Éthique Et Esthétique de l’Autre en Traduction Contre Berman

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    Translationes, Volume 2, 2010

    DOI: 10.2478/tran-2014-0024

    thique et esthtique de lAutre en traduction : unerflexion partir de rcentes critiques contre latraductologie dAntoine Berman

    Ren LEMIEUX

    Universit du Qubec, Montral

    CanadaThe time is out of joint.

    (Hamlet, I, 5)

    Rsum : partir dun dbat commenc par Charles Le Blanc dans son livre Le ComplexedHerms contre les thories traductologiques, lauteur passe en revue trois types de critique la porte thorique de la traductologie, la figure de lAutre et le rle de la Bildung pour chaque fois revenir aux textes dAntoine Berman et rpondre aux critiques de Le Blanc. Se

    dvoile alors dans cette polmique un travail de lesprit proche de celui luvre chez lesromantiques allemands et une invitation continuer la rflexion au-del du dbat sur latraduction pour la porter sur ce qui fait socit .

    Mots-cls : Traduction philosophie ; thique traduction ; esthtique traduction ;Berman, Antoine ; romantisme Allemagne

    Abstract: From a debate started by Charles Le Blanc in his book Le Complexe dHermsagainst translation study theories, the author reviews three kinds of criticism thetheoretical scope of translation studies, the figure of the Other, and the role of Bildung each time returning to the texts written by Antoine Berman in response to Le Blancscriticism. It is then unveiled that in this polemic one can find a work close in spirit to that of

    German Romantics and an invitation to continue reflection beyond the strict debate ontranslation to bring it to what society is made of.

    Keywords: Translation philosophy ; Ethics translation ; Aesthetics translation ;Berman, Antoine ; Romanticism Germany

    Le texte que nous proposons ici est une rflexion sur de rcentescritiques formules par Charles Le Blanc lencontre de la thorietraductologique dAntoine Berman, plus prcisment sur la possibilit de

    formuler une thique en traduction. Berman fut son poque une figureprominente de toute la thorisation en rapport lthique, et, encore

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    aujourdhui, il continue dinfluencer les thoriciens actuels1. Charles Le

    Blanc, professeur lUniversit dOttawa et traducteur de nombreusesuvres notamment en allemand, en danois et en latin , a publi en 2008et 2009 deux livres aux Presses de lUniversit dOttawa : une traduction enfranais du De interpretatione recta de Leonardo Bruni, commente etannote, ainsi quun essai intitul Le Complexe dHerms : regards

    philosophiques sur la traduction, dont une bonne partie de largumentationest centre sur une critique de lthique en traduction, et particulirementcelle dAntoine Berman. Nous voudrions ici revenir sur certaines de cescritiques non pas pour dire qui a tort et qui a raison dans ce dbat quinen est peut-tre pas un, par ailleurs , mais dabord pour essayer de le

    comprendre, ensuite pour en tirer des consquences la fois sur la questionde la traduction et sur lthique, et finalement pour en dgager unerflexion sur notre temps prsent et sur la perception de lAutreaujourdhui.

    Pour notre propos, nous sparerons la critique de Le Blanc contreBerman en trois discussions. Dabord nous reviendrons sur la critique delutilit ou non dun propos sur la traduction, ce que Berman appelle traductologie 2. Cest une question prliminaire qui nous sembleessentielle pour la suite du propos qui traite plus spcifiquement de laquestion de lthique et de lesthtique du texte traduire. Par la suite, nous

    comparerons les propositions de Le Blanc et de Berman sur la question delaltrit, lie lthique, et, en guise de conclusion, nous terminerons avecune rflexion sur la Bildunget la diffrence de sa conception chez les deuxauteurs.

    Sur le statut dun discours traductologique

    En 2009, Charles Le Blanc publie son essaiLe Complexe dHerms :regards philosophiques sur la traduction qui complte en quelque sorteune critique sur les tendances en traduction commence avec sa traduction

    en 2008 de Leonardo Bruni. Ce que Le Blanc reproche aux traductologues aujourdhui, cest dcrire sur tout et sur rien propos dela traduction, et de ne se servir de la traduction que pour se distinguer dans le sens de la thorie de Bourdieu lintrieur dun champintellectuel. Le Blanc assimile cette nouvelle tendance en traductologie au

    1 Pour un constat sur lthique chez Antoine Berman et ses influences sur desthoriciens contemporains comme Lawrence Venuti et Anthony Pym, voirnotamment Godard (2001).2Si Berman nest pas le seul utiliser le terme traductologie dans le champ des

    tudes sur la traduction, il demeure toutefois un de ses plus illustres dfenseurs,dans le sens prcis dune rflexion de la traduction sur elle-mme (Berman1999, 17).

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    mythe dHerms, lantique dieu grec de la communication et le messager

    des dieux. Herms, demi-frre dApollon et fils illgitime de Zeus et de lanymphe Maa. Le mythe dHerms, cest dabord le mythe dun enfanttalentueux, inventeur de la lyre, mais, pouss par lhybriset devenu jalouxde son demi-frre Apollon, il vole les gnisses destines lholocauste.Herms est larchtype du bon voleur : il sait dissimuler les traces de sonforfait et est dou pour le mensonge. Lorsque Zeus dcouvre le vol sacrilgedHerms, un arrangement est conclu : Herms fait don de sa lyre Apollon(et lart musical et potique, qui lui est associ), en change de quoi ilobtiendra limmortalit des dieux et la mission divine dtre leur messagerfidle :

    [En faisant serment de ne point reprendre la lyre donne Apollon],Herms pour jamais renonait la cration et aux joies de fabriquer lesdoux ouvrages de lart, quil abandonnait dornavant Apollon Phbus.Enivr dimmortalit rcente, Herms ne voyait pas encore combien il luiserait difficile, dans la suite des temps, daccorder la strilit de ses uvres la fertilit de son adroit esprit(Le Blanc 2009, 6).

    Pour Le Blanc, ce mythe, cest la fois lessence mme dutraducteur, qui devrait accepter sa condition seconde, sa strilit, afin departiciper limmortalit littraire des autres la fois montre-t-il cettetendance des traducteurs ne pas accepter cette condition strile. Le complexe dHerms ce sont donc lensemble des tentatives dutraducteur pour laisser sa trace dans le message quil doit transmettre, et lesplus rcentes tentatives pour laisser ces traces se trouvent, pour Le Blanc,dans ce quon appelle aujourdhui la traductologie :

    4 La traductologie est lune de ces sciences subjectives. Disciplinerflchissant sur la traduction, son sens et ses mthodes, la traductologie(ou Translation Studies) abrite nombre de concepts qui, lpreuve dunexamen critique, viennent essentiellement de lloquence de lesprit (11).

    Les sciences humaines dont la traductologie fait partie sontresponsables, et mme coupables, de l clatement du savoir (7, 13)(alors que lidal devrait tre son unification), et cela a t rendu possibleaujourdhui grce la pense postmoderne, laquelle est relativiste,antisystmatique, intuitionniste et, en dfinitive, obscurantiste (8, 14).

    Devant cela, ajoutera Le Blanc, on serait tent de faire la rponseque fit Hamlet Polonius : What do you read, my lord ? Words, words,words (11, 16) : la traductologie nest devenue quabus de mots cest--dire, pour Le Blanc, une thorisation tout prix :

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    12 En somme, labus des mots, lexcs thorique, lafflux des dissertations

    amphibologiques ne pourraient-ils pas tous tre regroups et mis enthorie leur tour, mais comme les signes dune maladie de lacommunication qui trouverait dans la figure mythologique dHerms sonalpha et son omga ? (17)

    Sil ne mentionne pas Antoine Berman directement ce moment, onpeut imaginer quen utilisant le terme traductologie , Le Blanc avait entte les essais de Berman, tout le moins ses hritiers dans la voie de latraductologie. Or, la traductologie peut-elle tre conue comme uncorpus thorique, comme le critique Le Blanc ? Antoine Berman semblepourtant dire tout le contraire :

    Il ne peut tre question ici de thorie, daucune sorte. Mais plutt derflexion []. Je veux me situer entirement hors du cadre conceptuelfourni par le couple thorie/pratique, et remplacer ce couple par celuidexprienceet de rflexion(Berman 1999, 15-16).

    Voil quoi pourrait se rsumer la traductologie , cest--dire une articulation consciente de lexprience de la traduction, distincte dutout savoir objectivant et extrieur celle-ci. (16-17). Il ne sagit donc pasdune thorie au sens o celle-ci pourrait se distinguer de la

    pratique . L exprience , que Berman retrouve chez Heidegger, est ce quoi fait face tout traducteur :

    Faire une exprience avec quoi que ce soit [] cela veut dire : le laisservenir sur nous, quil nous atteigne, nous trombe dessus, nous renverse etnous rende autre. [] Faireveut dire ici [] passer travers, souffrir de

    bout en bout, endurer accueillir ce qui nous attend en nous soumettant lui (Heidegger, cit dans Berman 1999, 16)

    Et dj, nous avons l, par lexprience, toutes les conditions

    thiques dun discours sur la traduction. La rflexion de Berman esttoujours une suite de lexprience. Et si tous les traducteurs font touslexprience de cet accueil, tous narriveront pas ncessairement unerflexion. Le passage osons dire la traduction entre exprience etrflexion trouve ses conditions de possibilit dans lesthtique : laccueil dece qui deviendra rflexion ncessite le caractre autre, quelque chosecomme une trangetdans lexprience. Cest ce que nous verrons dans laprochaine section sur la question de lthique.

    De lieux trs diffrents, Le Blanc et Berman ont un mme souci dene pas ajouter inutilement un langage sur la traduction. Et du point de

    vue de Berman, la traductologie est justement un souci pour laborer une

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    critiquevritable sur la traduction, et cette critique passe justement par une

    thique de la traduction .

    Sur la possibilit dune thique en traduction

    Comme nous le mentionnions plus haut, le travail actuel de latraductologie, selon Charles Le Blanc, se rsume du verbiage inutile.Parmi les ivresses hermtiques de ce verbiage, on peut trouver unedes toutes rcentes gueules de bois, l thique de la traduction (21, 28).Voici comment Le Blanc formule sa critique :

    21 Ainsi, on considre que de communiquer ltranget du texte dedpart dans la langue darrive constitue une attitude thique, comme est thique tout travail de traduction qui ne tente pas de dissimuler toutprix laltrit du texte traduire. Laccueil de lautre et, en un sens, de ltranger , reprsenterait la faon thique de conduire une traduction,dans la mesure o laltrit du texte constitue comme le message quiltransmet un lment fondamental et essentiel du sens que doit rendre letraducteur (28).

    Pour Le Blanc, lecteur de Berman, cest dabord lexigence delaccueil de laltrit qui constitue la priori de lthique bermanienne, do

    une exigence de littralit , savoir que la lettre du texte originaldemeure dans la traduction, quelle ne soit pas efface dans loprationtraductrice. Selon Le Blanc, deux sources thoriques ont permis Bermande fonder cette thique, soit Emmanuel Levinas dune part, les romantiquesallemands de lautre.

    Dans le cas de Levinas, ce que les penseurs de lthique entraduction retiendraient est limage de lAutre, quils associeraient au texte traduire entendu sous le mode de laltrit. Le texte est lAutre au mmetitre que la vise thique chez Levinas est dfinie par le visage de lAutre,dont la caractristique principale est lautosignifiance : Un visage nest

    pas un signe qui renvoie autre chose, mais plutt une prsence vive quisautoprsente et qui simpose par soi-mme. (27, 33) Or, un texte nesaurait, selon Le Blanc, tre lquivalent dun visage puisque le textecontrairement au visage ne sautoprsente pas : il a besoin de la traductionqui est sa prsentation. Le texte ne peut donc pas tre cet Autre comparableau visage, il ne peut pas tre source dthique pour le traducteur-lecteur, etlutilisation de Levinas par Berman relve dun mauvaise usage de saphilosophie (29, 35).

    Sil est vrai quAntoine Berman cite Levinas notamment dans Latraduction et la lettre ou lauberge du lointain(1999) , il est moins certainque toute lentreprise thique de Berman ne se fonde que sur Levinas ou

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    sur toute philosophie particulire3. Lthique de la traduction est

    mentionne dans chacune des grandes uvres de Berman. Dans Lpreuvede ltranger (1984) dont le titre est une rfrence lexpression deHlderlin , plus prcisment dans le premier chapitre intitul Latraduction au manifeste , Berman retrouve chez les romantiques, etnotamment chez Schleiermacher, lexigence pour une thique qui peut seformuler ainsi :

    Lthique de la traduction consiste sur le plan thorique dgager, affirmer et dfendre la pure vise de la traduction en tant que telle. Elleconsiste dfinir ce quest la fidlit (Berman 1984, 17).

    Quelle est cette vise ?

    La vise mme de la traduction ouvrir au niveau de lcrit un certainrapport lAutre, fconder le Propre par la mdiation de ltranger heurte de front la structure ethnocentrique de toute culture ou cette espcede narcissisme qui fait que toute socit voudrait tre un Tout pur et nonmlang (Berman 1984, 16).

    Cette vise de la traduction est une exigence pour le traducteur.Or cette exigence ne peut tre comprise chez Berman que si on se donne la

    peine den comprendre la porte au niveau social, et elle ne peut ltre sanslapport de la critique dans lanalytique de la traduction, entendu commelanalyse systmatique des dformations idologiques de la tradition dans latraduction :

    3 Contrairement Le Blanc et certains commentateurs favorables Berman(comme Godard 2001), nous ne pensons pas que Levinas soit une basephilosophique essentielle pour lthique de lAutre ni quil sagisse ici dutilisationabusive dune philosophie. Berman dit bien que lacte thique consiste

    reconnatre et recevoir lAutre en tant quAutre et continue : Je renvoie ici,bien sr, toute la mditation de Levinas dans Totalit et Infini. (Berman 1999,74). Cest, notre connaissance, la seule, sinon une des seules mentions Levinas.Et il poursuit : Cette nature de lacte thique est implicitement contenue dans lessagesses grecque et hbraque, pour lesquelles, sous la figure de ltranger (parexemple du suppliant), lhomme rencontre Dieu ou le Divin. (74-75). Nouscomprenons cet extrait de cette manire : il y a une sagesse thique que lonretrouve au cur de notre culture de par ses sources grecque (philosophie) ethbraque (religion), et cette sagesse est notamment exprime par Levinas. Levinasnest pas la base de lthique de Berman, il est un des reprsentants dune thiqueparticulire, qui a un souci pour ltranger et laltrit, que lon retrouve depuis les

    Grecs et les Hbreux de lAntiquit. Berman, de son point de vue, ne tente pas defonder une nouvelle thique, il veut rflchir, comme dautre lont fait, cettethique. Son originalit est quil le fait partir de son exprience de traducteur

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    Il sagit dune analytique en un double sens : de lanalyse, partie par partie,de ce systme de dformation, donc dune analyse au sens cartsien.Mais aussi au sens psychanalytique, dans la mesure o ce systme estlargement inconscient et se prsente comme un faisceau de tendances, deforces qui dvient la traduction se sa pure vise. Lanalytique se propose demettre ces forces jour et de montrer les points sur lesquels ellessexercent. (Berman 1999, 49)

    Cest dabord contre la dformation ethnocentrique de la traditionen traduction que Berman formulera lexigence dune analytique destraductions. La dformation ethnocentrique est dfinie par Bermancomme ce qui ramne tout sa propre culture, ses normes et valeurs, etconsidre ce qui est situ en dehors de celle-ci ltranger comme ngatifou tout juste bon tre annex, adapt, pour accrotre la richesse de cetteculture (1999, 29)4. Cette analytique exige une critique au sens de Schlegelet Novalis, que mentionne Berman : la critique comme destruction qui est lvation--la-puissance (Potenzierung) (1999, 67). Do la ncessit,pour une analytique de la traduction, de passer par une analyse ngative (qui ne visera pas dgager une mthodologie en tant que telle) :

    Si lon procdait de la sorte [en passant directement dune analyse

    ngative une analytique du bien traduire ], on ne ferait quopposeraux forcesdformantes une srie de recettes plus ou moins concrtesqui aboutiraient un art de traduire , cest--dire au fond une nouvellemthodologie, non moins normative et dogmatique que les antrieures(69).

    Si la critique ngative ne peut amener de recettes, cest parce que latraduction nest pas la transmission dun message : Elle ouvre lexprience dun monde. Sil y a, pour Berman, une possibilit thique

    4 La dformation ethnocentrique nest quune des trois dformations de latraduction occidentale : La traduction est caractrise par trois traits.Culturellement parlant, elle est ethnocentrique. Littrairement parlant, elle esthypertextuelle. Et philosophiquementparlant, elle est platonicienne. (26) cestrois traits, Berman oppose une analytique ngative et une rflexion positive quiferait se dcouvrir la traduction ethnocentrique, la traduction thique ; latraduction hypertextuelle, la traduction potique ; la traduction platonicienne, ouplatonisante, la traduction pensante (27). Pour notre propos, nous ne nousintresserons qu la traduction ethnocentrique et son envers, la rflexion thique.Par ailleurs, Berman admet lui-mme dans La traduction et la lettre ou lauberge

    du lointain que son intrt se trouve dabord dans une critique de la traductionethnocentrique. Dans la perspective bermanienne, une rflexion sur la traductionpotique et pensante reste encore faire.

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    dans lacte du traduire, cest peut-tre parce que lacte en lui-mme ne

    relve pas seulement dun individu. En effet, Berman, dans Lpreuve deltranger, fait rfrence la thorie de Schleiermacher sur les mthodes dutraduire, qui ne vont pas sans une rflexion sur l esprit du peuple (Volksgeist)5.

    Pour Schleiermacher, dans Des diffrentes mthodes du traduire(1999), il ny a ultimement que deux manires de traduire6:

    Ou bien le traducteur laisse le plus possible lcrivain en repos, et fait semouvoir vers lui le lecteur ; ou bien il laisse le lecteur le plus possible enrepos, et fait se montrer vers lui lcrivain (Schleiermacher, cit dans

    Berman 1984, 235).Cest la premire manire de traduire qui doit prvaloir pour la

    langue allemande qui est en cours de formation (Bildung). Pour Berman,cette manire de traduire enjoint le traducteur [obliger] le lecteur sortir de lui-mme, faire un effort de dcentrement pour percevoirlauteur tranger dans son tre dtranger (235)7. Nous pourrions direque, pour Berman, le lecteur de la traduction authentique sera limage del exote de Victor Segalen, et le texte traduit la possibilit dexotisme :

    La sensation dExotisme : qui nest autre que la notion du diffrent ; laperception du Divers ; la connaissance que quelque chose nest pas soi-mme ; et le pouvoir dexotisme, qui nest que le pouvoir de concevoirautre. (Segalen 1978, 23)

    Or, il y a, parmi le monde, des voyageurs-ns ; des exotes. Ceux-lreconnatront, sous la trahison froide ou sche des phrases et des mots, ces

    5Schleiermacher et Humboldt sont deux apports importants chez Berman et cesdeux romantiques font tous deux lobjet dune critique par Le Blanc. Le Volksgeistest mentionn par Le Blanc, qui se sert de la question de lesprit chez les

    romantiques pour critiquer la littralit dans la traduction chez Berman : Laquestion du respect de la lettre ou de la translation de ltranger na de sens quesi lon considre que la lettre est la valeur du texte, ce qui ne peut tre le cas dunephilosophie comme le romantisme, qui retient, tout au contraire, que cette valeurest essentiellement esprit. (70, 77-78) Il est moins sr que lon puisse lier aussifacilement chez les romantiques la question de lesprit (Geist, lie au Volksgeist) etcelle du dbat entre esprit et lettre en traduction il semble plutt sagir dedeux problmes distincts.6Nous simplifions le propos de Schleiermacher. Pour une analyse plus complte,on pourra se rapporter au chapitre F. Schleiermacher et W. von Humboldt : latraduction dans lespace hermneutico-linguistique (Berman 1984, 226-249).7

    La question de l tranger chez Schleiermacher est vacue chez Le Blanc quine voit l quun choix mthodologique du traducteur entre un esprit ou lautre (70, 77).

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    inoubliables sursauts donns par des moments tels que jai dit : le moment

    dExotisme. [] Mais pour eux, jai cet espoir, que la saveur ensuite seraplus grande et plus tenace et la libert de son jeu dmesure ; et cest pourceux-l que jcris. (24)

    Si lexigence de la littralit comme thique chez Berman est rapprocher dHerms, cest sa tche de messager quelle doit ltre. MaislHerms de Berman est celui qui laisse ses traces pour que celui qui reoitle message prouve ce que le traducteur a peru : le traducteur fidle estcelui qui transportera avec lui le caractre tranger du message original. Ence sens, le traducteur de Berman est moins l exote de Segalen quil

    est celui qui crit leur adresse.Le Complexe dHerms de Charles Le Blanc nest pas dpourvudune rflexion sur laltrit, mme si celle-ci semble arriver un peu parerreur. Aprs avoir termin sa critique contre Berman, en allguant que mme et autre ne sont pas des catgories efficaces pour parler detraduction, il dit, un peu subitement :

    36 Le texte traduire, cest lidentit. La traduction est son ouverture lautre. En ce sens, ltranger nest jamais le texte ou son contenu,ltranger cest dores et dj le traducteur. Cest lui qui doit samenderdevant le texte de dpart. Il doit se former la langue, enrichir sa culture

    personnelle, faire dabondantes lectures, dans sa langue et dans la languetrangre, sexercer maintes et maintes fois, tantt seul en apprenant parlerreur, tantt avec un matre pour sinstruire par lexemple. La fin duneformation de traducteur est de ne plus tre un tranger face au texte. Sidonc ltranger est le traducteur, lacte de traduire nest pas de recevoirlAutre en tant quAutre, mais faire que lAutre nous accepte en tant que soi.LAutre nest pas ltranger, cest un autre moi-mme, unjequi a la formedu il. Lacte thique, cest de reconnatre et de recevoir lAutre en tant queMoi, de reconnatre que ltranger, cest moi(au sens socratique du terme)et non pas lui, dans la mesure o lAutre, qui est moi, est une condition dela connaissance de soi (42).

    La proposition de Le Blanc semble tre une proposition thique,mais elle est linverse de ce que propose Berman : ici, ltranger nest plus letexte, mais le traducteur, et la tche du traducteur, dans son tude du texteoriginal, est de ne plus tre un tranger face au texte (ibid.). Elle arrivede manire un peu tonnante, dans la mesure o tout au long de sa critiquede Berman, Le Blanc fait de lthique du traducteur une impossibilit sinon un verbiage inutile , critiquant lutilisation de termes comme tranger , mme , Autre , altrit , fidlit , qui participenttous dune pense postmoderne inspire par Herms. Et puis,finalement, il dit que ltranger est le traducteur par rapport au texte quilest en train de lire. Il semble quon a l un retournement de la critique de Le

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    Blanc contre Berman et mme de Le Blanc contre Le Blanc , et il serait

    sans doute facile de voir l une manifestation du complexe dHerms ,dans la mesure o l thique de Le Blanc est ici de dissimuler la relationthique du traducteur envers le texte, de la cacher pour le lecteur de latraduction. En effet, tout ce que vient de dire Le Blanc, il lappliquait autraducteur, et non pas au lecteur de la traduction. Peut-tre est-ce l que sedonne le nud du dbat : comment comprendre le sens de la lecture chez letraducteur, et ultimement pour reprendre une expression romantique laBildung ?

    Conclusion : la Bildung comme thorie de la lecture

    La dernire citation de Charles Le Blanc semblait indiquer un souci thique dans son Complexe dHerms. Or, si lon peut parler dthiquechez cet auteur, elle semble lie la question de la lecture que fait letraducteur du texte original : la lecture institue un rapport individuelentrele lecteur et le texte, et une relation personnelle et particulire aveclauteur. Cette conception de la lecture ne va pas sans rappeler la questiondu gnie au sens des romantiques allemands (72, 80), particulirementchez Friedrich Schlegel, dont Le Blanc a traduit lesFragments(1996). Danslintroduction ce recueil, Le Blanc remarque que le romantisme fut

    considr, dans son ensemble, comme une forme artistique ayant exaltlindividualisme, le moiet le je. (21) Cette individualit, ce jeou moi, ouencore ce temple de lgosme comme lappelle Le Blanc, a peut-treinfluenc sa manire de comprendre une Bildung comme thorie de lalecture tourne vers le traducteur-lecteur8.

    Ainsi, de Schlegel Le Blanc retiendra la saillie (Witz) et lironie (dontLe Complexe dHerms, par ailleurs, nest pas dpourvu). Or, lironieest lapanage dApollon, car elle fait basculer le langage tout entier, elle nesinterprte pas, elle se comprend. Lironie, donc, ne se traduit pas :

    107 Lironie organise le sens par-del lesprit et la lettre.Lironie est ungenre dexclusion, car le propos ironique choisit a priori celui qui ilsadresse. Ce nest pas un texte qui se livre tous. En cela, de nouveau, il sedistingue et, en quelque sorte, devient aristocrate. Il y a dans lironie celuiqui doit comprendreet celui qui doit tre exclu de la comprhension. []Toute proposition ironique suppose au moins un lment contradictoire

    8 Quoi quen dise Le Blanc, des rflexions thiques qui ne se basent pas sur unimpratif catgorique individuel ou une conscience , il y en a plusieurs. Nouspouvons citer et non le moindre Spinoza. Pour une rflexion sur une thique de

    la lecture et de lcriture indirectement partir de Spinoza (par lentremise deGilles Deleuze) qui ne se base pas sur une conscience individuelle , mais sur un partage daffects , on pourra se rfrer Lemieux (2009a et 2009b).

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    qui met en jeu la comprhension de la proposition elle-mme. Elle suppose

    aussi le lecteur qui demeure exclu de la comprhension, et celui quicomprend lincongruit de ce qui est exprim, lequel reprsente le vritabledestinataire du message. Il se cre ds lors une sourde intimit entrelauteur et ce lecteur, une relation secrte qui fait fond sur un partagecommun de valeurs qui incarne, mutatis mutandis, le sens vritable de laproposition. (132).

    Cest l lection (ou pas) du traducteur-lecteur qui permet dejuger dune traduction, de ce quelle russit (ou pas) rconcilier Herms etApollon.

    Chez Berman, au contraire, le rapport est dabord social, et son

    utilisation des romantiques Schleiermacher et Humboldt notamment est toujours, pourrions-nous dire, tourne vers un traducteur-crivain pourson peuple et sa culture :

    Ce choix thique [daccueillir lAutre, ltranger], certes, est le plus difficilequi soit. Mais une culture (au sens anthropologique) ne devient vraimentune culture (au sens de lhumanisme dun Goethe, de laBildung) que si elleest rgie au moins en partie par ce choix. Une culture peut fort biensapproprier des uvres trangres [] sans jamais avoir avec elles desrapports dialogiques. Mais dans ce cas, et aussi civilise soit-elle, il lui

    manquera toujours ce qui fait dune culture uneBildung(1999, 75).Pour Berman, cette Bildungcomprise comme phnomne social ne

    peut se faire que dans un mouvement vers lextrieur, et la traduction ellenest pas la seule est un moyen particulier pour arriver ce modedextriorisation que possdent les cultures en formation :

    Car [le mouvement de la traduction] part en effet du propre, du mme (leconnu, le quotidien, le familier), pour aller vers ltranger, lautre(linconnu, le merveilleux, lUnheimlich) et, partir de cette exprience,revenir son point de dpart(1984, 77).

    Cette exprience qui tait le premier enjeu de notre rflexion, savoir lexprience du traducteur chez Berman, plutt que la thorie est un manifester qui participe de la Bildung de toute une culture. ChezLe Blanc, si le traducteur est vu comme un tranger et sa lecture commeune formation (Bildung), les consquences dune telle conception delaltrit (individualise, personnalise) sont peut-tre dune part que letraducteur se sente tel un lu dans son rapport avec lauteur dont il lit letexte, mais elles instituent aussi deux relations incommensurables : dunepart, le lecteur dune uvre dans sa propre langue pourra sduquer soncontact, mais le lecteur dune uvre traduite, lui, nobtiendra rien de cette

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    traduction, puisque tout le travail de la Bildung aura t vol, comme les

    gnisses dApollon, par le traducteur.La proposition thique de Le Blanc laisse la fois un choix au

    traducteur, mais cest au prix de mettre mal laise le lecteur de son livre.En tant que traducteur, il nous met devant le choix suivant : soit letraducteur saccapare ltranget en lui-mme en laissant son lectorat uneuvre trs lisse, facile lire, soit le traducteur transporte avec luiltranget du texte ce qui nous semble tre la proposition thique deBerman et dveloppe par le fait mme, selon Le Blanc, un complexedHerms . En tant que lecteur, toutefois, Le Blanc nous dispose dans unerelation de double contrainte (double bind) face l tranget de son

    texte : soit on comprend son propos et lironie quil contient (jusqu penserque Le Blanc ne donne aucune prescription thiquedans son livre, que sonintervention est avant tout polmique), soit on dsespre de ne pas avoir tlu par son auteur.

    Le Blanc, en parlant de tous ces thoriciens postmodernes, au dbutde son livre, compare leur lecture de lhermtisme inutile, un abus demots, de locutions tranges, de phrases contournes et indchiffrables pourles profanes, et cite Shakespeare :

    11 Devant cela, on serait tent de faire la rponse que fit Hamlet

    Polonius : What do you read, my lord ? Words, words, words (16,Le Blanc citeHamlet, II, 2)

    Et pour notre part, on serait tent de citer la suite du textedHamlet :

    What is the matter, my lord?Between who ?I mean the matter that you read, my lord.Slanders, sir

    Hamlet joue sur le double sens du matter de la question dePolonius, signifiant la fois laffaire en cours ou lobjet de la dispute, maisaussi le fond, le contenu, la matire de quelque chose, et lincomprhensionde Hamlet est en ce sens linverse de notre difficult rendre compte de cedbat, savoir que nous avons discut du matter dans le livre, alors quelintrt tait peut-tre le matter between who. Ce nest peut-tre pas ladiffrence de conception sur lthique ou sur lesthtique qui importe danscet trange dbat entre Charles Le Blanc et Antoine Berman, mais dans lefait mme que peut tre rflchi un tel dbat, mme par-del la mort dundes protagonistes. Nous aimerions penser que tout cela nest pas queslanders, et quune critique nouvelle peut merger dun dbat sur lthiqueen traduction. Berman crivait ses livres spcifiquement contre une

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    idologie de son poque, contre ce quil nommait la tradition

    ethnocentrique , ou encore, pour reprendre lexpression en cours lpoque des romantiques, contre la traduction la franaise qui signifiemoins un type de traduction spcifique puisque les traductions franaisesont toujours t trs diverses , mais un tat desprit social qui fait deltranger quelque chose de mallable et ultimement assimilable en totalit.Alors bien avant toute discussion sur la possibilit dune thique partir delaltrit du texte, il faudrait se demander pourquoi quelquun commeCharles Le Blanc tient-il crire un livre qui critique lthique de Bermanquil semble considrer comme le penseur dominant de la traductologie. Enbref, que se passe-t-il dans notre poque out of joint pour que des gens

    comme Berman puisse tre dit postmoderne, obscur et hermtique, queleurs thories puissent tre dites du bavardage inutile.Si les romantiques allemands nous ont accompagns tout au long de

    notre rflexion, ce nest pas seulement parce que Le Blanc et Berman sonttous deux spcialistes de cette poque de lhistoire des ides audemeurant, comme le rappelait justement Le Blanc, trs diversifie9. Cestaussi parce que ce qui semble tre prime abord une opposition thoriqueentre Le Blanc et Berman sur la question de lthique et les tensions entreune conception individuelle et une deuxime, sociale, du langage, taitpeut-tre dj prsente chez ces romantiques. Les enjeux et les problmes

    de cette poque-l devraient peut-tre tre nouveau remis en questionaujourdhui. Une nouvelle critique productive et fcondante pour notrepoque reste peut-tre penser, et cela pourra peut-tre ltre par unemdiation, trangrejustement, de lpoque romantique :

    Une critique qui ne serait pas tant le commentaire dune littrature djexistante, acheve et fane, que lorgane dune littrature encore achever, former et mme commencer. Un organon de la littrature, donc unecritique qui ne serait pas seulement explicative et conservatrice, mais quiserait elle-mme productive, au moins indirectement (Friedrich Schlegel,cit dans Berman 1995, 96).

    Rfrences bibliographiques

    Berman, Antoine.Lpreuve de ltranger. Culture et traduction dans lAllemagneromantique : Herder, Goethe, Schlegel, Novalis, Humboldt, Schleiermacher,

    Hlderlin. Paris : ditions Gallimard, 1984.Berman, Antoine.Pour une critique des traductions : John Donne. Paris : ditionsGallimard, 1995.

    9Sur laspect fragmentaire du romantisme allemand et labus y voir une doctrinecohrente, voir Le Blanc (2009, 73, 81).

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    Berman, Antoine. La traduction et la lettre ou lauberge du lointain. Paris :

    ditions du Seuil, 1999.Bruni, Leonardo.De interpretatione recta / De la traduction parfaite. Traduction,introduction et notes de Charles Le Blanc. Ottawa : Presses de lUniversitdOttawa, 2008.Godard, Barbara. Lthique du traduire : Antoine Berman et le virage thique entraduction . TTR : traduction, terminologie, rdaction, Antoine Bermanaujourdhui/Antoine Berman for our time , vol. 14, no 2 (2001) : 49 -82.Le Blanc, Charles. Le Complexe dHerms : regards philosophiques sur latraduction. Ottawa : Presses de lUniversit dOttawa, 2009.Lemieux, Ren. Hume et Bergson, une pratique de la mthode chez Deleuze :rflexions pour une thique de la lecture .Symposium, vol. 13, no 2 (2009a) : 68-

    96.Lemieux, Ren. Pourquoi stre rencontrs pour parler de Deleuze, pourquoicrire maintenant autour de son uvre ? . In : Dalie Giroux, Ren Lemieux etPierre-Luc Chnier (dir.). Contrhommage pour Gilles Deleuze : nouvelles lectures,nouvelles critures. Qubec : Presses de lUniversit Laval, 2009b : 161-175.Schlegel, Friedrich. Fragments. Prsents et traduits par Charles Le Blanc. Paris :ditions Jos Corti, 1996.Schleiermacher, Friedrich Daniel Ernst. Des diffrentes mthodes du traduire etautre texte. Traduits par Antoine Berman, rdit par Christian Berner. Paris :ditions du Seuil, 1999.Segalen, Victor. Essai sur lexotisme. Une esthtique du divers. Montpellier :

    ditions Fata Morgana, 1978.Shakespeare, William. Hamlet. Traduit par Franois Maguin. Paris : ditionsFlammarion, 1995.

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