferme ?
Irène Ouais . Eh bé , justement, tu la fermes !
Auguste Ah bé…Ah bé t’as pas changé ! Toujours aussi hargneuse quand on te caresse pas dans le sens du poil.
Irène (subitement enjôleuse) Ah par contre, quand tu me caressais dans le
sens du poil, j’appréciais beaucoup ! ( de nouveau violente) Mais ça
n’arrivait pas tous les jours ! Tu avais parfois autant de douceur que
quand tu étrilles tes vaches pour leur faire tomber la merde ! Auguste ( brutalement affaissé. Au public) Et voilà ! Ah ! Ca dure pas longtemps,
les accalmies. La tempête a tôt fait de revenir. Je connais. Pour l’instant, ça couve. Après , c’est l’alerte météo. Puis, la tornade arrive. Comme vous êtes là, on n’en arrivera peut-être pas au tsunami.
Quoique ! Non, je rigole ! Il y en a qui avaient déjà quitté leur siège pour filer vers la sortie !
Irène ( essayant de trouver un ton conciliant) Bon , écoute Auguste. Je
regrette que nous nous soyons quittés en mauvais termes.
Auguste Oh ! Mais non ! TU…m’as quitté en mauvais termes. TU n’as jamais aimé la vie à la ferme. C’est ton droit. Nous nous sommes trompés , voilà tout. Nous nous sommes aimés …au début. Après , tu as fait
semblant. Moi, je t’ai toujours aimée, sincèrement. Mais c’est toi qui avais raison , nous n’étions pas faits l’un pour l’autre.
Irène Je dois reconnaître que, financièrement, tu ne m’as jamais laissée tomber. Sur le plan matériel, tu as été parfait.
Auguste Merci. Et ça te fait quoi de revenir ici, 15 ans , 3 mois et 17 jours après notre rupture ?
Irène Ah bon ? Tu tiens un compte aussi précis ? Auguste C’est marqué au fer rouge dans ma mémoire .
Irène Ca me fait quoi de revenir ici ? Tu tiens vraiment à le savoir ? Une
oppression sur la poitrine. Je me sens mal à la ferme. Je m’y suis
toujours sentie mal. Je ne supporte pas la campagne, les animaux, les odeurs , la tête de la vache qui m’espionne jusque dans la salle à manger, l’obligation de chausser des bottes presque tous les jours ,
etc…j’en ai comme ça toute une liste .
Auguste C’est vrai… Tout ça est incompatible avec l’élégance, les escarpins et les petites robes . Mais le calme, la plénitude, la liberté de faire ce qu’on veut quand on veut, sans avoir de compte à rendre, la joie
d’apprécier des choses qui ont du GOUT, du goût à regarder, à sentir, à toucher, à entendre et à savourer. Ca vaut tous les délices de la ville, non ?
Irène Ah ! Parce que tu trouves que tu fais, toujours, ce que tu veux, quand tu
veux. Parles-en à tes vaches, tiens ! Dis-leur , quand elles ont le pis
tendu comme une baudruche, qu’elles aillent se faire voir, ou mieux qu’elles s’arrangent entre elles. C’est vrai, ça ! Tiens , tu devrais organiser des stages de formation pour vaches, pour leur apprendre à
se traire l’une l’autre. Je le vois bien ça. Ca va ? J’te fais pas mal , Manon ? Fais attention, tu m’irrites les mamelles avec tes sabots.
Auguste Mais tu dis vraiment n’importe quoi, hein ? Irène Je suis d’accord. Mais ne me dis pas que tu fais ce que tu veux quand
tu veux. Ne me dis pas que, quand une vache est prête à mettre bas, tu appelles le 115, pour qu’on l’emmène à la maternité. Non, tu passes la nuit à l’étable.
Auguste C’est juste. D’ailleurs , cette nuit , je crois que je vais y avoir droit.
Irène Ne compte pas sur moi pour jouer les sages-femmes. J’ai déjà donné et je n’en garde pas un souvenir aussi attendri qu’il le faudrait pour une naissance. Au fait, pour la layette, je la fais en bleu ou en rose ?
Auguste ( au public) Elle est intenable, hein ? J’aurais jamais cru que tu étais
dégoûtée à ce point-là de la vie à la campagne.
Irène Dégoûtée ? C’est rien de le dire.
Auguste J’ai vu que tu n’as pas refait ta vie. Tu as repris ton nom de jeune fille. J’ai toujours aimé : Irène Dépommes.( au public) Irène Dépommes…la
reine des pommes… Ca va , on suit ? Non, mais , c’est au cas où ça
passerait inaperçu. Enfin, ça sonne mieux que Madame Auguste Reblanc. ( au public) Auguste Reblanc…Auguste Renoir. Ca va
toujours ? Parce que y en a, il vaut mieux leur expliquer en détail.
Irène ( au public) Non, mais , c’est pas vrai ! Mais quel cabot ! (irritée) Non, je
n’ai pas refait ma vie , comme tu dis. Tu sais , les occases, pour les
mecs , ça vaut pas les premières mains. T’as beau te payer une révision complète, vidange, graissage, et changement de pneus, tu trompes pas les connaisseurs sur la marchandise, même si t’astiques la carrosserie ( en faisant gonfler les cheveux). En plus , j’ai des problèmes avec les cardans en ce moment. Quant aux air-bags , c’est
plus ce que c’était. Mais toi, non plus, tu n’as pas refait ta vie, il me semble. ( Clarisse entre) Oh ! Mais je me trompe , peut-être. Ah ! Mais
c’est Zézette !
Auguste Mais, c’est mon employée ! Et puis , c’est pas Zézette ! Elle s’appelle
Clarisse. Oui, je sais , mon employée a un nom de vache et mes
vaches ont des noms d’opéras. Et alors , ça te dérange ? Irène Ouh ! Mais ne monte pas sur tes grands chevaux ! Oh ! Eh ben dis
donc, il faut pas toucher à ta Zézette…( sourire en coin ) T’as pas
toujours été comme ça. De toutes façons , ça ne me regarde pas.
Auguste Ah ! T’adores ça, hein , l’humour au dessous de la ceinture ! Irène Il me semble que tu ne détestes pas non plus.
Auguste Oui, mais pas devant des oreilles chastes. (Clarisse s’enfuit
précipitamment , les mains sur la tête) Ca y est , tu l’as fait fuir, c’est
malin. De toutes façons , tu as raison , ça ne te regarde pas. Et avec tout ça, tu venais pourquoi, finalement ?
Irène Oui, hein, finalement, on finit par l’oublier. Voilà, en tant qu’agent immobilier, j’ai été contactée par quelqu’un de très riche qui cherche à faire un parc de loisirs dans la région. Alors , j’ai pensé à ta propriété.
J’ai pensé que tu ne te faisais plus jeune pour exploiter la ferme et que si tu voulais te retirer , ça te ferait une sacrée rentrée d’argent.
Auguste ( au public) Et toi une sacrée com. ( à Irène, sourire forcé) C’est ça !
C’est pour mon bien. C’est de mes vieux jours que tu te préoccupes. (puis très en colère) Non , mais ça va pas, non ?Moi, me séparer de ma
ferme ? Mais je veux y crever, tu entends ? Je veux y crever ! Si j’arrive pas à l’exploiter tout seul, je prendrai des ouvriers agricoles. Déjà, Clarisse est très efficace. Ah ! Elle a eu vite fait , elle, de tout connaître
de la ferme, même s’il lui reste des choses à apprendre. Elle n’a peut-être pas fait des études d’ingénieur agronome, mais elle arrive très bien à remplir son rôle, ELLE.
Irène Ah ! Ca m’aurait étonnée. J’aurais été surprise par le contraire. Bon, de
toutes façons, cette personne très riche va arriver (elle regarde sa
montre) . Elle aurait déjà dû arriver. Je lui ai donné rendez-vous ici.
Auguste Eh ben, si elle compte sur le satellite pour arriver ici, elle pourrait avoir
des surprises. ( Clarisse a enlevé depuis l’étable la tête de la vache, meuglements de vaches : elles
sortent de l’étable . Irène hoche la tête , agacée)
Irène Qu’est-ce que tu veux dire ?
Auguste Oh rien ! Tiens , ça me fait penser que ta fille est là. Irène Non ! Elle est venue te voir ? Ah ! ça m’épate.
Auguste Moi aussi. D’ailleurs, je ne sais pas pourquoi elle est venue. Elle a amené avec elle une espèce d’ordinateur à deux pattes, qui est incapable de voir qu’une route est barrée lorsqu’il est scotché à son
GPS. Irène J’comprends rien.
( Cindy et Ken arrivent. Ken , tenue ridicule, tee-shirt fluo et collant, l’ordinateur à la
main et l’écouteur de son téléphone à l’oreille.)
Auguste Ah tiens ! Quand on parle du...Pfff!!! ( il s’esclaffe devant la tenue de
Ken. Meuglement) Ken , casaque jaune, toque verte. Arrête de rire,
Manon. Ken Vous avez une vache qui rit , vous !
Cindy Maman ! Quel bon vent t’amène ?
Irène Je peux te poser la même question. Cindy Maman, je te présente Ken. Il est trader et c’est mon chéri.
Irène C’est ton chéri ET il est trader, ou c’est ton chéri PARCE QU’IL est
trader ?
Cindy Qu’est-ce tu veux dire ?
Irène Les traders , ça gagne beaucoup d’argent, non ? Cindy Et tu veux dire que je suis vérole, non…, comment on dit déjà ?
rénale…, non…pénale… Auguste Vénale ! Près de tes sous , quoi !
Cindy Mais pas du tout ! C’est mon chéri, point ! ( elle entre dans une danse amoureuse autour de Ken, se collant à lui, le caressant
avec des grognements de fauve, faisant mine de le griffer avec ses ongles ou de lui mordre le cou. Auguste et Irène la regardent , apitoyés)
Auguste Je t’avais dit qu’il fallait pas mettre de cognac dans son biberon avant 9 mois.
( Cindy se jette à quatre pattes , au pied de Ken en grognant)
Irène Elle a dû manger une antilope daubée.
Auguste Ou qui avait brouté du cannabis. (Ken pose son pied sur le dos de Cindy comme un dompteur vainqueur)
Irène Non mais , ça m’inquiète. Je devrais l’emmener chez le médecin.
Auguste Au point où on en est, essaye le vétérinaire. Irène ( à Cindy) Arrête de le chauffer, il va fondre. Déjà qu’il fait chaud avec
les projecteurs. ( Ken s’est de nouveau affalé sur lui même). Et sa tenue , tu l’as trouvée au surplus du Jockey-Club ? ( elle s’approche de
Ken et tire énergiquement son tee-shirt vers le bas , comme pour le lui rallonger. Ken s’affaisse comme si ses jambes ne le portaient pas) Dis
donc, il faudra lui mettre un tuteur, surtout qu’ils annoncent du vent pour demain ( elle le redresse avec une claque sur les fesses)
Auguste ( à Ken) Vous voyez , quoiqu’elle dise , elle a toujours adoré flatter le
cul des vaches. Bon , à propos, j’ai vu que Clarisse a sorti les vaches. Je vais la rejoindre. De toutes façons, vous devez avoir plein de choses à vous raconter.
(il sort)
ACTE I, Scène 4
Irène, Cindy et Ken
(dialogue rapide)
Cindy Mais dis-moi, ça m’intrigue, tu reviens voir Papa ?
Irène En tant qu’agent immobilier.
Cindy Ah ! Je comprends mieux. Irène J’avais une excellente affaire à lui proposer.
Ken Ah ! Ah ! Ca m’intéresse!
Irène Il pourrait vendre la propriété à une très riche cliente et en tirer un très bon prix.
Cindy Super ! Irène Mais il ne veut pas en entendre parler.
Ken Ca ne m’étonne pas
Irène Pourquoi dites-vous ça ? Ken Il a l’air très borné.
Irène Oh ! Vous , ça va, hein. C’est de mon ex-mari que vous parlez.
Ken Oh ! Pardon !
Irène Ceci dit , vous avez raison. Il est borné. Non, mais c’est vrai ? Vous vous appelez Ken ?
Ken Ben , pas vraiment.
Irène Je préfère ( à Cindy) Et toi, je suppose que tu ne t’appelles plus
Louison. Cindy Trop ringard.
Irène C’est ton père qui a choisi ton prénom.
Ken Ca ne m’étonne pas Irène Vous ne savez dire que ça ? Alors ? Tu t’appelles pas Barbie , quand
même, rassure-moi ! Cindy Je m’appelle Cindy
Irène Pas pire que Louison( à Ken) Et donc, vous êtes trader et, comme je le
disais, vous gagnez beaucoup d’argent.
Ken Bof !
Irène Tous les traders gagnent des sommes folles , paraît-il. Ken Faut se battre.
Irène (étonnée) Ah bon ! Vous vous battez, vous ?
Ken Ben oui, pourquoi ? Irène J’sais pas , vous avez pas l’air. Sinon, vous venez pourquoi ?
Cindy Ken veut proposer à Papa quelques opérations pour rentabiliser son
patrimoine.
Irène Ca serait pas un peu intéressé, non ?
Cindy Ouais ! Eh ben , alors là , tu peux parler. Si tu avais pu conclure pour ta riche cliente, ta com n’aurait pas été vilaine, je crois.
Ken De toutes façons, j’ai d’autres idées à soumettre à Auguste. Je voudrais l’aider à moderniser sa ferme.
Irène Vous avez dit moderniser ? Attention, ici, c’est plus qu’un gros mot, c’est un blasphème.
Cindy Mais Ken a raison. Il y a plein de choses à faire.
Ken Il faut informatiser, Cindy Robotiser,
Ken Rationaliser,
Cindy Récupérer la chaleur des vaches, Ken Les déchets.
Irène Pouh, pouh, pouh ! Parlez ce langage à Auguste et il claque de crise
cardiaque. S’il ne meurt pas tout de suite, il vous fout dehors par la
peau des fesses. Ken Ah bon ? Vous croyez ? C’est à ce point là ?
Irène Essayez !
Ken Ben , je vais tenter le coup. ( le Smartphone de Cindy sonne)
Cindy C’est un message. Ma copine Carla.
Ken Carla ?
Cindy Un ancien mannequin. A une époque , elle s’est lancée dans la
chanson.
Irène Elle se serait pas un peu recasée dans le monde politique, par hasard ?
Cindy Non, elle tient un restaurant de pâtes italiennes. Le monde politique, ça risque pas. Mince comme un spaghetti (dit avec l’accent italien) , mais creuse( elle se touche le front) comme un penne regate ( accent italien)
Irène T’es sûre que c’est pas la même ? Et qu’est-ce qu’il lui arrive , à ta
Carla ?
Cindy ( regard vers le Smartphone) Elle est enceinte.
Irène Et la voilà farcie comme un ravioli. Cindy ( elle corrige en mettant l’accent italien) Ravioli ! Si tu le dis avec
l’accent italien, ça a tout de suite plus de goût. Irène T’inquiète ! J’allais rajouter du parmiggiano. ( très fort accent italien) !
Sinon, elle va bien Carla ?
Cindy Ca a l’air. Tiens , regarde, elle a mis une photo avec son mari. Irène Il est bien petit ! Ils auraient pu éviter de se mettre devant une pub des
camemberts Président, tout de même. (elle regarde sa montre) Bon , il
faut que j’y aille. Ma cliente a dû se perdre. Il faut que j’essaie de la récupérer. ( elle sort)( la vache a repris sa place)
( Ken ouvre son ordinateur portable et s’installe à la table, Cindy allume son Smartphone et met de la musique disco. Elle fait lever Ken qui souffle et veut l’entraîner dans sa danse. Lui grogne, résiste, se
dandine mollement , son ordinateur ouvert à la main. Il finit par le poser. Contraste entre Cindy qui danse sur un rythme endiablé et Ken très lourd et mou. Il s’arrête et revient à son ordinateur. La musique baisse
de volume progressivement, en même temps que la danse de Cindy se calme )
Ken Evidemment , j’aurais dû m’en douter . Il n’y a pas de WIFI , ici. Heureusement que j’ai mon Smartphone. ( il sort son Smartphone) Tu
avoueras que c’est vachement arriéré , ici.
Cindy Vachement est le mot juste.
Ken Je sais pas comment tu as pu grandir ici, sans internet, sans Smartphone. ( il regarde autour de lui) Pas de télé , non plus !
(ils tapent sur leurs appareils tout en parlant)
Cindy Si, il y avait la télé. Mes parents l’avaient achetée pour que je ne me sente pas défavorisée par rapport à mes copines. Mon père ne l’a pas
remplacée quand elle est tombée en panne après le départ de ma mère. La télé n’a plus dû se sentir utile , alors elle a préféré se laisser mourir .
Ken Question distraction , ici, c’est mortel ! Y a de quoi déprimer.
Cindy Tu as l’impression de voir mon père déprimer ? Ken Mais pas le moindre clavier, pas le moindre logiciel. Mais enfin , il n’a
pas Facebook ! A qui il peut bien parler, ton père ?Les vaches , c’est un peu limité, quand même ! Et Clarisse, elle est plus apte à astiquer les meubles qu’à disserter de l’influence sur le CAC40 des risques de
conflit entre le Banga et le Touchouristan. Cindy C’est sûr que les risques de conflit entre le Banga et le Touchouristan
devraient passionner mon père. Autant que moi ,d’ailleurs. ( un temps de silence)
Ken Dis-moi, j’ai une question qui me titille. Cindy Dis vite. Tu sais bien que quand une question te titille, tu as des
aigreurs d’estomac.
Ken Tu es sûre que Clarisse ne lui astique que les meubles ? Cindy Ah ! C’est fin ! Les hommes de 60 ans ne sautent pas tous sur les
femmes de ménage ! Mon père n’est pas comme ça. Je crois qu’il a plus ou moins recueilli Clarisse quand ses parents sont morts en même temps.
Ken Ouais , bon d’accord ! ( ils se replongent sur leurs Smartphone. Après un instant de silence où ils tapent sur
leurs appareils)
Cindy et Ken (ensemble) Ah ! Quand même ! Et bien bravo ! (l’un à l’autre et ensemble) Qu’est-ce qu’il y a ?
Ken Je suis allé sur tes mails. Cindy T’es gonflé ! Mais comment t’as fait? T’as pas mon code secret.
Ken Je me gêne. Je suis capable de casser presque tous les codes.
Cindy C’est bien ma veine . Je vis avec un génie de l’informatique. Et alors ? De toutes façons , j’ai rien à cacher .
Ken Ah ? Tu comptais donc me dire ce que tu avais commandé sur internet. Cindy Et qu’est-ce que j’ai commandé ?
Ken Tu ne te rappelles pas , peut-être.
Cindy Ben, j’vois pas. Ken Un godemiché, non , ça te dit rien ?
Cindy ( aparté)Oh merde ! ( à Ken) Un quoi ?
Ken Un godemiché !!! Cindy C’est quoi ça ?
Ken Me prends pas pour une bille. Parce que , si tu me trouves
sexuellement déficient, intellectuellement, ça peut encore aller.
Cindy Bon, c’est peut-être quelqu’un qui a piraté ma boîte mail. Tu l’as bien
fait, toi. Et puis parle doucement , la vache nous écoute.
Ken Bon , ça va hein ? Dis-moi plutôt que je ne te suffis plus.
Cindy Ben oui ! Ben , tu sais, quand tu passes tes soirées avec ton ordinateur, ben , moi, je m’ennuie. Et puis , même quand t’es là, eh
ben, c’est plutôt mou. Oh ! Et puis t’as rien à dire, parce que moi aussi , je sais des choses sur toi.
Ken Des choses sur moi ? Cindy Ouais, Monsieur. Ouais , t’as rien à dire. Ou plutôt si .Tu vas me dire ce
que tu faisais chez une certaine Cora, avant hier à 17heures 30 au lieu d’être à ta boîte.
Ken Mais, mais…Comment tu sais ça ? Chut , la vache ! Cindy M’en fous. J’ai une copine dans la police, préposée aux caméras de
surveillance . Comme elle n’a rien à me refuser, et qu’elle est surtout ravie de me faire des vacheries, elle s’est empressée de me prévenir qu’elle t’avait vu sur un écran. Tu rentrais dans la maison de cette
Cora. Elle vient par mail de me confirmer la date et l’heure et surtout de m’informer que cette Cora est une masseuse , d’un genre particulier qui reçoit à domicile. Ca , c’est pour t’éviter de me dire que tu avais besoin
de massage pour ton mal au dos. Alors quand tu me dis que tu ne me suffis plus , je peux te retourner le compliment. Moi, au moins , mon masseur, il n’est que vibro.
Ken Chut , la vache ! Ah ! Mais attends ! Puisqu’on en est aux révélations...
Je viens de vérifier mes points de permis. Je viens de perdre deux fois
2 points des jours où tu avais la voiture. Tu as été flashée à 150km/h et à 160 km/h sur autoroute. Les radars , ma chère, ça existe !
Cindy Oh ! ( elle tourne les talons et sort en colère)
Ken Attends , ma chérie. Je ne voulais pas. Ne te fâche pas. Non, non. Tu
prendras la voiture aussi souvent que tu veux ( en sortant) A 150 km/h
si tu veux. Ah ! non, tu pourrais avoir un accident .
ACTE I Scène 5
Auguste, Cindy et Ken
( Auguste revient) Auguste ( à la vache) Ma pauvre Manon, non seulement tu as une mammite qui
t’empêche de sortir avec les copines, mais en plus , il faut que tu entendes d’horribles choses qui ont dû choquer tes oreilles. Hein ? Moi aussi , je les ai entendues. Et je crois que j’aurais préféré ne pas les
entendre. Non mais, tu imagines ce qu’on arrive à découvrir les uns sur les autres. Les gens sont fous. Ils passent leur temps à se SURVEILLER ! Je viens d’apprendre qu’il y a un satellite qui me
surveille 24 heures sur 24. Remarque, j’en sais rien, j’ai pas tout compris. Mais , en plus, on peut surveiller avec son ordinateur les
achats que fait l’autre. On te surveille avec des caméras de surveillance. On surveille ta vitesse avec des radars. Et quand je pense qu’Irène avait l’impression que tu la surveillais dans la salle à manger.
Oui, ma petite Manon, on est dans la civilisation de la surveillance. Fini l’incognito. Tout le monde sait tout de tout le monde. Et quand les journaux ne savent pas , ils inventent . Et bien , tu vois , quand je suis
au fond des prés, au bord de l’étang, en compagnie de mon troupeau de vaches, eh bien , je me sens libre de mes mouvements… Ouais, sauf que maintenant, je sais qu’un tas de ferraille me surveille d’en
haut. (Cindy et Ken reviennent en se poursuivant, très gamins et rient en se faisant des
chatouilles)
Cindy Ah ! Papa tu es là !
Auguste Eh oui ! C’est surprenant, hein ? Eh bien , je vois que quoi que tu en
dises , la campagne a des vertus apaisantes. Votre dispute n’a pas
duré bien longtemps. Ken ( reprend son souffle) Ah ! Est-ce que je peux parler sérieusement avec
vous ? Auguste C’est vous qui chatouillez ma fille, pas moi. En ce qui me concerne , je
suis prêt à vous écouter sérieusement. Ken Ben voilà. La conjoncture de crise actuelle fait que l’économie mondiale
est en pleine interrogation. Les marchés sont extrêmement hésitants. Donc les bourses mondiales sont au plus bas.
Auguste Ca ne m’étonne pas, les miennes aussi. Ken (il continue, ignorant l’interruption très absorbé par son sujet) Le
moment est excellent pour investir dans des portefeuilles et introduire des liquidités.
Auguste (au public) Où est-ce qu’il veut que je les introduise mes liquidités ?
Ken Bien sûr , il faut introduire dans du solide.
Auguste Ca va pas être facile, vu l’état actuel de la chose.
Ken Si je vous conseille bien , les liquidités ne manqueront pas de faire des petits.
Auguste Eh ben , c’est pas gagné, vu que mes liquidités, elles sont pas loin d’atteindre la date de péremption.
Ken Qu’est-ce que vous diriez d’acheter de l’action dans des sociétés que je connais et qui vont repartir dans les semaines qui viennent à une allure vertigineuse. Vraiment de la bonne action.
Auguste C’est pas parce que j’ai été boy-scout que je m’y connais en bonne
action. Alors, euh…comment déjà ? Ah oui, Ken , désolé, mais c’est
non. Je n’introduis pas mes liquidités …les rares qui me restent. Cindy ( aparté, à Ken ) Essaie autre chose. Attends , laisse moi faire. ( à
Auguste) Papa, Ken avait d’autres idées pour améliorer ta vie à la
ferme. Pour le moment , tu es en pleine forme… Bien que…Je te trouve un peu les yeux cernés. Fais voir un peu. ( elle lui prend le visage dans
les mains) Ah ! Quand même , un peu pâlichon , hein ? Il faudrait que
tu te ménages. Alors, Ken avait pensé t’aider à moderniser un peu la ferme (Auguste se laisse tomber sur une chaise) de façon à améliorer
le rendement, gagner plus en travaillant moins. Ken Je vous propose de monter une société avec moi et nous pourrions
faire des merveilles. Cindy Oh oui, Papa. Mon Ken, c’est une merveille de la finance et pour la com
et le marketing , c’est un champion ! Auguste Ah oui ?
Ken On pourrait augmenter la production de fourrage par des apports
d’engrais .
Auguste Je vous ai pas attendu.
Ken Ouais, mais , on pourrait les optimiser informatiquement, et on pourrait choisir des semences améliorées génétiquement. ( descente d’Auguste sur sa chaise) On pourrait robotiser l’alimentation des vaches, ainsi que
la traite. (il s’anime et n’est plus du tout endormi) On pourrait vendre le
lait sur internet et créer un site. J’ai même le nom : Auguste le crémier.com.
Cindy Tu as vu, Papa, il est plein d’idées, mon Ken. Il est formidable( elle le
couvre de petits baisers)
Auguste (voix d’outre-tombe) Je pourrais enregistrer sur magnétophone ce que
je raconte habituellement à mes vaches sur fond musical et le leur
diffuser en boucle dans l’étable et sur des baladeurs que je leur accrocherais autour du cou, non ?
Ken Ah ! Voilà une excellente idée que l’on pourrait développer et vendre aux autres fermiers. Et puis , on pourrait diversifier les produits, fabriquer du fromage ( nouvelle descente d’Auguste sur sa chaise) et
créer un laboratoire aux normes européennes d’hygiène. On pourrait supprimer des intermédiaires. En faisant manger des tablettes de
chocolat à une ou deux vaches, on pourrait faire directement du lait cacaoté.
Cindy ( elle tape des mains) Oh oui ! Oh oui !
Auguste C’est peut-être un champion de la com et du marketing, mais dans le
domaine de la connerie , tu as trouvé Mozart ! Tu as le chic pour trouver des vedettes. Le précédent, il en avait un peu dans la caboche, mais, physiquement…ah ! il avait tout ce qu’il fallait, tête, bras et
jambes, mais c’était un peu en désordre. Je ne l’ai vu qu’habillé, mais , à poil, il devait se rapprocher d’un Picasso ( il mime le nez de travers, yeux sur les fesses)
Cindy ( elle câline Ken) Oh ! Tu exagères.
Auguste A peine. (brutalement en colère, criant) Non mais, vous vous foutez
pas de ma tronche, des fois. Vous m’avez bien regardé ? Jamais , vous m’entendez, jamais vous me ferez investir dans vos âneries. Et puis ce
que je me dis , c’est que vous aviez une idée derrière la tête : vous cherchiez un pigeon à plumer, non ?
Cindy Mais pas du tout , mon petit Papa. Je voulais vraiment t’aider. Ken gagne très bien sa vie et n’a pas besoin de chercher des pigeons , comme tu dis.
Auguste ( se calmant) Tu en es vraiment sûre ? Bon , je veux bien oublier ce
tissu d’inepties. Mais vous ne me parlez plus de moderniser ma ferme,
d’accord ? Cindy Bon , bon d’accord. Nous allons nous promener un peu. Ken n’est pas
encore allé jusqu’à l’étang. ( ils sortent, penauds) Auguste Oh ! Mais c’est qu’ils me feraient mettre en colère ! ( à Manon) Non,
mais tu te rends compte. Ils t’auraient bien transformée en robot bouffant des tablettes de chocolat, ces énergumènes. Et vendre ton lait sur internet ! Ah ! Tu sais pas ce que c’est, internet ! Eh bé, c’est un gros machin très tendance, en ce moment . (prenant un ton très snob) Très tendance, vois-tu ? (ton normal) Il y en a même qui se demandent
si on peut vivre sans . La révolution internet ! …J’sais pas qui c’est le
Robespierre internet.
ACTE I Scène 6
Auguste, Clarisse, Tony, Elisabeth Cindy, Ken
( Clarisse entre, suivie de Tony, crotté de la même façon que Ken)
Clarisse M’sieur Auguste, z’ai trouvé un autre tas de boue à deux pattes, mais celui-là , il a pas de petite mallette.
Auguste Encore un coup du satellite. Clarisse Ze l’amène tout de suite à la douce ?
Auguste Non, attends. On va d’abord savoir si ça parle et en quelle langue.
Vous êtes qui ?
Tony Je m’appelle Tony. Auguste ( à Clarisse) Tu vois, c’est pas E.T. . On va pouvoir communiquer
autrement que par gestes. Et quelle bonne boue vous amène ?
Tony Je suis le chauffeur et majordome de Madame Elisabeth Ancourt. Nous avions rendez-vous devant chez vous avec un agent immobilier. Un incident de parcours nous a retardés .
Auguste Oui, oui, je sais . Le satellite.
Tony Pardon ? Auguste Le satellite, c’est une espèce de casserole qui vole très haut dans le
ciel et qui vous empêche de voir les panneaux sur la route. Tony Je ne saisis pas très bien.
Auguste Vous n’avez pas vu les panneaux qui vous disaient qu’un ruisseau
barrait la route. Vous avez bloqué au milieu du ruisseau. Vous êtes
descendu et vous vous êtes étalé dans la bouillasse. Tony Vous êtes devin ?
Auguste Non, non, j’ai juste déjà vu le film.
Tony Je comprends pas tout. Je vais aller chercher Madame Ancourt. Elle attend dans la voiture. Elle est assez furieuse.
( il sort)
Clarisse Oh ben. Oh ben , crotte alors! Ca fait de drôles de sozes, les satellites , hein ? Ca vous pousse dans la bouillasse, c’est pas bien. Ze vais
prévenir mes copines qu’elles se méfient si qu’elles en rencontrent un. ( arrivée de Tony et de Elisabeth, très mondaine, brassant du vent)
Elisabeth Je suis furieuse ! Auguste Bonjour, Madame. Vous êtes, si j’ai bien compris, Madame Ancourt.
Elisabeth Evidemment, mon ami. Tony , expliquez.
Tony J’ai déjà expliqué à Monsieur…
Auguste Reblanc. Je m’appelle Auguste Reblanc. Tony Madame Ancourt souhaite vous rencontrer pour affaire. Mais l’agent
immobilier qui devait nous introduire nous a fait faux bond. Elisabeth Je suis furieuse.
Auguste Furieuse contre quoi, Madame ?
Elisabeth Je ne sais plus. Ah si ! Furieuse contre cet agent immobilier, furieuse contre la pluie qui a fait grossir le ruisseau, furieuse contre Tony qui nous a fait embourber.
Auguste Sauf votre respect, Madame, c’est la faute du satellite. Il a empêché
Tony de voir les panneaux prévenant de la présence du ruisseau qui
barrait la route, d’où l’enlisement . Quant à l’agent immobilier, je connais très bien cette personne. Elle était là à l’heure et a dû repartir vous chercher à cause de votre retard.
Elisabeth Bon . Eh bien , passons.
Auguste Clarisse ! Elisabeth ( rassérénée) Elle s’appelle Clarisse ! Quel nom charmant !
Clarisse C’est un nom d’opéra.
Elisabeth Ah oui ? Je ne connaissais pas. Clarisse M’sieur Auguste, il a dit que Clarisse c’est un nom de vace et que ses
vaces , elles ont des noms d’opéra. Alors…
Auguste Euh ! Vu de loin , il y a un semblant de logique dans le discours. Donc,
Clarisse , conduis Tony à la salle de bain et apporte lui des vêtements secs que tu prendras dans mon armoire . Ah ! A moins que vous n’ayez prévu de quoi vous changer. Il paraît que je suis vioque de la loque.
Elisabeth Vioque de la loque ?
Auguste C’est ma fille qui m’a qualifié ainsi. Traduisez que je suis habillé vieux jeu.
Elisabeth C’est vrai que c’est pas très rock and roll. Auguste Waouh ! Vous avez quelques notions du dialecte jeuns ! Moi, très peu.
J’ai toujours besoin d’un interprète. ( très homme du monde) Donc ,
pendant que votre chauffeur rafraîchit sa mise, je vous invite céans à
occuper ces commodités de la conversation( en lui approchant un fauteuil . Très aimable, assez charmé par Elisabeth) Puis-je vous
proposer un jus de fruit ? (Clarisse et Tony sortent , côté chambres) Elisabeth ( elle s’assied) Vous êtes très aimable. Entièrement d’accord pour un
jus de fruit. Auguste ( il apporte verres et bouteille). On va prévoir des verres pour Tony et
Clarisse. Jus de pomme de ma fabrication. Elisabeth Vous savez fabriquer du jus de pomme ? C’est formidable. ( elle goûte)
Oh ! C’est délicieux ! Je n’ai jamais bu un tel nectar. Auguste Il n’y a rien que de la pomme. Mais des pommes bien mûres qui ont
pris le temps de mûrir sur le pommier. ( Elisabeth se cale dans le fauteuil, son regard tourne autour de la pièce. Elle respire à pleins poumons)
Elisabeth Oh ! Quelle sérénité dans cette pièce ! Et une vache pour participer au
décor . Une vraie ! Et , ma foi, fort sympathique et bien paisible.
Auguste C’est un peu mon animal de compagnie. Il y en a d’autres , mais celle-
ci est un peu privilégiée. C’est la plus vieille. Et en plus , en ce moment,
elle est un peu malade. Elisabeth Tout est calme et TERRRRRIBLEMENT authentique. D’ailleurs, vous
me paraissez en parfaite harmonie avec votre environnement. Auguste C’est vrai. Et c’est ce qui fait que je suis si bien ici.
Elisabeth (elle prend ses aises dans le fauteuil, elle devient beaucoup plus simple
et abandonne les mondanités ) Si je vous disais que la plupart du
temps, mon dos est tout crispé. Et là, je le sens se détendre et s’étaler sur le dossier.
Auguste Profitez en pour me parler de l’objet de votre visite. Elisabeth Ah oui ! Bon, vous savez , je suis une femme d’affaires . ( le portable
d’Elisabeth sonne)
Elisabeth Excusez-moi. Décidément, on ne peut pas me laisser tranquille, même
quand je me détends à la campagne. Allo ! Ah ! C’est toi , mon petit Eric. Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu n’as pas reçu mon chèque ? …Ah ! Tu me rassures…Mais enfin, tu es quand même ministre, non ? … Fais
attention , ça va te retomber sur le nez… Je ne voudrais surtout pas que ça retombe sur le mien… Bon, il te faut une rallonge de combien, pour financer cette campagne ? … 150000 ? … Allez , c’est d’accord.
Je donne les ordres en conséquence dès mon retour…Je peux compter sur un renvoi d’ascenseur, j’espère…C’est ça. A bientôt, je t’embrasse.
( à Auguste) Excusez-moi. Ca y est, mon dos est tout crispé. Ici,
j’aurais tendance à l’oublier . Qu’est-ce que je disais ?
Auguste Vous disiez que vous êtes une femme d’affaires et au cas où je ne l’aurais pas compris , vous venez de m’en donner la démonstration. Si j’ai bien compris, même les ministres ont besoin de vos capitaux.
Elisabeth Ah ! Les campagnes électorales ! En campagne, les élus et ceux qui
veulent l’être ont de terribles besoins. Ca les stresse énormément.
Auguste Ma campagne à moi, elle me stresse pas du tout. Mais vous aviez
commencé à me dire que vous êtes une femme d’affaires.
Elisabeth Effectivement. Donc, mon travail, je devrais dire ma passion, est de
faire prospérer mon patrimoine. Donc , je cherche des investissements
rentables. Et un type d’entreprise qui marche bien en ce moment, c’est le parc de loisirs.
Auguste C’est donc bien ce que m’avait dit mon ex… enfin , l’agent immobilier. Elisabeth Ce coin de France en est dépourvu totalement, et après avoir consulté
les agents immobiliers de la région, votre propriété paraît convenir, m’a-t-on dit. Je viens donc vous faire une offre , bien que l’agent qui m’a parlé de votre propriété, doute beaucoup de votre approbation. Elle m’a
dit que le nombre de chances pour que vous acceptiez est voisin de zéro.
Auguste ( très calme) Elle me connaît très bien. Elle a tout à fait raison. C’est
non.
Elisabeth Mais on pourrait garder la ferme à l’intérieur du parc de loisirs. Vous pourriez vivre votre vie de fermier. Vous pourriez faire des démonstrations pour les visiteurs, un peu comme dans un écomusée.
Auguste Vous savez ce qu’elle vous dit la pièce de musée ?
Irène Ne vous fâchez pas, Auguste. Je ne voulais pas vous froisser. Et même si je vous en offre plus que ce vous pourriez espérer ?
Auguste Même. Elisabeth Attendez de voir combien je vous en offre.
Auguste C’est tout vu. Vous m’offririez le budget de la défense nationale, ce
serait encore non. …C’est quand même incroyable !
Elisabeth Qu’est-ce qui est incroyable ? Auguste ( il se calme) C’est ma journée. Tout le monde veut m’enrichir. Tout à
l’heure, je viens de repousser les assauts du trader qui sert de petit
copain à ma fille. Il voulait, à toute force, m’obliger à moderniser ma ferme par toute une série de transformations toutes plus farfelues les unes que les autres.
Elisabeth Je comprends, Auguste, que tous ces travaux que le trader vous
propose vous ennuient. Moi, je vous débarrasse de tous ces soucis.
Auguste N’insistez pas, Elisabeth. Je croyais que vous aviez déjà entrevu la
sérénité , le bonheur que cette ferme me procure telle qu’elle est.
Elisabeth C’est vrai.
Auguste Eh bien, j’ai une idée. J’ai suffisamment de chambres ici, pour vous loger tous. Alors, je vous propose de venir faire le tour du propriétaire. Nous y trouverons ma fille et son ami qui vont, peut-être, découvrir les
charmes de la campagne. Puis, je vous invite à un dîner fermier que je vais vous concocter et après une bonne nuit , vous me direz si vous avez toujours les mêmes projets.
Elisabeth Ce programme me convient et m’enchante, Auguste. ( Cindy et Ken entrent précipitamment, poursuivis par les oies. Cindy tournée vers la
porte , attitude de karaté. Ken se cache derrière Cindy)
Auguste Déjà de retour ? Des soucis avec la milice ?
Ken Ces sales bêtes m’ont bouffé les mollets.
Auguste Ah ! Ca m’étonne pas , ces bestioles bouffent toutes les cochonneries qui passent. Elisabeth, voici ma fille et son trader ( à Cindy et Ken)
Madame Ancourt. Madame Ancourt et moi allons visiter la ferme. Nous revenons dans un instant . (ils sortent)
ACTE I Scène 7
Cindy, Ken, Clarisse (Ken est tout à coup très pâle)
Cindy Qu’est-ce qui t’arrive ? Ca n’a pas l’air d’aller.
Ken Je suis mort. Je suis foutu. Cindy Mais pourquoi tu dis ça ?
Ken T’as vu qui est là ?
Cindy Ben oui, Madame Ancourt. C’est qui ? Elle a l’air bien sympa, à première vue, un peu prout-prout, mais pas méchante. C’est elle qui te fait peur ?
Ken C’est une des plus grosses fortunes de France. J’ai travaillé pour elle.
Mais , bien sûr, elle ne me connaît pas.
Cindy Eh ben alors! Et qu’est-ce qu’elle peut te vouloir ?
Ken Je lui ai fait perdre un paquet de fric. Une opération qui devait être fabuleuse. Y a un truc qui a foiré. Ca a été la cata.
Cindy Mais, je croyais que tu réussissais toujours. Et elle sait qui est en cause ?
Ken Non, qu’est-ce que tu crois, elle ne sait pas qui travaille pour elle. On est plusieurs.
Cindy Bon ! Eh bien , tu ne risques rien ! Détends-toi et fais lui bonne figure…comme si de rien n’était.
Ken Tu avoueras quand même que c’est pas de bol. La première fois que je viens chez ton père, il faut que je tombe sur la personne avec qui j’ai le contentieux le plus lourd.
Cindy Mais enfin, c’était pas de ta faute. C’est la faute à pas de chance .Tu
n’as rien fait d’illégal.
Ken ( il se gratte bruyamment la gorge) Ben, justement…
( Clarisse entre, le Smartphone de Ken à la main)
Clarisse M’sieur Ken, c’est bien votre téléphone que z’ai trouvé par terre. Faut
pas le laisser traîner. Les oies, elles ramassent toutes les ordures qu’elles trouvent.
Ken (méprisant) Ouais, c’est bien ce que m’a dit votre patron. Et puis, c’est
pas un téléphone.
Clarisse Oh ben. Oh ben, crotte, alors! Ze sais ce que ze dis. Ze vous ai vu téléphoner avec, alors.
Ken C’est aussi un appareil qui me permet de communiquer par mail, de surfer sur internet. D’ailleurs, je dois tout de suite vérifier quelque chose.
( il tape aussitôt sur son appareil .)
Ken (catastrophé) Oh non ! C’est pas vrai ! C’était pourtant tout cuit. En
vendant 10000 Schneider, je ne pouvais que gagner le jackpot. Elles devaient être au top ! Oh merde ! Il manquait plus que ça.
Cindy Qu’est-ce qu’il y a encore ? C’est si grave que ça ? (elle s’approche et regarde sur l’écran de Ken)
Ken Ben oui ! De toutes façons, tu comprendrais pas.
Cindy Merci. Prends-moi pour une débile. Moi qui essayais de te remonter le moral…T’as qu’à m’expliquer. C’est pas parce que t’es de mauvaise humeur que tout le monde doit en prendre.
(pendant ce temps, Clarisse s’est glissée derrière eux et regarde aussi sur l’écran)
Ken Ecoute, c’est pas un truc de nana . Est-ce que je te demande si tu as
fait de bonnes affaires sur les ventes privées ? Clarisse Vous devriez raceter vos 10000 Zneider et puis 10000 autres et
revendre tous vos Loréal. Ken Qu’est-ce que vous racontez ? Pfff ! Vous dites ça pour vous rendre
intéressante. On ne fait pas n’importe quoi avec la Bourse. C’est un métier. J’ai fait des études, moi. J’en ai bavé, moi. On m’écoute, moi.
Cindy Ouais eh ben! C’est pas forcément ce QU’ON a fait de mieux. Si je ne me trompe, tu es en train d’accumuler les fiascos, non ? Il est possible que tes patrons finissent par oublier de t’écouter.
Clarisse Bon, moi, ce que z’en dis…( en sortant) A propos , c’était un plaisir de
vous rapporter votre téléphone.
Ken ( de très mauvaise humeur) Ouais, euh . Merci. ( mi-voix, en se laissant
tomber dans un fauteuil, la tête entre les mains) Et puis, c’est pas un
téléphone. Quelle journée ! Mais quelle journée de merde! ( il regarde la vache) Et toi, te fous pas de moi encore ! ( à Cindy) Et toi, tu dis rien.
Je peux être au fond du trou, tu me laisses m’y noyer. Tu veux pas
m’appuyer sur la tête , aussi ? Cindy ( elle se laisse tomber , elle aussi, sur un fauteuil et l’imite, la tête entre
les mains) Oh, moi ! Je ne suis qu’une nana. Je peux pas comprendre.
Les trucs trop intelligents pour moi, tu sais, il faut pas que je m’y frotte. Moi, je me contente des ventes privées sur internet… et encore !
RIDEAU
ACTE II
( l’acte II se passe la nuit. Il sera bon de diminuer l’éclairage)
ACTE II Scène 1
Tony, Ken, Clarisse ( Tony, habillé loubard, fume en regardant par la fenêtre. La vache est toujours là) ( il se tourne vers la vache)
Tony Mais tu ne dors jamais, toi. Tu me diras que moi non plus. ( il lui souffle la fumée sur le museau. Meuglement) Pfff ! Comment on peut dormir
ici ? C’est pas possible. Pas un seul bruit de voiture. Pas de sirène de
police. Aucune odeur de gaz d’échappement. La pollution me manque. Cet air pur , ça m’étouffe. Heureusement que je peux encore respirer la fumée d’un pétard. T’aimes pas ça , toi, hein ? ( il lui souffle à nouveau
sur le museau. Nouveau meuglement). Tu veux pas que je t’en roule un
vite fait. J’imagine le goût du lait demain. ( Arrivée de Ken qui ne voit pas Tony. Il a le nez sur son Smartphone.)
Ken Mais c’est pas possible. Comment elle a fait la Zézette ?J’aurais dû l’écouter. C’était exactement ce qu’il fallait faire. Le Nikkei s’est envolé
à Tokyo, surtout pour les Schneider et par contre les Loréal se cassent la gueule. Mais quel idiot je fais !
(Tony se racle la gorge)
Ken Ah ! Vous êtes là ?
Tony Non, non. Je suis dans mon lit. Ken Très drôle. Et vous fumez ?
Tony Non, non. Je bois mon biberon.
Ken D’accord, je n’ai pas une conversation des plus intelligentes à cette heure de la nuit. Et avec ce que je déguste en ce moment…
Tony Ca laisse espérer qu’à un autre moment, votre conversation atteint un niveau acceptable.
Ken Si je vous dérange… Vous êtes toujours aussi désagréable ? Tony Ne vous inquiétez pas. Moi, de nuit comme de jour, je suis de mauvaise
humeur. Enfin, c’est ma patronne qui le dit. Et pourtant avec elle, je fais des efforts pour être aimable. Normal, elle me paye.
Ken Et elle vous paye pour quoi, au fait ?
Tony Pour tout. Je suis secrétaire, confident, chauffeur, garde du corps et même enquêteur.
Ken Et plus si affinités ? Tony Madame Ancourt n’est pas Lady Chatterley.
Ken Connais pas.
Tony Je vois. Ca vous arrive d’ouvrir un livre ? Ken Journaux d’économie. Sinon, ça paye bien au moins ?
Tony ( il regarde Ken d’un air mauvais) Pas autant que trader.
Ken N’en croyez rien. Certains traders touchent des salaires mirobolants . La presse a monté ça en épingle, en oubliant les petits courtiers comme moi, qui ont du mal à joindre les deux bouts. J’ai un peu ébloui
Cindy avec le titre ronflant. Et comme elle a une fâcheuse tendance à faire chauffer la carte bleue, le compte en banque a du mal à suivre.
Tony (ton menaçant) Surtout en ce moment, non ? ( brutalement, il passe
derrière Ken et lui met un couteau sous la gorge) N’est-ce pas ,
Monsieur Jérôme Dériel ?
Ken ( affolé, les yeux exorbités) Mais, mais, qu’est-ce que vous racontez ?
Que…que… Comment vous savez mon nom ? Et puis , rangez-moi ce
cou…couteau, vous pourriez me faire mal. Tony C’est tout à fait ce qui pourrait arriver. Ah ! Ca t‘épate, hein ? Je t’ai
reconnu. Tu as beau changer de nom, ta tronche , je l’ai repérée. Pfff ! Ken…ridicule ! Je t’ai dit que je peux être enquêteur pour Madame Ancourt. Alors , quand elle a perdu pas mal de plumes en bourse, j’ai
fait mon enquête. Pas difficile . Tu fais partie de la bande de rigolos qui se prennent pour des génies de la finance et qui font n’importe quoi avec l’argent des autres.
Ken ( complètement affolé) Ouais, mais ça aurait dû marcher. Ca aurait pu
lui rapporter beaucoup. Faut pas lui dire que c’est moi, hein ? Si elle le
sait, je suis grillé partout. Tony Je sais pas ce qui me retient d’appuyer sur la lame.
Ken Mais vous allez me faire mal , je vous dis. ( il touche la lame) Mais ça
coupe. Ca va pas , la tête ? ( Tony range son couteau)
Tony Tais-toi. Je suis prêt à te donner une chance. Pour ton fiasco boursier,
je dis rien à Madame Ancourt. Je fais porter le chapeau aux autres
incapables de ton équipe. A une condition.
Ken Tout…tout…tout ce que vous vou…vou…voulez. Tony Tu fréquentes beaucoup de monde dans ton milieu branché. Je te
propose de vendre pour moi de la marchandise à tes copains bobos. Ken ( qui reprend des couleurs)Ouais, ouais, facile. C’est quoi ?
Tony Quelques bonbons. Ken ( craintif, il veut la jouer copain, voyant que la conversation s’oriente
différemment) Des bonbons ? Vous…euh…T’as besoin de moi pour
ça ?
Tony Des bonbons qu’on trouve pas en confiserie. Ca fait fureur dans les
milieux artistiques entre autres.
Ken Ah ouais ? Alors, si ça marche chez les artistes, ça va marcher dans le
milieu boursier. Trop top. Et comment on procède ?
Tony Je te fournis. Tu payes. Tu vends. Je veux pas savoir, tu m’oublies,
jusqu’à la fois suivante. Pas un mot sur moi. Capisci ? Sinon je balance à Madame Ancourt et puis…( il passe son pouce sur sa gorge, d’un air menaçant) Elle comprendra que c’est pour la sauver que je t’ai…( il repasse le pouce sur la gorge)
Ken Oui, oui…capi…capisci…euh…Je peux voir ? Je peux goûter ?
Tony Attends, bouge pas. Je vais à la voiture. Je reviens avec la bonbonnière.
( Tony sort côté extérieur)
Ken ( il marche de long en large, en essayant de rouler les mécaniques)
Il croit me faire peur, Jack l’Eventreur ! Non, mais ! J’te l’ai recadré vite
fait, l’Al Capone du 9.3. Et en douceur. Tout en diplomatie. J’suis pas du genre à nettoyer les banlieues au Karcher, moi. Du tact, du doigté, de la finesse ! Dans la main, qu’il me mange, le pitbull ! Ca veut jouer
les caïds et ça vend de la guimauve ! Ca veut jouer les durs à cuire et ça fait des ronds de jambe à la mère Picsou !
( Tony revient)
Tony Tiens , c’est ta première livraison. La première est gratuite. C’est un
échantillon .Il n’y a que quelques unités dedans. Ken (mielleux et apeuré )Ouais, euh… Ah , d’accord, d’accord …euh….
Merci . Je peux goûter, hein ? (il prend un bonbon et met le paquet dans sa poche)
Tony Et motus ! Sinon…( il repasse son pouce sur sa gorge)
(Ken se dirige vers la sortie, respire profondément et se heurte à Clarisse qui entre. Elle vient chercher des torchons)
Clarisse Oh ! Ezcusez-moi. Ze me dépèce . On a besoin de tissus. Un petit veau vient de naître et il faut l’essuyer.
(Tony retourne fumer devant l’autre porte).
Ken ( il reprend son aplomb ). Ah ! Clarisse , vous savez , votre suggestion
de vente et d’achat que vous m’avez faite était excellente. Je regrette
de ne pas l’avoir suivie. Comment avez-vous su ? Clarisse Comme ça. C’est des sozes que ze sens.
Ken C’est génial. Il faut absolument que je garde contact avec vous. Il faut
me donner votre téléphone.
Clarisse Mais il est pas à moi.
Ken Votre numéro, je veux dire. Clarisse Oh ! Monsieur Ken ! ( elle ouvre un placard et prend des torchons)
Ken Mais non ! Juste pour me conseiller , en tout bien, tout honneur. Vous seriez mon trader –adjoint.
Clarisse Oh ben. Oh ben, crotte, alors! Ze peux pas. Ze suis déza poète- adzoint
pour Monsieur Auguste. Y aurait cumul. Et z’aurais pas le temps de
m’occuper de la ferme. Ken Ouais , mais juste quelques conseils. Sans en parler à personne,
surtout pas à Cindy. Ce serait notre secret. Clarisse Z’adore les secrets.
Ken Alors, c’est d’accord ? Vous me conseillerez ? Moi tout seul ? Sans rien
dire à personne ?
Clarisse Oui, bon. Mais faut que z’y aille, le petit veau va avoir froid. (elle sort)
Ken (il se met lui aussi à zozoter) Souette. Bouh !Quelle zournée ! Eh bé
moi, ze vais me recoucer. Ze me sens tout cotonneux.
ACTE II Scène 2
Tony, Auguste, Clarisse
Tony C’est ça , oui. Cotonneux… (arrivée d’Auguste venant de l’extérieur. Il vient de l’étable)
Auguste Bouh ! Encore une nuit raccourcie, mais ça valait la peine. ( voyant
Tony) Ah ! Vous êtes là , vous. J’avais remarqué, hier soir que la tenue
que vous avez adoptée, vous ne risquiez pas de la trouver dans mon armoire. Mais , ça vous va bien . Le style paysan , très peu pour vous , non ?
Tony Pas vraiment mon truc.
Auguste Dites, vous voudrez bien ne pas fumer, s’il vous plaît. Vous êtes à proximité de l’étable , du fenil, enfin des endroits qui ont une fâcheuse facilité à s’enflammer. (Tony écrase son joint) Drôle d’odeur . C’est quoi comme tabac ?
Tony Pas du tabac.
Auguste Ah bon ? C’est quoi alors ?
Tony De l’herbe. Auguste Mais bien sûr ! ( à la vache) Tu vois, ma petite Manon, je vais pas te le
donner à manger, le sainfoin, je vais te le faire fumer. Et vous l’achetez combien, l’herbe ? Parce que moi, je peux vous la fournir à la tonne. Ca va vous faire quelques cartouches de cigarettes.
Tony Ouais. Et si je vous disais quoi semer comme herbe, ça vous
intéresserait de m’en fournir ? Vous pourriez faire fortune.
Auguste Décidément, tout le monde veut m’enrichir. Moi, je sais cultiver le
sainfoin et la luzerne et ça me suffit.
Tony Bon, bon , j’insiste pas. Vous me paraissez totalement hermétique au
progrès.
Auguste Complètement. Il y a des progrès qui me caressent vraiment à
rebrousse-poil . ( arrivée de Clarisse, affolée)
Clarisse M’sieur Auguste, le cien , eh bé …eh bé.. il a bouffé le placenta du
petit veau. Z’avais pas eu le temps de le mettre dans une poce en plastique. Le cien , il …il…en avait partout…en plus , il arrivait pas à l’avaler. Il secouait la tête. Ca pendait de sa gueule. Il y avait du sang
partout. Auguste Clarisse ! Calme-toi. Tu es en train d’écoeurer Tony. Il va nous faire un
malaise. Clarisse C’est pour la précision du récit.
Tony Y a des fois , j’suis pas contre le flou artistique.
Clarisse Ze suis arrivée à le lui arracer de la gueule. Auguste (il s’est rapproché du devant de scène) Clarisse, arrête ! Regarde, au
premier rang, ils sont tout verts ! ( au public) Attendez, on vous apporte un sucre avec un peu d’alcool de menthe ! ( à Clarisse) Sinon, le petit
veau, il va bien ? Clarisse Oh ! Pour ça, oui ! Il est debout. Ze l’ai bien essuyé. Il est en train de
téter au pis de sa mère. Auguste Tu es formidable, ma petite Clarisse. Tu devrais aller te coucher,
maintenant. Mais ne rentre pas chez toi, en pleine nuit. Prends la chambre du fond. Ne te trompe pas. Ne rentre pas dans celle où dort Madame Elisabeth.
Clarisse Oh ! Monsieur Tony ! Vous voulez pas venir voir le petit veau qui vient
de naître? Il est beau !
Tony J’aime pas ça.
Clarisse Il est marron clair avec une tace blance sur le front. Tony Et qu’est-ce qu’il fait avec une tasse sur le front ? Il prend un café ?
Clarisse (ignorant l’interruption) Et puis , il a quatre pattes bien longues. Il tenait
pas bien debout. Alors , ze l’ai tenu et il m’a lécé la main. Et puis ze l’ai
approcé du pis de la maman et il a tété tout de suite. La maman , elle était contente. Oh ! Monsieur Tony, vous voulez bien qu’on l’appelle Tony , le petit veau ?
Tony ( s’étranglant) Pfffouh !
Clarisse Oh oui, dites. Vous êtes d’accord, hein ? (elle tape des mains) Et puis ,
il a un peu les mêmes yeux que vous.
Tony Pfffouh ! Clarisse Hein Monsieur Auguste ? On va l’appeler Tony, d’accord ?
Auguste ( riant) Puisque Monsieur Tony paraît d’accord, va pour Tony.
Clarisse Ah ! Ze suis contente. Ze vais m’endormir comme un bébé. ( elle sort vers les chambres)
Auguste Merci. Vous lui avez fait plaisir. Tony Pfffouh !
Auguste Vous avez toujours autant de conversation ? Je peux vous offrir un verre d’eau pour fêter la naissance de Tony ? Evidemment, vous êtes le parrain.
Tony Pfffouh ! (Auguste apporte deux verres et la carafe d’eau)
Auguste Ce qu’il y a de bien dans votre langue , c’est la richesse du vocabulaire.
Acte II Scène 3
Tony, Auguste, Irène
( arrivée d’Irène, épuisée , de la paille dans les cheveux et les vêtements, les chaussures à talons à la main)
Auguste Tiens donc, encore un coup du satellite . Irène (de mauvaise humeur) S’ tu racontes ?
Auguste Il y a un satellite facétieux qui passe son temps à nous espionner
depuis là-haut, à regarder tout ce qu’on fait, à tout noter sur un petit carnet, pour aller cafarder à on ne sait qui. Et tu sais pas ? En plus, il s’amuse à envoyer les voitures dans la gadoue.
Irène C’est vraiment de l’eau que vous buvez ? Dans ce cas, arrêtez tout de
suite. C’est très dangereux , le délire aquatique !!!
Auguste Je constate avec plaisir, que tu gardes ton sens de l’humour malgré les
circonstances. Bon, qu’est-ce qui t’est arrivé ?
Irène En revenant pour chercher ma cliente par la route habituelle, là où je
pensais la trouver, ma voiture a dérapé sur une plaque de boue et je
suis partie en pas chassé jusqu’à la meule de paille, juste à côté. Pas moyen de l’en sortir. Elle est enfoncée jusqu’à mi-roue dans la boue. Comble de bonheur, mon portable est déchargé. Pas pu t’appeler. Pas
une maison dans le coin. C’est le désert, ici. Alors, j’arrive à pied. Auguste Eh ben ! Toi qui as horreur de la marche à pied...Tout au moins en
campagne. Ca aurait été sur un tapis de marche dans une salle de gym, tu aurais davantage apprécié.
Irène Et j’aurais évité la gadoue, le tas de paille, les ampoules sous les pieds…et tes sarcasmes en prime.
Auguste Pour te rassurer, ta cliente et son chauffeur( il montre Tony) sont bien
arrivés…(faussement menaçant) après s’être sortis des pièges du
satellite. Je te présente Tony, le chauffeur de Madame Ancourt. Madame Ancourt dort dans la chambre jaune. Tony a préféré dormir dans la voiture , mais apparemment, il n’y arrive pas.
Tony Dors très peu.
Auguste Vous parlez aussi très peu. Tony, vous avez compris qu’Irène est l’agent immobilier qui vous a attendus pendant que vous vous amusiez à patauger dans la mare.
Tony Pfffou !
Auguste Irène, Tony est un spécimen rare pour lequel l’onomatopée que tu viens d’entendre constitue un élément essentiel du langage .
Tony Foutez pas de ma gueule. Auguste Ah ! Le langage de Tony révèle parfois quelques aspects dont la
recherche n’a d’égale que la sobriété. Irène Tu as fini, oui ? Tu n’as pas changé ! Tu te régales d’enfoncer les gens
qui ne sont pas comme toi, poètes ou paysans. Tony Merci , Madame de prendre ma défense. En d’autres circonstances ,
j’ai des arguments…euh…( il tâte son aisselle qui laisse penser à la présence d’un pistolet) sérieux pour me défendre. Mais quand je suis
au service de Madame Ancourt, je sais me tenir et …je m’écrase.
Auguste D’accord, j’ai compris. Excusez-moi, Tony, je suis incorrigible. Bon,
Irène, demain matin, j’appellerai le dépanneur pour qu’il te ramène ta
voiture. Tu ne veux pas manger quelque chose ? Irène Pas faim.
Auguste Comme tu voudras. En attendant, va prendre une douche et finir la nuit
sur le canapé du bureau, si tu veux. Demain matin , tu prendras des
vêtements secs dans mon armoire. J’adorais quand tu mettais mes vêtements. Ca t’allait très bien. Tu avais du chien.
Irène C’est pour ça que tu voulais me faire garder les vaches. Auguste Mais j’ai toujours préféré t’appeler Irène plutôt que Médor.
Irène Ouah ! Ouah !. ( elle sort côté chambres)
ACTE II Scène 4
Tony, Auguste, Elisabeth
Auguste Vous avez compris qu’Irène a été ma femme…au moins tant que notre
amour a été plus fort que son aversion pour la campagne. Tony Je la comprends. Elle est très bien votre ex. ( arrivée d’Elisabeth ensommeillée, en pyjama d’homme, plus du tout femme du
monde)
Elisabeth Vous êtes là tous les deux ? Qu’est-ce que vous faites debout ? Oh ! Et puis ça tombe bien. J’ai été réveillée par un cri dans la nuit : un oiseau, je crois.
Auguste Ne craignez rien. C’est Lulu.
Elisabeth Lulu ? Auguste Oui, c’est une chouette qui loge sous le toit du hangar. Elle vient
toujours regarder par la fenêtre qui dort dans les chambres. A mon avis, si elle a crié, c’est un compliment. Elle vous trouve à son goût.
Elisabeth Vil flatteur. Auguste Je vous assure que je partage son point de vue, et ce pyjama, mon
pyjama vous va très bien. Tony ( au public) Elle a du chien, non ?
Elisabeth Ah oui ! Excusez-moi. Je me suis servie dans votre armoire.
Auguste Vous avez très bien fait. Elisabeth En attendant, Lulu m’a fait très peur. Et je voudrais bien ne plus
l’entendre. Auguste Bon ! Je viens. Je vais la chasser. Je vous suis (il se dirige vers la
sortie , côté chambres en redressant la silhouette et rentrant le ventre. Il se ravise , revient sur ses pas) . Tony, pour me faire pardonner mon impertinence de tout à l’heure ( il sort une bouteille d’un buffet et un
verre), goûtez donc cette eau de vie de prune de ma fabrication. Ca va,
peut-être, vous aider à trouver acceptable le confort de la voiture. C’est vrai, vous voulez vraiment y dormir ? (hochement de tête de Tony) Bon
alors. Comme vous voudrez. (il sort côté chambres avec la même mimique de Don Juan)
ACTE II Scène 5
Tony, Cindy
( Tony sirote son eau de vie de prune) Tony ( à la vache. Il parle lentement, faisant des pauses entre les phrases )
Tu dis rien, toi, mais tu pourrais en raconter un paquet d’histoires. Parce que t’assistes à tout, toi. On se gêne pas devant toi. Tu parles, une vache ! Enfin, justement tu parles pas. Tu as dû en voir de toutes.
T’as vu le vieux, là. Il va chasser la chouette. J’te parie qu’après, il va avoir sa récompense. Parce que la mère Ancourt, elle est pas que riche en pépettes. Elle a du tempérament…( il regarde la vache) Ah non !
C’est pas ce que tu crois. Ah non ! Madame Ancourt, elle mélange pas les torchons et les serviettes. Jamais avec le personnel. Et moi, je la respecte trop, Madame Ancourt. Je lui dois tellement. Si je te racontais…(Tout en parlant, il s’est resservi plusieurs fois et l’alcool a commencé à faire son effet) Elle est pas mal sa prune. Elle m’a sorti de
la galère…Non , Madame Ancourt, pas la prune. Tu comprends rien,
hein ? Et quand j’te dis la galère, c’était la galère. Eh bé , Madame Ancourt, sniff…(il pleurniche ),elle m’a obtenu un témoignage favorable
au procès… Quel procès ? C’est trop compliqué. Sniff…Alors, Madame
Ancourt, c’est comme …sniff…ma mère. Parce que ma vrai mère, eh bé , elle m’a chassé de la maison à 10 ans, parce qu’elle picolait comme 15 Polonais .
( Cindy arrive , très vive, agitée)
Cindy Tony ? Vous parlez tout seul ? Ca change d’hier soir. Vous ne disiez
pas un mot pendant le repas. Vous n’aimez pas la conversation des êtres humains . Vous préférez celle des vaches. Remarquez, je vous comprends. Les gens ne sont jamais d’accord avec moi. Ils me
contredisent toujours. Alors , je me parle souvent devant la glace. Alors pourquoi pas à une vache, hein ?
Tony ( la diction pâteuse) C’est bien ce que vous faites devant la glace,
non ? Ah !ah !ah! Cindy (elle continue) Et puis elle a une bonne tête, non ? …Hein ? Qu’est-ce
que vous avez dit ? Vous voulez dire que quand je parle devant la glace, je parle à une vache ?C’est ça ? Vous voulez dire que je suis
une vache, quoi. Ca , c’est une vacherie. Tony Ah ! ah ! ah! Vous fâchez pas. Vous m’avez un peu tendu la perche.
Ouais , OK, c’était une vacherie gratuite. Cindy Eh bé, c’était pas sympa. En plus, je suis énervée !
Tony Ca, j’ai vu. ( il va lui chercher un autre verre dans le buffet et lui sert de
l’eau de vie de prune. Il s’assied à côté d’elle, à table) Tiens ,
accompagnez-moi, ca va vous calmer.
Cindy Merci ( elle boit une gorgée ) Et à quoi ça se voit que je suis énervée?
Tony Vous êtes agitée et vous parlez beaucoup.
Cindy Ouais eh bé , c’est de sa faute aussi.
Tony De la faute à qui ? Cindy De la faute à ( nouvelle gorgée)…Ken .
Tony Je croyais que ça allait bien entre vous. Qu’est-ce qu’il a fait , ce pauvre
Ken ? L’a pas l’air bien méchant.
Cindy Il est MOU !
Tony Ca , j’avais vu. Remarquez que pour vous suivre… Cindy (elle se ressert de l’eau de vie de prune) Il est mou, j’vous dis !
MOU !MOU ! Tony ( au public) Ca , c’est l’habitude de faire la vache devant la glace ! ( à
Cindy) Et il est toujours mou, mou, mou ?
Cindy Pas plus tard que tout à l’heure, au lit. Il y a des endroits où on n’a pas
le droit d’être mou . Tony Remarquez ,il est parti d’ici un peu…comment déjà ? ah oui…
cotonneux. Mais… (clin d’œil égrillard au public) expliquez-moi donc !
Cindy Eh bé ! Une fois et puis , plus rien. Terminé. Que dalle. Nada. Nib.
Macache. Pas de rab . Pas de deuxième service. Monsieur s’endort. HEUREUX. Repus. Rassasié. Eh bé, moi pas !
Tony ( moqueur) Vous restez sur votre faim.
Cindy C’est ça ! Mais attention ! Moi, je suis fidèle. Pas question de changer
de restaurant. Ne vous faites aucune illusion. Tony Moi ? mais je n’y pensais même pas.
Cindy Ne soyez pas mufle, non plus.
Tony C’est compliqué, les femmes ! Cindy Quoique !…( elle le regarde, gourmande, se lève, s’approche de lui,
enjôleuse) Vous ne devez pas être trop mou, vous, hein ? Un beau
ténébreux et costaud, en plus. Vous devez avoir du répondant, vous. (elle lui tâte les biceps. Il recule sa chaise. Elle lui tâte la poitrine) Et
puis , regardez-moi ces pectoraux.
Tony Euh…euh...( il recule encore sa chaise. Elle le suit)
Cindy J’adore le style loubard. Mmmh ! Tu dois leur en faire voir de toutes les
couleurs, aux femmes. Tony Ben, euh…
Cindy (elle s’assied sur ses genoux et lui bourre le torse de petits coups de
poing. Elle se lève, et, passant derrière lui, lui ébouriffe les cheveux,
avec des grognements de fauve) Ah ! Mon Tarzan ! Mon Samson ! Je sens toute ta force dans tes cheveux. ( il se lève et s’écarte, affolé) Ah ! Attends ! ( elle se dirige vers la bouteille et s’apprête à se servir. Tony
se précipite et s’empare de la bouteille avant elle) Tony Touche pas la bouteille, salope ! ( ton hystérique, tel Francis Blanche
dans les Tontons flingueurs, série de tics. Il a sa bouche près du nez de Cindy)
Cindy ( au public. Elle agite sa main devant son nez pour chasser les mauvaises odeurs) Je croyais que les gaz asphyxiants étaient interdits
par le Protocole de Genève. Non, mais ça va pas, Tony ! Vous êtes
ivre ! Tony ( voix pâteuse) T’es pas mal non plus. Tu t’es vue quand t’as bu ?
Cindy ( ton pleurnichard) Faut me comprendre. J’ai toujours manqué
d’affection. J’ai besoin de tendresse et de… et de…plus encore …
beaucoup plus. Alors euh… Ken , il est pas à la hauteur euh…euh… de mes besoins.
Tony Bon ! J’ai peut-être de quoi vous aider, de quoi aider votre couple. Cindy Ah bon ? Comment ? Vous faites de la psycho de couple ?
Tony J’ai juste quelques bonbons à offrir à votre Jules. Ca va lui donner un
coup de zoom , ah ! ah ! quand il aura un coup de mou. ( il sort une
boîte de bonbons de sa sacoche)
Cindy Ah bon ? Vous croyez que quelques bonbons vont lui donner le goût du
revenez-y ? Tony Essayez et vous verrez. Ca, c’est cadeau. Après, vous en aurez
d’autres que je vous vendrai. Libre à vous de revendre les excédents. Je peux vous en fournir autant que vous voudrez . Je suis sûr que dans votre milieu branché, ça va faire fureur. Vous allez vous faire de sacrés
revenus. Cindy Ouais ! Super génial ! Merci Tony, je vais lui en proposer tout de suite,
à mon Droopy.
Tony (il crie) Et attention ! Pas un mot sur moi, hein ? Vous dites pas que
c’est moi qui vous ai donné les bonbons. C’est bien compris ? Pour une prochaine livraison, il faudra attendre que je vous contacte. OK ?
Cindy ( toute excitée) OK, OK ,OK ! Hi, hi, hi ! J’arrive mon petit Ken ,
attention, ça va chauffer ! (elle sort en courant) Les rideaux ont intérêt
à être solides, parce qu’on va y grimper, moi, j’te le dis ! wouaouh !!!!! Tony ( voix toujours pâteuse) Eh ben, ça promet ! Elle serait pas un peu
nympho, la minette ? ( à la vache) Dis donc, je crois que je vais faire
des affaires. Moi qui détestais la campagne, parce qu’il ne se passait jamais rien, je vais changer d’avis. ( il se sert un verre d’eau de vie de
prune) Finalement, hic, même au milieu des bouses de vaches on
trouve toujours quelques poissons à ferrer. Bon ! Eh ben, je vais aller voir si je peux encore me faire dormir les yeux dans la voiture. (il sort
côté extérieur, le pas hésitant, en emportant la bouteille. )
RIDEAU
Pour avoir la suite , veuillez me la demander à l’adresse : [email protected]