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10 Au V e siècle avant J.-C., les Athéniens élaborent des principes et des pratiques de gouvernement qui impliquent la participation des citoyens à toutes les décisions. C’est la démocratie. Mais cette démocratie, limitée aux hommes, refuse de s’ouvrir aux étrangers et repose largement sur le travail de nombreux esclaves. x Quelles sont les caractéristiques de ce régime politique original ? x Comment les Athéniens jugent-ils leur démocratie ? 1 Être citoyen à Athènes > La première démocratie… « S’il faut délibérer sur le gouvernement de la Cité, alors chacun se lève pour donner son avis : charpentier, forgeron, cordonnier, marchand ou armateur, riche ou pauvre, noble ou roturier, indifféremment. » Platon (428-vers 348-347 av. J.-C.), Protagoras. La démocratie couronnant le peuple (Stèle de marbre portant le décret contre la tyrannie, 336 av. J.-C., Musée de l’Agora, Athènes.)

Etre citoyen à Athènes hachette

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Au Ve siècle avant J.-C., les Athéniens élaborent des principes et des pratiques de gouvernement qui impliquent la participation des citoyens à toutes les décisions. C’est la démocratie. Mais cette démocratie, limitée aux hommes, refuse de s’ouvrir aux étrangers et repose largement sur le travail de nombreux esclaves.

x Quelles sont les caractéristiques de ce régime politique original ?x Comment les Athéniens jugent-ils leur démocratie ?

1 Être citoyen à Athènes

≥≥> La première démocratie…« S’il faut délibérer sur le gouvernement de la Cité, alors chacun se lève pour donner son avis : charpentier, forgeron, cordonnier, marchand ou armateur, riche ou pauvre, noble ou roturier, indiff éremment. »

Platon (428-vers 348-347 av. J.-C.), Protagoras.

La démocratie couronnant le peuple(Stèle de marbre portant le décret contre la tyrannie, 336 av. J.-C., Musée de l’Agora, Athènes.)

Être citoyen à Athènes11

« Ô Demos [le peuple], tu possèdes en vérité un splendide pouvoir ; l’humanité entière te craint comme un tyran. Hélas on te mène facilement et tu aimes les fl atteries qui te dupent. Tu restes toujours bouche bée devant les beaux parleurs. Ton bon sens alors t’abandonne et te plante sur place. »

Aristophane (vers 445-vers 386 av. J.-C.), Les Cavaliers.

Athéna pensive(Relief en marbre, vers 470 av. J.-C. Musée de l’Acropole, Athènes.)

≥≥> … s’interroge sur elle-même

La journée d’un écolier au début du Ve siècle

2

vocabulaire

> Gymnase (gymnos : nu) : Le lieu où les jeunes gens (éphèbes) et les adul-tes pratiquent, nus, divers entraînements sportifs ou militaires. Les en-fants vont à la palestre (palé : lutte) où ils pratiquent la course, les sports de combat, le saut en longueur, le lancer du disque et du javelot.> Lycée : Le nom d’un gymnase à la périphérie d’Athènes près du temple d’Apollon Lycien (Lucos : loup, animal consacré à Apollon). En 335 av. J.-C., Aristote, l’un des plus grands philosophes grecs, y fonda une école. En 387 av. J.-C., Platon avait fondé une école dans un autre gymnase, l’Académie (du nom du héros Académos).> Scholé : Le temps libre consacré à une activité non directement produc-tive : lecture, musique, sport, conversation, étude, participation à la vie politique… Tout ce qui fait pour l’Athénien « l’art de bien vivre ». (Le sens d’étude donnera le mot école.)

« Tout d’abord, il ne fallait pas entendre un en-

fant souffl er mot. Ensuite, il fallait marcher dans

la rue en bon ordre quand on se rendait avec tous

ses voisins, en simple tunique, en rangs serrés

chez le maître de musique, neigea-t-il gros comme

farine d’orge. Là, pour débuter, chez le cithariste,

on apprenait à chanter “Pallas destructrice invin-

cible des villes” ou “Un hymne au loin résonne”1,

s’appliquant à conserver la mélodie transmise par

les ancêtres. Si quelqu’un risquait une plaisante-

rie ou quelque infl exion de la voix compliquée

à la mode d’aujourd’hui, il recevait une raclée

pour avoir, par cette off ense, fait fuir les muses.

Chez le maître de gymnastique, les enfants de-

vaient, lorsqu’ils étaient assis, garder les cuisses

bien allongées sur le sol de façon à ne rien monter

d’indécent aux passants du dehors […]. À la mai-

son, on ne tolérait ni la gourmandise ni les rica-

nements imbéciles ni une attitude négligée […].

C’est avec des vieilleries de ce genre que mon sys-

tème d’éducation a formé les héros qui combat-

tirent à Marathon2 […]. Avec moi tu apprendras

à ne pas traîner sur l’Agora, à te passer de bains

chauds […]. Tu te lèveras de ton siège avec respect

devant les vieillards, tu ne seras pas grossier avec

tes parents, tu ne feras rien qui pourrait donner

mal à penser à ton sujet. »

Aristophane• (vers 445-vers 386 av. J.-C.), Les Nuées, 423 av. J.-C.

1. Chants patriotiques ; Pallas désigne Athéna.2. Victoire athénienne contre les Perses en 490 av. J.-C.

12

doss

ier

L’éducation à Athènes : quelles valeurs pour le futur citoyen ?Au Ve siècle avant J.-C., l’éducation du jeune Athénien a un but politique et moral : former des soldats endurants et disciplinés, des citoyens capables de prendre la parole, de défendre leur point de vue, d’adopter les bonnes décisions dans le respect des valeurs partagées par la communauté.

L’éducation des futurs citoyens(Coupe attique à fi gures rouges attribuée à Douris [fi n VIe siècle-début du Ve siècle av. J.-C.], vers 480 av. J.-C., face A : enseignement de la lyre et cours de déclamation, face B : enseignement de l’aulos. Antikensammlung, Berlin.)

1

A

B

La contestation de la monarchie absolue

Documents 1 à 3

1 Quelles sont les disciplines enseignées au jeune Athénien ?2 Quel comportement le maître attend-il de son élève ? Quelles

vertus veut-il lui inculquer ?

Document 4

3 Qu’apporte l’éducation proposée par les sophistes ? Quel est son objet principal ?

Document 5

4 Quels sont les devoirs de l’éphèbe ?

Bilan

À partir de l’étude de l’éducation, expliquez sur quelles valeurs repose la citoyenneté à Athènes.

questions

13Être citoyen à Athènes

13

Les éphèbes au service de la cité5

Entre 18 et 20 ans, les jeunes Athéniens qui combattront comme soldats reçoivent une formation militaire et civique faite d’entraîne-ments sportifs au gymnase et de séjours dans les forts des zones fron-tières. L’éphébie conditionne l’accès à la citoyenneté.« Je ne déshonorerai pas les armes sacrées que je porte. Je n’aban-

donnerai pas mon camarade au combat. Je lutterai pour la défense

de la religion et de l’État et je transmettrai à mes cadets une patrie

non point diminuée mais plus grande et plus puissante dans toute

la mesure de mes forces et avec l’aide de tous. J’obéirai aux magis-

trats, aux lois établies, à celles qui seront instituées. Si quelqu’un

veut les renverser, je m’y opposerai de toutes mes forces et avec l’aide

de tous. Je vénérerai les cultes de mes pères. Je prends à témoin de

ce serment les divinités Aglauros, Hestia, Enyo, Enyalios, Arès et

Athéna Aréia, Zeus, Th allô, Auxô, Hégémonè, Héraklès, les bornes

de la patrie, les blés, les orges, les vignes, les oliviers, les fi guiers. »

Serment des éphèbes gravé sur une stèle provenant du nord de l’Attique, datée de la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C. mais reproduisant un serment plus ancien.

L’éducation du corps : une scène de lutte(Coupe à fi gures rouges attribuée au peintre Codrus, vers 430 av. J.-C.)

3

L’enseignement des sophistes4

Protagoras est un sophiste, maître chargé d’ensei-gner la rhétorique, c’est-à-dire l’art de la parole. Il expose à Socrate son programme d’enseignement :« Protagoras : Celui qui vient me trouver n’aura

pas à craindre ce que lui aurait fait subir la fré-

quentation de quelqu’autre sophiste ; car les

autres maltraitent les jeunes. Contre leur gré, ils

les abreuvent de savoirs techniques comme le cal-

cul, l’astronomie, la géométrie, la musique […].

Tandis que moi, ce que j’enseigne, c’est le bon

conseil. En matière d’aff aires privées, celui qui

permet de gérer au mieux sa propre maison. En

matière d’aff aires publiques, celui qui permet de

montrer par la parole et par l’action le plus d’effi -

cacité dans les aff aires de l’État.

Socrate : Si j’ai bien compris, c’est de l’art de la

politique que tu me parles, et tu promets de for-

mer de bons citoyens ? »

Platon (428-vers 348-347 av. J.-C.), Protagoras.

x Répartition de la population à Athènes vers 432

> CroisadeIl s’agit de la guerre sainte décrétée par le pape. Elle a pour but de libérer la Terre sainte de la domination musulmane.

> DjihadLe terme signifi e « effort ». L’islam prône la purifi cation du monde et des croyants : on distingue le grand djihad, effort pour se purifi er soi-même et le petit djihad, l’ef-fort pour gagner de nouveaux territoires à Dieu et les soumettre à la loi de l’islam, la guerre sainte.

> ReconquistaCe terme fait référence aux guerres me-nées par les rois chrétiens d’Espagne pour conquérir la péninsule, ce qu’ils estiment être une « reconquête » sur les musul-

notions

> CitoyenCelui qui participe aux affaires de la cité. Ce statut implique des droits (protection) et des devoirs.

> Communauté civiqueElle est composée de citoyens, des futurs citoyens (enfants) et de celles qui trans-mettent la citoyenneté (fi lles de citoyens).

> MagistratureL’exercice d’une fonction politique, judi-ciaire, fi nancière ou militaire dans le gou-vernement de la cité, pour une durée d’un an en général.

> SacerdoceFonction religieuse exercée par un citoyen, le plus souvent pour un an, après tirage au sort ou élection.

1414

1 Le citoyen athénien

À Athènes, la citoyenneté implique des droits et des devoirs qui défi nissent la communauté des citoyens. Elle est déterminée par la naissance au sein d’une famille athénienne, et donc restreinte.

1 La cité d’Athènes Le mot grec polis, que nous traduisons par cité, désigne une ville mais aussi

l’État formé par cette ville avec le territoire qui l’entoure et enfi n l’ensemble des citoyens de cet État. Les cités grecques se sont formées à partir du VIIIe siècle avant J.-C. La plupart sont des monarchies ou des régimes aristocratiques.

Au milieu du Ve siècle avant J.-C., Athènes est la cité la plus puissante et la plus prestigieuse de la Grèce. Le territoire d’Athènes (l’Attique) s’étend sur 2 650 km2, soit à peu près la moitié d’un département français. Les habitants des dèmes* les plus éloignés ne sont qu’à une quarantaine de kilomètres de la ville. On évalue à 400 000 le nombre d’habitants d’Athènes au Ve siècle dont seulement 30 000 à 40 000 citoyens.

2 Le citoyen, des devoirs et des droits Seuls sont citoyens les hommes adultes (de plus de 18 ans) nés d’un père

athénien et, à partir de la réforme de Périclès• (451 avant J.-C.), d’un père et d’une mère athéniens. La citoyenneté athénienne est une citoyenneté par fi lia-tion. Elle peut être accordée à des étrangers, mais à titre exceptionnel, au vu des services qu’ils ont rendu à la cité.

Le citoyen a des devoirs : aimer sa patrie, en respecter les lois, la défendre, conforter sa puissance. Après avoir effectué l’éphébie*, tous les citoyens de 20 à 49 ans peuvent être appelés au combat. Les grands propriétaires dans la cavale-rie, les classes moyennes dans l’infanterie lourde des hoplites*, les plus pauvres dans l’infanterie légère ou comme rameurs sur les trières.

La participation à la vie de la cité est aussi fonction du niveau de fortune. Le poids des liturgies*, par exemple, repose sur les plus riches qui en tirent orgueil et popularité.

Le citoyen a des droits : lui seul peut posséder ou acquérir une terre ou une maison, exercer une magistrature, un sacerdoce, participer aux banquets qui clôturent certaines fêtes. Il reçoit des indemnités pour assister aux spectacles de théâtre, des distributions exceptionnelles de blé en cas de disette. Enfi n et surtout, seuls les citoyens participent à la prise de décision en matière politique et judiciaire.

3 Les non-citoyens Les femmes nées de parents athéniens font partie de la communauté civique

puisqu’elles transmettent la citoyenneté et sont associées au culte des dieux. Mais sur le plan juridique, elles sont considérées comme des mineures placées sous l’autorité du père puis du mari. Elles ne sortent guère de la partie de la mai-son qui leur est réservée : le gynécée. Elles n’ont aucun droit politique.

Les métèques sont des étrangers résidant à Athènes. Un citoyen leur sert de garant. Ils s’acquittent d’une taxe de séjour, peuvent être requis pour des opéra-tions militaires, participent dans certaines limites aux fêtes religieuses mais pas à la vie politique.

Les esclaves sont souvent des barbares (des non Grecs), prisonniers de guerre ou enlevés par des trafi quants. L’esclave est, selon Aristote•, « celui qui tout en étant un homme est un bien acquis ». Il n’a donc ni liberté, ni droit juridique ou politique. On estime qu’en moyenne, un Athénien pouvait posséder trois ou quatre esclaves. Leur travail lui permettait de disposer du temps nécessaire pour exercer pleinement son rôle de citoyen.

1 En quoi consiste la participation à la vie de la cité pour un riche citoyen ?2 En dehors de la vie politique, quelles sont les activités centrales de la vie de la cité athénienne ?3 À partir de ce texte, défi nissez le terme de liturgie.

Être citoyen à Athènes15

Aimer sa patrie, obéir aux lois

Le philosophe Socrate a été condamné à mort par la cité pour impiété. Son disciple Criton lui propose de le faire évader. Socrate imagine alors la réaction des Lois dont il fait ici un personnage.« Si les Lois et l’État athénien survenaient et, apparaissant devant

nous, demandaient : “Dis-nous Socrate qu’as-tu en tête de faire

[…] ? Ta grande sagesse, t’a-t-elle donc fait oublier que la patrie est

chose plus précieuse qu’une mère, qu’un père et que tous les ancê-

tres par ailleurs ? […] qu’il faut révérer sa patrie, lui céder, la ména-

ger plus qu’un père quand elle nous rudoie et, à moins de la fl échir

par la persuasion, faire ce qu’elle ordonne et souff rir sans broncher

si elle invite à souff rir coups ou chaînes, prêt aux blessures et à la

mort si elle nous mène en guerre. Qu’il y a obligation à le faire, qu’à

la guerre comme au tribunal et partout, on doit faire ce qu’ordonne

la Cité ou la patrie ou bien la persuader d’agir autrement. […] Tout

citoyen, une fois qu’il aura été déclaré citoyen1 et qu’il aura pris con-

naissance des aff aires publiques et de nous, les lois, peut, si nous ne

lui plaisons pas, prendre ce qui lui appartient et partir où il veut

[…]. Mais si l’un d’entre-vous reste ici, tout en voyant de quelle ma-

nière nous rendons la justice et administrons la Cité, dès lors nous

déclarons que cet homme a, de fait, convenu avec nous qu’il fera

tout ce que nous lui ordonnerons…” »

Platon (428-348-347 av. J.-C.), Criton.

1. À l’âge de 18 ans après vérifi cation de sa condition d’homme libre né de parents athéniens.

2

La phalange athénienne (Détail d’un vase attique représentant des soldats courants, VIe siècle av. J.-C. Musée archéologique, Naples.)

1 Décrivez l’armement de l’hoplite.2 Comment s’organise une phalange ? Quel lien unit les hoplites d’une même phalange ?

1

Les liturgies

Voici les liturgies qui pèsent sur le riche proprié-taire athénien Critobale.« Je sais que l’État te charge d’élever des chevaux1,

d’être chorège2, gymnasiarque3, prostate4 ; et si

la guerre éclate, je sais qu’on te chargera en plus

de l’équipement d’une trière5 et qu’on te deman-

dera des contributions si fortes que tu auras de

la peine à y suffi re. Et si on te trouve insuffi sant

dans quelqu’une de ces prestations, je sais que les

Athéniens te puniront avec la même rigueur que

s’ils te prenaient à voler leurs biens. »

Xénophon L’Économique, vers 380 av. J.-C.

1. Pour la cavalerie en cas de guerre.2. Chargé d’instruire, de nourrir, d’habiller le chœur pour une représentation théâtrale.3. Chargé de prendre en charge les frais d’entraînement des athlètes en vue des compétitions sportives.4. Président d’une délégation envoyée dans une autre cité à l’occasion d’une fête. Il assume les frais de voyage et de représentation.5. Bateau de guerre construit par l’État. Le triérarque fournit l’équipement, assure l’entretien et paye l’équipage.

3

1 Quelle place doit avoir la patrie dans la vie du citoyen ? Quelle comparaison est utilisée ?2 Qu’impose le statut de citoyen aux Athéniens ?

notions

> Aristocratie (d’aristos : excellent et cratein : dominer)Le régime gouverné par un groupe res-treint de familles.

> Démocratie (de démos : peuple et cratein : dominer)Le régime politique dans lequel le pouvoir appartient au peuple.

> Démocratie directeLe régime où chaque citoyen participe par son vote à la prise de décision, sans aucun intermédiaire.

> IsonomieL’égalité de droits et l’égalité dans la par-ticipation à l’exercice du pouvoir.

> OstracismeLa condamnation à un exil de 10 ans ; elle doit être votée par une assemblée réunis-sant au moins 6 000 citoyens.

1616

2 Le citoyen, acteur de la démocratie

Athènes élabore au V e siècle avant J.-C. un système politique où chaque citoyen peut, tour à tour, être gouvernant et gouverné.

1 L’égalité politique Dans une cité qui était dominée politiquement et socialement par de riches

familles aristocratiques, l’établissement de l’égalité politique s’est accompli pro-gressivement. Depuis la réforme de Solon• (549 avant J.-C.), les lois sont écrites, protégeant le citoyen de toute décision arbitraire. En 508-507 avant J.-C., Clisthè-ne• crée l’assemblée de tous les citoyens, l’Ecclésia, et l’activité politique s’inscrit dorénavant dans le cadre de dix tribus* qui mêlent des citoyens d’origine géogra-phique différente : une tribu regroupe une trittye* de la côte, une de la ville, une de l’intérieur. Cela réduit l’infl uence de l’aristocratie et installe la démocratie.

Enfi n, vers 450 avant J.-C., Périclès• obtient que les citoyens siégeant dans les tribunaux reçoivent une indemnité : le misthos*. Cette mesure s’étendra à la fi n du Ve siècle aux séances de l’assemblée et à certaines magistratures*. Elle permet aux plus pauvres de jouer leur rôle de citoyen. L’égalité est aussi recherchée grâ-ce à la désignation par tirage au sort de la plupart des magistrats. Pratiquement, toutes les magistratures sont collégiales et renouvelées chaque année. Certai-nes charges demandant des compétences spéciales sont pourvues par élection. Ainsi, grâce à son charisme, Périclès a exercé la stratégie quinze ans de suite.

L’idéal athénien est donc celui de l’isonomie : l’égalité devant la loi et l’égale participation de tous les citoyens au pouvoir.

2 Le fonctionnement d’une démocratie directe Chaque citoyen peut proposer une loi. Tout ce qui engage la cité (lois, traités,

déclarations de guerre, dépenses…) est débattu par l’Ecclésia, cœur de la démo-cratie directe. Cette assemblée des citoyens se réunit une quarantaine de fois dans l’année. On vote le plus souvent à main levée après un débat où chacun a pu prendre la parole.

Les projets de loi ont été auparavant examinés et mis en forme par la Boulê* qui, après le vote, en surveillera l’exécution. Chacune des dix tribus y délègue pour un an cinquante citoyens tirés au sort. À tour de rôle, pendant un dixième de l’année, les cinquante bouleutes d’une même tribu constituent l’organe per-manent de la démocratie : les prytanes. Ils président les assemblées, contrôlent les magistrats, gardent les archives et le trésor de la cité.Tout citoyen peut saisir la justice. 6 000 citoyens tirés au sort à raison de 600 par tribu forment l’Héliée*, tribunal populaire qui se subdivise en plusieurs tribunaux.L’Ecclésia exerce aussi une sorte de justice préventive en décidant l’ostracisme d’un citoyen : un exil de dix ans au motif que ses activités menacent la cité.

3 Vie politique et vie religieuse Les Athéniens ne séparent pas vie politique et vie religieuse. L’Agora est à la

fois le centre politique de la cité, placée sous la protection d’une divinité po-liade* (Athéna), mais aussi un lieu sacré avec ses temples et ses autels pour les sacrifi ces ; les magistrats s’occupent également des affaires religieuses : fi xer le déroulement des fêtes et les fi nancer.

La religion sert de garantie à la vie politique. Toutes les activités politiques sont précédées de prières et de sacrifi ces, pour que les dieux aident les citoyens et les magistrats à bien gouverner. Aussi peut-on parler d’une religion civique.

La fête des grandes Panathénées, qui a lieu tous les quatre ans en l’honneur d’Athéna, célèbre l’union des citoyens et permet d’intégrer les non-citoyens pour qu’ils ne se sentent pas complètement exclus de la cité.

5

Être citoyen à Athènes17

Une défi nition de la démocratie

Par la bouche de Th ésée, Euripide dans sa pièce de théâtre Les Suppliantes décrit le régime politique athénien :« L’envoyé de Th èbes : Qui est le roi ?

Th ésée : Tu fais d’emblée erreur en cherchant un roi. La

ville n’est pas commandée par un seul, elle est libre. Le

peuple a le pouvoir. À tour de rôle, les citoyens exercent

les magistratures annuelles. Le riche n’est pas avantagé et

le pauvre est son égal en droits […]. Pour la cité, rien n’est

plus insupportable qu’un tyran. Là où règne la supériorité

d’un seul, il n’est pas de lois communes. Si un seul homme

domine, maître de la loi, il n’y a plus d’égalité. Quand les

lois sont écrites, le faible et le riche ont la même justice.

Le pauvre peut riposter au riche qui le décrie et le petit

vaincre le grand s’il est dans son droit. Voilà ce qu’est la

liberté ! Celui qui veut donner un avis utile à sa patrie peut

prendre la parole et faire une proposition. À son gré cha-

cun peut briller par son discours ou se taire. Qu’y-a-t- il de

plus juste pour la cité ? »

Euripide (480-406 av. J.-C.), Les Suppliantes, 420 av. J.-C.

1

1 Quelles sont d’après Euripide les caractéristiques de la démocratie et celles d’un régime tyrannique ?2 Quelles sont pour Euripide les conditions d’une réelle démocratie ? Trouvez-en deux exemples dans les doc. 3 et 4.

L’organisation administrative d’Athènes1 Quels sont les différents découpages administratifs de la cité ? 2 comment sont regroupés les citoyens des dèmes ? Quel est l’intérêt d’un système si complexe ?

2

Le fonctionnement de la démocratie3

La colline de la Pnyx, lieu de réunion de l’Ecclésia1. Acropole. 2. Tribune de l’orateur. 3. Emplacement de la clepsydre (voir page 25).

4

2

3

1

Documents

1818

≥> Des Athéniens qui s’interrogent sur le fonctionnement de la démocratie...

1 Comment sont désignés les magistrats évoqués par Aristote ?2 Relevez les différentes charges qu’ils exercent.3 Pourquoi ces magistratures sont-elles collégiales ?

Les compétences des magistrats

« Le sort désigne dix commissaires pour l’entretien des

temples. Ils reçoivent des magistrats trésoriers trente mines1

pour faire les réparations les plus urgentes. Dix responsables

de l’ordre dont cinq exercent leur charge au Pirée, cinq à la

ville […] veillent à ce que les éboueurs ne déchargent pas

leurs ordures à moins de dix stades2 de l’enceinte. Ils em-

pêchent d’empiéter par des constructions sur la voie publi-

que, d’élever des balcons en saillie sur la rue, de placer sur

le haut des maisons des chenaux avec écoulement sur la

voie publique […]. Il y a aussi dix commissaires au commerce

des grains […], ils veillent d’abord à ce que les grains se

vendent au juste prix, ensuite que les meuniers vendent la

farine en proportion du prix de l’orge et les boulangers les

pains en proportion du prix du blé et que ces pains aient le

poids qu’ils auront fi xé ; car la loi prescrit aussi à ces com-

missaires de fi xer le poids. »

Aristote• (384-322 av. J.-C.), Constitution d’Athènes 50-51.

1. 1 mine = 100 drachmes (à la fi n du Ve siècle, un ouvrier sur un chantier public gagne environ 1 drachme par jour).2. Soit environ 1 800 mètres.

5

18

Un démagogue

Démos (le peuple) est tombé sous l’infl uence d’un démagogue.Aristophane vise ici Cléon, riche tanneur dont les discours belliqueux emportent l’adhésion de l’Ecclésia. Un serviteur de Démos propose à un charcutier de supplanter le tanneur.« Le serviteur : Mortel béni du sort ! Te voilà richement

doué pour la politique.

Le charcutier : Mais mon bon, je n’ai pas fait d’étude, je

connais mes lettres, et encore tant bien que mal.

Le serviteur : Voilà ton seul défaut, de les connaître tant

bien que mal. Pour gouverner le peuple, il ne faut pas un

homme pourvu d’une bonne culture et d’une bonne édu-

cation. Il faut un ignorant doublé d’un coquin […].

Le charcutier : Mais je ne vois pas comment je serais capa-

ble de gouverner le peuple ?

Le serviteur : Rien de plus bête. Ne cesse pas de faire ce

que tu fais. Tu n’as qu’à tripatouiller les aff aires, les bou-

diner toutes ensemble, et quant au peuple, pour te le con-

cilier, il suffi t que tu lui fasses une agréable petite cuisine

de mots. Pour le reste, tu as ce qu’il te faut pour le mener,

à savoir : une voix de canaille, une origine misérable, des

manières de vagabond. Je te dis que tu as tout ce qu’il faut

pour la politique. »

Aristophane• (vers 445-vers 386 av. J.-C.), Les Cavaliers, 424 av. J.-C.

6

Documents 6, 7 et 8

1 Comment les documents présentent-ils le rôle des orateurs ?2 Comparez le portrait de Périclès et celui que le serviteur dresse du démagogue dans la pièce d’Aristophane.3 D’après Isocrate, en quoi consiste le pouvoir dans un régime démocratique ?

Portrait de Périclès7

(Buste de marbre, Ve siècle. British Museum, Londres.)

Le pouvoir de la parole

« Notre cité a tenu en l’honneur l’art de la parole, cet art

que tous désirent posséder en même temps qu’ils jalousent

ceux qui sont capables de l’exercer : elle avait pleinement

conscience en eff et, notre cité […] que composer artisti-

quement des discours n’est nullement le partage des mé-

diocres, que ce ne peut être l’œuvre que d’un esprit intelli-

gent. […] Ceux qui, dès la prime enfance ont été élevés en

hommes libres, ce n’est pas au courage, à la richesse, aux

biens de cet ordre qu’on les reconnaît, ce sont avant tout

leurs paroles qui les révèlent. C’est la pierre de touche la

plus sûre pour reconnaître l’éducation de chacun de nous,

et ceux qui manient bien l’art de la parole ont non seu-

lement puissance dans leurs cités mais honneurs chez les

autres hommes. »

Isocrate (436-338 av. J.-C.), Panégyrique.

8« Périclès avait de l’infl uence

en raison de la considération

qui l’entourait et de la pro-

fondeur de son intelligence.

Il était d’un désintéresse-

ment absolu ; sans attenter à

la liberté, il contenait la mul-

titude qu’il menait. N’ayant

acquis son infl uence que

par des moyens honnêtes, il

n’avait pas à fl atter la foule.

Grâce à son autorité person-

nelle, il pouvait lui tenir tête

et même lui montrer son

irritation. Chaque fois que

les Athéniens s’abandon-

naient à contre temps à

l’audace et à l’orgueil, il les

frappait de crainte ; s’ils s’ef-

frayaient sans motif, il les ramenait à la confi ance. Ce gou-

vernement portait le nom de démocratie, en réalité, c’était

le gouvernement d’un seul homme. »

Thucydide (460-395 av. J.-C.), La Guerre du Péloponnèse, II, 65.

Documents

19Être citoyen à Athènes

≥> ... et sur la politique de leur cité

Documents 9, 10 et 11

1 En vous référant à la carte page 9, rappelez l’évolution de la puissance athénienne et expliquez ce qu’est la ligue de Délos.2 Comment Périclès justifi e-t-il la position prépondérante d’Athènes au sein de cette ligue (document 9) ?3 Comment Athènes tire-t-elle profi t de sa puissance militaire ?4 Qu’est-ce qui peut paraître contradictoire entre le fonctionnement interne de la cité athénienne et sa politique extérieure, telle que la conçoit Cléon (document 11) ?

Comment Athènes s’accapare le trésor de la ligue de Délos

« Ce qui fl atta le plus Athènes, c’est la magnifi -

cence des édifi ces publics dont Périclès décora

cette ville […]. Le peuple, disaient ceux qui le ja-

lousaient, se déshonore et s’attire les plus justes

reproches en faisant transporter de Délos à Athè-

nes l’argent de toute la Grèce. La Grèce ne peut

se dissimuler que […] les sommes qu’elle a con-

signées pour les frais de la guerre sont employées

à dorer, à embellir notre ville, à ériger des statues

magnifi ques, à construire des temples.

Périclès de son côté répondait aux Athéniens

qu’ils n’avaient pas à rendre compte à leurs alliés

de l’argent qu’ils avaient reçu d’eux.

Nous combattons, disait-il, pour leur défense et

nous éloignons les barbares de leurs frontières.

Ils ne fournissent pour la guerre ni cavaliers, ni

navire, ni soldats, ils ne contribuent que de quel-

ques sommes d’argent qui, une fois payées n’ap-

partiennent plus à ceux qui les livrent mais à ceux

qui les reçoivent. »

Plutarque (vers 50-vers 125 ap. J.-C.), Vie de Périclès.

9

L’empire athénien par la force ?

En 427 avant J.-C., après la révolte de Mytilène, cité jusque-là alliée d’Athènes au sein de la ligue de Délos, Cléon, un orateur très populaire, prend la parole devant l’assemblée.« Vous oubliez que l’empire constitue entre vos

mains une tyrannie qui s’exerce sur des peu-

ples qui eux, intriguent et subissent cet empire

de mauvais gré. Leur soumission ne résulte pas

des faveurs que vous pouvez leur faire à votre

détriment mais de l’ascendant que vous pouvez

prendre sur eux par la force beaucoup plus que

par leur bon vouloir […]. Si vous pensez que les

Mytiléniens ont bien agi en faisant défection,

alors vous devez renoncer à exercer l’empire. En

revanche si vous prétendez, fut-ce sans aucun ti-

tre, l’exercer quand même, il vous faut aussi châ-

tier Mytilène par intérêt, sans scrupule, ou sinon

abandonner l’empire et, loin du risque, vivre en

hommes vertueux. […] Châtiez les Mytiléniens

comme ils le méritent et montrez en même temps

à vos autres alliés, par un exemple indiscutable,

que toute défection sera punie de mort. »

Thucydide (460-395 av. J.-C.), La Guerre du Péloponnèse, III, 37.

11

Une cité qui s’embellit aux frais de ses alliésLes Propylées, construites de 437 à 432 av. J.-C.

« Il rentrait en effet normalement dans le trésor de la cité, 600 talents1 par an représentant le tribu payé par les alliés. Il restait encore sur l’Acropole 6 000 talents d’argent. Le maximum avait été de 9 700 talents sur lesquels on avait pris pour les Propylées et autres constructions. »

Discours de Périclès• cité par Thucydide (460-395 av. J.-C.),La Guerre du Péloponnèse II, 13.

1. Un talent = 6 000 drachmes.

10

20

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La mère(Coupe attique attribuée au peintre Sotades, vers 470-460 av. J.-C. Musées royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles.)

3

La place des Athéniennes dans la cité au Ve siècle avant J.-C.La femme athénienne est considérée comme une mineure. Elle vit dans le gynécée. Exclues de la communauté politique, les femmes font cependant partie de la communauté civique.

Pandora, la première femme1

Prométhée ayant dérobé le feu aux dieux en faveur des hommes, les dieux se vengent :« Zeus, aussitôt, à la place du feu créa un mal destiné aux

humains […]. Et quand, à la place d’un bien, Zeus eut créé

ce mal si beau, il l’emmena où étaient dieux et hommes.

[…] Et les dieux immortels et les hommes mortels allaient

s’émerveillant à la vue de ce piège implacable destiné aux

humains. Car c’est de cette créature qu’est sortie la race,

l’engeance maudite des femmes, terrible fl éau installé

auprès des hommes mortels. Elle ne s’accommode pas de

la pauvreté, elle la trouve odieuse, il lui faut l’abondance.

[…] Ainsi, Zeus qui gronde dans les cieux, pour le grand

malheur des hommes mortels, a créé les femmes, sources

permanentes d’angoisses et d’ennuis et leur a en place d’un

bien, tout au contraire, fournit un mal. […] »

Hésiode (vers le milieu du VIIIe siècle av. J.-C.) Théogonie.

L’épouse2

« Un jour, je la vis toute fardée de céruse1 pour paraître

plus blanche et de rouge pour paraître plus rose qu’elle ne

l’était réellement et chaussée de souliers hauts pour sem-

bler plus grande qu’elle ne l’était naturellement […]. “Eh

bien, ma femme, dis-je, ne sommes-nous pas mariés pour

nous faire un don mutuel de nos corps ? C’est du moins ce

qu’on dit, répondit-elle ”[…].

L’artifi ce se découvre au sortir du lit avant la toilette ; la

sueur le révèle, les larmes en donnent la preuve et les la-

vages le mettent au jour […]. Elle me demanda alors si je

pouvais lui indiquer le moyen non seulement de paraître

belle mais de l’être eff ectivement. Et moi, je lui conseillai

de ne pas toujours rester assise comme les esclaves mais

d’essayer avec l’aide des dieux, de se tenir debout, en vraie

maîtresse, auprès du métier à tisser pour enseigner ce qu’el-

le savait mieux que les autres et apprendre ce qu’elle savait

moins bien, de surveiller la fabrication de pain, d’être pré-

sente aux distributions de l’intendante, de faire des rondes

et d’examiner si chaque chose est bien à sa place. À mon

avis, ce serait là tout ensemble, surveillance et promenade.

J’ajoutai que ce serait aussi un bon exercice de détremper

la farine, de la pétrir, de secouer et de ranger les vêtements

et les couvertures. Je lui dis qu’en prenant ainsi de l’exer-

cice, elle aurait plus de plaisir à manger, qu’elle se porterait

mieux et y gagnerait réellement de belles couleurs… »

Xénophon (vers 430-vers 355 av. J.-C.), L’Économique.

1. Poudre blanche à base de plomb.

La jeune femme4

« Elle n’avait que quinze ans quand elle rentra chez moi.

Elle avait vécu jusqu’à cet âge, soumise à une extrême

surveillance, afi n qu’elle ne vît, n’entendît et ne demandât

presque rien. Que pouvais-je souhaiter de plus : trouver en

elle une femme qui sut tisser, fi ler la laine pour en faire un

manteau, qui eût appris à distribuer leurs tâches aux fi leu-

ses servantes ? Quant à la sobriété, on l’y avait très bien

formée : excellente chose n’est-ce pas ? »

Xénophon (vers 430-vers 355 av. J.-C.), L’Économique.

20

La contestation de la monarchie absolue

Document 1

1 Comment la mythologie grecque relate-t-elle l’apparition de la première femme ? Quelle image de la femme cela véhicule-t-il ?

Documents 2, 3 et 4

2 Quel est le statut juridique de la femme : sous l’autorité de qui vit-elle tout au long de sa vie ?

3 Quel est le rôle d’une bonne épouse pour un Athénien ? Décrivez son quotidien.

Document 5

4 Relevez les expressions qui montrent que les femmes sont exclues de la vie politique.

5 Acceptent-elles généralement cette exclusion ? Pourquoi ?

Documents 5 et 6

6 Quels sont les autres aspects de la vie civique et religieuse des femmes évoquées dans ces documents ?

Bilan

Montrez que les femmes, tout en appartenant à la communauté civique, sont exclues de la vie politique.

questions

21Être citoyen à Athènes

Les femmes prennent part à la vie religieuse (Peinture sur bois de Pitsa, 520-500 av. J.-C. Musée national, Athènes.)

6

La femme dans la cité5

Dans cette comédie d’Aristophane, les femmes grecques, las-sées de la guerre, s’emparent de l’Acropole sous la conduite de l’Athénienne Lysistrata et refusent tout rapport sexuel avec leur mari tant que la paix n’aura pas été conclue.« Lysistrata : Nous, dans les débuts de la guerre et jusqu’à

présent, nous vous avons supportés, vous les hommes,

quoique vous fi ssiez, parce que nous sommes modérées.

Vous ne nous laissiez pas souffl er mot. Avec ça, vous n’étiez

guère complaisants avec nous mais nous pénétrions par-

faitement vos sentiments et, souvent, à la maison, il nous

arrivait d’entendre que vous aviez pris, sur des questions

graves, de funestes résolutions.

Alors, dans notre chagrin, nous vous demandions, avec le

sourire : “Qu’avez-vous décidé aujourd’hui à l’assemblée du

peuple ? Qu’avez-vous résolu d’affi cher sur la paix ?” Et no-

tre mari de répondre : “En quoi cela te regarde-t-il ? Vas-tu

te taire ?” Et je me taisais.

Cléonice, voisine de Lysistrata : Moi je ne me taisais

jamais.

Un magistrat : Il t’en aurait coûté si tu ne te taisais pas.

Lysistrata : C’est pourquoi, moi, à la maison, je me taisais.

Étions-nous informées de quelque autre résolution pire en-

core ? Nous demandions : “Comment mon mari pouvez-

vous agir avec si peu de bon sens ?” Il me répondait aussitôt

après m’avoir regardé de travers que si je ne restais pas en

silence devant mon métier à tisser, je recevrais quelques

bonnes claques. Que la guerre serait l’aff aire des hommes.

Le magistrat : Il parlait comme il faut celui-là, par Zeus !

[…]

Le cœur des femmes : Citoyens, nous allons traiter devant

vous des questions qui intéressent la cité. C’est tout naturel

puisqu’elle m’a élevée dans les plaisirs et dans le faste. À

l’âge de sept ans, je tissais le manteau sacré d’Athéna. À

l’âge de dix, je préparais la farine à gâteaux pour Athéna,

notre patronne. Quand j’eus ma robe jaune, je fus “ourse”

consacrée à Artémis aux Brauronies1. Grande fi lle enfi n et

jolie, je devins canéphore2 et je portais un collier de fi gues

sèches. Ne dois-je pas à ma cité depuis longtemps quelques

bons conseils ? Ne me reprochez pas d’être née femme

quand je vous apporte une meilleure politique que celle

d’à présent. Je paie d’ailleurs mon tribut en enfantant des

hommes. »

Aristophane• (vers 445-vers 346 av. J.-C.), Lysistrata (411 av. J.-C.).

1. Fêtes en l’honneur d’Artémis au sanctuaire de Brauron, en souvenir d’une ourse consacrée à la déesse.2. Jeunes fi lles qui portaient les corbeilles où l’on plaçait les objets nécessaires aux sacrifi ces.

21

22

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La frise des Panathénées : la cité en Il n’existe pas, à Athènes comme dans l’ensemble du monde grec, de séparation entre le religieux et le politique. Les dieux honorés et les cultes qui leur sont rendus renforcent la cohésion de la cité. Consacrées à Athéna, divinité poliade, les Panathénées occupent une place centrale dans la vie religieuse et civique de la cité et sont l’occasion d’une procession traversant Athènes. Cette procession aboutit au Parthénon, un monument construit sur décision de Périclès à partir de 447 avant J.-C., témoignage monumental de la puissance de la cité. Le Parthénon est décoré d’une frise peinte sur un mètre de haut et 158 mètres de long décrivant le déroulementde la procession.

OBJECTIFS• Étudier la sculpture grecque

• Étudier un projet artistique,religieux et politique

vocabulaire

> Frise : Élément architectural d’un tem-ple grec. Décorée de sculptures, elle se si-tue entre les colonnes et le toit du temple, généralement sur les quatre façades. Dans le cas du Parthénon , elle est sculptée dans le marbre et était à l’origine peinte.> Bas-relief : On distingue plusieurs types de sculpture en fonction de la profondeur de la taille. Le bas-relief est peu saillant.

Les sacrifi cateurs(École de Phidias, 440-435 av. J.-C. Musée de l’Acropole, Athènes.)

1

Le Parthénon4

22

La contestation de la monarchie absolueÊtre citoyen à Athènes23

questions

ÉTUDIER UNE FRISE

Présentation technique

1 Qu’est-ce que le Parthénon ? Situez-le en vous aidant du plan page 31.

2 Quelle est la scène représentée par l’ensemble de la frise ?

3 Dans quelles attitudes sont représentées les personnages ? Comment le sculpteur a-t-il rendu le mouvement ?

Analyse

4 Retracez les différentes étapes de la cérémonie ? Relevez les personnes qui participent au cortège.

5 Dans le doc 5, relevez les expressions qui montrent que l’organisation de la fête est une décision politique.

6 Comment sont honorés les magistrats ?

7 Comment s’exprime l’égalité des citoyens ?

Interprétation

8 Pourquoi peut-on parler d’une fête religieuse qui célèbre la cohésion de la cité et qui joue un rôle intégrateur ?

23

représentation

Les cavaliers(Musée de l’Acropole, Athènes.)

2

L’organisation des petites Panathénées5

Les petites Panathénées sont organisées tous les ans par opposition aux grandes Panathénées qui ont lieu tous les quatre ans.« Il a été décrété par le peuple que tout le reste soit fait comme il

a plu à la Boulê et que les hieropes1 fassent les deux sacrifi ces : ce-

lui à Athéna Hygiéa et celui à Athéna Archegete2 comme les an-

nées précédentes. La distribution sera eff ectuée comme suit : cinq

parts au prytanes, trois aux neuf archontes, une aux trésoriers de

la déesse, une aux hieropes, trois aux stratèges et aux taxiarques3 et

aussi comme il est d’usage aux Athéniens qui ont fait la procession

et aux canéphores4 et qu’ils partagent les autres viandes entre les

Athéniens […]

Puis ils sacrifi eront les vaches achetées 41 mines sur le grand autel

d’Athéna et une sur l’autel d’Athéna Niké5, l’ayant choisie parmi les

plus belles. [...] Ils distribueront les viandes au peuple des Athéniens

[...]. Ils attribueront des parts à chaque dème en proportion des en-

voyés que chaque dème a fournis. »

Inscription grecque II, 334 (vers 335-330 av. J.-C.).

1. Prêtre.2. Athéna Hygiéa : protectrice du foyer et de la santé. Athéna Archegete : fondatrice de la cité.3. Diff érents magistrats.4. Jeunes fi lles portant les corbeilles contenant les objets servant au sacrifi ce.5. Athéna Niké : qui apporte la victoire.

Les ergastines (Musée du Louvre, Paris.)

Jeunes fi lles qui apportent à Athéna une tunique, le péplos, qu’elles ont tissée.

3

2424

L’hi

stoi

re p

ar...

... l’archéologieL’archéologie a pour objet de retrouver la réalité sociale que peuvent révéler les vestiges matériels d’une civilisation. Ainsi, les fouilles menées par l’École américaine et l’équipe de John Camp sur le site de l’Agora d’Athènes ont permis de mettre au jour une véritable « démocratisation » de l’espace de la cité au Ve siècle avant J.-C. L’Agora est le lieu privilégié de l’expression de la démocratie.

Photo aérienne de l’Agora d’Athènes1. Tholos (lieu de résidence des prytanes). 2. Bouleutérion (siège de la Boulê). 3. Extension du Bouleutérion. 4. Tribunal de l’Héliée. 5. Voie des Panathénées (empruntée par la procession organisée en l’honneur d’Athéna). 6. Portique de Zeus. 7. Temple d’Apollon Patroos. 8. Statues des dix héros éponymes (ce monument symbolisait la cohésion des Athéniens ; les lois de la cité y étaient affi chées). 9. Strategeion.

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La contestation de la monarchie absolue

L’Agora (doc. 1)

1 Reproduisez schématiquement ou à l’aide d’un calque les limites de l’Agora.

2 Placez-y les principaux bâtiments et leur nom.

3 Bâtissez une légende permettant de distinguer par des couleurs la fonction de chacun des bâtiments : politique (en précisant législatif ou exécutif), judiciaire et religieuse.

L’exercice de la justice sur l’Agora

(doc. 2, 3 et 4)

4 Où ont été retrouvés les jetons d’héliaste ? En quoi nous renseignent-ils sur la manière dont on rendait la justice à Athènes ?

5 Quel usage fait-on de la clepsydre à l’Héliée ? Qu’assure-t-elle ?

6 En quoi ces vestiges nous renseignent-ils sur le fonctionnement de la justice à Athènes ?

7 Décrivez le document 4. Quel usage était fait de l’ostrakon ? Dans quel cadre ?

8 En quoi est-il un témoignage supplémentaire du fonctionnement de la démocratie directe ?

Bilan

D’après ces documents, qu’apporte l’archéologie à l’historien et qu’apporte l’étude des textes à l’archéologue ?Quel témoignage supplémentaire sur le fonctionnement de la démocratie directe athénienne apportent les fouilles archéologiques menées sur l’ancienne Agora ?

Activité

25Être citoyen à Athènes

25

Jetons d’héliaste(Boîte contenant des jetons découverte dans l’angle nord-est de l’Agora.)

Chaque jeton porte l’inscription psephos demosia, jeton public. « Le jeton percé est pour la partie qui a plaidé la première, le jeton plein pour celle qui a plaidé la seconde. Chaque juge prenant en même temps ses jetons par la tige, sans laisser voir aux plaideurs ni la partie creuse ni la partie pleine, dépose le jeton qui représente sa décision dans l’amphore de bronze et l’autre dans l’amphore de bois. » Aristote•, Constitution d’Athènes.

2

L’ostracisme4

(L’ostrakon de Thémistocle, 482 av. J.-C. Musée de l’Agora, Athènes.)

« L’ostracisme ne châtiait pas un méfait. On désignait ainsi

par convenance l’abaissement d’un homme dont l’im-

portance et l’autorité étaient ressenties comme pesantes.

C’était une concession à l’envie, sans rien d’inhumain ni

de défi nitif, la victime de la haine et du mécontentement

étant exilée pour dix ans. […] Voilà schématiquement ce

qui se passait. Chacun prenait un tesson, y inscrivait le

nom du citoyen qu’il voulait bannir puis le portait dans un

endroit de l’Agora entouré d’une barrière circulaire. Les

magistrats comptaient d’abord le total des tessons déposés.

Si les votants étaient moins de 6000, l’ostracisme n’abou-

tissait pas. Puis l’on comptait séparément et celui qui avait

contre lui le plus grand nombre de votes était proclamé

banni pour dix ans tout en disposant de ses biens. »

Plutarque (vers 50-vers 125 ap. J.-C.), Aristide, VII, 3-6.

La clepsydre(Terre cuite, Ve siècle av. J.-C., Athènes.)

« On y verse de l’eau dont la mesure détermine la durée des plaidoiries. »

Aristote, Constitution d’Athènes.

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