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CAS CLINIQUE / CASE REPORT Étude des troubles du sommeil dans la fibromyalgie A study of sleeping problems in patients with fibromyalgia J.-L. Poindessous · A. Heron © Springer-Verlag France 2011 Résumé La fibromyalgie est une pathologie qui commence à être bien connue. Son évaluation par le biais de la douleur chronique est désormais classique. Par contre, les troubles du sommeil quelle occasionne, plainte souvent retrouvée à linterrogatoire, restent encore mal évalués, donc par là même mal pris en charge. Nous nous sommes intéressés principalement à lévaluation de ces troubles du sommeil tout en le comparant à une population de soignants dun hôpital général en activité professionnelle et à la population générale. Nous mettons en évidence lexistence de troubles du sommeil significatifs comparativement à cette population témoin, notamment le nombre dheures de sommeil, sa qua- lité, sa continuité et le nombre déveils, et nous analysons quelles en sont les conséquences, notamment dans le vécu au quotidien. Il semble probable que de nombreux facteurs psychologiques, environnementaux, notamment profession- nels ou familiaux ou neurochimiques, vont avoir un impact sur la qualité du sommeil. Nous sommes persuadés que la prise en charge thérapeutique des troubles du sommeil, même sils ne sont en rien spécifiques de la fibromyalgie, est indépendamment des autres signes cliniques, un facteur impératif de réussite de la prise en charge pluridisciplinaire de cette pathologie. Pour citer cette revue : Lett. Méd. Phys. Réadapt. 28 (2012). Mots clés Fibromyalgie · Douleur chronique · Troubles du sommeil · Fatigue chronique Abstract Fibromyalgia is a disease that is becoming increa- singly more well known. It is traditionally assessed based on chronic pain levels. However, sleeping problems that occur as a result of the disease, often brought up and noted at exa- minations, still remain under-assessed and are thus poorly managed. We are mainly interested in the assessment of these sleeping problems, comparing a group of general hos- pital healthcare workers taking part in professional activities and the general public. We have highlighted the existence of significant sleeping problems compared to the reference population, especially the number of hours of sleep achie- ved, the quality of this sleep, whether it is continuous or broken and the number of times the patient woke, and have analysed the consequences, especially with regard to every- day life. It would appear that there are a number of psycho- logical, environmental, especially professional or family, and neurochemical factors that can have an impact on the quality of sleep. Independent of other clinical signs, we are satisfied that therapeutic treatment of sleeping problems, even if they are not specifically related to fibromyalgia, is an important factor in the successful multidisciplinary mana- gement of this disease. To cite this journal: Lett. Méd. Phys. Réadapt. 28 (2012). Keywords Fibromyalgia · Chronic pain · Sleeping problems · Chronic fatigue Introduction La fibromyalgie est une pathologie qui commence à être mieux connue [1]. Parmi le cortège des différents symp- tômes, la présence de troubles du sommeil est classique, mais peu détudes se sont intéressées à leurs fréquences et leurs différentes modalités dapparition ou de répercussion. Aussi nous a-t-il paru intéressant danalyser ces différents paramètres. La stabilisation dun sommeil réparateur est indispensable et sintègre alors dans le reste de la stratégie thérapeutique. Quelques rappels sur la fibromyalgie Touchant jusquà 2 % de la population, la fibromyalgie se présente habituellement avec une prévalence féminine de 3,4 J.-L. Poindessous (*) Service de rééducation fonctionnelle, CHG de Dreux, F-28100 Dreux, France e-mail : [email protected] A. Heron Unité de recherche clinique URC28, université Paris-Descartes, CHG de Dreux, F-28100 Dreux, France Lett. Méd. Phys. Réadapt. (2012) 28:110-115 DOI 10.1007/s11659-011-0292-x

Étude des troubles du sommeil dans la fibromyalgie

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Page 1: Étude des troubles du sommeil dans la fibromyalgie

CAS CLINIQUE / CASE REPORT

Étude des troubles du sommeil dans la fibromyalgie

A study of sleeping problems in patients with fibromyalgia

J.-L. Poindessous · A. Heron

© Springer-Verlag France 2011

Résumé La fibromyalgie est une pathologie qui commence àêtre bien connue. Son évaluation par le biais de la douleurchronique est désormais classique. Par contre, les troublesdu sommeil qu’elle occasionne, plainte souvent retrouvée àl’interrogatoire, restent encore mal évalués, donc par làmême mal pris en charge. Nous nous sommes intéressésprincipalement à l’évaluation de ces troubles du sommeiltout en le comparant à une population de soignants d’unhôpital général en activité professionnelle et à la populationgénérale. Nous mettons en évidence l’existence de troublesdu sommeil significatifs comparativement à cette populationtémoin, notamment le nombre d’heures de sommeil, sa qua-lité, sa continuité et le nombre d’éveils, et nous analysonsquelles en sont les conséquences, notamment dans le vécuau quotidien. Il semble probable que de nombreux facteurspsychologiques, environnementaux, notamment profession-nels ou familiaux ou neurochimiques, vont avoir un impactsur la qualité du sommeil. Nous sommes persuadés que laprise en charge thérapeutique des troubles du sommeil,même s’ils ne sont en rien spécifiques de la fibromyalgie,est indépendamment des autres signes cliniques, un facteurimpératif de réussite de la prise en charge pluridisciplinairede cette pathologie. Pour citer cette revue : Lett. Méd.Phys. Réadapt. 28 (2012).

Mots clés Fibromyalgie · Douleur chronique · Troubles dusommeil · Fatigue chronique

Abstract Fibromyalgia is a disease that is becoming increa-singly more well known. It is traditionally assessed based onchronic pain levels. However, sleeping problems that occuras a result of the disease, often brought up and noted at exa-minations, still remain under-assessed and are thus poorly

managed. We are mainly interested in the assessment ofthese sleeping problems, comparing a group of general hos-pital healthcare workers taking part in professional activitiesand the general public. We have highlighted the existence ofsignificant sleeping problems compared to the referencepopulation, especially the number of hours of sleep achie-ved, the quality of this sleep, whether it is continuous orbroken and the number of times the patient woke, and haveanalysed the consequences, especially with regard to every-day life. It would appear that there are a number of psycho-logical, environmental, especially professional or family,and neurochemical factors that can have an impact on thequality of sleep. Independent of other clinical signs, we aresatisfied that therapeutic treatment of sleeping problems,even if they are not specifically related to fibromyalgia, isan important factor in the successful multidisciplinary mana-gement of this disease. To cite this journal: Lett. Méd.Phys. Réadapt. 28 (2012).

Keywords Fibromyalgia · Chronic pain · Sleepingproblems · Chronic fatigue

Introduction

La fibromyalgie est une pathologie qui commence à êtremieux connue [1]. Parmi le cortège des différents symp-tômes, la présence de troubles du sommeil est classique,mais peu d’études se sont intéressées à leurs fréquences etleurs différentes modalités d’apparition ou de répercussion.Aussi nous a-t-il paru intéressant d’analyser ces différentsparamètres.

La stabilisation d’un sommeil réparateur est indispensableet s’intègre alors dans le reste de la stratégie thérapeutique.

Quelques rappels sur la fibromyalgie

Touchant jusqu’à 2 % de la population, la fibromyalgie seprésente habituellement avec une prévalence féminine de 3,4

J.-L. Poindessous (*)Service de rééducation fonctionnelle, CHG de Dreux, F-28100Dreux, Francee-mail : [email protected]

A. HeronUnité de recherche clinique URC28, université Paris-Descartes,CHG de Dreux, F-28100 Dreux, France

Lett. Méd. Phys. Réadapt. (2012) 28:110-115DOI 10.1007/s11659-011-0292-x

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et 0,5 % chez l’homme. Rare à l’adolescence, l’âge de pré-dilection est entre 30 et 60 ans pour atteindre 7,5 % desfemmes vers 70 ans sans prédisposition sociale ou racialemanifeste.

La multiplicité des termes successivement employés pourla définir témoigne bien des difficultés à l’appréhender :fibrosite, fibromyalgie, repetition motion musculoskeletalproblem, rhumatisme musculaire, myofibrosite interstitielle,SPID…

La définition repose essentiellement sur des critères clini-ques. Il s’agit de douleurs diffuses (sensation de nouure mus-culaire), multiples, inexpliquées et d’une hyperalgie, voireune allodynie se traduisant par la sensibilité à la pressionde points classiques (occiput, rachis cervical bas, trapèze,susépineux, jonction sternocostal, épicondyle, fesse, grandtrochanter, patte-d’oie) intégrés dans une cartographie désor-mais classique. Il s’y associe un cortège de signes fonction-nels variés associant en premier lieu la fatigue, la colopathiefonctionnelle, les troubles psychologiques, les troubles dusommeil, la raideur matinale plus ou moins douloureuse, lamigraine, la céphalée de tension, le syndrome sec, les trou-bles urinaires fonctionnels, l’anxiété… La symptomatologieest exacerbée par le froid, les troubles du sommeil, une acti-vité physique augmentée, le stress, les conflits… [2].

Les hypothèses physiopathologiques restent encore malcernées, faisant intervenir des dérèglements fins des voiesde contrôle de la douleur, tant au niveau des contrôles inhi-biteurs diffus descendants que des différents filtres (médul-laires, substance réticulée, thalamus…). Le métabolisme dela sérotonine serait altéré de même l’axe hypothalamohypo-physaire. Une hypothèse séduisante est donc une sensibili-sation périphérique, amplifiée, généralisée par un dysfonc-tionnement central [3].

Les critères diagnostiques de l’American College of Rhu-matology (ACR) sont relativement simples : douleurs diffu-ses, persistantes, inexpliquées, au niveau d’au moins 11 sur18 des points douloureux.

Les 18 points douloureux.

Occiput : 2

Cervical bas : 2

Trapèze : 2

Susépineux : 2

Jonction sternocostale : 2

Épicondyle : 2

Rachis lombaire : 2

Moyen fessier : 2

Patte-d’oie : 2

Ces différents aspects non spécifiques montrent bien l’em-barras du praticien face à une pathologie aussi déroutante. Onélimine en premier une pathologie organique (endocrinienne,

métabolique, infectieuse, neurologique, rhumatismale inflam-matoire, notamment les connectivites, les myopathies, iatro-géniques médicamenteuse…) ou psychiatrique (dépressionvraie, états psychonévrotiques purs…). Les différents exa-mens complémentaires iconographiques, biologiques, voireanatomopathologiques s’avèrent peu contributifs.

La fibromyalgie se présente alors bien comme un modèlebiopsychosocial.

Il n’est donc guère étonnant dans ces conditions de retrou-ver une répercussion dans des domaines aussi variés quefamilial, professionnel, domestique, ludique ou sportif…avec une discordance entre la banalité des symptômes etl’importance du retentissement subjectif perçu par le patientenvahissant complètement sa personnalité.

La pathologie se présente donc comme possédant toutesles caractéristiques d’une pathologie douloureuse chronique :

• dans ses mécanismes générateurs : excès de stimulationsnociceptives, neurogènes, psychogènes ;

• dans ses comportements observables : moteurs ouverbaux… ;

• avec sa composante affective, émotionnelle ;

• plurifactorielle ;

• dépendante des facteurs aggravants et atténuants…

Il s’agit bien d’une pathologie autonome avec un impactmajeur sur la qualité de vie.

Données du problème

L’expérience de la vie de tous les jours confirmée par denombreuses expériences en clinique montre que la qualitédu sommeil peut interférer sur notre état général et notrefatigue, mais aussi sur la plupart de nos performances qu’el-les soient physiques, mnésiques, comportementales, breftoutes nos activités de la vie quotidienne.

Aussi nous a-t-il paru intéressant d’explorer les caracté-ristiques du sommeil des patients fibromyalgiques et leurretentissement dans leur vie de tous les jours.

Cet aspect est d’autant plus important que les troubles dusommeil sont intégrés dans les critères de diagnostic d’unefibromyalgie et sont le plus souvent sous-estimés tant par lepatient, que par sa famille ou par les soignants.

Les conséquences de ces troubles tout autant que la patho-logie elle-même peuvent être insidieuses, nombreuses etaffecter de manière durable le fonctionnement social, profes-sionnel, familial ou environnemental des patients.

Une analyse des événements pouvant altérer la qualité dusommeil est également intéressante à effectuer. Ainsi, lespathologies annexes surajoutées, notamment les syndromesd’apnées du sommeil, ainsi que des événements ou habitu-des de vie peuvent contribuer à altérer la quantité ou la qua-lité du sommeil nocturne.

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De plus, les troubles du sommeil peuvent affecter les acti-vités de la vie quotidienne tels les inévitables épisodes desomnolences diurnes, mais aussi avoir des répercussionsplus exceptionnelles comme par exemple la survenue d’ac-cidents de la route, d’accidents du travail ou d’accidentsdomestiques.

Dans cette étude, nous avons répertorié les habitudes desommeil de patientes fibromyalgiques et les avons compa-rées à celles de femmes de même tranche d’âge issues de lapopulation générale. Nous avons ensuite relevé les facteursqui peuvent être associés aux troubles du sommeil observéschez les patientes fibromyalgiques.

Méthodologie

Cette étude des troubles du sommeil a été réalisée auprès de69 patientes fibromyalgiques et 67 femmes témoins travail-lant à l’hôpital de Dreux, qui ont accepté de répondre auquestionnaire ci-après (Tableau 1).

Résultats

Les résultats confirment que les patientes fibromyalgiquessouffrent de troubles du sommeil (Figs. 1 à 9).

Les heures de coucher et de réveil ne diffèrent pas decelles observées chez les témoins.

Cependant, la latence de l’endormissement est augmentéeet le nombre de réveils nocturnes beaucoup plus important.Ainsi, la durée totale du sommeil est diminuée. Le réveil estdifficile et douloureux, il est suivi d’une sensation de raideurmatinale qui disparaît avec la mobilisation liée aux activitésdu matin. Les patientes considèrent donc que leur sommeilne leur convient pas et n’est pas réparateur, les malades ontl’impression d’être aussi fatiguées au réveil qu’au momentdu coucher. Nous savons bien que la douleur influe bienévidemment sur le sommeil. Cependant, les patients expri-ment spontanément que le sommeil n’est pas réparateurindépendamment de l’intensité de la douleur.

Les commentaires spontanés des patients sont là aussiparlants. La fatigue est permanente toute la journée et le soirles patientes se sentent encore plus fatiguées même si lesommeil a du mal à venir. Quasiment toutes font état detrouble du sommeil. La nuit n’est pas réparatrice et ponctuéede rêves déstabilisants. Un contexte anxieux est souventretrouvé, notamment avec des soucis sur le plan profession-nel et/ou familial.

Même si les besoins physiologiques de sommeil varienténormément d’un individu à l’autre, il est généralementadmis qu’un individu a besoin en moyenne de sept à huit

Tableau 1 Questionnaire

Quelques renseignements sur vous :

Votre âge : …………....ans

Votre poids : ………….kg

Votre taille : ……m……

Votre sexe : F M

Les médicaments que vous prenez : [dosage/jour]

–……………………………………..[………………/……..…..…]

–……………………………………..[………………/……..…..…]

–……………………………………..[………………/……..…..…]

Actuellement vous travaillez de jour de nuit

Quelques renseignements sur votre sommeil :

À quelle heure vous couchez-vous ? – Existe-t-il plusieurs réveils dans la nuit ? –

Si oui, combien ? –

Prenez-vous quelque chose pour dormir

(médicament, tisanes…) ?

Si oui, quoi ?

Combien de temps se passe-t-il avant de vous

endormir ?

Une fois couché(e), combien de temps mettez-vous

pour vous endormir ?

– Pour vous, le sommeil est-il réparateur ? –

Quelle est l’heure de votre réveil ? – Votre sommeil vous convient-il ? –

Les autres paramètres qu’il vous semble important de signaler sur votre sommeil :

Merci pour votre participation.

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Fig. 1 Récapitulatif et légende patients/témoins

Fig. 2 Heure de coucher des patients et des témoins

Fig. 3 Heure de réveil des patients et des témoins

Fig. 4 Temps d’endormissement et de ré-endormissement des

patients/témoins

Fig. 5 Nombre de réveils nocturnes

Fig. 6 Sensation de sommeil réparateur patient/témoin

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heures de sommeil afin d’être reposé à son réveil. Cepen-dant, le fait d’avoir un sommeil en quantité suffisante ne veutpas pour autant dire qu’il soit perçu comme réparateur.

C’est ainsi qu’une analyse des événements pouvant alté-rer et affecter la qualité du sommeil est nécessaire.

Discussion

Les orientations définitives sur le plan étiologique et physio-logique de la fibromyalgie restent encore mal précisées. De

nombreuses hypothèses séduisantes mettent en cause desperturbations fonctionnelles du système nerveux central,depuis les troubles fins affectant les systèmes de neurotrans-metteurs, les fonctions neuroendocriniennes, immunologi-ques ou le système nerveux végétatif, le tout dans uncontexte de vulnérabilité psychologique.

Les intrications subtiles entre sommeil et fonction neu-roendocrinienne dans la douleur chronique ne sont plus àdémontrer. Il n’est donc pas étonnant que la fibromyalgiene fasse pas exception à la règle puisque le symptôme« trouble du sommeil » fait partie intégrante des argumentsdiagnostiques de la pathologie.

Dans tous les cas, la prise en compte de l’environnement etdu stress de la vie quotidienne du patient fibromyalgique estnécessaire. Ces facteurs interviennent de façon majeure dansla survenue des troubles du sommeil et leur perception [4].

Nos résultats montrent que la fibromyalgie s’accompagnede troubles du sommeil importants en accord avec certainesdonnées de la littérature montrant de nombreuses modifica-tions des habitudes de sommeil chez les patients fibromyal-giques [5]. Celui-ci devient plus fragmenté et moins efficace.On note des plaintes d’insomnies, définies alors commeétant dues à des difficultés d’endormissement, de maintiendu sommeil ou un sentiment de ne pas être reposé au réveil.L’insatisfaction subjective concernant la qualité ou la quan-tité de sommeil a été confirmée par des observations électro-encéphalographiques. Ainsi, on observe durant le sommeillent profond des anomalies dans l’activité des ondes alpha.De même, on retrouve souvent une fragmentation du som-meil entrant bien dans le cadre de la fatigue et d’anomaliespolysomnographiques. Ainsi, la fragmentation du sommeils’observe à la fois pour la macrostructure et la microstructuredu sommeil et une diminution du sommeil lent profond [5].

Le sommeil des patients fibromyalgiques est égalementsouvent perturbé par des impatiences des membres inférieursqui obligent à mobiliser les membres dans le lit et par desapnées du sommeil associées ou non à un ronflement.

Dans ce cadre particulier, il semble possible que les trou-bles du sommeil puissent affecter certaines fonctions péri-phériques et/ou centrales promouvant ainsi l’hyperalgie oul’hypersensibilité ainsi que la fatigue caractéristiques de lafibromyalgie. Cet aspect n’est guère étonnant lorsqu’on serappelle qu’au début des années 1950, des expériencesavaient mis en évidence que la privation de sommeil oudes troubles du sommeil induisaient une symptomatologiesur le tonus postural, les douleurs musculaires et la gestiondes mouvements dans l’espace, le tout dans un contexted’aggravation de stress émotionnel [6].

Ainsi, les troubles du sommeil majeurs observés chez lespatients fibromyalgiques peuvent être à l’origine d’uneaccentuation des symptômes douloureux. Pour traiter lafibromyalgie efficacement, un objectif est donc prioritaire :restaurer la qualité du sommeil. Il semble dans ce cadre bien

Fig. 7 Sensation de sommeil non réparateur patient/témoin

Fig. 8 Perception du sommeil patient/témoin

Fig. 9 Perception du sommeil patient/témoin

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Page 6: Étude des troubles du sommeil dans la fibromyalgie

évident que toute thérapie visant à retrouver un sommeilréparateur et de qualité va contribuer à avoir une action surla pathologie notamment sur la fatigue et les douleurs. Ainsi,quelques études ont montré qu’une restauration du sommeilpouvait améliorer tant les douleurs que la qualité de vie. Lesommeil et sa restauration deviennent un élément importantdans la prise en charge de la fibromyalgie. Différentesoptions peuvent être proposées, notamment une prise encharge médicamenteuse et psychothérapeutique. En effet,les actions sédatives traditionnelles et hypnotiques, notam-ment des benzodiazépines utilisées seules, n’ont pas d’actionmajeure ou de bénéfice spécifique. Par contre, une prise encharge par inhibiteur de recapture de la sérotonine ou del’adrénaline (duloxétine, milnacipran), ou des anticonvulsi-vants (prégabaline) semble avoir une action plus globale etagit notamment sur la qualité réparatrice du sommeil [7]. Demême, la gestion du stress par des techniques type relaxa-tion/sophrologie prend dans cette pathologie tout son intérêt.

Il faut par ailleurs aussi prendre en charge les impatiencesdes membres inférieurs, qui sont fréquentes la nuit, et lesapnées du sommeil qui peuvent bénéficier d’un appareillage.

Conclusion

Les soignants confrontés à la fibromyalgie sont tousconscients des incertitudes sur les mécanismes physio-pathologiques et les effets inconstants des orientationsthérapeutiques.

Les troubles du sommeil dans la fibromyalgie sont certesnon spécifiques, mais fréquents et gênants pour le patient.Cette fréquence irait ainsi plutôt en faveur d’une origine cen-trale de la maladie.

La plupart des patients se plaignent d’un sommeil léger,interrompu par de nombreux éveils, une difficulté de réen-dormissement. Le sommeil est vécu comme non réparateur.

Une approche permettant de mieux appréhender les trou-bles du sommeil et ses interactions avec les autres symp-tômes, notamment neuroendocriniens et neurophysio-logiques, permet de mieux cerner la pathologie. Noussommes intimement persuadés qu’une prise en charge théra-peutique globale, multidisciplinaire et cohérente de cetaspect du sommeil doit permettre d’améliorer la qualité devie des patients fibromyalgiques.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir deconflit d’intérêt.

Références

1. Le Goff P, Poindessous JL, Picard P, Gross M (2011) 100 ques-tions sur la fibromyalgie, 50p

2. Poindessous JL (2007) Évaluation de l’incapacité fonctionnelle etdes différentes vulnérabilités du patient fibromyalgique. Lett MedPhys Readapt 24:78–89

3. Poindessous JL, Menegoz JD, Stanek M (2000) La fibromyalgie.Le Concours Médical 122:249–53

4. Moldofsky H (2009) The significance of dysfunctions of the slee-ping/waking brain to the pathogenesis and treatment of fibromyal-gia syndrome. Rheum Dis Clin North Am 35:275–83

5. Dauvilliers Y, Touchon J (2003) Douleur musculosquelettique,fibromyalgie et sommeil. Doul Analg 2:117–24

6. Martin S, Chandran A, Zografos L, Zlateva G (2009) Evaluationof the impact of fibromyalgia on patients’ sleep and the contentvalidity of two sleep scales. Health Qual Life Outcomes 7:64

7. Russell IJ, Crofford LJ, Leon T, et al (2009) The effects of prega-balin on sleep disturbance symptoms among individuals withfibromyalgia syndrome. Sleep Med 10:604–10

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