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I ~ T U D E D U M t ~ C A N I S M E D E L ' H Y P O T E N S I O N O C U L A I R E
P R O V O Q U s P A R L ' A D R t ~ N A L I N E
par
R. WEEKERS, J. GRIETEN, J. COLLIGNON & M. DEMARET
LiOge
En 1923, HAMBURGER a montr6 que l'instillation d'un collyre contenant
2 % d'adr6naline 16vogyre abaisse la pression oculaire dans le glaucome ?~
angle ouvert et que ce collyre peut ~tre utilis6 fi des fins th6rapeutiques.
Ce traitement est formellement contr'indiqu6 dans le glaucome ~t angle
fermfi car la mydriase adr6nalinique peut provoquer une crise hypertensive
en accolant l'iris ~ la corn6e.
Le traitement de l 'hypertension oculaire par l 'adr6naline a connu des
fortunes diverses selon les @oques et selon les pays. I1 est tomb6 plus ou
moins dans l 'oubli dans les ann6es qui ont suivi les travaux de HAMBURGER
car beaucoup d'ophtalmologistes craignaient d'instiller un mydriatique dans
un glaucome congestif qui aurait 6t6 diagnostiqu6 ~ tort comme glaucome
angle ouvert. La gonioscopie, puis, plus r6cemment, la mesure de la pro-
fondeur de la chambre ant6rieure, en facilitant le diagnostic diff6rentiel
entre ces deux affections, permettent d'~viter cette erreur et ont rendu
l 'adr6naline la place qu'elle m6rite dans le traitement de l 'hypertension
oculaire.
De 1930 ?~ 1950, l 'adrdnaline a 6t6 plus employde en Europe qu'en
Am6rique tandis que depuis dix ans approximativement, cette amine connait
une vogue croissante aux Etats-Unis.
Le traitement du glaucome ~t angle ouvert par l 'adr6naline pose une sdrie
de probl~mes qui ont une importance pratique et qui ne sont pas r6solus.
1. On ne connait pas le m6canisme de l'intol6rance cutan~e qui se
manifeste fr6quemment apr6s plusieurs mois de traitement et qui oblige
parfois ~ interrompre la th6rapeutique.
2. La parfaite innocuit6 de ce traitement n'est pas d6montr6e: personnelle-
ment, nous craignons que la progression de certains d6ficits visuels glauco-
mateux que l 'on observe parfois malgr6 une stricte normalisation de l 'ophtal-
176 R. WEEKERS, J. GRIETEN, J. COLLIGNON & M. DEMARET
motonus ne r~sulte d'une isch~mie de la r&ine ou du neff optique. Cette
crainte nous a amen6 ~ chereher, depuis plusieurs ann&s d6j?~, une amine
sympathicomim&ique qui aurait perdu son action vasoconstrictrice tout en
conservant cependant son action hypotensive (WEEYd~RS et coll., 1955;
GILSON, 1961; WEEKERS et coll., 1961).
3. OOLI)MANN (1951) a d6cel6 clans un cas examin6 avec sa m&hode
fluorom&rique une diminution du d6bit de l 'humeur aqueuse sous l 'effet du
glaucosan.
En 1954, en mesurant la r&istance ~t l '&oulement de l 'humeur aqueuse
au moyen de la tonographie, WEEKERS, PRLIOT & GUSTIN concluent que
l 'hypotension adr~nalinique r&ulte essentiellement d'une diminution du
d6bit de l 'humeur aqueuse. Ces auteurs ne d&81ent, en effet, aucune modi-
fication de la r&istance ~i l '&oulement de l 'humeur aqueuse au moment de
la chute tensionnelle lorsque l 'hypertension existant avant le traitement est
mod~r& mais observent toutefois une r~duction simultan~e du d~bit et de la
r6sistance chez les glaucomateux pr&entant une forte hypertension.
En 1958, BECKER & LEu attribuent 6galement l 'effet tensionnel de l 'adr&
naline dans le glaucome ~i angle ouvert :~t une diminution du d6bit de
l 'humeur aqueuse sans modification de la r&istance ~ l '&oulement. Cepen-
dant, en 1959, GARNER, JOHNSTONE, BALLNNTINE ~ CAROLL signalent
l 'existence d'une diminution de la r&istance dans un certain nombre de cas
trait6s depuis plusieurs mois par l'adr6naline. Ce f a r est confirm~ par
BECKER, PETIT & GAY en 1961.
En 1961, PR~JOT d6c61e, m4me chez le sujet normal, une action double
de l'adr6naline, r6duction du d6bit aqueux et diminution de la r&istance
l'6coulement.
La pr6sente note est consacr4e h l'6tude du m&anisme de l 'hypotension
adr6nalinique.
Rt~SULTATS
Le graphique 1 illustre les effets tensionnels moyens obtenus chez 8 sujets
normaux apr~s instillation de 2 gouttes de Nov~sine 5 0,2 % (Wander),
puis de 2 gouttes d'adr6naline ~t 2 %. L'hypotension est tr~s accus& apr&
6-8 heures, elle diminue apr& 24 heures et tend ~ disparaltre au eours du
deuxi~me ou du troisi~me jour.
L'&ude tonographique de ce ph6nom~ne a fit6 faite dans les conditions
suivantes. La tension oculaire est mesurfie aux deux yeux, le collyre
HYPOTENSION OCULAIRE PROVOQUEE PAR L'ADRI~NALINE
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!1 \
177
o i i ~ 2Z 4'8 7i Heures
GRAPHIQUE I
Hypotension oculaire moyenne obtenue chez 8 sujets normaux aprOs instillation de 2
gouttes d'adrdnaline ldvogyre h 2 %
La z6ro de l'ordonnde correspond au niveau de la pression oculaire initiale avant
l'instillation du collyre.
TABLEAU I
Etude tonomdtrique et tonographique de l'hypotension adr6nalinique
Contr61e Adr6naline
Mn. Moy. Max. Mn. Moy. Max.
Poc (mm Hg) 12.20 15.80 17.30 ~ 8.20 11.00 12.80 Rdsistance 2.03 3.52 5.71 ~ ~ ~, 2.53 3,34 5.02 Pec (mm Hg) 6.80 ,~ x: ,'~ oo r 2.00 D~bit (mmc/min.) 1.93 < ~ ~ 0.60
Poc (mm Hg) 13.90 15.80 18.10 ~ 7.80 13.70 17.30 R6sistance 2.40 3.65 5.61 ,~ ~ 2.12 3,59 5.40 Pec (ram Hg) 6.80 ~ x: (',1 4,70 D6bit (mmc/min.) 1.86 < "~ 75 1.31
(Pour le calcul de Pec, on attribue ~, Pv une valeur de 9 mm Hg)
178 R. WEEKERS~ J. GRIETEN, J. COLLIGNON & M. DEMARET
l 'adr6naline est instill6 dans l'oeil droit imm6diatement apr~s la tonom6trie
sans renouveler l 'instillation d'anesth6sique. Dans un premier groupe de
6 sujets, la seconde tonomftrie et la tonographie sont faites 6 ~t 8 heures
apr~s l 'instillation d'adrfinaline. Dans la moiti6 de ces cas, la tonographie
est pratiqu6e d 'abord ~t l 'oeil droit qui a regu le collyre, puis fi l 'oeil gauche
qui sert de contr61e; dans l 'autre moiti6 des cas, la tonographie est faite ?a
l'oeil gauche d'abord, ~t l'oeil droit ensuite. Dans un second groupe de 12
sujets, ces mesures sont faites de la m~me fagon, 24 heures apr~s l'instillation
d'adr6naline.
Le tableau I montre que chez le sujet normal, dans les conditions exp6ri-
mentales d6crites, l 'hypotension adr6nalinique est due, exclusivement, ~t une
r6duction du d6bit aqueux. La tonographie ne d6cgle, en effet, ?~ aucun
moment de modification de la r~sistance ~ l '6coulement de l 'humeur aqueuse.
Le tableau II groupe les dosages des prot6ines totales dans l 'humeur
aqueuse obtenu par ponction de la chambre ant6rieure et d6montre que le
TABLEAU II
Dosage des protgines totales de l'humeur aqueuse pendant l'hypotension adr6nalinique
Nombre Poc (ram Hg) Protdines humeur aqueuse (mgr ~o)
de 24 heures Avant Apr6s cas avant apr6s
Mn. Moy. Max. Mn. Moy. Max.
13 15.9 12.6 31.0 42.9 70.5 29.2 44.1 74.5
taux de celles-ci est normal 24 heures apr~s l'instillation du collyre ~t un
moment o~ l 'effet tensionnel est encore tr~s accus&
DISCUSSION
La pression oculaire r~sulte de trois facteurs: a. le d~bit de l 'humeur
aqueuse, b. la r~sistance ~, son ~coulement, c. la pression sanguine dans les
veines laminaires ~ la jonction de la veine aqueuse et de la veine sanguine
Po = (D • R) + Pv
HYPOTENSION OCULAIRE PROVOQUI~E PAR L'ADRI~NALINE 179
Une hypotension oculaire durable comme celle qui r~sulte de l'instillation
d'adr~naline ne peut ~tre que la cons6quence d'une modification d'un de
ces trois facteurs: diminution du d~bit, abaissement de la r~sistance fi
l'6coulement de l 'humeur aqueuse ou diminution de la pression veineuse.
Dans les minutes qui suivent l'instillation d'adr~naline, la vasoconstriction
modifie l'irrigation conjonctivale. La circulation sanguine se ralentit ou
s'arr~te, il en r6sulte que des veines laminaires deviennent des veines
aqueuses (WEEKE~S & ]~ILIJOT, 1950). Cependant ces phfnom~nes sont
fugaces, ils ne durent que quelques minutes. Une heure apr~s, les circula-
tions conjonctivales, aqueuse et sanguine, ont repris l'aspect qu'elles avaient
avant l'instillation. L'hypotension adr~nalinique qui dure un, deux et parfois
trois jours ne peut donc pas r6sulter d'une modification de la pression
veineuse conjonctivale.
Par exclusion de ce facteur, l'hypotension doit donc ~tre attribute, soit
une diminution du dgbit de l 'humeur aqueuse, soit :~t une r6duction de la
r6sistance ~ son 6coulement. Nous avons vu ant&ieurement que tous les
auteurs s'accordent pour admettre l'existence d'une diminution du d6bit
mais que quelqu'uns d'entre eux ont d6eel6, dans certaines conditions, une
diminution simultan6e de la r6sistance ~t l'6coulement.
Le tableau I tend /t faire admettre que chez le sujet normal et dans des
conditions exp6rimentales 6vitant la r6p~tition de mesures tonographiques
susceptible de perturber les fonctions de formation et d'6limination de
l 'humeur aqueuse, l'hypotension adr6nalinique r~sulte exclusivement d'une
r6duction du d6bit de l 'humeur aqueuse. Nous n'avons d6cel6 de modifica-
tion de la r6sistance ni au moment de l'hypotension maximum, 6 ~ 8 heures
apr~s l'instillation, ni plus tard.
I1 en est autrement chez le sujet glaucomateux dont l'ophtalmotonus est
tr~s 61ev6, la tonographie peut alors d~celer une r~duction du d6bit et de la
r6sistance (WEEKERS, PRIJOT & GUSTIN, 1954; G~d~r-J~, JOHNSON, BALLANTINE
& CAROLL, 1959; BECKERS, PETIT & GAY, 1961). I1 semble cependant que
dans ces cas, comme chez le sujet normal, le mode d'action primitif de
l'adr6naline est la r6duction du d6bit et que la r6duction de la r6sistance
n'est que secondaire ~t la chute de l'ophtalmotonus cons6cutive au ralentisse-
ment de la secr6tion aqueuse. I1 est, en effet, d6montr6 que l'hypertension
est susceptible d'accrMtre la rdsistance ~ l'6coulement probablement par
compression du trabeculum (WATILbON, PRIJOT & WEEKERS, 1954; ARMALY,
1960; NrH~D, 1962).
180 R. WEEKERS, J. GRIETEN, J. COLLIGNON & M. DEMARET
Le mdcanisrne de la rdductfon du ddbit aqueux demeure obscur. L'hypo- thhse d'une isch6mie passag6re du corps ciliaire au moment de la phase de
vasoconstriction n'est pas fond4e: plusieurs amines sympathicomim6tiques
d4pourvues de toute action vasoconstrictrice et, par ailleurs, de toute action
mydriatique, poss~dent encore la propri&6 de r4duire l'ophtalmotonus. C'est
le cas de trois diphdnoIs, ti savoir:
a. l'aleudrine (D.L.1 (3,4, di-hydroxyphenyl 1 hydroxy 2 isopropylaminoe-
thane) (WEEKERS et coll., 1955 et 1956);
b. le D.L.1 (3,4, di-hydroxyphenyl) 1 hydroxy 2 propylaminoethane)
WEEKERS & COLLmNO~, r&ultats non publi6s);
c. le D.L. 1 (3,4, di-hydroxyphenyl) 1 hydroxy 2 butylaminoethane (WEEKERS
& COLLmNON, r6sultats non publi4s)
et d'un monophdnol: l'isopropylnoradrianol (D.L.1 (3 hydroxyphenyl
1 hydroxy 2 isopropylarninoethane) (~ILSON, 1961; WEEKERS, aILSON &
PRIJOT, 1961).
D'autre part, le tableau II montre que l'effet tensionnel de l'adr6naline ne
dolt pas &re attribu6 h une vasodilatation tardive et secondaire qui aurait
pu passer cliniquement inaper~ue. En effet, 24 heures apr6s l'installation,
alors que les effets tensionnels sont encore tr& accus&, la perm4abilit6 de
la barri~re h4mato-oculaire est inchang~e ainsi qu'en t6moigne l'absence de
route 416ration de la teneur en prot6ines totales de l 'humeur aqueuse.
CONCLUSIONS
L'instillation d'un collyre ?~ l'adr6naline 14vogyre ?~ 2 % provoque, chez le su)et normal, une hypotension oeulaire qui atteint son maximum apr&
quelques heures et perdure pendant deux ~ trois )ours.
La tonographie montre que l'hypotension est due ?~ une r4duetion du
d6bit de l 'humeur aqueuse. Dans les conditions exp~rimentales d&rites, il
n'existe, en effet, aucune r6duction coneomitante de la r&istance ~t l '&oule-
ment de l 'humeur aqueuse. L'6tude biomicroscopique de la conjonctive permet d'exclure le rgle 6ventuel d'un abaissement de la pression sanguine
dans les veines laminaires.
* Ces produits ont 6t6 aimablement mis h notre disposition par la firme C. H. Boeh-
ringer, Sohn, Ingelheim a. Rhein.
HYPOTENSION OCULAIRE PROVOQUI~E PAR L'ADRI~NALINE 181
L'6tude comparative des effets tensionnels de plusieurs amines sympathi-
comiln6tiques d6montre que la r6duction du d~bit provoqu6 par l'adr6naline
n'est pas cons6cutive ~t la vasoconstriction car plusieurs substances d6riv~es
de l'adr~naline abaissent l'ophtalmotonus bien qu'elles aient perdu leurs
propri~t6s vascoconstrictrices.
Le dosage des prot6ines totales de l'humeur aqueuse obtenue par ponction
au cours de la phase d'hypotension permet enfin d'exclure l'hypoth~se d'une
altfiration de la perm6abilit~ h6mato-oculaire.
SUMMARY
The instillation in the eye of a 2 % left isomer adrenalin solution, in normal
subjects, is followed by hypotension which reaches its maximum after a
few hours and lasts for two or three days.
The tonography indicates that hypotension is due to a decrease of aqueous
flow. Under the described experimental conditions, there is indeed no
accompanying decrease of the resistance to the aqneous flow. The bio-
microscopic study of the conjunctiva enables to exclude the part possibly
played by a fall of blood pressure in the laminar veins.
The comparative study of the tensional effects of several sympatho-
mimetic amines demonstrates that the decrease of the flow due to adrenalin
is not subsequent to vaso-constriction, for various substances derived from
adrenalin lower the ophthalmotonus in spite of having lost their vaso-
constrictor effects.
The measurement of the total proteins in the aqueous humour obtained
by puncture during hypotension allows lastly to exclude the hypothesis of a
change in the haemato-ocular permeability.
ZUSAMMENFASSUNG
Instillation von 2 % Links-Adrenalinl6sung in das Auge normaler Personen
ist von einer Drucksenkung gefolgt, die ihr Maximum einige Stunden
nachher erreicht und far 2-3 Tage andauert.
Die Tonographie zeigt, dab diese Hypotonie dureh Abnahme des Minu-
tenvolumens verursacht ist. Unter den beschriebenen Versuchsbedingungen
liif3t sich keine gleichzeitige Abnahme des Widerstandes nachweisen. Die biomikroskopische Untersuchung der Conjunctivalgefiige gibt keinen An- haltspunkt far die Annahme eines Absinkens des Druckes in den laminiiren Venen.
182 R. W E E K E R S ~ J. G R I E T E N , J. C O L L I G N O N & M. D E M A R E T
Vergleichende Studien fiber den drucksenkenden Effek t verschiedener
sympatho-mimet ischer Amine zeigen, dab die durch Adrenal in bewirkte
Abnahme des Minutenvolumens nicht die Folge der Vasokonstr ikt ion ist;
denn die verschiedenen geprfiften Abk6mml inge des Adrenal ins senken den
Augendruck, t ro tzdem sie ihre vasokonstr iktorische Wirkung verloren haben.
Messungen des totalen Proteingehaltes des Kammerwassers wiihrend der
Phase der Drucksenkung lassen auch die Hypothese einer Ver~inderung der
Durchliissigkeit der Blutkammerwasserschranke als Ursache der Druck-
senkung ausschlieBen.
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