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Edition 2016 ETAT DES LIEUX DES METHODES ALTERNATIVES DANS LE DOMAINE DE L’EXPERIMENTATION ANIMALE EN FRANCE

ETAT DES LIEUX DES METHODES ALTERNATIVES DANS LE DOMAINE · 2018. 7. 24. · Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition

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  • Edition 2016

    ETAT DES LIEUX

    DES METHODES ALTERNATIVES

    DANS LE DOMAINE

    DE L’EXPERIMENTATION ANIMALE

    EN FRANCE

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    COMITÉ DIRECTEUR de FRANCOPA

    Présidente

    Mme Francelyne MARANO (Université Paris Diderot)

    Directeur

    Mr Philippe HUBERT (INERIS)

    Membres

    Mr Jean-Pierre CLOT (OPAL)

    Mme Anne DUX (FEBEA)

    Mme Isabelle FABRE (ANSM)

    Mme Valérie GUIRAL-TREUIL (SIMV)

    Mme Magali JACQUIER puis Mr Ivan BALANSARD (CNRS)

    Mr Hervé JUIN (INRA)

    Mr François LACHAPELLE puis Mme Brigitte RAULT (INSERM)

    Mr Rémi MAXIMILIEN (CEA)

    Mr Jean-Claude NOUËT (LFDA)

    Mr Marc PALLARDY (SPTC)

    Mme Marie ZIMMER-JEHANNE (UIC)

    Mme Claire SIBENALER (LEEM)

    Mr Eric THYBAUD (INERIS)

    Mme Anne TILLOY (ANSES)

    Mme Virginie VALLET-ERDTMANN (MESR)

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    Membres du collège d’experts :

    Mme Nathalie ALEPEE (L’Oréal)

    Mme Fanny BOISLEVE (Yves Rocher)

    Mr François BUSQUET (CAAT)

    Mme Marie-Christine CHAGNON (Université AgroSup DIJON)

    Mr Jean-Michel CHAPSAL (Sanofi-Pasteur)

    Mme Nancy CLAUDE (SERVIER)

    Mr Charles-Henry COTTART (Université Paris Descartes)

    Mme Valérie FESSARD (ANSES)

    Mme Isabelle GAOU (ARKEMA)

    Mme Christine GARCIA-MERCIER (SEPPIC)

    Mr Thierry GODARD (ANSES)

    Mme Elise GRIGNARD (ECVAM – JRC)

    Mr Christophe JOUBERT (CEA)

    Mme Saadia KERDINE-ROMER (INSERM – Université Paris Sud)

    Mme Aude KIENZLER (ECVAM)

    Mme Martine KOLF-CLAUW (ENVT)

    Mme Nathalie LEDIRAC (CEHTRA)

    Mr Emmanuel LEMAZURIER (INERIS)

    Mr Grégory LEMKINE (WATCHFROG)

    Mme Catherine MAISONNEUVE (SERVIER)

    Mme Cécile MICHEL (ANSES)

    Mr Alexandre PERY (AGROSPARITECH)

    Mr Sébastien PERROT (ENVA)

    Mr Michel PLOTKINE (Université Paris Descartes)

    Mme Sonia PRIEUR (ANSM)

    Mr Patrice RAT (Université Paris-Descartes)

    Mme Annie REBER (Université ROUEN)

    Mme Lysiane RICHERT (Université Besançon)

    Mr Didier SAUVAIRE (ANSM)

    Mme Anne TILLOY (ANSES)

    Mme Geneviève UBEAUD-SEQUIER (Université ILLKIRCH)

    Mme Catherine VOGT (Université LYON)

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    Autres contributeurs :

    Mr Ivan BALANSARD (CNRS)

    Mr Stéphane BINET (INRS)

    Mme Anne BRAUN (INERIS)

    Mme Céline BROCHOT (INERIS)

    Mr Manuel GEA (ADEBIOTECH)

    Mme Anne GOURMELON (OCDE)

    Mr Benoît DE GUILLEBON (APESA)

    Mme Danielle LANDO (ADEBIOTECH)

    Mr Éric LECLERC (UTC)

    Mlle Cosette LE SOUDER (Interne en Pharmacie)

    Coordination :

    Mme Isabelle FABRE (ANSM)

    Mr Enrico MOMBELLI (INERIS)

    Secrétariat :

    Mme Florence CHABAUD (ANSM)

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    SOMMAIRE

    AVANT-PROPOS : FRANCOPA 7

    RESUME 9

    LES RECOMMANDATIONS 12

    CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 13

    INTRODUCTION 14

    Pourquoi des méthodes alternatives en expérimentation animale ? 14

    L’expérimentation animale parmi les outils d’investigation du vivant 17

    LES METHODES ET LE CADRE DE LEUR DEVELOPPEMENT 23

    I - LES MÉTHODES ALTERNATIVES « EN » EXPÉRIMENTATION ANIMALE 24

    1. La définition : les Trois R, le remplacement, la réduction et le raffinement 24

    2. Les méthodes alternatives (3R) disponibles, leur pertinence et leurs limites 26

    II- LA PLACE DES MÉTHODES ALTERNATIVES DANS LES CADRES LÉGISLATIFS ET RÉGLEMENTAIRES 49

    1. La Directive 2010/63/UE 49

    2. Cas des produits chimiques 49

    3. Cas des produits cosmétiques 51

    4. Cas des médicaments 51

    5. Les autres réglementations 53

    file://///ad.ineris.fr/Novell/VEGA/vol1/DRC/Secretariat/Drcg/GIS%20FRANCOPA/Rapport%20ministre/rapportFRANCOPA%20MAJ%2007112016.docx%23_Toc466551380file://///ad.ineris.fr/Novell/VEGA/vol1/DRC/Secretariat/Drcg/GIS%20FRANCOPA/Rapport%20ministre/rapportFRANCOPA%20MAJ%2007112016.docx%23_Toc466551381file://///ad.ineris.fr/Novell/VEGA/vol1/DRC/Secretariat/Drcg/GIS%20FRANCOPA/Rapport%20ministre/rapportFRANCOPA%20MAJ%2007112016.docx%23_Toc466551382

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    III- LES NIVEAUX DE RECONNAISSANCE, DE LA VALIDATION SCIENTIFIQUE A LA VALIDATION REGLEMENTAIRE 59

    1. La validation scientifique 59

    2. La validation réglementaire 59

    3. Les méthodes validées par les instances réglementaires 62

    IV- LE CALENDRIER PROSPECTIF DES METHODES EN COURS DE DEVELOPPEMENT 66

    1. Contribution au niveau national 67

    2. Contribution aux niveaux européen et international 68

    3. Structuration – Valorisation des méthodes alternatives 68

    V- LES ACTEURS DANS LE DOMAINE DES MÉTHODES ALTERNATIVES, DE LEUR CONCEPTION A LEUR UTILISATION 69

    1. Les acteurs nationaux 70

    2. Les acteurs européens 92

    3. Les acteurs internationaux 97

    VI - LES RECOMMANDATIONS ET LE ROLE DE FRANCOPA DANS LEUR MISE EN ŒUVRE 100

    CONCLUSIONS et PERSPECTIVES 112

    LES ANNEXES 113

    ANNEXE 1 LES CADRES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES DES METHODES ALTERNATIVES EN EXPERIMENTATION ANIMALE 114

    ANNEXE 2 LE PROGRAMME DETAILLE DE L’INRS 117

    ANNEXE 3 LE PROGRAMME DETAILLE DE L’ANSES 121

    ANNEXE 4 LES PROGRAMMES EUROPEENS ET INTERNATIONAUX 127

    ANNEXE 5 LISTE DES CENTRES 3R 129

    ANNEXE 6 LE GLOSSAIRE 132

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    AVANT-PROPOS : FRANCOPA

    Un Groupement d’Intérêt Scientifique, GIS nommé « plateforme française pour le développement des méthodes alternatives en expérimentation animale », a été lancé conjointement par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’ANSM (ex AFSSAPS) en novembre 2007 afin de fédérer l’ensemble des acteurs nationaux agissant dans le domaine des méthodes alternatives en expérimentation animale.

    En effet, il est apparu indispensable, à l’image des autres pays européens, qu’une structure soit mise en place pour faire connaître à nos concitoyens la réalité de l’expérimentation en biologie animale et humaine et développer des outils innovants afin de la faire évoluer. Les activités de FRANCOPA devraient permettre d’aller au-devant de questions qui sont posées à la communauté scientifique :

    - Pour mieux faire comprendre les enjeux de la science et de la recherche biomédicale et les nécessités des évaluations réglementaires de dossiers industriels pour mise sur le marché, dans un souci de sécurité du consommateur, du travailleur ainsi que des animaux et de réduire la contrainte que ces derniers subissent tout en améliorant la qualité des résultats obtenus.

    - Pour susciter le développement et l’utilisation des méthodes susceptibles de réduire ou remplacer le recours aux animaux, et de réduire la contrainte que ces derniers subissent tout en maintenant la qualité des résultats obtenus,

    - Pour centraliser les progrès réalisés et assurer leur promotion en valorisant les résultats obtenus.

    Depuis cette date, FRANCOPA, fait partie du réseau des 16 plateformes nationales européennes dédiées aux méthodes alternatives dont les activités sont coordonnées par la plateforme européenne ECOPA1. FRANCOPA, plateforme française s’est structurée autour des 4 piliers que sont la recherche académique, les agences réglementaires, l’industrie et les associations de protection animale, sans oublier les pouvoirs publics, ceci afin de répondre aux recommandations de la plateforme ECOPA.

    FRANCOPA a annoncé dans son programme de travail promouvoir les méthodes qui appliquent le concept de 3R (remplacer, réduire, raffiner) c'est-à-dire toute méthode qui permet de réduire la souffrance des animaux et d’améliorer leur bien-être (raffiner), de réduire le nombre d’animaux utilisés sans pour autant impacter les données nécessaires à établir la sécurité du consommateur, du travailleur et des animaux (réduire) ainsi que de s’affranchir de l’expérimentation animale (remplacer).

    1 ECOPA – European Consensus-Platform for Alternatives: http://www.ecopa.eu/

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    Le rapport publié par FRANCOPA en 2011 dont l’objectif était d’établir un état des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France doit être mise à jour régulièrement pour quatre raisons principales :

    - La réglementation européenne sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques évolue et devient de plus en plus exigeante vis-à-vis de l’expérimentation animale, le recours à des méthodes alternatives est à ce jour incontournable dans les processus réglementaires des produits.

    - Les nombreuses réglementations sur les substances et produits évoluent aussi, avec une acceptation des méthodes alternatives qui ne peut que s’améliorer.

    - Le processus de validation des méthodes alternatives à l’expérimentation animale a été optimisé en termes d’efficacité et de pertinence réglementaire depuis la création d’EURL ECVAM en 2013 avec comme conséquence attendue une accélération de l’adoption de nouvelles méthodes aux niveaux de l’OCDE et de la Pharmacopée européenne.

    - Les avancées de la biologie ainsi que les nouvelles approches et stratégies en toxicologie offrent toujours plus d’opportunités pour développer des outils novateurs.

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    RESUME

    La mise à jour de ce rapport est le résultat d’un travail collectif de FRANCOPA « plateforme française pour le développement des méthodes alternatives en expérimentation animale ».

    Les principales modifications apportées à la première publication concernent :

    - Le recensement des méthodes alternatives intégrant les nouveaux outils disponibles, - La prise en compte de l’évolution des réglementations des produits, conséquence de la

    mise en œuvre de la Directive 2010/63/UE,

    - La mise à jour des bilans et programmes d’activité des partenaires de FRANCOPA, - Le bilan des recommandations issues de l’analyse de l’enquête menée auprès des

    acteurs nationaux du domaine lors de la rédaction du premier rapport ainsi que de nouvelles recommandations engageant de nouvelles perspectives de travail de FRANCOPA.

    L’objet du rapport : les méthodes alternatives

    Les méthodes considérées sont les méthodes alternatives telles que définies par Russell &

    Burch en 1959, lorsque a été établie la règle dite des 3R. Il s’agit de méthodes pouvant se

    substituer à l’utilisation de l’animal (Replacement), mais aussi de celles capables de réduire

    le nombre d’animaux utilisés (Reduction) ou encore de diminuer la douleur ou la détresse

    imposée aux animaux tout en retirant un niveau élevé d’information de l’étude (Refinement,

    traduit en Français par optimisation ou raffinement).

    Les méthodes alternatives disponibles

    Le rapport ne traite pas d’outils d’investigation du vivant comme la recherche clinique,

    l’épidémiologie ou l’observation sur volontaire sain. Il se focalise sur l’expérimentation

    animale et ses alternatives. Il décrit des exemples de méthodes selon les catégories

    suivantes :

    Les méthodes de substitution (replacement) sont les méthodes in silico (expression devenue courante pour les calculs effectués sur ordinateur) basées sur la modélisation de données, les méthodes in vitro utilisant des éléments biologiques comme les tissus, les cellules, les organites, les biomolécules (ADN, protéines), des méthodes de chimie analytique, les organes bio artificiels.

    Les méthodes de réduction (reduction) sont les méthodes qui visent à réduire le nombre d’animaux utilisés dans les études grâce à des plans d’expérience plus efficaces et les méthodes ex vivo (tissus, organes prélevés d’organismes vivants). La réduction de l’utilisation des animaux peut être obtenue en développant le recours aux techniques « Omics » (mesures, souvent à haut débit, de matériel génétique, de protéines, de métabolites) et en partageant les banques de données ainsi que par la réduction des effectifs des lots expérimentaux en appliquant des tests statistiques pertinents ou par la mise en œuvre des stratégies de réduction telles que les approches intégratives.

    Les méthodes de raffinement (refinement) sont par exemple l’utilisation d’espèces présumées moins sensibles et l’utilisation de techniques d’exploration non invasives (imagerie du petit animal, RMN in vivo, examen clinique, évaluation comportementale, télémétrie) sachant que ces méthodes sont aussi des méthodes de réduction voire de substitution. Ce sont également toutes les méthodes telles que le conditionnement,

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    l’enrichissement et toutes les bonnes pratiques de zootechnie qui améliorent la vie des animaux tout en augmentant la validité des modèles. Ce sont enfin et surtout toutes les méthodologies de conception des projets et d’analyse des résultats, de choix pertinent de l’espèce du modèle et des témoins de contrôle de la variabilité et de la reproductibilité qui peuvent contribuer à une meilleure transposition des résultats à l’Homme.

    A ce jour, peu de méthodes de substitution peuvent être utilisées en méthode unique. Elles

    sont le plus souvent utilisées dans des approches intégratives combinant l’ensemble des

    outils alternatifs disponibles (in vitro, ex vivo, in silico) afin de n’utiliser l’animal qu’en dernier

    recours lorsque les autres méthodes n’ont pas permis d’apporter les informations

    suffisantes. Ces approches ont toutes des limites et des axes de progrès que le rapport a

    tenté de mettre en évidence.

    L’utilisation des méthodes, reconnaissance et validation

    Il existe deux utilisations majeures des méthodes alternatives qui correspondent aux domaines d’utilisation de l’expérimentation animale, mais qui ne sont pas soumises aux mêmes impératifs. Dans les deux cas se pose une question essentielle, celle de leur validité que le rapport aborde aussi.

    La recherche fondamentale et appliquée au domaine médical développe et utilise les outils alternatifs sans animaux pour la compréhension du fonctionnement de base des cellules en biologie cellulaire et moléculaire et, de plus en plus, tissulaire et organique (cf. organes bio-artificiels) ainsi qu’en complément de l’expérimentation animale pour l’étude des mécanismes biologiques intégrés (étude des pathologies, des comportements, etc.). Par essence, les méthodes sans animaux utilisées dans ce domaine sont des outils pour la recherche voire même des objets d’étude.

    Utiliser le terme de Remplacement est inapproprié car elles apportent une contribution originale et spécifique à des projets sans chercher à se substituer à des méthodes anciennes qui deviennent obsolètes.

    Elles n’ont pas à faire l’objet de validations au sens réglementaire mais une normalisation ou une certification de certaines de ces méthodologies peut s’avérer nécessaire pour crédibiliser et assurer la reproductibilité des procédures expérimentales. Aujourd’hui c’est surtout dans la réduction et le remplacement que la recherche fondamentale doit faire porter ses efforts avec une vision positive d’amélioration de la qualité de la recherche à travers l’optimisation des procédures.

    Les études effectuées dans un contexte réglementaire portent sur des domaines nombreux. On cite souvent en premier lieu le règlement REACh et la classification (CLP), mais il ne faut pas oublier la réglementation des cosmétiques qui a interdit l’expérimentation animale. D’autres domaines sont ceux des produits phytopharmaceutiques et des biocides (communément regroupés sous le nom de pesticides). Les médicaments humains et vétérinaires, ainsi que les dispositifs médicaux sont un autre champ à considérer. Il faut aussi citer les réglementations touchant aux additifs alimentaires et aux contenants alimentaires. D’autres réglementations ne portent pas forcément sur les substances intentionnellement produites, comme la directive cadre sur l’eau.

    C’est dans ce domaine que la question de la validation est la plus cruciale. Les méthodes ont pour objet de donner des réponses ciblées à des questions restreintes (par exemple toxicité d’une substance ou contrôle d’un lot de vaccin). Une méthode recevable par les autorités réglementaires doit être validée afin d’apporter la preuve de sa pertinence, de sa capacité à détecter les effets observés chez l’animal ou chez l’Homme et de sa reproductibilité.

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    Des « validations réglementaires » de méthodes non animales sont essentiellement initiées au niveau européen par EURL ECVAM du centre de recherche commun (JRC) à Ispra pour les substances chimiques, la DEQM pour le médicament et au niveau international par l’ICCVAM (USA). Le processus de validation tel qu’il a été défini à l’origine par l’ECVAM créé en 1991, a été amélioré afin d’en réduire la durée et le coût, freins à l’utilisation pratique des méthodes alternatives mais aussi afin d’être plus en phase avec les exigences réglementaires. Il n’en demeure pas moins que la lourdeur des démarches de validation reste peu compatible avec la rapidité de l’évolution des connaissances ce qui explique le peu de succès que rencontrent certaines de ces méthodes qui sont déjà obsolètes au moment où elles sont validées.

    La reconnaissance unilatérale internationale est, pour les substances, portée par l’OCDE sous forme de ligne directrice, ou par la pharmacopée européenne. A noter que certaines réglementations (cf. REACH) ont assoupli le processus acceptant dans certaines circonstances des méthodes « reconnues », c'est-à-dire qualifiées sans être validées par ces instances. Il n’en demeure pas moins que ces méthodes validées doivent faire l’objet d’une réévaluation permanente au regard de l’avancée des connaissances scientifiques et des méthodes.

    Les acteurs

    En 1986, l’Europe, a avancé dans le domaine de la protection animale, en publiant une Directive (86/609/CEE) visant à encadrer la protection des animaux utilisés dans un cadre expérimental. L’application de cette Directive s’est accompagnée, au niveau européen, de la création de nombreuses structures dédiées au développement et à la validation des méthodes alternatives : ECVAM 2 en 1991 pour la conduite des études de validation, ECOPA, plateforme européenne assurant la coordination des activités des plateformes nationales en 1999, EPAA créée en 2005, en partenariat entre la CE et l’industrie afin de favoriser la communication et le transfert technologique entre les différents secteurs industriels.

    En France, la communauté scientifique, devançant le législateur, a mis en place des Comités d’éthique chargés d’évaluer toute étude réalisée sur l’animal. Cette démarche s’est structurée à un niveau national grâce au Comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale (CNREEA). Par ailleurs, les enseignements destinés à la pratique éthique sont dispensés dans le cadre des formations réglementaires pour la mise en œuvre d’expérimentation animale, l’approbation de ces formations étant assurée par la Commission nationale de l’expérimentation animale (CNEA).

    La Directive 86/609/CEE remplacée en 2010 par la Directive 2010/63/UE a mis en place de nouvelles dispositions plus contraignantes vis-à-vis de l’utilisation d’animaux en recherche biomédicale avec pour objectif d’améliorer leur protection

    Actuellement, des collaborations se sont mises en place au niveau international afin d’obtenir une harmonisation des pratiques et des réglementations.

    Dans cette perspective la création en 2007 du GIS « plateforme française pour le

    développement des méthodes alternatives en expérimentation animale » nommé

    FRANCOPA a permis à la France de rejoindre la plateforme européenne ECOPA.

    2 Remplacé par EURL ECVAM, laboratoire de référence de l’Union européenne pour la promotion des méthodes

    de substitution à l’expérimentation animale créé en 2010 pour répondre au besoin croissant de mettre au point et faire valider des nouvelles méthodes dans l'Union européenne.

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    Les recommandations

    FRANCOPA a énoncé des recommandations dans les domaines suivants :

    Pour éviter les expérimentations superflues,

    FRANCOPA propose :

    - D’accélérer l’optimisation des processus de contrôle et des procédures d’essai, - D’organiser les dispositifs d’échange et l’utilisation des résultats acquis, - De promouvoir la publicité et l’accès aux résultats négatifs.

    Pour intégrer les méthodes alternatives dans l’enseignement des sciences de la vie,

    FRANCOPA propose :

    - Une formation générale, - Des formations spécifiques, - D’accroitre le recours aux simulations dans l’enseignement.

    Pour orienter la recherche vers des outils novateurs,

    FRANCOPA propose :

    - De mettre en place un « centre 3R » pour financer les développements spécifiques.

    Pour construire, faire connaître et reconnaitre les nouvelles approches et leurs

    opérateurs,

    FRANCOPA propose :

    - De passer de la recherche à des outils opérationnels appuyés sur un réseau de ressources,

    - De se doter des moyens de faire reconnaitre la qualité des méthodes innovantes (normalisation, certification volontaire, autres processus de validation),

    - De structurer l’apport national à la validation réglementaire, - De promouvoir la préoccupation 3R dans les démarches de recherche sur le vivant, - De faire connaitre les acteurs et outils opérationnels disponibles, - D’intégrer la démarche aux stratégies nationales de recherche

    Pour définir des politiques par domaine et évaluer leur avancement,

    FRANCOPA propose :

    - De cibler et construire des politiques sectorielles en fonction du potentiel de réduction,

    - De construire une nomenclature des méthodes alternatives pour permettre leur recensement,

    - De connaitre de façon détaillée les utilisations de l’expérimentation animale afin d’identifier des cibles pour l’application des 3R.

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    Conclusions et perspectives

    Pour élaborer ce rapport réactualisé, FRANCOPA s’est réjoui de la participation active des acteurs impliqués et notamment de la mobilisation d’instituts de recherche, d’EPICS et d’agences.

    Des limites doivent être signalées. Ainsi le rapport ne traite pas de la pertinence de telle ou telle méthode et il ne va pas jusqu’à donner des horizons temporels pour la mise au point des différentes méthodes.

    L’intérêt suscité par le sujet auprès des scientifiques rencontrés montre une réelle mobilisation qui vient des préoccupations éthiques sur l’expérimentation animale mais aussi du fait des avancées importantes dans la compréhension des mécanismes du vivant, avancées elles-mêmes rendues possibles par les nouveaux outils d’investigation disponibles aujourd’hui.

    L’analyse montre à quel point le développement des méthodes suscite et profite des développements des connaissances sur le vivant. En toxicologie, les méthodes alternatives dynamisent les recherches dans ce domaine. Parallèlement, le développement d’outils d’investigation et de la compréhension de mécanismes, ouvrent la voie à des nouvelles méthodes. Les préoccupations entrent donc en synergie de façon remarquable avec la démarche de structuration de la toxicologie et de l’écotoxicologie, par exemple, quand il s’agit de passer d’une liste à priori d’essais opposables à une confirmation des modes d’action supposés grâce à des expérimentations ciblées (stratégies de test intégrées).

    Cette même synergie s’observe avec la dynamique mise en place dans le domaine des

    sciences de la santé.

    Ainsi, aujourd’hui, le développement de ces méthodes n’est pas une démarche isolée du

    reste de la démarche de développement des connaissances, qu’il s’agisse de toxicologie, de

    biologie, de thérapie. FRANCOPA entend accompagner cette démarche globale et faciliter le

    passage des développements amont aux applications.

    Toutefois, FRANCOPA n’est pas uniquement un lieu d’échange scientifique et la

    généralisation des bonnes pratiques, la circulation de l’information et la recevabilité sociétale

    doivent être traitées.

    FRANCOPA doit s’associer aux moyens qui seront mis en place pour assurer le suivi de la mise en œuvre des méthodes et des recommandations émises.

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    INTRODUCTION

    Ce rapport a pour objet de dresser un état des lieux des méthodes alternatives en expérimentation animale en France et de mettre en perspectives les travaux nationaux avec ceux réalisés aux niveaux européen et international. Avant d’approfondir ce sujet, il importe de comprendre pourquoi les expérimentations sont utilisées, et pourquoi on peut envisager des alternatives.

    POURQUOI DES METHODES ALTERNATIVES EN EXPERIMENTATION ANIMALE ?

    L’évolution de la sensibilité sociale, les droits de l’animal, le bien-être animal

    La vision anthropomorphique de l’animal n’a cessé d’évoluer depuis le début de l’existence de l’humanité au sens des droits et des devoirs que s’accorde l’espèce humaine vis-à-vis des espèces animales3.

    Au cours de la préhistoire, la relation ancienne et réciproque de prédateur à proie entre l’Homme et l’animal a en effet peu à peu évolué vers un rapport de dominant à dominé, avec la domestication de certaines espèces. Le fondement de ce rapport fut dicté par « l’utilité » de l’animal pour l’Homme – « utilité » alimentaire et « utilité » comme force de travail. Les rapports entre l’Homme et les animaux évoluent aussi en parallèle des évolutions de la société ; le regard que portent les « citadins » sur les animaux diffère de celui que leur portent les « ruraux ».

    La déification de quelques espèces animales dans la plupart des civilisations peut en partie expliquer la notion d’animal de compagnie que nous connaissons. Pour d’autres sociologues, l’animal de compagnie peut représenter de nos jours un vestige de notre ruralité ancienne perdue. Ce n’est qu’au milieu du XVIIème siècle que sont apparues les premières réflexions philosophiques sur le bien-être animal et au XIXème siècle que sont apparues les premières sociétés de protection animale. En France, la première réglementation concernant l’animal est la loi Grammont (1850), proposée à l’assemblée nationale par le député Grammont qui s’offusquait des flagellations que les palefreniers imposaient aux chevaux pour les faire avancer dans les rues étroites de Paris. Cette loi qui édictait « de ne pas faire mal à un animal en public », a été marquante puisqu’elle prévoyait pour la première fois des sanctions pour « les personnes ayant fait subir publiquement des mauvais traitements aux animaux ». Il fallut attendre près d’un siècle pour voir l’adoption d’une loi (loi du 10 juillet 1976) soulignant le fait que les animaux sont des êtres sensibles subissant contraintes et souffrances imposées par l’Homme.

    Cette première loi a donné les fondements de la plupart des textes réglementaires ultérieurs, encadrant nos pratiques par rapport aux animaux en général (articles L214-1 et 3 et articles L215-6 et 7 du Code rural) et en particulier ceux concernant l’expérimentation animale qui relèvent aussi de la transposition de la Directive 86/609 du Code rural, Décret 87/848 du 19 octobre 1987 modifié par Décret 2001-464 du 29 mai 2001 et par Décret 2005264 du 22 mars 2005, insérés dans la partie réglementaire du Code rural (article R214-87 à R 214-130, arrêtés du 19 avril 1988), qui soulignent tous le souhait d’encadrer les pratiques liées à l’expérimentation animale.

    3 Le statut juridique de l'animal a été révisé en 2014 : http://www.spa.asso.fr/actualites/statut-juridique-de-lanimal-une-nouvelle-etape-est-franchie

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    Ces critères conduisent à éviter l’usage des animaux chaque fois que cela est possible. Lorsque cet usage ne peut être évité et dans les cas où il y a souffrance ou détresse animale, il convient de définir le point limite de souffrance ou détresse animale en se basant sur des principes énoncés et formalisés par W.M.S Russell et R.L. Burch, dans leur ouvrage « The principles of Human Experimental Technique » publié en 1959. Cet ouvrage fait référence à un principe, aujourd’hui connu sous le nom de règle des trois R pour « Replace, Reduce, Refine » : Remplacer, Réduire et Raffiner (cf. chapitre Généralités, les 3R).

    Les recommandations édictées dans cet ouvrage sont d’abord passées inaperçues avant de servir de base à de nombreux textes réglementaires. Elles permettent aujourd’hui la mise en

    place d’une réflexion sur l’expérimentation animale et les méthodes alternatives.

    L’extrapolation des résultats des études à l’Homme ou l’animal : une prédictivité imparfaite

    Les études à visée réglementaire, généralement en phase de développement des produits

    (médicaments, produits phytosanitaires, etc.), sont l’objet de procédures standardisées et

    validés dont l’objectif est de permettre l’évaluation des dangers ou effets adverses des

    molécules et /ou produits formulés par des Comités experts et les agences de sécurité

    sanitaire à l’échelle nationale et à l’échelle européenne. Ces études sont soumises à

    contrôles pour évaluer les données obtenues. Dans ce cas, les objectifs sont généralement

    d’identifier le danger lié à la molécule testée et de participer à l’évaluation du risque pour

    l’Homme ou l’organisme vivant qui seront exposés à cette molécule. Les résultats obtenus

    doivent donc permettre d’établir une « carte d’identité » du danger de la molécule

    (identification des organes cibles, pouvoir mutagène et cancérogène, effets sur les fonctions

    de reproduction) mais aussi de définir une dose sans effet toxique ou une relation dose/effet.

    Cette dose sans effet toxique (ou sans effet inacceptable) sera un des éléments

    d’appréciation du risque encouru par l’Homme exposé au produit et sert de base au calcul

    des seuils d’exposition réglementaire comme la DJA (dose journalière admissible) dans le

    cas des produits phytosanitaires. Cette dose sans effet participe aussi à la définition de la

    posologie d’emploi des médicaments chez l’Homme.

    La transposition à l’Homme des résultats obtenus en toxicologie réglementaire chez les animaux d’expérimentation est établie dans un grand nombre de cas. Par exemple, les rhabdomyolyses observées avec la cérivastatine chez les patients traités et qui ont abouti au retrait du médicament du marché avaient été clairement identifiées chez l’animal. Pour

    autant, elle n’est pas pertinente dans certains autres cas (par exemple rofecoxib : VIOXX®, anticorps monoclonal TGN1412, effets cardiaques du trastuzumab Herceptin®). Cela est dû à diverses raisons qui peuvent d’ailleurs parfois interagir entre elles. A titre d’exemples, certaines espèces sont peu sensibles ou au contraire extrêmement sensibles à certains agents toxiques (ex : tératogènes comme la thalidomide). Il faut aussi mentionner les aspects idiosyncrasiques comme le polymorphisme génétique des enzymes de métabolisation ou le déterminisme génétique des réponses immunitaires qui ne sont pas prévisibles par l’expérimentation animale et sont à l’origine de nombreux retraits du marché de médicaments. Dans d’autres cas, il peut s’agir de différences dans les mécanismes biologiques présents chez l’animal et chez l’Homme. Dans ce dernier cas, la mise en place d’études pertinentes utilisant des cellules humaines et animales permettraient probablement de mieux sélectionner l’espèce animale la plus appropriée.

    Dès lors les questions de la prédiction du niveau de risque pour l’Homme, et donc de la définition d’un seuil acceptable d’exposition sont posées. La manière actuelle de résoudre cette problématique est de définir un facteur de sécurité qui est le rapport entre la dose sans

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

    16

    effet toxique chez l’animal et la dose à laquelle on estime pouvoir exposer l’Homme sans danger.

    Enfin, il faut souligner qu’en ce qui concerne le médicament humain les essais chez l’animal

    sont toujours suivis d’une phase d’essai de plus en plus extensive chez l’Homme. Cette

    précaution n’empêche pas les accidents après cette phase pour plusieurs raisons. Tout

    d’abord l’extension des populations humaines (7 milliards d’individus), la variabilité génétique

    extrême de ces populations, l’existence d’isolats génétiques très différenciés et enfin les

    contextes comportementaux, sanitaires, environnementaux extrêmement variés de ces

    populations. Il est donc important de rappeler que ce n’est pas l’absence de pertinence des

    modèles animaux qui conduit aux rares accidents postérieurs à la phase d’essai chez

    l’homme. La transposition de l’Homme à l’Homme, est, elle aussi une question à poser.

    Par ailleurs, la perception du risque est différente pour un médicament d’usage humain ou

    vétérinaire, pour lequel on peut accepter le risque si le rapport bénéfice/risque est favorable,

    et pour un produit cosmétique ou un produit aboutissant dans l’environnement, pour lequel

    l’acceptation d’un risque peut être sociologiquement inacceptable.

    L’application de méthodes alternatives

    Dans le cas des études visant à définir la sécurité d’emploi ou les limites de l’exposition à une molécule donnée, plusieurs types de méthodes alternatives sont déjà utilisables. En ce qui concerne le remplacement, l’application du règlement 1223/2009 sur les cosmétiques a conduit à la substitution de plusieurs essais4.

    En ce qui concerne la réduction, des approches visant à réduire le nombre d’animaux sont

    déjà en évaluation pour une acceptation réglementaire. C’est par exemple le cas du rLLNA

    (reduced Local Lymph Node Assay) dont la prédictivité est au moins équivalente à celle du

    LLNA classique avec deux fois moins d’animaux employés. L’utilisation de modèles animaux

    humanisés doit aussi être développée comme ceux comportant certains Cytochromes P450

    humains connus pour jouer un rôle majeur dans la métabolisation des xénobiotiques. Le

    développement de biomarqueurs spécifiques et de méthodes non-invasives d’exploration

    devraient permettre une réduction significative du nombre d’animaux dans les études de

    toxicologie.

    Parmi les tests toxicologiques in vitro ou ex vivo développés en remplacement de

    l’expérimentation animale, les tests de mutagenèse sont depuis longtemps employés comme

    tests réglementaires et emploient des procédures standardisées et validées. En

    pharmacologie de sécurité, le test « patch clamp » hERG (modèle cellulaire pour prédire des

    effets cardiotoxiques) est un bon exemple de test développé à partir de la recherche

    fondamentale et appartenant maintenant à une batterie de tests réglementaires

    recommandés. Pour d’autres tests, les procédures sont moins bien précisément établies et

    les résultats des essais dépendent souvent du niveau d’expertise de chaque laboratoire et

    de la pertinence des modèles cellulaires et des modèles animaux utilisés pour mettre en

    place les modèles cellulaires. Néanmoins, il faut souligner l’importance de ces approches

    dans la compréhension des mécanismes d’action toxiques chez l’Homme qui, souvent,

    aboutissent à une réduction notable du nombre d’études chez l’animal. Dans ce cas,

    l’acceptabilité réglementaire ne sera pas l’objectif premier pour le développement de ces

    méthodes car celles-ci ne seront pas employées en substitution à l’animal de laboratoire.

    4 https://EURL ECVAM.jrc.ec.europa.eu/EURL ECVAM-status-reports/files/EURL ECVAM-report-cosmetics-2013

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    Mais leur acceptabilité dans la communauté scientifique doit être un objectif ce qui est déjà

    le cas pour les tests employés très en amont dans le développement des produits de santé

    (tests de mutagenèse miniaturisés, Omics, etc.) L’utilisation de plateformes (Imagerie-puces

    à cellules, etc.) labellisées (IBiSA, etc.) devrait faciliter la standardisation et l’évaluation de la

    reproductibilité de nouveaux tests développés au sein de différents laboratoires.

    Dans le domaine de la recherche appliquée et de la recherche fondamentale, et à la

    différence des études de sécurité, les procédures ne font pas l’objet d’une standardisation,

    certaines de ces études pouvant avoir pour objectif de définir de nouvelles approches

    complémentaires. Dans ces situations, les évaluations des effets thérapeutiques et des

    éventuels effets indésirables sont effectuées par des Comités experts ad hoc à partir de

    l’ensemble des connaissances disponibles. En situation extrême, comme l’utilisation de

    nouvelles voies thérapeutiques (thérapie cellulaire, thérapie génique, etc.) la prédictivité des

    études ne peut être établie que de façon rétrospective lorsque le premier essai chez

    l’Homme a été réalisé. Fréquemment, après ces premiers essais, de nouvelles études sont

    entreprises tant in vivo chez l’animal qu’in vitro afin d’améliorer les modèles expérimentaux

    existants.

    Dans ce cas, les contraintes sont moins fortes d’un point de vue réglementaire mais devront

    faire l’objet de consensus dans la communauté scientifique quant à leur extrapolation à la

    situation humaine.

    In fine, l’expérience acquise montre que Remplacement, Réduction et Raffinement ont déjà

    été possibles.

    L’EXPERIMENTATION ANIMALE PARMI LES OUTILS D’INVESTIGATION DU VIVANT

    L’utilisation de « modèles animaux » fait partie des outils expérimentaux de l’investigation du vivant avec l’étude expérimentale chez l’Homme, les études sur les tissus, cellules et molécules biologiques isolées.

    Elle se situe aussi aux côtés des approches observationnelles (clinique, épidémiologie) chez l’Homme ou l’animal. Aujourd’hui, elle se place de plus en regard des méthodes de modélisation mathématique du vivant.

    Par nature, l’expérimentation animale est centrée sur l’étude de réponses intégrées au sein de l’organisme qui impliquent de nombreuses interactions entre cellules ou tissus, et organes entre eux. Elle est un des éléments de compréhension du vivant, complémentaire des études expérimentales réalisées sur des cellules et des organes isolés ou des observations dont tous les paramètres ne sont pas accessibles (ex. patients humains, etc.).

    Une vision statique de l’approche expérimentale serait trompeuse, car celle-ci est en perpétuelle évolution. Ainsi, les développements scientifiques, en particulier les progrès récents de la biologie moléculaire, de l’imagerie et les techniques de « post-génome5 » ou « Omics » conduisent à de nouvelles formes d’investigation sur le vivant. De plus, les modèles animaux eux-mêmes évoluent, notamment avec l’usage d’animaux génétiquement modifiés, pour modéliser des mécanismes physiopathologiques plus proches de ceux de l’Homme et/ou, pour faciliter l’étude d’une pathologie.

    5 Etude du rôle des gènes, de leurs interactions au sein d’un organisme et du lien entre gènes et phénotype.

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    Les agents chimiques

    Les agents xénobiotiques sont des molécules, étrangères à un organisme donné et comprennent les produits chimiques, liés à notre mode de vie, les polluants et contaminants mais aussi les agents à but thérapeutique (substances médicamenteuses) ainsi que les produits cosmétiques, biocides et phytosanitaires.

    Les agents physiques

    Il s’agit des champs électromagnétiques produits par exemple par des antennes ou des radars, des vibrations, du bruit, des rayonnements ionisants et non ionisants.

    Les agents biologiques

    Sont classés dans les agents biologiques les agents présentant un risque infectieux comme les virus, les bactéries, les champignons, les parasites, mais aussi les médicaments biologiques tels que les vaccins, les produits biotechnologiques, les toxines (mycotoxines, phycotoxines), les Organismes Génétiquement Modifiés utilisés en agriculture ou pour les nouvelles thérapies.

    Pour la recherche fondamentale en physiologie animale et humaine et pour

    l’étude des maladies animales et humaines

    L’expérimentation animale permet d’évaluer la capacité des organismes vivants à répondre à des modifications de leur environnement par des mécanismes intégratifs pouvant évoluer sur du long terme. A ce titre elle reste une composante non remplacée de la biologie fondamentale. L’expérimentation animale reste également un outil important de la recherche médicale moderne sur de nombreuses pathologies (maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, maladies infectieuses et développement de vaccins, maladies métaboliques comme le diabète, etc.). Elle sert également à développer les nouvelles techniques chirurgicales (greffes, microchirurgie ou neurochirurgie). Les questions posées par la recherche sont fondamentales pour l’identification des mécanismes biologiques qui permettent aux organismes de s’adapter aux variations des conditions environnementales et aux perturbations internes en situations physiologiques et par voie de conséquence pathologiques.

    Les progrès de la médecine à un moment ou à un autre du processus de la découverte, s’appuient généralement sur les résultats d’expérimentations animales. On peut signaler que plus de 70 prix Nobel de médecine et de physiologie ont récompensé l’acquisition de connaissances obtenues à partir de l’expérimentation animale. Cette expérimentation tient donc une place aujourd’hui très importante dans le processus de la découverte scientifique en biologie et médecine. Des Comités européens comme le SCHER (Scientific Committee on Health and Environmental Risk) n’envisagent pas la possibilité de s’affranchir de ces modèles dans l’état actuel des connaissances. Même dans cette hypothèse, on rappellera que l’expérimentation peut être « Raffinée », par des méthodes comme celles utilisées dans l’étude du mouvement et du comportement qui ne comportent ni peine ni sacrifice. L’utilisation de l’expérimentation animale dans le domaine de la recherche est ainsi l’enjeu majeur des discussions actuelles, par contraste avec celui d’il y a 10 ans.

    Pour prédire le risque lié à l’exposition aux agents chimiques, physiques ou

    biologiques

    Aujourd’hui, l’un des grands défis de santé publique est la prévention des éventuels effets néfastes liés à une exposition à un ou plusieurs agents chimiques, physiques ou biologiques présents dans notre environnement général, domestique ou professionnel. Cette préoccupation de prévention s’applique également aux produits destinés à la santé animale ainsi qu’aux produits de traitement des végétaux. En (éco) toxicologie, l’expérimentation animale vise en premier lieu à prédire les dangers pour savoir si l’on doit autoriser des substances ou pour permettre l’élaboration de mesures de prévention efficaces lors de l’autorisation des substances et de leur condition d’emploi.

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    Pour le développement de médicaments

    On peut considérer qu’une partie des expérimentations associées au développement de médicaments relèvent de la recherche sur les pathologies, et y associer les études sur l’efficacité des molécules. Il reste cependant tout un domaine, celui de la maitrise des effets indésirables. Lors du développement de médicaments humains ou vétérinaires, des effets indésirables sont identifiés et l’anticipation des dangers sert alors à écarter des molécules inacceptables ou à établir la balance « bénéfice/risque » pour permettre une bonne utilisation.

    Les expérimentations animales occupent aujourd’hui une place centrale dans les démonstrations. Ces études ont pour objectif de renseigner sur :

    - La nature des effets toxiques résultant de diverses conditions d’exposition rigoureusement contrôlées (variété des niveaux, des durées, des voies d’exposition, etc.),

    - Les doses ayant induit ces effets toxiques, - Les mécanismes potentiels d’un effet suspecté chez l’Homme.

    Plus de 50 ans d’études expérimentales de toxicité ont ainsi permis d’améliorer considérablement les connaissances sur les mécanismes d’action d’un grand nombre de substances.

    Aujourd’hui, les études toxicologiques ont recours à un ensemble diversifié de modèles expérimentaux :

    Les tests in vivo réalisés directement sur l’animal,

    Les tests ex vivo effectués sur un tissu ou un organe ou partie d’organe isolé,

    Les tests in vitro, ayant généralement recours à l’utilisation de cellules isolées d’origine animale ou humaine, ou d’extraits cellulaires ou de protéines,

    Les tests in silico permettant d’analyser, grâce à des logiciels informatiques, les propriétés recherchées ou indésirables d’une substance en fonction de sa structure ou de sa réactivité,

    Les approches intégratives combinant l’ensemble des tests précités.

    Bien que des progrès considérables dans la connaissance aient été obtenus depuis 50 ans,

    des évolutions d’ordres éthique, scientifique et économique questionnent la place centrale

    de l’expérimentation animale.

    Pour la production et le contrôle de la qualité des produits de santé animale et

    humaine, pour les denrées alimentaires

    Les crises sanitaires qu’ont connues la France et les pays européens dans le domaine des produits de santé et des produits alimentaires montrent la nécessité de mettre en œuvre un contrôle de la production et de la qualité de ces produits destinés à l’Homme et à l’animal. Nous citerons comme exemple, l’affaire du Stalinon entre 1953 et 1958, celles plus proches de l’hormone de croissance (années 1980) et du sang contaminé (1991) dans le domaine du médicament (même si bien d’autres problèmes que celui du contrôle stricto sensu ont joué), la maladie de « la vache folle » et la listeria pour les produits alimentaires.

    Cas du médicament :

    Pour tout médicament, le fabricant doit s’assurer, à toutes les phases de recherche et de développement, de la qualité, de l’efficacité et de la sécurité de chaque lot de produit destiné à être administré à un patient. Alors que les contrôles de la qualité et la sécurité des médicaments chimiques s’appuient essentiellement sur des essais n’utilisant pas l’animal,

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    (méthodes physico-chimiques, méthodes microbiologiques), il n’en est pas de même pour les médicaments d’origine biologique. En effet, de par la nature biologique du principe actif, les médicaments biologiques (vaccins, sérums, toxines), présentent une variabilité intrinsèque qui impose souvent la mise en œuvre de contrôles dont les tests d’activité et de sécurité qui sont très consommateurs d’animaux, essentiellement des rongeurs.

    Cas des produits alimentaires :

    Une méthode physico-chimique appliquée au dosage des biotoxines lipophiles dans les aliments a été validée aux niveaux national et communautaire6. Il s’agit d’une technique séparative chromatographique couplée à la spectrométrie de masse. Cette méthode vient en complément des bioessais réalisés sur la souris qui sont toujours nécessaires pour la détection des toxicités atypiques comme cela est le cas pour les biotoxines marines des mollusques bivalves.

    A la liste des méthodes possibles en toxicologie on peut ici ajouter des essais sur bactérie et

    des méthodes de chimie analytique.

    Pour l’enseignement

    L’expérimentation sur les animaux vertébrés est utilisée en enseignement supérieur lors de la formation des futurs chercheurs et techniciens dans le cadre de leur formation initiale. Ces enseignements ont recours aux méthodes de substitution que sont les simulations informatiques, les méthodes in vitro ou encore l’utilisation de mannequins de petits animaux de laboratoire. Cependant, l’usage de ces méthodes semble encore relativement limité.

    Par ailleurs, un enseignement sur l’expérimentation animale est donné dans les formations destinées aux acteurs de l’expérimentation animale selon leur niveau d’intervention sur l’animal (chercheur, technicien, zootechnicien) en conformité avec l’arrêté du 1er février 2013 relatif à l’acquisition et à la validation des compétences des personnels, des établissements utilisateurs, éleveurs et fournisseurs d’animaux utilisés à des fins expérimentales et de fonctionnement des établissements d’expérimentation animale.

    6 Elle s’applique aux 4 familles de toxines réglementées ; EUHarmonized Standard Operating Procedure for

    determination of lipophilic marine biotoxins in molluscs by LC-MS/MS, (JO de l’union européenne L6 du

    11/01/2011).

    (http://www.aesan.msps.es/CRLMB/docs/docs/metodos_analiticos_de_desarrollo/EU-HarmonisedSOP-LIPO-

    LCMSMS_Version4.pdf).

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    7Septième rapport sur les statistiques concernant le nombre d’animaux utilisés à des fins expérimentales et à d’autres fins statistiques dans l’Union Européenne. Commission des communautés européennes. COM (2013) 859 final.

    8 Données incluant les lagomorphes.

    LES STATISTIQUES DE L’EXPERIMENTATION ANIMALE 7

    La dernière enquête publiée par la Commission Européenne (2013) relative à l’utilisation des animaux à des fins scientifiques permet d’estimer le nombre d’animaux utilisés dans les différents pays de la Communauté Européenne.

    En 2011, il a été utilisé 11,5 millions d’animaux en Europe (dont 2,2 millions en France). Les rongeurs8 représentaient 80% du total (79,48% en France) dont les souris 60,96%. Les carnivores représentaient 0,25% du total (0,18% en France) et les primates non humains 0,05% (0,08% en France).

    Les trois principaux domaines d’utilisation des animaux sont les études en biologie fondamentale (46,1%), la recherche et développement en médecine humaine ou vétérinaire (18,8%) et la production et le Contrôle Qualité des médicaments humains (10,97%).

    Dans quasiment la moitié des cas (47,11%), les animaux ont été utilisés pour la production et le Contrôle Qualité afin de répondre simultanément à plusieurs réglementations (européenne, nationale, internationale) et dans un tiers des cas (35,9%) pour répondre à la réglementation européenne uniquement.

    Les études de toxicologie et d’évaluation de sécurité représentent 8,75% du nombre total d’animaux utilisés. Environ 40% des études de toxicologie concernent les médicaments humains et vétérinaires ou les produits dentaires ; quant aux produits cosmétiques, ils représentent 0,24% (0,00021% du nombre total). Les études de toxicité aiguë et subaiguë représentent 47,5% des animaux utilisés en toxicologie. Une analyse approfondie des nombres d’animaux utilisés pourrait permettre de définir des priorités en termes de méthodes alternatives, cependant ces statistiques comportent des imprécisions (catégorie ‘autres’ représentant 22,06% des études de toxicologie) ou un émiettement des données (catégorie ‘étude aiguë et subaiguë’ pour ‘les produits domestiques’ représentant 238 animaux soit 0,05% du total de la catégorie) les rendant peu utilisables dans ce but.

    En France, environ 10% du nombre total de rongeurs utilisés ont été euthanasiés comme

    source de matériel biologique pour les méthodes alternatives (400 000 animaux).

    Des statistiques plus récentes sont disponibles en France sur le site du ministère de la

    recherche (http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid70613/enquete-statistique-

    sur-l-utilisation-des-animaux-a-des-fins-scientifiques.html). Elles montrent une

    décroissance du nombre d’animaux utilisés (1,8 millions d’animaux), mais il s’agit d’une

    enquête rétrospective sur 2014 selon un format demandé par l’Union Européenne et

    différent de l’enquête qui portait sur 2011. Sont notamment exclus les animaux utilisés

    pour des prélèvements d’organes et de tissus à des fins de méthodes alternatives. Sont

    aussi regroupés, avec la toxicité et le contrôle, et avec l’efficacité, la mise au point et la

    production de médicament pour l’homme, les animaux, et pour les denrées alimentaires et

    autres produits, ce qui aboutit à une catégorie importante (52%) mais difficile à interpréter.

    http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid70613/enquete-statistique-sur-l-utilisation-des-animaux-a-des-fins-scientifiques.htmlhttp://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid70613/enquete-statistique-sur-l-utilisation-des-animaux-a-des-fins-scientifiques.html

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    LES METHODES

    et

    LE CADRE DE LEUR DEVELOPPEMENT

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    I - LES MÉTHODES ALTERNATIVES « EN » EXPÉRIMENTATION ANIMALE

    1. LA DEFINITION : LES TROIS R, LE REMPLACEMENT, LA REDUCTION ET LE RAFFINEMENT

    Le bien-être animal ainsi que la douleur9 et la détresse que les animaux utilisés à des fins scientifiques peuvent ressentir sont depuis longtemps une préoccupation du grand public et de la communauté des chercheurs sensibles à ces questions. Ce sont ces préoccupations, combinées à l'utilisation accrue des animaux en recherche fondamentale et appliquée, qui ont motivé W. M. S. Russell et R. L. Burch à examiner comment une telle utilisation des animaux était gérée. Dans leur monographie The Principles of Humane Experimental Technique [les principes d’une expérimentation conforme à l’éthique], dont la première parution remonte à 1959, ces auteurs proposent le principe des Trois R. Les Trois R signifient remplacement, réduction et raffinement. Depuis une cinquantaine d’années, ce principe des Trois R est une référence largement reconnue et appliquée dans les études nécessitant l’utilisation d’animaux, même si elle n’est pas la seule, et ce, dans de nombreux pays du monde.

    Le terme « alternatives » a été inventé en 1978 par l'éminent physiologiste David Smyth

    dans son ouvrage Alternatives to Animal Experiments [alternatives aux études

    expérimentales sur les animaux]. Ce mot est utilisé pour décrire toute modification aux

    procédures scientifiques établies qui a pour résultat le remplacement de l'utilisation des

    animaux, la réduction du nombre d'animaux utilisés ou le raffinement des techniques qui

    peuvent réduire la douleur/la détresse chez les animaux. Par conséquent, le terme de

    Smyth, « méthodes alternatives », recouvre les mêmes domaines/sujets que les « Trois R »

    de Russell et Burch.

    L'éthique telle qu’appliquée par le CCPA (Conseil Canadien de Protection des Animaux) est

    fondée sur la définition de la notion « d'Alternatives » proposée par Smyth, c'est-à-dire du

    remplacement, de la réduction et du raffinement. En France, les deux premiers R,

    remplacement et réduction, sont inscrits dans la loi du 10 juillet 1976 (article L214-3 du Code

    rural), et vont complètement dans le sens de l’évolution de la recherche scientifique. Le

    troisième R, raffinement, trouve également des réponses dans l’innovation des méthodes

    scientifiques mais représente aussi le quotidien des acteurs de l’expérimentation animale ;

    l’éthique appliquée à l’expérimentation animale rejoint également parfaitement une notion qui

    n’apparaît pas directement dans le principe des 3R, le bien-fondé scientifique associé aux

    bonnes pratiques scientifiques. La responsabilisation de l’expérimentateur, fondamentale

    pour une application efficace de l’éthique, pourrait devenir le quatrième R.

    Les alternatives de remplacement désignent les méthodes qui évitent ou remplacent l'utilisation des animaux dans un domaine (où il était jusqu’alors nécessaire) de les utiliser. Ces alternatives comprennent à la fois les remplacements complets/absolus (c'est-à-dire le remplacement des animaux par des systèmes in vitro (cultures cellulaires) ou in silico (modèles biomathématiques) et les remplacements relatifs (c'est-à-dire le remplacement d'animaux dont la sensibilité est considérée comme élevée (les vertébrés), par un animal dont le potentiel de perception de la douleur est, selon les données scientifiques actuelles, significativement moins élevé (certains invertébrés).

    9 La définition de la douleur chez l’Homme a été adoptée par l’IASP (Association internationale pour l’étude de la

    douleur) et a ensuite été modifiée par des vétérinaires anglais afin de proposer une formulation plus adaptée

    aux capacités des animaux : « expérience sensorielle et émotionnelle aversive, représentée par la « conscience

    » que l’animal a de la rupture ou de la menace de rupture de l’intégrité des tissus ».

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    Les alternatives de réduction désignent toutes les stratégies dont le résultat se traduit soit par une diminution dans le nombre d’animaux utilisés tout en obtenant suffisamment de données pour répondre aux questions posées dans l'étude, soit par une optimisation de l’utilisation des animaux qui permet alors d’obtenir plus d’informations utiles à partir d’un même nombre d’animaux, sans pour autant augmenter la contrainte pour les animaux utilisés.

    Les alternatives de raffinement (parfois appelé optimisation) désignent les modifications apportées à l'élevage ou aux procédures expérimentales afin de réduire la douleur et la détresse, et d'améliorer le bien-être des animaux utilisés pendant toute leur durée de vie tout en obtenant un niveau élevé d’informations pertinentes à partir de la même procédure.

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    2. LES METHODES ALTERNATIVES (3R) DISPONIBLES, LEUR PERTINENCE ET LEURS LIMITES

    LA SUBSTITUTION OU LE REMPLACEMENT

    Il existe plusieurs approches alternatives à l’expérimentation animale : les méthodes in vitro et in silico (substitution absolue) et les méthodes ex vivo (substitution relative). Certains incluent également le remplacement d’espèces sensibles (mammifères) par des invertébrés.

    La liste des techniques décrites ci-dessous ne prétend pas être exhaustive mais fait un état des lieux des principales approches dans le domaine de la substitution.

    Les méthodes dites in vitro et ex vivo sont essentiellement expérimentales

    Le terme ex vivo est attribué aux méthodes qui ont pour système d’essai des tissus d’animaux provenant d’abattoirs, ou de laboratoires (création de banques de tissus ou de sang) ou des tissus humains (« prélèvements » chirurgicaux par exemple).

    Exemple de test ex vivo, la ligne directrice n°437 de l’OCDE pour l’identification de substances corrosives ou très irritantes pour l’œil.

    Les méthodes in vitro couvrent un grand nombre de techniques dont :

    - Les méthodes physico-chimiques, ou in chemico

    Ex : la ligne directrice 442CL de l’OCDE ou « direct peptide reactivity assay (DPRA) »

    est préconisée pour prédire le potentiel sensibilisant d’une substance chimique. Cette

    méthode est basée sur l’utilisation de modèles peptidiques de synthèse contenant soit

    de la lysine, soit de la cystéine. Le taux de déplétion de ces deux acides aminés dosés

    par CLHP, permet de classer les substances dans l’une des 4 classes de réactivité selon

    le modèle de prédiction.

    - Les méthodes biochimiques

    Parmi les méthodes biochimiques, le test le plus répandu est celui de la compétition de

    liaison pour un ligand radiomarqué ou fluorescent au récepteur nucléaire,

    communément appelé « test de binding ». La source de récepteur peut être un extrait de

    Cornée bovine placée sur un « porte cornée » à 2 compartiments antérieur et postérieur respectivement en contact avec les faces épithéliales et endothéliales de la cornée.

    L’évaluation du danger potentiel d’un produit chimique testé pour l’œil est mesurée par la propension du produit chimique à provoquer une opacité et une perméabilité accrue sur une cornée bovine isolée. Les effets toxiques pour la cornée sont mesurés par : - la diminution de la capacité de transmission de la lumière (opacité) et – l’augmentation du passage de la fluorescéine sodique (perméabilité).

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    tissu, de cellules, ou une protéine recombinante. Comme exemple, on peut citer le test

    ERBA (Estrogen Receptor Binding Assay). Ce test qui utilise le récepteur ER issu de

    l’utérus d’agnelle, est actuellement en cours de validation par l’ECVAM (UE) et l’EPA

    (USA). Il permet d’évaluer l’affinité d’un perturbateur endocrinien potentiel pour le

    récepteur nucléaire dans des échantillons biologiques.

    - Les méthodes utilisant des bactéries ou levures

    L’un des exemples les plus anciens est le test d’Ames, test réglementaire qui permet d’évaluer le potentiel mutagène d’une substance ou d’un mélange en utilisant la bactérie Salmonella Typhimurium (OCDE n°471). D’autres tests plus récents peuvent être cités comme le test YES –YAS de la société Xenometrix, basé sur l’utilisation de la levure de boulanger (Saccharomyces cerevisiae) génétiquement modifiée et qui possède un gène

    exprimant le récepteur humain aux œstrogènes hER, dit test YES (Yeast Estrogen Screen) ou le récepteur aux androgènes hAR, dit test YAS (Yeast Androgen Screen) couplé à un gène rapporteur. Les levures ont la capacité, par une suite de réactions

    enzymatiques, de produire la -galactosidase dont la réaction enzymatique permet de mesurer les effets par une lecture en spectrométrie.

    - Les modèles cellulaires représentatifs de tissus

    Ex 1 : les modèles hépatiques : - les cultures primaires d’hépatocytes sont toujours

    considérées comme le modèle de choix pour l’étude du métabolisme in vitro des

    xénobiotiques - la lignée cellulaire épithéliale HepaRG, issue d’un carcinome

    hépatocellulaire humain est capable d’effectuer un programme quasi complet de

    différenciation hépatocytaire. Une fois différenciée, elle est capable de maintenir de

    nombreuses fonctions spécifiques hépatiques pendant plusieurs semaines. Elle est de

    fait un modèle de choix pour l’étude des effets toxiques, à la fois aigüs et chroniques. La

    lignée HepaRG est capable de bioactiver un certain nombre de promutagènes en

    métabolites génotoxiques.

    Lignée cellulaire hépatique différenciée HepRG.

    La lignée HepaRG a la capacité de conserver ses fonctions différenciées pendant plusieurs semaines de culture McGill M.R & al: HepaRG Cells : A human model to study mechanisms of acetaminophen hepatotoxicity Hepatology, 53, février 2011

    Hépatocytes humains en culture primaire.

    Les hépatocytes ont été isolés à partir d'un fragment de pièce de lobectomie prélevée sur un malade présentant une métastase hépatique d'un carcinome colique primaire. Les cellules ont été mises en culture monocouche sur collagène, en présence d'un milieu de culture chimiquement défini permettant le maintien sur plusieurs semaines des marqueurs phénotypiques hépatiques. La photographie présentée (microscope à contraste de phase, grossissement x250) a été prise trois jours après mise en culture. Ce modèle cellulaire est utilisé par exemple, pour l’étude des interactions médicamenteuses ou pour l’étude du métabolisme hépatique des médicaments.

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    28

    M

    Rt

    Ex 2: Le modèle CaCo2 Cette lignée cellulaire tumorale humaine d’origine intestinale a été isolée d’un adénocarcinome colique. Dans certaines conditions de culture, ces cellules ont la capacité de se différencier spontanément en cellules intestinales polarisées pour former une barrière intestinale fonctionnelle en termes morphologiques, physiologiques et métaboliques.

    Ce modèle est utilisé pour prédire la biodisponibilité d’un composé d’intérêt, la comparaison de différentes formes galéniques, pour l’étude des paramètres d’absorption etc.

    Ex 3 : Les cellules humaines d’origine mammaire MCF-7 issues d’un épanchement

    pleural riches en récepteurs α et dont la croissance est dépendante de la présence

    d’oestrogènes permettant de détecter un potentiel effet oestrogenique (test E-Screen)

    ou encore des tests d’activation transcriptionnelle sur des lignées humaines (lignée Hela

    par ex) stablement transfectées permettant de détecter une activité transcriptionnelle

    (agoniste ou antagoniste) de xenoestrogènes (OECD 455).

    - Les méthodes basées sur la réponse immune sur systèmes cellulaires ou sur les propriétés antigéniques d’un médicament.

    Les méthodes in vitro en immunotoxicologie permettent d’étudier les effets

    immunosuppresseurs ou les effets immunoactivateurs.

    Pour l’étude de la mesure des effets immunosuppresseurs de produits chimiques de santé ou non, les principaux tests sont les suivants :

    Ex 1 : Mesure de l’activité proliférative des lymphocytes T ou des lymphocytes B

    via l’usage d’activateurs poly-clonaux tels que la concavaline A ou la

    phytohémagglutinine ou bien via l’usage d’anticorps spécifiques anti-CD3 et anti-CD28.

    Culture cellulaire CaCo2 observée au MET.

    Structure et implantation des microvillosités (M) constituant la bordure en brosse (réseau terminal constitué notamment de filaments d’actine (Rt) – Gx20000 Cette lignée cellulaire dérivée d’un carcinome de colon

    humain a la capacité de se différencier pour acquérir la

    morphologie (bordure en brosse du pôle apical) et la

    fonctionnalité de l’entérocyte (cellule jouant un rôle clé

    dans l’absorption intestinale). L’une des applications de

    ce modèle est l’étude de l’absorption intestinale in vitro

    des principes actifs des médicaments.

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    Des splénocytes de rongeurs ou des cellules mononuclées du sang périphérique

    humain peuvent être utilisés.

    Ex 2 : Mesure de la fonction natural killer (NK) : ce sont des tests ex vivo dans

    lesquels les splénocytes ou le sang obtenus à partir d'animaux sont traités avec le

    composé d’intérêt. Les préparations cellulaires sont co-incubées avec des cellules cibles

    marquées au 51Cr. De nouvelles méthodes sans l’usage de radioélément peuvent être

    utilisées de manière adéquate si validée. Différents rapports effecteurs de cellules

    doivent être évalués pour chaque test afin d’obtenir un niveau suffisant de cytotoxicité et

    générer une courbe.

    Ex 3 : Mesure de la fonction de phagocytose (macrophages) : ce test mesure la

    fonction des macrophages exposés in vitro au produit à tester ou de macrophages

    obtenus à partir d’animaux traités (test ex-vivo). L’activité de la phagocytose est ensuite

    évaluée par cytométrie en flux.

    Pour l’étude de la mesure des effets allergiques de produits chimiques, l’activation des

    cellules dendritiques différenciées à partir de monocytes permet de mimer la première

    étape de l’activation des cellules présentant l’antigène (CPAg) au cours de l’allergie aux

    produits chimiques.

    Il existe à ce jour un projet de ligne directrice à l’OCDE pour l’évaluation du pouvoir sensibilisant "Test Guideline on the human-Cell Line Activation Test (h-CLAT) for Skin Sensitisation". Ce test est réalisé dans la lignée THP1, lignée des cellules monocytaires humaines. La mesure de deux marqueurs membranaires (CD54 & CD86) en réponse à des molécules chimiques est effectuée par cytométrie en flux. Ceux sont ces mêmes marqueurs, qui sont induits au cours de l’activation des cellules dendritiques dans la peau au cours des allergies cutanées.

    - Les méthodes alternatives basées sur des cultures cellulaires (lignées ou cellules isolées à partir d’organes ou de tissu – culture primaire d’un type cellulaire isolé – des

    co-cultures et des modèles de tissus reconstruits à partir de types cellulaires différents)

    sont les plus utilisées. Leur intérêt principal est d’offrir la possibilité d’utiliser des cellules

    humaines (même si les cellules animales le sont également du fait de leur

    approvisionnement plus facile), ce qui permet a priori une extrapolation plus pertinente

    des résultats à l’Homme.

    - Les modèles tridimensionnels tels que les tissus et les modèles reconstruits, se rapprochent physiologiquement plus du modèle animal in vivo que les cultures

    cellulaires, du fait d’une meilleure approche de l’organisation des interactions cellulaires.

    Mais la réalisation des cultures primaires et des modèles reconstruits humains nécessite

    une certaine technicité qui les rend difficiles à implanter et à maintenir, sans compter les

    coûts de développement et de fonctionnement. Par ailleurs, les sources

    d’approvisionnement en tissus humains sont limitées, leur variabilité (antécédents des

    donneurs) difficile à maîtriser et à l’origine de biais, et leur collecte nécessite l’accord

    des Comités d’éthique « humains ». Les résultats obtenus doivent bien sûr être

    interprétés au regard des variabilités inter-individuelles10 mais l’intérêt est d’avoir une proximité à des cellules ou tissus cibles humains dont les réponses physiologiques

    10 Cette remarque s’applique de la même façon à l’expérimentation animale mais à un moindre degré compte-

    tenu de la standardisation des modèles animaux.

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    peuvent être différentes de celles de l’animal. En cumulant ces données vitro et les

    données obtenues sur un organisme animal entier, on augmente la prédictivité des

    effets chez l’Homme. Enfin, il existe un grand nombre de types de cellules humaines,

    généralement bien caractérisées et relativement stables dans des conditions de

    conservation et de culture bien définies ce qui permet une meilleure reproductibilité des

    résultats. Il est ainsi important de préciser les passages lorsque l’on utilise des lignées

    cellulaires et de bien caractériser/contrôler son modèle. Celles-ci devront être utilisées

    dans un contexte précis souvent en en supports d’autres méthodes. Ainsi, la pertinence

    du choix du modèle sera à déterminer en fonction de l’utilisation ultérieure.

    Les méthodes dites in silico sont des modèles biomathématiques qui utilisent des bases de données constituées de l’accumulation de résultats expérimentaux sur modèles in vivo ou in vitro

    • Les modèles QSAR, la catégorisation chimique et le « read-across »

    Cet ensemble de méthodes se base sur le paradigme « structure-toxicité » à partir duquel il serait possible de prédire les effets adverses induits par les substances chimiques en fonction de leur structure. Théoriquement ces méthodes peuvent prédire les effets toxicologiques de façon qualitative ou quantitative. Les modèles QSAR formalisent (ex. par régression linéaire) la relation mathématique qui existe entre un ensemble spécifique de structures chimiques et leur toxicité expérimentale (jeu d’apprentissage du modèle). L’acronyme anglais QSAR signifie « Quantitative Structure-Activity Relationship » (Relations Quantitatives entre Structure et Activité).

    Compte tenu de cette nature semi-empirique, les modèles QSAR ne peuvent être fiables que

    pour les substances qui ressemblent à celles qui forment leurs jeux d’apprentissage. Pour

    Les limites et axes de progrès des méthodes in vitro/ex vivo

    Par définition, les méthodes in vitro ne peuvent pas remplacer l’organisme entier en raison de leur isolement du contexte physiologique (humoral, tissulaire, fonctionnel, adaptatif, etc.), et dans le cas des cultures cellulaires de la difficulté à maintenir in vitro leurs caractéristiques même si de grands progrès ont été réalisés au cours des dernières années. Il faut aussi travailler à des doses non cytotoxiques afin d’éviter des réponses « faux positifs et / ou faux négatifs). Toutefois, ces outils sont particulièrement utiles en mécanistique ou en screening de séries de molécules, lorsqu’un effet particulier a été identifié et que son apparition est liée à un mécanisme reproductible in vitro. Certaines de ces méthodes sont toutefois devenues règlementaires (ex : génotoxicité). De même elles sont utiles pour identifier les effets mélanges qui sont difficiles à étudier in vivo. Ces biotests sont aussi utiles pour identifier un danger dans un mélange qui n’est pas complètement caractérisé d’un point de vue chimique (mélanges complexes). Ils permettent alors d’évaluer un risque potentiel par le « poids de l’évidence ». En effet, même si aucun de ces tests pris isolément ne peut prédire les effets chez l’Homme (comme les essais cliniques ne permettent pas de prédire à 100% les effets dans l’ensemble de la population), l’accumulation de ces tests permet d’affiner la prédictivité. Ils sont très utilisés en amont pour étudier le mécanisme d’action des substances (ex : métabolisme, potentiel sensibilisant, inflammatoire, mécanismes de génotoxicité, activité hormonale etc.) et permettent d’orienter les études ultérieures selon le « endpoint ». Les progrès viennent actuellement du génie tissulaire qui permet de développer des cultures cellulaires 3D (3 Dimensions) dotées de niveaux de différenciation et d’une organisation tissulaire proche de la situation in vivo, se rapprochant progressivement d’organes reconstitués. Les développements actuels laissent entrevoir des possibilités enthousiasmantes en termes de « remplacement » (ex des « microships », l’utilisation de cellules souches).

  • Etat des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France Edition 2016

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    faciliter l’utilisation des modèles QSAR dans un contexte réglementaire, l’OCDE a formalisé

    des critères de validation qui permettent de quantifier leur robustesse et leur pouvoir

    prédictif11.

    Toujours sur la base d’analogies structure-toxicité il est possible de former une catégorie de

    substances dont les propriétés physicochimiques et toxicologiques sont similaires ou suivent

    une tendance régulière en raison de leur similarité structurelle. La formalisation d’une

    catégorie chimique fait appel à une opinion d’expert et elle se base souvent sur des

    arguments de toxicologie mécanistique. Ces critères servent à identifier les propriétés

    physicochimiques et biologiques qui jouent un rôle clé dans les mécanismes toxicologiques.

    Les informations toxicologiques manquantes à l’intérieur d’une catégorie chimique peuvent

    être comblées grâce à des prédictions QSAR ou à des analogies structure-toxicité établies

    « ad hoc » par un expert.

    Cette dernière approche prédictive est dénommée prédiction par « read-across » (lectures

    croisées en français) et elle permet de dériver la toxicité pour une molécule d’intérêt en

    fonction de la toxicité expérimentale qui caractérise des molécules similaires à toxicité

    connue (ex. calcul de la moyenne des doses létales).

    Plusieurs efforts internationaux sont en cours afin de normaliser et faciliter l’utilisation de ces

    approches (ex. boîte à outils QSAR de l’OCDE, OpenTox, VEGA, initiatives du CEFIC) grâce

    à l’intégration de données expérimentales, outils informatiques et avis d’experts.

    L’application d’outils QSAR en toxicologie ne se limite pas au rôle de méthode substitutive pour remplacer les tests in vivo, mais elle peut aussi se révéler déterminante lors de la priorisation d’une liste de substance à tester expérimentalement.

    11 OECD Quantitative Structure-Activity Relationships Project [(Q)SARs]

    http://www.oecd.org/env/ehs/risk-assessment/validationofqsarmodels.htm

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    • Les modèles PBPK (Physiologically Based Pharmaco-Kinetic)

    Les modèles PBPK sont des modèles toxicocinétiques à fondements physiologiques ayant pour but de décrire le devenir des substances, et éventuellement de leurs métabolites, dans l’organisme. Ils décrivent, par des équations différentielles, l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’élimination des composés. Ils intègrent des paramètres physiologiques (flux sanguins, volumes d’organes) et des paramètres biochimiques (coefficients de partage entre le sang et les organes, paramètres du métabolisme). Les valeurs de certains de ces paramètres biochimiques peuvent être estimées par des modèles QSAR ou des expérimentations sur cellules.

    Ces modèles sont particulièrement adaptés pour des extrapolations, en particulier de

    résultats de toxicité obtenus soit in vitro (Cf. paragraphe suivant), soit pour une autre voie

    d’exposition que celle considérée (ce qui permet par exemple de proposer un seuil d’effet

    systémique par inhalation et/ou par voie dermale à partir d’un seuil d’effet déterminé pour

    l’ingestion).

    Les limites et axes de progrès des méthodes basées sur les analogies « structure-toxicité »

    Le niveau de précision qui caractérise toutes ces méthodes ne peut pas dépasser celui qui

    caractérise les données expérimentales sur lesquelles elles se basent. La disponibilité de données

    en quantité et qualité suffisante représente donc une contrainte à laquelle toutes ces méthodes sont

    assujetties. En ce qui concerne leur utilisation réglementaire, une définition de la similarité chimique

    qui prend en compte des critères de toxicologie mécanistique (ex. électrophilicité pour la génotoxicité)

    augmente considérablement la pertinence des prédictions. Dans cette perspective, un axe de progrès

    réside dans l’intégration d’information mécanistique lors de la dérivation de modèles ou hypothèses

    structure-toxicité.

    En ce qui concerne les prédictions par « read-across » en particulier, il faut souligner qu’elles ne sont

    pas encore formellement encadrées par des principes de validation et un retour d’expérience sur leur

    pertinence et acceptabilité par les décideurs institutionnels n’est pas encore disponible. Ce manque

    de connaissance rend difficile toute sorte de généralisation sur leur adéquation avec les exigences

    réglementaires.

    D’un point de vue général, toutes les méthodes basées sur des analogies structure-toxicité peuvent être utilisées pour améliorer le poids de l’évidence, en support d’autres méthodes de prédiction des effets. En génotoxicité par exemple, ces modèles sont classiquement utilisés en complément des tests vitro et/ou vivo comme alerte d’un risque carcinogène. Par conséquent, l’intégration d’outils QSAR au sein d’une approche basée sur les chemins de l’effet adverse (AOP) représente un axe de progrès majeur surtout dans le cadre d’une synergie avec les données issues de méthodes in vitro.

    Cette synergie, offre aussi la possibilité de pouvoir développer des modèles QSAR en fonction d’une description physicochimique et d’une description biologique (résultats d’essais in vitro) des substances chimiques. Compte tenu de la disponibilité croissante de données issues du criblage in vitro à haut débit, les possibilités offertes par cette description conjointe pourront être prochainement étudiées et approfondies.

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    Les limites et axes de progrès des modèles PBPK

    Un des défis majeurs actuels pour la modélisation PBPK reste la difficulté de paramétrer à partir

    d'expérimentations in vitro ou de modèles in silico certains des processus mis en jeu. En particulier

    des outils performants nécessitent d'être mis en place pour les phases d'absorption et d'excrétion.

    Plus généralement, un axe de progrès prometteur est le développement de modèles in vitro

    dynamiques (tels que les humains-sur-puce) et leur couplage avec des modèles PBPK. Ceux-ci

    pourraient contribuer à l'amélioration des prédictions du devenir des substances dans les

    organismes vivants.

    Exemple de schéma de modèle PBPK représentant les compartiments physiologiques d'un corps humain

    et les échanges entre ces compartiments.

    EXCRETION IN URINE

    INHALATION

    Venous bloo

    d

    Lungs

    Poorly perfused tissues

    Liver

    Skin

    Adipose tissues

    GI tract

    EXHALATION

    INGESTION

    DERMAL CONTACT

    Richly perfused tissues

    EXCRETION IN FECES

    SWEAT Arterial

    blood

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    • Le couplage in vitro - PBPK

    Il a pour objectif de fournir une prédiction in vivo d’effets sur un organe ou un système donné à partir d’un modèle PBPK et de données d’effets, mesurés in vitro et pertinentes pour l’organe ou le système considéré. Le PBPK permet de relier une dose et un scénario d’exposition avec une concentration au cours du temps au niveau du système/organe cible. Cette concentration est ensuite rapportée à la relation dose-réponse pour