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Services à la personneEvolutions, organisation et conditions de travail

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MAI 2008

Services à la personneEvolutions, organisation et conditions de travail

Frédér ic Dumal inNadia Rahou(Coord inat ion)

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Avec le soutien du Fonds social européen

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TABLE DESMATIÈRES TABLEDESMATIÈRES

Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 4

1 - Histoire et actualité des services aux personnes, une perspective internationale . . p. 6Jean Louis Laville, sociologue, chaire relation de service au CNAM Paris

2 - Mutations des services à la personne et enjeux qualitatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 15Patrick Haddad, économiste, Germe - Université Paris 7

3 - Les freins à l’embauche et l’amélioration des conditions de travail dans le secteur de l’aide à domicile - Synthèse de l’étude DGAS / ANACT . . . . . . . . p. 27

Anne-Marie Nicot et Farida Yahiaoui, chargées de mission ANACT

4 - Professionnalisation et organisation du travail dans les services à la personne . . . . p. 39Annie Dussuet, sociologue, Université de Nantes - GTM - CNRS

5 - Services à la personne, regard sur plusieurs interventions réalisées par le réseau ANACT depuis 2003 - étude de capitalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 49

Luc Robuschi, chargé de mission ACTAL

6 - Intervenir dans les structures des services à la personne, une approche globale par la méthode CQDIS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 78

Frédéric Dumalin, chargé de mission ANACT

Repères bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 97

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Depuis la fin des années 90, les chargés de mission du réseau ANACT sont intervenus dans de nom-breuses structures du secteur de l’aide à domicile et, plus largement aujourd’hui, des services à lapersonne.

Cette expérience a alimenté le rapport produit en 2002 pour la DGAS (Direction générale desaffaires sociales), sur « les freins à l’embauche et l’amélioration des conditions de travail ».

Depuis cette publication importante, le secteur a évolué : une forte croissance de l’activité, des struc-tures et de l’emploi. Deux lois ont participé à modeler profondément le secteur : la loi de janvier 2002et celle de juillet 2005. Les partenaires sociaux ont produit des textes conventionnels, dont celui surla modulation qui modifie actuellement significativement les organisations, l’organisation du tempsde travail, les modalités de réalisation des services, les données économiques et sociales des struc-tures du secteur, avec des effets qui restent à mesurer en matière de conditions de travail.

Quels sont les effets de ces évolutions sur le travail, son organisation et les conditions de sa réa-lisation pour les structures et les salarié(e)s du secteur des services à la personne ? Tel est lethème du séminaire organisé par l’ANACT fin 2007, associant des intervenants du réseau ANACT etdes chercheurs.

Partant du rapport produit par l’ANACT en 2002 pour la DGAS, les participants se sont intéressés auxévolutions et à la structuration progressive du secteur des services à la personne en France mais aussien Europe. Les effets économiques et leurs liens avec les enjeux en matière de conditions de travail,ainsi que la question centrale de la professionnalisation des salariés et des structures, ont été abor-dés. La présentation d’une étude de capitalisation réalisée à partir des interventions du réseau ANACTa nourri des échanges permettant de croiser les résultats des travaux de recherche et ceux produitspar l’intervention en entreprise. Elle introduit l’intérêt d’une méthode d’intervention, le CQDIS (pourCoûts, Qualité, Délais, Innovations et aspects Sociaux), adaptée au secteur et permettant uneapproche globale des problématiques contemporaines des structures des services à la personne.

L’ensemble de ces travaux fait l’objet de la présente publication et ouvre de nouvelles pistes à inves-tiguer, notamment à travers :• des interventions en cours dans le cadre de la mise en route du dispositif Thetis conçu à la deman-

de de l’ANSP pour l’accompagnement des OASP (Organismes Agréés des Services à la Personne) pouragir sur l’organisation, l’amélioration des conditions de travail et la qualité des services rendus ;

• des interventions en cours dans le cadre d’une convention avec l’UNA (Union nationale de l’aide,des soins et des services aux domiciles) ;

• de la poursuite des échanges avec le monde de la recherche et en particulier avec la chaire « rela-tion de service » du CNAM.

L’issue de ce séminaire plusieurs problématiques corrélées ont été identifiées. Esquissées ci-après,elles méritent des travaux complémentaires vers la production de connaissances à destination del’ensemble des acteurs du secteur des services à la personne.

■ Evolutions du secteur et impacts potentiels sur la relation de service Les deux dimensions, services et relation, se posent en des termes spécifiques dans le secteur desservices à la personne. Dans un contexte souvent décrit comme plus concurrentiel, les questionsinhérentes à la co-conception, la co-définition, la co-réalisation, voire la co-évaluation des activitésde service se posent en des termes uniques. Ces termes renvoient à des questions posées en matiè-

IntroductionFrédéric Dumalin

Nadia RahouChargés de mission ANACT

Département Changements Technologiques et Organisationnels

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re d’équilibre entre offre et demande, de modalités organisationnelles à retenir, et de leur cohéren-ce avec le projet social de la structure.

■ Des dimensions institutionnelles qui influent sur les modes de régulation De très nombreuses règles formelles et informelles structurent le secteur et sont des constructionsinstitutionnelles qui influent sur les modes de régulation. Le regard doit se porter sur plusieursdimensions : lieu de travail, collectif de travail, structure, territoires (commune, bassins de vie, dépar-tement, région, national), réseaux institutionnels, branche professionnelle, le secteur dans sa nou-velle configuration... Les acteurs sont nombreux à produire ou participer à ce processus de produc-tion de règles. Quels effets sont générés par ces réalités sur les conditions de la réalisation des acti-vités de travail, la qualité des services rendus, l’efficacité économique et sociale des structures dusecteur ?

■ Qualité, de quoi parlons nous ?La qualité est une dimension mentionnée par de nombreux acteurs du secteur : usagers/bénéficiaires/clients, salariés, familles, structures, financeurs, autres acteurs institutionnels. Quelledéfinition est donnée d’un service de qualité par ces différents acteurs ?Leurs représentations sont-elles complémentaires, distinctes, contradictoires, exclusives ?En complément, des questions émergent : quelle distinction entre qualité de l’offre et qualité du ser-vice rendu ? Quel rapport entre certification et qualité ? Quelle place du client/bénéficiaire/usager dans la définition de la qualité de service ? Celle des salariés ? Quels effets économiques etsociaux d’une démarche de certification ? Quels référentiels pour tenir compte des enjeux des dif-férents acteurs ? Conçus comment ? Par qui ? Pourquoi ?

■ Chaîne de valeurs, Organisation de la production et du travail La réflexion porte sur la chaîne de production du service, la chaîne des activités concourrant à la réa-lisation du service. Si des standards théoriques sont observables, des diversités marquent les réalitésdes structures du secteur. Ces diversités tiennent-elles au projet de la structure ? À son régime juri-dique ? aux différents prescripteurs réels en présence ? À la nature des services produits ? À des réa-lités historiques, culturelles ou territoriales ? Comment la chaîne de valeur discute-t-elle avec lesvaleurs affichées par la structure pour constituer une « chaîne des valeurs » ? Ces organisations dis-tinctes de la production et du travail ont-elles des effets significatifs (et lesquels) sur la qualité desservices et des conditions de travail, sur la professionnalisation des salariés et des structures ?

■ Professionnalisation, compétences, identité professionnelle Les évolutions en cours impactent les compétences mises en œuvre et les identités professionnelles.Les effets sur celles-ci sont-ils homogènes ? Sinon, comment tirer les enseignements des différencesobservées ? Comment ces effets participent-ils ou non à la professionnalisation des salariés, des struc-tures, du secteur des services à la personne ? Quelle corrélation avec la définition du service, en par-ticulier le lien entre le projet de la structure et le projet organisationnel ? Quels effets sur la défini-tion du/des métier(s) ? Quels effets en matière de conditions de travail dans leurs multiples dimen-sions ?

Loin de se limiter à l’analyse des éléments disponibles, les réflexions présentées lors du séminaireorganisé fin 2007 ouvrent donc le chemin vers de nouveaux travaux. L’ANACT contribue avec d’autresà l’animation du travail de capitalisation et de transfert des résultats des nombreuses interventions encours ou en projet dans les structures des services à la personne. C’est l’un des enjeux du programmeThetis animé en partenariat avec l’ANSP. Le réseau ANACT souhaite donc participer au mouvementpermettant que ces éléments rencontrent les résultats des travaux des chercheurs investis sur ce sec-teur. L’enjeu est par conséquent que cet ensemble soit rendu disponible, accessible et utile aux diffé-rents acteurs du secteur des services à la personne pour pouvoir agir sur l’organisation, l’améliorationdes conditions de travail, la performance économique et sociale des structures du secteur.

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Historiquement les soins apportés aux enfants, personnes âgées, ou malades relèvent d’un travail« entrepris par affection ou par sens des responsabilités envers autrui, sans en attendre de rétribu-tion financière immédiate » (Folbre, 1997, p. 139). A titre principal, ce travail a été accompli par lesfemmes, et les problèmes de dépendance, dus par exemple à l’âge, étaient supposés relever de leurresponsabilité au sein de la sphère privée, ce qui avait pour contrepartie de restreindre leur partici-pation à la sphère publique et leur accès à la citoyenneté (Pateman, 1988). Les « Trente Glorieuses »modifient largement la situation dans ce domaine. Avec la constitution de l’État-providence, cestâches ne sont plus seulement déléguées aux femmes dans la sphère privée, mais font l’objet d’unereconnaissance lente et progressive favorisée par des initiatives associatives. Définies comme desservices sociaux, ces activités de soin à autrui sont en partie externalisées : en faisant l’objet de poli-tiques et financements publics, ils deviennent une responsabilité collective et ne sont plus du res-sort de la seule famille.

Mais les services aux personnes, ainsi considérés jusque dans les années 1960, comme des servicessociaux changent de statut à partir de la décennie 1970. C’est l’apparition de la thématique des ser-vices de proximité. À cela trois raisons principales.

La première est socio-démographique. Qu’il s’agisse du vieillissement de la population ou de la pro-gression de l’activité féminine, des tendances de fond remettent en cause le mode de vie qui s’étaitimposé pendant la période d’après-guerre. Par exemple, en dépit d’inégalités persistantes entrehommes et femmes, l’expansion du travail féminin1 a bousculé un peu partout en Europe la façon deconsommer et de vivre en famille. De même l’augmentation de la proportion des ménages à une per-sonne2, l’accroissement du nombre de familles monoparentales3 et la place nouvelle du troisièmeâge4 ont des impacts directs en matière de services. Les demandes s’intensifient pour les services de« soins » et se diversifient à travers une nouvelle vague d’externalisation concernant des servicesexercés au domicile des personnes (ménage, repassage, préparation ou livraison de repas, mainte-nance, petit entretien, jardinage…).

La deuxième raison est socio-politique. Elle tient à ce qui a été désigné comme « crise de l’État-providence » (Rosanvallon, 1981). Cette « crise » se nourrit d’insatisfactions multiples engendréespar le déficit d’implication pour les usagers et la standardisation des services jugée excessive dansles années 1970. Se fait jour une exigence nouvelle : celle d’une plus grande « qualité » de vie. Ils’agit autrement dit, selon une expression de Roustang, de « substituer une politique du mode devie à une politique du niveau de vie », de prendre en compte les volontés de participation dansles différentes sphères de la vie sociale, de se soucier davantage des rapports entre les sexes etles âges.

Histoire et actualité des servicesaux personnesUne perspective internationale

Jean-Louis LavilleSociologue

Chaire Relation de service au CNAM Paris

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1 - Si la Suède se situe au premier rang des pays européens avec un taux d’activité féminine de plus de 75 % pour les femmesâgées de 16 à 64 ans, ce taux a atteint, en Europe, une moyenne de 44 % en 1992 contre 22 % en 1960 et 30 % en 1980. EnFrance, ce taux est de 78,7 % en 1998 pour les femmes de 25 à 49 ans.

2 - 24 % en 1991 contre 16 % en 1971 pour la France.

3 - Entre 1981 et 1991, la part de ces familles dans le total des familles ayant des enfants de moins de 15 ans est passée de9,4 % à 15,4 % en Allemagne, de 8,3 % à 10,3 % en France et de 13,7 % à 19 % au Royaume-Uni (Sauviat, 1996).

4 - En Europe, on compte en 1993 19,7 % personnes âgées de plus de 60 ans et 12 millions d’entre elles ont plus de 80 ans(Laville, Gardin, 1997).

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La troisième raison est socio-économique. Ces services peuvent être créateurs d’emplois. Avec lamontée du chômage, elle va prendre une importance grandissante à tel point qu’elle va faire oublierla précédente. En effet, devant l’ampleur des « besoins non satisfaits » et malgré les difficultés d’es-timation, nombre d’études convergent pour reconnaître l’existence d’un gisement potentiel d’em-plois dans les services aux personnes. A titre d’illustration, il a été estimé qu’une extension des offresde service à une fraction supplémentaire de 10 % des jeunes enfants au sein de l’Union européenne,se traduirait par la création de 415 000 emplois, voire même 625 000 si l’on inclut les emploisannexes (Moss, 1990). Dans un cadre de sous-emploi structurel, l’intérêt porté à ces services par lespouvoirs publics est dès lors croissant. La terminologie de services de proximité qui se répand dansles années 1980 est d’ailleurs souvent confondue avec les emplois de proximité.

Mais le souci de l’emploi ne saurait occulter d’autres questions soulevées par ces services. Des choiximplicites ou explicites sont en jeu.• faut-il consacrer les moyens que la collectivité publique affecte à des services « de confort », des-

tinés à des clientèles aux revenus élevés suivant le principe selon lequel « la dispersion des reve-nus favorise l’emploi »5, ou convient-il de favoriser plutôt des services de « base » largement acces-sibles ? Dans la première option, les services de proximité peuvent être à la source de nouvellesinégalités, dans la seconde option ils peuvent être un levier pour diminuer les inégalités et renfor-cer le lien social : pour simplifier, c’est toute la différence entre la priorité donnée au financementdes emplois pour des ménages aisés et celle qui serait accordée à des services collectifs admettantles enfants de familles défavorisées ;

• faut-il considérer ces services qui interfèrent avec la sphère privée des usagers comme des ser-vices s’exerçant par nature au domicile des consommateurs ou envisager plusieurs modes deconception et de fonctionnement, y compris ceux qui intègrent l’usager comme véritable partieprenante du service en tant que citoyen ? Une stratégie consumériste peut de ce point de vuecontraster avec une stratégie qui convertit ces services en une opportunité pour développer denouvelles formes de participation et d’expression citoyenne liées à la résolution de problèmes dela vie quotidienne ;

• faut-il créer des emplois dans ces services en constituant insensiblement, sous prétexte d’insertion,un second marché du travail fait d’emplois précaires à temps partiel, aux statuts dévalorisés et peuprotégés ou admettre que l’avènement d’un secteur économique passe par la reconnaissance d’em-plois de droit commun durables et professionnalisés ? C’est l’enjeu, au-delà du volume d’emplois,de leur nature et de leur statut, auquel les syndicalistes sont, à juste titre tout spécialement sen-sibles. Sans compter que la plus ou moins grande légitimité des emplois n’est pas sans effet sur ladivision sexuelle des tâches dans le couple, faisant de ces activités soit des tâches relevant de qua-lités féminines « naturelles » ou « innées » soit des tâches pouvant faire l’objet d’apprentissagesprofessionnels, et en cela plus valorisées socialement.

Le débat sur l’emploi est donc à inscrire dans une réflexion plus large incluant les thèmes de l’égali-té devant les services, du lien social, de la répartition entre espaces privé et public et de la profes-sionnalisation.

Afin de mieux saisir les enjeux sous-jacents au développement des services aux personnes, il impor-te donc de récapituler le passage des services sociaux aux services de proximité.

Des services sociaux aux services de proximité

L’analyse comparative des régimes d’État-providence permet de situer la mise en place des servicessociaux après la seconde guerre mondiale.

A cette période, les services aux personnes ouvrent droit à financement par des ressources émanantde la redistribution. Ils sont considérés comme s’inscrivant dans des politiques sociales alimentéespar l’impôt ou les ressources de la sécurité sociale. L’État établit des règles concernant les profes-sions des salariés qui y travaillent et les modalités de prestation de service. A des rapports de travail« fordistes » qui éliminent la participation des employés et gomment la dimension personnalisée des

5 - Ce qu’exprime clairement le dossier sur l’emploi du ministère de l’Économie et des Finances remis à la Commission descomptes de la nation en juillet 1991 : « les services aux ménages constituent un très important gisement d’emplois. Maisles effectifs ne peuvent y être multipliés que si les salaires sont suffisamment bas pour maintenir des prix attractifs…Cela signifie une dispersion des revenus importante et croissante comme aux États-Unis ou même au Japon ».

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services pour les définir par un ensemble de tâches techniques, s’ajoutent des rapports de consom-mation « providentialistes » selon le modèle déjà présenté dans le chapitre précédent où l’accessi-bilité des services a pour contrepartie une définition des besoins monopolisée par les experts,consacrant l’emprise de modèles hygiéniste et bio-médical sur l’usager.

Etats-providence et services sociaux

L’ambivalence des services sociaux leur est donc constitutive : construits sur l’exclusion des tra-vailleurs et des usagers de leur conception, ces services font néanmoins l’objet d’une « démarchandi-sation » puisqu’ils peuvent être accessibles aux individus et familles indépendamment de leur partici-pation au marché. Par ailleurs, cette démarchandisation ne se diffuse pas partout de la même façonet les divergences nationales s’expliquent par les degrés très différents de « défamilialisation », c’est-à-dire de collectivisation des responsabilités originellement liées à la famille (Orloff, 1993 : 303-328).En somme, les pays peuvent être appréhendés à partir de la typologie des États-providence proposéepar Esping-Andersen (1990) infléchie par l’apport de la critique féministe (O’Connor, 1993 ; Hernes,1987 ; Lewis, 1992).

Le régime universaliste des pays scandinaves implique un recours étendu à l’État comme organisa-teur du social. Il se traduit dans les services sociaux par une « collectivisation des besoins » (Leira,1992) privilégiant comme objectifs l’intégration sociale et l’égalité entre les sexes. Les associationsdans ce cadre ont joué un rôle de pression sociale en permettant l’expression de revendications,elles ont mobilisé des réseaux afin d’inciter à la création des prestations délivrées par le servicepublic. Dans le régime corporatiste en Allemagne, Autriche, France et Belgique, les associations ontplus été en position de pionnières sur les services en défrichant des demandes sociales émergentesqui ont été ensuite intégrées au service public ou maintenues dans le cadre associatif tout en étantencadrées par l’État. Ce régime corporatiste connaît toutefois deux variantes, l’une égalitaristecomme en France et en Belgique qui se donne comme priorité l’institutionnalisation d’une offre deservices non marchands en dehors de la cellule familiale, dans lequel les associations gardent uneplace importante de prestataires de services, mais sont l’objet d’une régulation tutélaire de la partdes pouvoirs publics. L’autre, d’orientation plus familialiste comme en Allemagne et en Autriche, lais-se moins de place à la régulation tutélaire des services non marchands parce qu’elle privilégie l’attri -bution de moyens financiers aux femmes pour qu’elles puissent assumer leur rôle domestique. Larégulation tutélaire est encore plus limitée dans le régime libéral d’État-providence caractéristiquedes États-Unis et vers lequel penche le Royaume-Uni. Les interventions publiques y sont concentréessur les populations les plus défavorisées et entérinent une vision de la famille décourageant l’activi-té professionnelle des femmes, entre autres par la pénurie de services. Les gouvernements succes-sifs s’attachent à «renforcer la maternité à plein temps afin de restaurer la stabilité familiale» (Lewis,1992). La faiblesse des services non marchands régulés par les pouvoirs publics est aussi caractéris-tique du régime dual propre à l’Europe du Sud dont l’Espagne, l’Italie ou le Portugal témoignent.Polarisé sur les transferts monétaires, ce système délaisse les services et confère des protections auxpersonnes bien intégrées sur le marché du travail au détriment des groupes enfermés dans la préca-rité, l’économie souterraine ou informelle : « l’accès aux droits n’y est ni universel, ni inégalitaire maisfonctionne au contraire sur la base de connaissances personnelles, de sélection et de patronage »(Ferrara, 1996).

Les modalités contrastées de mise en place des services dans les divers pays européens ne doiventpas occulter que la démarchandisation, si elle est d’un poids inégal selon les degrés de défamiliali-sation, a constitué le moyen considéré comme le plus approprié pendant les « Trente Glorieuses »pour développer les services sociaux. Elle a permis de dépasser les insuffisances d’initiatives audépart associatives à savoir le particularisme, lié à la préférence pour certains groupes, le paterna-lisme, lié à ce que l’aide apportée ne relève pas d’un droit, l’amateurisme et l’absence de continuitéliée à la volatilité du bénévolat (Salamon, 1990). Sous l’impulsion d’actions collectives visant àrésoudre, au sortir de la guerre, des problèmes sociaux considérés comme importants par ceux quiles révèlent, se produit donc un déversement partiel du travail féminin dans la sphère privée vers desservices sociaux auxquels les pouvoirs publics attribuent des moyens, tout en édictant des normesles concernant et en les contrôlant. Mais dès les années 1970, des voix s’élèvent pour mettre endoute la capacité de l’intervention publique à réaliser les objectifs qu’elle s’est fixée. Certains usa-gers dénoncent les logiques bureaucratiques et centralisatrices des institutions redistributivesengendrant : inertie, contrôle social et clientélisme. Plus grave encore, l’inadéquation entre struc-tures existantes et situations de vie différenciées expliquerait la survivance de fortes inégalités endépit de politiques publiques pourtant ouvertement influencées par une éthique de l’égalité.

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L’inflexion vers les services de proximité

L’expression « services de proximité » manifeste une inflexion dans la prise en considération des ser-vices aux personnes insistant à préciser la notion de proximité. Lorsqu’on évoque la proximité d’uneprestation, on se réfère soit à une proximité inhérente au service, de nature objective ou subjective,soit à une proximité induite par le mode d’organisation.

La proximité est objective lorsqu’elle peut être définie par des critères objectifs d’espace et detemps. La proximité est délimitée géographiquement par un territoire restreint ou implique uneproximité physique entre le prestataire et l’usager. Cet aspect de la proximité semble sous-tendrel’approche de la Commission Européenne (1995) qui insiste sur la notion de territorialité en intitulantson rapport « les initiatives locales de développement et d’emploi ».

Certains services sont caractérisés non seulement par une proximité objective mais aussi subjective.La proximité est subjective lorsque la relation entre le prestataire et l’usager est déterminante pourla qualité du service. Dans certains cas, elle découle ou est renforcée par le mode d’organisation duservice lui-même, et plus particulièrement, par le degré d’implication des usagers dans la conceptionet dans le fonctionnement du service. Les usagers peuvent participer soit au fonctionnement du ser-vice (lieu d’accueil où les parents se relaient avec des professionnels pour garder les enfants), soit àla conception du service (conseil d’administration, consultation pour le mode d’organisation…) soitencore par l’adhésion aux valeurs défendues et proposées par l’organisme.

Cette proximité dans la prestation de services suppose un contenu en travail important et constitueune limite à leur standardisation, ce qui implique la référence au « gisement potentiel d’emplois »qu’ils peuvent constituer.

A partir du milieu des années 1980, les premières stratégies publiques en matière de « services deproximité » cherchent à concilier création d’emplois et maîtrise des coûts sociaux. Elles s’inspirentd’un constat simple : il existe un ensemble de besoins non satisfaits d’un côté et de l’autre un nombreimportant de chômeurs. Il semble alors logique de promouvoir des possibilités d’insertion dans lesservices répondant à de « nouvelles demandes » (Greffe, 1990). C’est ce qui a été tenté avec lerecours aux mesures de traitement social du chômage mises en œuvre pour faire accéder des chô-meurs à des emplois transitoires ou occasionnels.

Cette régulation d’insertion s’est imposée dans des pays intermédiaires, ayant adopté des politiquesd’emploi plus modestes que dans le régime universaliste et plus importantes que dans le régime libé-ral. Elle s’est traduite par l’implantation de programmes massifs voulant coupler remise au travail deschômeurs et réponse à de nouvelles demandes. Les pays relevant d’un régime corporatiste s’y sontengagés dès les années 1980, les pays à régime dual plus tardivement.

Il en résulte un amalgame entre insertion et services de proximité (Eme, Laville, 1994). Le dispositiftend à dévaloriser des activités conçues plus pour les gens à insérer que pour les usagers. Ellesdeviennent le fondement d’un second marché du travail et n’arrivent pas à jouer un rôle effectif detransition entre le chômage et l’emploi alors même que les postes créés restent temporaires et nefacilitent pas un apprentissage dans la durée (Eme, 1998).

C’est en cela que le traitement social du chômage semble entretenir le malaise associatif. Dans lesannées 1980, l’État a avoué qu’en matière d’insertion, il ne pouvait agir seul. Le rôle des associationsa ainsi été reconnu, mais il a été lié à leur instrumentalisation au profit de ce traitement social, lesassociations se sont retrouvées prises dans une mise en œuvre de ses mesures et de programmes.

Puisque le traitement social du chômage a été conçu comme une intervention conjoncturelle, il ne peutpar définition, déboucher sur la création d’emplois stables. L’écart entre les résultats qu’il engendre etl’ampleur du « gisement d’emplois » relevé par de multiples études nationales induit dans les années1990 une reformulation des modalités de la régulation publique, s’éloignant de la régulation d’insertionpour se diriger vers la construction d’un marché. L’arrivée des entreprises est privilégiée par les pou-voirs publics comme si elle constituait un principe de développement des services aux personnes.

Les dynamiques liées aux services de proximité

Depuis les années 1990, c’est le monopole des secteurs associatif et public qui est remis en causepuisque les services aux personnes s’ouvrent à des entreprises commerciales. Cette marchandisationdes services sociaux, a constitué partout une rupture par rapport à la « démarchandisation » anté-

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rieure. Ce changement de perspective se traduit dans les recherches (Bonnet, Bernard, 1998), la plu-part étant tournées vers une interrogation sur les conditions de possibilité d’un marché des servicesde proximité, soit en approfondissant les effets produits par des offres de services qui tentent deconstituer un marché, soit en analysant les obstacles à l’externalisation, assimilés à des obstacles ren-contrés dans la création d’un nouveau marché.

L’entrée en lice des entreprises

L’argument de la proximité est mobilisé par les grandes entreprises pour justifier leur interventiondans le champ. Le document émanant du Comité de liaison des services (1994) constitué par lepatronat français fournit un exemple de la rhétorique consistant à invalider les formes d’offre asso-ciative et publique par l’assimilation entre l’instauration d’un marché de services et la proximitégarantie au consommateur. Pour reprendre les termes qui y sont utilisés, « l’heure est venue dedépasser les querelles idéologiques, en profitant du consensus national qui semble s’instaurer, pourlever les obstacles à l’émergence d’un marché des services à la personne, lesquels correspondent àune forte demande ». Selon cette approche des services de proximité, des mécanismes d’ajuste-ment entre offre et demande, qui prennent en compte les singularités du champ d’activité, sont àconcevoir.

Du côté de l’offre, il convient de sortir des « petits boulots » au profit « d’une offre industrielle, seulecapable d’apporter l’innovation, la sécurité, la reproductibilité et l’homogénéité qui sont, de l’avisgénéral, les principales attentes à l’égard de la qualité des services à la personne ». Le succès dépenddu « professionnalisme du comportement », c’est-à-dire de « compétences comportementales etrelationnelles » que les entreprises de services ont su identifier, développer et qu’elles sont en mesu-re d’enseigner en particulier par l’apprentissage.

L’investissement des entreprises dans ce domaine n’est toutefois réalisable que si des réformesconcernant la demande sont parallèlement apportées. Le plaidoyer pour une régulation qui devienneconcurrentielle prend appui sur une critique de la régulation tutélaire telle qu’elle s’est exercée pen-dant la période d’expansion. Le service a été « collectivisé », ce qui le rend « anonyme » et « déres-ponsabilise » le citoyen. Ce système est « inflationniste » puisqu’il «empêche l’instauration d’une rela-tion client-fournisseur » et que « le bénéficiaire n’est pas, exclusivement et directement, le payeur ».Pire, « trop souvent, c’est l’origine du financement qui guide la définition, l’organisation et le contenudu service, et non l’analyse du besoin, c’est trop souvent la même personne morale qui collecte, com-mandite et réalise, développant ainsi un système pervers ».

L’argumentation amène à réduire la diversité des offres existantes au seul modèle d’un système « col-lectivisé ». Derrière cette attaque en règle des modes de structuration antérieurement adoptés pource champ d’activité, se profile la conviction selon laquelle leur marchandisation constitue aujour-d’hui un gage de crédibilité pour les services de proximité. Le secteur marchand peut leur apporter« sa compétence, sa compétitivité et sa capacité d’ingénierie organisationnelle ». Une offre de qua-lité émanant de entreprises de services est donc de nature à rétablir la confiance envers le presta-taire qui fait défaut, une fois que la liberté aura été rendue au consommateur.

La stratégie des grandes entreprises révèle combien la question des services de proximité est deve-nue importante et sanctionne les faiblesses de l’organisation antérieure de ces services fondée sur laconstitution de quasi-monopoles locaux avec la régulation tutélaire. Toutefois, dans les pays euro-péens, l’irruption d’une régulation concurrentielle émane moins d’un retrait de l’État, comme Etats-Unis, aux que d’un changement de ses modes d’intervention : la régulation concurrentielle y est sub-ventionnée puisque des avantages sont consentis aux consommateurs. Contrairement à ce qui avaitlieu avec la démarchandisation, une part du financement est attribuée à la demande, et non plus àl’offre ; quant aux ressources qui continuent à être dirigées vers l’offre par les pouvoirs publics, ellesempruntent moins la forme de subventions que de contrats.

Cette régulation concurrentielle ne s’est pas imposée à l’ensemble de l’Europe. Elle a peu concernéles pays à régime universaliste où les rares tentatives sont étroitement circonscrites, sinon découra-gés. Dans les pays scandinaves à forte tradition social-démocrate, la possibilité de réaliser des béné-fices financiers dans les services sociaux fait l’objet d’un rejet culturel (Badelt, 1997). L’attachementpopulaire à des services universalistes et la forte représentation syndicale du personnel des servicessociaux confèrent un aspect controversé dans l’opinion publique à toute évolution vers le marché.L’impact de la régulation concurrentielle a également été limité dans un pays à régime dual commel’Espagne. Finalement, ce mode de régulation s’est diffusé, particulièrement au cours des années1990, dans les pays à régime corporatiste et libéral. En France et en Allemagne, il s’agit de financer

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des services additifs à ceux qui continuent de relever d’une régulation tutélaire ou d’une régulationd’insertion. Les résultats sont restés modestes : ainsi, 2 % de l’offre totale de l’aide à domicile relèveen 2002 des entreprises.

En fait, les pays emblématiques du passage à la régulation concurrentielle sont les pays qui ont héri-té d’une conception libérale de l’État-providence, dans laquelle l’intervention publique reste subsi-diaire par rapport au mode d’allocation principal des ressources qu’est le marché. Le pays qui est alléle plus loin en Europe dans cette direction est le Royaume-Uni.

Les constats effectués depuis son avènement peuvent aujourd’hui nourrir une réflexion sur le domai-ne de validité de la régulation concurrentielle. Dans les pays où elle progresse, son adoption estindéniablement liée à la montée d’une nouvelle demande, émanant en premier lieu des ménages bi-actifs, pour des services facilitant la vie quotidienne et allégeant la charge de l’entretien du domici-le (ménage, repassage, jardinage, ...). Correspondant à des tâches techniques, ces services ménagersrelèvent de l’ordre du matériel. Ils peuvent être prestés en l’absence des usagers. Ils se prêtent doncà une rationalisation « taylorienne » que les grandes entreprises privées sont enclines à pratiquer.

Si la possibilité de défection au sens de Hirschman (1970) protège les consommateurs dans des ser-vices ménagers, il n’en est pas de même dans des services de soins pour lesquels l’offre est bien infé-rieure à la demande. Le degré d’intimité avec les familles, l’interaction avec des relations familiales etd’entraide impliquent également des risques particuliers de dépendance psychosociologique rendantl’utilisateur captif du service en jouant sur la dimension affective. La faiblesse de certains usagers peutprêter le flanc à un gonflement des heures qui leur sont vendues. Des relations pathologiques entreprestataire et usager peuvent s’installer si une attention soutenue n’est pas portée à l’élucidation desressorts de leur interdépendance (Hochschild, 1983 ; Croff, 1994). La garantie des droits des usagerspasse alors non par le recours à la défection, mais par les opportunités de prise de parole qui leur sontménagées pour qu’ils participent à la conception et à l’adaptation régulière des services. Pestoff (1998)a montré que ces services aux personnes sont « durables », c’est-à-dire qu’ils supposent une relationdans la durée parce que le changement de prestataire est impossible, coûteux ou douloureux ; face à

Des dispositions propres à une régulation concurrentielle subventionnée

En France, différentes mesures ont été prises pour solvabiliser la demande sans obliger à avoirrecours au traitement social du chômage dès la fin de la décennie 1980. Dans l’accueil de lapetite enfance des allocations comme l’allocation de garde d’enfant à domicile ou l’aide à lafamille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée ont été initiées. Dans l’aide à domici-le a été instituée l’allocation compensatrice pour tierce personne et des exonérations decharges sociales et fiscales pour les particuliers employeurs. A travers ces différentes aidesaccordées aux ménages pour qu’ils recrutent du personnel, c’est la création d’emplois qui estmise en avant pour elle-même sans préjuger de son impact en termes d’insertion. En 1991, leprogramme des emplois familiaux a porté sur un crédit d’impôt accordé à tous les foyers impo-sables créateurs d’emplois à leur domicile. Le contrat de gré à gré n’est évidemment pas nou-veau. Mais, avec les emplois familiaux, relayés en 1993 par le chèque-emploi-service qui est unoutil de simplification administrative destiné à faciliter les rapports entre employeurs et sala-riés, il s’agit de toucher de nouvelles catégories de consommateurs.

Au Royaume-Uni, la « National Health Service and Community Care Act » est une loi nationa-le qui met l’accent sur les fonctions d’acheteurs et d’organisateurs des services pour les autori-tés publiques au détriment de leur rôle antérieur de fournisseur, afin de changer l’affectationdes budgets par les collectivités locales que le gouvernement central jugeait trop bureaucra-tique (Wistow et al., 1994). Des contrats sont passés entre les pouvoirs publics locaux et diffé-rents types de prestataires entrant en concurrence sur le territoire concerné et des ressourcessont transférées vers l’utilisateur. Pour ce faire, d’importantes incitations financières sont mobi-lisées puisque les collectivités locales consacrent moins de 85% des fonds qui leur sont allouéspar le gouvernement central au « secteur indépendant » s’exposent à des sanctions et desréductions futures de budget. S’ajoute à ces dispositions, une « directive privilégiant le choix »des consommateurs. En somme, l’objectif est de promouvoir et d’organiser une compétition auniveau local dont est attendue une amélioration de l’offre disponible. Ce système pariant surles effets positifs de la concurrence, qui induit des adaptations ne se réduisant pas au modèleclassique de marché a ainsi introduit ce qui était désigné comme « quasi marchés ».

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cette contingence, il souligne bien que l’atout principal dont peuvent bénéficier les usagers est l’ex-pression de leurs avis dans l’organisation des prestations qui leur sont destinées.

Un foisonnement d’initiatives

En effet, l’arrivée des entreprises et la perspective d’un marché des services de proximité ont entraî-né des réactions diversifiées de la part des associations précédemment présentes sur le champ, cer-taines se sont orientées vers une modernisation gestionnaire synonyme d’adoption des outils desentreprises comme le marketing (Dacheux, 2000) alors que d’autres ont cherché à s’arrimer sur unespécificité dans leur fonctionnement et leur rapport aux usagers.

Dans les pays scandinaves, de nouvelles organisations ont montré une façon d’agir différente de celledes associations traditionnelles. Se détournant d’une approche politique et culturelle hégémoniquedans les années 1970, elles ont proposé dans les années 1980 « de nouvelles formes organisation-nelles et des solutions aux problèmes sociaux locaux » (Klausen, Selle, 1996). Parmi celles-ci figurentles organisations dites de « promoteurs de projets » au Danemark constituées à partir de l’implica-tion forte d’une ou plusieurs personnes et les coopératives dans la garde d’enfants en Suède. Dansce pays, en 1994, 1 768 structures non municipales de garde étaient en fonctionnement accueillant12% des enfants bénéficiant de structures d’accueil et parmi celles-ci 1 020 étaient des coopérativesde parents et 117 des coopératives de travailleurs (Pestoff, 1997). La forme coopérative et associati-ve participe dans ce contexte autant à un redéploiement des services existants qu’à la création denouveaux services. La pluralisation des formes d’offre répond avant tout à une visée d’accroissementdu rôle des usagers, tels les parents pour l’organisation de l’accueil de leurs enfants, et elle a étéadmise sous la pression des contraintes financières s’exerçant sur le secteur public.

A l’autre extrême, dans les pays méditerranéens à régime dual, c’est paradoxalement la même formejuridique qui a été sollicitée : le statut coopératif a été utilisé pour proposer des services que le sec-teur public n’arrive pas à assumer. En Italie, les coopératives sociales se sont imposées sur de nom-breux territoires par leur capacité à endosser des fonctions qui n’étaient pas remplies précédem-ment : recrutement de populations exclues du marché du travail et mise en place de services auxpersonnes. Elles se sont développées rapidement puisque, nées dans les années 1970, elles sont envi-ron 3 000 en 1996 regroupant près de 100 000 associés dont environ 75 000 salariés, mobilisent9 000 bénévoles et rendent des services à plusieurs centaines de milliers de personnes (Borzaga,1997). Les coopératives de services sociaux sont parallèlement apparues en Espagne, surtout danscertaines régions comme la Catalogne, le Pays Basque ou la région de Valence sous la forme decoopératives de travail associé composées des travailleurs spécialement dans l’aide à domicile ; cer-taines d’entre elles ont évolué vers une organisation mixte d’intégration producteurs-consomma-teurs (Sajardo-Moreno, 1996).

En Allemagne et en Autriche, les initiatives dans l’action sociale et l’aide à domicile ont été quali-fiées d’« auto-assistance », pour traduire la volonté de responsabilisation des personnes âgées dontelles étaient porteuses, ont foisonné pendant la décennie 1980, entre 5 000 et 10 000 groupes pourle seul domaine de la santé. Elles prennent racine dans une critique de la bureaucratisation des ser-vices dans le secteur public et dans les grandes organisations de bienfaisance qui regroupent lesassociations plus anciennes avec lesquelles elles cohabitent puisqu’à Vienne par exemple 65 000enfants sont accueillis, pour moitié dans le service public et pour moitié dans des associations à lafois traditionnelles et issues de ces initiatives dite « de base ».

Comme en France, en Belgique ou au Royaume-Uni, il s’agit de relégitimer les formes d’offre asso-ciative. Dans ces différents pays, il existait une tradition de coopération entre pouvoirs publics etassociations, les innovations ont à leur tour adopté ce statut mais sur des bases renouvelées. Selonleurs promoteurs, c’est de leur capacité à garantir une expression des usagers et à mobiliser desengagements volontaires diversifiés comme à trouver de nouveaux équilibres financiers appropriésdans un contexte moins protégé que dépend l’avenir de l’offre associative de services.

Un certain nombre d’associations et de coopératives, qu’elles soient anciennes et remettent en causeleurs comportements habituels, ou qu’elles soient récentes et proposent des approches originales,tentent donc d’ajuster leur organisation en conséquence. D’où la propension à les réunir dans la figu-re de l’entreprise sociale, symptomatique du renouveau du tiers secteur. Cette notion d’entreprisesociale peut être caractérisée, au-delà de ses finalités sociales et de sa dynamique entrepreneuriale,« par une forte dimension de production de biens et services et une intense participation à la vie del’entreprise de toutes les parties prenantes - bénévoles, salariés, dirigeants, usagers, représentantsd’organismes publics ou privés - » (OCDE, 1999).

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Introduction

Les constats faits sur les conditions de travail dans les services à la personne restent le plus souventnégatifs et sont parfois alarmants. Ils font partie des constats plus généraux des carences qualitativesdu secteur. Afin d’apporter des réponses pertinentes permettant de pallier ces carences, il convienten premier lieu d’établir un diagnostic de la situation. Nous tentons d’y concourir dans cet article,tout d’abord en replaçant l’apparition des déficiences qualitatives dans le mouvement des mutationsprofondes qu’a connu le secteur. A cet effet, nous invitons dans la première partie de cette contri-bution à une lecture historique des différentes phases de structuration et de régulation du secteur.

Puis, nous nous intéressons à la dynamique actuelle, initiée par le plan de développement des ser-vices à la personne lancé en 2005. Cette dynamique accentue nettement la croissance quantitativedu secteur, qui était déjà soutenue. En revanche, même si la connaissance des situations a progressé,la prise en charge des défaillances de la qualité reste insuffisante.

Dans le souci de contribuer à la réflexion à visée opérationnelle dont peuvent se saisir les pouvoirspublics, nous mobilisons ici deux de nos axes de travail : l’analyse économique du secteur et le dia-gnostic des conditions de travail. Le lien entre ces deux axes nous permet de proposer de façon syn-thétique un état des lieux quantitatif et qualitatif du secteur en y intégrant des éléments de constatset de voies d’amélioration de la qualité des emplois.

De l’aide à domicile aux services à la personne : les mutations historiques du secteur

La catégorie des « services à la personne » en tant que tels est relativement récente. Elle remonte aux tra-vaux du Comité de liaison des services du Conseil National du Patronat Français en 1994 avant d’êtreconsacrée par la loi Borloo en 2005. Pour retracer l’évolution historique de ce type de services, il faut s’in-téresser plus généralement aux services à domicile et aux services de proximité. Une première origine,difficile à dater, correspond aux activités des domestiques employés par les classes aisées. Si l’on s’en tientà une période plus récente et à des formes de services impulsés par des dispositifs publics, en s’appuyantsur les travaux de Laville (1992), Du Tertre (1999) et Haddad (2003, 2004, 2006), il est possible de distin-guer trois phases correspondant à des modes de régulation publique différents. La première phase, envigueur lors des trente glorieuses, est celle de la régulation tutélaire. Une régulation sociale qui a créé lesecteur de « l’aide à domicile ». La seconde phase lancée à partir du milieu des années quatre-vingt, à par-tir d’objectifs de création d’emplois, mélange une forme de dérégulation et une régulation d’insertion, eta développé les « emplois familiaux ». Enfin, la troisième phase entamée au milieu des années quatre-vingtdix correspond à une régulation concurrentielle subventionnée. Ses objectifs sont plus la création d’em-plois que l’action sociale et elle s’inscrit dans une volonté de recomposer les éléments des secteurs pré-cédents autour d’un nouveau secteur d’activité, qui deviendra les services à la personne.

La régulation tutélaire et l’aide à domicile

On qualifie de « tutélaire » la régulation entamée au lendemain de la guerre du fait du quasi contrô-le de l’Etat sur l’offre, la demande et les prix des services. Des dispositifs administratifs sont mis enplace dans le cadre des politiques sociales de l’Etat Providence. Concernant les services à domicile,

Mutations des services à la personneet enjeux qualitatifsSéminaire ANACT 11/09/2007

Patrick Haddad Docteur en sciences économiques

Chercheur au GERME - Université Paris 7 - Denis Diderot

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trois dispositifs sont progressivement développés à destination de trois types de publics fragiles :• familles en difficultés auprès desquelles interviennent des travailleuses familiales dès les années

cinquante ;• personnes âgées, dont les besoins ont été révélés par le rapport Laroque en 1962, qui bénéficient

à partir du milieu des années soixante des services d’aides ménagères ;• personnes handicapées, pour lesquelles une logique de compensation du handicap commence à

être traduite en politiques publiques à partir des années soixante-dix avec la mise en place del’Allocation Compensatrice pour Tierce Personne (ACTP).

Dans les trois cas de figure :• l’offre est composée d’organisations publiques, les services sociaux des mairies puis les Centres

communaux d’action sociale (CCAS) ou d’associations à but non lucratif passant convention avecles pouvoirs publics ;

• la demande est constituée d’ayants droit subventionnés de manière croissante avec leurs besoinset décroissante avec leurs revenus ;

• les financements sont massivement publics (fonds d’action sociale transférés aux départements en1982) ou collectifs (Caisse d’allocation familiale, Caisse d’assurance maladie, Caisses de retraite etCotorep) si bien que les sommes restant à la charge des bénéficiaires sont très faibles en compa-raison du coût global de ces services.

Le système fonctionne de façon administrative sur un modèle de services publics de proximité. Lesecteur alors construit est celui de l’aide à domicile.

La régulation d’insertion, la dérégulation et les emplois familiaux

A partir des années quatre-vingt où la crise du régime de croissance fordien s’est durablement ins-tallée avec comme conséquence l’apparition d’un chômage structurel, les services à domicile vontfaire partie de la catégorie plus générale des services de proximité dont les pouvoirs publics impul-sent fortement le développement. L’objectif clairement affiché est la création, en particulier quan-titative, d’emplois en insérant par l’activité économique des personnes en difficulté sur le marché dutravail. La stratégie consistant à cibler les services de proximité dans cette quête de solutions au chô-mage repose sur quatre idées principales liées entre elles :• ces services répondent à des besoins croissants, liés au vieillissement de la population, à l’aug-

mentation du taux d’activité féminin, à la distanciation des liens familiaux et à l’affaiblissement dulien social, en particulier dans les banlieues défavorisées et en milieu rural en voie de désertifica-tion ;

• ces services présentent l’opportunité de s’insérer dans un contexte macroéconomique de plus enplus marqué par la tertiarisation ;

• ces services sont fortement intenses en travail et faiblement intenses en capital si bien que les poli-tiques visant à les développer enrichissent le contenu en emplois de la croissance, emplois de sur-croît non délocalisables ;

• ces services pour être prestés ne requièrent que peu de qualification, ce qui amène à penser queles emplois correspondants sont accessibles aux personnes peu qualifiées qui sont les plus en dif-ficulté d’insertion sur le marché du travail.

Plusieurs ouvrages vont étayer ces considérations1. Concrètement, une série de contrats aidés(Travaux d’Utilité Collective, Contrat Emploi Solidarité, Contrat Emploi Consolidé) seront mis enplace en visant à développer des emplois de proximité d’utilité sociale destinés à la collectivité.Concernant spécifiquement les services à domicile, en 1987, les premières réductions de cotisationssociales vont être accordées aux personnes âgées de plus de 70 ans lorsqu’elles emploient une per-sonne à leur domicile pour les aider. Elles inaugureront une série de mesures visant à favoriser l’em-ploi direct d’un particulier par un autre en procédant par la dérégulation de ce marché du travail.La même année seront créées les associations intermédiaires (AI) dédiées à l’insertion de personnesen difficultés.

A travers la création et le développement substantiel des associations intermédiaires, la régulationd’insertion fait de ce secteur un lieu privilégié pour remettre le pied à l’étrier des personnes éloi-gnées de l’emploi. Les AI ont en général deux pôles d’activités : un pôle de petits travaux de net-toyage, de bâtiment de second œuvre et d’entretien des espaces verts à destination de collectivités

1 - Héritier (1988), Gaspard (1988), Greffe X. (1990), Brunhes B. (1993), Ministère du travail, de l’emploi et de la formationprofessionnelle (1993).

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locales et d’entreprises, et un pôle de services à domicile auprès des particuliers à l’exception despublics fragiles (personnes âgées, handicapées et petite enfance). Ce second pôle constitue la plu-part du temps l’activité principale. Les AI sont en mesure de proposer des services moins chers qued’autres structures car elles bénéficient d’importantes d’exonérations de cotisations sociales sur leurpersonnel. Leur objectif est avant tout centré sur la personne à insérer qui, passé quelques mois dansl’association, est supposée trouver un emploi stable dans une autre structure.

La dérégulation porte sur le marché du travail « de gré à gré », c’est-à-dire l’emploi d’un particulierpar un autre. Au-delà des considérations poussant à la création d’emplois de proximité détailléesplus haut, la tentation de favoriser le développement de l’emploi direct se justifie également parl’existence croissante de ce type de services et d’emploi dans le cadre informel. En effet, les services« au noir » de femmes de ménage, de nourrice, d’aide aux personnes âgées se sont considérablementdéveloppés sous l’influence conjointe de l’entrée massive des femmes sur le marché du travail, del’augmentation des niveaux de vie et de l’arrivée d’une population immigrée prête à occuper ce typed’emploi. L’objectif sera donc en partie la régularisation de travail non déclaré en rapprochant lesconditions d’emploi dans le cadre formel des pratiques courantes dans le cadre informel. A cet effet,le législateur va procéder par exonérations et simplifications des conditions fiscales et administra-tives d’emploi d’un particulier par un autre à son domicile, ce qui correspond à des principes de déré-gulation. Ainsi entre 1987 en 1993 seront mises en place :• l’exonération de cotisations sociales patronales pour les personnes de plus de 70 ans employant

une personne à leur domicile ;• l’Allocation de garde d’enfants à domicile (AGED) qui constitue une exonération de cotisations

sociales pour les parents employant une garde d’enfants à leur domicile ;• la réduction d’impôts de 50 % des sommes dépensées pour des services à domicile ;• le chèque-emploi-service, simplifiant les formalités d’embauche d’un particulier par un autre, en

faisant office à la fois de contrat de travail et de fiche de paie ;• le statut mandataire pour les associations, système dans lequel le bénéficiaire du service est juri-

diquement l’employeur et il mandate une association pour effectuer à sa place la gestion adminis-trative de l’emploi : recrutement, paie, etc. Ce système permet au particulier, en tant qu’employeur,de bénéficier des réductions de cotisations sociales patronales.

Au total la dérégulation et la régulation d’insertion vont considérablement contribuer à créer quan-titativement des emplois, mais il va s’agir le plus souvent d’emplois avec de faibles temps de travailet un fort turnover, donc des emplois instables et souvent précaires (voir section II-1). De surcroît,les nouvelles orientations prises par les pouvoirs publics vont entrer en interférence avec la régula-tion tutélaire précédemment mise en place et les structures qui y opéraient. Les manques de cettepolitique de l’emploi appliquée aux services à domicile vont rapidement se révéler et appeler denouvelles mesures qui petit à petit vont constituer une nouvelle forme de régulation que l’on quali-fiera de régulation concurrentielle subventionnée.

La régulation concurrentielle subventionnée et les services à la personne

Les insuffisances et parfois les incohérences du cadre règlementaire, composé empiriquement au grédes objectifs assignés à ces services, vont générer des préoccupations et des revendications. Le sec-teur associatif s’estime lésé par les nouvelles dispositions faisant la part trop belle à l’emploi direct.Quant au secteur privé lucratif, il exprime par la voix du CNPF, qui créera en 1995 le SESP (syndicatdes entreprises de services à la personne), sa légitimité et sa capacité à développer cette nouvelle« industrie ». Par ailleurs, l’augmentation de besoins sociaux et le manque chronique de solutions auchômage constitueront également des justifications d’interventions du législateur. La régulationconcurrentielle subventionnée qui va progressivement voir le jour repose sur trois principes :• développer le secteur et mieux prendre en charge certains besoins en solvabilisant la demande ;• favoriser le développement de l’offre et de la concurrence pour répondre à ces besoins ;• harmoniser le traitement administratif et fiscal des différentes formes d’offre.

Deux grandes lois vont illustrer ce type de régulation : la loi de 1996 et celle de 2005. Entre ces deuxlois, et depuis 2005, d’autres mesures ont été prises, inspirées des mêmes principes. La loi de 1996met en place :• l’élargissement du champ des services : notamment au soutien scolaire, aux petits travaux de bri-

colage et de jardinage et, sous certaines conditions, la préparation de repas, y compris le tempspassé aux commissions et la livraison de courses et de repas ;

• l’aide des comités d’entreprises ou, en leur absence, des entreprises à leurs salariés désirant recou-rir à des services à domicile ;

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• le titre-emploi-service, équivalent du ticket-restaurant pour la consommation de services à domi-cile, utilisable auprès de structures agréées, contrebalançant en principe ainsi l’effet du chèque-emploi-service, favorable à l’emploi direct. Le titre- emploi-service est co-finançable par des comi-tés d’entreprises, entreprises, collectivités locales pour leur personnel ou leurs administrés,mutuelles et assurances pour leurs affiliés, fondations pour des ayants droit à déterminer ;

• un régime d’agrément des structures d’offre plus précis que ce qui existait jusqu’alors, il se diviseen agrément simple (confié aux DRTEFP) pour les structures n’intervenant pas auprès de publics fra-giles ou dépendants, et en agrément qualité (confié aux DDTEFP) pour celles qui interviennentauprès de publics fragiles ;

• l’ouverture du secteur aux entreprises, qui deviennet éligibles à l’agrément.

Entre 1996 et 2005 six mesures seront prises progressivement et de façon indépendante, tout enentrant dans le nouveau cadre de régulation : • la TVA est abaissée à 5,5 % pour les services à domicile, suite à une directive européenne, ce qui

favorise l’entrée des entreprises ;• l’APA (Allocation personnalisée à l’autonomie) va permettre de satisfaire de nouveaux besoins des

personnes âgées dépendantes ; contrairement à l’aide ménagère, l’APA est utilisable auprès de n’im-porte quelle structure d’offre agréée, y compris une entreprise, ainsi que dans l’emploi direct ;

• les structures d’offre bénéficient désormais des mêmes réductions de cotisations sociales patro-nales que les particuliers employeurs ;

• la CAF remplace l’AGED par la PAJE (prestation d’accueil du jeune enfant), également valable auprèsd’une structure d’offre agréée ;

• le statut mandataire est ouvert aux entreprises ;• des certifications qualité sont créées dans le secteur : Qualicert initiée par le SESP et la norme

AFNOR services aux personnes à domicile à l’initiative de l’économie sociale.

Malgré ces tentatives de développement et d’homogénéisation, le secteur reste trop morcelé et lesdispositifs trop peu connus, si bien que de nouvelles réflexions sont entamées en 2005, une nouvel-le fois sous l’angle de la création d’emplois dont le rythme est toujours trop faible. La loi du 26 juillet2005, dite loi Borloo, tout en conservant les principes de régulation en vigueur depuis 1996 (déve-loppement du secteur par octroi de nouvelles mesures de solvabilisation, promotion de la concur-rence et neutralité vis-à-vis des différentes formes d’offres) amène plusieurs évolutions significativesqui vont également viser à structurer le secteur et le promouvoir en le faisant gagner en lisibilité :• elle met en place le chèque-emploi-service-universel (CESU) qui résulte de la fusion du chèque-

emploi-service, qui devient le CESU bancaire et du titre-emploi-service, devenu le CESU préfinan-cé désormais également utilisable dans le cadre de l’emploi direct ;

• elle introduit un crédit d’impôt pour les entreprises finançant des services à la personne pour leurssalariés ;

• elle réforme et homogénéise au niveau national le cahier des charges de l’agrément ;• elle crée et habilite des enseignes nationales, ayant en charge l’intermédiation entre l’offre et la

demande et la structuration du secteur par regroupement d’acteurs au niveau national ;• elle installe l’ANSP (Agence Nationale des Services à la Personne), avec un conseil d’administration

paritaire, à qui elle octroie des rôles de coordination, de promotion et de suivi du secteur.

Ce suivi du secteur permettra de le faire évoluer continuellement, y compris d’un point de vue règle-mentaire. Ainsi en 2007, une mesure réclamée de longue date pour des raisons d’équité (voir Haddad[2003]), un crédit d’impôt pour les ménages non imposables vient compléter la réduction d’impôt2.D’un plafond équivalent à celui de la réduction d’impôt, il est toutefois limité aux ménages actifs,c’est-à-dire des ménages où les deux parents sont actifs ou des ménages monoparentaux où leparent est actif.

La communication particulièrement soignée va faire sortir le secteur d’une certaine confidentialité.Le suivi politique et l’impulsion que réalisent l’ANSP vont en assurer un mouvement continu alorsque le secteur était jusque là piloté par à-coups. Cela va se ressentir très rapidement sur sa crois-sance : • 2,3 milliards d’euros de salaires ont été versés en 2006 via le CESU bancaire, soit une augmentation

de 40 % par rapport à 2003 3 ;

2 - Un ménage peut utiliser la réduction d’impôt puis, si son impôt est devenu nul suite aux réductions, bénéficier du créditd’impôt, le tout dans un plafond de 12 000 € de dépenses, augmenté de 1 500 € par enfant ou personne dépendante àcharge dans la limite de 15 000 €.

3 - Selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACCOSS) citée par l’ANSP (2007).

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• 85 millions d’euros ont été émis en 2006 sous forme de CESU préfinancé, un montant multiplié parquatre par rapport au titre-emploi-service en 2004 4.

L’orientation du plan est clairement plus économique que sociale. Elle répond à une logique marchan-de et concurrentielle. Elle se situe également par certains aspects dans une vision industria liste à enjuger par sa filiation assez évidente avec les travaux du MEDEF (CNPF [1994]) et de Michèle Debonneuil(1998, 2004). La construction d’un secteur économique est à l’œuvre mais elle n’est pas sans souleverde questions, notamment sur sa structuration et sur la prise en charge d’aspects qualitatifs.

L’état des lieux du secteur aujourd’hui : quantité versus qualité ?

Un secteur économique en forte croissance quantitative

Les éléments permettant d’affirmer que les services à la personne constituent un véritable secteuréconomique sont d’ordre quantitatifs que les mesures soient effectuées en valeur monétaire, en l’occurrence en chiffre d’affaires (ou valeur de la production) : 11,58 milliards d’euros en 2005, 12,65en 2006 selon Ineum Consulting, ou en nombre d’emplois : 1,1 millions en 2005 selon la DARES(tableau 1). A titre comparatif, le nombre d’actifs occupés (mais pas le nombre d’emplois en équiva-lents temps plein) dans les services à la personne est trois fois plus élevé que dans le secteur auto-mobile et légèrement supérieur aux effectifs du secteur des transports. En revanche, le chiffre d’affaires des services à la personne ne représente que 14,5 % de celui de l’automobile et 8,6 % decelui des transports.

Un chiffre d’affaires en augmentation mais largement soutenu par des fonds publics

La valeur de la production est certes en augmentation mais les comparaisons sectorielles montrel’intensité en emplois des services à la personne et leur faible intensité capitalistique. Cela doitpousser à la réflexion les grands investisseurs potentiels qui, attirés par la nouvelle dynamique dusecteur, s’y engagent dans l’espoir d’y retirer du profit sans nécessairement bien évaluer les effets delevier financiers et les perspectives de gain, qui apparaissent somme toute modérés.

Actifs occupés en 2005 Chiffres d’affaires 2006 en milliards d’euros

Services à la personne 1 100 000 12,65

Automobile 333 000 87

Transports 1 076 000 147

Tableau 1 : chiffres d’affaires et nombre d’emplois : comparaison avec deux autres secteurs

Sources : INSEE, DARES, INEUM Consulting

CA 2005 CA 2006 Croissance

Personnes âgées ou dépendantes 5,58 5,91 + 6 %

Ménage 2,07 2,32 + 12 %

Soutien scolaire 1,93 2,21 + 15 %

Autres (bricolage, jardinage, informatique) 1,03 1,14 + 11 %

Garde d’enfants 0,97 1,07 + 10 %

Total 11,58 12,65 + 9 %

Tableau 2 : volume d’activité en chiffre d’affaires en 2005 et 2006

Source : INEUM Consulting

4 - Selon le Centre national de traitement du CESU (CNCESU) cité par l’ANSP (2007).

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Dans l’appréciation de ce secteur économique, il faut, de surcroît, prendre en compte le fait que 55%de la valeur de la production - 12,65 milliards d’euros en 2006 - correspond à des services aux per-sonnes âgées et à la petite enfance largement subventionnés par des fonds publics ou collectifs. Sil’on rajoute à cela le fait que la réduction d’impôt représentait 1,4 milliards d’euros en 2004 selon leCommissariat Général du Plan (2005), soit 15 % de la valeur de la production du secteur à l’époque,pour donner un ordre d’idée, on peut estimer qu’environ 2/35 du chiffre d’affaires du secteur doitprovenir de fonds publics.

Il n’en reste pas moins qu’il s’agit bien d’un secteur économique, ne serait-ce que parce que l’écono-mie n’est pas uniquement marchande, mais il faut relativiser le caractère marchand de la nouvelledynamique du secteur. Nous sommes effectivement en présence d’une régulation concurrentiellesubventionnée. Concurrentielle, car la concurrence devient de plus en plus souvent la règle, à enjuger par l’augmentation du nombre d’organisations agréées, notamment d’entreprises, qui ont plussouvent une culture concurrentielle : 12 000 organisations étaient agréées fin 2005, soit une haussede 18 % en un an, hausse largement tirée par les entreprises privées (+ 97 %), même si elles représen-tent au total moins de 10 % des organisations et 3 % des heures (source : DARES). Subventionnée, carl’origine des dépenses dans le secteur provient majoritairement de revenus de transferts et non derevenus privés des ménages ou des entreprises.

Cette situation est-elle transitoire par rapport aux futurs contours du secteur, à vocation plus mar-chande ? Dans une certaine mesure oui, si l’on regarde les services qui connaissent la plus forte crois-sance aujourd’hui : seules les activités de ménage, repassage, petit bricolage, jardinage, soutien sco-laire sont au-dessus de 10 % de croissance du chiffre d’affaires (tableau 2) et correspondent à des ser-vices destinés à des personnes non spécifiquement fragiles et donc moins subventionnés par desfonds publics et moins réalisés jusque là par le secteur public et l’économie sociale. De surcroît, et l’uncorrespond à l’autre, les acteurs les plus dynamiques sont les entreprises qui sont positionnées à 80%sur de l’agrément simple. Cependant, si cette évolution devrait vraisemblablement se prolonger plu-sieurs années encore, rien ne garantit qu’à terme le marché des actifs et des personnes non dépen-dantes arrivera, et éventuellement dépassera, le niveau d’activité du segment de la dépendance.

Une dynamique de création d’emplois soutenue mais de faible qualité

Le poids des services à la personne dans l’emploi total reste considérable et valide donc les straté-gies des politiques publiques l’ayant ciblé dans cet objectif, à plus forte raison en constatant que biend’autres secteurs sont en pertes d’emplois sous les effets conjugués du progrès technique, des diffi-cultés de compétitivité et des délocalisations. Mais, et c’est le premier constat évident que l’on faità la lecture du tableau précédent, le temps de travail individuel apparaît particulièrement faible : 5%au dessus d’un tiers-temps en moyenne. Il s’agit de surcroît d’une constante car, au regard du suiviannuel du secteur réalisé par la DARES, ce ratio n’a guère évolué depuis 10 ans. Il est possible que cechiffre sous-estime le temps de travail réel du fait du cumul de différents emplois par un même sala-rié. En effet, il n’est pas rare dans ce secteur de voir un salarié cumuler des « bouts de travail » sous

Type de prestataire Nombre Nombre Nombre Emplois en Temps de d’heures d’heures d’emplois équivalents travail effectif

travaillées travaillées temps plein moyen en % (en millions) (en %) (base 1 600 h d’un temps

annuelles) plein

Emploi direct de salariés 422 62 % 730 000 260 625 35,7 %

Organisations mandataires 93 14 % 160 000 58 125 36,3 %

Organisations prestataires 165 24 % 210 000 108 750 51,8 %

Total 680 100 % 1 100 000 427 500 38,9 %

Tableau 3. Volume d’activité en heures travaillées en 2005

Source : DARES et calculs de l’auteur

5 - Ce chiffre est probablement sous-estimé car même en considérant que parmi les bénéficiaires de la réduction d’impôtsil y a aussi des personnes âgées (raison pour laquelle on n’additionne pas 55 % + 15 %), il faut aussi tenir compte du créditd’impôt pour les sociétés et pour les particuliers, ainsi que des différentes exonérations de charges et de TVA, sanscompter le budget public de l’ANSP…

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deux ou plusieurs des formes suivantes : prestataire, mandataire, emploi direct et emploi non décla-ré. Ceci étant, il serait tout à fait invraisemblable de considérer que ce temps partiel qui touche,selon la DARES, 75% des aides à domicile et 78% des employés de maison, est majoritairement choi-si. Ce premier indicateur négatif quant à la qualité des emplois n’est pas le seul. Il entre dans la pro-blématique plus générale des carences qualitatives du secteur.

Défauts de qualité : constats et voies d’amélioration

Les constats

Les défaillances de qualité, que l’on constate du côté des emplois comme du côté des services, onttrois sources.• Les spécificités du secteur : les services à la personne doivent prendre en charge des besoins hété-

rogènes, dans de multiples domiciles faisant office de lieux de travail, à des horaires contraints parla nature des besoins. Ces spécificités constituent des facteurs d’éclatement de l’emploi qui créentdes problématiques qualitatives appelant une régulation spécifique.

• Les mutations profondes du secteur n’ont pas été un facteur de stabilité. Or la stabilité est unecondition nécessaire, autant pour la construction de métiers et d’identité professionnelle, quepour la mise en place et la diffusion de processus de production de services de qualité.

• Les politiques publiques, qui sont largement responsables de ces mutations, ont depuis le milieudes années quatre-vingt et de la déréglementation mise en œuvre, privilégié la croissance quanti-tative sur les aspects qualitatifs.

Nous nous intéressons ici aux problèmes qualitatifs liés aux emplois. Au-delà de la faiblesse du tempsde travail, on constate d’autres difficultés. Le turn-over est également élevé : 25 % dans le cadre duparticulier employeur selon l’IRCEM6. Il s’explique par le fait que beaucoup de salariés ne trouvent pasleur compte dans ce secteur. C’est en premier lieu le cumul entre un temps de travail faible et un salai-re horaire qui l’est également, qui fait que ce secteur concentre des travailleurs pauvres. De surcroît,le manque de temps de travail et donc de volume d’activité par personne ne se constate pas que surle temps de travail hebdomadaire mais également d’une période sur une autre. On observe en effetde fortes variations d’activité du fait de l’évolution des besoins : une personne âgée dépendante esthospitalisée ou décède, un petit enfant à garder intègre la crèche ou l’école maternelle, etc. De ce fait,il existe de fortes incertitudes pour nombre de salariés sur la pérennité de leur emploi.

Dans un autre registre, plus subjectif, mais non moins important, le manque de reconnaissance de cetype de travail par la société, l’image insuffisamment professionnelle qui pèse sur le secteur, ainsique le manque de valorisation des savoir-faire des travailleurs obèrent l’attractivité du secteur enmême temps qu’ils ont tendance à démotiver les salariés en place.

Concernant les conditions de travail à proprement parler, les tensions et risques que l’on observesont d’ordre physique et psychologique. Tandis que l’intervention dans de multiples domiciles nonconfigurés et non équipés comme de véritables lieux de travail comporte des risques physiques, l’im-mixtion dans l’intimité des familles est génératrice de tensions psychologiques. A partir des travauxdu réseau ANACT (voir bibliographie) dont nous avons eu connaissance pour préparer les assisesinterrégionales de la professionnalisation organisées par l’ANSP à l’automne 2006, nous pouvonsrésumer les principales tensions observées dans l’encadré suivant.

6 - Institut de retraite complémentaire des employés de maison, cité par IRACI (2007)

Les principales tensions physiques et psychologiques dans les services à la personne

Problématique du multi-domicile comme cadre de travail

• Constitue un environnement risqué, avec des cas de :Configuration des lieux inappropriéeOutils et appareils et produits ménagers inadaptésProblèmes de propreté, d’hygiènePrésence d’animaux domestiquesTensions possibles entre personnes du foyer

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L’existence de l’ensemble de ces risques, même si ils ne se produisent heureusement pas dans l’en-semble des situations de travail, peut porter au pessimisme quant à la qualité potentielle de cesemplois. Cependant, il faut mettre en balance de ces aspects négatifs, deux éléments plus positifs :• les salariés valorisent aussi certains aspects de leur travail tels l’autonomie relative, la maîtrise du

rythme de travail, la moindre subordination en comparaison d’autres emplois de niveau de qualifi-cation équivalente (caissier, technicien de surface industrielle, etc.), l’aspect relationnel et laconfiance qui peuvent se nouer avec le bénéficiaire ou encore, pour ceux qui interviennent auprèsde publics fragiles, le sentiment d’utilité sociale tiré de son travail ;

• de « bonnes pratiques » existent au sens où certaines structures ont mis en place une organisationdu travail satisfaisante pour l’ensemble des parties prenantes, en lien avec un modèle économiqueperformant7.

La compréhension fine de ces bonnes pratiques afin de les capitaliser et de pouvoir les transférer,constitue un axe autour duquel pourraient travailler l’ensemble des acteurs souhaitant faire monterle secteur en qualité.

Les voies d’amélioration

Une série d’améliorations qualitatives peut avoir lieu à un niveau institutionnel : • le dialogue social facilité en principe par l’ANSP, doit viser à faire progresser les rémunérations, les

conditions de travail, le temps de travail, par exemple en harmonisation par le haut les conventionscollectives ;

• le développement de l’offre de formation initiale et continue est également un moyen clé d’amé-liorer les pratiques qualitatives du secteur, surtout si l’on cible également le personnel d’encadre-ment et les directions des structures8.

Pour l’essentiel, les grands principes institutionnels favorisant la professionnalisation sont contenuesdans la feuille de route de l’ANSP rédigée suite aux Assises nationales et interrégionales de la pro-fessionnalisation.Nous souhaitons ici nous attarder sur le niveau organisationnel. Il est frappant de constater à ceniveau, à quel point les organisations peuvent être différentes : d’une structure à une autre le temps

• Complique la prévention des risques : Chaque domicile - lieu de travail doit faire l’objet d’une évaluation des risquestelle qu’exigée dans le document unique

Risques physiques

• Particularités du travail : IntensitéRépétitivitéPort de charges

• Conséquences pathologiques :Dorsalgies, lombalgiesEntorses, fouluresBlessures, brûlures

Tensions psychologiques

• Particularités du travailIsolement, manque de collectif de travailConfrontation au vieillissement, à la maladie, à la fin de vie

• Type de tensions psychologiquesCharge affectiveHarcèlement moralDifficultés à séparer vie professionnelle / vie personnelle

Source : synthèse d’une série de travaux du réseau ANACT

7 - Cette affirmation s’appuie sur une série de monographies de structures de services à la personne que nous avons eul’occasion de réaliser (Haddad [2003], Haddad et Du Tertre [2006]).

8 - Voir sur ce point les travaux de Brigitte Croff dès 1994.

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de travail, le turnover, les perspectives de carrières, etc. peuvent varier considérablement. Cecimontre que la politique de gestion des ressources humaines est particulièrement importante. Desurcroît, nos observations (Haddad [2003], Haddad et Du Tertre [2006]) tendent à démontrer quedans les expériences positives, la politique de gestion des ressources humaines est articulée avec lapolitique, plus générale, de développement, avec la gouvernance globale de la structure et sonmodèle économique. Si l’on tente d’esquisser les grandes lignes des expériences concluantes obser-vées, il nous semble qu’au total quatre axes de la politique de la structure doivent être menés defront et de façon cohérente.

■ Mettre en place une politique de gestion des ressources humaines• Construire des emplois à temps plein ou temps partiel choisi.• Rendre les salariés polyvalents pour leur donner davantage de travail aux différentes heures de la

journée9, et éviter par la même occasion la dichotomie injustifiée entre travail social noble et tra-vail domestique servile. Cela permet aussi de varier le travail, d’éviter les tâches répétitives et avecelles, les risques physiques et les charges affectives.

• Permettre des progressions de carrière, en faisant en sorte, par exemple, que les intervenants àdomicile puissent devenir responsables de secteur.

• Construire des plans de formation, y compris pour le personnel d’encadrement.• Introduire du collectif, pour rompre avec l’isolement, par un lien effectif entre l’ensemble du per-

sonnel, par la tenue de réunions régulières, par la construction d’une identité et d’une culture d’en-treprise. Cela permet de préserver l’autonomie, aspect positif du travail, et de rompre avec l’isole-ment.

■ Construire de la pluriactivité• C’est le corollaire de la polyvalence : s’inscrire sur plusieurs segments de marché (les personnes

dépendantes, la garde d’enfants, les actifs) pour donner davantage d’heures à des salariés que l’onaura rendu polyvalents.

• Tirer parti des différents types de demandes solvables : les personnes âgées avec l’APA, les actifsavec la réduction ou le crédit d’impôt, la garde d’enfants avec la PAJE, ressources propres desménages, etc.

• Rentrer dans une stratégie de développement économique, car la pluriactivité permet de répondreà davantage de besoins, y compris d’un même ménage, dans une logique de prise en charge globa-le des besoins en offrant un bouquet de services diversifiés.

■ S’inscrire dans le développement économique• Assurer la croissance de la structure, indispensable pour que les emplois soient pérennes et pour

fidéliser les travailleurs.• Savoir se situer dans un univers concurrentiel avec notamment une politique de prix compétitive,

assurant l’équilibre financier de la structure et la juste rémunération de l’ensemble des parties pre-nantes.

• Avoir une politique de qualité de service, tournée vers le client depuis l’analyse de la demande jus-qu’à son suivi, permettant de conjuguer qualité des emplois et qualité des services.

• Etre présent sur plusieurs segments de marché (cf. pluriactivité) et avoir, en plus d’une politiquecommerciale, un lien avec des prescripteurs, des partenaires, souvent situés à un échelon territo-rial (pouvoirs publics, corps médical, professionnels de l’insertion, etc.).

■ S’inscrire dans le développement territorial• Avoir un lien avec les acteurs territoriaux (cf. point précédent).• Etre capable d’analyser les besoins de son territoire et en avoir une vision prospective.• Organiser son activité en prenant en compte la proximité : indispensable pour un rayonnement ter-

ritorial clair et pour pouvoir gérer au mieux les déplacements des salariés.

Il apparaît également que le type de structure répondant aux caractéristiques décrites ci-dessus estplutôt de taille moyenne, type PME, davantage qu’une très grande structure dont la gouvernancepeut devenir complexe ou qu’une TPE qui n’aurait pas les moyens de mettre en place les quatre axespolitiques précédemment développés. Ce zoom sur la gouvernance organisationnelle et le modèleéconomique permet de formuler plusieurs réflexions et interrogations, en lien avec la dynamiqueactuelle du secteur, et la problématique plus spécifique des conditions de travail.

9 - Ce qui est plus difficile à faire si une personne ne s’occupe que de personnes âgées et ne se voit proposer du travailqu’aux lever, déjeuner et coucher.

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1) Une partie importante des enjeux qualitatifs et des moyens de les améliorer se joue au niveauorganisationnel, d’où la pertinence de : - rentrer dans les structures faire de l’accompagnement sur les questions de qualité ;- diffuser par la formation de l’ensemble du personnel, et en particulier des encadrants, un modè-

le économique et de gestion des ressources humaines générateur de qualité.

2) L’introduction de collectif dans cette activité est un impératif. La relation bilatérale entre un par-ticulier et un autre ne permet pas, à l’évidence, de prendre en charge les axes développés ci-des-sus. Il est intéressant de noter que cette idée a fait son chemin, si bien que la Fédération desemployeurs particuliers d’employés de maison (FEPEM) vise elle-même a introduire du collectifdans cette activité, par exemple en développant des programmes de formation. Mais lesdéfaillances d’organisations collectives assurant effectivement l’ensemble de leurs fonctionspotentielles, ce secteur se caractérise par l’existence majoritaire de relations bilatérales entredeux personnes physiques : un employeur et un employé.

3) L’organisation du travail doit faire l’objet d’une réflexion approfondie notamment vis-à-vis durisque de la taylorisation. En effet, certaines structures pensent professionnalisation en rationali-sant au maximum les interventions par du travail prescrit sur un mode néo-industriel. C’est le casdes entreprises qui, par exemple, déterminent un temps donné par chemise repassée. Ces pra-tiques et leurs risques correspondent aux visions néo-industrielles des services à la personne(Debonneuil [1998], [2004]) consistant à comparer ce secteur à celui de la grande distribution et àpréconiser ce type de rationalisation taylorienne fondée sur le travail cadencé et spécialisé. Lesrisques ici sont la dégradation évidente des conditions de travail par l’augmentation du travailrépétitif d’un côté, et par la diminution de l’autonomie du travailleur de l’autre, alors que, commenous l’avons vu, l’autonomie est un des aspects les plus positifs de ce travail selon les salariés eux-mêmes. C’est également, d’un point de vue économique, un modèle qui néglige la logique servi-cielle ou fonctionnelle, c’est-à-dire la capacité de prendre en charge de façon globale un ensemblede besoins hétérogènes définis à l’intérieur d’une relation de service.

4) La place des enseignes nationales dans le secteur pose question. Ces acteurs, actuellement aunombre de 13, et fonctionnant avec quelques variantes, ont comme rôle commun de constituer unintermédiaire entre l’offre et la demande, en « distribuant » les services. On ne niera pas ici l’inté-rêt de cette fonction, encore que l’on puisse s’interroger sur la pérennité de 13 structures toutessupposées apporter de la lisibilité au consommateur. Mais, bien qu’elles soient censées faire mon-ter le secteur en qualité en le structurant mieux, deux raisons poussent à s’interroger sur leur per-tinence. La première tient à leur éloignement relatif du terrain. Ce sont des acteurs nationaux etnon des producteurs locaux de services, alors que, comme nous l’avons vu, la qualité se gère avanttout sur le terrain, au niveau organisationnel. Or, et c’est le second motif d’interrogation, quellevaleur ajoutée ces enseignes peuvent-elles réellement créer pour être elles-mêmes viables etdevenir un des acteurs du développement sectoriel ? Les marges de ce secteur sont déjà faibles,ce qui signifie que tout ce que les enseignes prélèvent, au titre de leur intermédiation, risque dese faire soit au détriment du consommateur, soit au détriment de la structure d’offre. Si c’est audétriment du consommateur, cela diminue le pouvoir d’achat dépensé dans le secteur, et pénali-se in fine le développement du secteur lui-même. Si c’est au détriment de la structure, cela péna-lise les salaires et/ou les conditions de travail, ce qui vient encore précariser les salariés, ou lastructure elle-même, ce qui la fragilise ou l’empêche d’investir, par exemple dans la qualité… Ilreste donc à ces enseignes à prouver qu’en produisant une valeur ajoutée supérieure aux margesqu’elles prélèvent et/ou en permettant une augmentation substantielle du volume d’activité dusecteur, elles portent un modèle économique pertinent pour le développement quantitatif etqualitatif des services à la personne.

Conclusion

De l’aide à domicile développée sous la régulation tutélaire jusqu’aux services à la personne régulésde façon concurrentielle et subventionnée, de profondes mutations ont bouleversé la structurationde ces services. A partir du tournant entamé au milieu des années quatre-vingt sous l’égide des poli-tiques de l’emploi, l’intervention publique a formalisé l’émergence d’un secteur économique intégrantde la cohésion sociale. Si la dynamique actuelle est plutôt orientée vers les entreprises privées et lemarché, ce secteur reste hybride entre l’économie marchande et non marchande, de par les structuresd’offre en présence et les ressources mobilisées. Cette dynamique a accentué le rythme, déjà élevédans le secteur, des créations d’emplois et modifie progressivement la configuration des acteurs.

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La volonté des politiques publiques de s’inscrire dans la durée, depuis le plan de développement de2005, s’est incarnée par la création et le travail de l’ANSP. Le dialogue social coordonné par cetteagence fait notamment remonter les enjeux et les manques qualitatifs, en particulier ceux concer-nant les emplois, longtemps négligés dans ce secteur, à tel point qu’aujourd’hui, la réussite du plande développement se fera au prix d’une réelle prise en charge de la qualité des services et de l’amé-lioration de l’attractivité des emplois et des conditions de travail.

Même s’il ne s’agit pas du seul levier de la qualité, nous avons voulu insister dans cet article sur lerôle clé de la politique de gestion des ressources humaines pratiquée par les organisations de ser-vices. Les observations montrent que les bonnes pratiques existent en la matière et qu’elles se carac-térisent notamment par une articulation de la politique GRH à la politique plus générale de déve-loppement de la structure, se caractérisant elle-même, en résumé, par un fort ancrage territorial, dela pluriactivité et une offre multi-services. Dès lors, une des voies majeures d’amélioration de la qua-lité consiste à intervenir par le conseil et la formation au cœur des organisations pour implémenteret/ou développer les pratiques de gouvernance qualitativement porteuses.

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Note importante : ce document est une synthèse du rapport réalisé en 2002 pour la DGAS sur « lesfreins à l’embauche et l’amélioration des conditions de travail dans le secteur de l’aide à domicile1 » ;à ce titre les éléments de diagnostic et de préconisation ont été repris tels qu’ils avaient été formulésà l’époque (et qui peuvent être à mettre à jour en fonction de l’évolution du secteur) ; par ailleurs,étant donné l’objet (mise en place de l’APA), cette étude portait uniquement sur l’aide à domicileauprès des personnes âgées.

La demande et son contexte

La DGAS a confié à l’ANACT une étude sur « les freins à l’embauche et l’amélioration des conditionsde travail dans le secteur de l’aide à domicile ».

Cette étude s’inscrivait dans le cadre d’une évolution importante du dispositif d’aide aux personnesâgées : l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (loi du 20 juillet 2001) remplaçait la PrestationSpécifique Dépendance (PSD). La mise en œuvre de l’APA allait se traduire par une augmentation sen-sible du nombre de bénéficiaires. Le secteur de l’aide à domicile devait donc être rapidement encapacité de répondre à cette augmentation significative du volume d’heures à réaliser. Or aumoment de l’étude, un grand nombre de structures intervenant dans ce secteur faisaient part degrosses difficultés en matière de recrutement du personnel, que ce soit au niveau du nombre de per-sonnes à recruter comme au niveau des compétences requises pour exercer cette activité.

L’étude de l’ANACT visait à répondre à une préoccupation indissociablement quantitative et quali-tative. En effet, l’analyse des freins à l’embauche et des problèmes à l’origine de la trop faible attrac-tivité du secteur devait permettre :• d’éclairer les moyens à mettre en œuvre pour répondre à l’objectif « quantitatif » du nombre de

personnes à recruter ;• mais également de repérer les éléments garantissant une qualité de service satisfaisante par rap-

port à la finalité de l’APA : maintien à domicile axé sur le maintien voire le développement de l’au-tonomie des personnes âgées.

Cette double préoccupation renvoyait immédiatement à l’ensemble des questions relatives à la pro-fessionnalisation des structures et des personnes.

Analyse du secteur et de la relation d’aide à domicile

Un secteur complexe hétérogène et éclaté

Le secteur de l’aide à domicile se caractérise par sa complexité, son hétérogénéité, et l’éclatementdes acteurs. La personne âgée ayant besoin d’une aide à domicile se retrouve souvent face à uneoffre multiple (plusieurs structures, appartenant à différents réseaux, couvrent souvent un même

Les freins à l’embauche et l’améliorationdes conditions de travail dans le secteurde l’aide à domicile Synthèse de l’étude DGAS / ANACT (2002)

Anne-Marie Nicot et Farida YahiaouiChargées de mission à l’ANACT

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1 - Le rapport dans sa version intrégrale est téléchargeable sur le site Internet de l’ANACT - www.anact.fr

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territoire), avec des modes de financement difficiles à comprendre (APA, CRAM, caisses de retraite,aide sociale...) et différentes modalités d’emploi (prestataire, mandataire, gré à gré) qui se traduisentpar des écarts de prix de 25 % pour une même aide à domicile. On compte en 2002 plus d’un millierde structures prestataires, aux statuts différents (associations, CCAS, etc.) et aux modalités de fonc-tionnement encore plus diverses, notamment en termes de :• taille (6 à plus de 1 000) ;• activité (spécialisées sur l’aide aux personnes âgées ou offrant une large palette de services) ;• conceptions plus ou moins sociale ou libérale du service ;• organisation interne (indépendance totale ou mutualisation de certaines fonctions), etc.

De même le mode de financement de l’aide à domicile reste relativement complexe, du fait de l’exis-tence de différents financeurs intervenant selon différente logiques (logique d’assurance, de solida-rité, etc.).

Les financeurs n’ont (en 2002) qu’une assez faible visibilité sur la réalité du service fourni par lesstructures d’aide à domicile, et leur intervention se fait sur la base des heures de prestation directeau domicile des personnes, majorées forfaitairement pour tenir compte de coûts « périphériques »actuellement mal mesurés.

Pour compléter ces financements, notamment sur les postes de gestion du service, les structuresont recours à divers financements indirects, comme par exemple les emplois aidés, les subven-tions négociées au gré à gré avec d’autres acteurs (commune, etc.) ... La mobilisation de ces finan-cements implique parfois de s’inscrire dans des dispositifs (CES, etc.) dont la logique n’est pastoujours congruente avec celle d’une politique de développement de la qualité dans l’aide àdomicile.

Au sein des structures, pour les aides à domicile, les deux principaux statuts rencontrés dans lesstructures sont :• le prestataire (l’aide est salariée de la structure qui facture des prestation à la personne aidée) ;• le mandataire (c’est la personne âgée qui est employeur, et l’association réalise pour elle les

démarches administratives inhérentes au statut d’employeur).

Certaines aides complètent aussi leur temps de travail par des activités de gré à gré (où elle estdirectement embauchée par la personne, sans intervention d’une structure). Dans les CCAS, il y aaussi du personnel titulaire de la fonction publique territoriale.

Il n’est pas rare que ces différents statuts soient en concurrence directe, la même aide travaillant pourune partie de ses heures en prestataire, et pour le reste en mandataire (voire en gré à gré) : « Les per-sonnes âgées ne comprennent pas qu’on leur demande 90 F de l’heure quand elles peuvent avoir lemême service, et souvent la même personne, pour 65 F... »

La relation d’aide et ce qui s’y joue

Difficile définition de la relation de service

Le volume d’heures d’intervention des aides est généralement évalué sur la stricte base des tâchesménagères à réaliser, car ce sont les seules sur lesquelles les organismes financeurs estiment avoirdes repères. Cependant, notamment dans le cadre de la loi instituant l’APA, le rôle de l’aide dans lemaintien (voire le renforcement) de l’autonomie des personnes âgées est souligné. Cet écart poseclairement la question de la définition du service rendu dans le cadre de l’aide à domicile auprès despersonnes âgées : s’agit-il uniquement de réaliser, à la place de la personne, des tâches qu’elle nepeut plus faire ? s’agit-il de faire avec elle des tâches qu’elle ne peut plus faire seule (pour des rai-sons physiques, mais aussi parfois psychosociales) ?

Dans la plupart des cas observés, la prescription du travail des aides est constituée d’un mélange detâches et de finalités (« faire les courses, préparer les repas, aider à la marche, apporter un soutienmoral, social et psychologique... »).

Et, malgré l’importance accordée dans les textes à la notion d’autonomie, l’APA n’a pas apporté dechangement sensible à ce problème pour l’instant. En effet, le principe d’autonomie manque aujour-d’hui de déclinaison opérationnelle, que ce soit dans l’évaluation du volume d’heures et la définitionde la prestation, dans la présentation du service par les structures, ou dans les repères profession-nels sur lesquels les aides construisent leur activité. L’autonomie reste donc un concept large, un peuflou et mal relié à l’activité concrète des aides.

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Une relation de service aux confins du professionnel et du privé

À la différence des autres activités de service, les dispositifs qui habituellement cadrent une relationprofessionnelle (lieux, outils, gestes) appartiennent ici à la sphère privée du bénéficiaire :• le lieu de travail est le domicile privé de la personne âgée ;• les outils de travail sont ceux de la personne âgée ;• il est difficile aux aides à domicile de faire reconnaître des gestes techniques propres : elles font

des choses que les personnes âgées faisaient elles-mêmes auparavant (pour certaines personnesâgées, ne plus pouvoir faire ces gestes est d’ailleurs vécu comme un deuil, une perte, la perte deleur autonomie, une première mort). Parfois même, le professionnalisme consistera à modifier sesgestes pour les adapter aux pratiques des personnes âgées. Dans la plupart des cas, il lui faudranégocier avec la personne âgée pour faire accepter une autre manière de faire que ce soit pour pas-ser la serpillière, ou plier les vêtements...

Ces caractéristiques sont très spécifiques aux aides à domicile, car on ne les retrouve pas, mêmedans les autres professions de service intervenant à domicile comme les infirmières, les aides-soi-gnantes, mais aussi les artisans du bâtiment ou les jardiniers : ils interviennent chez les personnesâgées certes, mais avec leurs outils propres, porteurs d’un savoir, d’une technique spécifique. Autantd’éléments qui créent une coupure symbolique entre activité professionnelle et activité domes-tique, et favorisent la reconnaissance d’une sphère de compétence et d’intervention propre par lespersonnes âgées. En ce sens le travail des aides à domicile relève pour une large part du « travail invi-sible ».

Au-delà des besoins formulés, l’aide est souvent le seul lien social

Au-delà de la réalisation des tâches ménagères ou autres, ce que l’aide à domicile apporte en pre-mier lieu aux personnes âgées c’est une présence. C’est un « besoin » qui n’est généralement pas for-mulé, pas toujours conscient a priori, mais qui se révèle très rapidement, notamment en raison de lasolitude des personnes aidées. Mais aussi parce que dans leur activité, les aides sont amenées àentrer dans les sphères les plus privées de la personne (pour faire le lit, la toilette...), et ce sur unregistre différent de celui d’autres intervenants éventuels (un registre moins technique, plus person-nel). La qualité de cette relation s’avère souvent déterminante dans la perception du service par lespersonnes aidées, et il n’est pas rare d’en voir certaines se plaindre de leur aide sans avoir rien de pré-cis à leur reprocher : c’est simplement que « le courant ne passe pas ».

Une frontière entre professionnel et privé à renégocier au quotidien

Ainsi, dans les gestes quotidiens, il s’établit entre l’aide à domicile et la personne âgée une relationdifférente de celle qui s’établit avec les autres intervenants au domicile, une relation moins centréesur les gestes techniques, plus imprégnée de l’espace total de la vie de la personne âgée, une rela-tion où la frontière entre le professionnel et le privé est souvent ténue et continuellement à rené-gocier. C’est dans cette négociation que se construit, pour une large part, la réalité du service qui seraeffectivement réalisé (faire les courses de la personne âgée sur son temps propre, en même tempsque les siennes, ou bien couper les fleurs fanées, etc.). Il existe donc une forte variabilité du serviceeffectivement réalisé, variabilité qui tient autant au bénéficiaire qu’aux aides (qui finalement adap-tent leur attitude au contexte dans lequel elles interviennent).

Même dans les structures les mieux gérées, cette variabilité existe. Les responsables de secteur lesavent, mais n’interviennent que lorsque la relation de service s’éloigne trop, dans un sens ou dansun autre, du cadre défini a priori. Les risques de dérapage sont d’autant plus fort quand il n’existe pasde document écrit rappelant l’extension et les limites de l’intervention des aides à domicile, auquelprestataire et bénéficiaire puisse se référer. De même, comme beaucoup de choses se jouent dans lanégociation implicite qui s’instaure entre la personne âgée et l’aide à domicile, la prise en comptedes éléments de tempérament et de personnalité s’avère importante dans la réalisation du service.Aussi, la qualité de la relation de service dépend en grande partie du processus de mise en place etde suivi du service par la structure (cf. infra).

Une implication affective difficilement évitable et toujours coûteuse

Dans le travail des aides à domicile, les dimensions relationnelles et professionnelles sont inextrica-blement liées. Et ce qui est fait est souvent moins important que la manière dont il est fait.

Alors que les autres professions (IDE, AS) apportent des soins au corps, et gardent finalement unecertaine distance à la personne, pour les aides à domicile, il s’agit de soins dans la sphère la plus inti-

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me d’une personne avec laquelle elles ont une relation large : elles connaissent leurs habitudes ali-mentaires (et leurs « petits faibles »), leurs enfants, leur passé, leurs états d’âme, etc.

D’une manière générale, la relation d’aide à domicile se construit sur beaucoup de petit « à côtés »chaque fois différents mais toujours présents de part et d’autre : prendre le café avec la personneâgée, regarder des photos anciennes, rendre des petits services... Au fil des mois, des années, il seconstruit une histoire, et les visites de l’aide à domicile deviennent un repère dans la vie de la per-sonne âgée (surtout quand elles ne sortent plus de chez elles, qu’elle ont peu de visites, peu de famil-le). Dans ce contexte, la mort d’une personne âgée est toujours un choc.

La structure : garant d’une relation de service professionnelle

Dans la réalisation du service au quotidien, les aides à domicile doivent faire face, seules, à de nom-breuses situations souvent difficiles, ce qui nécessite une réelle autonomie de leur part. Toutefois,pour le bon déroulement de la relation d’aide, la structure doit fournir un référentiel auquel chacunpuisse se référer à tout moment.

La base de ce référentiel est constituée par l’entretien au domicile de la personne âgée. C’est à cemoment-là que le responsable de secteur (ou la personne qui en assure la fonction) peut :• définir les tâches à réaliser ;• préciser, avec le bénéficiaire, ce que l’aide fera et ne fera pas (en laissant éventuellement un docu-

ment écrit) ;• évaluer le tempérament de la personne pour mieux cerner le profil de l’aide à placer chez elle ;• établir un contact avec le bénéficiaire qui permet de positionner la structure comme un tiers par-

ticipant à la relation d’aide (et à laquelle il pourra avoir recours en cas de problème).

Ce premier cadrage doit permettre de limiter les dérives dans la réalisation du service. En effet, onobserve que lorsque ce type d’entretien n’a pas lieu, les gestionnaires de service doivent par la suitefaire face à de nombreux problèmes de « divergence d’interprétation » sur le contenu du service àréaliser - sans toujours être perçus comme très légitimes pour le faire car les personnes âgées n’ontpas eu personnellement à faire avec eux (ou elles).

La connaissance (et la reconnaissance) des responsables de secteurs comme tiers régulateur, par lesaides comme les bénéficiaires, s’avère très important pour la bonne réalisation du service : corrigerles dérives, résoudre un problème ponctuel, etc. En effet, en l’absence de ce tiers, la relation de ser-vice professionnelle risque de dériver vers une relation plus « domestique », où la réalité du servicefait dépendra de la négociation interpersonnelle entre l’aide et la personne aidée.

Pour tenir compte de cette réalité de l’évolution de la relation, et des besoins de la personne aidée(en fonction de son état de santé), il est nécessaire que l’entretien initial de mise en place du servi-ce soit complété par un suivi régulier du responsable de secteur.

Analyse du processus d’aide à domicile

En amont de l’intervention chez les personnes âgées, les structures d’aide à domicile assurent unimportant travail d’organisation et de gestion du service, clé de voûte de la qualité de service, quidemeure néanmoins encore trop souvent la partie immergée de l’iceberg.

Ainsi, l’activité d’aide à domicile se déroule selon un processus articulé autour de deux phases com-plémentaires : • la mise en place, le suivi et la gestion du service, et de l’activité, assurés par le personnel des struc-

tures (associations ou CCAS) ;• la réalisation du service ou l’intervention proprement dite réalisée par les aides au domicile.

La mise en place du service

La mise en place du service recouvre deux phases successives : la définition du plan d’aide puis ladésignation de l’aide à domicile devant réaliser l’intervention chez la personne âgée.

La définition du plan d’aide est le résultat de la confrontation puis d’arbitrages entre d’une part l’éva-luation de la situation de la personne âgée (pour déterminer le niveau et la nature de la prise en char-ge) et d’autre part les possibilités de financements (conditions d’accessibilité aux prestations aidéeset moyens de financement de la personne âgée ou de sa famille).

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Dans le même temps, cette étape vise à caractériser l’intervention de l’aide :• en sériant au mieux la nature et le périmètre d’intervention (ce qu’il y a à faire et comment le

faire) ;• en qualifiant au mieux les conditions de réalisation de l’activité de l’aide, conditions indissociable-

ment matérielles et relationnelles.

L’évaluation de la situation de la personne âgée nécessite de prendre en compte (et hiérarchiserentre eux) un grand nombre d’éléments complexe et plus ou moins informels. Face aux besoins ainsiévalués, il faut identifier les possibilités de financement : de quelles prestations peut bénéficier lapersonne âgée (en fonction de son niveau de dépendance, de sa caisse de retraite, de son niveau derevenu ...), et dans quelle mesure peut-elle assumer un prise en charge, partielle ou totale, des heuresà réaliser (et jusqu’à quel montant). Dans cette phase, il est généralement nécessaire de recueillir unnombre assez important de documents administratifs auprès des personnes aidées - ce qui ne se faitpas toujours sans difficulté.

La phase d’évaluation se termine donc par un ajustement et des arbitrages réalisés entre les besoinsévalués et les possibilités de financement. Un plan d’aide est ainsi défini, comprenant des presta-tions prescrites par tâches (ménage, courses, repas…), et qui peut s’inscrire parfois dans un cadreplus large défini par une finalité (ou mission) du type accompagnement social et/ou soutien moralde la personne.

Le schéma ci-dessous reprend ces différents aspects de la définition du plan d’aide, avec les compé-tences à mobiliser pour mener à bien ce travail.

La réalité observée à partir de l’échantillon montre à la fois une grande diversité de pratiques danscette phase de définition du plan d’aide, et des difficultés dans la mise en œuvre.

En premier lieu, en fonction des dispositifs, plusieurs types d’opérateurs peuvent être amenés à réa-liser cette phase d’évaluation : pour l’APA, c’est une équipe médico-social du Conseil général qui réa-lise généralement cette évaluation ; dans d’autres cas, ce sont les responsables de secteur de lastructure d’aide à domicile qui le font.

En outre, alors que pour une bonne évaluation, il est nécessaire que ce travail se fasse par une visiteau domicile de la personne aidée, il n’est pas rare que la mise en place du service se fasse par simplecontact téléphonique, notamment quand il n’y a pas de prise en charge par un tiers financeur (le ser-vice est défini en fonction de ce que la personne, ou sa famille, exprime comme besoins, d’une part,et du nombre d’heures qu’elle est prête à payer, d’autre part). Cette pratique constitue souvent unesolution par défaut à l’accroissement de la charge de travail administratif dans les structures. Celan’apporte cependant pas une vraie solution à moyen terme car les économies ainsi réalisées sur ladéfinition du plan d’aide ont plusieurs conséquences :• il n’est pas possible de garantir un certain niveau de qualité de service ;

PersonnalitéDemande, attentesÉtat de santé physique et mentalRelation avec la familleAcceptation de l’intrusMoyens financiers et acceptation de paiement

PERSONNE ÂGÉE

Degré de soutien familialEntourage extérieurRelation famille/personne âgéeAttente de la familleAcceptation de l’intrusMoyens financiers et acceptation de paiement

FAMILLE ET ENVIRONNEMENT

Organisation spatialeConfort du logementPrésence, absenced’équipementsspécifiques

LOGEMENT

RèglesProcédures

FINANCEURS

Évaluation des possibilités de financement

Évaluation de la situationde la personne

ConnaissancesCréativitéImagination

AjustementsArbitrages

ÉcouteMédiationNégociation

Prestations prescrites par :- Tâches et/ou finalité- Temps et rythme

Expertise

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• le faible cadrage du service augmente le risque d’insatisfaction des personnes aidées et, par suite,de réclamations, de résiliation (ou licenciement si le service est fourni en mandataire), avec tout ceque cela comporte de démarches administratives.

La désignation de l’aide à domicile

Une fois le plan d’aide défini, la deuxième étape de la mise en place du service consiste à désignerla personne la plus adéquate pour réaliser l’intervention au domicile. La recherche d’adéquationentre la personne désignée et le service à rendre dépasse largement la simple mise en correspon-dance entre les disponibilités des aides et les besoins des personnes âgées, en nombre d’heures etcréneaux horaires - même si ces paramètres jouent souvent un rôle important. Ici encore, la per-sonne réalisant la désignation de l’aide doit réaliser des arbitrages et des compromis car l’adéqua-tion immédiate et parfaite n’existe pas, ne serait ce que pour des questions de disponibilités parexemple.

Le schéma ci-dessous illustre les différentes caractéristiques de cette étape.

L’intervention au domicile

« Personne ne me l’a dit, mais ça fait partie de mon rôle : lire une prière pour une personne aveugle,l’emmener au jardin ou lui rapporter une rose pour la lui faire sentir et pour une autre, regarder lesphotos d’un baptême ou d’un mariage, caresser le chien… ».

L’intervention à domicile est beaucoup moins simple qu’il n’y paraît. En effet, au delà des tâchesménagères, on assiste en réalité à une grande diversité de besoins. Il s’agit de besoins liés à des dif-ficultés d’ordre physique : hygiène, vie quotidienne, ou de besoins liés à un désinvestissement affec-tif et psychologique, ou encore des besoins liés à l’isolement, à un manque de communication etd’échange, ou enfin de besoins liés à l’accompagnement de fin de vie. Le rôle de l’aide à domicileauprès de ces personnes va être à la mesure de leur degré de solitude et de handicap et ce, quelleque soit la durée hebdomadaire de leur intervention.

Bien que le processus reste difficile à formaliser (en lien avec la difficulté de définition du rôle del’aide à domicile, cf. supra), l’aide à domicile doit, pour réaliser son travail, prendre en compte un cer-tain nombre d’éléments :• le plan d’aide tel qu’il est défini en termes de temps, de rythme de passage et de tâches à réaliser ;• les règles édictées par la structure qui définissent notamment son périmètre d’intervention (ce

qu’elle doit faire et ne doit pas faire) et précisent plus ou moins la façon de le faire (définition clai-re de la conception du service véhiculée par la structure) ;

• les besoins de la personne tels qu’ils sont perçus par l’aide, en fonction des demandes formuléesplus ou moins explicitement, de sa connaissance de l’environnement de la personne âgée, etc.

Les situations effectivement rencontrées par les aides à domicile sont très variables, complexes(combinant des dimensions matérielles, psychologiques, sociales, de santé...) et souvent évolutives.Pour y faire face, le prescrit n’est généralement pas d’un grand secours, et les aides doivent faire

ArbitragesCompromis

Bonne connaissancedes salariés et

- Perception de la personnalité- Disponibilité- Distance domicile - travail- Situations acceptées- Tâches réalisables (aptitude)- Perception qualités techniques

SALARIÉS

Prise en compte des élémentscaractéristiques de la situationde la personne et du besoin destabilité des personnes âgées

Prise en compte des prestationsà réaliser

de leurs disponibilités

Désigner la personnela plus adéquate

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preuve d’une réelle autonomie, tant pour gérer la relation avec la personne âgée que pour prendredes décisions parfois importantes. Ce qui apparaît comme le plus difficile, c’est l’adaptation et lanégociation leur travail, au quotidien et au cas par cas.

Le schéma ci-dessous illustre les caractéristiques de l’intervention.

Dans la réalité, travailler auprès des personnes âgées amène les professionnels à être confrontés àdes tâches, des situations physiquement et psychiquement lourdes.

L’aide à domicile assure aussi un important rôle de liaison avec l’environnement social et familial, cequi n’est pas toujours simple et demande beaucoup de prudence : il faut donner des nouvelles desvoisins, mais en évitant les indiscrétions ; il faut coordonner son action avec celle des aidants natu-rels, en évitant de devenir un enjeu dans le cadre d’un conflit familial (actuel ou latent), etc.

Le flou relatif au rôle de l’aide à domicile et à son périmètre d’intervention s’exprime, dans la réali-sation de l’activité par une impression de « s’occuper de tout, de tout gérer ».

D’une manière générale, la relation d’aide à domicile est fortement caractérisée par une tendance au« grignotage » de la part des personnes âgées : elles sollicitent régulièrement l’aide pour des servicesqui ne sont pas initialement prévus : courses, jardinage, nettoyage des murs, etc. Quelle que soit leurnature et leur étendue ces « petits plus » sont présents dans la quasi totalité des cas que nous avonspu observer. Leur contenu est très variable, en fonction des besoins de la personne âgée, des dispo-sitions personnelles de l’aide... et de la manière dont le service est demandé.

Une forte demande psychique, une autonomie réelle, mais une grande solitude

Dans leur activité, les aides à domicile se trouvent nécessairement exposées à des situations com-plexes et fortement impliquantes (vieillissement dans ses aspects psychologiques et physiques, soli-tude, maladie, mort...). La relation personnalisée qui se construit au fil du temps avec la personneâgée se traduit par un investissement affectif important, que chacune gère à sa manière, souventseule, et sans guère de repères ni garde-fous.

Et, bien souvent, les aides à domicile acceptent, en connaissance de cause, de faire des choses quisortent de leur cadre d’intervention, généralement pour pallier les carences de l’environnement(enfants habitant loin, manque de moyens de la personne âgée pour recourir à un professionnel...).

Les aides se trouvent parfois confrontées à des personnes dans des situations de détresse humainetrès grande, qui les touchent, et auxquelles elles essayent d’apporter quelques solutions, avec lesmoyens dont elles disposent - et avec le coût affectif que peut représenter ensuite le décès de lapersonne aidée.

« Il y a deux ans et demi, j’ai commencé à travailler chez une dame qui n’avait pas fêté Noël depuis17 ans. Ca m’a tellement touchée que je l’ai invitée à passer Noël à la maison. »

Négociation

Prestations prescrites

- Tâches et/ou finalité- Temps- Rythme

Organisations

- Employeur ou appui- Règles- Conception du service

- État du moment- Pression exercée- Demande ou besoins particuliers

Connaissancesituation

de la personne

Présence physiquede la personne âgée

Aide effective

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Le métier d’aide à domicile s’exerce par définition seule. Il amène à se trouver régulièrementconfronté à des situations complexes ou difficile de diverse nature :• personnes âgées dépressives, ou atteintes de divers troubles mentaux (Alzheimer...) ;• problèmes relationnels entre la personne âgée et son conjoint ou ses enfants ;• variabilité de comportement des bénéficiaires (manque d’hygiène, acariâtre, autoritaire...) ;• coordination avec les autres intervenants au domicile ;• problèmes de santé de la personne âgée (chutes, pertes de connaissance...).

Cet isolement fait que, dans le métier d’aide à domicile, le degré d’engagement (et de responsa-bilité) est bien supérieur au niveau de technicité car l’intervention de l’aide se situe dans « l’es-pace total de la vie ».

Cet isolement est renforcé par l’absence de véritables temps collectifs dans le cadre de la structured’aide à domicile (1 ou 2 réunions par an, plutôt pour traiter de problèmes immédiats comme lesremplacements de congés que pour véritablement échanger autour de leur travail). Et, bien souvent,les aides à domicile ne se connaissent pratiquement pas entre elles.

Ces temps collectifs font aujourd’hui défaut, et les aides à domicile sont en attente de lieux oùelles puissent parler de leur travail entre elles et avec un tiers extérieur : parler de ces problèmes,échanger avec les autres sur des situations comparables, etc. permet d’enlever un peu de pressionet de construire des repères communs sur la manière de gérer certains problèmes. En effet, commeelles sont généralement seules pour faire face aux différentes situations qui peuvent se présenter(problèmes de santé physique ou psychique de la personne âgée, problèmes relationnels, etc.), cesréunions sont l’occasion de confronter leurs pratiques et d’enrichir ou modifier leurs modalitésd’action.

La mise en place de réunions régulières est demandée par les CRAM dans le cadre des contrats qua-lité, mais leur mise en place effective se heurte au problème de moyens : comment payer les aidesà domicile pendant les heures de réunion ? comment rémunérer un intervenant externe pour animerces réunions ?

Dans ce contexte, les formations continues réalisées dans la structure sont vécues comme desmoments importants et qui apportent beaucoup, surtout lorsque le thème est en prise directe avecleur activité : les manipulations, la maladie d’Alzheimer, la mort, etc. Ces temps de formation, indé-pendamment de leur contenu, sont appréciés par les aides dans la mesure où cela demeure une desseules occasions qui leur est fournie d’échanger entre collègues.

La gestion du service

La gestion du service regroupe la gestion des planning et le suivi du service. L’articulation très forteentre ces deux dimensions explique que dans toutes les structures que nous avons analysées, cesdeux « fonctions » étaient assurées par la même personne.

La gestion du planning est, aux dires de toutes les personnes concernées, « un casse tête chinois ».En réalité, le travail de gestion des planning est en quasi totalité généré par la gestion des rempla-cements. Chaque responsable de planning gère environ 40 (et jusqu’à 85) aides à domicile. Lesabsences sont alors quotidiennes, pour des motifs variés : absences, maladie, congés… Mais chacu-ne des absences constitue un travail énorme. D’autant que les responsables de planning essaient deconserver une certaine « stabilité » à laquelle sont très attachées les personnes âgées. Ainsi, ellestenteront de mettre en remplacement quelqu’un de déjà connu de la personne (ou qui a deschances de « bien passer »). C’est pourquoi les logiciels n’offrent qu’une solution partielle à la ques-tion des plannings.

Concernant le suivi du service, dans les structures que nous avons analysées, il est à peine schéma-tique de dire qu’il se résume :• au recueil des plaintes et au traitement de celles-ci, soit de manière bilatérale (avec la personne

âgée ou avec l’aide à domicile), soit en organisant une rencontre chez la personne âgée en présen-ce de l’aide ;

• à l’écoute des aides à domicile qui viennent parfois au bureau pour évoquer les problèmes qu’ellerencontrent (décès...).

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Les freins à l’embauche et les problèmes d’attractivité du secteur2

La plupart des structures nous ont fait part de leurs difficultés de recrutement, que ce soit ennombre de personnes ou en termes de compétences requises. Mais ces difficultés de recrutementsont plus ou moins sensibles :• selon le contexte économique local et la conjoncture : quand une usine ferme dans une petite ville,

l’association d’aide à domicile voit affluer un certain nombre de candidatures des personnes licen-ciées ;

• selon le milieu d’implantation de la structure : les difficultés semblent plus prégnantes en milieuurbain, en particulier dans les grandes villes.

Ainsi, en milieu urbain, trouver des personnes ayant les aptitudes pour exercer cette activité dans debonnes conditions n’est pas simple. Les garder ne l’est guère plus : certaines nouvelles embauchéesconfrontées à la réalité du travail partent au bout de quelques jours ou quelques semaines ; d’autresrestent plus longtemps, mais en s’inscrivant dans la perspective de recherche d’un autre emploi (eninstitution notamment).

Celles qui restent finalement sont : • soit très fortement motivées par ce travail, et sont souvent les plus anciennes ;• soit faiblement sensibles aux conditions d’emploi (temps partiel, précarité) car les revenus de cette

activité ne sont qu’un complément au revenu principal du foyer ;• soit au contraire obligées « de gagner leur vie » et, n’ayant pas de qualifications particulières, res-

tent dans ce secteur par besoins et par défaut.

Quel que soit le contexte et le milieu d’implantation, on observe une tendance à la concentrationdes candidatures sur des publics en difficulté ou les jeunes en échec scolaire.

Un certain nombre d’associations intermédiaires interviennent depuis plusieurs années dans le sec-teur de l’aide à domicile. Étant donné leur objectif d’insertion, elles se sont généralement donné lesmoyens d’aider leur personnel à faire face dans les meilleures conditions aux contraintes de l’activi-té (formations, etc.).

En revanche, la très grande majorité des structures d’aides à domicile, qui aujourd’hui recrutent despersonnes en grande difficulté personnelle et sociale, n’ont souvent guère de moyens pour faciliterleur réinsertion dans le monde du travail, et qui plus est sur un métier aussi faussement simple quecelui de l’aide à domicile.

La partie visible des problèmes d’attractivité

Une rémunération faible

La rémunération a été évoquée systématiquement par toutes les aides à domicile rencontrées et parla plupart des personnels de structure, comme LE point noir.

Elles sont rémunérées sur la base du SMIC horaire. Les évolutions de salaires sont lentes, faibles (aumieux 120 % du SMIC après 20 ans) et variables (selon les structures, les statuts). Le niveau de rému-nération des heures de nuit et de week-end est également faible, et variable selon les structures (enfonction, notamment, de la convention collective).

La concentration de l’activité (et de la demande) sur certaines plages horaires (début de matinée,midi, soir), ainsi que les variations d’activités (liées aux hospitalisations ou décès des personnesâgées) se traduit par la difficulté à atteindre un travail rémunéré à temps plein (sauf à accepter detrès grandes amplitudes journalières, et un travail le samedi et certains dimanches, ou la nuit).

Des temps « périphériques » importants, incompressibles et directement liés à l’activité ne sont pasrémunérés, sauf dans quelques cas, sur la base d’un forfait (souvent bien inférieur à la réalité). Cesont notamment les temps de trajet (qui peuvent être considérables, notamment en milieu rural),et les « trous » entre 2 bénéficiaires (souvent d’une heure ou 2). Ces temps périphériques, sur les-quels l’aide à domicile n’a aucune « prise », peuvent varier sensiblement d’une aide à une autre,selon le nombre de personnes âgées et la localisation de leur domicile.

2 - Note importante : ce document est la synthèse d’un rapport rédigé en 2002. Certaines caractéristiques de l’emploi dansle secteur peuvent avoir changé depuis.

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Un travail intensif et exigeant

L’enchaînement des interventions est souvent source de pression et de tension. Les aides à domici-le courent sans cesse après le temps, pour minimiser tous les temps « périphériques » qui sont à leurcharge, et pour tenter de gérer au mieux mais au plus vite, l’ensemble des aléas, nombreux au coursd’une journée (aléas relatifs au temps de trajet, à l’intervention elle même).

Cette course après le temps se réalise également au sein de chacune des interventions.Globalement, les aides à domicile estiment que très souvent, le temps accordé reste insuffisant pourdeux raisons :• parce que le temps nécessaire à la réalisation des tâches est souvent « serré » et nécessite un ryth-

me soutenu au sein de chacune des interventions ;• parce que l’enchaînement des intervention les conduit à travailler continuellement à un rythme

soutenu, sans périodes moins denses qui leur permettraient de souffler un peu.

Outre le morcellement de l’activité, la concentration de certaines tâches (lever, repas, toilettes, cou-cher) dans une plage horaire restreinte de la journée explique également le niveau d’intensité du tra-vail ressenti par les aides à domicile.

Les autres tâches sont alors réalisées sur le reste du temps. Le temps de travail peut ainsi être répar-ti sur une amplitude relativement importante, avec parfois (mais pas toujours), des « trous » dansl’emploi du temps. Cette amplitude importante, combinée avec le travail des week-ends, voire desnuits pour certaines, conduit parfois les aides à domicile à se plaindre des difficultés rencontréesdans leur vie personnelle, dans la mesure où elles travaillent parfois «à contretemps social» (surtoutplainte des femmes seules qui doivent s’occuper de leurs enfants).

La partie moins visible des problèmes d’attractivité

Les conditions de travail et d’emploi, difficiles et précaires, résultent en grande partie d’une carac-téristique propre au secteur : la charge des risques inhérents à l’activité doit être assumée par lessalariés. Partie immergée de l’iceberg, cette caractéristique explique également en grande partie leturn-over et la faible attractivité du secteur.

Variabilité des revenus

Les aides à domicile sont payées sur la base du SMIC horaire. La grande majorité d’entre elles n’étantpas mensualisée, leur niveau de rémunération peut varier en fonction du nombre de jours dans le mois.

Les variations d’activité (liées aux vacances, hospitalisation, décès... des personnes âgées) sont inhé-rentes à l’activité. Du fait de ces événements, les aides à domicile peuvent voir leurs revenus varierd’un mois sur l’autre, parfois dans des proportions dramatiques. Il suffit alors d’un concours de cir-constances (décès ou hospitalisation de plusieurs personnes chez qui elles interviennent sur un lapsde temps court), pour que leur situation économique devienne très fragile.

Un soutien collectif et organisationnel insuffisant

Dans un contexte pourtant complexe, les situations quotidiennes de travail des aides à domicile secaractérisent par un isolement important et une incertitude permanente. En effet, plus pour des ques-tions de moyens que par choix délibéré, les structures n’assurent pas l’encadrement et le suivi de façonsatisfaisante. Dans ce secteur, il n’y a pas de collectif de travail pour « filtrer » la prescription, c’est àdire la traduire concrètement en repères pour l’activité. Autrement dit, l’organisation participe peu àla construction et au cadrage de l’interaction, ce qui ne permet pas aux aides à domicile d’avoir lesrepères nécessaires pour une distanciation indispensable dans toute relation professionnelle.

Ainsi, en fonction de son histoire, de son vécu, de ses sensibilités, chaque salariée va gérer, à samanière, les situations rencontrées au quotidien. Elle va donc s’imposer « ses propres contraintes »en fonction de sa représentation personnelle quant à ce qu’elle doit ou ne doit pas faire, en fonctionde la relation qui se noue entre elle et la personne âgée (différente dans chaque cas). Et, il apparaîtclairement au travers des pratiques, que la frontière entre le personnel et le professionnel restefloue.

Les aides à domicile doivent prendre en permanence des micro-décisions, dans le temps de l’inter-action, ces décisions pouvant parfois avoir des effets très importants dans de nombreux domaines :sur la santé de la personne âgée, sur les relations avec la famille, sur le confort de la personne âgée ...Toutes ces difficultés doivent être prises en charge au quotidien par les aides elles-mêmes, le recours

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à la structure ne constituant qu’une solution de dernière extrémité, quand la situation devient diffi-cilement supportable.

L’insuffisance des temps collectifs, pour échanger sur ce vécu, et l’absence de dispositif de soutienindividuel dans les structures (comme une permanence de psychologue par exemple) amène lesaides à domicile à beaucoup prendre « sur elle ». Parfois trop.

Ainsi, concrètement, la charge psycho-affective est extrêmement lourde à porter pour ces person-nels qui s’en plaignent régulièrement, faisant largement passer au second plan la charge physiquepourtant parfois très importante (déplacements des personnes handicapées…) et les conditions detravail et d’emploi très difficiles dans ce secteur.

On constate aujourd’hui une augmentation des arrêts de travail pour « fatigue nerveuse » mais aussipour lombalgies, dorsalgies… Si les contraintes physiques du travail sont une cause évidente de cesdeux dernières pathologies, on ne peut pas pour autant exclure les facteurs psychologiques car lescontraintes dans ce domaine sont tout aussi importantes. Enfin, il n’est pas rare que certaines per-sonnes changent de métier après le décès d’une personne avec laquelle une relation « trop forte »s’était établie.

Absence de reconnaissance sociale et professionnelle

Au delà des contraintes de l’activité, les problèmes d’attractivité doivent aussi être mis en lien avecle déficit d’image. C’est sans doute l’un des métiers les plus mal reconnus du secteur sanitaire etsocial. Le rôle des aides pourtant fondamental, reste opaque pour la plupart des gens (grand public,personnes âgées, financeurs…) et ne fait l’objet d’aucune valorisation ni reconnaissance.

Plusieurs points se combinent et contribuent à la non visibilité du rôle et de l’activité des aides àdomicile :• leur rôle reste souvent perçu comme se limitant aux tâches ménagères, voire aux tâches les plus

ingrates (il est moins valorisant de nettoyer les toilettes que de changer un pansement) ;• l’accès au métier ne se fait pas sur la base d’un diplôme et le métier lui-même ne fait pas l’objet

d’une qualification reconnue ;• les savoirs faire sur lesquels s’appuie l’activité (savoirs faire relationnels notamment) n’ont guère fait

l’objet d’une formalisation et d’une généralisation au sein de la profession (ce qui les rend d’autantmoins visibles pour l’extérieur).

Le métier des aides à domicile n’est pas toujours valorisé par les personnes âgées elles-mêmes et/oupar leur famille, voire par les autres intervenants extérieurs. Il n’est pas rare qu’elle soient considé-rées comme des «bonnes à tout faire», à qui on confie les tâches pénibles, voire considérées comme« dégradantes ».

La quasi absence de temps collectifs ne facilite pas le développement d’un sentiment de reconnais-sance par les pairs, ni par la hiérarchie. Cette absence d’échanges et de temps collectifs empêchentla constitution d’une image professionnelle commune à laquelle chacune puisse s’identifier (formantun corps de métier) et sur laquelle il serait possible de communiquer à l’extérieur (notamment versles personnes âgées, leur famille et les autres acteurs du secteur gériatrique).

L’activité des aides à domicile ne fait quasiment jamais l’objet de communication de la part desfinanceurs. Il est surprenant de voir qu’à aucun moment, la valorisation de la mesure APA n’a été miseen lien avec l’activité des aides à domicile, dans toutes les plaquettes diverses et variées de présen-tation de l’APA.

Les préconisations

Favoriser la professionnalisation des structures

La professionnalisation des structures constitue la clé de voûte de l’amélioration et de l’homogé-néisation de la qualité de service dans le secteur de l’aide à domicile. C’est la structure qui garantitauprès des personnes âgées, la nature et le contenu du service qui leur sera fourni : c’est elle qui doitdéfinir le cadrage initial, c’est elle qui doit assurer le suivi, et les régulations nécessaires, ainsi que lagestion administrative liée à l’activité. C’est également à la structure qu’incombe le rôle d’encadre-ment, d’appui aux intervenantes, et c’est enfin par elle que ces dernières peuvent avoir accès à la for-mation.

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Comme l’expérience des démarches qualité des CRAM le démontre, les aspects administratifs sontgénéralement plutôt bien pris en charge par l’ensemble des structures, (ce qui n’empêche qu’uneréflexion sur la simplification des démarches administratives apparaît aujourd’hui comme indispen-sable). En revanche, dans la gestion du service, on observe d’assez grandes différences de pratiques :autant certaines structures assurent un encadrement de la relation d’aide satisfaisant, autant dans laplupart des cas, et particulièrement en situation de surcharge, la réalité du service se construit com-plètement entre les aides à domiciles et les personnes âgées, avec une très faible présence de lastructure pour réguler et cadrer - seulement a posteriori sur incident.

La professionnalisation du service passe notamment par :• un réel dispositif de mise en place du service, avec une rencontre systématique entre un respon-

sable de secteur et la personne aidée pour évaluer les besoins et définir le plan d’aide (nombred’heures, tâches à réaliser, mode de financement, autres attentes plus ou moins explicites) ;

• un suivi régulier du service pour ajuster la prestation en fonction de l’évolution des besoins despersonnes, et pour réguler les éventuelles dérives dans la relation avant qu’elles ne deviennent troppesantes (pour l’aide ou pour la personne aidée) ;

• un réel encadrement de proximité des aides à domicile, à la fois pour leur fournir le cadre de leuractivité, apporter un soutien en cas de besoin, permettre le développement de repères profes-sionnels communs entre les aides (au moyen de temps d’échanges structurés et animés).

Favoriser le cadrage et l’homogénéisation du secteur

Le développement de la qualité de service dans le secteur de l’aide à domicile passe par :• la mise en place par tous les financeurs directs de l’aide à domicile d’un dispositif d’agrément qua-

lité des structures ;• l’élaboration des référentiels qualité des financeurs sur des principes communs, pour que les dif-

férentes dimensions constitutives de la qualité de service soient systématiquement couvertes.

Notons qu’il existe déjà des choses abouties dans ce domaine et qu’il ne s’agit pas de « produire » unnouveau référentiel qualité. La norme AFNOR par exemple (qui correspond bien à la réalité que nousavons observée sur le terrain) peut constituer une base solide à la réflexion.

Au-delà de ces référentiels, il serait aussi nécessaire de clarifier, harmoniser et rendre complémen-taires les statuts d’emploi - pour éviter notamment que ce soient les personnes les plus dépendantesqui aient recours au statut mandataire, qui les place en situation d’employeurs, avec toutes les res-ponsabilités que cela comporte.

La professionnalisation du service passe aussi par la professionnalisation des métiers de l’aide àdomicile (intervenants au domicile, mais aussi responsables de secteur, gestionnaires de structure).Pour cela, des améliorations dans plusieurs domaines sont souhaitables :• rendre l’offre de formation plus lisible (en termes de cursus, de titres, d’organismes, de modalité de

VAE...) ;• résoudre les nombreux problèmes posés par l’existence fréquente de multiples employeurs pour

une même personne (problèmes de fonds de formation, problèmes de gestion des remplacementpendant le temps de formation) ;

• proposer des modalités de formation (lieux, durées...) adaptées au public.

Il serait enfin souhaitable de bien positionner le rôle des bénévoles dans le fonctionnement desstructures, notamment par rapport aux professionnels salariés, pour tenir compte des évolutions dusecteur en terme de charge de travail, de technicité et de procédures qualité.

Sur l’ensemble de ces questions, en 2002, un certain nombre d’actions expérimentales sont engagéespar les acteurs public au niveau local dans les différentes régions. Une démarche d’évaluation et decapitalisation de ces expériences, en vue d’une généralisation pour les plus intéressantes, pourraitêtre à envisager.

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« Services à la personne » : de quoi parle-t-on ?

Diversité des appellations et des définitions…

Avant d’engager une réflexion sur le secteur des services à la personne, il semble nécessaire d’en pré-ciser les contours. En effet, les discours communs utilisent une terminologie très fluctuante, évo-quant tantôt les « services à la personne », tantôt les « services de proximité », les « services à domi-cile », ou bien parfois, mais plus rarement les « services domestiques ». De même, les salariées1

employées dans ces services sont désignées par une multitude d’appellations différentes : aideménagère, aide à domicile, auxiliaire de vie sociale, travailleuse familiale, technicienne d’interven-tion sociale et familiale, femme de ménage, employée de maison, employée à domicile, auxiliaireparentale, aide-soignante, assistante de vie, agent à domicile… etc. Ces diverses expressions recou-vrent des ensembles un peu différents, que l’on pourrait s’attacher à distinguer ; on pourrait aussirelever le contexte dans lequel ces termes apparaissent et sont utilisés, remarquer qu’ils sont sou-vent attachés à des politiques publiques, des « emplois familiaux » d’hier au « chèque emploi serviceuniversel» (CESU) aujourd’hui. On ferait ainsi émerger les logiques à l’œuvre dans les représentationssociales sous-jacentes.

… mais unité d’un secteur…

Il semble pourtant plus important ici de faire apparaître l’unité de cet ensemble complexe et frag-menté et de décrire cet ensemble de services comme un secteur à part entière. En effet, il fautd’abord remarquer l’existence d’une importante mobilité des salariées sur le très court terme entredes positions d’emploi désignées par des appellations différentes : dans la même journée, une «auxi-liaire de vie sociale » peut occuper aussi un emploi de « femme de ménage » par exemple. De même,dans la pratique quotidienne, la division du travail apparaît flexible, les tâches accomplies par dessalariées à la classification diverse se recouvrent largement : certaines aides à domicile réalisant parexemple des toilettes de personnes grabataires, tandis que des aides soignantes participent à destâches de nettoyage.

Mais il faut surtout souligner l’unité qu’on pourrait qualifier de « fonctionnelle » du secteur, puisquetous ces services ont en commun de se substituer à du «travail domestique» gratuit. Là encore, il fautpréciser le sens des termes, le « travail domestique » n’est pas seulement du travail ménager, il estconstitué de toutes ces activités réalisées sans contrepartie monétaire, en général par les femmes2,au sein de leur propre foyer, et qui constituent du « travail » dans la mesure où justement, un tierspeut aussi les effectuer. Ainsi, qu’il s’agisse de garder des enfants, de les aider pour leurs devoirs, depréparer des repas, de faire le ménage, d’entretenir le linge, de faire des courses, d’aider une per-sonne âgée ou handicapée à se laver ou s’habiller, de lui tenir compagnie, tous ces services réalisentce qu’on peut désigner comme une « externalisation » du travail domestique gratuit. Le terme

Professionnalisation et organisationdu travail dans les services à la personne

Annie DussuetSociologue

Université de Nantes - GTM-CNRS

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1 - La quasi totalité des salariés du secteur étant des femmes, je féminiserai ici systématiquement les termes qui lesdésignent afin d’éviter de faire disparaître, par la simple application d’une convention grammaticale, ce qui est unecaractéristique majeure du secteur, sa féminisation.

2 - Ainsi que le montrent les enquêtes Emploi du temps de l’INSEE. Voir : « La répartition du travail domestique entreconjoints reste très largement spécialisée et inégale », in France, portrait social, Paris, INSEE, pp. 135-151 (Brousse, 1999).

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d’« externalisation » est à entendre, non au sens d’un changement de lieu de réalisation des tâches,celles-ci restent en général effectuées au domicile3, mais en termes de personnes affectées à cestâches puisqu’il s’agit alors de salariées, donc extérieures au foyer considéré. Certes extérieures, maistoujours des femmes, puisque la quasi-totalité, plus de 98 %, des salariées du secteur sont desfemmes. La division sexuelle du travail domestique n’est donc pas modifiée. Mais il s’agit du passaged’un travail essentiellement réalisé par des femmes gratuitement, dans une logique du don, à un tra-vail réalisé quasi uniquement aussi par des femmes, mais cette fois rémunéré, puisque effectué dansle cadre salarial d’un échange marchand.

… qui présente des spécificités importantes

Ce secteur apparaît aujourd’hui comme extrêmement dynamique et les projections à l’échéance2015 le montrent comme un de ceux qui offrira le plus de perspectives d’emploi (Chardon Olivier etal., 2005 ; Chardon Olivier, Estrade, 2007). En effet, d’une part, il est confronté à une importantecroissance de la demande, d’autre part, ces activités de service qui supposent une intervention dansle logement même sont évidemment impossibles à délocaliser.

Une (dé)structuration liée aux politiques publiques d’emploi

Toutefois ces perspectives positives sont à nuancer. En effet, si les besoins de services à la personnesont liés à des évolutions structurelles comme le vieillissement de la population avec l’accroisse-ment du risque de dépendance qui en découle, la croissance de l’activité professionnelle des femmeset l’augmentation du niveau de vie, ces besoins ne s’accompagnent pas automatiquement de solva-bilité. On peut en particulier remarquer que, si beaucoup de ménages éprouvent des besoins de ser-vices à la personne, très peu sont prêts à y consacrer une part conséquente de leur budget (Flipo,1996 ; Flipo, Olier, 1998). C’est pourquoi les pouvoirs publics, attirés par les perspectives de « gise-ments d’emploi » du secteur, se sont engagés depuis la fin des années 1980 dans des politiques desolvabilisation de la demande, grâce à des déductions fiscales et à des exonérations de chargessociales.

Mais ces politiques ont eu aussi pour résultat de déstructurer l’offre préexistante de services à lapersonne (Causse et al., 1998). En effet, jusqu’au début des années 1980, le secteur se répartissait endeux formes d’offre clairement distinctes : d’une part, des « femmes de ménage » étaient employéesdirectement en gré à gré par des employeurs particuliers ; d’autre part, des organisations, le plus sou-vent associatives, fournissaient une aide à domicile à des familles dont la mère était indisponiblepour des raisons diverses avec des « travailleuses familiales » diplômées, ou bien à des personnesâgées avec des «aides ménagères», ou «aides à domicile», recrutées sans qualification. Dans ces der-nières configurations, le financement des interventions était partiellement pris en charge par desinstitutions collectives (caisses d’allocations familiales, caisses de retraite, mutuelles). La politiquede solvabilisation de la demande va brouiller ces distinctions en favorisant le développement del’emploi en gré à gré4. Désormais, on verra des personnes âgées, parfois dépendantes, voire mêmeatteintes d’incapacités psychiques, employeurs directs des salariées intervenant à leur domicile pourles aider. Celles-ci seront dès lors assimilées à des « employées de maison » relevant de la conven-tion collective du particulier employeur. Par ailleurs, on verra de plus en plus d’organisations asso-ciatives tenter de réagir à la concurrence qui s’instaure dans le secteur en proposant des interven-tions dites « de confort », auprès de ménages double-actifs, sans que la dimension d’aide apparaissetrès clairement.

L’importance de l’emploi direct

La forme du gré à gré constitue en effet une pression concurrentielle importante pour les organisa-tions car le coût du service se réduit dans cette formule à celui de l’heure de travail effectuée, à l’ex-clusion donc des frais de fonctionnement occasionnés par l’intervention des structures pour l’orga-nisation du travail des salariées. Dans cette modalité, les salariées ne touchent aucun défraiementnon plus pour leurs déplacements.

3 - On peut même relever qu’il s’agit d’une condition pour entrer dans la définition des « services à la personne » autorisantune déduction fiscale.

4 - L’une des premières mesures dans ce sens est, en 1987, l’exonération de charges sociales réservées aux employeurs deplus de 70 ans. Ces exonérations seront ensuite étendues au personnel employé par les structures, mais le brouillagepersistera.

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Aujourd’hui, la grande majorité (81 % en 2005) des emplois du secteur des services à la personne estconstituée par ces emplois directs par des particuliers. Le plus souvent5, le paiement se fait aumoyen du chèque-emploi-service, depuis 2005 « chèque-emploi-service universel » (CESU), qui per-met à l’employeur particulier, dans un même geste, de payer la salariée, de la déclarer et de verserles cotisations sociales employeur. Les employeurs particuliers peuvent aussi recourir à des organi-sations mandataires qui se chargent en leur nom des formalités liées au contrat de travail, tout enleur laissant la responsabilité d’employeur6.

Ainsi, et même si leur part dans les heures effectuées est en progression, atteignant près de 25 %en 2005 (Chol, 2007), les organisations prestataires de service sont, dans ce secteur, largementminoritaires. Les entreprises privées ont connu dans les toutes dernières années une progressiontrès rapide (croissance de 56 % des heures en 2005), mais leur poids reste néanmoins très faible, 3 %des heures réalisées par une organisation prestataire. Parmi ces organisations, les associations ontdonc une place prépondérante, même si, soulignons le encore, elles ne viennent que loin derrièrele gré à gré.

Sur le terrain : diversité des situations observables mais 3 idéaux-typesde service repérables

Les observations réalisées depuis une dizaine d’années (Dussuet, 1998 ; 2001 ; Clergeau et al., 2002 ;Dussuet, 2005) des organisations du secteur et des emplois qu’elles proposent font apparaître unetrès grande diversité. Celle-ci concerne à la fois les services offerts, du ménage à la garde d’enfantsen passant par l’accompagnement de personnes âgées, malades ou handicapées, les organisationselles-mêmes, du mandataire à l’association d’aide à domicile en passant par les entreprises privées,les services publics, les associations d’insertion, et bien sûr les qualifications des salariées, de l’absence de diplôme à celui d’infirmière, en passant par les auxiliaires de vie sociale, les technicien-ne d’intervention sociale et familiale, etc. On peut malgré tout tenter d’ordonner un peu ce tableauen construisant une typologie idéale7 des services délivrés, à partir de leur mode de définition.

On distinguera ainsi 3 types de services délivrés à domicile, auxquels correspondent des modesd’emploi différents des salariées, et aussi, on le verra des degrés de professionnalisation plus oumoins importants. Le service de type «domestique» est défini dans le cadre même de sa réalisation,dans l’espace domestique par les bénéficiaires de ce service ; à l’inverse, le service de type « hospi-talier » est un service prescrit par un agent extérieur au cadre domestique ; tandis que le service quel’on désignera, faute de mieux, comme celui de l’« aide à domicile » est un service négocié, entrebénéficiaires et prestataires du service.

Le type « domestique »

Le 1er type de service est appelé « domestique » parce qu’il appartient totalement au cadre privé dulogement des bénéficiaires du service. Mais il présente aussi certaines similitudes avec les servicesrendus dans le passé par les «domestiques». Il ne faudrait toutefois pas croire que ce type ne se ren-contre que lorsqu’il s’agit d’effectuer des tâches ménagères : ce qui le caractérise n’est pas la naturedes tâches effectuées, mais bien son mode définition.

Une définition « ad hoc »

Ainsi, dans ce type domestique de service, il n’existe pas de définition préalable du service, c’estdonc le bénéficiaire qui va déduire de ses besoins ressentis les contours du service à produire. Cebénéficiaire est à entendre au sens large, il peut être multiple et recouvrir plusieurs acteurs distincts.Ce peut être une personne seule ; mais il peut s’agir de plusieurs personnes, par exemple la famille

5 - Les derniers chiffres publiés par la DARES portent sur 2005 : « Mi-2005, près de 1,8 million de particuliers (+ 4 %) étaientemployeurs directs de salariés à leur domicile. 64 % d’entre eux avaient opté pour les chèques emploi service (CES) pourrémunérer leurs salariés. (...) 67 % des salariés sont rémunérés par ce moyen de paiement, ils assurent 49 % des heures »(Chol, 2007).

6 - C’était le cas pour 18 % des salariées de particulier employeur en 2005 (Chol, 2007).

7 - Suivant la méthode préconisée par Max Weber (Weber, 1971), les idéaux-types présentés ici ne prétendent pas décriredes situations réelles, mais en forçant le trait des caractéristiques jugées significatives, permettre une meilleureappréhension de cette réalité.

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chez laquelle on viendra faire du ménage ; et ce peut être aussi une personne âgée dépendante, dontles enfants souhaitent qu’elle soit aidée. Le bénéficiaire aura alors souvent plusieurs voix, parfois dis-cordantes. Mais ce qui caractérise ce type domestique est que, de toute façon, le service reste défi-ni par la demande.

Celle-ci délimite tout d’abord la nature du service : quelles seront les tâches à effectuer. Mais lebénéficiaire fixe aussi la temporalité : rythme, durée, et même horaires des interventions. Et surtout,c’est à partir de la conception qu’il se fait de ce service qu’il énonce « les qualités » attendues de laprestataire.

La référence domestique

Ainsi, dans ce premier type, la référence de qualité du service à produire se trouve dans le mondedomestique. Le service est perçu comme se substituant au travail domestique gratuit effectué dansdes liens familiaux qui constitue alors l’idéal à atteindre. Par exemple, dans ce type domestique, pourla garde d’enfant, la référence sera la garde effectuée par la mère elle-même ; pour l’accompagne-ment de personnes âgées, la référence sera celui réalisé précédemment ou en complément parl’épouse ou la fille.

Au total, le « bon service » sera celui qui s’ajuste le plus exactement possible à la demande telle qu’elle est formulée par le bénéficiaire, sans que des modifications soient envisageables. Le serviceà produire va devoir se modeler sur les usages et habitudes de chaque bénéficiaire, de chaque unitéfamiliale. Cela concerne au premier chef les horaires d’intervention : si par exemple, l’habitude d’unepersonne âgée est de se lever à l’aurore, pas question de la faire patienter jusqu’aux heures d’ouver-ture des bureaux… Mais cela concerne aussi les gestes à effectuer pour réaliser le service : seulsseront considérés comme adéquats ceux reproduisant les pratiques du foyer en question et utilisantles mêmes outils. Le service « domestique » est donc avant tout un service « personnalisé » à l’ex-trême.

Des qualités personnelles mais pas de qualification

On comprend que, dans ces conditions, la question du diplôme détenu par la salariée puisse appa-raître superflue. Si ce qui doit être fait est quotidiennement réalisé par d’autres femmes dans leurpropre foyer ou celui de leurs proches sans avoir reçu de formation particulière, on ne voit guèrepourquoi formation et/ou diplôme deviendraient nécessaires quand il s’agit de faire la même choseau bénéfice d’autres personnes.

Cela n’empêche pas de considérer que les salariées doivent faire preuve de compétences pour réa-liser le service, mais celles-ci sont perçues comme intimement liées à la personnalité : elles seraientla manifestation de qualités intrinsèques, et non d’une qualification acquise. La « personnalisation »du service est donc à entendre aussi comme personnalisation de l’intervenante : il s’agirait plus detrouver celle qui saura « être la bonne personne » que de définir des compétences que des salariéesinterchangeables pourraient détenir. Au passage, on peut noter que ces manières de faire sont sou-vent ramenées à des comportements innés, qui seraient caractéristiques d’une « nature féminine » ;cela explique en partie la difficulté des hommes à occuper ces emplois.

Dans ce modèle de service, la « naturalisation » des savoirs et des savoir-faire mis en œuvre par lessalariées tend à les rendre invisibles, en même temps que leur processus d’apprentissage. C’est doncà la fois la nécessité et la possibilité d’une formation qui sont niées, fermant la porte à une démarchede qualification.

Le type « hospitalier »… ou « professionnel »

Le deuxième type de service peut être appelé « hospitalier » car, mis à part le cadre, qui reste celuidu domicile, de prestation du service, il s’apparente aux services produits à destination des patientsdans les institutions hospitalières. Il ne se limite toutefois pas au domaine des soins et on peut aussile désigner comme « professionnel », car sa caractéristique majeure est bien d’appartenir au mondedes « professionnels ».

Définition du service par un prescripteur professionnel

Dans ce cas, au contraire du précédent, une définition préexiste à l’expression de la demande par lesutilisateurs du service. Elle est l’œuvre d’acteurs extérieurs à la prestation que l’on peut décrirecomme des « professionnels » au sens défini par Everett Hughes (Hughes, 1996). Ils constituent un

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groupe dont le savoir est reconnu par l’ensemble social dans le domaine du service considéré. Dansles services à domicile, les médecins ou les travailleurs sociaux peuvent jouer ce rôle.

La nature du service à délivrer est dans ce cas fixée par un « protocole » dont découlent aussi despriorités et des règles concernant les modalités de réalisation du service. Par exemple, des soins vontdevoir être prodigués à des horaires déterminés quels que soient par ailleurs les rythmes de vie desbénéficiaires ; ou bien la présence de tel ou tel membre de la famille peut être jugée nocive à l’effi-cacité du service ; ou bien encore des dispositifs matériels, tels du linge propre ou des instrumentsadaptés, seront exigés pour sa bonne réalisation.

On voit qu’il n’est plus question ici pour le bénéficiaire d’imposer ses conditions, voire même de dis-cuter celles préconisées par le professionnel. Le service est alors en quelque sorte « imposé » aubénéficiaire qui, de façon générale, l’accepte.

La référence de qualité : les règles professionnelles

On pourrait se demander pourquoi un service aussi « impersonnel» est ainsi accepté sans discussion,mais il faut remarquer que c’est un « professionnel » qui le définit. Par définition, ce dernier disposed’une légitimité, d’un « mandat » (Hughes, 1996) qui lui permet de dire ce qui est bon pour le béné-ficiaire dans son domaine de savoir.

Dans ce type de service, la référence de qualité est donc différente : le «bon service» n’est autre quecelui qui est prescrit par le professionnel expert. Ce sont alors les préceptes d’un monde extérieurqui s’appliquent dans la sphère domestique : l’important n’est plus de satisfaire la demande du béné-ficiaire, de tenir compte de ses habitudes, lesquelles peuvent même parfois être disqualifiéescomme inadéquates, mais de respecter les règles dérivant des connaissances acquises par le « pro-fessionnel ». Ainsi par exemple, les goûts et les habitudes alimentaires d’une personne âgée peuventêtre rejetés comme contredisant les canons de la diététique. Produire un service professionnel, cen’est pas alors s’ajuster mais au contraire refuser de satisfaire sa demande.

Mais on comprend bien comment, dans ce type de configuration, le service défini par le profession-nel n’est accepté qu’à la condition qu’il soit perçu comme extérieur, n’appartenant pas à la sphèredomestique.

La reconnaissance d’un minimum de qualification

La reconnaissance de la nécessité de compétences spécifiques pour les intervenantes est liée à cettedéfinition extra domestique du service. La prescription établit en effet une frontière, même si celle-ci reste fragile, entre des tâches « profanes », que n’importe qui peut accomplir, et des tâches qui nepeuvent être effectuées que par des « professionnels ». Ces dernières sont en effet perçues commecomportant un risque8 pour le bénéficiaire, si le prestataire se révélait incompétent ou malinten-tionné.

La confiance repose alors sur l’assurance que le prestataire observera les règles d’un exercice pro-fessionnel. C’est pourquoi la détention d’un diplôme sanctionnant une formation est exigée. PourHughes, une caractéristique d’une profession est justement l’existence d’une « licence », c’est-à-direde l’exclusivité de la production du service reconnue aux professionnels : une profession se diffé-rencie d’une simple « occupation » à travers cette reconnaissance par l’ensemble social de la néces-sité de savoirs et de savoirs faire spécifiques pour l’exercer. La barrière à l’entrée dans la professionconstituée par le diplôme doit permettre de distinguer ceux qui sont porteurs de ces compétencesspécifiques, et de garantir qu’ils adopteront les comportements adéquats.

Cela explique que, dans ce type de service, la qualification des intervenantes apparaît nécessaire,même si elle se réduit à la détention d’un diplôme de niveau V, comme c’est le cas pour les aides-soignantes par exemple.

Le type « aide à domicile »

Entre ces 2 types extrêmes, celui de l’«aide à domicile» représente une position médiane, et commetel, il est plus difficile à caractériser dans les situations réelles où un penchant vers le type « profes-sionnel » ou « domestique » tend souvent à se manifester.

8 - Risque qu’on peut interpréter comme une asymétrie d’information.

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Une définition négociée du service

Ni interne à la sphère domestique, ni externe comme dans le type professionnel, la définition du ser-vice y est le résultat d’un compromis entre les demandes de l’utilisateur et les contraintes provenantdes règles du monde professionnel. Cette définition doit donc être négociée au cas par cas.

Par exemple, la demande d’horaire précis pour des interventions à domicile tôt le matin et tard le soirpeut être confrontée à la législation qui limite l’extension de la journée de travail, interdisant à lamême salariée de réaliser ce service. Mais l’exigence horaire peut néanmoins être entendue et res-pectée à travers la proposition d’une intervention en binôme ou par la rotation des intervenantes. Leservice perd en « personnalisation » par rapport au type domestique, dans le même temps qu’il gagneen « professionnalisation ». Mais il reste plus modulable, plus flexible que dans le type hospitalier.

Pour élaborer cette définition du service, la présence d’un médiateur permettant un équilibre dansla négociation est sans doute indispensable et il reste à savoir qui peut tenir cette position. Lesobservations réalisées montrent que les organisations associatives employeuses jouent parfois, maispas toujours, ce rôle de médiation dans la définition du service.

Une référence de qualité construite sur 2 refus symétriques

C’est en tout cas sûrement l’histoire des organisations associatives du secteur qui explique laconstruction par elles d’une référence de qualité sur deux refus symétriques. D’un côté le bon servi-ce ne peut être celui fourni par une « bonne » dont la corvéabilité serait inacceptable pour des orga-nisations aux origines et aux valeurs proches du mouvement ouvrier, il ne peut être question de res-taurer la « domesticité ». Mais il ne saurait être non plus celui d’une « assistante sociale », symboli-sant le contrôle social d’une instance extérieure toujours soupçonnée de condescendance à l’égardd’un milieu qui revendique par ailleurs son autonomie (Dussuet, Loiseau, 2007).

En même temps, le « bon » service doit réunir les qualités d’attention à la singularité des personnesqui constituent le point fort du modèle domestique et celles de l’appui sur des connaissances éta-blies qui caractérisent le modèle professionnel.

La construction d’une identité « professionnelle » des intervenantes

Pour les intervenantes, la question est alors posée de la possibilité d’une identité « professionnelle »dans ce type de service. Si le modèle professionnel implique une qualification issue d’une formationinstitutionnalisée, la part accordée dans le type de l’« aide à domicile » à la situation singulière de lapersonne aidée oblige à mettre en valeur aussi les savoirs et savoir-faire invisibles utilisés par lessalariées dans leur pratique quotidienne.

Il pourrait ainsi s’agir d’une professionnalité construite différemment, en faisant une plus large partà l’expérience. La pratique des travailleuses familiales9, formées dans des centres spécialisées, maisactualisant ensuite ces connaissances par la confrontation avec les expériences vécues auprès desfamilles aidées par elles-mêmes et leurs collègues pourrait en constituer une esquisse. La discussiondes manières de faire des unes et des autres en situation, à l’occasion de réunions d’équipe apparaîten effet comme un moment fort de la constitution d’une identité professionnelle. Cette mise endébat, parce qu’elle se fait « publiquement », permet une certaine sortie de l’invisibilité des compé-tences mises en œuvre dans la sphère privée.

Mais dans tous les cas, pour que l’on puisse parler de «profession», subsiste la nécessité d’une recon-naissance plus large par l’ensemble social qui, seule, permet la transformation des compétences en« qualification ». Cela suppose l’existence d’une instance qui le permette

Typologie de service et systèmes d’emploi

Les 3 types de service décrits comportent chacun des avantages et des inconvénients suivant que l’onse place plutôt du côté du bénéficiaire ou du prestataire. Mais il faut souligner que chacun de cestypes est associé à un mode d’emploi très différent. Ceux-ci vont du plus au moins précaire, enmême temps que du moins au plus « professionnel ».

9 - Les « Travailleuses Familiales » sont aujourd’hui devenues des « Techniciennes d’Intervention Sociale et Familiale »,reconnues comme travailleuses sociales à part entière ; mais leur métier s’est parallèlement transformé, comprenant deplus en plus des interventions auprès de familles connaissant des difficultés économiques et sociales très lourdes, audétriment de celles destinées à des familles confrontées à des accidents de santé.

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Service « domestique » et emploi flexible précaire

Parce qu’il est le plus personnalisé, le type « domestique » est plus souvent associé à des contratsatypiques, fondés sur le gré à gré ; dans les organisations observées, on le trouve plutôt dans les sys-tèmes mandataires, mais il existe aussi dans des organisations prestataires. Il faut noter la dimensionde précarité intrinsèque au gré à gré : le contrat s’y transforme en effet en fonction de tous les aléasbiographiques de l’employeur-utilisateur, congés, évènements familiaux, maladies, hospitalisations,dècès mêmes. Même si elles cumulent en général plusieurs employeurs, cela implique pour les sala-riées des variations de leur emploi du temps et de leurs revenus, d’ampleur parfois considérable.

Par ailleurs, la définition du service à partir de la demande induit des emplois à temps partiel, sou-vent de très courte durée, largement inférieur à un mi-temps, même si on tient compte des situa-tions d’emploi multiple. L’ajustement à des demandes portant sur des horaires précis d’interventionempêche en effet de constituer des plannings de travail plus conséquents.

Cela, joint à la très faible reconnaissance en terme de qualification dans ce type de service, entraînedes rémunérations globales très faibles, trop faibles en tout cas pour assurer l’autonomie écono-mique des femmes concernées. Il n’est pas indifférent qu’il s’agisse de femmes : l’idéologie du salai-re d’appoint est ici encore convoquée pour justifier et rendre acceptables le fait que la rémunéra-tion du travail ne suffise pas à assurer la sortie de la précarité.

Service professionnel et emploi moins précaire

Si la réduction de la précarité n’est pas non plus garantie dans les emplois associés au type profes-sionnel de service, elle y devient néanmoins possible. Dans ce modèle en effet, les intervenantesn’ont qu’un seul employeur, une organisation. L’horizon temporel s’allonge alors à la mesure de ladurée de vie de l’organisation elle-même, la notion de CDI reprenant du sens.

Mais surtout, la conception même du service de type « hospitalier » y rend le temps plein envisa-geable, les horaires des interventions n’étant plus soumis au bon vouloir des bénéficiaires et les rota-tions des salariées y étant la règle.

Enfin la reconnaissance de qualification qui s’attache à un service professionnel entraîne l’établisse-ment d’une grille de rémunérations supérieures au SMIC, même si l’écart reste minimum. Tout celadonne donc aux emplois liés aux services de type professionnel un caractère moins précaire et il fautsouligner que l’on trouve aussi dans les services à domicile des salariées ayant une ancienneté impor-tante.

L’« aide à domicile » : en équilibre instable entre les deux systèmes précédents

Concernant le type de l’« aide à domicile », on se trouve évidemment dans une situation d’emploiintermédiaire entre les deux modèles précédents.

Plus le caractère « personnalisé » du service est affirmé, plus les emplois deviennent difficiles à orga-niser à plein temps, et plus la reconnaissance de qualification est battue en brèche. Les emplois déri-vent alors vers la précarité attachée au type domestique. Plus au contraire, c’est le côté « profes-sionnel » du service qui est mis en avant, plus la situation des salariées peut s’améliorer, le risqueétant toutefois, dans ce deuxième cas de figure que les utilisateurs jugent insuffisante la prise encompte de leur situation particulière et qu’ils se détournent vers des services plus accommodants àleur égard.

On voit toute la difficulté de la position des organisations dans leur rôle de médiation. Si elles veu-lent jouer le jeu de la professionnalisation, il leur faut faire apparaître aux yeux des utilisateurs lesavantages, pour eux, de bénéficier de services « professionnels ». Autrement dit, il s’agit de démon-trer la légitimité de l’intervention des professionnels dans un cadre domestique où d’autres logiquessont à l’œuvre.

Modèle de service et organisation du travail

Il faut sans doute ici revenir sur les spécificités du cadre de travail constitué par des logements pri-vés. Celui-ci pèse évidemment, on l’a vu, sur la définition du service, mais plus largement il définitdes conditions de travail qui rendent difficile son organisation, en même temps qu’elles la rendentplus impérative.

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Des spécificités du cadre de travail…

La dispersion des lieux de travail est sans doute la spécificité la plus apparente du travail des inter-venantes à domicile.

Elle entraîne inéluctablement des déplacements dont il faut noter toutefois que leur nombre et leuramplitude sont aussi liés au modèle de service. Ainsi, par exemple, dans le type « domestique », lesexigences d’ajustement à la demande peuvent se traduire par des interventions courtes mais répé-tées au cours d’une même journée ; la définition du service comme professionnel peut aboutir aumême résultat quand elle se traduit par une division du travail approfondie autour d’une stricte déli-mitation des différents gestes à effectuer ; le modèle de l’« aide à domicile » envisageant le serviced’une façon plus globale, peut au contraire limiter à la fois le fractionnement des interventions etles déplacements. Une question importante est alors de savoir comment sont pris en compte cesdéplacements : sont-ils ou non défrayés, inclus dans le temps de travail ? Pour les salariées de parti-culiers, la réponse est négative, tandis que pour celles employées par des organisations, elle variesuivant les conventions collectives applicables.

Par ailleurs, le caractère « privé » du lieu de travail entraîne des conditions de travail dérogatoires,aucun contrôle administratif n’étant possible sur place, ni par l’inspection du travail, ni par les ser-vices de santé10. Cela signifie que les conditions concrètes dans lesquelles les salariées sont amenéesà travailler, qu’il s’agisse de l’exposition à des toxiques, de l’utilisation d’équipements défectueux, oumême du cadre relationnel, restent largement exclues d’un regard extérieur.

Ainsi une autre spécificité du cadre de travail est l’isolement qu’il impose aux intervenantes à domi-cile, qui peut parfois être interprété comme autonomie dans le travail, par absence de contrôle pos-sible in situ, mais qui se traduit aussi par l’absence de soutien tant de la part des pairs que de l’enca-drement. Il faut souligner en particulier combien les intervenantes sont amenées à prendre en char-ge seules la gestion de la relation de service, souvent mais pas toujours en face à face avec le béné-ficiaire. La notion même d’encadrement doit être ici relativisée, et l’idée de « travail d’exécution »réexaminée.

... qui sont aussi des spécificités du travail

Mais au-delà des conditions de travail, le cadre domestique induit aussi des spécificités concernantle travail lui-même. Car les tâches à effectuer apparaissent très similaires, on l’a dit, à celles effec-tuées gratuitement dans d’autres configurations par les femmes du foyer. Ainsi la banalité du travaileffectué par les salariées le rend lui aussi largement invisible. Pas plus que le travail domestique gra-tuit, il n’utilise des techniques ou des outils sophistiqués qui l’extrairaient du quotidien. De ce fait, ilest assez largement imperceptible11 tant pour les bénéficiaires que, parfois, pour les salariées elles-mêmes.

Il faut en outre souligner que ce travail est constitué, non exclusivement, mais de façon essentiellepar des tâches immatérielles. Effectuer des tâches ménagères, c’est en effet non seulement passer lebalai ou l’aspirateur, mettre du linge dans la machine, ou préparer un repas, mais aussi choisir le bonmoment pour le faire et la manière de le faire, en fonction de la situation et surtout des personnesauxquelles ce service est destiné. Cela suppose une planification, une organisation, une redéfinitiondu travail à accomplir qui sont en soi un véritable travail12.

Toutefois, si cette composante du travail est essentielle à la production d’un service de qualité, elleest rarement explicitée, car elle suppose de la part des salariées une posture d’attention à autrui, lar-gement confondue dans le cas du travail effectué gratuitement par les femmes à destination de leursproches avec la manifestation de liens d’affection. Si les femmes se soucient des répercussions deleurs gestes sur le bien-être des bénéficiaires de leurs services, ce serait tout simplement parcequ’elles les aiment (Dussuet, 2005), et non la traduction d’une compétence professionnelle. Cetteidée est importante car elle débouche sur un interdit d’énoncer comme « travail » ces gestes effec-tués avec un souci de l’autre. En effet, dans la logique du don (Mauss, 1950) selon laquelle le lien créépar l’échange importe plus que ce qui est échangé, on ne doit pas expliciter la valeur de ce qui est

10 - Si les intervenantes à domicile salariées par des organisations sont suivies par les services de médecine du travail, cen’est pas le cas pour les salariées de particulier employeur, pour lesquelles l’obligation de contrôle ne s’applique pas.

11 - On peut remarquer que, de façon courante, les tâches de ménage ne se voient que lorsqu’elles ne sont pas ou mal faites.

12 - A propos du travail domestique gratuit, mais on pourrait la reprendre ici, j’avais proposé la distinction entre« occupation » et « préoccupation » (Dussuet, 1997).

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donné, au risque de fragiliser le lien établi. Si les gestes étaient soulignés comme labeur par leursprotagonistes, cela jetterait un soupçon d’inauthenticité sur les sentiments éprouvés.

Lorsque ce sont des salariées qui effectuent ce travail «domestique» dans la sphère privée, elles sontsoumises au dilemme suivant : soit, dans une optique de reconnaissance professionnelle, elles affir-ment que ce qu’elles font est un travail soumis aux règles professionnelles ; soit, se situant dans lalogique du don, elles mettent l’accent sur les sentiments qu’elles éprouvent à l’égard des personnesaidées, tendant alors à minimiser les tâches effectuées.

Une invisibilité « à risques », mais liée au type de service…

Induit par la spécificité du cadre domestique, le degré d’invisibilité du travail est donc aussi déter-miné par le type du service, du plus au moins invisible en allant des services domestiques les pluspersonnalisés aux services les plus professionnels.

Or cette invisibilité du travail est en elle-même facteur de dégradation des conditions de travail etd’emploi pour les salariées. Elle est liée à une précarisation de l’emploi par la confusion qu’elle opèreavec le travail domestique gratuit, car c’est alors le type domestique qui s’impose comme une évi-dence. Mais elle est aussi facteur de risques pour la santé des salariées : au-delà même des dangersmatériels entraînés par la banalisation du travail, l’invisibilisation des tâches relationnelles tend àminimiser les difficultés que rencontrent les intervenantes et à reculer la mise en place de disposi-tifs de prévention.

On peut donc pointer cette question de l’invisibilité du travail comme étant à lever par les organi-sations employeuses, dans un souci de bonne gestion des ressources humaines. Ceci d’autant plusque les recrutements vont être rendus plus difficiles dans les années à venir si le manque d’attracti-vité de ces métiers de service à la personne persiste (Chardon, Estrade, 2007). Il faudra donc néces-sairement parvenir à augmenter la durée du travail pour les salariées déjà en poste, inéluctablementvieillissantes et dont la capacité à tenir dans l’emploi devra pourtant être maintenue.

... qui pose la question de la crédibilité des organisations

A cet égard, on a vu les différences perceptibles entre les services de type « domestique » et « hos-pitalier/professionnel », mais il faut encore une fois souligner combien la possibilité même du typede « l’aide à domicile » est liée à la présence d’une organisation employeuse.

L’existence de ce tiers permet en effet, outre la constitution de plannings orientés vers un exerciceà temps plein, l’institution, dans le cadre privé du domicile, de règles d’ordre public. Les organisa-tions employeuses sont aussi les seules à pouvoir impulser le développement d’un collectif de tra-vail pour des salariées dont on a souligné l’isolement. Tous ces dispositifs constituent des instru-ments de visibilisation du travail, et contribuent au passage du type domestique à celui de l’aide àdomicile.

Mais tant la constitution de plannings se rapprochant du temps plein13 que l’affectation de lieux etde temps à des regroupements des intervenantes représentent aussi un coût pour les structures. Onpeut ainsi considérer que la visibilisation du travail et le choix du type de l’aide à domicile obligentles organisations à des investissements, toujours risqués.

Cela explique que toutes les organisations ne s’engagent pas dans de tels processus. Il s’agit en effetalors d’un choix à la fois économique et politique. Economique d’abord : augmenter les coûts ne sejustifie que si on fait le pari que les utilisateurs sauront reconnaître une référence de qualité alter-native au domestique et préféreront renoncer à la commodité d’un service complètement person-nalisé pour bénéficier de compétences professionnelles ; mais politique aussi, car le choix de déve-lopper plutôt des services du type de l’aide à domicile peut aussi se justifier par une orientation pardes valeurs.

C’est donc la crédibilité des organisations sur ces deux plans qui est en jeu ici, les organisations deforme associative ayant quant à elles la spécificité d’avoir à se justifier dans ces deux dimensions.

13 - Quand elles signent un contrat de travail à plein temps, les structures employeuses prennent en effet à leur charge lesrisques de variation de la demande des utilisateurs puisqu’elles s’engagent à rémunérer les salariées alors même qu’ellesn’ont pas de certitude sur le volume de services à prester.

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Un modèle de croissance des services à la personne ?

Mais, plus largement, on peut considérer que c’est un choix de société qui se dessine à travers desmodèles alternatifs de croissance du secteur des services à la personne.

Si l’on admet comme un fait établi la croissance des besoins dans ce domaine des services à la per-sonne, il reste à savoir comment y répondre. D’un côté, l’amélioration des conditions de travail desintervenantes à domicile passe clairement par une visibilisation de ce travail, permettant sa recon-naissance, et préservant leur santé. Mais cela suppose une formalisation du travail et de la relationd’emploi à travers des organisations employeuses dont l’existence même implique un coût supplé-mentaire du service. La question est alors de savoir qui supportera ces coûts… D’un autre côté, onpeut imaginer une croissance du secteur à travers l’embauche directe de salariées toujours nouvellespour des temps partiels ne les occupant que pour des durées hebdomadaires très courtes, insuffi-samment donc pour constituer des emplois à long terme, sinon des carrières. Le turn-over qui s’en-suivrait immanquablement imposerait alors de trouver des gisements de main d’œuvre toujoursrenouvelés… Mais on peut aussi se demander si un tel modèle de croissance serait soutenable.

Références bibliographiques

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• CAUSSE L., FOURNIER C., LABRUYÈRE C., (1998), Les aides à domicile, des emplois en plein remue-ménage, Paris, Syros.

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EDITIONS

Introduction

Présentation de l’étude

Le cahier des charges

Objet de l’étudeLa présente étude a pour objet de capitaliser les éléments de contenu issus de plusieurs interven-tions réalisées depuis 2003 par les intervenants du réseau de l’ANACT auprès de structures propo-sant des « services à la personne » ou de « l’aide à domicile ». Elle doit permettre de réactualiser lesconnaissances issues d’une précédente étude réalisée en 2002 par le réseau de l’ANACT pour lecompte de la DGAS1.

Etapes de réalisation1. Recensement du matériau disponible2. Définition d’une stratégie de traitement de l’information3. Identification des éléments marquants4. Mise en forme des informations recueillies et rédaction d’un document de synthèse

Le matériau analysé

Origine des supports écritsAu total, 30 supports écrits ont pu être analysés à partir d’interventions réalisées par 10 ARACT :• ACTMED ;• Aquitaine ;• ACTAL ;• Bretagne ;• Corse ;• Franche Comté ;• Haute Normandie ;• Lorraine ;• Nord-Pas-de-Calais ;• Réunion.

Nature des supports écritsLes supports analysés font référence à :• 5 actions collectives ;• 32 diagnostics (dont 26 intégrés dans des actions collectives) ;• 3 études ;• 1 guide de prévention des risques.

Services à la personne, regard sur plusieurs interventions réaliséespar le réseau de l’ANACT depuis 2003

Luc RobuschiChargé de mission à ACTAL

5

1 - Freins à l’embauche et amélioration des conditions de travail dans le secteur de l’aide à domicile, étude réalisée pour lecompte de la DGAS par Farida YAHIAOUI, Anne - Marie NICOT, novembre 2002.

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EDITIONS

Volume de l’information traitée• 14 documents (word) soit au total de 178 pages ;• 16 diaporamas (powerpoint) soit un total de 421 slides.

Quelques éléments de cadrage

Les structures au sein desquelles se sont déroulées les interventions

La quasi-totalité des interventions ayant servi de support à cette étude se sont déroulées au sein destructures « historiques » des services à la personne :• appartenant au secteur associatif ;• relevant de l’économie de redistribution (le « financeur » de la prestation est différent du « béné-

ficiaire-client ») ;• proposant des activités « d’aide à domicile » qui s’inscrivent dans le champ de l’action sociale et

médico-sociale.

La plupart de ces structures ont très peu de liens avec les « nouveaux métiers » des services à la per-sonne identifiés dans le cadre de la Loi Borloo du 26 juillet 2005.

Une difficulté pour identifier la genèse des interventions

Dans la plupart des documents ayant servi de support à cette étude, il n’a pas été possible de dis-tinguer avec précision les aspects suivants :• les éléments de contexte identifiés par les représentants de la structure ;• la formulation de la demande initiale des représentants de la structure ;• la reformulation de cette demande par l’intervenant du réseau ANACT.

Ces différents éléments ont donc été regroupés au sein de la première partie de ce document sousle terme générique suivant : « à l’origine des interventions, la perception de différents enjeux ».

A l’origine des interventions, la perception de différents enjeux

Les évolutions du « marché »

Le vieillissement de la population

Depuis 2002, la quasi totalité des structures ayant bénéficié d’une intervention du réseau de l’ANACTont constaté une augmentation des besoins et des demandes d’aide à domicile. Cette augmentationest à mettre en parallèle avec le développement de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie),qui a permis de solvabiliser un véritable « marché » de l’aide à domicile auprès des publics âgés.

Mais ce développement de l’APA qui a permis de pérenniser une part importante du secteur des ser-vices à la personne a également un autre effet. La plupart des acteurs de l’aide à domicile consta-tent une augmentation des demandes d’interventions dans le cadre du maintien à domicile de per-sonnes de plus en plus dépendantes. Cette évolution a deux conséquences pour les structures :• elle augmente les facteurs de pénibilité du travail des intervenantes ;• elle induit le recours à du personnel de plus en plus qualifié, capable d’utiliser du matériel spéci-

fique du type « verticaliseur ».

L’arrivée de la concurrence

La politique volontariste menée depuis quelques années pour favoriser le développement de nou-veaux emplois dans le domaine des services à la personne oblige les acteurs historiques de l’aide àdomicile (principalement des associations) à revoir leur positionnement stratégique.

En effet, les mesures destinées à favoriser l’essor de nouvelles activités de services (cf la loi Borloo)encouragent la création de nouvelles entreprises et/ou de nouveaux groupements (les enseignes), etfont craindre aux « structures historiques » d’avoir à subir une concurrence de la part de ces nou-velles structures.

A terme, cette concurrence est vécue comme pouvant menacer les « parts de marché » détenues parles structures historiques, mais le danger le plus immédiat se situe au niveau du recrutement et dela fidélisation des personnels compétents et qualifiés, ces derniers étant déjà en nombre insuffisantsur de nombreux territoires pour répondre à la demande actuelle.

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EDITIONS

Une multiplicité d’acteurs institutionnels

Même si l’arrivée de l’APA a permis de solvabiliser une part importante des demandes d’aide à domi-cile à destination des personnes âgées, la plupart des structures qui s’adressent à des publics diver-sifiés (actifs, familles en difficulté...) doivent composer avec de multiples modalités de financement(mandataire, prestataire), et différents interlocuteurs institutionnels : Conseil Général, CRAM, CAF,Caisses de retraite...

Ces mêmes structures subissent également de plus en plus « d’incitations » de la part de leurs finan-ceurs, mais aussi des organes de tutelle (DRASS, DRTEFP) et de certains prescripteurs (élus locaux,travailleurs sociaux...) concernant notamment :• la rationalisation des coûts ;• le regroupement de plusieurs structures permettant l’atteinte d’une « taille critique » ;• le développement de l’emploi ;• Le renforcement de la qualité des prestations ;• l’équité d’accès aux services quel que soit le type de territoire (rural / urbain) ;• etc.

Un contexte général de maîtrise des dépenses publiques

Depuis sa création dans le cadre de la loi n° 2001-647 du 20/07/2001, l’Allocation Personnaliséed’Autonomie (APA) a connu un succès croissant, dépassant de très loin toutes les prévisions réaliséespar les services impliqués dans l’élaboration du texte de loi.

Cette situation a conduit les Conseils Généraux qui gèrent le financement et la mise en œuvre del’APA, à rationaliser et à maîtriser les coûts liés à cette mesure, principalement en contingentant lecoût horaire des interventions à domicile. Or cette logique de financement par le « coût horaire d’in-tervention » fait peser le risque d’un sous-financement des activités de « back office », pourtant trèsimportantes au regard de la qualité de mise en œuvre des prestations réalisées à domicile.

La structuration du(des) secteur(s) et la professionnalisation des métiers

Une définition très large pour un secteur très diversifié

Le secteur des services à la personne regroupe « l’ensemble des métiers contribuant au mieux-être denos concitoyens sur leurs lieux de vie, qu’il s’agisse de leur domicile, de leur lieu de travail ou de leursmodes de loisirs »2.

Cette définition très large ne fait que confirmer la très grande variété des activités économiques endirection de « la Personne », qui se traduit par une grande variété des prestations, mais égalementdes statuts juridiques des organismes, des modalités d’agrément, ou encore des statuts des salariés.

Voici les principaux aspects qui illustrent la diversité de ce secteur et le foisonnement de situationsobservables :

■ Différents types de prestataires• Les particuliers employeurs représentés par la Fédération des particuliers employeurs (FEPEM).• Les structures associatives adhérant à des réseaux nationaux tels que l’UNA, l’UNADMR, la FNAID,

l’ADESSA...• Les entreprises privées, PME ou TPE, représentées par le syndicat des entreprises de services à la

personne (SESP).• Les centres communaux d’action sociale regroupés pour partie au sein de l’Union nationale des

centres communaux d’action sociale (UNCCASS).• Des grands groupes de l’économie sociale (mutuelle...) ou de l’économie privée lucrative.

■ Différents types d’agrément• L’agrément qualité : concerne les activités portant sur des personnes considérées a priori vulné-

rables comme les enfants de moins de 3 ans, les personnes âgées, ou les personnes handicapées.• L’agrément simple : non obligatoire, mais qui permet de bénéficier des avantages de la loi Borloo

du 26 juillet 2005.• Soins à domicile (hors du champs de la loi du 26 juillet 2005).

2 - Cette définition a été proposée par la convention nationale pour le développement des services à la personne du 22 novembre 2004 et reprise dans le plan de développement des services à la personne proposé par le ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale.

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■ Différents types de relation « employeur / employé »• Le mode « prestataire » : l’intervenant à domicile est salarié d’une structure qui propose des ser-

vices à la personne. Ces services sont facturés par la structure, soit au client final, soit à un orga-nisme financeur (par exemple le Conseil Général dans le cadre de l’APA).

• Le mode « mandataire » : l’intervenant à domicile est salarié par la personne qui bénéficie de laprestation, avec l’appui d’une structure qui intervient au niveau de la mise en relation entre les « demandeurs » et les « intervenants », et qui propose aussi un appui dans le cadre des démarchesadministratives liées à la fonction employeur.

• Le mode « gré à gré » : l’intervenant à domicile est salarié par la personne qui bénéficie de la pres-tation, cette dernière assumant l’ensemble des démarches liées à la fonction employeur (éven-tuellement avec le recours au Chèque Emploi Services Universel).

■ Différents types de contrat de travail• CDI / CDD.• Intérim.• Temps plein / temps partiel (lissé ou non).• Horaires de travail : durée moyenne des interventions, amplitude horaire, battements plus ou

moins importants...

■ Différentes activités et différents métiers• Soin : infirmières, aides-soignantes.• Aide aux familles : technicienne en intervention sociale et familiale. • Aide aux personnes âgées et dépendantes : les auxiliaires de vie sociale.• Garde de jeunes enfants : assistante maternelle. • Service d’aide à domicile (repas, repassage, ménage...) : aides à domicile, portage de repas.• Ménage à domicile : femmes de ménages, employés de maison. • Entretien spécialisé : jardin, informatique...

Or cette grande diversité de situations peut s’observer au sein même de la plupart des associationsqui interviennent dans le domaine de l’aide à domicile : • un même salarié peut se voir confier tantôt des missions dans le cadre d’interventions de type

« prestataire », et d’autres missions en « mandataire » ;• une même association peut gérer plusieurs structures ayant des agréments différents, dans le cadre

de conventions collectives différentes, et avec des salariés ayant des statuts différents.

L’amélioration de la gestion quotidienne de cette diversité, et plus particulièrement la réduction desfacteurs « d’inéquité » entre les salariés, constitue l’un des points de départ de plusieurs interven-tions réalisées par le réseau de l’ANACT.

« Anciens » et « nouveaux » métiers : des contours à redéfinir

Parmi les différents métiers cités dans le paragraphe précédent, certains sont plus « anciens » qued’autres, et bénéficient de parcours de formation et de qualification bien établis. Il s’agit notammentdes métiers liés aux soins (Infirmières et Aides Soignantes), ainsi qu’aux métiers liés à « l’aide auxpublics vulnérables » (Technicienne en Intervention Sociale et Familiale, Auxiliaire de Vie Sociale,Aides à Domicile).

Les « nouvelles » activités d’entretien spécialisé ou de services au domicile, dont le développementest fortement appuyé par la loi du 26 juillet 2005 et par la mise en place du CESU, renvoient à denouvelles familles de métiers qui ne sont pas pour l’instant structurées par une filière qualifiante.

De plus, ces « nouveaux métiers » peuvent remettre en cause les contours des « anciens métiers ».Un exemple parmi d’autres : apporter un repas ou effectuer du repassage au domicile d’une person-ne âgée relève-t-il d’une activité de type « aide social » ?

Aide à domicile : des emplois peu attractifs pour les jeunes dans un contexte de vieillissementdes salariés expérimentés

L’un des enjeux le plus souvent évoqué en amont des interventions réalisées par le réseau del’ANACT concerne la difficulté des structures d’aide à domicile pour recruter des jeunes motivéspour se professionnaliser dans ces emplois.

Cette perception est confirmée par le taux de turn-over des salariés de moins de 30 ans qui tend àmontrer que ces « salariés jeunes » utilisent les emplois de l’aide à domicile comme un « tremplinprofessionnel » leur permettant d’acquérir des compétences qu’ils cherchent à monnayer ailleurs

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dès que possible, par exemple au sein de maisons de retraites, de collectivités locales, d’établisse-ments hospitaliers...

Cette situation est d’autant plus préoccupante que la plupart des structures associatives sontconcernées par un vieillissement de leurs salariés expérimentés et qualifiés, ce qui induit d’impor-tants départs à la retraite dans les prochaines années. Or le remplacement de ces salariés constitueen soi un défi difficile à relever dans le contexte actuel de pénurie de main d’œuvre qualifiée.

Deux hypothèses sont souvent mises en avant par les acteurs du secteur de l’aide à domicile pourtenter d’expliquer la (trop) rapide défection des salariés jeunes :• d’une part, les conditions de travail liées à ces activités, qui peuvent s’avérer éprouvantes pour les

salariés, et qui sont généralement peu compatibles avec une vie de famille (surtout avec desenfants jeunes) ;

• d’autre part, la moindre reconnaissance professionnelle des activités réalisées « à domicile », dufait de leur ressemblance avec des « tâches ménagères » peu considérées socialement.

Des formations et des parcours qualifiants difficiles à mettre en œuvre

Pour répondre à la pénurie de main d’œuvre qualifiée, une solution « naturelle » consisterait à envi-sager la mise en œuvre de parcours qualifiants permettant à des salariés en poste sans qualificationde se professionnaliser dans les métiers de l’aide et/ou de l’intervention à domicile.

Or cette hypothèse ne va pas de soi, principalement pour les raisons suivantes :

1. Les salariés qui travaillent en mode « mandataire » dépendent la plupart du temps de plusieurs par-ticuliers employeurs afin de cumuler du temps de travail et disposer d’un seuil de rémunérationacceptable. Convaincre tous les employeurs d’un(e) même salarié(e) de l’intérêt de le (la) laisserpartir en formation longue, plusieurs jours par mois, relève d’une mission quasi impossible.

2. Pour les salariés qui travaillent en mode « prestataire », le problème se situe davantage au niveau duremplacement du (de la) salarié(e) qui part en formation. Cette situation induit en effet une poten-tielle perturbation et une source de tension pour le bénéficiaire-client, surtout dans le cas de publicsvulnérables comme les personnes âgées. Elle induit également une charge de travail potentiellementplus importante pour les personnels qui effectuent les remplacements, du fait de la nécessité de ras-sembler et de mémoriser très rapidement les informations nécessaires à l’intervention, mais aussi dufait d’avoir à intervenir chez des personnes qui acceptent mal ce type changement.

3. L’offre de formation actuelle est déclinée par une multitude d’organismes de formation de toutestailles, ce qui ne la rend pas très lisible pour les dirigeants des petites structures qui ne peuventpas s’appuyer sur l’expertise d’un service « ressources humaines » spécialisé.

4. Les formations qualifiantes qui existent dans le domaine de l’aide à domicile (AVS et TISF) sontencore structurées dans une logique de « formation initiale », et n’incluent pas forcément de dis-positif modulaire basé sur des unités capitalisables permettant de faciliter l’accès à des publicssalariés. Néanmoins, on constate ces dernières années un recours croissant à la VAE.

5. Les « nouveaux métiers » de l’intervention à domicile ne disposent pas encore de qualificationsreconnues, ce qui renvoie les salariés à une offre de formation continue souvent centrée sur desaspects techniques pointus, peu propices à l’émergence d’une véritable identité professionnelleconstituant l’un des maillons essentiels de toute professionnalisation.

La professionnalisation des structures

La qualité des interventions : un atout pour résister à l’arrivée de la concurrence

La perception des responsables des structures d’aide à domicile concernant les enjeux de qualité desprestations a connu une évolution notable ces dernières années.

Avant 2005, les enjeux liés à la qualité des prestations à domicile concernent principalement la miseen conformité au regard des nouvelles exigences posées par les textes officiels :• le décret du 5 novembre 2001 (Article R. 230-1 du Code du Travail) sur la prévention des risques pro-

fessionnels, qui introduit l’obligation pour l’employeur d’analyser les risques professionnels auxquelssont soumis les salariés, et de transcrire ces éléments dans un document unique tenu à jour ;

• la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale qui introduit des droits nou-veaux pour les clients et des obligations de moyen pour les structures (projet d’établissement,livret d’accueil, contrat de prestation, procédure d’évaluation interne et externe, etc.).

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Après 2005, les enjeux de qualité sont davantage évoqués par les responsables de structures commele principal « rempart » qui pourraient permettre de résister à l’arrivée de concurrents potentiels surle secteur de l’aide à domicile.

Les principaux axes de progrès identifiés

En matière de professionnalisation des structures, plusieurs axes de progrès sont régulièrement évo-qués lors de la phase d’analyse de la demande des interventions réalisées par le réseau de l’ANACT.

■ Le renforcement de l’encadrement des prestations et des salariés• Une meilleure gestion du temps des encadrants pour leur permettre de sortir d’une posture essen-

tiellement centrée sur les aspects administratifs au détriment des aspects de management.• Le développement de temps de « régulation collective » pour les intervenantes.

■ L’amélioration de la gestion des ressources humaines• La fidélisation des salariés.• L’adéquation réactive des ressources humaines par rapport à l’évolution des demandes.• La gestion harmonisée des différents statuts et du temps de travail de salariés.• Des procédures permettant de sortir du recrutement « dans l’urgence ».• L’optimisation des outils de gestion des compétences et des qualification : formation, GPEC, VAE...

■ L’amélioration de la gestion administrative des prestations• Le recours à des procédures et des outils adaptés permettant de sortir d’un mode de fonctionne-

ment exclusivement « réactif ».

■ Le renforcement de la dimension commerciale• L’amélioration de la lisibilité des actions et de la qualité de la relation client, en lien avec l’arrivée

de la concurrence.

Des changements organisationnels pour répondre aux nouveaux enjeux du marché

Certaines « grosses associations » ayant une envergure départementale, voire régionale, réfléchissentet/ou mettent en œuvre d’importants changements organisationnels qui s’appuient principalementsur trois types d’évolution :• une déconcentration géographique des services, principalement basée sur la création d’antennes

locales ;• une segmentation des activités permettant un meilleur ciblage des clients en matière de commu-

nication et de suivi ;• le développement de nouvelles fonctions supports en appui aux fonctions administratives et d’en-

cadrement : commercial, communication (plate forme téléphonique), information partagée, télé-gestion...

Mais l’introduction de ces nouveaux standards d’organisation, directement importés des structures deservices issues du secteur de l’économie marchande, fait craindre à certains acteurs associatifs l’abandonde « l’objet social » de l’association, basé la plupart du temps sur une philosophie d’obédience altruiste.

Les conditions de réalisation du travail

La prise en compte de « signaux d’alerte »

La plupart des responsables de structures d’aide à domicile faisant appel aux intervenants du réseaude l’ANACT évoquent des « signaux d’alerte » préoccupants concernant les conditions de réalisationdu travail des salariés ayant un impact sur les bénéficiaires-clients.

■ Principaux signaux d’alerte évoqués concernant les salariés• Accidents du travail : taux, fréquence, gravité.• Absentéisme.• Turn-over.• Expression des salariés concernant le stress, la souffrance physique (douleurs), la souffrance psy-

chologique.

■ Principaux signaux d’alerte évoqués concernant les bénéficiaires-clients• Expression des bénéficiaires-clients et/ou leur famille concernant le manque de qualité des pres-

tations.• Perte de bénéficiaires-clients qui préfèrent renoncer à la prestation de service, ou qui font appel à

un autre organisme prestataire lorsque cela est possible.

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Synthèse des principaux aspects analysés au cours des interventionsréalisées par le réseau ANACT

Introduction

Les analyses produites au cours des interventions réalisées par les intervenants du réseau de l’ANACTau sein des structures d’aide à domicile abordent de très nombreux aspects.

Afin de permettre une prise en compte de cette diversité dans un document de synthèse, nous pro-posons de recourir à un découpage en 6 thèmes identifiés dans le schéma ci-dessous :

Ainsi, nous aborderons successivement dans la suite de ce chapitre l’analyse des aspects suivants :• les facteurs organisationnels ;• les processus d’ingénierie de la prestation ;• les facteurs liés à la situation du client ;• les processus de gestion de la dynamique de l’intervention ;• les facteurs liés à la situation du salarié ;• les processus d’encadrement et de professionnalisation des intervenantes.

Les facteurs organisationnels

Facteurs liésà la situation

du salarié

Ingénierie de la prestation

Dynamiquede l’intervention

Encadrement et professionnalisation

des intervenantsFacteurs

organisationnels

Facteurs liésà la situation

du client

Facteurs liésà la situation

du salarié

Facteurs liésà la situation

du client

Facteursorganisationnels

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La gestion de contraintes paradoxales

Retour sur la notion de service

L’aide à domicile s’apparente à la production d’un service, c’est-à-dire d’un bien immatériel réalisédans le cadre d’une relation. De ce fait, le bénéficiaire-client du service et son entourage participentà la définition de la prestation, à sa réalisation (moyens mis à disposition, exigences...), et à son évo-lution. Il s’agit en fait d’un processus de co-construction.

Activité de service et économie de redistribution

La définition précédente laisse entrevoir les contraintes paradoxales auxquelles sont confrontées lesstructures proposant de l’aide à domicile.

En effet, la relation entre le bénéficiaire-client et l’intervenant qui fonde le processus de co-construction du service est, par nature évolutive, ce qui induit la nécessité d’adapter et de person-naliser la prestation en ajustements mutuels constants. De fait, la prestation réellement fournie nepeut jamais être complètement définie a priori, et son évaluation ne peut pas être envisagée indé-pendamment de la satisfaction ressentie tout au long de son élaboration par le bénéficiaire-client.

D’un autre côté, la majeure partie des activités relevant de « l’aide à domicile » est réalisée dans uncontexte « d’économie de redistribution », basée sur des dispositifs de financement publics ou para-publics. Dans un contexte fortement marqué par la maîtrise des dépenses publiques, les organismesfinanceurs encadrent aujourd’hui avec précision la nature des prestations sensées répondre auxbesoins des bénéficiaires-clients.

D’autre part, les structures sont à présent soumises à une obligation de formalisation et de contrac-tualisation de leurs prestations qui s’inscrit dans un contexte législatif visant à mieux protéger lesbénéficiaires-clients (notamment par le biais de la loi du 2 janvier 2002).

Or cette tendance à la « standardisation » et à la « contractualisation » des services en réponse à desbesoins identifiés « a priori » limite fortement le processus de co-construction évoqué plus haut.

Des risques de conflits de prescription pour les salariés

Dans la réalité de la mise en œuvre des interventions à domicile, les attentes des personnes aidéespeuvent s’avérer très différentes des prestations techniques formalisées dans le cadre d’un « contratde service ». Que doit faire une intervenante qui se retrouve devant une personne déprimée qui seplaint de sa solitude, et dont la priorité est de parler à quelqu’un ? L’intervenante doit-elle s’asseoiret réconforter la personne - au risque de ne pas être en mesure d’effectuer la prestation prévue - oubien doit-elle ignorer la demande (et la souffrance) de la personne pour se consacrer aux tâches pré-vues dans le « contrat de service » ?

Et le paradoxe, c’est que le « contrat de service » qui est sensé protéger le bénéficiaire-client peutinduire des formes insidieuses de « maltraitance », comme par exemple le fait d’ignorer la souffran-ce morale d’une personne âgée pour donner la priorité à des tâches matérielles formalisées dans lecontrat (et donc « financées »).

Ces risques de « conflits de prescription » peuvent encore être accentués par l’intervention de per-sonnes de l’entourage du bénéficiaire-client (famille, amis) qui peuvent aussi émettre leur avis sur lafaçon d’envisager la réalisation du service.

Un lieu de travail particulier et complexe : le domicile

Le domicile en tant que lieu de travail induit également des contraintes au niveau de l’organisationdes services.

Un environnement de travail nécessitant des compétences particulières

Le domicile en tant que lieu de travail est porteur d’ambiguïté : pour le bénéficiaire-client il s’agitd’un lieu familier, mais pour le salarié, c’est un lieu de travail à découvrir, à s’approprier, tout en res-pectant la sphère du privé et de l’intime.

De fait, chaque domicile constitue un environnement de travail singulier au sein duquel le salariépeut être ressenti (ou se ressentir) comme un « intrus », ce qui implique la mobilisation de compé-tences fines en matière d’observation, d’analyse et d’écoute. Or dans le même temps, les pratiquesde recrutement et de formation des structures ciblent encore trop souvent les seuls aspects tech-niques des prestations : préparation de repas, vitesse de repassage, etc.

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Une très grande diversité de situations de travail

Les ressources nécessaires à la réalisation du travail sont impossibles à standardiser car les caracté-ristiques de l’environnement de travail diffèrent d’une intervention à l’autre : type d’habitat, agence-ment des pièces, espaces de travail, outils et produits disponibles...

Cette très grande diversité de situations de travail a deux conséquences importantes pour la struc-ture employeur :• d’une part, elle entrave l’émergence d’un corpus de compétences stabilisées et partagées, ce cor-

pus constituant le socle de tout processus de professionnalisation ;• d’autre part, elle rend plus difficile l’identification et la prévention des risques professionnels.

Des risques liés à l’isolement

Les salariés qui réalisent les prestations à domicile interviennent presque toujours seuls. Cette situa-tion d’isolement induit de nombreux risques :• anxiété du fait du caractère imprévisible de certaines situations : évolution de l’état de santé ou

du moral des bénéficiaires-clients, pression des bénéficiaires-clients pour sortir du prescrit, etc.• situations difficiles à supporter liées à l’état de la personne : dégradation physique, dépression,

agressivité...• manque d’hygiène ;• culpabilité (on n’en fait pas assez) ;• etc.

La plupart des structures réalisant des prestations d’aide à domicile ont conscience de ces difficul-tés et de leur impact sur la charge mentale et psychologique subie par les intervenant(e)s, maistoutes ne sont pas encore en mesure de proposer à leurs salariés des modalités opérationnelles deprévention et d’appui pour la gestion de ces risques.

Un travail « morcelé »

Organiser des interventions au domicile des personnes conduit également à prendre en compted’autres contraintes comme :• le morcellement des durées de travail, qui peut conduire à un recours important aux contrats à

temps partiels ou à des amplitudes horaires fortes avec d’importants temps de battement entredeux interventions ;

• l’éloignement géographiques des bénéficiaires-clients qui peut engendrer des risques d’accident dela route (surtout en cas de pression temporelle forte) ;

• la gestion des imprévus - par exemple le remplacement d’un(e) intervenant(e) - qui peut induire unrecours important aux heures complémentaires ;

• etc.

Une difficile gestion de la « chaîne de valeur » des services à domicile

Cinq phases incontournables

La structuration de la « chaîne de valeur » pour la mise en œuvre de services à domicile passe parcinq phases clairement identifiées :

1. Accueil de demande : importance du premier accueil téléphonique qui permet l’établissement dulien de confiance et le recueil des premières informations sur le service à mettre en place.

2. Formalisation du service : nécessite une évaluation du besoin effectuée par une personne de lastructure ou un organisme externe (cas de l’APA), qui conduit au montage du dossier et à lacontractualisation.

3. Affectation d’un(e) intervenante(e) sur le nouveau service : choix de l’intervenant(e) en fonction dedifférents critères.

4. Réalisation du service par le(les) intervenant(e)s.

5. Suivi et évaluation de la qualité de service : enquêtes de satisfaction auprès des personnes aidéeset visite de renouvellement des dossiers auprès de certaines catégories d’usagers.

L’identification de faiblesses dans la gestion de ces différentes phases

Dans la pratique, la mise en œuvre opérationnelle de chacune de ces phases peut poser problèmeaux structures d’aide à domicile, dont voici quelques exemples :

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• accueil téléphonique géré de manière informelle : le téléphone sonne sur tous les postes, et la per-sonne la plus disponible (ou la moins occupée) prend la ligne ;

• évaluation du besoin réalisée par téléphone, sans visite à domicile préalable ;• absence de critères formalisés pour mettre en adéquation la prestation de service et l’intervenan-

te qui va la réaliser ;• absence de procédure d’accompagnement des salariées lors du démarrage des interventions ;• carence au niveau du suivi des intervenantes à domicile du fait de la prédominance accordée aux

tâches administratives ;• etc.

D’une structure à l’autre, les problèmes peuvent concerner l’une ou l’autre phase, ou encore seconcentrer sur l’articulation entre les différentes phases, notamment en cas de déficience dans lagestion de l’information partagée.

Des activités de « back office » à professionnaliser

Fonctions d’encadrement : une très nette prédominance administrative

La plupart des personnels d’encadrement assument prioritairement des fonctions qui touchent à laplanification des interventions et au suivi administratif permettant le paiement des prestations.

De fait, les compétences des personnels d’encadrement sont fortement orientées vers les tâchesadministratives, et assez peu développées sur les autres aspects de la fonction. Cette situation estcourante dans la plupart des structures qui, ces dernières années, ont connu un fort développementde leur volume d’activité, et qui ont privilégié la promotion interne de personnels ayant une forteancienneté, mais peu outillés en matière de management.

Fonctions d’encadrement et fonctions support : superposition des rôles et déficit de profession-nalisation

La forte implication des personnels d’encadrement dans les activité administratives induit un autrebiais : l’absence de partage clair des tâches (et donc des responsabilités) entre les personnels d’en-cadrement et les personnels administratifs. Or cette « zone de flou » au niveau du partage des res-ponsabilités des personnels travaillant en « back office » peut non seulement être source d’erreurs,mais également conduire à des situations de tensions et de conflits.

Dans le même temps, la majorité des personnels impliqués dans le suivi administratif des prestationsà domicile constatent une complexification et une densification des tâches :• difficulté de gestion du planning (croissance des imprévus) ;• dossiers plus complexes et plus lourds à gérer (APA) ;• personnes aidées plus dépendantes et plus exigeantes ;• gestion de l’évolution des besoins lorsque la dépendance s’accroît ;• etc.

Les processus d’ingénierie de la prestation

Facteurs liésà la situation

du salarié

Ingénierie de la prestation Facteurs

organisationnels

Facteurs liésà la situation

du client

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Un processus essentiellement réactif

La demande d’aide est presque toujours urgente et nécessite une réponse rapide de la part de la struc-ture qui doit vérifier la correspondance la plus judicieuse entre le service attendu et l’offre de prestation- incluant le choix d’un(e) intervenant(e) - avec des critères plus ou moins formalisés selon les structures.

Concernant le suivi de l’activité au quotidien, en raison du déficit d’encadrement et de l’absence demoments de régulation collective évoqués dans le précédent chapitre, les remontées d’informationssont réalisées de manière très ponctuelle, et souvent en réponse à des situations urgentes. Ce modede fonctionnement entrave fortement la possibilité de mise en place d’actions d’anticipation et deprévention, ce qui renforce la culture partagée de « gestion de l’urgence ».

Ainsi, lorsque la structure assure un rôle de médiation dans le cadre d’une situation conflictuelleentre un(e) intervenant(e) et un bénéficiaire-client, la relation entre les protagonistes est la plupartdu temps déjà fortement dégradée, ce qui nécessite une réponse en urgence sur un mode réactif.

Un ajustement permanent entre de nombreux paramètres

La mise en place d’une prestation d’aide à domicile nécessite un ajustement quasi-permanent entrede nombreux paramètres :

■ Des paramètres liés aux financeurs• Prestations finançables au regard de critères de situation du bénéficiaire-client.

■ Des paramètres liés aux bénéficiaires-clients• Services attendus : nature des services, mais aussi (surtout) perception des exigences du bénéfi-

ciaire-client ou de sa famille concernant les conditions de réalisation des services.• Contraintes horaires.• Contraintes particulières d’exécution (par exemple intervention en complémentarité avec d’autres

prestataires).• Etat de santé réel physique et mental du bénéficiaire-client.

■ Des paramètres liés aux salariés• Tâches acceptées (limites personnelles face à certaines situations difficiles à gérer) ou réalisables

(limites d’aptitudes, actes professionnels nécessitant une qualification spécifique).• Affectation à des salariés faisant partie de l’effectif ou recrutement d’un nouveau salarié.• Formation, qualification, degré d’expérience des salariés pressentis.• Disponibilité des salariés pressentis (charge de travail dans la structure, mais aussi à l’extérieure en

cas d’employeurs multiples).• Souhait des salariés en matière de temps de travail.• Situation au regard du contrat de travail.• Equilibre de la charge de travail par rapport au degré de difficulté des interventions en cours.• Limitation des déplacements.

Pour ajuster ces différents paramètres, les personnels d’encadrement privilégient des critères impli-cites qui leur permettent de répondre principalement à l’exigence de réactivité. Ainsi, pour affecterun(e) intervenant(e) sur une nouvelle prestation à domicile, les critères de limitation de déplace-ments et de disponibilité par rapport au planning prédominent souvent.

Or cette priorité absolue donnée à la réactivité peut induire des problèmes et des dysfonctionne-ments au niveau de la réalisation du service, principalement à cause d’une inadéquation entre lescaractéristiques de la prestation et le profil de l’intervenante. Et au final, ces problèmes seront eux-mêmes traités ... dans l’urgence.

L’extrême complexité de la planification des prestations à domicile

Dans toutes les structures d’aide à domicile, il y a une activité qui suscite de nombreuses critiqueset d’importants ressentis de la part des intervenant(e)s, des encadrants et des personnels adminis-tratifs : l’élaboration du planning.

Au vu des nombreux paramètres évoqués ci-dessus, la planification des prestations à domicile recè-le déjà un degré élevé de complexité. Certaines structures (peu nombreuses) disposent d’un outilinformatique d’aide à la décision s’appuyant sur le paramétrage de certaines données.

Mais il faut ajouter à cela la gestion des aléas qui peuvent provenir soit des bénéficiaires-clients, soitdes intervenant(e)s. Or le moindre changement dans le planning produit un « effet dominos » en

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déclanchant une multitude de modifications qui renvoient chacune à un arbitrage complexe entreles différents paramètres.

En outre, les changements de planning opérés pour gérer les aléas n’ont pas que des répercussionsen matière de planification. Ainsi, le « simple » remplacement d’un(e) intervenant(e) peut déclencherles phénomènes suivants :

Pour le bénéficiaire-client du service :• une source de perturbation liée à l’instauration d’une nouvelle relation de service : établir une nou-

velle relation de confiance, réinvestir dans de nouvelles explications, re-vérifier la réalisation destâches...

• une potentielle source de tension surtout pour les publics âgés et/ou handicapés (importance deshabitudes confortables et rassurante) ;

• une perte de repères en fonction de la pathologie.

Pour le personnel d’encadrement :• la nécessité de transmettre un minimum d’informations à l’intervenant(e) remplaçant(e).

Pour l’intervenant(e) remplacé(e) :• une charge de travail supplémentaire, du fait de la nécessité éventuelle de communiquer des infor-

mations « non formalisées » à la remplaçante ;• un état de stress lors du retour auprès du bénéficiaire-client, lié à l’incertitude sur la manière dont

le remplacement a été vécu ;• éventuellement la gestion d’une situation difficile si le remplacement s’est effectivement mal passé.

Pour l’intervenante remplaçante :• une charge de travail potentiellement plus importante, liée à la nécessité de rassembler un mini-

mum d’informations sur la nature de la prestation à réaliser et sur la situation du bénéficiaire-client(degré de dépendance, état d’esprit, comportements...) ;

• un nouveau lieu de travail à investir, une nouvelle relation de confiance à nouer ;• un état de stress lors du démarrage de l’intervention, lié à l’incertitude quant au degré d’accepta-

tion du remplacement par le bénéficiaire-client ;• éventuellement la gestion d’une situation difficile si le remplacement se déroule mal.

Un difficile équilibre entre besoin de flexibilité et rationalisation des procédures

Une flexibilité qui repose en grande partie sur les épaules des intervenant(e)s

Une première forme de flexibilité est explicitement liée à la manière de gérer le planning, avec unrecours parfois excessif à la polyvalence des intervenant(e)s. Quelques exemples rencontrés :• confier une intervention « lourde » à une intervenante nouvellement embauchée ;• confier à une même salariée le matin une première intervention auprès d’une personne en fin de

vie et l’après-midi une seconde intervention auprès de jeunes enfants ;• confier le remplacement d’une intervention auprès d’une personne lourdement dépendante à un(e)

salarié(e) sans habitude de ce type de situation.

Une seconde forme de flexibilité, plus informelle celle-là, est prise en charge par les intervenant(e)sà domicile. Elle concerne la prise en compte de l’évolution de la demande du bénéficiaire-client qui,une fois qu’elle a été détectée par l’intervenant(e), engendre la plupart du temps un réajustementsur place, sans forcément transmettre les informations à la structure. Or ce type d’ajustements infor-mels peut poser des problèmes majeurs à la structure, surtout lorsqu’ils remettent en cause la natu-re de la prestation contractualisée entre le bénéficiaire-client, la structure et l’organisme financeur.

Mais le recours à ce type « d’arrangements informels » a d’autres conséquences. Il entrave notam-ment les possibilités d’une négociation formelle entre le bénéficiaire-client et la structure presta-taire, empêchant du même coup une évolution officielle de la prestation. En outre, en cas de néces-sité d’effectuer un remplacement de l’intervenant(e) habituel(le), la structure transmet à la rempla-çante une description « théorique » de la prestation attendue qui ne correspond plus du tout à laréalité, ce qui engendre à coup sûr de l’incompréhension et/ou un mécontentement (légitime) de lapart du bénéficiaire-client.

La difficile introduction de procédures

La plupart des associations qui ont atteint un certain seuil d’effectif (de l’ordre de plusieurs centainesde salariés) cherchent à rationaliser leur mode de fonctionnement en introduisant des procéduresplus formelles.

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Or l’introduction sans concertation de ces procédures ne va pas de soi car, la plupart du temps, ellesont pour effet de réduire les marges de manœuvre des salariés concernés en diminuant leur capaci-té de gestion autonome des situations de travail.

L’exemple qui suit illustre bien cette difficulté.

Certaines structures introduisent des modalités de « télégestion », qui consistent à demander à l’in-tervenante d’appeler un numéro de téléphone en début et en fin d’intervention depuis le domicilede la personne aidée. Ces appels sont pris en charge par un terminal informatique qui enregistreautomatiquement l’heure de début et celle de fin, puis calcule le temps de travail réalisé. Cette nou-velle modalité a pour principal avantage de faire gagner du temps dans la gestion des procéduresadministratives, tout en évitant les contestations des personnes aidées (ou de leur entourage)concernant le temps d’intervention réellement effectué.

Or voici le type d’arbitrages auxquels sont confrontées les intervenantes du fait de l’introductionde ce système : juste après avoir appelé le numéro de téléphone qui enregistre la fin de l’inter-vention, l’intervenante se rend compte que le bénéficiaire-client (qui est une personne âgée) s’est« souillé ». Etant donné qu’il est impossible techniquement de retéléphoner pour corriger l’heurede fin, que doit faire l’intervenante ? Changer la personne âgée, au risque d’être en décalage avecles horaires enregistrés, ou alors considérer que l’intervention est terminée, et que « c’est dom-mage » ?

Des aspects difficiles à rationaliser

Chaque prestation à domicile induit deux dimensions, qui peuvent tantôt être en complémentarité,tantôt en contradiction :

1. Une dimension « technique » qui sert de base à la contractualisation de la prestation, et qui prescritun ensemble de tâches à réaliser du type ménage, préparation de repas, aide à la toilette, etc.

2. Une dimension « relationnelle » qui, dès les premiers contacts entre l’intervenant(e) et la per-sonne aidée, génère une seconde contractualisation, plus informelle, qui concerne les aspectssuivants : la priorité à donner à certaine tâche, la manière de réaliser les tâches prévues, maisaussi des demandes qui ne font pas partie de la contractualisation comme le fait d’aller faire untour dans un parc, d’aider à rédiger un courrier, ou tout simplement de discuter pour romprel’isolement.

Or cette seconde dimension est difficilement « rationalisable » dans le cadre de procédures. Ellerelève davantage d’une « éthique de l’intervention » qui s’acquiert à travers un processus de profes-sionnalisation et à travers des échanges réguliers entre pairs.

L’introduction de procédures trop rigides destinées à encadrer la dimension technique de l’inter-vention augmente également le risque de soumettre les intervenantes à des injonctions contradic-toires entre les deux dimensions.

Les facteurs liés à la situation du client

Facteurs liésà la situation

du salarié

Facteurs liésà la situation

du client

Facteursorganisationnels

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Des modes de substitution différents nécessitant le recours à des compétences adaptées

Une prestation à domicile consiste à faire intervenir un (une) professionnel(le) pour réaliser auprèsd’une personne ou d’une famille des formes d’aide préalablement convenues et faisant l’objet d’unecontractualisation.

Outre le lieu particulier (le domicile) où s’effectue le travail de l’intervenant(e), l’ensemble desactivités « domiciliaires » ont en commun de produire une substitution à la réalisation d’activitéspersonnelles ou familiales. L’ensemble des interventions réalisées par le réseau de l’ANACT auprèsde structures proposant des prestations à domicile a permis d’identifier 3 mécanismes de substi-tution :• la substitution de confort ;• la substitution temporaire visant un retour à l’autonomie ;• la substitution pour un maintien de l’autonomie.

La substitution de confort

Elle concerne principalement les couples bi-actifs qui achètent une prestation leur permettant de se« dégager » de certaines tâches personnelles ou familiales comme le ménage, le repassage, le jardi-nage...

La substitution réalisée par le travail de l’intervenant(e) est totalement consentie par les clients quisont à la fois commanditaires et bénéficiaires de la prestation. L’attention de ces derniers se porteprincipalement sur l’efficacité dans l’effectuation de la tâche.

Pour l’intervenant(e), l’enjeu principal de la situation de travail consiste à réaliser les tâches atten-dues dans les délai prévus, en utilisant au mieux les ressources disponibles : espaces de travail, maté-riels, produits... Avec ce type de substitution, c’est la dimension technique qui semble prépondéran-te.

Néanmoins, des demandes complémentaires et plus informelles peuvent être exprimées par lesclients, comme par exemple le fait de réaliser certaines tâches d’une façon particulière. Il s’agit alorspour l’intervenant(e) de s’adapter au référentiel spécifique de chaque client.

Or ce type de demande peut avoir un impact sur l’efficacité de l’intervenant(e) qui doit renoncer àses propres modes opératoires pour s’adapter à ceux du client.

Ce genre de sollicitation visant à réaliser un travail « à la manière de » est encore plus prégnant dansle cadre d’activités réalisées en direction des enfants : goûter, repas, toilette, aide aux devoirs...

La substitution temporaire visant un retour à l’autonomie

Cette forme de substitution concerne principalement des personnes ou des familles qui rencontrentdes difficultés sociales et/ou de santé conjoncturelles (par exemple l’hospitalisation longue d’unemère de famille) nécessitant une aide à domicile pendant une période déterminée.

Pour l’intervenant(e), l’enjeu principal de la situation de travail consiste à apporter un appui pour laréalisation de certaines tâches, tout en préservant la perspective d’un retour à l’autonomie. Il s’agitde passer progressivement du « faire à la place de » ou du « faire avec » au « faire faire ».

Dans ce contexte, l’intervenant(e) est amené(e) à mobiliser différentes postures professionnelles :incitation à faire (ou à refaire), apport de connaissances, apprentissages (relation éducative)...

La substitution pour un maintien de l’autonomie

Cette forme de substitution concerne les personnes handicapées et/ou les personnes âgées par-tiellement dépendantes qui bénéficient d’une aide personnalisée leur permettant de vivre àdomicile.

Pour l’intervenant(e), l’enjeu principal de la situation de travail consiste à apporter un appui pour laréalisation de certaines tâches, tout en préservant le niveau d’autonomie de la personne aidée. Il s’agitde privilégier le « faire avec » dans le but de retarder le plus possible le recours au « faire pour » quientérine une perte de capacité.

Dans ce contexte, l’intervenant(e) est également amené(e) à décliner plusieurs postures profession-nelles : incitation à faire, fonction de stimulation, maintien des conditions favorables pour la réali-sation de certaines tâches, mais aussi prise en compte des limites de la personne.

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Une extrême diversité des situations de travail

Des attentes et des besoins différents selon les bénéficiaires-clients

Pour les couples bi-actifs qui achètent une prestation, la dimension « technique » centrée sur l’effi-cacité dans l’effectuation de la tâche semble prédominante. En revanche, pour les publics vulné-rables (personnes âgées et/ou handicapées, personnes malades, familles en difficulté) la dimensionrelationnelle est souvent prépondérante dans le service rendu, ce qui induit des compétences mul-tiples pour l’intervenante : psychologiques, pédagogiques, capacité d’écoute et d’empathie, rôle deveille, d’évaluation, d’accompagnement.

D’autre part, le travail effectué auprès des publics vulnérables se réalise souvent dans le cadre d’unedélégation non véritablement consentie des tâches, avec le sentiment pour certains bénéficiaires-clients d’être dans une situation de « manquement à ses devoirs ». Cette situation oblige l’interve-nant(e) à agir avec encore plus de « tact ».

Des environnements de travail singuliers et complexes

Le domicile, en tant que lieu de travail, constitue un environnement à la fois singulier et complexe.En effet, chaque domicile implique des ressources, des contraintes et des risques spécifiques.

De fait, les intervenant(e)s doivent en permanence s’adapter aux spécificités de chaque domicile enprenant en compte les facteurs suivants :• l’implantation géographique : distance, état des routes, densité de circulation...• la configuration et/ou l’état des locaux : espaces de circulation et de travail, agencement des

pièces...• le matériel utilisé : disponibilité, vétusté...• les produits utilisés : disponibilité, étiquetage, dates de péremption...

Ces fortes contraintes d’adaptation sont souvent sous-estimées par les dirigeants et les financeurs,ainsi que la charge mentale élevée qu’elles génèrent.

Des risques professionnels multiples et difficiles à appréhender

La singularité et la complexité de chaque lieu de travail rendent très difficile la prévention desrisques professionnels. Il est possible de classer ces risques en 3 grandes catégories :

1. Les risques liés aux déplacements :• les risques routiers ; • les autres risques : bousculade en prenant le bus ou le tram...

2. Les risques liés à la « prestation technique » :• les risques « domestiques » qui sont des risques professionnels pour l’intervenant(e) : nature et

stockage des produits, installation électrique défectueuse, matériels vétustes et non adaptés,chute...

• les risques liés à la réalisation de certaines activités : manutention, manipulation des personnes,gestes répétitifs...

3. Les risques liés à la dimension relationnelle :• état psychique du bénéficiaire-client : agressions verbales ou physiques ; • état de santé du bénéficiaire-client : côtoyer la déchéance, la souffrance, la mort.

En outre, la plupart de ces risques sont accrus en cas de contrainte temporelle forte, ce qui sembleêtre de plus en plus le cas au sein des structures investiguées.

Des facteurs d’aggravation de la pénibilité du travail

Dans la plupart des interventions réalisées par le réseau de l’ANACT, les salariés pointent différentsfacteurs qui accentuent la pénibilité de leur travail :• le morcellement et l’irrégularité des temps travaillés ;• l’absence de diversité des interventions (par exemple une succession d’interventions exclusivement

consacrées au ménage) ;• les situations de grande dépendance qui impliquent une charge physique et psychique plus impor-

tante ;• les bénéficiaires-clients ayant des comportements problématiques : manque d’hygiène, alcoolisme,

agressivité...

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Les processus liés à la dynamique de l’intervention

Une dynamique relationnelle complexe dans un environnement multi-acteurs

En plus des besoins identifiés en amont de l’intervention et des spécificités propres à chaque domi-cile (en tant que lieu de travail), les intervenant(e)s à domicile doivent intégrer les éléments de per-sonnalité et les attentes de chaque bénéficiaire-client, mais également prendre en compte lesattentes des personnes de l’entourage proche : famille (conjoint, enfants), voisins...

Des attentes quelquefois difficiles à satisfaire

Dans le cadre d’une intervention, les attentes des différents acteurs de la situation peuvent être trèsdifférentes, voire contradictoires. Un exemple parmi d’autres : une personne âgée insiste auprèsd’un(e) intervenant(e) pour qu’il(elle) l’accompagne faire une course dans le quartier, au détriment duménage initialement prévu. Le lendemain, le fils de la personne âgée interpelle l’intervenant(e) et luirappelle sèchement qu’il(elle) est payé(e) pour faire le ménage. Nous retrouvons-là une autre formede « conflit de prescriptions » qui peut mettre l’intervenant(e) dans une situation d’arbitrage diffici-le à assumer sur le long terme.

Dans le cadre de prestations réalisées pour le compte de couples bi-actifs, on peut aisément imagi-ner des attentes différentes exprimées par les deux conjoints, sans compter celles des enfants.

Dans d’autres cas, le bénéficiaire-client et/ou sa famille expriment des attentes trop floues auxquellesil est très difficile de répondre, comme par exemple : « qu’elle sache ce qu’il y a à faire », « qu’elle soitorganisée », « qu’elle sente s’il y a quelque chose qui ne va pas »...

Des besoins et des attentes qui évoluent dans le temps

Outre le caractère complexe et multiple des attentes exprimées par les différents acteurs d’unemême situation, il faut également envisager l’évolution dans le temps des besoins du bénéfi-ciaire-client (et de ses attentes), ce qui conduit l’intervenant(e) à opérer des ajustements per-manents.

La plupart de ces ajustements sont réalisés de manière « informelle » (dans le sens où ils ne sont pasformalisés par écrit), et ne sont souvent connus que de l’intervenant(e) et de « son » bénéficiaire-client. Or ces ajustements « non formalisés » rendent difficile le remplacement d’un(e) interve-nant(e), le (la) remplaçant(e) n’étant pas au fait des « arrangements » décidés entre le bénéficiaire-client et « son » intervenant(e) attitré(e).

Facteurs liésà la situation

du salarié

Dynamiquede l’intervention

Facteursorganisationnels

Facteurs liésà la situation

du client

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Une délicate posture d’interface

Du fait de la régularité et de la fréquence de ses visites, l’intervenant(e) à domicile peut également seretrouver en situation d’interface avec différentes catégories de personnes qui évoluent « autour » dubénéficiaire-client :• les membres de la famille ;• les autres intervenant(e)s sociaux et/ou soignants.

Or cette posture d’interface ne va pas de soi, d’une part pour les questions de responsabilité qu’el-le soulève (que se passe-t-il si l’intervenant(e) oublie de relayer une information importante ?), maisaussi au regard des compétences qu’elle nécessite : capacité de compréhension et de prise en comp-te des contextes institutionnels, capacité de mémorisation, de gestion des priorités, de communi-cation...

Gérer au quotidien tous les aspects de la relation

La nécessaire instauration d’un lien de confiance

Intervenir au domicile d’une personne n’est jamais une chose aisée. En effet, le domicile est un lieuchargé d’affects qui est par nature fortement investi par le bénéficiaire-client. Dès lors, il est aisé decomprendre pourquoi une intervention « à domicile » ne peut se passer de la création d’un lien deconfiance entre l’intervenant(e) et le bénéficiaire-client.

Mais l’instauration nécessaire de ce lien de confiance comporte un revers de médaille : il rend très déli-cat - et souvent difficile à vivre pour le bénéficiaire-client - le remplacement ponctuel d’une « interve-nant(e) attitré(e) ». Cette difficulté de remplacement constitue probablement l’une des causes pouvantentraver l’accès à la formation des intervenant(e)s à domicile.

Trouver la « juste distance relationnelle »

La plupart des prestations réalisées auprès de publics vulnérables sont des « interventions au longcours » : il n’est pas rare qu’un bénéficiaire-client soit suivi par le(la) même intervenant(e) depuis plu-sieurs années. Par ailleurs, la nature même de certaines activités (comme l’aide à la toilette) induitune très forte proximité relationnelle entre le bénéficiaire-client et « son » intervenant(e). Dans cesconditions, il est important pour l’intervenant(e) de maîtriser le positionnement de la relation.

En effet, lorsqu’une certaine « distance relationnelle » n’est plus respectée, la relation qui s’établit vasouvent bien au-delà d’une convivialité adaptée au cadre professionnel d’une prestation de service.Elle s’apparente alors à une relation amicale, voire familiale, certain(e)s intervenant(e)s finissant parêtre perçus comme un « membre de la famille » par le bénéficiaire-client.

Or l’instauration d’une « juste distance relationnelle » constitue un levier fondamental pour per-mettre aux intervenant(e)s de faire face à plusieurs risques relationnels. Le premier d’entre euxconcerne le passage insidieux d’une relation de service à une relation de domesticité. C’est ce qui seproduit lorsque l’attachement affectif de l’intervenant(e) ne lui permet plus de dire non à certainesdemandes « hors cadre » du bénéficiaire-client.

L’autre risque induit par un attachement affectif trop important entre le bénéficiaire-client et l’in-tervenant(e) concerne la difficulté pour l’intervenant(e) de prendre du recul face à des situationséprouvantes comme la dégradation de l’état de santé du bénéficiaire-client, voire sa disparition.

L’isolement professionnel : un important inducteur de risques

Des recours limités au collectif de travail

Dans la plupart des activités professionnelles « in situ », les salariés ont la possibilité de se concer-ter en cas de problèmes et d’échanger à propos de leurs pratiques professionnelles.

Or dans le cadre des activités d’intervention à domicile, les intervenant(e)s passent la majorité deleur temps de travail seul(e), que ce soit en situation de « face à face » avec les différents bénéfi-ciaires-clients, ou encore au cours des déplacements. Les possibilités de recours au collectif de tra-vail sont par nature très réduites, voire quasi nulles.

La notion d’isolement professionnel est souvent évoquée pour qualifier la situation des salariés quine peuvent compter que sur eux-mêmes pour résoudre la plupart des problèmes qu’ils rencontrenten situation de travail.

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Des risques d’abus à encadrer

Dans certains cas, la relation de proximité qui s’établit entre un bénéficiaire-client et un(e) interve-nant(e) peut conduire à des dérives ou des abus : • un bénéficiaire-client peut par exemple tenter de s’immiscer dans la vie personnelle de l’interve-

nant(e) ;• à l’inverse, un(e) intervenant(e) peut profiter de la fragilité d’une personne aidée.

Ces risques sont fortement accrus lorsque les structures employeurs laissent les intervenant(e)s « sedébrouiller seul(e)s », en sous-dimensionnant certaines fonctions managériales essentielles commel’appui aux salariés et l’évaluation des prestations et des compétences.

Les facteurs liés à la situation du salarié

Une reconnaissance professionnelle balbutiante

Une activité fortement féminisée trop souvent cantonnée à la « sphère domestique »

La plupart des structures qui proposent des prestations à domicile ont un taux de féminisation trèsimportant dépassant souvent les 90 %. Ce taux avoisine même les 100 % lorsqu’il s’agit d’activitésd’aide à domicile en direction des publics vulnérables.

Ce taux de féminisation peut être mis en lien avec le fait que la plupart des activités réalisées« à domicile » font référence à la sphère domestique. Il s’agit à première vue de tâches ména-gères ou de tâches d’accompagnement qui sont depuis toujours sous-valorisées socialement.De plus, les savoir-faire nécessaires à la réalisation de ces activités sont sensés être « naturel-lement » acquis par les femmes au cours de leur expérience personnelle au sein de la cellulefamiliale.

Cet aspect constitue un frein au processus en cours de valorisation des métiers de l’aide à domicile.D’ailleurs, l’introduction du nouveau vocable « services à la personne » instauré en 2005 par la loiBorloo peut s’interpréter comme une volonté de rupture vis-à-vis des références à la « sphèredomestique ».

Des statuts professionnels peu valorisants

Le déficit de reconnaissance professionnelle pointé par la plupart des salariés du secteur de l’aide àdomicile est également à mettre en lien avec certaines caractéristiques des statuts professionnelsde ces salariés :• salaires bas ;• temps partiel subi ;• contrats courts ;• revenus fluctuants (par exemple suite au décès d’un bénéficiaire-client) ;• etc.

Facteurs liésà la situation

du client

Facteurs liésà la situation

du salarié

Facteursorganisationnels

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Par exemple sur une zone d’emploi, 30 % des aides à domicile ont un CDD ou un contrat d’intérimcontre 11 % pour l’ensemble des salariés de la même zone.

Néanmoins, ces constats qui étaient très prégnants dans le cadre des interventions réalisées audébut des années 2000 doivent être nuancés depuis l’instauration de l’APA (Allocation Personnaliséed’Autonomie) en 2001, puis la signature d’un accord de branche concernant la modulation du tempsde travail en 2006. Depuis, la plupart des structures proposant des services aux personnes âgées ontdéveloppé les possibilités d’accès au CDI à temps plein, en s’appuyant sur un dispositif de modula-tion annuelle du temps de travail.

Différentes sources de reconnaissance professionnelle

Il ne serait pas judicieux d’affirmer que les intervenant(e)s à domicile ne bénéficient d’aucune recon-naissance professionnelle. En fait, il est possible de distinguer plusieurs sources de reconnaissanceprofessionnelle.

La première d’entre-elle, et sans aucun doute la plus prégnante, concerne la reconnaissance par lebénéficiaire-client. Cette forme de reconnaissance est l’une des seules à être partagée par toutes lescatégories d’intervenant(e)s, y compris les salariés travaillant dans un contexte de « gré à gré ».

D’autres sources de reconnaissances sont plus spécifiques aux personnels de l’aide à domicile inter-venant auprès de publics vulnérables : • la qualification professionnelle (particulièrement pour les auxiliaires de vie sociales et les techni-

ciennes en intervention sociale et familiale) ;• la considération des autres acteurs professionnels ;• la loi du 2 janvier 2002 qui reconnaît la majorité des activités d’aide à domicile dans le champs de

l’action sociale.

Vie professionnelle / vie personnelle : une articulation souvent difficile

Des remplacements au « pied levé » et une sur-sollicitation des personnels qualifiés

Les structures prestataires qui proposent des interventions à domicile pour le compte de publicsvulnérables ont une obligation de résultat vis-à-vis de leurs bénéficiaires-clients. Cette situationconduit les personnels d’encadrement à exercer de multiples sollicitations auprès des salariés poureffectuer des remplacements, y compris dans des délais extrêmement courts.

L’obligation de résultat qui pèse sur les structures conduit parfois les personnels d’encadrement àculpabiliser les intervenant(e)s qui refusent d’assumer des remplacements « au pied levé ».

D’autre part, le déficit « chronique » de certaines structures en matière de personnels qualifiés génè-re une sur-sollicitation des salariés titulaires des qualifications nécessaires pour réaliser certainesprestations, avec à la clé un risque d’épuisement professionnel et/ou un taux de turn-over élevé.

Gérer l’enchaînement des interventions au cours d’une journée

L’un des problèmes récurrent pointé par les intervenant(e)s à domicile concerne la gestion desmoments de non activité entre deux interventions. Certaines coupures supérieures à 1 h sont consi-dérées comme particulièrement pénalisantes car elles engendrent un temps d’attente très long, sanspossibilité d’aller dans un lieu adapté (la plupart du temps, l’attente se déroule dans la voiture).Lorsque la durée de la coupure permettrait un retour au domicile, les frais de déplacement occa-sionnés par ce trajet ne sont pas pris en charge par l’employeur, ce qui peut être pénalisant finan-cièrement pour ces personnels du fait des bas salaires.

La présence de plusieurs coupures pendant une journée de travail augmente également l’amplitudehoraire durant laquelle le salarié reste mobilisé pour le compte de son employeur, tout en n’étantrémunéré que pour les heures d’intervention.

A l’inverse, certain(e)s intervenant(e)s se plaignent de ne pas disposer d’un temps suffisant poureffectuer le trajet entre deux interventions. De plus, certains logiciels de planification ne permet-tent pas de prévoir les temps de trajet, ce qui pose des problèmes de gestion du temps aux interve-nant(e)s, notamment à cause des retards que cela occasionne auprès des bénéficiaires-clients.

Certains facteurs de pénibilité peuvent avoir un effet cumulatif, rendant les conditions d’interven-tion très difficiles, comme l’enchaînement d’interventions « lourdes », ou encore des déplacementsnombreux effectués dans des conditions de circulation difficiles.

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Enfin, il faut également considérer qu’un certain nombre de salariés travaillent encore à temps par-tiel pour le compte de plusieurs employeurs pour s’assurer un revenu suffisant. Cette situation a desconséquences multiples pour le salarié comme pour ses employeurs :• risque d’épuisement professionnel ;• faible sentiment d’appartenance à une structure ;• difficultés pour effectuer des remplacements (ce qui peut susciter des jalousies et des rancœurs

auprès des collègues de travail) ;• etc.

S’adapter en permanence : une posture difficile à tenir dans le temps

Comme nous l’avons évoqué précédemment, chaque prestation réalisée à domicile nécessite unegrande capacité d’adaptation de la part des intervenant(e)s.

Mais les capacités d’adaptation des intervenant(e)s ne sont pas seulement mobilisées lors de lamise en œuvre des interventions. En effet, depuis plusieurs années la majorité des structuresd’aide à domicile sont confrontées à des évolutions très rapides de leur contexte économique etjuridique, nécessitant d’importants changements ayant des répercussions sur l’organisation dutravail :• amélioration des systèmes informatiques ;• déconcentration des activités et des personnels à travers une sectorisation géographique ;• introduction du travail le week-end ;• démarches qualité ;• etc.

La plupart des salariés confrontés à ces changements permanents sont perplexes, voire critiques, surl’impact positif (notamment en terme de qualité d’intervention) des nouvelles procédures qui leursont « imposées par le haut ».

Les processus liés à l’encadrement et à la professionnalisationdes intervenant(e)s

Personnels d’encadrement : un manque de temps chronique

La plupart des personnels d’encadrement ayant en charge le suivi des interventions à domici-le cumulent différentes fonctions. Il n’est pas rare, en particulier dans le cas de petites struc-tures, de voir une même personne assumant plusieurs (voire la totalité) des fonctions sui-vantes :• fonction commerciale : promotion des services proposés par la structure ;• relation clients : information, évaluation du besoin ;• formulation et contractualisation des prestations ;• montage de dossiers : relations avec les financeurs ;

Facteurs liésà la situation

du salarié

Encadrement et professionnalisation

des intervenantsFacteurs

organisationnels

Facteurs liésà la situation

du client

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• relations institutionnelles ;• planification des interventions ;• suivi et coordination des intervenantes.

Dans ces conditions, il est facile de comprendre pourquoi certaines fonctions sont considéréescomme prioritaires. Il s’agit principalement des fonctions qui touchent à la planification et au suiviadministratif en lien avec la réalisation et le paiement des prestations.

De fait, dans la très grande majorité des interventions réalisées par le réseau de l’ANACT, il estconstaté un déficit chronique d’implication des personnels d’encadrement au niveau des aspects sui-vants :• visites à domicile préalablement à la mise en œuvre d’une prestation ;• accueil des nouveaux salariés ;• accompagnement des intervenantes lors du démarrage d’une nouvelle prestation ;• évaluation des compétences des intervenantes ;• animation de temps de régulation collective permettant des échanges de pratiques profession-

nelles ;• accompagnement à l’intégration des connaissances et des savoir faire acquis par les salariés au

cours de formations continues ;• etc.

Ce déficit d’implication est toujours mis en rapport avec le manque de temps des personnels d’en-cadrement, ce « manque de temps » pouvant lui-même avoir plusieurs origines :• un sous-effectif pour gérer les activités dites de « back office » ;• un surinvestissement des personnels d’encadrement dans des tâches mal maîtrisées ;• l’absence d’outils adaptés dans le domaine des NTIC ou une sous-utilisation des outils disponibles.

Un déficit de fonction RH en matière de gestion et de développement des compétences

En matière de gestion des ressources humaines, peu de structures d’aide à domicile intègrent unevéritable réflexion en matière de gestion et de développement des compétences.

En effet, si certaines compétences transversales comme la ponctualité, la convivialité, l’adap-tation, le respect de la confidentialité sont souvent mises en avant concernant les interve-nant(e)s à domicile, les compétences nécessaires aux différentes catégories de personnels nesont pas véritablement connues. De fait, les situations de travail rencontrées ne sont pas sou-vent traduites en « compétences attendues », ce qui explique en partie l’absence de fiches depostes.

Néanmoins, il faut rappeler ici le poids de plusieurs facteurs qui rendent très difficile l’émergenced’un corpus de compétences stabilisé et partagé :• d’une part, la très grande diversité et la complexité des situations de travail ;• d’autre part, la référence à une dimension « éthique » des interventions, ainsi qu’à des qualités rela-

tionnelles à forte connotation subjective.

En outre, l’absence de référentiels de compétences formalisés constitue un sérieux frein à l’émer-gence de pratiques d’évaluation et de développement des compétences.

Ainsi, peu de structures disposent d’une véritable stratégie en matière de développement des com-pétences, ce qui se traduit la plupart du temps par les écueils suivants :• formations proposées non intégrées à un plan d’évolution globale des compétences ;• formations réalisées ne faisant l’objet d’aucune évaluation en situation de travail ;• absence de retour sur les pratiques professionnelles (du fait de l’absence de réunions collec-

tives) ;• pas de progressivité dans l’apprentissage : absence de hiérarchisation des situations de travail et des

compétences nécessaires pour y faire face.

Même la fonction de recrutement - pourtant essentielle à la qualité des prestations - fait l’objet depratiques très diversifiées allant du simple entretien de 10 minutes avec une responsable jusqu’à l’organisation de commissions de recrutement.

Mais dans certains cas, l’urgence des situations bouscule les procédures initialement prévues.

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Principales pistes de solution évoquées au cours des interventionsréalisées par le réseau ANACT

Des pistes de solutions liées aux modes d’investigation

Les limites de la démarche d’intervention de type « diagnostic court »

Le diagnostic court

La majorité des interventions ayant servi de support à la présente étude ont été réalisées dans lecadre d’une démarche d’intervention de type « diagnostic court ».

Le diagnostic court est une aide publique du ministère du travail à destination des PMI/PME, finan-cée par des fonds publics. Sa réalisation a été confiée au réseau de l’Agence Nationale pourl’Amélioration des Conditions de Travail. D’une durée moyenne de 5 jours, le diagnostic court ne visepas à proposer des solutions toutes faites, mais il contribue à une approche concertée des pro-blèmes par les différents acteurs de l’entreprise.

Dans cette perspective, la formulation des pistes d’action proposées doit permettre :• de structurer une démarche de résolution du problème et/ou de conduite de projet ;• de recourir de façon ciblée à des intervenants spécialisés et/ou à des outils adaptés.

Des pistes de solution qui s’apparentent à des « prescriptions de projets »

Ce type de démarche conduit à formuler des pistes de solution relativement ouvertes, souvent rédi-gées dans un style télégraphique, et laissant de côté la plupart des aspects opérationnels liés auxméthodes (le « comment ? »), au budget (le « combien ? »), et à l’échéancier (le « quand ? »).

De fait, la plupart des pistes de solutions élaborées à l’issue d’un diagnostic court s’apparentent à des« prescriptions de projets » à destination de la « boîte noire organisationnelle » des structures inves-tiguées.

En effet, chaque structure d’aide à domicile peut être représentée sous la forme d’une « boîte noireorganisationnelle », qui traite différents types d’entrées (INPUT) et qui produit en sortie (OUTPUT)des interventions à domicile, comme le montre le schéma suivant :

L’émergence de « prescriptions de projets » en lien avec deux modes d’investigation

Les thématiques abordées dans le cadre des pistes de solutions (ou « prescriptions de projets »)découlent de la manière dont sont réalisés les diagnostics, et plus particulièrement du choix desaspects investigués au cours de la démarche.

Deux stratégies d’investigation se distinguent nettement :• l’investigation de type « socio-ergonomique » ;• l’investigation de type « socio-gestionnaire ».

Entrées Boîte noire organisationnelle Sorties

Public(s)

Interventionsà domicile

Financeurs

Tutelles

Main-d’œuvre

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L’investigation de type « socio-ergonomique »

Ce type d’investigation conduit à prioriser deux dimensions au niveau du recueil et de l’analyse desinformations :• la façon dont les salariés gèrent les situations de travail, et les risques qui en découlent ;• les contraintes que la structure fait peser sur les salariés et les incidences que cela peut avoir sur

leur santé ou leur sécurité.

Il en résulte des pistes de solution (ou « prescriptions de projets ») qui, d’une part reprécisent lesenjeux à prendre en compte en fonction des risques identifiés (dans l’optique de les faire partager àtous les acteurs), et d’autre part proposent des améliorations centrées sur la prévention des risquesprofessionnels et l’amélioration de la qualité de vie au travail.

L’investigation de type « socio-gestionnaire »

Ce type d’investigation intègre deux autres dimensions au niveau du recueil et de l’analyse des infor-mations :• la gestion des fonctions et des statuts, les outils de gestion de l’activité, ainsi que les modalités

managériales ;• la pertinence et la qualité des procédures et des processus qui encadrent le travail des interve-

nant(e)s, ainsi que les risques organisationnels qui en découlent.

Façon dont lessalariés gèrent lessituations de travail

Identification desrisques / salariés

Contraintes que lastructure fait pesersur les salariés

Incidences sur lasanté et la sécuritédes salariés

Enjeux / prise en comptedes risques identifiés

Améliorations / préventiondes risques professionnelset qualité de vie au travail

Contexte et enjeux

Pistes de solutionEnjeux / prise en comptedes risques identifiés

Améliorations / préventiondes risques professionnelset qualité de vie au travail

Pistes de solution

Entrées Boîte noire organisationnelle Sorties

Public(s)

Interventionsà domicile

Financeurs

Tutelles

Main d’œuvre

Interventionsà domicile

Contexteet enjeux

AnalyseContraintes que lastructure fait pesersur les salariés

Incidences sur lasanté et la sécuritédes salariés

Analyse AnalyseFaçon dont lessalariés gèrent lessituations de travail

Identification desrisques / salariés

Analyse

Pertinence et qualitédes processus et des procédures

Identification desrisques / organisation

Fonctions / statuts

Outils de gestion de l’activité

Modalitésmanagériales

Enjeux / prise en comptedes risques organisationnels

Améliorations / qualité de la « chaîne de valeurs » et qualité de vie au travail

Contexte et enjeux

Pistes de solutionEnjeux / prise en comptedes risques organisationnels

Améliorations / qualitéde la « chaîne de valeurs » et qualité de vie au travail

Pistes de solution

Entrées Boîte noire organisationnelle Sorties

Public(s)

Interventionsà domicile

Financeurs

Tutelles

Main d’œuvre

Interà do

Contexteet enjeux

AnalyseFonctions / statuts

Outils de gestion de l’activité

Modalitésmanagériales

Analyse AnalysePertinence et qualitédes processus et des procédures

Identification desrisques / organisation

Analyse

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Il en résulte des pistes de solution (ou « prescriptions de projets ») qui, d’une part reprécisent lesenjeux à prendre en compte au regard des risques organisationnels identifiés, et d’autre part propo-sent des améliorations centrées sur le développement de la qualité de la « chaîne de valeur » en lienavec l’amélioration de la qualité de vie au travail.

Les aspects liés à la gestion des ressources humaines

Les aspects directement liés à la gestion des ressources humaines (recrutement, formation, évalua-tion des compétences, gestion des contrats de travail...), sont la plupart du temps abordés de façoncomplémentaire par rapport aux deux aspects cités précédemment.

La présentation des principales pistes de solution proposées par les intervenants de l’ANACT à l’is-sue des interventions réalisées s’effectuera à partir des trois thématiques suivantes :• la sécurité et la gestion des risques professionnels ;• les aspects organisationnels ;• la gestion des ressources humaines.

La sécurité et la gestion des risques professionnels

En matière de sécurité et de gestion des risques professionnels, différents types de préconisationssont formulées à l’issue des diagnostics réalisés par le réseau de l’ANACT, principalement autour de2 axes :• l’évaluation des risques professionnels ;• la mise en œuvre de mesures de prévention.

L’évaluation des risques professionnels

L’évaluation des risques professionnels constitue un moyen pour identifier les dysfonctionnementssusceptibles d’affecter la santé et la sécurité des salariés, mais aussi de nuire à la performance del’organisation. Ainsi, de bonnes conditions de santé et de sécurité au travail peuvent-elles contribuerà l’amélioration de la situation économique des structures d’aide à domicile, en jouant principale-ment sur 3 leviers :

• La réduction du turnover : le taux élevé de départ anticipé de certaines catégories de personnels(par exemple les « jeunes qualifiés ») peut entraver la continuité de certaines prestations, et rendreinefficace la mise en œuvre de parcours de formation qualifiants.

• La réduction de l’absentéisme : le fort taux d’absentéisme constaté dans les structures est souventà mettre en relation avec la question de la gestion d’une population « vieillissante » qui se retrou-ve en difficulté pour la réalisation de certaines tâches. Cet absentéisme a d’importantes répercus-sions sur la gestion du planning et sur l’activité des encadrants de proximité, en réduisant le tempsconsacré au suivi des intervenant(e)s.

• Le développement de l’attractivité des emplois : la plupart des activités d’aide à domicile sont phy-siquement et psychologiquement exigeantes, avec des niveaux de rémunération bas. De fait, ce typed’activité est considéré par certains salariés (surtout les plus jeunes) comme un « marchepied » pou-vant conduire à un emploi plus « confortable ». Seule une amélioration notable des conditions detravail peut permettre de stabiliser (et donc de professionnaliser) les jeunes professionnels dont àbesoin ce secteur.

Les pistes de solution envisagées consistent alors à doter les structures d’outils permettant d’éva-luer et de pondérer les risques professionnels encourus par les intervenant(e)s à domicile, en pre-nant en compte le caractère à la fois singulier et complexe de chaque situation de travail.

A titre d’exemple, un guide méthodologique de prévention des risques professionnels3 consacré auxaides à domicile recense pas moins de 16 risques différents :• risques psychologiques ;• risques liés aux transports et trajets ;• risques liés aux transferts et déplacement du bénéficiaire-client ;• risques chimiques ;

3 - La prévention en action - Les aides à domicile, guide méthodologique conçu et rédigé par ACT MEDITERRANEE,téléchargeable sur le site Internet de l’ANACT : www.anact.fr

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• risques de brûlure ;• risques de blessure ;• risques électriques ;• risques d’explosion, d’incendie ;• risques liés à l’environnement (thermique, sonore, fumée...) ;• risques de chute ;• risques liés à la co-intervention ;• risques infectieux ;• risques liés aux manutentions (lombalgies et TMS) ;• risques animaliers ;• risques liés aux équipements de travail ;• risques liés à l’organisation du travail (pression temporelle...).

La mise en œuvre d’une démarche globale de prévention

La qualité et l’impact des mesures de prévention des risques professionnels dépendent en grandepartie des facteurs suivants :• la capacité des acteurs de l’entreprise (employeur, représentants du personnel, salariés) à s’impli-

quer dans un dialogue constant et constructif ;• la mise en œuvre d’une méthodologie acceptée et comprise par ces différents acteurs.

De fait, la plupart des préconisations formulées par les intervenants du réseau de l’ANACT en matiè-re de prévention des risques professionnels déclinent les différentes étapes d’une démarche de pré-vention :

■ La préparation de la démarche de préventionC’est l’une des étapes fondamentales qui conditionne le succès de l’ensemble de la démarche. Ellecomprend les aspects suivants :• l’élaboration d’une stratégie en matière de santé et de sécurité au travail, intégrée à l’activité de la

structure ;• le recensement des données existantes : analyses des risques effectuées, mesures déjà prises en

matière de prévention des risques professionnels, études réalisées...• les modalités de participation des acteurs internes (CHSCT, délégués du personnel, personnes

ressources...) et le recours à des compétences externes à la structure (médecin du travail, consul-tants...) ;

• la planification de la démarche : calendrier, ressources, modalités de travail...

■ L’évaluation des risquesEvaluer, c’est comprendre et estimer les risques pour la santé et la sécurité des salariés, dans tous lesaspects liés au travail. Cela implique notamment :• la définition des unités de travail qui consiste à découper les activités de la structure en fonction

des familles de risques auxquels un salarié se trouve exposé. Deux logiques d’unités de travail sontsouvent présentes en matière de services à la personne : l’une centrée sur la nature des activités,l’autre sur les catégories de publics (ces deux logiques pouvant être mixées) ;

• la réalisation d’un inventaire des risques qui consiste à repérer la propriété ou la capacité intrin-sèque d’un lieu, d’un équipement, d’une substance, d’une personne atteinte d’une pathologie, d’uneorganisation du travail... de causer un dommage pour la santé des salariés ;

• l’estimation des risques réalisée à partir de critères d’appréciations propres à la structure, et pre-nant en compte une analyse des conditions d’exposition : fréquence d’exposition, gravité envisa-geable des conséquences, probabilité d’occurrence des risques, nombre de salariés concernés, per-ception du risque par les salariés...

■ L’élaboration d’un programme d’actionIl s’agit d’opérer des choix et de repérer des solutions opérationnelles :• en respectant les principes généraux de prévention : suppression des risques, mise en œuvre de

mesures de protection collective, mise en œuvre de mesures de protection individuelle ;• en tenant compte des facteurs humains, techniques et organisationnels ;• en définissant les ressources adéquates ;• en fixant un calendrier précis.

Lorsque les risques ne peuvent pas être supprimés immédiatement, des mesures provisoires doiventêtre prises pour assurer la protection des salariés. Ces décisions doivent garantir une protection suf-fisante dans l’attente de la mise en œuvre de moyens susceptibles d’y remédier.

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■ La mise en œuvre des actions de préventionQuelle que soit l’action envisagée, il est nécessaire de :• désigner une personne chargée du suivi ;• disposer d’outils de pilotage (tableaux de bord, indicateurs) permettant d’ajuster les choix, de

contrôler l’efficacité des mesures et de respecter les délais.

■ Le suivi et l’évaluation de la démarche de préventionCette phase dynamique consiste :• d’une part à assurer le suivi des mesures réalisées et des méthodes utilisées (définition des unités

de travail, modalités de concertation, appréciation des moyens engagés...) ;• d’autre part, de dresser un bilan périodique pour corriger les actions réalisées et relancer la

démarche de prévention, conformément aux obligations de l’employeur en matière d’évaluationdes risques.

Les aspects organisationnels

L’appui au projet d’envergure

Il arrive que les pistes de solution évoquées en sortie de diagnostic s’apparentent à des projets d’en-vergure induisant d’importants changements organisationnels : • l’expérimentation d’une équipe d’intervenant(e)s « volant(e)s » ;• l’implantation d’une antenne au sein d’un territoire ;• la mise en place d’une démarche qualité ; • et.

Dans ce cas, la principale valeur ajoutée des préconisations formulées par les intervenants du réseaude l’ANACT consiste à mettre en avant qu’indépendamment de la qualité « technique » et « objecti-ve » des transformations prévues, l’une des questions les plus sensibles consiste à prévoir commentles personnes concernées vont pouvoir et vouloir s’adapter à ces transformations et accepter de lesintégrer.

En effet, sans une implication forte des salariés, tout projet de changement peut courir à l’échecparce que l’appropriation par les principaux intéressés n’aura pas lieu, soit par manque d’intérêt, soitpar crainte d’avoir « davantage à perdre qu’à gagner », ou encore parce que les problèmes induits parles transformations détériorent les situations de travail.

Pour minimiser ces risques et augmenter les chances de succès d’un changement sur le long terme,les préconisations formulées par les intervenants du réseau de l’ANACT déclinent principalementdes modalités de conduite concertée du changement :

■ La prise en compte des caractéristiques de la structure organisationnelle :• les salariés : compétences, qualifications, identités professionnelles, collectifs de travail, réseaux

de solidarité...• la culture d’entreprise en matière de délégation et d’autonomie ; • etc.

■ Les modalités de mobilisation et d’implication des différents acteurs concernés par le changementparmi la direction, l’encadrement, les salariés et leurs représentants :• définition des rôles, fonctions, et périmètres d’action ;• instauration d’un comité de pilotage ;• mise en place d’un (ou plusieurs) groupe(s) de travail impliquant différentes fonctions et différents

échelons hiérarchiques présents dans la structure.

■ La définition des différentes étapes d’un plan de communication :• identification des enjeux pour les différentes catégories d’acteurs concernés par le changement ;• élaboration des messages à transmettre et des supports de communication ;• choix des canaux de communication ;• etc.

■ L’élaboration d’un programme de déploiement des nouvelles modalités organisationnelles etmanagériales :• s’appuyant sur un volume d’investissement immatériel adapté, mixant assistance opérationnelle et

formation des différentes populations concernées ;• déclinant la mise en œuvre d’outils de suivi de type « tableaux de bord ».

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■ La mise en place d’indicateurs pertinents et partagés :• favorisant la mesure de l’efficacité de la démarche ;• permettant d’engager de nouvelles actions.

L’amélioration des processus et des outils de gestion de l’activité

En matière d’amélioration des processus et des outils de gestion de l’activité, la plupart des axes deprogrès envisagés concernent les aspects suivants.

La planification

Il s’agit principalement d’optimiser et/ou de formaliser le processus de planification afin de le rendrecompatible avec une meilleure prise en compte de certains enjeux concernant :• les intervenant(e)s :

- l’équité entre les intervenant(e)s, notamment au niveau des amplitudes horaires, des temps detravail, des trajets...

- la meilleure prise en compte des compétences et des qualifications des intervenant(e)s ;- la conciliation entre les temps professionnels et personnels ;- l’introduction de temps de respiration entre les différentes interventions.

• la structure :- l’anticipation et la gestion de certains aléas ;- l’optimisation de la gestion des ressources humaines en prenant en compte les compétences et

les qualifications disponibles.

L’ingénierie des prestations

Les principales pistes de solution évoquées en matière d’ingénierie des prestations concernent l’éla-boration et/ou l’amélioration de la formalisation de référentiels écrits :• l’identification des besoins des bénéficiaires-clients ;• le contrat de prestation ;• le « prescrit » communiqué aux intervenant(e)s ;• etc.

Le recours à des systèmes informatiques adaptés

Les axes d’amélioration en matière de systèmes informatiques se déclinent selon 3 types definalité :• Le développement d’outils d’aide à la décision, principalement orientés vers l’amélioration de la

planification des prestations.• Le développement d’outils informatiques permettant une gestion de l’information partagée (ordi-

nateurs en réseau).• L’amélioration de l’inter-opérabilité des outils utilisés par les différents services, par exemple pour

optimiser les circuits administratifs pour la gestion de la paye et de la facturation en fonction desprestations réalisées.

La coordination et le partage d’informations entre professionnels

Deux pistes de solution sont régulièrement évoquées en matière de coordination et de partage d’in-formations entre les différents professionnels intervenant auprès des mêmes catégories de publicsvulnérables :• La mise en place ou l’optimisation d’un cahier de transmissions (ou cahier de liaison), permettant à

un(e) intervenant(e) remplaçant(e) de trouver des informations utiles pour effectuer la prestationdans de bonnes conditions.

• L’organisation de rencontres de coordination et d’échanges entre des intervenant(e)s à domicile etd’autres professionnels (médecin, infirmière), permettant :- d’une part, aux intervenant(e)s à domicile de bénéficier d’informations complémentaires leur

permettant d’adapter leur action (dans une perspective d’appui à la prise de décision) ;- d’autre part, de contribuer à une mise en réseau des différents acteurs qui interviennent auprès

des mêmes publics vulnérables, par exemple en direction des personnes âgées dans le cadre desréseaux gérontologiques.

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La gestion des ressources humaines

Le renforcement d’une dynamique collective

Pour permettre aux intervenantes de faire face aux différentes situations de travail et aux évolutionsen cours « sans y laisser leur santé », la plupart des diagnostics réalisés par le réseau de l’ANACT pré-conisent l’introduction ou le renforcement de modalités collectives d’échanges de pratiques ayantpour objectifs :• d’identifier, de formaliser et de faire « remonter » aux responsables hiérarchiques (mais aussi aux

responsables institutionnels et aux financeurs) les paradoxes et les situations de « non qualité »générés par certains « conflits de prescription » ;

• de contribuer à l’élaboration d’un référentiel commun et partagé d’activité, en s’appuyant parexemple sur l’analyse collective « d’études de cas » ;

• de contribuer à développer les compétences de « diagnostic situationnel » des intervenant(e)s àdomicile ;

• de favoriser la transmission de « bonnes pratiques » entre les intervenant(e)s à domicile, permet-tant ainsi de réduire l’isolement inhérent à cette fonction ;

• enfin, de permettre l’évacuation de la « charge mentale », et la nécessaire prise de distance par rap-port à des situations difficiles.

Néanmoins, ce type de préconisations se heurte à deux difficultés majeures : d’une part, le mode definancement des temps de présence et des déplacements occasionnés par les réunions, mais aussi leniveau de compétence des personnels occupant des fonctions d’encadrement de proximité enmatière d’animation de ce type de moments collectifs.

Le renforcement du suivi des interventions

Il s’agit principalement de généraliser des visites à domicile effectuées de façon régulière par lesencadrants permettant :• d’une part, d’introduire une modalité d’évaluation des compétences professionnelles des interve-

nant(e)s « sur site » ;• d’autre part, de vérifier plus régulièrement l’adéquation entre les besoins (et les attentes) des béné-

ficiaire-clients et les prestations fournies.

Mais pour rendre possible ce type de pratiques, il faut traiter en parallèle deux problèmes incon-tournables. Le premier consiste à dégager du temps aux encadrants pour la réalisation de ces visites,par exemple en redéfinissant le partage de certaines tâches administratives assumées par les enca-drants. En effet, si cette question de la gestion du temps des encadrants n’est pas abordée, ce prin-cipe de visites à domicile restera un « vœu pieux ».

Le second problème à prendre en considération concerne le développement des compétences desencadrants en matière d’évaluation des compétences professionnelles des intervenant(e)s, mais aussiles outils qui sont mis à leur disposition pour réaliser cette activité dans de bonnes conditions : réfé-rentiel de compétences, grille d’évaluation...

L’introduction de modalités inspirées de la GPEC

La quasi-totalité des pistes de solution évoquées en matière de gestion et de développement descompétences sont inspirées par des modes d’action issus des dispositifs de GPEC, parmi lesquels onretrouve :• l’élaboration de fiches de poste et/ou de référentiels de compétences ;• la mise en place d’entretiens annuels d’évaluation ;• le développement du tutorat, notamment dans le cadre de parcours d’intégration professionnelle

des nouveaux salariés ;• le recours à la VAE ;• la structuration de parcours professionnels ;• etc.

Or « l’importation » dans le secteur des services à la personne d’outils élaborés dans d’autrescontextes professionnels ne va pas forcément de soi. Elle soulève plusieurs questions peu abordéesdans le cadre des préconisations formulées par les intervenants du réseau ANACT :• l’adéquation de ces nouvelles pratiques avec les facteurs culturels de la structure et les identités

professionnelles des salariés concernés ;

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• la pertinence et l’adaptation de ces outils au regard des spécificités des activités « à domicile » ; • les compétences des encadrants chargés de mettre en œuvre ces différents outils.

Un enjeu particulier : l’accès à la formation professionnelle des intervenant(e)s

Dans les métiers de l’intervention à domicile, l’accès à la formation professionnelle des interve-nant(e)s constitue souvent un point de difficulté du fait de la présence de nombreux freins évoquésdans les parties précédentes du présent document.

De fait, les préconisations formulées dans ce domaine ont souvent pour ambition de lever les freinsqui entravent l’accès à la formation professionnelle, notamment à travers les améliorations sui-vantes :• l’élaboration d’un plan de formation dans le cadre d’un projet global de développement des com-

pétences et des qualifications ;• l’amélioration des modalités de remplacement des intervenant(e)s ;• la communication vis à vis des bénéficiaires-clients ;• la meilleure prise en compte des pré-requis nécessaires pour profiter pleinement de certaines for-

mations et/ou pour intégrer des dispositifs qualifiants ;• le positionnement des encadrants au niveau de l’incitation des personnels à aller en formation,

mais aussi au niveau du suivi des personnes formées (notamment dans le cadre d’une reprise ensituation de travail des compétences acquises en formations) ;

• etc.

Conclusion

Cette étude réalisée à partir des supports d’intervention produits par le réseau de l’ANACT auprèsdes structures d’aide à domicile met en évidence la diversité et la complexité de ce secteur d’acti-vité en pleine expansion.

Diversité et prégnance des enjeux, tant au niveau des évolutions rapides du « marché » que de la pro-fessionnalisation des métiers et des structures, sans oublier les conditions spécifiques de réalisationdu travail.

Diversité et complexité des facteurs situationnels et des processus à l’œuvre, qui viennent contre-dire les représentations « simplistes » présentant les services à la personne comme des activitésfaciles à mettre en œuvre et immédiatement accessibles à tous les candidats à l’emploi, quel que soitleur niveau de qualification ou leur expérience professionnelle.

Enfin, complexité et interdépendance des solutions à imaginer pour apporter des améliorationsnotables, avec une réflexion à mener sur la pertinence d’importer des modes d’actions ayant faitleurs preuves dans des contextes très différents et ne prenant pas forcément en compte toutes lesconséquences d’un travail réalisé « à domicile ».

C’est là tout l’enjeu des futures interventions menées par le réseau de l’ANACT, en partenariat étroitavec les différents acteurs de ce secteur des « Services à la Personne » appelé à se développer.

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Introduction

Depuis 4 ans, une équipe projet du réseau ANACT a travaillé à actualiser le regard porté sur le chan-gement organisationnel en PME en tentant de répondre à trois questions génériques :• Qu’est ce qui conduit des PME à modifier leur organisation ? • Quels sont les effets observables en matière de performance économique et sociale ?• Quels sont les leviers pour réussir une conduite du changement organisationnel en PME ?

Ces travaux ont conduit à la conception et l’expérimentation d’une méthode d’intervention nomméeCQDIS pour Coûts, Qualité, Délais, Innovations, aspects Sociaux.

La question posée ici est celle de savoir si cette méthode d’intervention, qui produit des résultatsintéressants dans des entreprises de différents secteurs d’activité, a du sens à être utilisée aussi pourdes interventions de même nature dans des structures des services à la personne.

Pour tenter de répondre à cette question, nous vérifierons que des déterminants du changement,comme les difficultés en matière de conduite du changement, observés dans les PME en général seretrouvent dans les structures des services à la personne (I).

Nous vérifierons ensuite que la méthode d’intervention convient aux structures des services à la per-sonne (II). Ainsi, après une présentation générique de la méthode CQDIS, nous nous attacherons àl’examen des différentes phases structurant l’intervention, en illustrant nos propos par des élémentstirés des premières expérimentations en cours dans des structures des services à la personne.

Nous montrerons pour conclure que la méthode CQDIS a aussi pour objet de faciliter la capitalisa-tion de connaissances nouvelles produite par des interventions. Intervention, capitalisation dans uneperspective de transfert de connaissances, cette méthode d’intervention répond aux missions assi-gnées au réseau ANACT.

Conduite du changement organisationnel et PME : déterminants du changement, effets attendus et repérés, les fondements de la méthode d’intervention CQDIS

Quelques déterminants du changement organisationnel

L’exploitation des nombreux matériaux issus des interventions et travaux réalisés par les chargés de mis-sion du réseau ANACT d’une part, la lecture des publications récentes relatives aux conduites du chan-gement organisationnel d’autre part, ont permis d’identifier plusieurs moteurs réguliers des conduitesde changements organisationnels en PME. Les plus fréquemment évoqués sont la croissance de l’acti-vité, la réaction à une intensité concurrentielle du secteur d’activité, des évolutions des attentes desclients, des situations de transmission ou reprises d’entreprises et des phénomènes de « modes ».

■ Des changements d’organisation sont la conséquence d’une croissance de l’activité. La croissancede l’activité implique régulièrement des investissements productifs, une éventuelle croissance dunombre de salariés, une fréquente intensification du travail des salariés présents dans l’entreprise.Nouveaux équipements et salariés plus nombreux, nouveaux process de production d’un bien ou

Intervenir dans les structures du secteurdes services à la personneUne approche globale par la méthode CQDIS

Frédéric DumalinChargé de mission ANACT

Département Changements Technologiques et Organisationnels

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d’un service, imposent de penser une nouvelle organisation de la production et devrait conduire àanticiper une nouvelle organisation du travail.

Le secteur des services à la personne est en phase de croissance continue depuis plusieurs années(croissance annuelle moyenne de l’ordre de 5,5 % depuis les années 90, croissance positive à deuxchiffres ces dernières années). La croissance du secteur se traduit par la création de nouvelles struc-tures. Elle se traduit également par une augmentation significative de l’activité et du nombre d’in-tervenants à domicile dans les structures existantes. Les évolutions socio-démographiques de lapopulation française, d’une part, les politiques incitatives, d’autre part, devraient favoriser la pour-suite de ce mouvement continu depuis plusieurs années.

■ Les entreprises positionnées sur des marchés fortement concurrentiels sont confrontées à de mul-tiples enjeux pouvant impliquer de devoir faire évoluer l’organisation de la production et du travail.• Des enjeux « d’innovation produit » pour une offre renouvelée, pour des produits plus attractifs.

Attractifs par les fonctionnalités nouvelles proposées pouvant justifier des prix de ventes généra-teurs de marges confortables ou permettant des prix équivalents à ceux pratiqués par la concur-rence pour des fonctionnalités renforcées.

• Des enjeux « d’innovation process », pour répondre à des exigences de qualité, des exigences deréactivité ou de flexibilité, pour réduire les coûts de production et proposer des produits moinschers que les concurrents ou accroître les marges.

Toutes les structures du secteur des services à la personne s’interrogent aujourd’hui sur leur place,leur positionnement, les stratégies à développer dans un secteur en croissance avec un nombre plusimportant de structures privées, dont certaines sont porteuses de projets d’entreprise en rupturenette avec les projets sociaux portés par les structures associatives historiquement implantées dansce secteur. Les actions ou réactions pour des positionnements ou repositionnement des structuresassociatives, publiques ou privées du secteur supposent de penser des changements multiples dontdes changements organisationnels.

■ En PME, de nombreux changements organisationnels sont générés par l’évolution des attentes desclients, l’évolution des prescriptions produites par des donneurs d’ordre. Dans une économie de lavariété, les enjeux portent notamment sur la qualité, les délais ou la réactivité, les coûts.

Les structures du secteur des services à la personne sont confrontées à des enjeux de même nature :• Les bénéficiaires / usagers / clients ont des attentes en évolution. Pour illustrer :

- le nombre de personnes âgées dépendantes est plus important avec des effets sur la nature et laqualité des interventions, sur le professionnalisme attendu des intervenantes à domicile ;

- les familles recherchent plus régulièrement la meilleure prestation au moindre coût avec unniveau d’exigence et de contrôle en hausse constante. Sur certains territoires, les structures sontmises en concurrence, les publics sont moins captifs.

• Les financeurs institutionnels sont également confrontés à la croissance des besoins et de lademande pour des financements disponibles ne connaissant pas les mêmes courbes de progres-sion. La question se traduit souvent par une recherche d’un nombre d’heures réalisées qui progres-se plus vite que les financements engagés.

■ De nombreuses PME sont amenées à faire évoluer leur organisation à la faveur d’une transmissionou d’une reprise d’entreprise. Ces phénomènes sont marginaux dans le secteur des services à la per-sonne. Les entreprises privées sont généralement trop récentes pour être concernées par un départprochain du dirigeant à la retraite. Les modes de gouvernance des entreprises du secteur associatifou public mettent ces structures à l’abri de ce type de questions.

Cependant, la croissance du secteur, l’apparition de nouveaux acteurs, la croissance de l’intensitéconcurrentielle appellent des évolutions de la structuration du secteur. Loin d’être arrivé à maturité, lesecteur des services à la personne est traversé par des questionnements et des premiers mouvementsde réorganisation. Les petites structures doutent de leur capacité à évoluer et à perdurer dans cecontexte. La notion de taille critique des organisations est régulièrement évoquée par de nombreuxacteurs du secteur. Des fusions, des regroupements de structures deviennent plus fréquents. Ces mou-vements observables, associés à des enjeux de professionnalisation des structures, de structuration del’activité et des enjeux en matière de qualité appellent des évolutions organisationnelles d’envergure.

■ Les PME en général sont sensibles aux phénomènes de « modes » technologiques ou organisation-nelles. L’introduction de nouvelles technologies, en particulier sur le volet gestionnaire de l’activité,est notable dans les structures du secteur : gestion électronique des plannings, télégestion (des acti-vités, de la facturation et des fiches de paye), conception des tournées assistée par des logiciels degéopositionnement par satellite...

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L’usage de ces technologies pose de nombreuses questions en matière de conduite du changement,suppose des évolutions organisationnelles et génère des évolutions dans les conditions concrètes dela réalisation des activités qui sont généralement peu anticipées.

Changements organisationnels : des effets attendus, des difficultés repérées

Interrogés sur les effets ou objectifs recherchés à la faveur d’une évolution de leur organisation, lesresponsables d’entreprises citent1 :• des enjeux de qualité (29 % des responsables d’entreprises interrogés) ;• des enjeux de réactivité et de réduction des délais de production (27 %) ; • des enjeux de maîtrise ou de réduction des coûts (25 %) ;• des enjeux d’innovation (produit ou process) (19 %) ;• autres enjeux (2 %).

La présence du triptyque coûts / qualité / délais est constante depuis plusieurs décennies. Par contre plusieurs éléments méritent d’être notés ici :

■ L’énonciation par les responsables d’entreprise d’enjeux en matière d’innovation produit ou processdans des proportions aujourd’hui significatives (un répondant sur cinq). Ce résultat croise ce que lesintervenants dans les structures des services à la personne soulignent aujourd’hui : face à un senti-ment de croissance de l’intensité concurrentielle, les dirigeants de ces structures s’interrogent surdes innovations produits (de nouveaux services à envisager pour des publics connus, de nouveauxservices pour de nouveaux publics) et/ou des innovations process (mise en place de secteur, réorga-nisation par métier, évolution de la chaîne de production des services, évolutions technologiques...).

■ L’absence d’enjeux énoncés relevant des aspects sociaux alors que de nombreux travaux soulignentque le changement d’organisation ne peut réussir sans la prise en compte des enjeux pour les sala-riés, sans leur implication dans la réussite de ces changements. Cette dimension est plus forte enco-re pour les structures des services à la personne. Les enjeux d’organisation, de professionnalisationpassent par des efforts à produire en matière de conditions de travail, de reconnaissance, pour unsecteur plus attractif et une stabilisation des salariés gage de qualité et de professionnalisme desstructures.

■ Les enjeux de coûts, de qualité, de délais, d’innovation, enrichis d’enjeux sur les aspects sociaux seposent avec acuité dans les entreprises du secteur des services à la personne :• Coûts : dans un secteur où une grande part de l’activité se réalise dans un cadre tarifé, il s’agit de

satisfaire une demande sociale croissante en maîtrisant la croissance des financements publics.L’avantage par les coûts se pose encore dans un contexte concurrentiel où des structures privées,généralement de taille modeste, font de cette question un argument de compétitivité, renforcépar des avantages fiscaux pour les utilisateurs.

• Qualité : pour répondre aux exigences des clients / bénéficiaires / usagers, comme à celles desprincipaux financeurs de l’activité tarifée du secteur, pour limiter les effets des arguments portantsur les coûts en leur opposant des arguments portant sur d’autres volets : la question de la qualitédes prestations, du professionnalisme des structures, de la continuité de service.

• Délais : cette question englobe de nombreux registres : délais de mise en place des prestations oudu service (être réactif face à des situations de type sortie d’hospitalisation assorties de soins oud’aide à domicile), délai de remplacement d’une salariée absente avec des enjeux de continuité duservice pour des publics dépendants, enjeux de respect des délais de prévenance qui supposentdes politiques d’anticipation organisationnelles encore peu développées dans les entreprises dusecteur.

• Innovations : cette dimension se pose sur divers registres : - pour développer de nouveaux services pour des publics connus (diversification de l’offre) ;- pour des services vers de nouveaux publics (diversification des publics ciblés) ;- innovations organisationnelles pour une plus grande efficacité et un plus grand professionnalis-

me, une prévention des risques professionnels ;- innovations sociales pour une plus grande attractivité des emplois et une fidélisation des salariés.

• Aspects sociaux : qui recoupent de nombreux volets en matière de conditions de travail, de recon-naissance, d’identité professionnelle, de parcours professionnels, de prévention des risques pro-fessionnels (physiques et psychologiques), une plus grande qualité des relations sociales...

1 - Etude Ceforalp 2004 réalisée auprès de dirigeants de PME qui s’interrogent sur l’organisation de leur entreprise ou sontengagés dans des changements d’organisation.

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L’expérience des consultants en général, des intervenants du réseau ANACT en particulier, complè-te ces observations par des éclairages particulièrement utiles pour identifier les leviers activablespour l’action sur l’organisation.

Une absence de prise en compte des effets sur les situations de travail

La majorité des démarches visant des évolutions organisationnelles sont des démarches descen-dantes. La direction de la structure décide d’une évolution ou d’une inflexion à caractère stratégique(exemple : développement de nouveaux services dans les services à la personne) qui appelle uneévolution de l’organisation de la structure, de l’organisation de la production (exemple : enrichisse-ment des activités à réaliser dans les différents secteurs géographiques). Les conséquences sur l’or-ganisation du travail, sur les conditions de la réalisation du travail sont peu ou pas anticipées. Or, ledéfaut de prise en compte des effets sur le travail génère des dysfonctionnements de différentesnatures qui viennent régulièrement altérer les résultats produits, nourrissent des crispations socialeset identitaires, ne permettent pas toujours d’atteindre les objectifs stratégiques à l’origine des évo-lutions initiées.

Des projets qui s’additionnent sans réflexion sur leur cohérence

Dans de nombreuses structures, les projets qui visent à agir sur la maîtrise des coûts, l’améliorationde la qualité, la maîtrise des délais, l’innovation, voire sur des aspects sociaux, ont tendance à s’ad-ditionner les uns aux autres. A titre d’exemples : • le gestionnaire de la structure propose et pilote des projets agissant sur la maîtrise des coûts ; • le nouveau responsable qualité anime une démarche de progrès en la matière ;• la responsable de secteur modifie les procédures pour une meilleure réactivité aux demandes des

institutionnels du territoire ou des utilisateurs des services ; • le directeur anime un travail vers une nouvelle offre de service ; • le tout en favorisant éventuellement le départ de salariés en formation...

En somme, dans le même mouvement, il s’agirait de produire mieux (qualité), plus vite (délais), moinscher (maîtrise des coûts), en innovant (innovation) tout en formant les salariés et en reconnaissantleur nouvelle qualification... Ces différents termes ne sont pas naturellement conciliables : plus viteet mieux sont deux termes qui ne vont pas spontanément ensemble, innover ou reconnaître de nou-velles qualifications en réduisant les coûts n’est pas facile à concilier...

Les risques encourus : des projets qui n’aboutissent pas ou partiellement, des encadrants qui doiventse débrouiller d’injonctions contradictoires et s’usent, des salariés qui n’y croient plus et s’engagentmodérément...

La méthode d’intervention CQDIS

Comment, le plus en amont possible, mettre en tensions les enjeux stratégiques, les évolutions enmatière d’organisation de la production du service, les évolutions souhaitables de l’organisation dutravail en tentant d’anticiper, pour en tenir compte, des effets sur les conditions de la réalisation desactivités de travail ?

Toutes les structures du secteur des services à la personne souhaitent agir conjointement sur lesregistres touchant aux coûts, à l’amélioration de la qualité et aux délais, souhaitent innover sanssous-estimer les enjeux sociaux.

Une conduite de projet, à plus forte raison quand elle porte sur des dimensions organisationnelles,ne peut réussir sans l’implication des salariés qui réalisent les différentes activités concourant à laréalisation des services aux personnes. Tous les acteurs de la structure, à leur place, doivent pouvoirparticiper, être partie prenante de la conduite de projet.

Telles sont quelques-unes des contraintes que tente de prendre en charge la méthode d’interventionCQDIS dans le secteur des services à la personne.

Pour ce faire, les concepteurs de cette méthode, riches de l’expérience pluridisciplinaire des inter-venants du réseau ANACT et de leurs nombreuses interventions réalisées en entreprise, ont travailléà s’enrichir des apports des sciences de gestion, de l’ergonomie et de la sociologie, voire de la psy-chosociologie des organisations. Les intervenants alterneront une posture de type « expert » et uneposture de type « facilitateur » permettant aux différents acteurs de l’entreprise de prendre toute

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leur place dans la conception et la conduite du changement. Les temps nécessaires à la réalisationde l’intervention seront compatibles avec les ressources (financières, temporelles et humaines) queles PME peuvent investir dans une démarche d’appui par un conseil externe.

Trois phases structurent la méthode d’intervention :• une phase de mise en tension des enjeux stratégiques des acteurs de l’entreprise et de la réalité des

conditions de la réalisation du travail ;• une phase participative pour l’élaboration de propositions d’objectifs de progrès ;• une phase participative orientée vers l’action, avec questionnement sur les évolutions organisa-

tionnelles souhaitables pour permettre l’atteinte des objectifs de progrès validés, avec identifica-tion d’indicateurs de mesure des résultats produits.

Enjeux stratégiques et conditions de la réalisation du travail

La première phase de la méthode d’intervention CQDIS vise donc à mettre en tension les enjeuxstratégiques perçus par les différentes familles d’acteurs en présence (permettre à tous d’êtreacteurs dès l’initialisation du projet) avec la réalité des conditions dans lesquelles le travail se réali-se au quotidien. La réflexion sur les enjeux permet d’éclairer ce « vers où les acteurs de la structuresouhaitent s’engager ». Le regard sur le travail permet de réfléchir sur la situation présente, de savoir« d’où l’on part ». Au terme de cette première phase, les écarts entre la direction souhaitée et la réa-lité du travail aujourd’hui sont éclairés pour pouvoir choisir un ou plusieurs objets (ou sujets) à trai-ter de manière approfondie dans les phases suivantes de l’intervention.

Identification des enjeux stratégiques pour les différentes familles d’acteurs

Dans les structures du secteur des services à la personne, deux ou trois familles d’acteurs méritent àce stade de l’intervention, l’attention de l’intervenant : • dans toutes les structures : la direction et les représentants du personnel (ou à défaut, des salariés

représentatifs des différents collectifs de travail) ; • dans les structures de type associatif : les mêmes acteurs plus les membres du conseil d’adminis-

tration.

Il ne s’agit pas ici, dans des délais contraints, de réaliser une analyse stratégique, de se positionner enconseil stratégique de la structure, mais bien de comprendre les enjeux à caractère stratégique iden-tifiés par les différentes familles d’acteurs en présence.

Pour ce faire, après observation du travail d’intervenants en entreprise sur ce versant visant la com-préhension des enjeux stratégiques pour les acteurs d’une part, en croisant ces observations avec leséléments disponibles inhérents à l’analyse stratégiques d’autre part, sept axes de réflexion ont étéretenus pour dialoguer avec les acteurs de l’entreprise :• un axe « entreprise » (histoire, projet, évolution dans le temps, culture, origine des dirigeants...) ;• un axe « environnement externe » (contraintes et opportunités) ;• un axe « ressources » (humaines, matérielles et financières ; points forts / points faibles) ;• un axe « organisation » (organisation sur le lieu de travail, à l’échelle du collectif, à l’échelle de la

structure) ;• un axe « activités » (domaines d’activités stratégiques, segmentation de l’activité, produits, cibles...) ;• un axe « relation sociales » (structuration des relations impliquant la direction, l’encadrement, les

représentants du personnel, les salariés) ;• un axe « travail » (le travail dans ses différentes dimensions et les conditions de sa réalisation).

Ces matériaux sont recueillis au cours d’entretiens collectifs semi-directifs tenus successivementavec les deux ou trois familles d’acteurs. Ils comprennent généralement des aspects relevant d’unvolet « constat des difficultés rencontrées » et d’un volet plus orienté « prospective ». Pour les inter-venants qui le souhaitent, des fiches à caractère pédagogique sur chaque axe exploré sont dispo-nibles, et des tableaux facilitent le retraitement des matériaux en lien avec les dimensions de coûts,de qualité, de délais, d’innovations et sur les aspects sociaux.

L’analyse des situations de travail

En un temps compté (pour tenir compte des ressources disponibles en PME), il s’agit pour l’interve-nant de recueillir des matériaux portant sur les conditions de la réalisation des activités de travail.Les dimensions à envisager portent aussi bien sur les activités réalisées, les situations dans lesquelleselles se réalisent, ce qui relève du collectif de travail, les moyens et les ressources mobilisés, les

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résultats et les effets produits par les activités de travail réalisées. Ce temps emprunte des savoir-faire produits par l’ergonomie, la sociologie et la gestion. C’est pourquoi nous parlons d’analysesocio-gestionnaire du travail.

Toutes les situations de travail concourant à la production du service méritent notre attention. Lesactivités à domicile sont concernées, mais aussi celles des salariés du « back office », les administra-tifs, les personnels d’encadrement, les personnels de direction.

La notion de collectif de travail doit être approchée de manière ouverte : le collectif de pairs, le col-lectif constitué par tous ceux qui interviennent sur un même lieu de travail (dépassant souvent leseul cadre juridique de la structure), le collectif de tous ceux qui concourent à la réalisation de l’ac-tivité (la chaîne de valeur).

Le temps est compté, toutes les situations de travail ne pourront pas être observées finement.L’intervenant devra donc opérer des choix. Ils ne sont possibles qu’à la condition de savoir ce quel’on cherche à observer. Ainsi, après un examen global du processus et des situations de travail quiconcourent à la réalisation de l’activité, l’intervenant devra pouvoir choisir en appui sur un jeu d’hy-pothèses.

Les moyens de l’investigation sont variés :• Observations des situations de travail, en ayant à l’esprit que :

- la présence d’un tiers introduit un biais dans l’observation dont il faudra savoir tenir compte ; - des activités sont réalisées à domicile avec le matériel mis à disposition par le bénéficiaire du ser-

vice, cela implique que chaque lieu de travail (lieu de vie de la personne aidée) est unique ; - les déterminants du travail (tout ce qui a une incidence sur les conditions de la réalisation du tra-

vail) sont très variables d’un domicile à l’autre. Cela vaut aussi, bien que dans une moindre mesu-re, pour l’ensemble des situations de travail des personnels du « back office » ou de l’encadre-ment.

• Recours à la verbalisation pour comprendre ce qui s’opère sous l’œil de l’intervenant.• Entretien individuel ou collectif pour une compréhension plus large de situations que le temps

d’observation n’a pas permis d’approcher correctement.• Analyse documentaire portant sur les moyens et ressources disponibles, les résultats ou les effets

des activités de travail, le prescrit qui se distingue généralement de nos observations in situ...

La restitution intermédiaire

La restitution intermédiaire doit être conçue comme un vrai temps de travail, un temps de produc-tion avec et par les participants (le comité de pilotage paritaire de l’intervention). Les objectifs dece temps précieux sont ici les suivants :• rendre compte des matériaux apportés par les membres du CA, la direction, les représentants du

personnel sur leur point de vue en matière d’enjeux stratégiques pour la structure ;• porter un regard externe sur les conditions dans lesquelles le travail se réalise aujourd’hui dans la

structure ;• dégager une représentation partagée de l’état de la structure sur les 5 points clés à envisager dans

la conduite du changement (coûts, qualité, délais, innovations et aspects sociaux) ;• choisir un ou plusieurs objets (sujets) de travail à approfondir pour tendre à réduire les écarts entre

la direction à emprunter (au regard des enjeux stratégiques énoncés) et la réalité de la réalisationdu travail à ce jour ;

• définir la composition du groupe participatif à qui sera confiée la tâche de proposer des objectifsde progrès sur les objets / sujets sélectionnés par le comité de pilotage de l’intervention.

Soulignons que la nature des objectifs assignés au comité de pilotage paritaire lors de cette restitu-tion intermédiaire permet en arrière plan de travailler sur la qualité des relations sociales entre dif-férentes familles d’acteurs. Les matériaux produits par les échanges et les observations avec lesadministrateurs, la direction, les IRP, les salariés, les cadres vont venir nourrir la réflexion et un tra-vail conjoint de la direction et des représentants du personnel. Sur des questions structurantes pourla vie et l’évolution de la structure, les partenaires sociaux sont invités à produire ensemble, ce quise distingue nettement des postures de simple information ou d’opposition régulièrement obser-vables en entreprise.

L’intervenant a donc une double posture :• il apporte les résultats de ses investigations (posture de type expert) ;• il anime le travail de production du comité de pilotage (posture de type facilitateur).

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Pour animer ce temps de travail, plusieurs étapes vont donc se succéder :• Une étape de retour sur les propos tenus par les membres du CA, la direction et les représentants

du personnel sur leur perception des enjeux stratégiques pour la structure. C’est généralement unepremière dans la vie de ces organisations : les CA ont rarement pris le temps d’un regard actualisésur le projet social de la structure et encore moins de faire profiter les autres acteurs de ce typede réflexion. La direction éclaire les enjeux qui lui sont propres dans son rôle consistant à piloterla structure au regard des orientations définies par le CA. Les représentants du personnel ont rare-ment eu l’occasion de prendre la parole sur ce type de registre, le volet économique des préroga-tives du comité d’entreprise se limitant souvent à enregistrer des décisions retenues par la direc-tion. Ce temps de découverte ou de redécouverte réciproque est structurant à plus d’un titre pourla suite des travaux à réaliser. Les acteurs en présence sont souvent surpris de découvrir que lespoints qui les préoccupent sont proches (ce qui ne signifie pas nécessairement une convergence devue sur les solutions ou actions à engager). Ils découvrent généralement que leurs préoccupationsse déclinent sur les 5 volets du CQDIS (coûts, qualité, délais, innovations et aspects sociaux). Delarges espaces existent donc pour échanger et travailler ensemble.

• Une étape consiste à faire un retour sur l’analyse des situations de travail. L’apport d’un regardexterne est utile pour des échanges sur des situations de travail qui posent problème tant sur leversant des conditions de la réalisation du travail que sur celui de son efficacité pour les bénéfi-ciaires ou pour la structure (analyse socio-gestionnaire). Ces éléments seront utilement mis en dis-cussion avec les principaux aspects dégagés par le travail sur les enjeux stratégiques. Le lien avecles enjeux en matière de CQDIS sont alors plus faciles à envisager.

• Une étape de construction conjointe d’une représentation graphique et simple de la situationactuelle de la structure au regard des enjeux en matière de coûts, de qualité, de délais, d’innova-tion et sur les aspects sociaux. Ce travail se réalise en utilisant la « cible du CQDIS ». Elle permetune représentation « à ce jour » de la situation de la structure sur ces 5 dimensions. Elle faciliterademain la réflexion sur les effets attendus ou possibles de la mise en œuvre d’actions pour l’at-teinte d’objectifs de progrès sur des objets / sujets sensibles pour la structure.

• Une étape de décision concernant la commande à passer au groupe participatif : quel(s) objet(s) /sujet(s) faut-il traiter pour engager un mouvement de réduction des écarts entre la direction àprendre et la réalité des conditions de réalisation du travail aujourd’hui.

• Une étape de décision pour la constitution du groupe participatif pour la suite : nombre de parti-cipants, profils des participants, sollicité par qui et comment, modalités de travail (rytme desréunions, lieu de réunion...).

Des propositions partagées d’objectifs de progrès

L’enjeu de cette deuxième phase est de produire avec un groupe participatif, composé d’interve-nant(e)s à domicile et de salarié(e)s en posture d’encadrement ou issu(e)s des fonctions support, desobjectifs de progrès sur un ou plusieurs objets/sujets retenus par le comité de pilotage paritaire, afin

Maîtrisedes coûts

Aspectssociaux

Innovations

Qualité

Délais

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de réduire les écarts entre la direction à prendre au regard des enjeux stratégiques énoncés et la réa-lité des conditions de la réalisation du travail au quotidien. Ces objectifs seront soumis à la directionde la structure qui, dans son rôle, devra valider ou ne pas retenir les propositions émises par lesmembres du groupe participatif. Les résultats de ce processus de production seront présentés et dis-cutés en restitution intermédiaire avec le comité de pilotage paritaire de l’intervention.

Un groupe participatif, des règles de travail et deux sous groupe

Pour travailler, la commande émanant du comité de pilotage paritaire est adressée à un groupe par-ticipatif composé de salariés et d’encadrants de la structure. Le groupe doit produire des proposi-tions d’objectifs de progrès sur l’objet/sujet retenu par le comité de pilotage paritaire de l’interven-tion.

Les membres du groupe participatif sont nécessairement des volontaires. La composition du groupecorrespond aux critères définis par les membres du comité de pilotage paritaire. Il est déconseillé defaire participer le directeur ou la directrice de la structure au groupe participatif : il aura à valider ourejeter les propositions issues du travail du groupe, sa présence au sein du groupe le (la) mettrait dansune situation inconfortable (juge et partie). Les autres personnels d’encadrement, quelles que soientleurs fonctions, peuvent prendre part au groupe participatif en acceptant les règles de fonctionne-ment du groupe (voire infra). Leur présence est même souhaitable pour le traitement de certainssujets retenus par le comité de pilotage paritaire. Des représentants du personnel peuvent êtremembres du groupe, mais le sont alors en qualité de salarié et non de représentant du personnel.

Le fait de disposer d’un seul groupe participatif introduit l’idée qu’ensemble, salariés et encadrantssont capables de produire des objectifs de progrès tenant compte des enjeux spécifiques à chaqueposture en situation de travail. En clair, les « experts du travail », les salariés dans leur diversité etcomplémentarité, vont produire ensemble des propositions qui tiennent compte des enjeux pourchaque situation de travail concernée. Le pari complémentaire est ici de permettre aux uns et auxautres de découvrir que leurs préoccupations se croisent, que leurs approches spécifiques ne sontpas nécessairement en opposition, que leurs points de vue s’enrichissent pour éclairer différentesfacettes d’un même problème, que c’est la prise en compte des ces aspects multiples qui permetd’élaborer des solutions satisfaisantes pour tous.

Pour obtenir ce résultat, quelques principes doivent cependant être respectés :• Des règles communes doivent être posées et validées par les membres du groupe participatif :

- un groupe de travail n’est pas un espace de négociation ou de règlement des conflits ;- chacun compte pour un. Puisqu’il n’y a pas de décision à prendre, la diversité des points de vue

n’est pas un problème, mais bien une source de richesse. Des points de vue différents sur unemême situation éclairent des façons distinctes d’envisager une situation. Il n’y a pas d’enjeux àdevoir adopter le même point de vue ;

- les débats portent sur les idées proposées et ne constituent en rien un jugement sur les individusqui les émettent ;

- le traitement efficace d’une question ou proposition suppose de ne pas s’éparpiller. Il convientd’inviter les membres du groupe à se limiter à une idée par prise de parole ;

- l’animateur est le garant du bon déroulement du travail du groupe participatif. Il agit naturelle-ment sous le contrôle de fait des membres du groupe.

• Ouvrir de véritables espaces de liberté de parole aux membres du groupe. Or il n’est pas toujoursaisé, en première instance, pour un salarié, de prendre la parole devant un supérieur hiérarchique.Il n’est pas plus aisé pour un encadrant de jouir d’une pleine liberté de parole en présence de subor-donnés (un point de vue personnel peut s’opposer à un mode de fonctionnement dont l’encadrantest le garant : un risque perçu quant à la crédibilité de l’encadrant). Pour régler cette difficulté, ilest nécessaire à cette phase de l’intervention, de mettre en place deux sous-groupes de travail : unsous-groupe salariés, un sous-groupe encadrants.

Produire des propositions d’objectifs de progrès

Animation des sous-groupes

Le même objet/sujet constituant la commande passée par le comité de pilotage paritaire est dansun premier temps pris en charge par chaque sous-groupe. Chaque intervenant trouvera les modali-tés de progression qui lui conviennent. Les éléments qui suivent ne constituent donc qu’une moda-lité possible, expérimentée à plusieurs reprises, pour parvenir à la production de propositions d’ob-jectifs de progrès partagés par les membres du groupe participatif.

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Chaque sous-groupe s’ouvre sur une présentation de la commande qui lui est adressée par le comi-té de pilotage. Les mêmes règles (voire supra) sont proposées, éventuellement amendées, puis vali-dées par chaque sous-groupe. Le traitement d’un objet/sujet se fait en une séance d’une demi-jour-née. L’intervenant travaille selon la progression suivante :• verbalisation par les membres du sous-groupe, trace écrite prise par l’intervenant (voir ci-dessous

le type de tableau utilisé pour recueillir les données), sur les différents aspects que les participantsassocient au sujet proposé (en quoi ce sujet, cet objet, fait sens pour les membres du groupe) ;

• chaque proposition fait l’objet d’un approfondissement en s’interrogeant sur le « pourquoi » decette proposition. Ce travail est poursuivi aussi longtemps que les membres du sous-groupe sontcapables d’apporter des éléments de compréhension complémentaires. Le sujet est ainsi disséquéle plus finement possible. Ce travail permet de ne pas en rester aux constats et aux propositionssuperficielles ;

• il est alors assez simple, pour chaque proposition issue de la production du groupe, de dégager despropositions d’objectifs de progrès ou des pistes d’action pour progresser sur les différents pointsabordés.

Quelques remarques utiles :• l’intervenant n’est pas ici un acteur neutre. Si sa posture est d’abord celle d’un animateur, d’un faci-

litateur, il peut nourrir la réflexion du groupe de ses connaissances, de ses expériences antérieures.Ce rôle actif ne peut cependant en aucun cas remettre en question la conviction que les vraisexperts des sujets traités en rapport avec le travail réel sont bien ceux qui connaissent ce travail,ceux qui auront demain à tenir compte, dans leur activité quotidienne, des résultats produits à l’is-sue du processus d’intervention ;

• les membres des sous-groupes ne sont généralement pas capables spontanément de faire la dis-tinction entre objectifs de progrès et pistes d’action. Nous conseillons de ne pas encombrer leséchanges de la recherche de cette distinction. L’intervenant pourra plus tard, lors du retraitementdes matériaux produits, réorganiser les éléments en objectifs et pistes. Les objectifs de progrès tra-duisent une orientation. C’est sur ce volet que la direction aura d’abord à se positionner. Les pistesouvrent la voie à des actions permettant d’atteindre les objectifs retenus ;

• l’utilisation d’un même tableau simple pour l’animation des deux sous-groupes facilite grandementle travail de préparation de la phase de mise en commun des productions des deux sous-groupes.

La mise en commun des apports des deux sous-groupes

Cette phase suppose un travail préparatoire par l’intervenant en appui sur les éléments recueillissous forme de tableaux conformes à celui présenté ci-dessus. Les travaux des sous-groupes ont per-mis de repérer le sens donné au sujet par les deux sous-groupes. Trois types de propositions peuventgénéralement être repérées :• des propositions convergentes. Dans des termes équivalents ou pouvant être différents, les deux

sous-groupes ont proposé des matériaux suffisamment proches pour être considérés comme étantconvergents ;

• des propositions distinctes. Elles sont le résultat du travail réalisé par un seul des sous-groupes.Cela ne signifie pas qu’une proposition émise par un sous-groupe n’intéresse pas les membres del’autre sous-groupe. Ce point n’a peut-être pas la même importance pour le sous-groupe qui ne l’apas abordé. Cela ne signifie pas nécessairement un désintérêt ou un désaccord. L’expériencemontre qu’il s’agit d’angles d’approche auquel un des sous-groupes n’a pas pensé mais qui a du sens,ne pose pas de problème à être traité, mérite que des objectifs de progrès y soient associés ;

Quoi Pourquoi Objectifs de progrès(ce que le groupe donne (approfondissement ou pistes d’actions

comme sens au sujet soumis) de chaque proposition pour en comprendre le sens et dépasser

le stade des constats)

Proposition 1

Proposition 2

Proposition 3

...

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• des propositions dont le sens est clairement contradictoire entre les deux sous-groupes. Il s’agitgénéralement de sujets sensibles, sur lesquels les débats peuvent se passionner. Ces propositionssont généralement largement minoritaires parmi les propositions issues des deux sous groupes.

Chaque proposition sera soumise à la réflexion du groupe participatif. Elle sera commentée, amen-dée, enrichie puis validée par les membres du groupe.

Lors de cette phase, les membres du groupe participatif découvrent généralement avec intérêt la proxi-mité de leurs apports sur l’essentiel des points abordés. Ils découvrent qu’un même sujet se pose sou-vent en des termes complémentaires, du point de vue des salariés et des encadrants. Ils vérifient quepour progresser sur un point identifié il est utile de prendre en charge les préoccupations des uns etdes autres et qu’à cette condition il est possible de progresser de manière satisfaisante pour tous.

Sur un autre registre, ces temps sont précieux pour faire évoluer des représentations, les regards queles uns portent sur les autres, participant ainsi à donner un autre sens à leurs interactions en situationsde travail réel. Les bases de futurs travaux à réaliser sur un mode participatif peuvent ainsi être posées.

La seconde restitution intermédiaire

Cette seconde restitution intermédiaire devant le comité de pilotage paritaire vise à permettre :

■ A la direction de valider ou de ne pas retenir des propositions d’objectifs de progrès issues du travaildu groupe participatif. Les intervenants prendront généralement la précaution de tenir une réunionpréparatoire avec les membres de la direction pour éviter de les mettre dans une position inconfor-table. Cette dimension est importante puisqu’elle permet de « mettre la direction dans son rôle ». Eneffet, c’est à elle qu’il revient de décider des objectifs de progrès qui lui conviennent et de commenterle choix de ne pas retenir des objectifs de progrès qui lui posent problème. L’utilisation de la « cibleCQDIS » est ici pertinente pour apprécier les résultats attendus des objectifs de progrès proposés parle groupe participatif sur les aspects de coûts, de qualité, de délais, d’innovations et sur les aspectssociaux. La cible prend alors sa seconde dimension : un outil d’aide à la réflexion et à la décision per-mettant de vérifier les effets attendus et corrélés des décisions retenues. Elle peut être complétée d’untableau (voir ci-dessous) facilitant la réflexion et la consolidation des résultats attendus ou supposés.

Quoi Pourquoi Objectifs de progrès Pistes d’actions

Les points Proposition 1convergents

Proposition 2

...

Les points Proposition 1distincts

Proposition 2

...

Les points Proposition 1porteurs de

Proposition 2contradictions...

Effets attendus ou supposés

Quoi Objectif Maîtrise Qualité Délais Innovations aspects Consolidationde progrès des Coûts Sociaux par objectif

Sujet A Objectif 1 -- + +/- + ++ ++

Objectif 2 +/- + + +/- +/- ++

Sujet B Objectif 3 ++ +/- +/- +/- + +++

Consolidation +/- ++ + + +++cible CQDIS

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■ Aux représentants du personnel de prendre connaissance et de discuter des points retenus ou reje-tés par la direction. L’utilisation de la cible CQDIS facilite grandement la mise en mots et la com-préhension du sens des décisions prises par la direction. Une « cible du CQDIS » permettra une iden-tification des résultats consolidés attendus des objectifs de progrès retenus. C’est une autre dimen-sion de la « cible CQDIS » : la visualisation de l’évolution tendancielle attendue de la mise en œuvrede l’ensemble des propositions retenues.

Quelle organisation, un plan d’action pour atteindre les objectifs de progrès

La dernière phase de l’intervention consiste à concevoir les actions qui permettront de tendre versl’atteinte des objectifs de progrès sur des objets/sujets à traiter pour réduire les écarts entre ladirection à prendre aux regard des enjeux stratégiques pour les acteurs de l’entreprise et le travailtel qu’il se réalise au quotidien. Elle permettra également de concevoir des indicateurs de mesuredes résultats produits par les actions mises en œuvre.

Les actions à mettre en œuvre réinterrogent généralement l’organisation de la production des services,donc l’organisation du travail. Il convient à ce stade de ne pas prendre le risque d’actions qui transfor-ment l’organisation sans avoir pris la précaution d’anticiper un certain nombre d’effets probables sur lesconditions de la réalisation du travail (ne pas reproduire les dysfonctionnements récurrents observésen matière de conduite du changement en PME). Travailler sur ce volet avec les « experts du travail »,en groupe participatif, prend à nouveau tout son sens.

Le travail en groupe participatif

Les modalités à retenir pour animer les travaux du groupe participatif peuvent varier selon différentsparamètres.

Si les travaux réalisés précédemment en mode participatif (sous-groupes et mise en commun) onteffectivement permis de modifier les représentations réciproques des participants, il ne sera pas sys-tématiquement nécessaire de reproduire ce schéma d’animation en deux temps. L’animateur choisi-ra entre la reproduction de ce mode d’animation ou un travail réalisé directement avec l’ensembledes membres du groupe participatif, ou encore l’animation de deux sous-groupes mixant des publicssalariés et encadrants (éviter la saturation cognitive des membres du groupe) et traiter, dans unelogique action, un nombre plus important d’objectifs de progrès.

La nature des problématiques traitées en amont, les objectifs de progrès qui se dégagent, peuventconduire à devoir à ce stade redessiner le schéma organisationnel permettant la réalisation d’un pand’activité. Nous sommes alors dans un travail de conception organisationnelle, pouvant utilementprendre appui sur des travaux de simulation de l’activité ou d’expérimentation de modalités organi-sationnelles envisagées. Le travail en groupe complet permettra des gains de temps importants enévitant de fastidieux et redondants travaux de mise en commun avec les productions de chaquesous-groupe.

Maîtrisedes coûts

Aspectssociaux

Innovations

Qualité

Délais

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De multiples stratégies d’animation peuvent ainsi être envisagées : • construction assez classique de propositions vers un plan d’action en appui sur les pistes proposées

lors des précédents travaux en groupe participatif ;• animation de type formation/action avec alternance d’apports conceptuels, travaux en interses-

sion, retour en groupe pour stabilisation ;• simulation d’activités, expérimentation in situ, en particulier quand les propositions portent sur

des modifications sensibles des processus organisationnels existants ;• ...

La notion de plan d’action

Décider d’un plan d’action est un acte de direction. Un plan d’action implique de faire des choix, deprivilégier certaines actions, d’en différer d’autres, de renoncer à certains possibles. Un plan d’actionsignifie un ordonnancement des actions à réaliser, un calendrier de réalisation, des moyens à allouer,la désignation de responsables de projets. Bref, un plan d’action permet de répondre à des questionsdu type quoi (quelles actions), pourquoi (résultats attendus), quand (ordonnancement et position-nement dans le temps), comment (moyens et ressources internes ou externes mobilisés), qui (un res-ponsable identifié pour la conduite des actions). La littérature regorge d’outils dont les intervenantsne manqueront pas de s’inspirer si besoin est.

Le plan d’action doit être cohérent avec les orientations politiques définies par le conseil d’adminis-tration. Il permet de tendre vers la mise en œuvre de ces orientations. Ce volet concret, le plan d’ac-tion, est bien de la responsabilité de la direction (chacun est dans son rôle).

Pour produire pleinement, le groupe participatif a besoin :• de clarté sur ses marges de manœuvre : le groupe n’a pas une fonction décisionnelle, mais bien une

fonction propositionnelle (cela permet d’éviter des processus de type illusions/désillusions) : ladécision sur le plan d’action est bien un acte de direction ;

• par conséquent, de ne pas être trop entravé dans sa capacité propositionnelle par des considéra-tions gestionnaires trop précoces (cela ne signifie par pour autant de s’affranchir de principes deréalité bien utiles que les participants savent introduire naturellement dans leurs échanges) ;

• d’envisager les effets de ses propositions sur les conditions de la réalisation du travail de chacun(nous savons que l’absence de cette dimension produits des dysfonctionnements pouvant aller jus-qu’à remettre en cause l’atteinte des objectifs énoncés).

Riche du travail du groupe participatif, il est de la responsabilité de l’intervenant de faire un travailde mise en forme pour une présentation des résultats à la direction. Cette dernière, appuyée par l’in-tervenant, pourra alors décider du plan d’action à mettre en œuvre et présenter les résultats de cetravail lors de la restitution finale devant le comité de pilotage paritaire de l’intervention.

Quelques points de repères pour envisager les aspects organisationnels dans les structures du secteur des services à la personne

La mise en œuvre des actions proposées pour le plan d’action appelle généralement des évolutionsà caractère organisationnelles. Cette dimension doit être anticipée pour ne pas prendre le risqued’être subie, ce qui générerait des effets non attendus et potentiellement contreproductifs pour laréalisation des activités de travail.

Ainsi, dans cette phase, plusieurs aspects ou angles de réflexion peuvent être utilement identifiésqui nourriront la réflexion des membres du groupe participatif et de la direction.

Distinguer organisation de la production du service et organisation du travail

L’organisation de la production relève de l’agencement de l’ensemble des ressources matérielles ethumaines concourant à la production du service. Elle englobe donc la question de l’organisation du tra-vail des salariés. Cependant, cette dernière doit être envisagée en tant que telle pour ne pas risquer dedélaisser les effets sur le travail d’une évolution globale de l’organisation de la production du service.

Les différents niveaux de l’organisation

La réflexion sur l’organisation de la production et du travail mérite d’être envisagée dans ces mul-tiples dimensions.

La réflexion ne doit pas ignorer les questions relevant de l’organisation de l’activité de travail surle lieu de travail. Chaque lieu étant unique, chaque bénéficiaire étant lui aussi unique, des marges demanœuvre doivent pouvoir être préservées pour permettre que le travail réel puisse se faire dans de

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bonnes conditions. A ce niveau se posent également les questions inhérentes au cahier des charges(contenu de l’activité, modalités de son évolution, marges de manœuvre, en tenant compte et engérant les différents niveaux de prescription...), celles inhérentes au système de règles mises en placeà un niveau plus collectif et dont le bénéficiaire comme la(le) salarié(e) sont informés, la questiondes dispositifs ressources qu’il sera possible ou non de solliciter par des professionnel(le)s souventisolé(e)s.

Un deuxième niveau de réflexion se situe à l’échelle du collectif de travail. Nous avons indiqué(voire supra) que le collectif peut être apprécié comme le collectif de pairs réalisant la même acti-vité, le collectif de celles et ceux (différents professionnels réalisant des activités distinctes) quiinterviennent sur un même lieu de travail, le collectifs de toutes celles et ceux qui concourent endifférents temps à la réalisation de l’activité de service (voir infra « la chaîne des valeurs »). A ceniveau se posent les questions récurrentes de continuité de service, de circulation des informations,de l’organisation des interfaces entre les différents professionnels. Selon le sens donné ici à la notionde collectif, des interactions avec son environnement devront éventuellement également être envi-sagées.

Un troisième niveau relève de l’organisation plus globale de la structure : organisation par sec-teur, organisation par métier, organisation des activités supports, mode de gouvernance de lastructure, système d’information... Ce niveau plus global, dans son organisation, doit aussi généra-lement tenir compte des caractéristiques et attentes de l’environnement externe, des acteurs ins-titutionnels qui interagissent avec la structure, du territoire (histoire, géographie, dynamisme éco-nomique...).

Pour chaque action envisagée, il sera utile de se questionner sur les effets produits aux trois niveauxde l’organisation. Un simple tableau (voir ci-dessous) permet de s’assurer que cette phase ne sera pasoccultée. L’enjeu est ici de bien prendre en compte le volet organisationnel dans ces différentesdimensions pour chaque action envisagée.

La co-réalisation des activités de service

Les activités envisagées se réalisent toutes, sans exception, dans un cadre défini par la notion de« relation de service ». Ces activités se caractérisent toujours par des interactions interperson-nelles nécessaires à la réalisation des activité de travail. Il y a co-réalisation et même souvent co-conception des activités.

La co-réalisation implique généralement la personne bénéficiaire de l’activité réalisée. La co-concep-tion est plus complexe à appréhender : elle peut mettre en scène la personne aidée mais égalementd’autres acteurs qui jouent un rôle structurant : • les financeurs qui fixent le cadre et énoncent des exigences (notamment gestionnaires) peu

contournables ;• les familles dont le niveau d’exigence est croissant, avec ou sans liens directs avec les besoins réels

de la personne aidée ;• la structure elle-même, au regard de son projet social et des marges qu’il laisse lors de la mise en

place du service.

Toutes les activités de travail rencontrées dans les structures des services à la personne sont danscette réalité de « relation de service ».

Effets attendus ou possibles

Objectif Actions envisagées Lieu de travail Collectif de travail Structurede progrès validé

Objectif 1 Action 1

Action 2

Action 3

Objectif 2 Action 1

Action 2

...

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■ C’est bien sur le cas des activités qui ont lieu à domicile, avec une co-réalisation active ou passivede la personne aidée. La question prend même de l’épaisseur au regard du projet de la structure : • faut-il « faire à la place de » la personne aidée ? (un levier pour accroître la productivité du travail

à domicile) ; • faut-il « faire avec » la personne aidée ? (un levier pour lutter contre la progression de la dépen-

dance des personnes âgées) ;• faut-il « faire faire par » la personne aidée ? (un levier pédagogique dans le travail avec les enfants,

un levier pour le retour à l’autonomie pour une personne en suite d’hospitalisation, un levier pourretarder la dépendance avec les personnes âgées).

Les choix en la matière ne sont pas neutres d’effets sur l’estime de soi pour les salarié(e)s, sur laconstruction et la perception de l’identité professionnelle des salarié(e)s à domicile.

■ C’est le cas pour les responsables de secteur, l’encadrement de proximité, en interaction avec demultiples acteurs internes et externes qui participent de la co-réalisation de leurs activités. Encorefaudra-t-il s’entendre sur les activités que ces salariés doivent mettre en œuvre en veillant au carac-tère réaliste des attentes exprimées [nous avons la conviction que l’ensemble des dimensions rapi-dement esquissées ci-dessous ne sont pas toutes conciliables et ne peuvent être réalisées de frontpar un(e) seul(e) salarié(e)] :• un rôle de développement commercial (en interaction avec les bénéficiaires, les familles et les

financeurs institutionnels) ;• un rôle d’évaluation et de mise en place du service (en interaction avec d’autres évaluateurs éven-

tuels, avec les bénéficiaires, les familles, les intervenantes à domicile) ;• un rôle de gestion des plannings et des remplacements (en interaction avec les salarié(e)s à domi-

cile et les bénéficiaires) ;• un rôle de management (en interaction avec les salarié(e)s et la structure) ;• un rôle de direction au sein du comité de direction (en interaction avec les autres membres de la

direction, les administrateurs, les acteurs institutionnels...).

■ C’est le cas des salariées en charge des activités supports, mais aussi de la direction, en interactionégalement avec de nombreux acteurs.

Dernier point, dès lors que nous pouvons parler de co-réalisation des activités, la question de l’élé-vation du niveau des compétences des deux parties prenantes de la réalisation de l’activité peutmériter notre attention. Si le travail s’effectue à deux, la question des conditions de sa réalisation nese pose-t-elle pas pour les deux membres de cette dyade au travail ?

La « chaîne des valeurs »

Le travail sur la « chaîne des valeurs » est une modalité testée pour permettre de faire le lien d’unpoint de vue opérationnel entre : • organisation de la production et organisation du travail ; • les différents niveau de l’organisation (travail, collectif, structure) ;• les aspects liés à la co-réalisation des différentes activités de travail aux différents niveaux de la

structure.

La notion de « chaîne des valeurs » permet en outre de mettre en tension ce qui relève :• des résultats économiques et sociaux de la production du service ;• des valeurs portées par la structure (le projet d’entreprise, le projet associatif, le projet com-

munal).

Nous utilisons donc l’expression « chaîne des valeurs » pour raisonner de manière systèmique sur dif-férents niveaux en interaction :• la chaîne de valeurs, au sens de l’examen du processus enchaînant les différentes activités partici-

pant à la réalisation/la production du service, à la production de valeur (au sens économique duterme) ;

• la chaîne de valeurs au sens des valeurs attendues (voire défendues) par les différents protago-nistes de la production du service (dépassant le seul registre économique pour envisager desaspects sociaux, voire sociétaux) :- les valeurs au sens du projet associatif, du projet d’entreprise ;- les valeurs du point de vue des bénéficiaires, clients, usagers (et leur famille) des activités de ser-

vices ;- les valeurs du point de vue des acteurs institutionnels présents sur le territoire ;- les valeurs du point de vue de ceux qui réalisent (co-réalisent) les activités de travail au quotidien.

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La prise en compte des différents niveaux/registres de valeurs permet une réflexion structurée surles modalités organisationnelles à faire évoluer, sur les actions à mettre en œuvre, pour l’atteinte desobjectifs de progrès permettant de réduire les écarts entre la direction souhaitée et les conditionsréelles de la réalisation du travail.

D’un point de vue opérationnel, deux entrées sont envisageables :

■ Une entrée macro, en raisonnant sur la chaîne de valeurs dans sa globalité, en repérant les pointsqui posent problème, en envisageant les actions nécessaires aux différents niveaux investigués, enveillant cependant à la cohérence globale des actions envisagées.

■ Une entrée par l’activité dans une logique dynamique permettant de penser les interactions entreles différentes actions aux différents niveaux et permettant de s’assurer des effets produits sur l’en-semble de la chaîne de valeurs.

La notion d’indicateurs de mesure des résultats

Dans cette phase, riche d’un diagnostic élaboré en phase 1 permettant d’identifier lesobjets/sujets sur lesquels il convient d’agir, doté d’objectif de progrès validés, le groupe partici-patif réfléchit aux actions souhaitables et aux évolutions organisationnelles permettant leur miseen œuvre. Il sera pertinent de pouvoir mesurer les résultats produits par les actions réalisées.Ainsi se pose la question de pouvoir disposer d’indicateurs de mesure des résultats produits parles actions retenues.

Les structures disposent généralement d’un certain nombre d’indicateurs, souvent d’inspiration ges-tionnaire, pas toujours faciles d’accès et de compréhension pour le plus grand nombre.

Or, dans le prolongement du travail participatif, pour donner crédit à ce mode de conduite du chan-gement, pour vérifier ses effets, pour donner envie de reproduire ce mode de travail sur d’autressujets à traiter, tout en prolongeant l’engagement des acteurs sur les actions décidées, il convientd’envisager des indicateurs particuliers correspondant à plusieurs critères :• des indicateurs permettant une lecture des résultats produits par les actions décidées suite aux

propositions énoncées par les membres du groupe participatif ;• des indicateurs facilement accessibles et lisibles par tous ;• des indicateurs qui permettront au plus grand nombre de débattre des résultats obtenus en

connaissance de cause pour pouvoir travailler à des éventuelles évolutions des actions à engager,décider des suites souhaitables à ce premier travail participatif.

Demande Évaluation Mise en place Réalisation

Origine, acteursmultiples Reporting Facturation

Planning

Activité : quelle organisation

Production / travail ?

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Des ratios compliqués lisibles par une minorité d’acteurs ne seront donc pas adaptés à ce type d’ob-jectifs. Les indicateurs doivent être recherchés avec les membres du groupe participatif. Ils doiventêtre en prise avec les situations de travail et facilement observables régulièrement par le plus grandnombre. Ils devront ensuite faire l’objet de modalités adaptées pour traiter les résultats observés, endébattre, décider des inflexions et évolutions souhaitables.

Ainsi conçus, les indicateurs permettront de poursuivre le travail engagé sur l’ensemble des relationssociales au sein de la structure, permettant à tous (salariés, encadrants, représentants du personnelet direction) d’être acteurs à leur place dans la suite du processus, et à l’entreprise d’entrer durable-ment dans une démarche de conduite concertée et continue du changement.

La restitution finale

La restitution finale doit être envisagée comme le terme de l’intervention et comme un momentcharnière dans la façon d’envisager la conduite du changement dans l’entreprise :• le terme de l’intervention avec l’appui d’un intervenant externe ;• un moment charnière puisqu’il s’agit d’entrer dans la phase opérationnelle de la conduite d’un cer-

tain nombre de changements par la mise en œuvre concrète du plan d’action et de s’inscrire dansune démarche durable de gestion concertée du changement dans la structure.

A ce titre, plusieurs objectifs doivent être envisagés :• un objectif de présentation par l’intervenant des résultats et propositions issus des travaux du

groupe participatif ;• un objectif de présentation des points clés retenus par la direction dans une logique de plan d’ac-

tion ;• un objectif de stabilisation d’un type concerté de conduite du changement, consolidant une nou-

velle approche des relations sociales dans l’entreprise.

La présentation du plan d’action par la direction suppose une phase de travail préparatoire entre cettedernière et l’intervenant. L’enjeu est alors d’exposer les résultats et propositions issus des travaux dugroupe participatif : propositions d’actions à mettre en œuvre, regard sur les évolutions organisation-nelles souhaitables, présentation des indicateurs de mesure des résultats. Il revient alors à la direction,appuyée par l’intervenant, de formaliser et de valider le plan d’action : quelles actions, pilotées par qui,avec quels moyens (matériels, financiers, humains - internes ou externes), selon quel échéancier, pourrépondre à quels objectifs, avec quels résultats attendus, mesurés par quels indicateurs ?

A la faveur de l’intervention, le conseil externe à travaillé à corriger un certain nombre de dysfonc-tionnements récurrents en matière de conduite du changement organisationnel en PME :

■ Eviter des démarches uniquement descendantes (évolution de la stratégie / évolutions de l’orga-nisation de la production / évolution de l’organisation du travail et des conditions de sa réalisationau quotidien). Pour ce faire, il a permis aux différentes familles d’acteurs institutionnels de l’entre-prise d’énoncer des enjeux stratégiques, mis en relation avec la réalité du travail. Il a permis aux sala-riés et au personnel d’encadrement d’être impliqué dans la conception d’objectifs de progrès validéspar la direction et présentés en comité de pilotage paritaire. Il a travaillé selon des modalités parti-cipatives à la conception du plan d’action et à envisager les nécessaires évolutions organisation-nelles. Ce travail a permis à la direction de décider du plan d’action qui est présenté en comité depilotage paritaire. Des indicateurs de mesure des résultats pourront être suivis par le plus grandnombre.

Organisationde la production

Le travail etson organisation

Evolutionde la stratégie

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■ Eviter la multiplication de projets non corrélés entre eux, en utilisant la cible du CQDIS pour unereprésentation partagée de la situation actuelle de la structures sur les items de coûts, de qualité,de délais, d’innovation et sur les aspects sociaux dont le caractère décisif pour la structure et sesacteurs a été vérifié. La cible du CQDIS est devenue un outil simple d’aide à la décision et à la concer-tation entre les acteurs présents au sein du comité de pilotage paritaire de l’intervention.

■ Il a travaillé à enrichir et nourrir les différents volets structurant les relations sociales en entrepri-se qui impliquent au moins quatre familles d’acteurs : la direction, les représentants du personnel,l’encadrement et les salariés.

Il a nourri le canal des relations sociales sur le versant institutionnel, en veillant à positionner la direc-tion dans son rôle : décision sur les objectifs de progrès, élaboration et présentation du plan d’action.

Il a contribué à nourrir le canal des relations sociales sur le versant représentatif, en donnant la paro-le aux représentants du personnel sur les enjeux stratégiques, dans l’échange avec la direction sur lareprésentation partagée de l’état de la strcuture (cible CQDIS), en permettant le choix concerté desobjets/sujets à approfondir en groupe participatif, en favorisant l’échange sur les objectifs et le pland’action validés par la direction.

Le place spécifique des encadrants dans le processus a permis d’envisager les relations sociales surle versant du canal hiérarchique. L’attribution probable de chantiers à suivre par des encadrants dansla mise en œuvre du plan d’action complètera cette structuration du canal hiérarchique.

Il a participé à l’évolution des représentations croisées entre encadrants et salariés et posé ainsi les fon-damentaux pour une implication des salariés dans l’activation du canal participatif des relations sociales.

Maîtrisedes coûts

Aspectssociaux

Innovations

Qualité

Délais

La direction Représentantsdu personnel

L’encadrement Les salariés

L’acteur clédu canal

institutionnel

L’acteur clédu canal

hiérarchique

L’acteur clédu canal

représentatif

L’acteur clédu canal

participatif

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A ce stade de l’intervention, il s’agit de stabiliser ces éléments pour la suite, quand l’intervenant auraquitté l’entreprise. Deux éléments vont pouvoir faciliter cette évolution :• la présence des indicateurs de mesure des résultats accessibles au plus grand nombre possible d’ac-

teurs de l’entreprise ;• la mise en place d’un comité de suivi concerté des résultats produits par la mise en œuvre du plan

d’action.

Sous réserve d’un travail d’animation dans la durée, ces deux éléments interagissent de la manièresuivante pour nourrir l’ensemble du système des relations sociales dans l’entreprise :• les indicateurs de mesure des résultats (ou indicateurs de progrès) sont observables par un grand

nombre de salariés, en situation normale de travail (des indicateurs en prise avec le travail) ;• ils permettent l’échange entre les salariés et les encadrants sur les résultats produits par les actions

mises en œuvre (activation du canal participatif) ;• cet échange régulier nourrit les encadrants pour des échanges ascendants et descendants avec la

direction, positionne l’encadrement dans une posture clé entre direction et salariés : activation ducanal hiérarchique ;

• les observations faites par les salariés nourrissent dans le même temps les échanges entre les sala-riés et leurs représentants (posture réelle de représentation du point de vue des salariés) et per-mettent aux représentants du personnel de jouer un rôle actif et original à partir des résultats pro-duits par la mise en œuvre du plan d’action dans le cadre du comité de suivi concerté : activationdu canal représentatif ;

• nourrie des éléments apportés par les encadrants, d’une part (éléments en prise directe avec laréalisation du travail), et par les représentants du personnel, d’autre part (éléments à forteteneur sur les aspects sociaux), la direction peut correctement jouer son rôle de pilotage de lastructure, en lien quand il existe, avec le conseil d’administration : activation du canal institu-tionnel.

L’ensemble des éléments sont ainsi positionnés pour une conduite concertée du changement conti-nu dans la structure. D’autres chantiers peuvent s’ouvrir !

Pour conclure

Après avoir vérifié que les observations concernant les conduites de changements organisation-nels en PME s’appliquent aux structures privées, publiques et associatives du secteur des servicesà la personne, un large développement a permis de présenter la méthode d’intervention CQDIS(coûts, qualité, délais, innovations et aspects sociaux) mise au point par des intervenants duréseau ANACT pour accompagner la conduite du changement organisationnel en PME. Il a étémontré la pertinence de se nourrir des apports de la gestion, de l’ergonomie, de la sociologiepour une approche non déterministe de l’intervention en appui sur des postures alternant exper-tise et facilitation. Le propos présenté ici permet de « sortir » de l’intervention en laissant enplace un système restructuré ou redynamisé de relations sociales aptes à permettre aux acteursde l’entreprise de se projeter dans une logique de conduite concertée du changement continuen PME.

Pour satisfaire des contraintes que les concepteurs se sont imposées dans leur travail d’ingénierieméthodologique (une approche pluridisciplinaire nourrie des apports de la gestion, de la sociologieet de l’ergonomie – une alternance des gestes d’intervenants experts et facilitateurs – une consom-mation de ressources compatible avec les moyens des PME en général), la méthode proposée, bienque ne prédéfinissant pas les problématiques traitées en intervention, est structurée en trois phasesdistinctes : • diagnostic (enjeux stratégiques et travail) ;• définition participative d’objectifs de progrès ;• conception participative d’un plan d’action avec évolutions organisationnelles.

Cette caractéristique induit une fonctionnalité complémentaire, fort utile au regard des missions duréseau ANACT : elle facilite grandement, en le structurant, le travail de capitalisation des élémentsproduits par l’intervention ainsi que celui de production de connaissances nouvelles dans une pers-pective de transfert.

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EDITIONS

A la condition que ce travail soit organisé, ce qui suppose l’animation d’un réseau d’intervenants uti-lisant cette méthodologie, des informations précieuses doivent pouvoir être collectées sur diffé-rents registres :• enjeux stratégiques des acteurs des entreprises accompagnées ;• questions, sujets, objets que les acteurs conviennent de traiter pour une plus grande performance

économique et sociale de l’entreprise ;• les leviers d’actions identifiés dans une logique de plan d’action (vers l’identification de « bonnes

pratiques » ?) ;• l’état des relations sociales et leurs évolutions possibles dans l’univers particulier de la PME ;• évolution de la méthodologie dans une logique de professionnalisation continue en réseau des

intervenants.

Au total, les travaux présentés ici portent sur :• une méthode conçue pour l’intervention en appui sur les acquis et fondamentaux du réseau

ANACT ;• un générateur potentiel de connaissances nouvelles pour mise à disposition des acteurs d’un sec-

teur professionnel (ici celui du secteur des services à la personne) ou plus largement intéressés parle monde de la PME ;

• un moyen structurant d’une animation professionnalisante en réseau.

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EDITIONS

Développement du secteur des services à la personne

• « Les services à la personne » - in ATTALI (Jacques), CAHUC (Pierre), CHEREQUE (François), JAVILLIER(Jean-Claude), et al., L’avenir du travail EDITIONS FAYARD, 2007, pp. 43-47

• Le point sur ... le secteur sanitaire et social, MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE, n° 43, 2006,pp. 7-77

• Les services à la personne : une « nouvelle économie » ? Actes du 52e Forum d’Iena, CONSEIL ECO-NOMIQUE ET SOCIAL, 2006, 32 pages

• Service à la personne : la qualité de vie crée des emplois, in L’INTERDISCIPLINAIRE, n° 94, 06/06,pp. 20-27

• Services à la personne : et du côté des utilisateurs ?, DOM PLUS, 09/2006, 38 pages

• Services à la personne : les collectivités élargissent leur champ d’action (dossier), in LA GAZETTEDES COMMUNES, DES DEPARTEMENTS, DES REGIONS, n° 1871, 29/01/2007, pp. 22-29

• BENTOGLIO (Guilhem) - Développer l’offre de services à la personne, COMMISSARIAT GENERALDU PLAN, 05/2005, 94 pages (collection Les Cahiers du Plan)

• CAUSSE (Lise), FOURNIER (Christine), LABRUYERE (Chantal) - Le développement des emplois fami-liaux. Effets sur les métiers de l’aide à domicile, CENTRE D’ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LESQUALIFICATIONS, 02/1997, 244 pages (collection Documents Observatoire)

• CENTRE D’ANALYSE STRATEGIQUE ; DIRECTION DE L’ANIMATION DE LA RECHERCHE DES ETUDESET DES STATISTIQUES, 01/2007, 179 pages

• CHARDON (Olivier), ESTRADE (Marc-Antoine) - Les métiers en 2015

• CHOL (Alexandra) - Les services à la personne en 2005 : poussée des entreprises privées, in PRE-MIERES SYNTHESES, n° 20.1, 05/2007, 7 pages

• COMMISSARIAT GENERAL DU PLAN, CAUSSE (Lise), FOURNIER (Christine), et al. - Emplois fami-liaux entre développement de l’activité et recomposition du secteur de l’aide à domicile, CENTRED’ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LES QUALIFICATIONS, 10/1996, 185 p. + annexes

• DEFONTAINE (Joël) - Les services à la personne. L’économie de la quotidienneté, EDITIONS LIAI-SONS, 2006, 252 pages

• DEVETTER (François-Xavier), ROUSSEAU (Sandrine) - Services domestiques : quelles perspectivespour une stratégie d’industrialisation ?, in REVUE D’ECONOMIE INDUSTRIELLE, n° 119, 10/2007, pp. 9-24

• DURIEZ (Bruno) - L’aide à domicile. Statut de l’intervention et relation d’aide, in Sciences socialeset santé, 2002, vol. 20, n° 3, pp. 65-74

• DUSSUET (Annie), Travaux de femmes : enquêtes sur les services à domicile, EDITIONS L’HARMAT-TAN, 07/2005, 216 pages (collection Le travail du social)

Repères bibliographiques*

* Bibliographie réalisée par Maud Annick, documentation, département Information Communication de l’ANACT.

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EDITIONS

• GADREY (Jean) - Socio-économie des services, EDITIONS LA DECOUVERTE, 2003, 124 pages (col-lection Repères)

• GADREY (Jean), ZARIFIAN (Philippe) - L’émergence d’un modèle du service : enjeux et réalités, EDI-TIONS LIAISONS, 2002, 162 pages (collection Entreprise & carrières)

• HADDAD (Patrick) - Quel développement des services de proximité ? Retour sur quinze ans dedébats et de politiques publiques, in Economies et Sociétés, n° 6 , 10/2004, pp. 1657-1677

• HEURGON (Edith), LANDRIEU (Josée), ZARIFIAN (Philippe) - L’économie des services pour un déve-loppement durable : nouvelles richesses, nouvelles solidarités, EDITIONS L’HARMATTAN, 2007, 389 pages (collection Essais & recherches)

• IRACI (Fabrice) - L’intervention de l’État dans le secteur des services à la personne, in « État et régu-lation sociale : comment penser la cohérence de l’intervention publique ? » CENTRE NATIONAL DELA RECHERCHE SCIENTIFIQUE, 09/2006, 11 pages. - (Colloque)

• LALLEMENT (Michel), LAVILLE (Jean-Louis) - Qu’est-ce que le tiers secteurs ? Associations, écono-mie solidaire, économie sociale, in SOCIOLOGIE DU TRAVAIL, n° 4, 12/2000, pp. 523-606

• LAVILLE (Jean-Louis) - Sociologie des services : entre marché et solidarité, EDITIONS ERES, 2005,180 pages (collection Sociétés en changement)

• MAZET (Michel) - Une entreprise dans l’aide à domicile : un vilain petit canard ?, in LE JOURNAL DEL’ECOLE DE PARIS DU MANAGEMENT, n° 61, 10/2006, pp. 23-29

• QUEUNIET (Violette) - Services aux salariés : les débuts timides du Cesu, in ENTREPRISE & CAR-RIERES, n° 856, 14/05/2007, pp. 22-27

• RESTINO (Dominique) - « Développement des emplois et des entreprises de services à la person-ne (rapport d’étape) », CENTRE D’OBSERVATION ECONOMIQUE DE LA CCIP, 06/2007, 21 pages

• TEIGER (Catherine), CLOUTIER (Esther), DAVID (Hélène) - « Les activités de soins à domicile : soi-gner et prendre soin », in CERF (M.), FALZON (P.), Situations de service : travailler dans l’interaction,PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE, 06/2005, pp. 179-204 (collection Le travail humain)

• VEROLLET (Yves) - Le développement des services à la personne, AVIS ET RAPPORTS DU CONSEILECONOMIQUE ET SOCIAL, 25/01/2007, 163 pages

Professionnalisation

• BERGERE (Jean-Marie), ARBOUËT (Bruno), GUILLON (Cédric), et al. - Professionnaliser les services àla personne, in DEVELOPPEMENTS, n° 45, 02/2007, pp. 1-22

• BONNET (Magalie) - « Le métier de l’aide à domicile : travail invisible et professionnalisation », inNOUVELLE REVUE DE PSYCHOSOCIOLOGIE, n° 1, 05/2006, pp. 73-85

• BRESSE (Sophie), L’enjeu de la professionnalisation du secteur de l’aide à domicile en faveur despersonnes âgées, in RETRAITE ET SOCIETE, n° 39, 06/2003, pp. 120-143

• CLERGEAU (Cécile), DUSSUET (Annie) - La professionnalisation dans les services à domicile aux per-sonnes âgées : l’enjeu du diplôme, in FORMATION EMPLOI, n° 90, 06/2005, pp. 65-78

• GUEDON-ZADUNAYSKI (Sandrine) - La professionnalisation des services à la personne : un enjeumajeur pour un secteur en constante progression, in INFFO FLASH, n° 702, 31/05/2007, pp. 17-24

• HADJADJ-DOUCERAIN (Sylvie) - La professionnalisation de l’aide à domicile : pour sortir des « petits boulots », CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS, 03/2005, 95 pages

Santé

• ABECASSIS (P.), BEAUMONT (N.), GOMIS (C.), et al. - Evaluation et prévention des risques chez lesaides à domicile, in DOCUMENTS POUR LE MEDECIN DU TRAVAIL, n° 102, 06/2005, pp. 161-189

• BONDEELLE (Antoine), BRASSEUR (Grégory), FAVIER (Anne-Lise), et al. - Aide à domicile : un mondeen quête de professionnalisation, in TRAVAIL ET SECURITE, n° 674, 06/2007, pp. 21-31

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EDITIONS

• CLOUTIER (Esther), BOURDOUXHE (Madeleine), LEDOUX (Elise), et al. - Effets du statut d’emploisur la santé et la sécurité au travail : le cas des auxiliaires familiales et sociales et des infirmières desoins à domicile au Québec, in PISTES, n° 2, 05/2005, 16 pages

• CLOUTIER (Esther), DAVID (Hélène), LEDOUX (Elise), et al. - Importance de l’organisation du travailcomme soutien aux stratégies protectrices des auxiliaires familiales et sociales et des infirmièresdes services de soins et de maintien à domicile, INSTITUT DE RECHERCHE EN SANTE ET EN SECU-RITE DU TRAVAIL, 09/2005, 277 pages

• DESRIAUX (François), DESSORS (Dominique), MAHIOU (Isabelle), et al. - Aide à domicile : desmétiers peu ménagés, in SANTE ET TRAVAIL, n° 51, 04/2005, pp. 21-35

• HADDAD (Patrick), DUTERTRE (Christian) - Temps et conditions de travail dans les services à la per-sonne, in Les Cahiers de l’Observatoire temps et travail en Ile-de-France, n° 5, 03/2006, 32 pages

• INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE ET DE SECURITE, DESCHENES (Valérie), TULIPES & CIE - D’unemaison à l’autre : risques professionnels et aide à domicile, INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHEET DE SECURITE, 2005, Multimedia

• ZEYTINOGLU (Isik U.), DENTON (Margaret), DAVIES (Sharon) - L’impact de l’intensification du tra-vail sur le stress des travailleurs dans les soins de santé à domicile, in Organisation et intensité dutravail, OCTARES, 2006, pp. 291-299

Qualité

• HERMEL (Laurent), LOUYAT (Gérard) - Les services à la personne, ASSOCIATION FRANCAISE DENORMALISATION, 11/2006, (collection 100 questions pour comprendre et agir)

• IDAP, AXCIOME C, HENART (Laurent) - Guide pratique de certification des services à la personne,ASSOCIATION FRANCAISE DE NORMALISATION, 11/2006, 319 pages

• LEDUC (Florence) - Guide de l’aide à domicile, EDITIONS DUNOD, 2001, 350 pages

• PELLETIER (Christophe) - Démarche qualité et services aux personnes à domicile, EDITIONSDUNOD, 10/2005, 156 pages

• THOWHILL (Marie-Hélène) - Services à la personne : la qualité prend son élan (Cahier Qualité enMouvement), in ENJEUX, n° 280, 12/2007, pp. 13-32

Publications du réseau ANACT

• Le travail dans le secteur de l’aide à domicile, EDITIONS DE L’ANACT, 11/2006, 6 pages (collectionLe point sur)

• ACT MEDITERRANEE - La prévention en action : les aides à domicile, ARACT MEDITERRANEE, 2004,35 pages

• DUMALIN (Frédéric) - PME : les leviers de la modernisation, in TRAVAIL ET CHANGEMENT, n° 301,03/2005, pp. 2-4

• DUMALIN (Frédéric) - Relation de service : nouveaux enjeux, nouveaux défis, in TRAVAIL ET CHAN-GEMENT, n° 306, 01/2006, pp. 2-3

• DUMALIN (Frédéric), ROCHEFORT (Thierry) - Conduire et réussir le changement d’organisation, inTRAVAIL ET CHANGEMENT, n° 308, 05/2006, 15 pages

• JOUVENOT (Christian), REUTER (Katja) - L’aide à domicile, une véritable profession, in TRAVAIL ETCHANGEMENT, n° 306, 01/2006

• NEGRONI (Philippe) - Aides à domicile : briser l’isolement, in TRAVAIL ET CHANGEMENT, n° Spécial,05/2007, p. 20

• ROBUSCHI (Luc) - Aide aux personnes : les salariés gèrent les contradictions, in TRAVAIL ET CHAN-GEMENT, n° 316, 11/2007, 15 pages

• ROUSSEAU (Thierry), DUMALIN (Frédéric) - Nouvelles exigences du travaiL, défi d’organisation, inTRAVAIL ET CHANGEMENT, n° 316, 11/2007, 15 pages

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EDITIONS

• SARAZIN (Béatrice) - Professionnalisation. Aide à domicile : un secteur en effervescence, in TRA-VAIL ET CHANGEMENT, n° 281, 10/2002, pp. 16-17

• YAHIAOUI (Farida) - Le réseau Anact engagé, in TRAVAIL ET CHANGEMENT, n° 281, 10/2002, p. 18

• YAHIAOUI (Farida), NICOT (Anne-Marie) - Freins à l’embauche et amélioration des conditions detravail dans le secteur de l’aide à domicile, DIRECTION GENERALE DES AFFAIRES SOCIALES,11/2002, 87 pages

Législation

• Convention collective nationale des organismes d’aide ou de maintien à domicile. Agréée par arrê-té du 18 mai 1983 JONC 10 juin 1983. (Mise à jour Novembre 2007)http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/VisuSommaireCoco.jsp?lenum=3217

• Circulaire du 19 janvier 2006 présentant la liste des activités de services à la personne et la nou-velle procédure d’agrément des organismeshttp://www.travailsolidarite.gouv.fr/IMG/pdf/Circulaire_Agrement_service_a_la_personne-2.pdf

• « Loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et por-tant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale », in JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUEFRANCAISE, n° 173, 27/07/2005, 13 pages

• Décret no 2005-1698 du 29 décembre 2005 fixant la liste des activités mentionnées à l’article L.129-1 du code du travailhttp://www.travail-solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/joe_20051230_0303_0016.pdf

Sitographie

• Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact)Dossier Transformer les organisationshttp://www.anact.fr/portal/page/portal/AnactWeb/NOTINPW_DOSSIERS_THEMATIQUES/W_A_3_ORGA_TECHNO/W_D_3_1_MODERNISER

• Agence nationale des services à la personnehttp://www.ansp.fr

• Ministère du travail, des relations sociales et de la solidaritéDossier Services à la personne :http://www.travail-solidarite.gouv.fr/sous-dossiers.php3?id_rubrique=156&id_mot=375

• Dossier Chèque emploi service universel (CESU) :http://www.travail-solidarite.gouv.fr/sous-dossiers.php3?id_rubrique=156&id_mot=377

• Union nationale de l’aide, des soins à domicile et des services à la personnehttp://www.una.fr/

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Agence Nationale pour l’Améliorationdes Conditions de Travail

4, quai des Etroits - 69321 LYON Cedex 05Téléphone : 04 72 56 13 13 - Télécopie : 04 78 37 96 90Internet : www.anact.fr

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