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5/26/2018 EtherneLivredeBase-slidepdf.com http://slidepdf.com/reader/full/etherne-livre-de-base 1/228 Un jeu de rôle complet : règles, univ- ers, bestiaire et deux scénarios. 30 € Cher Caius, le secrétaire de père m’a enfin exposé la situation : l’ambassadeur de la cité d’Ird est agonisant et ses compatriotes accusent les  Antioques de l’avoir empoisonné. Je dois dénouer ce problème où la guerre pourrait reprendre en Chalcée et entraîner la République. Père m’a adjoint plusieurs personnes pour cette mission. N’Dul est un ancien gladiateur adungaï au caractère explosif. Il a failli passer par-dessus bord le cuisinier au prétexte que la nourriture n’était pas assez bonne. Notes que je ne lui donne pas complètement tort. Tu connais ce bon Cneus Varius, il sert notre maison depuis des années. Je l’ai surpris sur le pont à mener un étrange rituel, égorgeant un poulet au-dessus de complexes arabesques dessinées sur le sol. Je ne serais pas étonné qu’il soit en fait initié aux mys tères de l’un de nos dieux. Le plus difficile à supporter est sans doute ce jeune écervelé, Aurèle Cneia. Déjà à quinze ans il peignait sur les murs des slogans pour faire élire père préfet. Et maintenant il lorgne sur moi… Comment peut-il imaginer quoi que ce soit entre nous ? Le temps passe et je dois te quitter. Un flamine du temple d’Helio souhaite nous rencontrer. Il pense que la maladie de l’ambassadeur est due à une malédiction. Peux-tu imaginer ça ? Les gens sont  vraiment crédules. En tout cas, compte sur moi pour faire toute lumière sur cette  affaire et défendre les intérêts de notre famille et de notre glorieuse République. Ta sœur Lydie Etherne, un jeu de rôle antique de La BAP Etherne est un jeu de rôle inspiré de l’antiquité méditerranéenne où les personnages sont au cœur des intrigues de la puissante République latine. Complots de sénateurs et de puissances étrangères, voyages vers les terres lointaines et lutte entre Mysticisme et Raison constituent la toile de fonds de leurs aventures.    J    E    U    D    E    R    Ô    L    E    E   T   H   E   R   N   E ISBN : 2-9526001-0-4 Prix : 32,5 €

Etherne Livre de Base

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  • Un jeu de rle complet : rgles, univ-ers, bestiaire et deux scnarios.

    30

    Cher Caius,

    le secrtaire de pre ma enfin expos la situation : lambassadeur de la cit dIrd est agonisant et ses compatriotes accusent les Antioques de lavoir empoisonn. Je dois dnouer ce problme o la guerre pourrait reprendre en Chalce et entraner la Rpublique.Pre ma adjoint plusieurs personnes pour cette mission.NDul est un ancien gladiateur adunga au caractre explosif. Il a failli passer par-dessus bord le cuisinier au prtexte que la nourriture ntait pas assez bonne. Notes que je ne lui donne pas compltement tort. Tu connais ce bon Cneus Varius, il sert notre maison depuis des annes. Je lai surpris sur le pont mener un trange rituel, gorgeant un poulet au-dessus de complexes arabesques dessines sur le sol. Je ne serais pas tonn quil soit en fait initi aux mystres de lun de nos dieux.Le plus difficile supporter est sans doute ce jeune cervel, Aurle Cneia. Dj quinze ans il peignait sur les murs des slogans pour faire lire pre prfet. Et maintenant il lorgne sur moi Comment peut-il imaginer quoi que ce soit entre nous ?Le temps passe et je dois te quitter. Un flamine du temple dHelio souhaite nous rencontrer. Il pense que la maladie de lambassadeur est due une maldiction. Peux-tu imaginer a ? Les gens sont vraiment crdules. En tout cas, compte sur moi pour faire toute lumire sur cette affaire et dfendre les intrts de notre famille et de notre glorieuse Rpublique.

    Ta sur Lydie

    Etherne, un jeu de rle antique de La BAP

    Etherne est un jeu de rle inspir de lantiquit mditerranenne o les personnages sont au cur des intrigues de la puissante Rpublique latine. Complots de snateurs et de puissances trangres, voyages vers les terres lointaines et lutte entre Mysticisme et Raison constituent la toile de fonds de leurs aventures.

    JEU

    DE

    R

    LE

    ET

    HERNE

    ISBN : 2-9526001-0-4

    Prix : 32,5

  • Elwin Charpentier

    La BAP ditionswww.labap.com

    Dcouvreurs officiels de talents

  • Lquipe dEtherne

    Auteur

    Elwin Charpentier

    Illustrateurs

    Alexis Girondengo (Pages 14, 17, 23, 31, 37, 41, 47, 48, 53, 56, 63, 77, 85, 94, 104, 113, 114, 123, 130, 140, 143, 159, 164, 191, 202, 219)

    Bastien Trvit (Pages 44, 64, 73, 79, 93)

    Olivier Garidel (Pages 20, 21, 24, 27, 28, 58, 61, 72, 86, 88, 118, 148, 153, 169, 181, 197, 199, 201)

    Jacques Clavreul (Carte)

    Pascal Quidault (Couverture)

    Laurent Duputel (Elments de maquette)

    ainsi que des gravures libres de droit.

    Maquettistes

    Pierre et Caroline Saminadin

    Relecteurs

    Bartaback, Cdric Sethms Chaillol, Clmence Caron, Franois Bilem, Frdric Ehretsmann, Jean-Bastien Riffon, Jean-Gabriel Mollard, Jrome Loludian Barthas, Jrme Tromparent,

    Laurent Nico du dme de naxos Duquesne, Marjolaine Patti, Mathieu Herry, Olivier Garidel, Thomas Ploteau.

    Testeurs

    Caroline Saminadin, Franois Bilem, Frdric Ehretsmann, Frdric Henrot, Mathieu Herry, Mickal Cheyras, Nicolas Killing, Olivier Garidel, Paul Barrett, Philippe Saugier, Pierre Saminadin, Stphane

    Rosset, Thomas Ploteau.

    Webmestres et concepteurs du site dEtherne

    http://etherne.jdr.free.fr/Philippe Sauger et Mathieu Herry

    Remerciements

    A tous mes collaborateurs cits ici pour leurs ides, leurs efforts ou leur patience, quils en soient mille fois remercis, en particulier Fred, Pierre et Caroline ; Franois Bilem fondateur de la BAP,

    Guy Franois Evrard, ma patiente famille et Marjolaine ; lArchiminou, Empereur des milles litires ; Sone Boumaza pour ses bons conseils et aux muses de lImaginaire.

    Etherne est un jeu dElwin Charpentier dit par La BAP.

    Imprim en France par Doc en ligne.

    ISBN : 2-9526001-0-4

    2006 Tous droits rservs

  • J ai commenc crire Etherne aprs ma licence dhistoire. Javais dcou-vert la n de la Rpublique romaine, remplie dintrigues, de luttes internes et de conits avec des peuples lointains.

    Plus que toute autre, la priode tait fondatrice. Sur toutes ces civilisa-tions en lutte pour leur survie ou la do-mination, une allait triompher et devenir le fondement culturel et politique de lEu-rope pour plusieurs sicles.

    Et si ce moment crucial o des mondes diffrents se sont rencontrs le rsultat avait t diffrent ? Serions-nous Celtes, Perses ? Sacrierions-nous des esclaves au lieu de dresser le sapin pour Nol ?

    Et si nous pouvions revenir ce carrefour de lHistoire ? Ctait une de mes premires envies en crivant ce jeu. Revoir toutes ces civilisations aux valeurs bien diffrentes se mlanger, secouer le tout et voir le rsultat. Goter au plaisir du voyage dans le temps et lespace, voguant vers les royaumes dOrient ou les profon-des forts du Nord. Montrer des socits diffrentes, ni meilleures ni pires que les autres.

    Mais Etherne nest pas non plus un jeu historique ou intellectuel : lHis-toire est dj crite et ne laisse pas de place aux nouveaux hros. LHistoire a aussi ses contraintes. Elle est complexe, ardue, parfois ennuyante. Et pour tout dire, faire quelque chose de crdible his-toriquement aurait pris plusieurs annes pour un rsultat inaccessible, y compris sans doute par les auteurs ! Aussi je nai

    voulu retenir que ce qui mintressait et jai simpli beaucoup daspects. Pour que le voyage soit plus surprenant, jai aussi ajout une dose lgre de fantas-tique, jai transform des civilisations, in-vent et rinvent certaines. Ce nest pas un jeu historique.

    Tant et si bien que lunivers que vous avez dans les mains a une vie et un caractre propres. Etherne nest pas Rome. Le pays du Fleuve sest beaucoup loign de lEgypte antique etc.

    Il y a toujours une base connue sur laquelle les joueurs peuvent sappuyer pour dcouvrir lunivers : des jeux du cir-que, de grandes familles de snateurs en concurrence, une civilisation brillante, par exemple.

    Et il y a aussi linconnu, lapport de ce jeu qui reste tout dcouvrir au fur et mesure des enqutes et des voyages : la lutte entre le Mysticisme et la Raison, des traditions et des philosophies varies, une Histoire qui reste crire. Les per-sonnages auront leur place y prendre et participeront ces grandes volutions. Qui sait sils ne niront pas par devenir consuls de la Rpublique ou grand pon-tife du temple de Saturne ?

    Le rsultat est l, sous vos doigts. Ne sentez-vous pas les pages qui palpitent au son des complots ? Les paragraphes qui se rangent en cohortes ? Lencre sacrie sur lautel de limaginaire ?

    Continuez votre lecture, entrez dans la grande cit dEtherne et continuez avec elle une histoire semblable et diffrente au cur dune antiquit alternative

    AVANT PROPOS

  • SOMMAIRE

    PREMIRE PARTIE : UNIVERS

    DEUXIME PARTIE : RGLES

    Principes de fonctionnement . . . . . . . . . . 99Lancer de d et jet critique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99Jet de comptence et dattribut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99Duels de comptences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100Duels dattributs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100Duels attribut/comptence/difcult . . . . . . . . . . . . . 100Jets de Fortune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100Appel aux dieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100Arrondis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

    Cration de personnages . . . . . . . . . . . . . 101Concept . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101Cration technique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

    Comptences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111Filouterie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111Guerre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112Science et artisanat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114Socit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117Voyage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119Spcial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

    Combat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121Droulement gnral du tour . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121Vaincre son adversaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123Techniques de combat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126Rgles darmes spciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

    Gurison et maladies . . . . . . . . . . . . . . . . 129Gurison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129Maladies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132Troubles psychologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133

    Lascension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137Le choix des potestas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138Catgorie de potestas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138

    Lexprience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145Comment gagner des points dexpriences . . . . . . . . . . 145Comment gagner des points de renom et dinuence . . 146Augmenter ses attributs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146Augmenter ses comptences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146Augmenter ses autres scores . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146

    Lquipe dEtherne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Avant propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

    La Rpublique dEtherne . . . . . . . . . . . . 11Prsentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11La vie quotidienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15Les lieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29Les acteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

    Les allis de la Rpublique . . . . . . . . . . . . 51Les Terres Chevelues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51Artsia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65LIrdie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

    Les Terres Intrieures . . . . . . . . . . . . . . . . . 75Cartago . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75Les ctes du continent noir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79Le pays du Fleuve . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80Lempire sassanide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82Les cits dAche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85Les Terres Incultes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91La Pannonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91Lgendes et terres lointaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92

  • TROISIME PARTIE : MYSTICISME ET RAISON

    Les deux vrits dEtherne . . . . . . . . . . . 148

    Le panthon dEtherne et ses adeptes . . 149Appeler les pouvoirs des dieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149Diane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152Dionysos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155Euphbius . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158Herms . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162Saturne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167

    Le triomphe de la Raison . . . . . . . . . . . . 171Jouer un dfenseur de la Raison . . . . . . . . . . . . . . . . 171Ragir un phnomne mystique . . . . . . . . . . . . . . . 171

    Trouver une explication logique . . . . . . . . . . . . . . . . . 172

    Blocage mental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172

    La rhtorique au service de la Raison . . . . . . . . . . . . . 173

    Gagner et perdre des points de Foi et de Vrit . . . . . . 173

    Le commun des mortels . . . . . . . . . . . . . . 175

    Signes des dieux et hasards du monde . . 176

    Dnir les phnomnes troublants . . . . . . . . . . . . . . 176

    Intensit des phnomnes troublants et ractions . . . . 176

    ANNEXES

    quipement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181Une belle domus latine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186Archtypes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188Bestiaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196Partie du matre de jeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203Inspirations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215

    Lexique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216Chronologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218Rsum des rgles de combat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220Feuille de civilisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225Feuille de personnage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226

    SOMMAIRE

  • PREMIRE PARTIE

    UNIVERSLA RPUBLIQUE DETHERNE

    LES ALLIS DE LA RPUBLIQUE

    LES TERRES INTRIEURES

  • etherne

    11LA RPUBLIQUE DETHERNE

    UNIVERS

    LA RPUBLIQUEDETHERNE

    PRSENTATION

    La che vola haut dans le ciel, loin au-dessus de la mle. Le mercenaire sassanide qui lavait tire avait longuement prpar son tir et des annes dex-prience avaient rendu son bras sr. Lof cier latin qui commandait la patrouille ne lavait pas vu venir. Toute son nergie tait alors dans sa voix, qui, puis-sante, mugissait des ordres ses hommes. Il ne stait pas attendu cette embuscade, en plein dans les valles encaisses et broussailleuses de lAche. Une trve avait t conclue la veille.

    La pointe de fer barbele plongea droit vers le col du vtran et senfona profondment dans sa chair.

    Lhorizon bascula autour de lhomme. Son re-gard plongea vers le ciel tandis que son corps tombait lourdement sur le sol. La bataille et ses hurlements, les bruits des glaives sortis des fourreaux, tout lui devenait terriblement distant, comme assourdi Le regard xe, il ne voyait dj plus ce qui lentourait. Son esprit franchit les portes de la mmoire et plon-gea loin dans son pass. Si un jour il devait savoir qui il tait, ce serait en n aujourdhui, alors quHads lappelait dans son gris royaume.

    Il se revit enfant, courant dans le forum Claudius Etherne. Ses sandales claquaient toute vitesse sur le sol, laissant derrire lui bout de souf e un esclave de sa maison. Il navait pas alors voulu manquer le d l des premires cohortes victorieuses en Panno-nie. Innocent, il avait admir les armures brillantes, les trophes exotiques, lair martial et viril des lgion-naires et la pompe des of ciers en grand uniforme.

    Pour ses seize ans, son pre lavait amen un grand dbat politique sur le forum entre deux avocats latins et un prcepteur achen. Son esprit avait t exci-t et enthousiasm par lidal rpublicain et la justice sociale que promettait sa cit aux peuples trangers. Il avait ensuite tudi la rhtorique chez un matre art-sien, un vieil homme dbonnaire la barbe bien cou-pe, qui lui avait appris se m er des apparences.

    Pas assez. Comme son pre le lui avait destin, il devint tribun militaire. Il avait voulu se battre pour un idal et il en dcouvrit sa face sombre. Les guerres cachaient bien trop souvent des intrts privs, bas-sement pcuniaires. Son sang et celui de ses hommes ne pesaient pas lourd dans la balance contre quelques kilos dor. Sa magni que capitale, aux milles places et aux temples magni ques, poussait sur des cadavres. Des hommes de justice se battaient et mourraient en silence, alors que le fourbe et le tratre senrichissaient et taient donns en exemple.

    Quaurait-il pu y faire ? Voil des annes quil y r chissait. Fallait-il combattre le mal par le mal ? Certains voulaient tablir un pouvoir fort, une dicta-ture qui punirait les ambitieux pro teurs du systme et rcompenserait les justes. Dautres af rmaient que la Rpublique tait toujours forte et que la corruption pouvait tre vaincue par la justice.

    A lui militaire, il lui restait dinnombrables t-ches. Les ennemis semblaient se masser aux portes des terres latines. Loriental royaume dAntiochos, aux salons plongs dans les odeurs confusment mlanges des encens et du foutre, intriguait discrtement contre lin uence dEtherne. Les comptoirs des Cartagues, ces

  • etherne

    12

    UNIVERS

    LA RPUBLIQUE DETHERNE

    marins esclavagistes, constellaient la Mer Intrieure et faisaient mme trembler les puissantes compagnies commerciales latines. La lointaine Pannonie, aux fo-rts obscures et aux hommes aussi froces que les b-tes, tait une province dangereuse, o les lgionnaires mourraient vite une fois seuls.

    Plus que jamais, alors que la peur engendrait la violence et la violence engendrait la peur, son pays avait besoin de lui. Malgr toutes les dsillusions, il voulait encore croire la Rpublique idale pour la-quelle il tait en train de mourir.

    Lobscurit se dissipa devant ses yeux, lentement dchire par un rayon de lumire pure. Au-dessus de lui se penchait un visage ple aux joues creuses et aux yeux ternes. Etait-il arriv dans le gris-monde ? La sensation du sang poisseux et chaud sur sa poitrine lui montra quil nen tait rien. Lhomme aux joues creuses lui t un discret sourire.

    - Te voil revenu dentre les morts, tribun. Re-mercies mon matre, Hads, roi du gris-monde et coutes bien les raisons de sa clmence

    Quel tait ce nouveau mystre ? Un amine initi dHads, ici, pour le sauver ? Cela en tait trop pour lofcier, qui sombra nouveau dans linconscience, berc par les incantations du prtre

    Situation gnrale dEtherne

    Etherne est une grande cit antique, construite entre la mer et la montagne. Depuis des sicles, elle a commenc une lente transformation qui lamne stendre de plus en plus loin. De cit, elle est de-venue Nation. De Nation, deviendra-t-elle empire ? Ses habitants, entrepreneurs, pragmatiques, se ren-dent compte quils sont entours de nombreuses autres civilisations. Chacune a sa langue, ses tra-ditions et son mode de pense. Chacune a son ar-chitecture, ses artistes, ses matres. Et chacune a ses ambitions propres.

    Le choc des cultures nest pas toujours vident. Lhomme commence toujours par valuer la force de son adversaire avant de lui adresser la parole. Etherne sest battu plusieurs sicles contre les ers Chevelus, avant de dcouvrir leur valeur comme allis. Et aujourdhui, comme ses frontires se sont encore loignes, de nouveaux voisins sont appa-rus. Les riches et lointains Sassanides semblent pa-ciques, mme si la taille de leur empire inspire la prudence. Les Cartagues, ces marins esclavagistes, sont beaucoup plus agressifs. Est-ce parce que leur succs est similaire celui des Latins quil en de-vient insupportable ? Leurs nefs sillonnent la mer en tout sens, charges de marchandises. LAche, vieille voisine, est remplie de promesses contra-dictoires. Des philosophes y proposent une autre manire de voir le monde, tandis quune partie de la noblesse construit une civilisation de plaisir des sens. Les rigoureux Irdiens y afftent leurs armes et refusent tout contact avec lextrieur.

    Plus que des changements politiques, il semble que le principal enjeu soit en fait la conception du monde : sur toutes les civilisations en prsence, lune delles imposera t-elle ses schmas de pense toutes les autres ? Il ny aurait alors plus quune seule vrit, plus quune seule voie. Ainsi, lombre des grands temples, les initis se runissent pour discuter de linuence croissante de la Raison. Plus les prcepteurs artsiens sont nombreux, plus la prsence des dieux semble reculer.

    La grande cit dEtherne arrive un dou-ble moment de transition. Il lui faut vaincre une preuve physique, celle de sa survie et de son ex-pansion, ainsi quune preuve spirituelle : choisira t-elle de suivre la voie de la Raison, terne et efcace ou celle du mysticisme, qui remplie les vies de sens, mais peut plonger les gens dans lobscurantisme ?

    Histoire et lgendes de la cit dEuphbius

    Il y a sept sicles, aux origines, Etherne ntait quune grande valle fertile et parcourue par les eaux du grand fleuve Neptune. Cest l quEuphbius dcida dinstaller son peuple. Il en chassa les anciens occupants, les anctres des Palestins, et fit btir Etherne. Puis il repartit dans les Terres Intrieures subtiliser les secrets des autres peuples.Mais mme notre habile et rus dieu navait pas prvu le retour des Palestins. Alors que notre cit ntait pas encore acheve, ils revinrent en force r-clamer leurs terres et nombre de batailles sen suivi-rent. Ils finirent par vaincre, trop nombreux et mieux prpars. Une monarchie sanguinaire sinstalla sur notre province; nos femmes et nos enfants furent mis en esclavage pendant que les hommes taient abattus. On raconte que le roi palestin, Tarquin le superbe, ntait autre quun ogre tant sa soif de sang tait immense. Cest le retour dEuphbius qui provoqua la rvolte et permis notre peuple de sarracher la tyrannie Palestine.

    Androsius Cautus, Prcepteur Etherne.

    Comment est ne la cit dEtherne et comment est-elle arrive cette puissance ? Le chemin fut pav de guerres et dpreuves que la ville dEuph-bius a su surmonter.

    La lgende raconte que la cit fut fonde il y a sept sicles par le dieu Euphbius. Il y amena son peuple, les anctres des Tarquins, et en chassa les anciens oc-cupants vers le Nord qui allait devenir la Paleste.

    Les limites ancestrales de la cit furent dter-mines en traant un sillon du Neptune jusquaux limites du marcage de la Mduse. Pendant plus dun sicle, le pays se dveloppa et la popula-tion devint prospre. Pas assez, nanmoins, pour

  • etherne

    13LA RPUBLIQUE DETHERNE

    UNIVERS

    empcher le retour des Palestins sur leurs terres na-tales. Etherne passa sous leur domination pendant cinquante ans, durant une priode sombre quon appelle aujourdhui la monarchie tarquine. Les Palestins imposrent leur roi, Tarquin le superbe, un homme cruel et dispendieux dont le souvenir hante encore les cauchemars des Rpublicains. Les lgendes les plus folles courraient sur lui, de celle dogre sanguinaire sa nature androgyne. Il se t construire au centre de la cit un immense palais dont on peut encore voir les ruines aujourdhui.

    Une puissante rvolte populaire soutenue, dit-on, par Euphbius lui-mme permit de repousser les envahisseurs dans leur pays. Le cruel roi dis-parut sans quon sache sil avait t tu. Aprs ce traumatisme du rgne du roi Tarquin, on raconte enn quEuphbius rapporta dAche le secret de la dmocratie aux sages de la cit. La Rpublique dEtherne naquit ainsi en 194 aprs sa fondation, avec lobsession de ne jamais renouer avec la mo-narchie. La marque de ces annes resta si forte que les autres peuples vinrent bientt appeler les ha-bitants dEtherne, ironie du sort, les Tarquins.

    Lextension de la cit fut alors rapide. Aux alen-tours de 300 ans aprs sa fondation, sa position cen-trale dans la pninsule latine et au cur de la Mer Intrieure en t dj une riche place marchande. Les Tarquins ont plus le pied terrestre que marin. Leur inuence se dveloppa surtout vers lintrieur des terres, aux dpens du port uvial. Leur pari se montra momentanment payant. Chez leurs voisins, la guerre faisait rage : les tranquilles villages des Apenins subis-saient les raids rpts des pirates de la petite Corne, la pointe de la pninsule latine. Etherne monnaya son aide aux paysans apeniens et entra en guerre contre les cits cornii. Le systme de conscription dEtherne et la connaissance des arts de la guerre, vole par Euphbius, nirent par lui donner lavantage. Au fur et mesure toutes les cits ennemies se rendirent ou se rangrent aux cts des Tarquins.

    Les Apeniens, puiss par le conit et endetts auprs de la grande cit, nirent par tre absorbs par cette dernire. En 412, tout le Sud de la Corne tait sous protectorat dEtherne. Seule restait sur le chemin de larme tarquine sa vieille ennemie, la Pa-leste. En 461, sous prtexte dune dispute de berger, commena lhumiliante guerre de la chvre o les cits du Nord, peu prpares, furent crases par les lgions dEtherne. Il semblait dsormais que tou-te la pninsule tait sous le contrle de la grande cit. Le Snat exulta et redistribua les terres sa clientle. Les bnces de la guerre permirent de faire cons-truire les premiers grands ensembles monumen-taux tarquins. La socit latine fut dsormais bien structure et comprit la plupart de ces institutions actuelles, comme les temples, le systme lectoral et les grandes familles snatoriales.

    Cest aussi cette priode que les Latins dcou-vrirent les mystres de la philosophie artsienne. Des prcepteurs achens commencrent arriver

    discrtement dans la cit et furent couts avec attention lors de leurs allocutions sur les forums. Ils apportrent avec eux une part de la culture de lAche, comme larchitecture et la rhtorique. Etherne prit pleinement conscience de limpor-tance du monde extrieur et commena timi-dement dvelopper son activit maritime. Des marins latins ramenrent de lOrient un nouveau dieu, qui devient lHerms latin. Un contact plus dsagrable se produisit galement, avec de lourdes consquences.

    Depuis 480, les Latins, les habitants de la p-ninsule sous lautorit dEtherne, commenaient rencontrer les Cartagues. Il sagit dun peuple de marins qui habite toujours sur les ctes du conti-nent noir, presque en face de la Corne. Les escar-mouches se multiplirent rapidement, car les Car-tagues venaient enlever les habitants des ctes pour les vendre comme esclaves. Etherne, pour dfendre ses intrts, envoya les marins cornii contre lenne-mi. Les raids nirent par sarrter au bout de cinq ans, mais le tribut de la guerre fut lourd. En rcom-pense leur dlit, les cits de la Corne demand-rent en 501 ce que leur statut soient revus comme celui dallis et non plus de sujets. Elles rclam-rent que leurs terres, enleves par Etherne lors des prcdentes guerres, leur soient rendues. La grande cit leur opposa un non ferme quelle souligna en rasant Astinsi, la cit la plus virulente. Lensemble de la Pninsule se souleva alors, la grande stup-faction des snateurs dEtherne trop arrogants. Les anciennes colonies levrent des troupes et dcid-rent de faire tomber la capitale.

    Cet affrontement fut avant tout une vritable guerre civile, car de nombreux Tarquins staient tablis dans toutes les provinces et des habitants de la pninsule staient installs Etherne par milliers. Les frres luttrent contre les frres et le conit fut dune rare cruaut. Au fur et mesure des combats, des revers et des alliances, Etherne fut nalement assige. Seul un retournement de der-nire minute, une trahison chez les coaliss, per-mit ltablissement dun statu-quo. Ereints, tout comme leurs adversaires, les snateurs dcidrent de trouver un accord pacique. La citoyennet la-tine fut accorde toutes les cits qui rendraient les armes et une partie des terres fut redistribue. Les habitants des colonies devinrent donc les gaux des Tarquins. Tous acceptrent, sauf la Paleste, qui dsirait lanantissement de la capitale. Elle conti-nua seule le combat pendant encore cinq ans, avant dtre envahie son tour. Sa capitale fut rase et sa population mise en esclavage. En 525, la pnin-sule fut pacie et le Snat rform pour pouvoir accepter les snateurs de toute la pninsule latine. La guerre agricole tait nie et la Rpublique venait nouveau de changer de visage.

    Linuence dEtherne commena ds lors stendre hors de la pninsule. Les artistes et les artisans achens furent de plus en plus nombreux

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    venir dans le pays et de nombreuses ambassa-des partirent vers tous les pays de la Mer Int-rieure. Les compagnies de publicains virent leur inuence se dvelopper, alors que le prlvement des impts dans certains comptoirs des les du Cyclope leur tait accord. Les Latins dressrent aussi leurs premires colonies en terre chevelue, dans le Sud du pays. Cest une province fertile, au climat agrable. Nombre de riches propritaires se rent construire l-bas des maisons secondaires et y plantrent des hectares de pieds de vignes. Cette occupation progressive fut pour certains nobles de ces terres une provocation, quils rent payer aux Latins un peu plus tard.

    La cit dEuphbius se dveloppa en mme temps de manire impressionnante. Elle dborda de ses premiers remparts et devint la deuxime ville des Terres Intrieures. Lurbanisme des rues tait encore assez anarchique, surtout dans les faubourgs de la cit. Au centre, en revanche, de

    nouveaux temples toujours plus grands et plus beaux se mirent en chantier. Des ouvriers accouru-rent de toutes les Terres Intrieures pour participer aux chantiers. Il sembla que la Rpublique se tour-nait maintenant plus vers le commerce que vers la guerre pour senrichir. Le destin en dcida autre-ment : en 579, surprenant tout le monde, le chef chevelu Aementhor sempara de la cit aprs une campagne clair. Il pilla la capitale et ses temples et enleva de nombreuses femmes latines. Enn, il repartit tranquillement dans ses terres. Les sages latins prirent bien note de ces vnements et la ca-pitale fut fortie en consquence sous le consulat de Metellus. Larme fut son tour rforme sous lautorit du consul Marius, un ancien militaire r-put. Aementhor mourut assassin quelques annes plus tard, au grand soulagement des Latins.

    Le problme des colonies latines du sud des Terres Chevelues nen fut pas rsolu. Elles rent de plus en plus souvent face aux Cartagues, qui taient la fois de bons marchands et de bons na-vigateurs. Ces derniers voulaient notamment faire main basse sur les dbouchs des routes commer-ciales chevelues. Elles permettaient dobtenir de nombreux mtaux prcieux, du bois profusion et des produits dartisanat. Les occasions dexpansion conomique chapprent de plus en plus Etherne au prot de Cartago. La tension monta petit pe-tit entre les deux capitales. Les alliances se multi-plirent et la cit dEuphbius assura ses arrires en se rapprochant dArtsia, en Ache.

    En 641, les Cartagues fondrent un comptoir dans le Sud des Terres Chevelues. Les Latins dp-chrent aussitt un corps expditionnaire pour ra-ser le site, ce quil t avec succs. Mais un imprvu malheureux vint gcher la joie des snateurs. Car-tago stait allie en secret avec une des puissantes tribus chevelues du Sud, celle de lOrme sacr. Par jeu de familles et dalliance, une vritable fdra-tion de tribus entra en guerre contre Etherne et menaa ses colonies. La guerre chevelue venait de commencer.

    Cartago, discrtement, se retira du conflit sur les trois premires annes. Car laffronte-ment prit une allure de guerre totale. Les com-battants chevelus ne faisaient pas de quartier et, en reprsailles, les troupes latines incendirent et massacrrent cits et populations civiles. Les pertes se comptrent de chaque ct en dizaines de milliers de personnes. Conscription aprs conscription, les snateurs se rsolurent nom-mer un dictateur titre temporaire, un statut permis par les textes fondateurs. Ce fut un gn-ral nomm Claudius qui fut hiss cette respon-sabilit. Vtran de nombreuses guerres, stratge prouv, il donna un nouvel lan au conflit et souleva lenthousiasme parmi ses troupes. Il finit par acculer son ennemi, le grand Bren Arvintrix, dans les plaines de Lence. La bataille fit rage pen-dant plusieurs jours, ne laissant deviner aucun

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    vainqueur. Finalement, connaissant bien les murs des Chevelus, Claudius dfit leur chef en duel. Arvintrix, devant tous ses hommes, accep-ta. Aprs un combat pique, le Latin triompha. Mais au lieu dhumilier lennemi, il lui proposa de sallier lui, en un retournement qui stupfia la fois citoyens dEtherne et Chevelus. Les drui-des, forcs de choisir entre la destruction et une reconnaissance plus quinattendue, dcidrent daccepter la proposition des Latins. Ce fut le d-but de la Grande Alliance, fonde sur la paix des braves. Mais une partie des Latins ne lentendit pas de cette oreille et se mit redouter la popula-rit de Claudius. A sa rentre Etherne, en 656, il fut assassin par des snateurs rpublicains.

    Une courte guerre civile tourna vite lavan-tage des modrs. La Grande Alliance fut alors ac-cepte comme une garantie contre Cartago et une promesse de prosprit. Elle ne fut jamais remise en cause gravement.

    La Rpublique mit une dizaine dannes avant de rcuprer de ses blessures. Elle mit alors tous ses efforts dans lassimilation des Terres Chevelues, en dveloppant routes et capitales provinciales. Les jeunes nobles des Terres furent envoys tudier Etherne, alors que les snateurs latins envoyaient leurs ls dcouvrir cet autre monde. Les frontires de la cit venaient tout dun coup de stendre trs loin. Attirs par les gisements dor du Nord, sous la pression des compagnies de publicains, plusieurs corps expditionnaires furent envoys en Pannonie infrieure, qui nit par tre conquise en 669. On y dcouvrit un monde sylvestre redoutable, hant par dnormes prdateurs et des tribus tranges. Des lgionnaires y furent envoys rgulirement pour relever leurs camarades prouvs et assurer la garde des mines dor et de quelques colonies. La brutale dfaite de Varus mit n lavance latine dans cette rgion.

    Lextension subite des frontires de la Rpu-blique offrit de nombreuses opportunits das-cension sociale aux aventuriers de tout poil et nombreux furent ceux qui dcidrent de partir ltranger tenter leur chance. Les compagnies de publicains, soudainement charges de rcolter les impts dans un nombre croissant de cits, senri-chirent et enrent comme jamais auparavant. Lor afua dans la capitale et grisa ses snateurs, avides de plus de pouvoir.

    Enn en 685, lanne dernire, le royaume de Chalce en Ache clata. La partie continentale du pays se plaa sous la protection dEtherne. Le reste fut occup par les Irdiens, de farouches guerriers Achens et par les Antioques, les serviteurs de la dictature la plus rafne des Terres Intrieures.

    La situation est pour le moment stabilise, mme si tous les snateurs savent quil faudra bien trouver un moment ou un autre comment r-partir les restes de la Chalce entre tous les prten-dants existants.

    LA VIE QUOTIDIENNE

    La Rpublique Rpublique, voil un mot que les Latins ca-quettent longueur de journe. Mais quen est-il en vrit ? Dans leur systme cest le peuple qui lit les magistrats lors de runions citoyennes appeles comices. Evidemment les esclaves, les femmes et les trangers ne sont pas invits au vote. De mme un systme censitaire donne plus de voix aux riches quaux pauvres dans les comices quon appelle consulaires et qui visent faire lire les plus hauts magistrats, comme les consuls. Il y a donc au moins quelque chose de normal dans ce pays, tant la racaille ne peut lire que de petits magistrats et, malheureu-sement, les tribuns de la plbe. Cest lors des comices plbiennes que ceux-ci accdent au pouvoir, devenant ainsi les mouches du coche lors des sances du Snat. La lucidit des an-ciens dEtherne fait tout de mme que ces lus sont des personnes riches, tant les campagnes lectorales aspirent des sommes fantastiques. Les personnes de basses extraction sont donc cartes des fonctions rgaliennes et lodeur lintrieur du Snat reste ainsi supportable..

    Mlpide Bakos, parfumeur dAntiochos, ses apprentis.

    La Hirarchie de la Rpublique Les consuls sont au nombre de deux. Ils sont

    les dirigeants suprmes de la Rpublique. Ils sont lus chaque anne par les comices consulaires, des lections favorisant le vote des tranches de la popu-lation la plus riche. Les consuls ont dans leurs mains le pouvoir suprme, quon appelle Imperium. Il leur confre tous les pouvoirs des magistrats latins, avec en prime le dernier mot sur toutes autres autori-ts. En pratique, un consul peut absolument faire ce quil veut pendant son anne de pouvoir. Il ne ren-contre que deux contrepouvoirs : lautre consul, qui peut imposer un veto sur nimporte quelle dcision et le Snat, o il est oblig de faire voter certains de ses dcrets. Le poste de consul est le plus prestigieux de la Rpublique, mais il est court et dangereux Le seul moyen de prolonger son consulat est de mon-trer au Snat quon est engag dans une tche im-portante o un changement serait nuisible, comme une guerre. Les snateurs accordent alors un pro-consulat qui prolonge le pouvoir du consul jusqu la rsolution du problme.

    Les snateurs forment llite de la socit latine et sont les hommes les plus inuents de lEtat. Ils sont au nombre de 400 dans la grande assemble. Ils ne sont pas lus mais doivent rpondre un certain nombre dobligations : possder plus dun million das, tre citoyen latin et avoir servi lEtat durant

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    plusieurs annes. Les snateurs votent les lois et soc-cupent de la politique extrieure du pays. Ce sont des hommes puissants qui possdent des intrts un peu partout dans la Mer Intrieure. Leur famille a droit un certain nombre davantages pratiques, comme le respect mielleux des subalternes, des places r-serves au thtre, la toge avec le laticlave1 etc. Les snateurs se reconnaissent aussi leurs noms : ce sont les seuls qui ont droit un triple patronyme. On interdit par contre aux snateurs de pratiquer la spculation : leurs richesses doivent tre seulement foncires. Cette interdiction est bien sr contourne par le moyen dintermdiaires.

    La plbe est faite du reste des citoyens. Elle cons-titue les trois quarts de la population, soit environ 12 millions de personnes dans la pninsule latine. Cette catgorie est trs htroclite : de trs riches marchands comme de simples mendiants, en passant par soldats et marins, ou poseurs de mosaque, magistrats et se-crtaires etc. Ce qui les spare de la classe au dessus, les snateurs, cest largent ou lactivit (la spculation leur est permise). Ce qui les spare de la classe du dessous, les esclaves, cest leur citoyennet. Elle leur permet de voter, de bncier des droits des citoyens latins et de postuler pour occuper des charges publi-ques. Cest cette classe qui fournit lensemble de la for-ce vive du pays et cest elle quessayent de sduire ceux qui veulent accder des postes de magistrats. Les femmes transmettent la citoyennet mais nont pas pour autant le droit de vote, ni la possibilit dexercer directement la plupart des charges publiques.

    Les esclaves ont perdu leur libert et doivent servir leurs matres en toutes occasions. Ils sont en-viron 4 millions sur la pninsule. Leurs positions sont presque aussi diverses que celles des citoyens : certains travaillent de laube au crpuscule dans les champs, tandis que dautres sont les riches secr-taires particuliers de snateurs. Aucune conscience de classe nexiste chez eux du fait de la diversit de leur origine et de leurs fonctions. Quand bien mme une rvolte clate, jamais le concept desclavage nest remis en question par matres et rvolts.

    Les puissants et le Snat Lidal des riches dEtherne est de dpas-ser leurs anctres en gloire et en puissance et pour ce faire, ils doivent devenir snateur puis consul. Le seul moyen darriver jusquau som-met de la Rpublique est donc de travailler sa popularit jusqu tre lu aux comices. Ainsi la richesse dEtherne est-t-elle employe construire des thermes, des temples, des forums et payer des jeux dans la Grande Arne. Les mauvaises langues diront que le reste sert supprimer les adversaires poli-tiques de nos futurs snateurs, mais ils ne font en vrit que prendre le pli du pouvoir.

    Flavius Quintus Valerius, tribun de la plbe.

    La politique intrieure du pays, troitement lie linternationale, est source de complots entre snateurs. La plupart des factions se rpartissent entre trois grands ples, mme sils ont tous leurs contradictions internes.

    Le parti rpublicain est convaincu du bien fond des institutions dEtherne. Depuis la n du rgime de Tarquin le superbe, ce parti est le pre-mier dfenseur du systme et il se fait lennemi froce des monarchies et des dictatures des Terres Intrieures. Les snateurs rpublicains hassent la royaut antioque car elle sduit de plus en plus de Latins par son exotisme et son apparence prospre. Elle sert ainsi dalibi au parti de la dictature qui la prend pour exemple. Les rpublicains se veulent galement les gardiens de la tradition latine. Ils pra-tiquent le culte des anctres avec ferveur et prnent une vie digne et sobre, quon appelle dignitas . Par ricochet, ils se ment de tout ce quils jugent excessif et clinquant. Voil qui nest pas pour ar-ranger leur perception des Antioques ! Dune ma-nire gnrale, le parti des rpublicains est souvent quali de conservateur et jug trop austre par ses dtracteurs.

    Cette mouvance trouve de nombreux appuis dans la socit. Les familles qui descendent des pre-miers snateurs dEtherne, les patriciennes, four-nissent de nombreux pontifes aux grands temples dEtherne. Les classes moyennes du peuple, soucieu-ses de tradition et de stabilit, votent rgulirement rpublicain. Dernier alli et non des moindres, la garde consulaire est une des plus fervente dfenseu-se des institutions de la Rpublique et accorde donc souvent son soutien au parti des rpublicains.

    Le parti pour la dictature est plus htroclite. Ses membres se reconnaissent en gnral dans lide que la dictature est le meilleur des systmes. Alors que les dictateurs, mme sous la Rpublique, sont dsigns par les snateurs en cas de crise, certains demandent ce que ce poste devienne permanent et hrditaire. Cest pour les rpublicains un rappel insupportable de la monarchie. Les sympathisants du parti pour la dictature sont souvent fascins par les monarchies dOrient, quils considrent comme en avance sur leur temps. Ils sont en revanche hos-tiles lgard de Cartago. Le parti pour la Rpu-blique a pour coutume de dnoncer les murs dcadentes de ces ultra et leur vision belliciste et expansionniste de la politique extrieure.

    Ils trouvent souvent des allis dans les compa-gnies de publicains, ces entreprises charges dassurer la prsence de lEtat dans les pays annexs. Une partie de larme, la plus jusquau-boutiste, lui est galement acquise. Enn, on raconte parfois lhistoire de la cin-quime lgion, celle qui servit le dernier dictateur dEtherne. Aujourdhui encore, elle oeuvrerait dans lombre la chute des institutions et au triomphe dun homme mystrieux, appel Archon.

    1 Laticlave : il sagit dune bande pourpre sur leur vtement qui les distingue comme snateur.

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    Le tribunat de la plbe est la mouche du coche. Les tribuns, qui disposent dune immunit totale du-rant leur fonction, sont l pour dfendre les intrts du peuple contre le Snat. Ils sont rputs pour abu-ser de leur droit de veto et souhaitent un dmembre-ment du systme des grandes proprits au prot du peuple. Ils sont aussi souvent les dfenseurs ardents dune politique de guerre gnralise an de nancer par le butin toutes les rformes quils envisagent. Ils ont le don inn de provoquer la haine des lites politi-ques et foncires et de dchaner la polmique au sein du peuple. Cette audace leur vaut souvent une courte vie une fois leur mandat achev Peu nombreux au Snat, seize, ils sont la proie de trs nombreuses pres-sions, qui ont plus pour effet de les immobiliser que de les porter vers une faction en particulier.

    Les situations de conit ne manquent pas entre snateurs. Tous les ans ont lieu des lections pour nommer les deux consuls qui tiendront le pouvoir suprme dans leurs mains. Cest loccasion pour chaque camp de faire pression sur leur clientle la plus riche. Tous les moyens sont bons pour gagner

    ces lections : coup de mains, vol, diffamation, con-trefaon et mme meurtre deviennent des actes politiques de plus en plus courants. Certains font aussi appel des factions extrieures pour arriver leurs ns. Lhistoire de la famille Caeminus, massa-cre pour avoir jou avec des puissances la dpas-sant, a pourtant longtemps servi dexemple.

    Vivre et mourir dans la Rpublique dEtherne

    Comment se passe la vie de tous les jours dans les terres latines ? Comment les gens peroivent-ils le quotidien ? Voil quelques rponses sur les plus grands sujets et concepts de la vie dans la Rpublique.

    Voyage et trangersDans les Terres Intrieures, nombreuses sont

    les personnes qui se dplacent et spcialement quand elles viennent dEtherne. Les snateurs sont

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    nomms souvent dans des provinces lointaines et de nombreux soldats sont envoys en faction chez des allis ou dans des protectorats. Les marchands de tous les pays emploient la Mer Intrieure comme une grande route et les ports accueillent de nom-breux trangers. Les esclaves de tous les pays sont vendus et transports un peu partout et il doit tre possible de trouver un Adunga en Pannonie.

    Ce qui ne veut pas dire que le lointain est trs bien connu du peuple. Les fermiers restent souvent attachs toute leur vie leurs terres et nentendent parler de contres trangres que de la bouche dun voisin qui a un cousin lgionnaire. Ce sont les cits qui sont les plus cosmopolites et les plus propres accueillir les voyageurs lointains et tout spciale-ment dans les ports.

    Vis vis du voyageur, la population oscille entre peur et curiosit. Elle raffole des histoires lointaines mais craint le pillard et le vagabond.

    La mortLa mort est le royaume dHads, matre du

    monde gris. Lau-del nest quun endroit triste et terrible, hant par des mes en peine. Seuls les plus grands hros peuvent esprer rejoindre les Champs-lyses, endroit dternel bonheur. En consquence, les Latins prfrent vivre intensment leur vie, en protant selon leurs idaux. Les corps des morts sont cons au temple dHads, qui les place dans des fosses communes souterraines pour les plus pauvres ou dans des mausoles personnels pour les plus riches. Les cimetires sont toujours placs lextrieur de la ville.

    Chez les grandes familles, les anctres font lobjet dun culte. Dans la salle dattente de leur villa, les visiteurs peuvent observer la galerie des bustes des aeuls, au visage svre et plein de ma-jest. La mort du doyen fait toujours lobjet dune crmonie o lhritier montre quil a bien hrit des vertus paternelles.

    La familleLa famille latine est un corps soud autour de

    lhomme le plus vieux, le patriarche de la maison. Celui-ci prend les dcisions les plus importantes de la famille. Comme on la vu, les anctres font aussi lobjet dun culte.

    La femme dirige toutes les affaires domestiques de la maison et devient le chef de famille en cas de mort de son mari. Son statut effectif dpend de la famille. Elles sont parfois les relles matresses de la maison, parfois les gales du mari ou encore des femmes soumises.

    Les enfants sont considrs comme de pe-tits adultes . On attend deux quils apprennent prendre leur place dans la socit en travaillant ou en tudiant le plus tt possible.

    LesclavagePour les Latins, lesclavage fait partie du paysage. Il

    nest ni rvoltant, ni immoral. Ils conoivent trs bien la cruaut dtre arrach son pays, mais ils peroivent la servitude comme un mal ncessaire. Dailleurs les es-claves domestiques ne sont pas particulirement mal traits, car sinon ils tenteraient de senfuir ou de nuire leurs matres. Par contre, il en est tout autre des esclaves agricoles des Apenins. Ceux ci sont forcs un travail puisant et avancent enchans par les. Leurs rvoltes sporadiques sont toujours mates dans le sang.

    Certains esclaves nissent mme par tisser des liens assez troits avec leurs matres, devenant des membres de la famille assez spciaux. De nombreux artistes, secrtaires, matresses et mtayers sont des esclaves. Ils nen gardent pas moins un statut con-fortable vis vis de tout autre que leur matre.

    Pour ceux qui le dsirent vraiment, la fuite nest pas une chose aise. Les esclaves sont souvent dorigine lointaine et leurs pays sont difcilement joignables pour des hors-la-loi.

    En outre, les esclaves sont souvent affranchis au bout de vingt trente ans de service. Leurs propres ls pourront devenir citoyens dEtherne sils font leur service militaire. Cest pourquoi les esclaves prfrent souvent garder leur situation plutt que de tenter la dangereuse aventure dune vasion.

    En terme de quantit, on peut trouver des esclaves dans toutes les familles riches latines. Une fa-mille snatoriale pourra avoir une quarantaine des-claves domestiques et peut-tre plus dune centaine desclaves agricoles si elle possde des terres. Quand une personne aise part sur le forum faire ses courses, elle prend souvent avec elle une demi-douzaine de domestiques pour porter ses achats et la protger. Les places publiques ne sont pas toujours trs sres

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    La clientlePar clientle, les Latins entendent leurs rseaux

    de connaissances. Le principe est le suivant : un homme, le client, se met sous la protection dun individu plus puissant qui laide gravir les che-lons, lui rend de petits services etc En change, il sendette auprs de son patron et devra militer pour son lection, commettre quelques irrgulari-ts judiciaires, casser la gure un voisin gnant etc Le patron gagne ainsi une arme de lombre (sa clientle) et le client voit son train de vie aug-ment. Il sagit ni plus ni moins de corruptions, de complaisances et de complicits. L o les choses se compliquent, cest quand quelquun prend plu-sieurs patrons ou a lui-mme des clients aux in-trts contraires. Cest un jeu dangereux auquel beaucoup ont perdu des plumes

    Enn, ce pacte de clientle nest videmment pas crit, mais tacite entre les deux parties.

    La guerreLa conception de la guerre est diffrente bien

    des niveaux de la notre.On peut dcouper le conit dans les Terres In-

    trieures en quatre genres :-Les escarmouches sont omniprsentes aux

    frontires. Elles constituent un facteur de tension mais pas de guerre franche. Les villages des marches vivent sous la menace des raids des barbares des terres froides, les pirates rdent sur la Mer et il arrive de temps en temps que navires cartagues et latins sabordent violemment. Parfois, les vne-ments dgnrent en oprations de reprsailles.

    -Lopration de reprsailles est encore mar-ginale, mais emploie des rgiments rgls pour radiquer une bande menaante ou dtruire une ville ennemie pour montrer quon ne se laisse pas marcher sur les pieds. Si la dmonstration est suf-samment impressionnante, la situation nit par se calmer. Sinon, cest lescalade

    -La guerre limite est plus srieuse. De gros moyens sont mobiliss pour battre lennemi. Le but est de le mettre genoux pour lui faire accepter ses prtentions ou pour lui faire renoncer aux siennes. Loccupation totale du pays ou la destruction de ses institutions nest pas envisage, car trop coteuse.

    -La guerre totale met en jeu lexistence des deux belligrants. Il sagit de mettre en uvre tous les moyens possibles pour radiquer lennemi. Les cits sont rases, les hommes tus, les femmes et les enfants sont mis en esclavage et les hommes de pouvoir et les dynasties sont traques jusqu leur dernier reprsentant.

    Les Latins apprcient leur arme car elle est dis-cipline, bien approvisionne et quils sont patriotes, en gnral. La guerre est glorieuse quand elle se pas-se lextrieur, en revanche elle devient redoute ds quelle touche le territoire. Elle arrive alors avec son cortge de destructions, dpidmies et de violences, rappelant les habitants la dure ralit.

    La religionLes Latins comprennent diffremment la religion

    selon leurs origines sociales. Le peuple nest propre-ment dire pas bigot, mais plutt superstitieux. Il sen-tiche damulettes et de talismans et les dieux changent de popularit de semaine en semaine, selon les ru-meurs. Certaines familles peuvent tre de ferventes croyantes qui sattachent un seul dieu, mais celles-ci sont plutt rares. La plupart des Latins trouvent plus avantageux de demander des faveurs tous leurs dieux en mme temps ! Ces gens croient rsolument dans lexistence des dieux mais ils leur inspirent autant de peur que de respect. Les prtres inspirent les mmes sentiments leurs concitoyens, mme si certains cler-gs sont plus populaires que dautres.

    Les gens instruits ont une perception diff-rente des dieux. Pour les riches familles qui four-nissent le gros des pontifes (grands prtres), la re-ligion est une culture et une ralit. Il sagit dun pais ensemble de mythe, de pouvoir mystique et dune certaine philosophie. Devenir pontife revient sengager corps et me. A linverse de ces familles traditionalistes, on peut trouver une noblesse s-natoriale rpublicaine, forme Artsia et plutt rationaliste. Ces hommes se permettent de douter de linuence relle des dieux, mme sils sont sou-vent tiraills entre deux cultures bien diffrentes. Le plus souvent cest leur pragmatisme qui lem-porte, adoptant la religion quand bon leur semble.

    Quant aux dieux trangers, ils ne sont pas nis. On leur reconnat une certaine lgitimit et sont mme parfois adors des Latins. La notion dun dieu unique et sans concession nexiste pas dans les Terres Intrieures.

    La justiceElle est assure par des notables locaux ou des

    membres de familles snatoriales, qui prennent le titre de prteur. Ils sappuient pour cela sur la milice locale, ceux quon appelle les sebaciaria Etherne. Pour que ces prteurs soccupent dune affaire il faut quune plainte soit dpose ou que les intrts publics soient viss. En cas de litige entre deux personnes, le prteur aura plus un rle dar-bitre que daccusateur. Il est plus souvent donn raison aux riches quaux pauvres dans ce systme tant la corruption et linuence y jouent un rle important. Do une violence assez importante dans la rue, qui se substitue une justice deux vitesses. Pour les snateurs, le cas est tout autre. Ils ne peuvent tre jugs que par leurs pairs.

    Lamour et le sexeA Etherne comme partout, le milieu social xe

    beaucoup de choses et touche aussi lamour. Dans les familles riches, le mariage arrang est chose cou-rante et on pratique la dot. La femme doit rester -dle pour sauver lhonneur de la famille, mais il est courant que le matre de maison passe rgulire-ment dans une maison close sans choquer les gens.

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    LA RPUBLIQUE DETHERNE

    La marie peut toujours faire appel un esclave ou un sduisant gladiateur, mais ses risques et p-rils Dans les familles plus pauvres, on rencontre plus de libert dans le mariage. Celui ci est toujours dnitif et clbr la maison du mari, lors dune grande crmonie.

    Pour ce qui est du sexe, les Latins nen font pas vraiment un tabou. De petits phallus en bronze constituent par exemple dexcellents porte-bon-heur. Lhomosexualit est considre comme normal pour le rle de lactif et ce peu prs partout sauf dans la province tarquine, dont lin-uence grandit. Les bordels sont aussi des com-merces un peu comme les autres, mme si le voi-sinage sen plaint plus. Une certaine pudeur vite que tout le monde tale toutes ses histoires en pu-blic, mais on considre les gens comme libres de ce quils font ct tant quils ne tombent dans les excs les plus graves.

    Cest pourquoi les Antioques, souponns de tous les vices possibles, sattirent toujours suspi-cion et curiosit.

    Les distractionsLa Rpublique est une civilisation assez raf-

    ne et ses habitants sont particulirement avides de distractions. Les jeux de la Grande Arne, courses de chars, batailles navales, duels de gla-diateurs, combats danimaux etc sont une des folies du peuple. Organiss par les snateurs, ces jeux sont souvent gratuits. Le sport, pratiqu la palestre, est galement apprci des jeunes gens. Les maisons closes, dans un autre rpertoire, sont aussi assez frquente. Et rien ne vaut un passage aux thermes aprs pour se dlasser. A lauberge, un bon jeu dosselets ou de ds met tout de suite lambiance. Avec quelques danseuses et des mu-siciens lambiance sera parfaite. Les snateurs palestins pourront ensuite partir la chasse, moins quun barde chevelu ne soit de passage. Les personnes riches pourront aussi se plonger dans la contemplation uvres dart ou mditer sur des crits artsiens. Le peuple organisera de son ct des combats de chiens et des paris de toutes sortes. Tous prendront plaisir se rendre aux thtres ex-plorer les mandres de lme humaine ou rire gorge dploye. Au pire, le vieux du village aura toujours une histoire raconter en attendant les prochaines ftes sacres.

    Quant aux Cornii, leurs amis antioques auront tt fait de leur montrer quelques nouvelles innova-tions gymnastiques de leur pays

    La communicationA Etherne, les moyens de communications

    sont plutt limits dans leur diversit. Un bon pi-geon voyageur peut transporter de petits messages assez rapidement mais avec la possibilit de dispa-ratre en route sans quon en sache jamais plus. Le bateau est un bon moyen de communiquer, dans

    les Terres Intrieures. La Mer Intrieure constitue cet gard une artre centrale o des milliers de marchandises et de gens voyagent chaque jour. Cest un moyen rapide et assez sr tant quon fait du cabotage. Sur terre, toute la Rpublique est irrigue par un rseau de routes publiques parti-culirement bien conu et ar par de nombreux relais. La poste nexiste pas vraiment et seule lar-me dispose de courriers professionnels et de struc-tures assez importantes pour assurer des commu-nications rapides. Envoyer un ordre important de Pannonie Etherne leur prend ainsi peu prs un mois et demi. La frontire pannoniene est aussi protge par une srie de tours dalarme qui, par des signaux de fume, peut donner lalarme rapi-dement aux campements des lgions.

    Les particuliers devront eux engager quelquun pour ce genre de service, moins quils nenvoient un esclave de conance. Les routes sont assez sres dans la Rpublique elle-mme mais le reste des Terres Intrieures est rempli de brigands ou de pauvres hres prts tout.

    Le patriotisme et la politiqueLes Latins ont, en gnral, une haute image de

    leur pays et de leur systme politique. Nombreux sont ceux qui considrent la Rpublique et le Snat comme des lments sacrs, la limite dune re-ligion civique. Larme, discipline et ravitaille, garde donc une bonne image de gardienne de la

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    Nation. Les peuples traditionnellement ennemis, comme les Cartagues, sont par contre toujours su-jets mance. Cette fougue est double tranchant. Les snateurs peu apprcis, tort ou raison, peuvent se retrouver trs rapidement charps par une meute publique. Les dbats les plus ardus au Snat peuvent tourner la rvolution dans la rue. Seule larme peut alors rtablir lordre. La plupart du temps, heureusement, lnergie populaire se limite des discussions passionnes sur le forum o tout le monde peut participer, ses risques et prils. La phase suivante est lorganisation des co-mices, les lections des fonctionnaires les plus im-portants. Cest loccasion de vritables campagnes politiques, avec crieurs, ftes et jeux offerts par les candidats, dbats publics et corruption. Le clou est le rsultat des lections elles-mme, qui est loc-casion dimprvisibles manifestations populaires. La politique reste une chose publique , un su-jet passionnel capable de rveiller la susceptibilit dun Latin.

    Les languesTous les habitants de la pninsule parlent

    le Latin, bien que les langages locaux soient l-gions. Dans lensemble des Terres Intrieures, les langues commerantes sont le Cartague, le Latin et surtout lAchen. La plupart des gens qui ha-bitent dans des centres urbains dimportance ou sur les frontires savent parler au moins quelques mots dune langue trangre. Les marchands la-tins et les snateurs matrisent en gnral trs bien lAchen, pour y tre alls rgulirement ou y avoir fait leurs tudes. Les peuples qui ont la rputation dtre les plus dous pour les langues sont les Cartagues, redoutables marchands, et les bdouins dIphidia, la ville la plus cosmopolite du monde.

    La philosophie et la RaisonLa philosophie artsienne prend de plus en

    plus de place dans la vie de la Rpublique. De-puis plusieurs sicles, les familles snatoriales envoient leurs enfants tudier en Ache le raison-nement des prcepteurs achens et aujourdhui, de nombreux prcepteurs dorigine latine ensei-gnent leur tour aux jeunes Latins. Cette culture semble dsormais sinfiltrer dans les couches moins aises de la population. Par exemple, des dbats sorganisent parfois spontanment dans les thermopoliums (tavernes). Mais il reste des points encore sensibles pour les Latins dans la philosophie artsienne, comme la ngation des dieux. Il semble que les prcepteurs se fassent plus discrets sur ce sujet quand ils sont sur la p-ninsule, vitant les foudres du temple de Satur-ne, particulirement allergique aux rationalistes. Les prtres eux aussi font parfois preuve de ce proslytisme, bien que plus rarement et unique-ment dans la haute socit, ayant une image plus haute de leurs fonctions. Peu peu, il semble que la Raison gagne de plus en plus de terrain dans le cur des Latins.

    LartLesthtique nest pas un vain mot dans

    la Rpublique et on peut admirer des u-vres dart dans de nombreux endroits. La sculpture orne les btiments publics ou les intrieurs des grandes villas snato-riales et les fresques y colorent gaiement les murs. La tapisserie nest pas utilise, sauf dans la Paleste. Si larchitecture est fortement inspire des arts artsiens, la

    musique latine est typique du pays, elle est lgre et gaie la flte ou mlancolique la corde. Chaque province a ses grands morceaux et ses airs pour accompagner le travail aux champs ou la ville. Le thtre est aussi trs estim pour sa grande force dvocation

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    LA RPUBLIQUE DETHERNE

    et les textes bien sentis des grands auteurs. La rhtorique est loccasion de vritables proues-ses verbales dans une autre enceinte, le Snat, et entre les rudits et les gens de la haute socit. La bijouterie et la mtallurgie sont plus rpandues dans le Nord du pays et les forgerons chevelus sont rputs pour leur habilet. Les vtements de qualit sont plutt fabriqus dans la petite Corne. Linfluence trangre est limite hormis celle des Achens, bien quon puisse trouver des objets darts ramens de campagnes militaires ou de lointains voyages. Lart reste un moyen de communication privilgi et une manifestation de puissance et de richesse.

    Systme montaireLes Latins utilisent trs largement la monnaie,

    bien que le troc ne soit pas non plus inexistant dans les campagnes ou parfois sur les forums. Un aureus est une pice dor, qui vaut 10 as. Un as est une pice dargent, qui vaut 10 sesterces. Un sesterce est une pice de bronze qui vaut 10 quadrants. Le quadrant est une pice dans un alliage de mauvaise qualit de bronze et de fer.

    Une cit latine typique : Astinsi

    La cit est le cur de la vie de la Rpublique : on y trouve tous les corps de mtiers les plus ta-lentueux, le centre du pouvoir et un nud de vie et dintrigue opaque. Voil un beau dcor pour des aventures ! Mais quoi ressemble une cit latine typique et quest ce qui la distingue des villes des autres civilisations et des autres poques ? Astinsi, une cit typique de la Corne, fournit une bonne illustration.

    HistoriqueLa construction de lactuelle Astinsi est assez r-

    cente. Rase en 401 par les troupes dEtherne durant la guerre agricole, la cit est reconstruite de zro en 403. Les ingnieurs commencent par choisir le site, puis calculent et tracent lemplacement des deux rues principales, qui se croisent la perpendiculaire. Les anciens Duumvirs (maires) de la cit dtermi-nent les espaces qui appartiendront en propre la cit. Puis la construction commence et ouvriers, ar-tisans et ingnieurs deviennent en quelque sorte les premiers habitants. Au fur et mesure des annes les btiments slvent grce aux dons des notables et les anciens citoyens viennent reconstruire leurs maisons. Il sagit soit de villas basses, pour les per-sonnes les plus riches, de domus, des maisons, soit dimmeubles de deux ou trois tages, que les Latins appellent Insulae, pour les autres qui veulent se serrer plus prs du cur de la cit.

    Pendant ce temps, la vie politique de la cit continue. Nombre de citoyens partent combattre Etherne pendant la guerre agricole et un ofcier

    dAstinsi, Demetrius Donus, se distingue particu-lirement. A la n de la guerre, il a runi un joli butin qui lui permet de nancer la construction dun nouveau forum la cit. Il portera vide-ment son nom. Le principal rival de Donus est un Duumvir de lancienne Astinsi, Octavus Delomus. Comme ce dernier ne souhaite pas tre dpass par la popularit du militaire, il nance la cons-truction du premier grand temple de la cit, ici ddi Crs. La lutte continue travers le temps entre les deux familles, coups de construction publiques et de morts accidentelles.

    Aujourdhui, Astinsi est une cit prospre de 6 000 habitants, qui prote dune terre arable et dun climat assez doux. La guerre agricole est loin dans le pass, bien que ses marques restent un peu partout visibles, dans la puissance des deux familles ou dans les ruines de lancienne cit, qui servent maintenant de carrire.

    Promenade dans la cit :Les btiments les plus importants de la cit sont

    sans conteste les forums. Il sagit dune vaste place rectangulaire, rserve aux marchs et aux dbats publics. Elle est souvent entoure de nombreuses boutiques et de btiments ofciels.

    A Astinsi, il y a deux forums. Le premier est le forum senior, construit avec la cit. Devenu trop petit avec lextension de la ville, il sest vu peu peu dpourvu de ses btiments publics et sest transform en place marchande. Lancienne curie y a t transforme en entrepts et la ba-silique sert de bourse aux marchandises. Tout autour de la place on trouve de nombreuses bou-tiques et tous les matins des tals sont monts par les marchands sur la place, pour vendre des produits frais ou mettre en avant des arrivages. Le macellum, dans un angle, est un march cou-vert spcialis dans les crales. On trouve aussi du ct droit de la place un petit temple ddi Herms, o les marchands ne manquent jamais daller faire quelques offrandes et de saluer ainsi Senex , le vieil initi dHerms.

    Le second est le forum Donus. Plus grand et plus beau, il est entour dun portique de colon-nades et une de ses entres est un arc de triomphe en souvenir de la guerre chevelue. A lautre extr-mit se trouve le btiment public qui reprsente le pouvoir : la curie dAstinsi est la base le lieu o se runissent les dcurions, qui sont des conseillers municipaux. Mais depuis ses travaux dextension on y trouve aussi les bureaux des deux duumvirs, les maires de la cit et le comitium, qui gre toutes les lections. Limpressionnant btiment contient plu-sieurs bureaux particuliers, des archives, une grande salle de runion pour les dcurions et la pice uti-lise pour les lections. Lensemble est dcor de marbre et de statues reprsentant les duumvirs qui ont sig Astinsi. Elles sont rgulirement chan-ges chaque nouvelle lection, de manire ce

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    que les nouveaux puissants ne soient pas importu-ns par le regard de leur adversaire politique Si on continue faire le tour du forum, on trouvera ensuite un petit temple ddi Bellone. Construit par lancien duumvir Donus, la famille Delomii a toujours fait remarquer, de manire outre, que le guerrier reprsent sur la frise du temple ressem-blait trop au gnreux donateur et que sa victime tait semblable Octavus Delomus Mais aucune

    modication na put encore tre apporte. Comme il y a longtemps que la cit na plus aucune acti-vit militaire, il y a belle lurette quaucun vritable initi de Bellone nen a franchi les portes. Cest la famille Donii qui assure lentretien de ldice et garde traditionnellement son ls cadet pour la charge de amine du temple. Le dernier grand dice du forum est la basilique. Ce trs long bti-ment est constitu dune seule et grande pice, qui

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    LA RPUBLIQUE DETHERNE

    se termine sur une estrade entoure de colonnades, le tribunal. Seuls les juges peuvent y accder, an de rendre la justice. Cest une des deux fonctions importantes du btiment. Lautre est dtre un es-pace de commerce : alors que les particuliers font leurs achats sur la place, les affaires de gros sont traites ici. Cest aussi un emplacement privilgi pour laisser des graftis sur les murs et les parois extrieures sont recouvertes de traces hargneuses de dceptions amoureuses ou politiques Il y a dailleurs une boutique, deux rues derrire, qui soccupe tout spcialement de nettoyer ces traces. Les mauvaises langues disent galement que cest elle qui les refait la nuit suivante.

    Si le forum concentre bon nombre dactivits, le reste de la cit est tout de mme voir. Les thermes, par exemple, sont un autre haut-lieu de la sociabilit latine. Ltablissement de bain est gratuit et le seul cot du baigneur est celui de lhuile pour le corps et de son strigile2. Les hommes peuvent y venir laprs-midi et les femmes le matin. On sy dshabille dans les vestiai-res (o il vaut mieux laisser quelquun surveiller les affaires), puis on va en gnral faire quelques exercices physiques dans la cour. Aprs quoi le baigneur prend successivement un bain chaud, tide, puis froid tra-vers diffrentes pices. Il y rencontre gnralement dautres amis, ou relations de travail, discute avec eux ou joue aux ds. On peut croiser tout le monde l-bas, un simple travailleur, un criminel en goguette ou mme un snateur venu en province. Des vendeurs de poissons frits proposent sur place leurs marchandises et les thermes se transforment parfois en une sorte de forum informel.

    Plus loin se dessine limpressionnante forme du temple de Crs. Cest un beau et grand btiment, au fronton bleu ocan et aux statues de marbre blanc. Construit par la famille Delomii il y a plusieurs si-cles, le temple est dsormais gr par une branche cadette, les Talienii, qui ont peu peu pris leur indpendance. Ils ont fourni depuis deux sicles la plupart des amines du temple et ont compt dans leurs rangs plusieurs pontifes de Crs. Ils ont une rputation solidement ancre de vrais mystiques et nombre de fermiers et de notables leur attribuent la vritable prosprit de la rgion. Aujourdhui, la cit compte quatre ami-nes de la desse dont trois sont initis. Le amine primipile, le prtre principal, sappelle Antius Talie-nus. Cest un homme assez g, rput pour avoir dans le pass guid de grandes crmonies, suite la grande famine de lanne 571. Il a toujours souhait que sa famille reste politiquement neutre et ind-pendante et a russi cette prouesse jusquici.

    Lambiance est toute autre dans larne. Bien quun peu petite, elle naccueille que 1500 spectateurs, elle reste une des principales

    attractions de la cit. Des combats de gladia-teurs sont organiss tous les 5 jours et le matre des jeux mnage la sant de ses hommes. La cit nest pas assez riche pour se permettre dache-ter de nombreux esclaves pour le combat et les plus beaux spectacles, pays par les duumvirs, ont lieu avant les lections. Cette popularit na pas vit la propagation de rumeurs sur larne. Certains prtendent quelle aurait t construi-te sur le lieu o furent enterrs les morts dune grande bataille de la guerre agricole. Les mnes des dfunts hanteraient toujours le lieu et se-raient lorigine des accidents arrivs pendant la construction de ldifice.

    Dautres tablissements gayent les quartiers. Ces derniers ne connaissent pas de sgrgation spatiale et dans certaines rues de grandes villas ctoient des maisons modestes ou des insulae3. On trouve plusieurs lupanars. Le voyageur peut les remarquer facilement, car les murs sont cou-verts de graffitis explicites indiquant dans quelles directions ils se trouvent. Une fois sur place, le client peut trouver de nombreuses filles, plus ou moins fraches . Chacune des chambres est souvent couverte de dessins inspirateurs et du vin est mis disposition. Le commerce est florissant et on peut croiser dans le triclinium (salle manger) de nombreuses connaissances dans les bras de jeunes filles. Certains tablisse-ments sont particulirement glauques, exploi-tant des esclaves, alors que dautres font appel des affranchi(e)s ou mme des citoyen(ne)s

    pour satisfaire leurs clients. Les tarifs et lambiance sen ressentent. Ltablis-

    sement le plus connu est la maison dAgios , un endroit coquet tenu par un immigr antioque. On y trouve peu prs tous les divertissements sexuels voulus, malgr les pressions

    de quelques rpublicains locaux. Mais il semble quencens et caresses adroites

    aient achet suffisamment damitiLes thermopolium sont des dbits de boisson

    et de nourriture. Des mosaques sur les murs y indiquent aux clients ce quils peuvent comman-der et quel prix. Le patron sy tient en gnral derrire un comptoir, construit sur plusieurs am-phores. Des trous dans la planche suprieure per-mettent den retirer des ingrdients pour prparer les repas, comme des olives, du poisson ou de la viande sche et des lgumes frais. Les amphores vin sont places derrire et un esclave soccupe de couper les coupes avec de leau, comme on le fait partout Etherne. Lambiance est en gnral assez chaleureuse et on croise sur place aussi bien des voyageurs que des gens du quartier venus aprs leur travail. Les plus grands tablissements sont

    2 Un strigile est une sorte de petite faux non coupante, qui sert racler sur le corps lhuile, les vieilles peaux et la transpiration.3 Insulae : immeuble construit en briques pouvant faire jusqu quatre tages.

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    appels des relais. Ils comprennent des chambres et une curie, an de recevoir dignitaires, cour-riers rapides et habitus des routes.

    Les ateliers couvrent tous les corps de mtiers. Il en existe qui fabriquent de la cramique, des objets en bronze, des mosaques, des vtementsetc. Le plus grand, latelier Iredus, engage une qua-rantaine de personnes pour la confection dobjets de cultes, particulirement de vases somptuaires immenses qui lui sont commands de toutes les cits latines.

    La milice est regroupe derrire la curie, dans une caserne. Mais de fait, les hommes du guet dorment chez eux et ne viennent sur place que pour leur travail. Ils sont chargs de la scurit et de la lutte contre les incendies.

    Une journe dans la vie dun citoyen latin

    Le soleil se lve lentement au-dessus de la capi-tale de la Rpublique et ses rayons inondent petit petit les rues de la cit. Cest lheure laquelle se lve Terius. En se grattant distraitement le dos dune main, il attrape sa tunique de lautre et len-le. Il boucle sa ceinture, nit de shabiller et prend une rapide collation avec du pain et des olives. Il sempare de sa sacoche, embrasse sa femme et part vers latelier de teinturerie o il travaille. Les rues commencent dj sagiter et quand il arrive de-vant son lieu de travail, un des esclaves de son pa-tron est dj en train de retirer le panneau de bois qui protgeait la devanture.

    Il le salue distraitement puis va se prsenter son matre duvre. Latelier est assez grand et con-tient une dizaine de cuves pour faire macrer les tissus. Aujourdhui Terius doit soccuper de teindre avec deux autres hommes un rouleau de laine qui vient des Terres Chevelues. Il devra en proter pour apprendre ses techniques au ls dun de ses coll-gues. La matine se passe dans le labeur. Quand le soleil est son znith, Terius a quasiment termin. Ses camarades et lui ont rarement t aussi rapides. Ils savent que leur journe de travail sarrtera avec ce rouleau de tissu : cet aprs-midi doit tre con-sacr la fte de Crs et leur patron leur a per-mis dabrger leur journe pour y participer. Notre homme nest pas spcialement mystique, mais il apprcie toujours de proter dune des soixante-dix journes sacres de lanne. On ne lui en laisse pas toujours loccasion !

    Le travail ni, lui et ses collgues se lavent ra-pidement laide dune amphore deau, se schent prs dun des foyers et partent manger ensemble dans le thermopolium le plus proche. Terius con-nat bien le tavernier et sa femme. Leurs deux ls

    respectifs se sont engags dans la lgion et sont tous deux dans la mme unit. Cest loccasion pour eux de discuter de la situation en ce moment et bien sr de casser la crote. Son plat de fves ni, Terius sen va vers les thermes les plus proches, an dtre l louverture pour les hommes.

    Il y va non seulement pour sy dlasser, mais aussi pour y rencontrer un marchand intress par son travail dans la teinturerie. Une fois l-bas, il se dshabille, noue une serviette autour de sa taille et part la recherche de son homme. Il le trouve tout suant et rouge, baignant dans le caldarium, le bain chaud. Il prend place ct de lui et commence discuter de laffaire quils pourraient monter en-semble. Les thermes sont un lieu de discussions et dpres ngociations. Terius devine au dbat de ces deux voisins quils sont des militaires de haut rang. On peut vraiment rencontrer nimporte qui ici !

    Laffaire conclue, Terius part vers le forum o il doit faire quelques courses pour sa femme. Il y croise la procession religieuse du temple de Crs et sarrte quelques instants pour regarder les jeunes lles couronnes de eurs lancer sur la foule des poignes de ptales blancs. Puis il poursuit sa route vers les tals et y achte quelques lgumes frais.

    Il rentre enn chez lui, un appartement au premier tage dune insulae. Il croise sa femme en bas, qui est en train de faire la corve deau la fontaine. Il monte chez lui et va dposer une petite offrande devant lautel de leurs lares4. Comme cest sa premire journe de cong depuis quinze jours, Terius se sent vraiment fourbu et dcide de sof-frir une petite sieste avant le souper. Il entend sa femme rentrer et la regarde dun il repriser une de ses tuniques. Puis il sombre dans le sommeil. Les cris de sa voisine du dessus, une terrible matrone qui travaille avec son mari dans une boucherie, -nissent par le rveiller. Il en prote pour discuter tranquillement de sa journe avec sa femme, tout en la regardant prparer le repas du soir. Aprs le repas, ils se couchent tous les deux et se prparent se lever tt, pour pouvoir aller voter aux comices plbiennes, pour llection des duumvirs. Le soleil se couche sur la cit

    Cultes et dieux latins

    Celui qui connat le nom des dieux contrle les dieux. Saturne est bien un dieu latin, le dieu de nos sibylles, mais il nen est pas de mme pour nos autres dieux. Ainsi Bellone vient-elle dIllyrie. Cest Euphebius qui ramena le nom de la froce desse de la guerre aprs lavoir charme. Quant Herms il voyageait pour le compte des Sassanides quand Euphebius le dfia. Il lui dit que jamais il ne pourrait trouver la sortie du gris-monde, le monde des morts, sil

    4 Lares : dieux du foyer.

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    LA RPUBLIQUE DETHERNE

    y tait plong. Vex et ignorant de notre divin enfer, il y partit tout de go. Une fois l-bas il trouva rapidement la sortie du labyrinthe des damns mais se heurta Cerbre, le froce gardien dHads. Il appela alors Euphebius la rescousse, qui naccepta de donner son aide quen lchange de son nom. Herms dut ac-cepter et le dieu des voleurs vint le dlivrer avec laide de Bellone. Depuis Herms doit servir tant les Sassanides que les Latins. Quant Dionysos, plus dun prtre y a perdu son la-tin. On sait que ce dieu charmeur et fort tait repouss par tous tant il avait de mauvaises faons. Dautres disent par jalousie. Toujours est-il quon croit quil enivra Euphebius jusqu ce que celui ci accepte dcrire son nom dans les tables du Panthon latin.

    Numa Causus, amine dHerms.

    Il y a dans la Rpublique une petite centaine de dieux qui sont adors. Il sen trouve pour se charger de protger la plupart des activits possi-bles et imaginables. Mais de fait seule une dizaine bncie de lattention du plus grand nombre. Leurs attributions ont chang au fur et mesure des sicles et il arrive quelles se recoupent ou que les cultes de deux divinits soient fusionns. Ces grandes divinits sont Artds, pre des dieux, Euphbius, le dieu voleur, puissance tutlaire dEtherne; Hads, le dieu de la mort ; Dyonisos, aujourdhui honni ; Herms, dieu du voyage et du commerce ; Bellone, desse de la guerre ; Nep-tune, dieu des tendues liquides ; Saturne, dieu du secret et de la connaissance ; Crs, desse de la providence et de la fertilit ; Diane, desse chas-seresse et protectrice de la nature, Hlio, le grand dieu de la jeunesse et du soleil et Elnine, desse jalouse, protectrice du foyer.

    Ce panthon sest construit au fur et mesure du temps et, selon les rgions, son histoire varie. Les Achens adorent les mmes dieux, souvent sous les mmes noms parfois avec des variantes plus ou moins importantes. Nanmoins, une trame gn-rale se retrouve toujours.

    Au commencement, Gaia, la Terre et Ouranos, le Ciel, ont merg du Chaos et ont enfant les Ti-tans. Du ventre du premier dentre eux, Orastos, naquit Artds, le pre des dieux et Saturne, celui qui vit la cration de toute chose et embrassa de son regard lensemble de lHistoire. Les enfantements ne pouvaient avoir lieu quavec laide de Gaia et durant lge dor chaque dieu et titan pouvait proter de ses largesses et peupler le monde. A chaque treinte naissaient de nouvelles entits, esprits divins ou pro-gniture des titans. La plus belle de toutes fut sans conteste Elnine mais son caractre tait aussi dure et froid que celui dun haut sommet. Son corps fut nanmoins envi par tous et bientt la colre et la jalousie apparurent. Artds se maria nalement elle, au grand dam dOrastos. Il afrma tous que si

    Elnine ne devait appartenir qu Artds alors Gaia nappartiendrait qu lui et il serait le seul pouvoir engendrer. Saidant des dieux ns de Gaia et de Sa-turne, lpoux de la jeune desse dcida de librer sa mre du titan. La guerre commena ainsi. Dsire par tous, Gaia fut dchire en tous sens et son corps se couvrit de montagnes et dabysses. Les combats durrent un temps inni et chaque dieu connu son heure de gloire. A chaque fois que la Terre tait lib-re par un camp, elle enfantait dune nouvelle race. DArtds apparut ainsi lhomme et la femme et de la semence des titans naquit dhorribles monstres. A chaque bataille Gaia se disloquait un peu plus et il semblait quau nal plus personne ne pourrait jamais proter delle. Artds dcida alors de se sacrier, en sexposant la fureur des titans et en les entranant derrire lui dans labme du Tartare o Hads, dieu de la mort, les enferma jamais. Ils eurent nanmoins le temps de profrer une terrible maldiction lin-tention de leurs vainqueurs : puisque leurs enfants les avaient condamns la damnation, les dieux seraient leur tour vaincu par leur propre progniture, les hommes, et ainsi viendrait la n des temps.

    Ces paroles et le sacrice dArtds donnrent un got amer la victoire. Aprs une grande tristesse Elnine fut plonge dans une rage terrible contre son mari et promit de lattendre jusquau dernier jour pour le punir de sa disparition. Les autres dieux le regrettrent galement mais retrouvrent son image rassurante dans celle des hommes, quils se mirent chrir. Saturne leur rappela bientt la maldiction des titans et une grande discorde apparut. Certains et Euphbius le premier, voulaient garder lespce humaine auprs deux tandis que dautres, comme Diane, taient partisans de leur exil, dans le meilleur des cas. La question fut tranche le jour o Atlante, le premier des empires humains, t appel aux ser-viteurs des titans oublis sur Terre pour der les Dieux. Leur colre fut terrible et lorgueilleuse cit fut engloutie sous les eaux. Saturne runit alors tous les dieux an quils trouvent une solution pour eux et les hommes. Ces derniers pouvaient tre dange-reux, mais les dieux voulaient garder la joie de voir vivre en eux limage dArtds. Neptune proposa quils habitent tous dans son royaume et laissent les terres merges aux mortels. Les autres sy refu-srent, mais Saturne prophtisa que les mondes des hommes et des dieux devraient tre effectivement spars, en bien ou en mal. Les divinits discutrent longuement dun tel choix et nalement dcidrent de se retirer du monde des mortels et de sinstaller au sommet des plus grandes montagnes, quon ap-pelle aujourdhui les Terres Sacres.

    Mais pour continuer aider et surveiller lhu-manit, les dieux se promirent de continuer agir sur le monde, aussi longtemps quils seraient ado-rs par les hommes.

    Depuis, les Latins ont di de nombreux tem-ples travers leur pays pour honorer leurs dieux. Quant aux Terres Sacres, laccs en est interdit.

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    27LA RPUBLIQUE DETHERNE

    UNIVERS

    Bellone : Bellone est la desse de la guerre et des vertus martiales. Adore au dbut en Illyrie, les La-tins adoptrent peu peu son culte et lintgrrent leurs lgendes. Il faut dire que les membres de son temple frappent les imaginations. Les prtresses de Bellone sont en tout et pour tout treize travers toutes les Terres Intrieures. La moiti dentre elles se dplace sans cesse dun lieu de combat jusqu un autre pour clbrer leur desse. A leur mort un combat de masse sanglant doit dsigner leur suc-cesseur. Le culte de Bellone est trs populaire chez les mercenaires, les esclaves de combat et parmi les lgionnaires et ofciers latins les plus imptueux. Le sige du culte est toujours en Illyrie, au sanc-tuaire de Maris.

    Crs : Crs est la premire lle dArtds et de Gaia. On dit que sa naissance fut accompagne de lclosion des premires eurs, les Crides, en gage de son pouvoir de prosprit et de fcondit. Elle prside depuis au droulement des saisons et la sant de la terre, des vgtaux et des hommes. Les amines de Crs sont en gnral apprci du peuple, surtout en temps de bonnes rcoltes. Dans le cas contraire, ils doivent retrousser leurs toges ettrouver un abri sr.

    Diane : Diane est la desse chasseresse et la protectrice de la nature. Fille prfre de Gaia, elle put crer son propre peuple, celui des faunes et des dryades. Apparue juste aprs Crs, elle peupla le monde danimaux et les plaa sous sa protection. Diane est adore par tous ceux qui sont en contact r-gulier avec la nature et les animaux. Ptres, chasseurs et forestiers lui font rgulirement des offrandes, quils posent tout simplement au pied dun arbre ou

    au bord des champs. Des militaires la rvrent aussi en tant que grande chasseresse et lui demandent ses faveurs pour leurs journes de combat. Enn, dans le pass, la bonne entente entre le clerg de Diane et de Dionysos tait chose connue. Aujourdhui, la ruine de ce dernier brouille les cartes.

    Dionysos : Dionysos serait n du ventre mme de Saturne, le seul jour de lhistoire du monde o le dieu prophte abusa de la boisson. Cette entre fracassante devait bien augurer de sa carrire de tru-blion. Pour le peuple, il est un dieu mystrieux qui se livre aux excs continuellement et cultive limper-tinence. Il y a quelq