7
BI-MENSUEL DIRECTEUR POUTIQUE BERTRAND RENOUVIN OTAN Tou tensou t enan tl a candidature dc François Mitter rand en 1981, nous avions publiquement redouté qu'il ne renoue avec l'atlantisme si prisé par les hommes politiques de la IV^ République. Pour l'essentiel, nos craintes ne furent heureusement pas confirmées. Aujourd'hui, le péril vient d'un homme qui s'est ins tallé dans la tradition gaul lienne sans jamais abdiquer son opportunisme foncier. Sans illusions sur la force et la qualité des convictions de M. Chirac, nous espérions qu'il conserverait ce qu'il y a de fondamental dans l'héritage du général de Gaulle. Tel n'est pas le cas. Cha leureusement approuvé par la faction atlantiste du Pigaro, du Monde et de Libération, l'accord de défense franco-allemand reconnaît la suprématie des Etats-Unis en matière de défense - à laquelle la dis suasion nucléaire française n'apporterait plus qu'une « c o n t r i b u t i o n » . Ce qui revient à nous pla cer, sans aucune raison stra tégique, sous l'égide d'un impérialisme qui est en position hégémonique depuis la fin de la guerre froide. Le sacrifice de notre indépendance et de nos inté rêts propres n'est pas accep table. Il ne doit pas être entériné. ECONOMIE Doux délires européens Entretien Hubert Védrine p. 6/7 n memoriam Yves Lemaignen p. 3 DU 10 FÉVRIER AU 23 FÉVRIER 1997 - 27® année - Numéro 680 - 17 F

européensarchivesroyalistes.org/IMG/pdf/Royaliste680.pdf · 2019. 8. 29. · Thierry Wolton lança « l'affaire Jean Moulin » en publiant que le chef du CNR était un communiste

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: européensarchivesroyalistes.org/IMG/pdf/Royaliste680.pdf · 2019. 8. 29. · Thierry Wolton lança « l'affaire Jean Moulin » en publiant que le chef du CNR était un communiste

BI-MENSUEL DIRECTEUR POUTIQUE BERTRAND RENOUVIN

O T A N

Tout en soutenant lac a n d i d a t u r e d cF r a n ç o i s M i t t e rrand en 1981, nous

a v i o n s p u b l i q u e m e n tredouté qu'il ne renoue avecl'atlantisme si prisé par leshommes politiques de laI V ^ R é p u b l i q u e . P o u rl'essentiel, nos craintes nefurent heureusement pascon f i rmées .

Aujourd'hui, le péril vientd'un homme qui s'est installé dans la tradition gaullienne sans jamais abdiquers o n o p p o r t u n i s m e f o n c i e r .Sans illusions sur la force etla qualité des convictions deM. Chirac, nous espérionsqu'il conserverait ce qu'il ya d e f o n d a m e n t a l d a n sl'héritage du général deGau l l e .

Tel n'est pas le cas. Chaleureusement approuvé parl a f a c t i o n a t l a n t i s t e d uP igaro , du Monde e t deLibérat ion, l 'accord dedé fense f ranco -a l l emandreconnaît la suprématie desEtats-Unis en mat ière dedéfense - à laquelle la dissuasion nucléaire françaisen'apporterait plus qu'une« c o n t r i b u t i o n » .

Ce qui revient à nous plac e r, s a n s a u c u n e r a i s o n s t r atégique, sous l'égide d'unimpérialisme qui est enp o s i t i o n h é g é m o n i q u edepuis la fin de la guerrefroide. Le sacrifice de notreindépendance et de nos intérêts propres n'est pas acceptable. Il ne doit pas êtree n t é r i n é .

E C O N O M I E

D o u xd é l i r e s

européensEntretien

H u b e r tV é d r i n e

p. 6/7

n memoriam

Y v e s

Lemaignenp. 3

DU 10 FÉVRIER AU 23 FÉVRIER 1997 - 27® année - Numéro 680 - 17 F

Page 2: européensarchivesroyalistes.org/IMG/pdf/Royaliste680.pdf · 2019. 8. 29. · Thierry Wolton lança « l'affaire Jean Moulin » en publiant que le chef du CNR était un communiste

L ' o b s e r v a t o i r e e n f o l i e

Faute d'avoir eu le courage de dire que l'idéed'une représentation paritaire des hommes et des

femmes é ta i t r ad i ca l emen t con t r a i r e auxprincipes de notre droit politique, le Premier

ministre s'est mis dans un drôle de pétrin.

Mt a i r e -

i l i t a n t e o b s t i n é e d e l ac a u s e d e s f e m m e s ,G i s è l e H a l i m i a r é u s s iun nouvel exploit :t r a n s f o r m e r u n e r e v e nd i c a t i o n u l t r a m i n o r i -y compris chez les

femmes - en une affa i re deg o u v e r n e m e n t .

Ce succès n'est pas seulem e n t d û à l ' i n d i s c u t a b l ei n fl u e n c e e t a u t a l e n t d e l acé lèb re avoca te : i l t i en t auss iet surtout à l'insigne faiblessede ceux qui l'ont écoutée sansavoir le comage de lui direque sa campagne en faveur dela représentation paritaire desh o m m e s e t d e s f e m m e s n i a i tfondamentalement les principes de notre État de droit etdéfiait la raison politique (1).Parce que Gisèle Hal imi

appartient à la grande famillede la gauche, François Mitterrand l'a reçue à l'Elysée et adonné du crédit à la campagnesur la parité. Parce que GisèleH a l i m i e s t u n e f e m m ed'influence, Jacques Chirac ac r u h a b i l e d e r é c u p é r e rl'affaire pour sa campagne

r a u n o j * a m n A w

SOMMAIRE : p.2 : L'observatoire enfolie - p.3 : Le marché aux archives -Yves Lemaignen - p,4 : Chirac - Il y aPérissol en la demeure - p.5 : La pol#efille au tambour - p.6/7 : Quatorze ans àl'Élysée - p.8 : Pour une renaissance -Droit du sol - p.9 : Castoriadis contrel'insignifiance - p.10 : Paul Auster -PhHippe-Égalité et la Révolution - p. 11Action royaliste - p. 12 : Éditorial : L'ânedugouvemeur.

RÉDACTION-ADMINISTRATION17, ruedes PeIKs-Champs,

7 5 0 0 1 P a r i s

Téléphone: 01.42.97.42.57Télécopio:01.42.96.05.53

Dir. publication iVvanAUMO NTCorn. par#. 51700-ISSN0151-5772

présidentielle et s'est déclarétout à trac pour la parité. Et ila s u f f i d ' u n n u m é r o d e/iEiyirtssy agrémenté d'im sondage pour que le Premierm i n i s t r e d é c i d e l a c r é a t i o nd ' u n « o b s e r v a t o i r e » d o n t i la pris la présidence.C'est ainsi que, partie de

rien, Gisèle Halimi a réussi enpeu de temps à créer officiellement un débat. Du point devue technique, le coup estsuperbement joué. Mais, dansl'ordre politique, le gouvernem e n t s e t r o u v e m a i n t e n a n tconfronté à des propositionsaberrantes, auxquelles il vadevoir répondre.

Quelles aberrations ? Cellesqui consisteraient à inscriredans la Constitution la règledu quota, ou bien le principede la parité. Celles qui réorganiseraient la représentationnationale selon ce principe.Pourquoi parler d'aberrations ?

Parce que la règle du quotade femmes imposé sur lesl is tes de cand ida ts con t red i ra i tla hberté des partis politiques.Parce que le principe de la

par i té est contraire à notrephilosophie de la représentation nationale : un député estun élu de la nation (non d'unterritoire, d'un groupe d'intérêts, d'une prétendue communauté, d'une ethnie supposée,de l'un ou de l'autre sexe) ;un député est élu pour légiférer, et nous savons que la loidoit être la même pour tous- les hommes et les femmes,les bruns et les blonds etc.Parce que la mise en pratique

de la parité créerait des obligations dépourvues de sens polit i q u e . A i n s i , l ' é l e c t i o nconjointe d'un homme etd'une femme dans chaque circonscription ne modifierait enrien la ligne politique desdivers partis : Madame Stir-bois, à Dreux, a les mêmesopinions que Monsieur LePen ; Madame Mégret, candidate à Vitro lies, dit la mêmechose que son mari, empêchéde se présenter. De plus, lareprésentation paritaire àl 'Assemblée condu i ra i t à ins t ituer le même principe pour legouvernement, puis pour leP r e m i e r m i n i s t r e ( d o u b l éd 'une « première min is -tresse ») et pour la présidencede la République (2).

V o i c i l e P r e m i e r m i n i s t r edans ime nouvelle impasse ;o u b i e n i l s e d é c o n s i d è r e e n

CourrierPlaidoyer pour B.H.L.

J'apprends grâce à Royaliste(n° 678) que Bemard-HeruiLévy a envoyé un télégrammede soutien à l'opposition serbe.Je m'en réjouis et je m'étormedu commentaire acerbe de MariaDa Si lva sur la « totale indécence » de cet « agitateurmédiatique ».

Je vois au contraire dans cetélégramme un signe fraternelqu'adresse Bemard-Henri Lévyà ceux de ses amis qui, commemoi, ont sur le drame yougoslave des convictions radicalement opposées aux siennes.C'est une répoi^ à la lettreouverte que je lui ai écrite et quia paru dans le volume collectifLes Serbes et nous (L'Aged'homme, 1996).

Peut-être Bemard-Henri Lévycommence-t-U à comprendre lerôle délétère joué dans cettetragédie par les États-Unis etl'Allemagne 7 Peut-être désire-t-il nous montrer qu'il n'estanimé d'aucune hostilité partisse à l'égard du peuple serbe ?Si oui, nous devons nous enréjouir, et non l'en blâmer.

Gabr ie l MATZNEFF

refusant les conclusions del 'observato i re qu ' i l a lu i -même présidé, ou bien il entérine une revendication qui està la fois régressive et subversive : inscrire la représentation dans la différence biologique, c'est nier la raisonpolitique et l'unité essentielledu genre humain.

Annet te DELRANCK(1) OTl'éditorial de Royalisterfi 66824 juin-7 juillet 1996.(2) Pour la mapstrature suprême, laroyauté est depuis toujours paritaire :il y a toujours un roi et une reine !Mieux encore ; il y a des pays(Angleterre, Europe du Nord) où larègle dynastique fait de la femme unereme, et de son mari im simple princec o n s o r t . . .

B u l l e t i n d ' a b o n n e m e n tNom/Prénom : .

A d r e s s e :

P r o f e s s i o n : D a t e d e n a i s s a n c e :

souscrit un abonnement de :□ trois mois (105 F) □ six mois (195 F) □ un an (290 F) □ soutien (500 F)

ROYALISTE, 17, rue des Petits-Champs, 75001 PARIS - OOP 18 104 06 N Paris,

Esbroufe

L e m a r c h é a u xa r c h i v e s

L'exploitation de documents tirés des archivessoviétiques est le prétexte à des opérations

médiatiques dans lesquelles l'hoimeur des genset la vérité historique sont allègrement sacrifiés.

Des « affaires » à laune ! Des scandales àrépé t i t ion ! Argentsale ? Réseaux pédophiles ? Pas seule

ment. Il y a aussi le croustillant historique, le graveleuxpolitique, d'autant plus excitant qu'il ne met pas en scèneun pauvre bougre de conseillergénéral, ou un bourgeois saisipar la débauche, mais despersonnalités éminentes de lapolitique, et parfois de véritables héros.

Découvrez, braves gens, lesterribles secrets de l 'histoire.Apprenez que les puissants etbrillants personnages que vousrespectiez étaient des imbéciles, des niais, ou des complices rétribués. Sachez que lesplus grandes et les plus bellesfigures de la Résistance étaientles agents conscients ou manipulés d'une puissance ennem i e .

Des noms ? Voyons, souvenez-vous : voici quelquesannées, un journaliste nomméT h i e r r y W o l t o n l a n ç a« l ' a f f a i r e J e a n M o u l i n » e n

publiant que le chef du CNRé t a i t u n c o m m u n i s t e e t u nagent soviétique ; à l'automnedernier, ce fut « l 'affa i reHemu », lui aussi accusé detravailler piour l'Est ; puisvinrent les révélations deKarol Bartosek, et, parmid'autres, Lucien Aubrac futa j o u t é à l a l i s t e d e s« agents »... Paraît maintenant le nouveau livre de Th.Wolton qui décrit une France« sous influence » soviéti

que : les rapports de l'ambassadeur Vinogradov démontreraient en effet que des personn a l i t é s m a j e u r e s d e l aV® République (Edgar Faure,Gaston Palewski par exemple)se seraient répandus en confidences lors de leurs rencontresavec l'homme de Moscou.

La presse parisienne assure àces prétendues révélations unepublicité étonnante - notamment Le Monde qui a publiédeux compte-rendus du livrede Th. Wolton sous la plumede Daniel Vemet. Comme leslecteurs risquent d'être abuséspar la référence, apparemmentobjective, à des documentsd'archives, il importe de souligner que les « révélations »dont nous sommes abreuvésne résultent pas d'un travailscientifique, mais d'une opération éditoriale sur un marchéactuel lement rentable. Enoutre, ceux qui assurent lapromotion médiatique de Th.Wolton omettent de rappelerque Pierre Vidal-Naquet adémontré par le menu que cetauteur était avant tout un spécialiste de l'interprétation abusive et de la falsification.

Ne confondons pas information et délation, vérité historique et esbroufe médiatique,ré f lex ion sur les causes e tvision policière de l'histoire.

Y v e s L A N D E V E N N E C

(1) Pierre Vidal-Naquet - « Le Traitempoisonné - Réflexions surl'affaire Jean Moulin », La Découverte, 1993, prix franco : 104 F -Voir Royaliste 611.

Yves Lemaignen

N o t r e a m i Yv e s L e m a i g n e n ,président d'honneur de notrec o m i t é d i r e c t e u r , e s t m o r tentouré de l'affection des siens,le 21 janv ier. D i re à la fo isnotre peine, notre reconnaissance et notre amitié à l'égardde celui qui fut pour nous, dansl e s m o m e n t s h e u r e u x c o m m eles plus difficiles, un soutienincomparable dépasse nos forces à ce moment de l'adieu.Mais, tout de même, évoquer « Yves » c'est d'abord, pourtous ceux qui ont eu la chance d'être ses compagnons,depuis parfois près de quarante ans, se souvenir de soncharme, de sa gentillesse et de sa fidélité. C'est aussil'entendre, à la fois drôle et profond, homme de cultureclassique, progressiste de tradition - si l'on permet ceparadoxe apparent. Plus particulièrement pour la NouvelleAction royaliste, il fut celui qui permit les commencements.Il ne craignait pas l'aventure avec son tempérament defonceur sage. Et alors que certains s'inquiétaient et parfoistournaient le dos à ce jeune mouvement dont les audaces eneffrayaient plus d'un, lui n'était pas d'humeur à regardervers l'arrière. Jusqu'à ses dernières forces, il apporta sonsoutien au royalisme qui s'affirmait ici, à contre-courant detous les confomiismes. Lorsque sa santé ne lui permit plusde venir jusqu'à nos locaux, d'Orléans, très régulièrement ils'informait, voulant tout savoir de nos soucis et de nosprojets.Samedi 25 janvier, pour ses obsèques dans sa paroisseor léanaise de Sain t Pateme, une immense assembléeemplissait la vaste église, dormant un dernier témoignage durayoïmement du bàtoimier Yves Lemaignen. L'imposantedélégation du barreau d'Orléans avec tant de collègues enrobe saluait le grand avocat qu'il était et auquel il fut renduun très bel hommage en fm de cérémonie. De même dansson homélie, le Père Hervé O'Mahony pouvait, en donnantcoimaissance de ses dernières volontés, parler du chrétienprofond qu'il était et de la foi qu'il avait su transmettre àtous les siens. C'est toute une vie alors qui s'imposait à tousceux qui l'avaient connu dans ses engagements. L'étudiant- et d'une certaine façon il l'était demeuré avec sonétonnante jeunesse d'esprit -, l'avocat qui avait suivi lestraces d'un père très aimé, le soldat dont la Croix de guerreattestait le courage, celui dont il fit preuve aussi durant desaimées de maladie. Pourquoi ne pas avouer qu'au rappel detout cela, nous nous sentions fier d'avoir eu sa confiance etde l'avoir toujours eu au premier rang parmi nous ?Nous devons continuer sans lui, mais sans jamais oublier saprésence, ses conseils, sa ténacité, ni non plus notre detteintellectuelle et morale. A Nicole, son épouse, dont nousavons admiré samedi le sourire et la force intérieure, nousexprimons ici toute notre profonde affection, ainsi qu'à sesenfants et ses petits-enfants. Yves est entre les bras del'espérance et de l'amoin.

L e C o m i t é D i r e c t e u rde la Nouvelle Action Royaliste

Royaliste 680 Royaliste 680

Page 3: européensarchivesroyalistes.org/IMG/pdf/Royaliste680.pdf · 2019. 8. 29. · Thierry Wolton lança « l'affaire Jean Moulin » en publiant que le chef du CNR était un communiste

Cavalerie

C h i r a c

I est partout, attentif,disert, joyeux, décidé.I I l a n c e l a « c r o i s a d epour l'emploi » (pourtant sacrifié au principede concurrence), et pro

m e t u n e . . . « n o u v e l l e p r omesse » - sans doute pourfa i re oubl ier ce l les de 1995.

T e l e s t l e « n o u v e a u » C h i

rac, selon l'édifiante imageacmellement vendue par less e r v i c e s d e c o m m u n i c a t i o n d el'Élysée à une presse d'information qui a solennellementannoncé que le président de laRépublique entrait en campagne électorale.

Et nu l ne s 'é tonne. QuandValéry Giscard d'Estaing évoquait le « bon choix », quandFrançois Mitterrand indiquaitses préférences, l'opposition etla presse dénonçaient une présidence partisane, oublieuse desa vocat ion arbi t rale. MaLs Jacques Chirac peut se comportercomme le chef de la majoritéparlementaire et le patron de lacampagne pour les législativessans provoquer la moindreé m o t i o n . D e u x h y p o t h è s e spermettent d'expliquer cela :- Tout le monde tient pouracquis que l'élu de 1995 estresté le chef du parti dominant, et qu'il n'a jamais songéu n e s e c o n d e e x e r c e r l a m i ssion constitutionnelle qui faitde lui l'arbitre et le garant del ' u n i t é .

- L ' a c t i v i s m e d e J a c q u e sChirac est à ce point banaliséqu'il n'intéresse plus que lesspécialistes de la communication politique.

11 est également possible demêler les deux hypothèses,pour conclure que nous sommes menés par un bon tactic i e n d e s b a t a i l l e s é l e c t o r a l e s .Une fois de plus, im lieutenantde cava le r ie v ie i l l i ssan t va tenter de nous faire croire qu'ilest Bonaparte sur le pontd 'A rco le .

Sylvie FERNOY

Crédit foncier

Il y a Périssole n l a d e m e u r e

Allemaane

Depuis quelques semaines déjà, le sort du CréditFoncier fait l'objet de bien des commentaires etla lutte spectaculaire de ses salariés est à la Une

de tous les journaux.

Au commencement del ' a f f a i r e o n a u n e

banque p lu tô t enmauvaise santé quidoit faire prochaine

ment l'objet d'tme privatisation. Le repreneur potentiel, leCrédit Immobilier de France,est un groupe de banquesspécialisé dans l'immobilier etqui est d'une taille nettementplus réduite que l'objet de sesc o n v o i t i s e s . C e t t e s o l u t i o nreviendrait à faire disparaîtreb o n n o m b r e d e s é t a b l i s s em e n t s d u C . F. F. a v e c l akyrielle de licenciements quel'on devine. Depuis la mi-janvier, les employés occupentle siège parisien de la banqueet ont même retenu prisonnier,pendant un temps, son gouverneu r, Jé rôme Meyssonn ie r.Tout ceci serait malheureusement banal si l'analyse descauses de la crise et des viséesdu projet gouvernemental nevenait jeter un éclairage particulier sur cette affaire.

A u c e n t r e d u d o s s i e r s et r o u v e e n e f f e t P i e r r e - A n d r éP é r i s s o l , a c t u e l M i n i s t r e d uLogement . M. Pér isso l é ta i tavant 1986 le spécialiste del ' i m m o b i l i e r à l a M a i r i e d eParis. Après la victoire de lad r o i t e e n 1 9 8 6 , i l d e v i e n tc o n s e i l l e r d u m i n i s t r e d u

Logement de l'époque PierreMéhaignerie. En 1988, aprèsle retour de la gauche, il prendla tète du Crédi t Immobi l ier deFrance, poste qu'il laisserapour devenir Ministre duLogement à son tour dans leCabinet Juppé. Tout cela ne

serait pas grand chose si pendant ses années au pouvoirM. Périssol n'avait pas toutfait pour affaiblir le C.F.F.,n o t a m m e n t e n l u i r e t i r a n t l e sfonds d'épargne logement, lagestion des fonds provenantdes livrets d'épargne et destinés aux logements, et enfm enle tenant aussi à l'écart quepossible des nouveaux prêts àtaux 0 qu'il a lui-même institués.

Ceci a eu une large part deresponsabilité dans la situationsinistrée acmelle du C.F.F. Sile conf l i t n 'ava i t éc la té , leC r é d i t I m m o b i l i e r d e F r a n c eaurait donc pu se « goinfrer »l e C . F. F. d a n s l e s m e i l l e u r e sconditions et Périssol, xme foisdéchargé de son ministère, ser e t r o u v e r à l a t è t e d u n o u v e létablissement. De dénégationsen faux-fuyants, le gouvernement tente à tout prix dedésamorcer la bombe. Jusqu'àmaintenant on n'avait pas osépousser le cynisme aussi loin.D 'au t res avan t l u i , ce r tes ,avaient fait leur pelote afinqu'une fois retournés à la« vie civile » ils aient de quoipatienter agréablement en

attendant la retraite. Périssolest allé beaucoup plus loin queses devanciers avec le tac quile caractérise. Affairiste, il n'ya pas d'autre terme, il dépeintp a r f a i t e m e n t q u e l l e e s ta u j o u r d ' h u i l a m e n t a l i t é d ecer ta ins d i r igeants de no t reinforttmé pays. N'oublions pasau passage que ce cadeau luiserait fait grâce à la générositédes Français qui ont mis aupot depuis quelques annéespour remettre le C.F.F. à flot.

Les salariés de la banque ontbien raison de lutter avec lavigueur que l'on voit. Rarement im Ministre en exerciceaura été à ce point, et d'unem a n i è r e a u s s i d é l i c a t e ,« mouillé » dans une affaire.11 semble bien qu'il ait ratéson coup et que finalement unautre repreneur ne recueille lesfaveius du gouvernement. 11serait cependant souhaitablepour la moralité de la viepublique et pour l'image de lavie politique que M. Périssolquitte ce gouvernement, ce quipourrait être fait à l'occasiond'un remaniement ministér ie lqui, selon Jacques Chirac, nedevrait pas avoir lieu mais quipourrait avoir lieu quandmême... Potir ce qui concernele Ministre du Logement, cen'est rien moins qu'urgent.

P a s c a l E B A U C H E R

' P r e n d r e s a c a r t e . . . '

Mani festez-nous votre accord en

ADHÉRANT A LA N.A.R.Demandez-nous la documentat ion concernantl'adhésion et téléphonant au 01.42.97.42.57

La petite fillea u t a m b o u r

La première femme secrétaire d'État auxÉtats-Unis est « la fille de Munich » au sens des

accords de Munich de 1938 qui ont dépecé saTchécoslovaquie natale. L'Histoire se venge.

Qui aurait dit à NevilleChamberla in, Premierm in is t re b r i t ann ique ,signataire des accordsde Munich, que lapetite fille de l'ambassadeur du gouverne

ment Benes à Londres, seraitplus d'un demi-siècle plus tardà la tète de la diplomatie del 'Amérique impériale etqu'elle viendrait demander raison aux anciennes puissancesde la vieille Europe de leurslâches abandons, de l'humiliation de son père et du vol deson enfance. « La petite fillea u t a m b o u r » , c ' é t a i t p o u rJohn Le Carré aussi Munichmais l 'a t ten ta t an t i - i s raé l iendes jeux olympiques de 1972.Mais on imagine bien Madeleine Albright, ou plutôtMadlenka Korbel, de son nomde jeune fiUe, dans les deuxinstances. Plébiscitée par leSénat américain républicain etson ultra-conservateur présiden t de la commiss ion desAffaires étrangères JessyHelms, elle fait craindre àbeaucoup que l'Amérique,après les syndromes du ViêtNam et de Somalie, ne soitsoudain saisie d'un syndromed e M u n i c h .

On ne peut considérercomme une simple coïncidence que la veiÛe de l'investiture de M™® Albright, leChancelier Kohi et le Premierministre tchèque signent à Prague une déclaration communemettant fin au contentieux desSudètes, les territoires mêmeque la France et la Grande-Bretagne avaient cédés àHitler à Munich en septembre1938 ! Comme s'il y avait euime sorte d'ultimatum avant lalettre de Mme Albright pre

nant fonction le 22 janvier, lacondition pour que l'Allemagne soit autorisée par Washington à jouer sa grandepolitique à l'Est.

Dans la ligne même de l'Ost-politik menée au temps del'empire soviétique, avec lesrecettes qui ont servi à Kohipour « berner » Gorbatchev,l e C h a n c e l i e r e s p è r eaujourd'hui réaliser en Europecentrale ce qu'il a réussi avecla RDA : l'extension parallèlede l'Alliance atlantique et del'Union européenne en payantle prix exigé par Moscou.C'est le sens de ses visitesrépétées au chevet d'Eltsine,confinant à l'acharnement thérapeutique, auquel Chirac aaccepté ou s'est cru obligé dese prêter.

Le groupe de pression polonais, puissant au sein du partid é m o c r a t e , r e n f o r c éaujourd'hui du groupe depression tchèque, rejoint lecourant dominant pro-alle-mand au sein de la diplomatieaméricaine constitué d'anciensambassadeurs à Bonn, au premier rang desquels RichardHollbrooke, le négociateur desaccords de Dayton sur la Bosnie, et autre candidat possibleau Département d'État si MmeAlbright n'avait pas été choisie, et John Komblum, prochain ambassadeur à Bonn,auteur depuis l'ex-Yougoslav ie de la m isé rab le caba lecontre Hervé de Charette. Les« malentendus » franco-américains ne s'expliquent pasa u t r e m e n t .

A nouveau , l 'A l lemagneredevient un enjeu franco-a m é r i c a i n a v e c u n n o u v e a udébat intérieur germano-euro

péen. Comme en 1989, beaucoup d'Allemands trouvent lafacture trop élevée. La RDA adéjà coûté près de 600 milliards de dollars, outre quelques dizaines à la Russie pourson retrait, quelques dizainesd'autres d'aide (50 % del'aide occidentale à l'Est). Sil'Allemagne devait payer àn o u v e a u l a m o i t i é d u c o û t d el ' a d h é s i o n à l ' U n i o n E u r o -péeime, elle s'enfoncerait dansla crise, d'autant que les entreprises allemandes se délocaliseraient encore plus en Pologne où le prix de la maind ' o e u v r e e s t i n f é r i e u r à c e l u id'Allemagne de l 'Est arbitrairement aligné sur l'Ouest. Lesautres Européens ne sont pasp lus a l l an t e t B ruxe l l es necesse de re ta rde r l es échéanc e s : 2 0 0 0 d e v i e n t 2 0 0 2 e tdésorma is 2005.

L'élargissement de l'OTANdevient alors pour certains lelot de consolation, le substitutau dé la i supp lémen ta i r eimposé à l'adhésion à l'Union.Les Américains ne s'en plaindront pas. Tout est fait pourdistendre le couple franco-allemand. Ceux qui prétendenta g g r a v e r l e s c r i t è r e s d econvergence et l'indépendancede la Banque européenne sontles mêmes qui font passerl'élargissement de l 'OTANavant celui de l 'Union Euro-péeime. La perspective de lasuccession de Kohi par Schau-ble n'est pas remise par hasardsur le devant de la scène. Maiss i K o h i d e v a i t s e t r o u v e récarté pour cette raison, comment l 'Allemagne, promuei n t e r m é d i a i r e e n t r e l ' O TA N e tla Russie par les États-Unis,réussirait-elle à dépasser sondilemme entre les aspirationsde l'Europe centrale et lesobjectifs de Moscou ?

Y v e s L A M A R C K

BRÈVES♦ R U S S E S : l e K r e m l i n a u r a i trédigé un décret présidentiel conférant un statut officiel au grandprince Gueorgui Mikhaï lovi tch,petit-fils du grand duc VladimirK i r i l l o v i t c h d é c é d é e n 1 9 9 2 . E nvue de scsi retour en Rtissie, unedatcha d'État située près de Moscou a déjà été mise à la dispositicxidu Jeune prétendant à la successiondu tsar Nicolas II ; un précepteurissu de l'entourage de Boris Eltsineaurait même été désigné pour suiv r e s o n é d u c a t i o n . A i n s i , s e l c s il'hebdomadaire Ogoœ'ok diffusantl a n o u v e l l e , l a f a m i l l e R o m a n o vdevrait assumer bientôt sur un planofficiel des fonctions de représentation en Russie ; son rôle seraitde symboliser « la continuité destraditions russes, en soutenantl ' idée de la Russie étemelle n. Legrand prince Gueorgui, qui poursuitactuel lement ses études secondaires à Madrid, est déjà inscrit àl 'école navale Nakhimov de Saint-

Pétersbourg. Né en 1981, il aura 16ans en mars prochain ; du tempsde l'empire, c'était l'âge requispour êU:e couronné tsar...♦ BULGARIE : Alors que sonpays traverse une crise politique etéconomique sans précédent, et tandis que le nouveau président PetarStoïanov tente de calmer les manifestants hostiles au gouvernementsocialiste, le roi Simécai II sort desa réserve pour condamner ouvertement l 'att i tude des anciens communistes actuellement au pouvoir àSofia. Depuis Madrid où il vit enexi l , l 'anc ien souvera in a réc laméla tenue d'élections législativesanticipées. Pour autant, Siméon 11reste conscient des priorités : « Leproblème de mon pays, c 'est iaf a i m e t i e f r o i d . C e s o n t d e sn é c e s s i t é s i m m é d i a t e s . C e n ' e s tpas le moment de discuter, mais dese donner ia main. Après on pourrapeut-être parler de poiidque », aexpliqué l'ancien roi qui en mai etjuin derniers avait reçu dans sonpays un accueil triomphal.♦ GRANDE-BRETAGNE : Lerécent voyage en Angola de laprincesse de Galles a soulevé unevive polémique à Londres. Ambass a d r i c e d e b o n n e v o l o n t é d uComi té In te rna t iona l de la Cro ix -Rouge, Diana s'était en effet donnépour mission de dénoncer les effetsdévastateurs des mines anti-personnel sur des populations civiles. Cetengagement aux côtés des pacifistes n'a pas été du goût de certainsmembres du gouvernement conservateur de John Major. Séduit quantà lui par les images d'une princesse émue au chevet de jeunesAngolais estropiés, le publicanglais a bien accueilli la missionhumanitaire de Diana.♦ ÉTHIOPIE : Le prince AsfaWossen, fils de l'empereur Hailél̂assié, vient de s'éteindre auxÉtats-Unis, en Virginie, à l'âge de

quatte-vingt ans. Héritier du trôned'Abyssime du couronnement deson père, en 1931, à l'invasionitalienne de 1936, puis de la restauration en 1941 au coup d'Étatmilitaire de 1974, il avait refusé desuccéder au Négus en 1975 ets'était vu proclamer empereur paru n c o n s e i l c l a n d e s t i n e n 1 9 8 9 .C'est son fils, le pr ince ZaraYacob, qui lui succède commechef de la Maison impériale.

Royal iste 680 Royaliste 680

Page 4: européensarchivesroyalistes.org/IMG/pdf/Royaliste680.pdf · 2019. 8. 29. · Thierry Wolton lança « l'affaire Jean Moulin » en publiant que le chef du CNR était un communiste

co n s e i l l e r

diplomatique deFrançois Mi t ter rand,porte-parole puissecrétaire général dela présidence de la

République, Hubert Védrine a étéét ro i tement mê lé à tous lesévénements qui ont bouleversé lecours de l'histoire depuis le débutdes années quatre-vingt. Il arassemblé ses observat ions et sesanalyses dans un ouvrage quiconstitue un document précis,soigneusement référencé, quit r a n c h e a v e c l e s f a u s s e sconfidences et les prétenduesr é v é l a t i o n s d o n t n o u s s o m m e s

submergés.

■ Royaliste : Pourquoi cel iv re , après tant d 'aut resconsacrés à François Mitt e r r a n d ?H u b e r t V é d r i n e : M o n l i v r en'est ni une biographie, ni uneapologie de François Mitterr a n d . E n c o r e m o i n s u n r e n i ement ! On n'y trouvera pasnon p lus ces pré tendues« révélations » qui ne sontque des attrape-nigauds. C'estun décryptage et une mise enperspective.

Les fonctions que j'ai exercées à l'Élysée m'ont permisde mieux comprendre la façondont la France se perçoit parr a p p o r t a u m o n d e , e t d o n tFrançois Mitterrand était lui-même perçu. Nous cultivonsdans notre pays une cultureterriblement nostalgique etnombrUiste, qui rend les élitesfrançaises moins capables qued'autres d'analyser le mondetel qu'il est et les rapports deforce tels qu'ils sont. D'où ungrand décalage entre la politique étrangère, telle qu'elleétait conçue et mise en oeuvrepar le président Mitterrand, etla façon dont elle était commentée ; souvent, il m'a paruque François Mitterrand étaitattaqué de manière injuste, etencensé pour d 'absurdesm o t i f s . To u t c e l a m ' a i n c i t é àé c r i r e c e l i v r e . J e l ' a i f a i t e nsuivant un fil chronologique,afm d'effacer l'impression deconfusion, en restituant le filde l'histoire, celui dans lequelles acteius de la politiquecherchent à s'inscrire. Ce quel'opinion ne voit pas forcémen t su r l e momen t .

■ Roya l is te : Par exemple ?Huber t Védr ine : On nepeut pas comprendre pourquoil'opinion publique s'est trompée sur les conséquences de ladislocation de l'ancienne Yougoslavie si l'on n'a pas enmémoire que cette opinionvivait encore sous le choc dela guerre du Golfe et sur lesconvictions qu'elle en avaitretirées : que la victoire obtenue contre l ' I rak démontrai tque « l'Occident » avait lesm o y e n s d ' e x e r c e r d a n s l emonde les missions d'un légitime gendarme politique etmoral et ceci sans risques ! Orle schéma de la guerre duGolfe, invasion d'un pays parun autre, n'était en rien trans-posable en Yougoslavie.■ Royaliste : Entre 1981 et1995, quelles sont les grandes charnières, ou les grand e s c é s u r e s ?

Hubert Védr ine : Aucunecoupure dans la politique intérieure (changement de premierministre, cohabitation) n'estpertinente dans la politiqueétrangère. Par ailleurs, lesc é s u r e s v a r i e n t s e l o n l e ssujets. Avec la Russie, il y aeu ime première période, aucours de laquelle FrançoisMitterrand a jugé nécessaired'agir pour le rééquilibre desforces (c'est l 'affaire desSS20), jusqu'à la fm 1983,puis une transition, puis lapériode Gorbatchev (1985-1991), et enfm celle qui suitaprès 1991 l'effondrement del'Union soviétique.

Avec les États-Unis, il n'y apas de coupure (sauf les changements de style d'un Président à l'autre) : c'est toujoursle même problème qui se poset o u t l e s m a t i n s - à s a v o i rc o m m e n t ê t r e l ' a l l i é d ' u n egrande puissance prédominante, et qui devient presquehégémonique quand l'URSSdisparaît. On peut repérerd'autres dates pour le Proche-Orient : la période initiale desillusions jusqu'à la fin 1983,puis celle où l'on tient comptedu fait que nous n'avons pasde vraie prise sur la situation.■ R o y a l i s t e ; S u r q u o ijuge-t -on une pol i t iqueétrangère ?Hubert Védrine : Ce qui estfilmable et ce qui relève duclimat, de l'ambiance prendune trop grande importancedans notre monde « médiatisé » : l'entente entre chefsd'État, les « photos defamille » à l'issue des grandesr e n c o n t r e s i n t e r n a t i o n a l e s e t c .Il faut aussi juger les dirigeants selon la façon dont ilsréagissent aux crises, mais surtout, par rapport aux objectifsqu'ils se sont donnés. Ainsi,François Mitterrand s'étaitdonné comme objectif, jusqu'àl'obsession, de travailler à ceque la France ait la plus forteinfluence possible dansl'Europe la plus forte possible.

11 est intéressant de soulignerque François Mitterrand n'estpas arrivé en 1981 avec unprojet européen tout ficelé ;pendant les trois premièresannées, U a pris la mesure de

l'influence française, il a lancéde multiples initiatives (notamment lo rs des Sommets desSept) dont il a rapidementmesuré l es l im i tes . 11 s 'es taperçu qu'une grande voiedemeurait ouverte, qui lui permet ta i t en ou t re de fa i re l asynthèse des différents tempsde son action politique, voiedans laquelle il pourrait transposer et projeter tout l'héritagefrançais afm que la Francemaintienne autrement son ranget son ambit ion ; c 'est l ' idéeeuropéenne. Il y a là un filconducteur à partir de 1984,qui explique la manière dont ila c c o m p a g n e a v e c K o h i e n1989-1991 la réunification allemande, et qui permet de comprendre l'attitude qu'il prend,l a m o r t d a n s l ' â m e , s u r l edrame yougoslave.

■ Royaliste : Ce projetaurait mérité d'être plusclairement exprimé...

Hubert Védrine : Ne l'a-t-ilpas été cent fois ? N'oubUezpas cependant la campagne duréférendum. En brisant la langue de bois habituelle, je tiensà dire sans avoir peur desmots que cette politique européenne a été menée sur lemode du despotisme éclaire.Après 1945, les peuples européens ont souhaité vivre enpaix, rien de plus : ils n'ontpas demandé un rapprochement des différents pays aboutissant à la con t̂ution d'unepuissance unifiée et à deséconomies harmonisées. François Mitterrand s'est insentdans cette politique volontariste, mais il a donne au

/ La réunification aliemande aptè-̂ ̂ chute du mur : une période-clefdans la politique de François Mitti"'^^^-

m o t e u r f r a n c o - a l l e m a n d u n eénergie supplémentaire, il a« tiré » l'Europe en avantavec Helmut Kohi. Chaquefois que quelqu'un a posé despréalables théoriques (exemple : le débat sur la fédérationou la confédération) le président français et le chanceliera l l e m a n d o n t b o t t é e n t o u c h een disant que l'Europe constitua i t un modèle tout à fa i toriginal et qu'il fallait avancersans se laisser entraver par cetype de considération. Tousdeux ont assumé ce despotisme éclairé, tout en disantqu'un jour où l'autre il faudrai t ressburcer cet te construction dans la légitimité démocratique.■ R o y a l i s t e : P o u r r i e z -vous précisez votre référ e n c e a u d e s p o t i s m eé c l a i r é ?

Hubert Védrine : Je parle de« despotisme éclairé » parceque la politique européenne aété menée par un tout petitnombre de personnes : Helmut Kohi et François Mitterrand, chacun entouré de cinqou six personnes, Jacqu^Delors, quelques autres dirigeants européens, plus deuxou trois ministres...

C'est ce milieu très restreint,où tout le monde s'appelle parson prénom, qui prend lesorientations décisives avec unmode de ratification a posteriori, tout cela accompagnéd'un pseudo-regret sur le déficit démocratique. C'est d'aU-leurs là une des contradictionsréelles de l'aventure euro

péenne : elle est conduite pardes hommes qui multiplientles professions de foi démocratique et qui sont complètement léninistes (les avant-gardes) dans leur pratique ! Pourév i te r l ' en l i sement 1

C'est de cette manière que lesystème a fonctionné jusqu'àM a a s t r i c h t .

■ R o y a l i s t e : D a n s c e t t ep é r i o d e d e m u t a t i o n , c e rt a i n s a f fi r m e n t q u e F r a nçois Mitterrand n'a pas étéà l a h a u t e u r d e s c i r c o n s t a nc e s .

H u b e r t V é d r i n e : C e t t e a f f i rmation est née en Allemagne,dans certains milieux lorsquele président français a posé- à juste titre - la questiond e s f r o n t i è r e s a v e c l a P o l ogne ; elle a été reprise parcertains journaux français,puis par divers opposants etrépétée ensuite de façon mécanique. Il est très instructif defaire l'historique de cette polémique. Je vous dis ma conviction : François Mitterrand aété à la mesure de ce momenthistorique en agissant de façonà ce que cela se passe bien !

Pendant la grande mutationeuropéenne, François Mitterrand a agi avec sang-froid etpersévérance, mais son sensde la durée historique a étésouven t en con t rad i c t i on f r ontale avec le système médiatique qui se nourrit des émotions violentes, créées à partirde sujets spectaculaires quid o i v e n t ê t r e c o n s t a m m e n tr e n o u v e l é s . I n f o r m é e d e c e t t emanière, confrontée à une succession de tragédies, l'opinionpublique attend des gouvernements qu'ils agissent très vite,a u r y t h m e d e s m é d i a s .L'approche mitterrandienne etle système et le rythme médiatique c'était l'eau et le feu ; etc'est dans cette contradictionque se t rouvai t la vér i tablevulnérabilité de la politiquemitterrandienne. A l'exceptionde la guerre du Golfe et destemps forts européens, François Mitterrand a peu expliquésa politique extérieure, mêmes'il en a beaucoup parlé ; il afait son devoir, dans la contin u i t é d e l ' h i s t o i r e d e n o t r epays, mais sans dire tout à faitaux Français ce qu'il pensaitdu rapport de force dans lemonde. Il a lui-même regrettéde ne pas avoir expliqué auxFrançais la politique qu'il amenée à l'égard de l'Allemagne, mais je me demande s'il

était possible de dire, à chaud,sans dommages ce qui était enjeu.

Il a cependant décidé ler é f é r e n d u m s u r l e t r a i t é d eMaastricht, qui a donné lieu àun grand débat national danslequel U est pleinement intervenu. Il ne faut pas non plusoublier les derniers discours,en 1995, dans lesquels il évoque les dangers du nationalisme.■ R o y a l i s t e : C o m m e n te n v i s a g e z - v o u s l e p r o c h ea v e n i r ?

H u b e r t V é d r i n e : L a f u i t e e navan t mora l i sa t r i ce comme ce tapitoiement sur soi même denotre pays, m' inquiètent .A u c u n e d e s é v o l u t i o n s e nc o i n s d a n s l e m o n d e n e n o u sest automatiquement favorable : il y a l'hégémonismeaméricain - militaire, diplo-inatique, monétaire, culturel,linguistique - la puissanceéconomique montante despays asiatiques ; la dissuasionnucléaire est relativisée par lanouvelle situation stratégiquemondiale ; les lieux de pouvoir au sein desquels nouse x e r ç o n s u n e i n f l u e n c e(Conseil Européen, Sommetdes Sept, Conseil de Sécurité)sont appelés à s'élargir. LaFrance ne peut plus se content e r d e v i v r e d e s r e n t e s d esituation diplomatiques héritées de la seconde guerrem o n d i a l e . C e s n o u v e l l e s d o nnées ne doivent pas inciter aupessimisme, car la France estet demeure un pays et unepuissance très importants dansle monde. Mais il serait dangereux de réagir en fonction denostalgies et d'habitudes héritées d'un passé qui n'est plus.La France doit apprendre àasseoir sa démarche et sesa m b i t i o n s s u r l e s r é a l i t é sd'aujourd'hui ; elle ne doitdonc pas voir l'Europe commeune contra inte extér ieure.

Propos recueillis parSylvie Femoy

Huber t Vedr ine

L e s m o n d e s d e

FrançoisM i t t e r r a n d

prix franco 180 F

Royaliste 680Royaliste 680

Page 5: européensarchivesroyalistes.org/IMG/pdf/Royaliste680.pdf · 2019. 8. 29. · Thierry Wolton lança « l'affaire Jean Moulin » en publiant que le chef du CNR était un communiste

M

D r o i td u s o l

orsque Sami Naïrpublia sa Lettre âCLarJes Pasqua, nousa v i o n s v i v e m e n t

k r e c o m m a n d é l a l e cture de cette critique

radicale et sol idement argu-mentée de la législation xénophobe que la droite mettait enoeuvre, au mépris des principes traditionnels de la nationalité (le droit du sol, solennellem e n t r e c o r m u d è s l e X V I ®siècle) et de l'hospitalité (ledroit d'asile).

R é é d i t é s o u s u n a u t r e t i t r e(1) et complété par les faitssurvenus depuis sa premièrepublication, l'ouvrage montreà quel point la critique et lesa v e r t i s s e m e n t s d e S a m i N a ï rétaient justifiés : les lois Pasqua ont effectivement déstabilisé les immigrés légalementinstallés, fabriqué des clandestins, persécuté des couples,disloqué des familles, créé dess i t u a t i o n s i n e x t r i c a b l e s r é v élées par la grève de la faimdes sans papiers.Au moment où les parlemen

ta i res déba t ten t su r l a ré fo rmedes lois Pasqua, il est indispensable de comprendre pourquoi la vision défensive etpol ic ière de la droite estc o n t r a i r e a u x d r o i t s d el'homme, et à une politique del'immigration dont Sami Naïrdéfinit les principes (l'univer-salisme républicain) et lesmodalités (notamment le codé-v e l o p p e m e n t e n t r e p a y sd'accueil et pays d'émigration)ainsi qu'une politique commune aux pays riches « guiprenne en compte autant lesintérêts du pays d'accueil queceux des immigrés et de leurpays d'origine ». Ce petitlivre pas cher et très densem é r i t e d ' ê t r e a t t e n t i v e m e n té tud ié e t mass ivement d i f fusé .

Jacques BLANGY(1) Sami Naïr - « Contre les loisP a s q u a » - A r l é a . 1 9 9 6 - p r i xftanco : 40 F.

Edgar et Sami

Pour la renaissance

Contre la destruction de la société et de l'hommepar le libéralisme déchaîné, deux penseurs denotre temps tracent les chemins de l'avenir.

- 11 constitue une authentiqueréflexion intellectuelle (étrangère à la déclamation médiatique) qui est le fait de deuxchercheurs s'appuyant sur uneoeuvre déjà constituée (EdgarMorin) ou en voie de constitution (Sami Naïr). Loin d'intimider le lecteur, cette démarche est par elle-même unmagnifique encouragement âla résistance à l'idéologiedominante : confrontée â lapensée de nos deux auteurs, la« pensée unique » apparaîtc o m m e u n m i s é r a b l e t i s s ud'élucubrations, et leur visionplanétaire réduit l'idéologie dumarché mondialisé à un bavardage terriblement réducteur.- Il propose, enfm et surtout,un projet novateur, de résistance et de révolution, toutaussi profondément pensé etsoigneusement articulé que lesanalyses et les critiques quiétablissent sa pertinence. Ceprojet est indiqué dans le titrede l'ouvrage : repenser lapolitique selon le souci de lapersonne humaine, refaire unepolitique civilisée et civilisantec o n t r e u n é c o n o m i s m e l u i -même réduit à une frénésieconcurrentielle qui détruit lesliens sociaux, les milieux devie, les hommes eux-mêmes.

Ce livre marque une étape.Grâce à Edgar Morin et àSami Naïr, grâce à d'autresauteurs (2) qui ont récemmentpublié dans la même intention,nous disposons désormaisd'une critique méthodique del'idéologie dominante et de lalogique du marché mondialisé.Cela ne met pas un terme audébat. Mais, sans perdre

e livre d'Edgar Morin

Cet de Sami Naïr (1)ne sera ni raconté, nirésumé, car il faut lelire, du début â la fin,et le garder ensuite à

portée de la main. Ceci pourquatre raisons :

- Il permet de comprendre ceq u e r e c o u v r e l a f a m e u s e« m o n d i a l i s a t i o n » e t d e d i s

tinguer les processus historiques et techniques en coursdes énoncés idéologiques donto n n o u s r e b a t l e s o r e i l l e s d umatin au soir.

- 11 contient une critiquefondamentale, mais accessibleà tous, de ce qu'il est convenud'appeler la « pensée unique », ou encore le « libéralisme économique ».

- Il met en perspective lesévénements et les bouleversements qui nous sont d'ordinaire livrés par bribes et morceaux, établit les liens nécessaires, restitue les cohérencesmasquées par le tintamarremédiatique, éclaire les complexités, pointe les paradoxessans jamais céder aux simplis-mes complaisants. Logique ducapitalisme, confrontation desgrands modèles sociaux, spéculation financière, multinationales, intégrismes religieux,délires ethniques, souci del'écosphère, chômage, crisedes valeurs républicaines, avenir de l'Europe et de sesn a t i o n s : c e q u i e s taujomd'hui au coeur de l'exigence civique et du soucihumain fait l'objet d'un double regard, d 'une doubleréflexion, convergente, jamaisredondan te .

vue les nécessaires approfondissements et corrections dansla crit ique, nous sommesmain tenant en mesure de dé l ibérer sur les dispositions àprendre en vue de cette politique de renaissance.

Nécessaire, passionnante,cette délibération risque de sesituer, comme l'essentiel dutravail critique, hors des grandes organisations politiquesqui, â l'exception des communistes, acceptent toutes de ses o u m e t t r e a u x f a u s s e scontraintes de la mondialisation. Entre les projets politiques qui se font jour et lescatalogues des grandes formations, le décalage est croissant,e t l e s c o n t r a d i c t i o n s s o n tmanifestes. Mais les puissantsde l'heure auraient avantage àse souvenir que quelqueslivres, quelques lignes, ouquelques mots, suffisent âmettre les peuples en mouvem e n t .

B . L A R I C H A R D A I S

(1) Edgar Morin et Sami Naïr -« Une politique de civilisation »-Arléa, 1997 - prix franco : 120 F.(2) Par exemple l'ouvrage de PhilippeEngelhard, « L'homme mondial »,(èplement publié chez Arléa) queGérard Leclerc a présenté dans notrenuméro 676.

d e

Le Congrès de laNAR aura lieu les 8et 9 mars prochains.

Pour pouvoir yparticiper ii fautêtre adhérent à

la NAR„Demandez-nous ladocumenta t ion sur

l ' adhés ion .

Royal is te 6808

dees

C a s t o r l a d i sc o n t r e

r ins ignifiance

Dans la planète intellectuelle Cornélius Castoriadisconstitue une heureuse exception. Faut-il dire qu'ile s t l e d e r n i e r « s o i x a n t e - h u i t a r d » ? M ê m e s i l ' o nnéglige ce que l'expression a aujourd'hui de péjoratif, il conviendrait plutôt d'affirmer qu'il est demeuréle premier des soixante-huitards.

Disons carrément qu'il est proto-soixante-huitard, parce qu'avant même que 68 existeil l'a pensé, imaginé et qu'il n'y a pas deraison pour lui de se réclamer d'unenostalgie alors qu'il s'agit toujours d'unprojet. Dans la mesure où ce projet estpolitique, on aurait intérêt à y prêter quelqueattention, à moins de faire son deuil d'unecité où l'homme serait vraiment citoyen.

O r, c ' e s t t o u t e l a q u e s t i o n . To u s l e ssoixante-huitards vous diront aujourd'huiqu'ils ont vécu une utopie qui ne futd'ailleurs pas sans utilité, puisqu'elle pemiitde débloquer certains processus sociaux quis ' i d e n t i f i e n t à l a m o d e r n i t é . L ' e s s e n t i e ln'était-il pas l'émancipation de l'individuqui correspondait â une certaine révolutiondes moeurs 1 Pour le reste, la communeétudiante, l'autogestion... ce n'était que lerêve d'un instant qui s'est estompé avec

par Gérard Leclerc

l e s r é a l i t é s d el'économie. Contre tout cela Castoriadis s'insurge superbement : « L 'interprétation de Mai 68 en termes de préparation (ou d'accélération) de l'individualisme contemporairrconstitue une des tentatives les plus extrêmes que j'ecormaisse - compte tenu de la borme foi incontestable desauteurs - de décrire en dépit de toute vraisemblance unehistoire que la plupart d'entre nous avons vécue, d'altérer lesens des événements alors qu 'Us sont encore, sijé peux direpresque chauds ». Cet individualisme qui est en fait unhédonisme sans principe lui parait étranger à Mai 68, quibien au contraire, se signale par « une formidable resocùdi-sation ». Et Castoriadis va plus loin encore en précisantqu'il s'agissait d'un rejet de la futilité vide en négatif. Enpositif : « le désir d'une plus grande h'berté pour chacun etpour tous. Les gens eherchaient la vérité, la jusdce, la h'berté,la communauté ». Même si ce fut un échec, il n'est paspossible de trahir les aspirations de la minorité de Mai en lesfaisant passer potn leur contraire, c'est-â-dire l'irresponsabilité et le repli individualiste.Certes, répondra-t-on, il y avait un contenu propre à cette

révolution, et qui fut trahi par la récupération qui suivit.Mais ce contenu n'est rien d'autre que le rêve totalitaire qui,lorsqu'il s'est incamé dans la réalité, a toiuné au cauchemar.Avec Castoriadis, on se trompe évidemment d'adresse, parcequ'il n'a attendu personne pour faire la critique de cetotalitarisme dans sa revue Socialisme et Barbarie (1949-1965). Et il est toujours facile de renvoyer quelqu'un à sonutopie, dès lors qu'on a décidé d'ignorer les exigences dontil est porteur. Mais il faut être honnête. Si l'exigencepolitique et l'exigence d'im sens qui lui est liée sont

chimériques alors autant avouer que l'on a baissé les bras etqu'on préfère se laisser aller au courant de l'inéluctable et del'insignifiant. Le mieux ne serait-il pas de prêter seulementun peu d'attention à ce qu'un pensem original et intempestifa à nous dire ?

Avant de parler d'utopie, il faudrait parler de la Grèce oùle philosophe est nê et où il revient sans cesse par la pensée,car c'est là où se formule le mieux son exigence et sonhumanisme. Castoriadis demeure grec jusque dans saphilosophie la plus profonde, son attachement à la mortalité.Et j'ajouterai - mais cela vaudrait discussion - jusqu'à saméconnaissance du monde biblique et chrétien. Devant lediscours de Paul à l 'aréopage d'Athènes, i l réagitaujourd'hui encore comme un Athénien du premier siècle.Ce qui lui importe c'est de prolonger le miracle grec dans unprojet politique contemporain. Cela n'est possible qu'enremettant à leur place les « jouissances », en démolissantl'importance démesurée qu'a prise l'économie dans lasociété moderne et en essayant de créer un nouvel ethos, uni?/l5t7S'centralement l ié à la mortalité essentielle de l 'homme.VoUâ qui mérite d'être pris en considération, quelles que

soient les réserves ou les craintes qu'unetelle révolution suscite. On peut trouver queCastoriadis va un peu vite en besogne avecl e s c o n t r a i n t e s d e l ' é c o n o m i e . M a i s i l e s t

impossible de rejeter complètement sarequête, à moins d'acquiescer à « montéede l'insignifiance ». Et là-dessus commentne pas être attentif aux analyses de cetAlceste implacable : « Lorsque commec 'est le cas dans toutes les sociétés occidentales on proclame ouvertement (...) que laseule valeur est l'argent, le proirt, quel ' i d é a l s u b l i m e d e l a v i e s o c i a i e e s t l ' e n r ich issez-vous. Peut-on concevoir qu 'une.•société peut continuer à foncdormer et à sereproduire sur cette unique base ? ». Etencore. « Pourquoi s'escrimer pour faireprodute et vendre, au moment où un coupréussi sur les taux de change â la Bourse deNew-York ou d'ailleurs peut vous rapporter

en quelques minutes 600 millions de doikus ? ». Leprocessus d'insignifiance ne peut que gagner les sourcesmêmes de l'art, alors que tout se dissout.

Alors ? Les tâches en positif ? Castoriadis les conçoit dansleurs grandes lignes : « Une autre organisation du travail,qui devrait cesser d'être une corvée pour devenir un champde déploiement des capacités humaines ; d'autres systèmespolidques, une véritable démocrade comportant b pardcipa-don de tous à la prise des décisions ; une autre organisadonde la paideia pour former des citoyens capables degouverner et d'être gouvernés, comme disait admirablementAristote, et ainsi de suite ». Cet ainsi de suite ç&ui résonnerironiquement si l'on pense que toutes ces exigences qui sontbelles et boimes, sont tout de même un peu trop en l'air etqu'il faudrait leur trouver des moyens de réalisation. Sansaucun doute. Mais ne sont-elles pas d'abord des principesauxquels il faut tenir sous peine de se vouer à une gestiontechnocratique. Ne pas renoncer à notre liberté et à unespace social construit comme un projet collectif, c'est qu'onle veuille ou pas notre problème crucial. Ce n'est pas parceque l'idée de révolution s'est perdue dans des impasses oufourvoyée dans des entreprises totalitaires qu'il faut renoncerà changer le cours des choses. Ce n'est pas parce que lelibéralisme fait mine de nous laisser la liberté de pensée,qu'il faut renoncer à associer cette pensée à la conduiteeffective de la cité. Ce n'est sûrement pas les résultats del'économie libérale qui nous conduiront à lui abandonnernotre sort. C'est pourquoi il faut remercier Castoriadis d'êtred e m e u r é f i d è l e à l u i - m ê m e . _

Cornélius CASTORIADIS - « La montée de rinsignif iancecarrefours du labyrinthe IV), Seuil, prix franco : 130 F.

(Les

Royaliste 680

Page 6: européensarchivesroyalistes.org/IMG/pdf/Royaliste680.pdf · 2019. 8. 29. · Thierry Wolton lança « l'affaire Jean Moulin » en publiant que le chef du CNR était un communiste

Lieux

P a u lA u s t e r

Qui a lu Paul Austersans jamais être allé àN e w Yo r k d é c o u v r i r aa v e c u n i m m e n s eplaisir le livre queGéra rd de Co r tanze ac o n s a c r é a u c é l è b r e

écrivain et à sa ville (1).Qui aime se promener dans

New York, mais ignore toutde l 'oeuvre de Paul Auster,pourra prendre le même livrecomme récit initiatique, superbement éclairé par les photographies de James Rudnick.Qui aime la littérature appré

ciera ce livre qu'un écrivainc o n s a c r e à u n a u t r e é c r i v a i n .C a r l e t e x t e d e G é r a r d d eC o r t a n z e e s t t o u t l e c o n t r a i r ed'un guide culturel i l lustré :c'est une promenade rêveuseet savante, qui nous permet der e n c o n t r e r u n a u t e u r , d econnaître les l ieux où i l a vécu- son enfance, ses heures demisères, ses amours - et desuivre ses personnages. Ainsile parcoius de Quinn dansCité de Vene, que l'on peutrefaire grâce à un plan trèsprécis.Chemin faisant, on appré

ciera le regard que Gérard deC o r t a n z e e t J a m e s R u d n i c kportent sur cette ville étrangem e n t b e l l e - m a i s t e r r i b l e c a rrien n'est plus facile à NewYork que de mourir anonymement. La poésie n'a pas pourobjet d'enjoliver le monde.

Ces promenades (diurnes)s'accompagnent de précisionsbiographiques et bibliographiques qui intéresseront lesvieux f idè les de Paul Auster e tceux qui ont envie de faire laconnaissance du poète C Espac e s b J a n c s e t d u r o m a n c i e r àqui nous devons L'Inventionde la solitude, La Musique duhasaid, Moon Palace et tantd'autres ouvrages.

M a r i a D A S I L V A(1) Gérard de Cortanze - « Le NewYork de Paul Auster » -, Éditionsdu Chêne, 1996 - prix franco : 260 F.

Carmagnole

Philippe-Égalitée t l a R é v o l u t i o n

D'une plume maîtrisée, s'appuyant sur unegrande diversité de sources, rhistorienne

Évelyne Lever rend compte d'un Philippe-Égalité aux accents d'un diable

romantique. Mais au-delà de la biographie, aprèsLouis XVI, Louis XVIIIMarie-Antoinette,

l'auteur poursuit une investigation historique dela Révolution française, allant au-delà des idées,

pour toucher à la réalité d'une période où laconfusion des esprits fut totale chez des hommes

que rien ne préparait au chaos.e 13 avril 1747, naissait Louis-Philippe-Joseph, duc de Mont-

1 p e n s i e r . L e j e u n e' prince, devenu duc de

C h a r t r e s à l a m o r t d e s o n

grand-père, se prépara à unavenir oisif et protocolaire,sous l 'oe i l a t ten t i f d 'une hordede précepteurs, mais séduit parles moeurs légères, condamnéà a t t e n d r e u n e v i e d u r a n t

l'opportunité d'un règne quin e v i e n d r a i t p r o b a b l e m e n tjamais, le jeune homme semontra rapidement aussi brillant qu'impétueux. Quoi deplus important que la vie ?Libertin, bientôt marié et installé au Palais-Royal, il rayonnait sur Paris et parce qu'ilé ta i t désabusé depu isl ' en fance , n 'ava i t cu re descauses politiques et des jugements. Il aurait pu vivre ainsi.

Mais humain trop humain, ced e s c e n d a n t d u b o n r o i H e n r irv se laissa convaincre parMalesherbes de la nécessité dedéfendre la cause des petits.« A v ing t -qua tw ans , adu iépar le peuple, regardé nonsans complaisance par lesécrits éclairés », il aborda lapolitique comme une aventure.Esprit turbulent, égoïste etgénéreux, le prince ne luttaitfmalement que contre l'eimui.

L'épopée maritime de 1775,s o u s l ' i d e n t i t é f a l s i f i é e d ucomte de Joinville réponditencore à la peur de l'ennui.Neuf mois d 'une vra ie v ie ,dirait-il. Les expériences marit i m e s s u i v a n t e s f u r e n t m o i n sh e u r e u s e s . C e f u t l ' a f f a i r ed'Ouessant. Entre temps,vinrent le jeu, les paris et lescomses de chevaux , en t r edeux v is i tes de Vol ta i re, lephilosophe honni de la Cour.D'égaré, le duc de Chartresdevenait lentement provocateur. Il entra en disgrâce, enrajouta, publiant des listesd'étalonnage des femmes de laCour, allant de Belle à Abominable.Mais l'ennui, encore, le rat

trapa. Il partit alors pourRome rencontrer Pie VI, pourLondres , pour Ber l in , fi tmême une escapade en ballonqui fa i l l i t lu i coûter la v ie.« Que ie diable l'emporte !C'est notre plus grand désir »pestait-on à la Cour.

« l e s u i s t r è s l â c h é d e l amort du prince votre père »lui dit simplement le roi, le 18n o v e m b r e 1 7 8 5 . D e v e n u D u c

d'Orléans, passé premierprince de sang, Louis-Philippe-Joseph s'attira plus quejamais les sollicitudes de lacontestat ion l ibérale et éclairée

d o n t i l f u t b i e n t ô t l e c h a n t r emaladroit. Un chantre tropsoucieux de préserver ses plaisirs. Un chantre trop naïfa u s s i -

En 1789, p lus que le duclui-même, ce fut son entourage qui parut briguer unc h a n g e m e n t d y n a s t i q u e a uprofit des Orléans. Ce manqued'ambition politique dont leprince fit alors preuve luic o û t a - t - i l l a v i e e n 1 7 9 3 ?C'est probable, laissant à sonfils l'héritage de ses combats...ceux d'un homme qui respectait autant le peuple que le roiet, simplement désabusé, vécutl a R é v o l u t i o n c o m m e l a f i nd'un monde. Il resta député.Au profit d'une humiliante

désignation, triomphalismeméchant d'im préposé à l'étatcivil révolutionnaire, le princedevint Philippe-Égalité. LaR é v o l u t i o n s o m b r a d a n s u nmanichéisme dévastateur, troublant trop les esprits pourqu'on lui résistât. « Je suisb i e n a f f l i g é d e c e q u eM. d'Orléans, mon parent, av o t é m a m o r t » d i t l e r o i .« Je ne conçois plus commentJ'ai pu être entraîné à ce quej 'a i fa i t » s ' in ter rogea lecitoyen Égalité.

Déchu, le 6 novembre 1793,c o u p a b l e d ' u n m a n q u ed'esprit partisan que ne souff r i r en t n i l a Révo lu t i on , n il 'Ordre ancien en exi l , Philippe Égalité monta à l'écha-faud en laissant au regard del'histoire l'énigme d'une vieincemable, porteuse de toutesles ambiguïtés de son temps.

A l e x a n d r e R E N A U D

Evelyne Lever - « Piiilippe-Êga-lité » - Fayard - prix franco : 165 F.

" A T " ■ : .■I L E - D E - P R A N C I i

L a F é d é r a t i o n d ' I l e - d e -France a organisé cette annéeun cycle de formation politique de huit séances animéespar Bertrand Renouvin. Chac u n e d e c e s r é u n i o n s d u r e1 h 30 (45 min. d'exposé et45 min. de d iscuss ion) . Ces é m i n a i r e e s t d e s t i n é a u xcadres, adhérents, ou militantsde la région parisienne. Ilpennettra à chacun de mieuxc o n n a î t r e l e s d o n n é e s f o n d amentales de la vie politique etd'approfondii- ses prmcipcsc o n s t i t u t i f s .

A T T E N T I O N : C o n t r a i r c -ment à ce qui avai t étéannoncé, la prochaine séanced e c e s é m i n a i r e d e f o r m a t i o na u r a l i e u l e s a m e d i 1 5f é v r i e r d e 1 6 h à 1 8 h .Sujet : Le pouvoir politique( l ' essence du po l i t i que , safinalité, l'idée de légitimité).

COMMUNIQUÉL a N o u v e l l e A c t i o n

Royaliste condamne leplan Arthuis de liquidat ion du Crédi t Foncier de France, établissement financier spécialisé dans le secteurimmobil ier, par ungouvernement juge etpartie, Juppé-Périssol-Arthuis, auteur d'unepolitique qui l'a misdélibérément en quasif a i l l i t e .

La Nouvel le Act ionRoyaliste apporte sonsoutien à la lutte dessalariés pom la sauvegarde et l'intégrité duC r é d i t F o n c i e r d eF r a n c e .

EN PROMOTION

H i s t o i r e d e sroyalistes

de 1.1 I ili.-iiiliuii a nos jours

par Patrick Louisprix franco 100 F(au lieu de 160 F)

C O N G R E S

Le Congrès des adhérents dela NAR se t iendra à Par is less a m e d i 8 e t d i m a n c h e 9mars procha ins . Rappe lonsque le Congrès est ouvert àt o u s l e s a d h é r e n t s m a i s a u xadhéren ts seu lement . Ceux denos lecteurs qui souhaiteraientpar t i c iper au Congrès son tdonc invités à « prendre leurcarte » (la documentation surl 'adhésion à la NAR vous seraenvoyé sur simple appel téléphonique au 01.42.97.42.57).

R é d u c t i o n S N C F : t o u s l e scongressistes bénéficient d'uneremise de 20 % sur le prixdes billets. Rappelons également qu'en réservant les bill e ts dès ma in tenant , i l es tpossible de bénéficier de tarifs"joker" particulièrement avantageux.

C A R T E S

Les cartes d'adhérents pour1997 sont en cours de fabrication. Elles seront automatiquement envoyées aux adhérentsà jour de leur cotisation.

L I V R E D E P R E S S l

L e l i v r e d e p r e s s e d e l aN.A.R. est impressionnant :plus de 20 volumes ! Mais ilest loin d'être complet. Aidez-nous à le tenir à jour.Envoyez-nous systématiquement toute coupure de presseconcernant la NAR, les princes ou le royalisme en indiquant les références précisesde l 'art ic le. Votre col laboration nous est indispensable.

A B O N N E M l i N T D ' I i S S A I

Royaliste n'est pas vendu enkiosque et ne doit compter quesur ses lecteurs pour toucherde nouvelles persormes. Pourcela, quel meilleur ambassadeur que le jou rna l lu i -même ? Ouvrez donc votrecarnet d'adresses et envoyez-nous les noms et coordonnéesde ceux de vos amis susceptibles d'être intéressés parRoyaliste. Nous leur ferons unabonnement d'essai pendant t ro is mois . Pr ix dechaque abonnement : 25 F.

ADHÉRER A LA N.A.R.c'est manifester votre

accord, c'est nousapporter votre soutien,c'est nous donner les

moyens financ ie rsnécessaires.

M E R C R E D I S D E L A N . A . R .

A Paris, chaque mercredi , nousa c c u e i l l o n s s y m p a t h i s a n t s o uc u r i e u x d a n s n o s l o c a u x ( 1 7 , r u ed e s P e t i t s - C h a m p s , P a r i s 1 " ,4° étage) pour un débat avec unconférencier, personnal i té pol i t ique ou écr iva in. La conférencecommence à 20 h très précises(accuei l à par t i r de 19 h 45 -E n t r é e l i h r e e t g r a t u i t e ) , e l l es ' a c h è v e à 2 2 h e u r e s . U n d l n c r e s talors servi pour ceux qui désirentpoursuivre les discussions (participation aux frais du diner : 27 F).

• Mercredi 19 févr ier : Quine coimait la presse de rue etses vendeurs qui retrouventune dignité, un minimum desécurité et un peu d'argent envendant leurs journaux à lacriée ? Lors de son apparition,cette presse a suscité maintscommentaires. Puis est venu le

temps de la banalisation, del 'ambiguïté, parfois des proc è s . C e r t a i n s t i t r e s o n t d i s

paru ; tel autre est discrédité.Comment s'y reconnaître ?N o u s a v o n s d e m a n d é à

R o d o l p h e C L A U T E A U X ,d i r e c t e u r d e l ' h e b d o m a d a i r e

« L ' I t i né ran t » , de fa i re lepoint sur « La presse de ruee t l a m i s è r e d e m a s s e

qu'elle révèle ».

• M e r c r e d i 2 6 f é v r i e r :L'unité de la nation françaiseest -e l le en danger ? Laréponse est hélas positive : auterrorisme corse, s'ajoutentdes tensions moins spectacula i res, mais néanmoins t rèss é r i e u s e s q u i a f f e c t e n tl'Alsace, le Midi de la Franceet, plus généralement, lesmilieux qui subissent la logi

que de l'exclusion. Pour comprendre la nature et la gravitédes « Périls géopolitiques »qui existent en France, nousa c c u e i l l e r o n s à n o u v e a u Yv e sLACOSTE, qui nous présentera le numéro que la revueHérodote, dont il est le directeur, a consacré à cette gravequestion.

• M e r c r e d i 5 m a r s ;ATTENTION : Except ionn e l l e m e n t l a r é u n i o n c o mmencera à 20 h 30 .A l'écart de l'agitation média

tique et des fausses gloires quise produisent sur l'avant-s c è n c , C o r n é l i u s C A S T O -RIADIS édifie depuis plus i e u r s d é c e n n i e s u n e o e u v r e

philosophique et polit iquemajeure. Fondateur de Socialisme et Barbarie 1949, i l ai n l a s s a b l e m e n t d é n o n c é l et o t a l i t a r i s m e e t m è n e d e l i v r een livre une critique de lamodernité technocratique etl i b é r a l e t o u t e n r é f l é c h i s s a n tau nouveau projet collectif quir e d o n n e r a t o u t s o n s e n s àn o t r e l i b e r t é . C ' e s t s u r « L am o n t é e d e l ' i n s i g n ifiance », et sur les moyensd'y remédier, que nous réfléchirons en compagnie de notreinv i t é .

:;:;:èn;fâ»éta:Ù^

8 e t 9 m a r s :CONGRÈS DE LA N.A.R.

D e m a n d e d e d o c u m e n t a t i o nSi ce journal vous a intéressé, si vous désirez avoir plus de renseignementssur nos idées, nos activités, les livres et brochures que nous publions,remplissez le bulletin ci-dessous sans engagement de votre part.

Nom :

P r é n o m ;

D a t e d e n a i s s a n c e : P r o f e s s i o n : .

A d r e s s e :

désire recevoir, sans engement de ma part, une documentation sur lemouvement royaliste. Bulletin à renvoyer à :

« Royaliste ». 17. rue des Petrts-Champs, 75001 Paris

Royaliste 68010 i l

Royaliste 680

Page 7: européensarchivesroyalistes.org/IMG/pdf/Royaliste680.pdf · 2019. 8. 29. · Thierry Wolton lança « l'affaire Jean Moulin » en publiant que le chef du CNR était un communiste

Editorial

L ' â n e d u

g o u v e r n e u r

Pour reprendre une comparaisonclassique, le gouvernail d'unnavire sert à diriger l'ensembledu bâtiment, et celui qui demanderait au capitaine de gouvernerseu lement la ca le se ra i t cons id é r é c o m m e u n d o u x d é m e n t .Dans une société, l'acte de gouvernement concerne par définit i on l ' ensemb le des hommes e tleurs activités, l'autorité gouvernementale se justifiant par sa

Dans les milieux bien-pen- A peine entrevue, cette condi- capacité à réunir les citoyens ensants, l'idée du « gou- tion première est rendue inopé- vue du bien commun. Tel est lavernement économi- rante par la double qualification, conception républicaine que l'on

que » européen est à la mode, et économique et européenne, qui trouve par exemple _ chez Tho-nuance d'une pointe de réfor- est censée donner de la densité à "^as d'Aquin (2), qui ne sauraitm i sme l es d i k t a t s de l a Pensée l a p ropos i t i on sus - i nd i quée . On ^ 4 . . -unique. Les socialistes en ont devine aisément, dans le pro

gramme socialiste plus que chezJean Boissonnat, la recherched'une puissance capable d'équilibrer la banque centrale européenne. Mais le projet d'ungouvernement économique qui

proclamé la nécessité, et JeanB o i s s o n n a t a d o n n é à l a f o r m u l el 'éc la t qu i magn i f ie les mots ,dés lors qu'ils sont prononcésp a r u n a n c i e n m e m b r e d uConseil de politique monétairede la Banque de France.

Hélas, le prestige de l'éminentjournaliste ne change rien àl'affaire. En tant que telle, laproposition de « gouvernementéconomique » ne vaut rien. Elleméri te cependant l 'at tent ioncomme symptôme d'un malaiseprofond, et doit être combattue àc a u s e d e l ' i n t e n t i o n s u b v e r s i v eque masque une piètre argument a t i o n .

Examinons le symptôme. Iltraduit l'angoisse de certainsdirigeants européens, qui commencent à s'apercevoir quel'hypothétique monnaie uniquene peut relever de la seule

être réduite à ime simple gestionde l'économie - surtout quandelle est fondée sur im principede « l ib re concurrence » manifestement destructeur du l iensocial .

S'il devait être organisé, ce« gouvernement économique »

ferait contrepoids à l'établisse- serait qu'un comité de surment monétaire procède d'une veillance sans légitimité ni auto

rité, une fausse fenêtre de plusdans le décor européen. Cela dit,la proposition reste dangereusement significative. Ce n'est paspar hasard qu'elle séduit la gauche « réa l i s te » e t Jean Bo issonnat, figure emblématique ducentrisme bien-pensant - tendisque le directeur de Libérationproclame la « fin de l'Étet-nation » (3). L'intention commune est de réduire _ au maximum le pouvoir politique, pourremplacer le gouvernement desvolonté de symétrie abstraite, et hommes par l'admimstration des

surtout insensée. L'erreur, choses - selon l'utopie desgestion d'une autorité monétaire magistrale, vient une fois de marxistes et des libéraux dont(la banque centrale européenne) plus de cette manie technocrati- Boissonnat souligne, à justeagissant selon de pures considé- que qui consiste à traiter les f^h-e, l'étroite parenté,rations techniques. D'où l'aver- questions complexes comme H arrive que les braiments d'untissement lancé par Jean Bois- autant de « dossiers » séparés : ̂ ne soient le signe d'un vérite-sonnat : « Sans un gouverne- on traite l'agriculture, on dis- hle danger. Car là où l'institu-ment économique européen, serte sur « l'adjonction du politique dépérit, l'hommei'euro sera menacé d'expio- social », on se prépare à boucler devient un loup pour l'homme.sion » (1). D'un bavardage insi- le dossier monétaire, comme si

les phénomènes économiquesn'étaient pas inscri ts dansl'ensemble des relations sociales, comme si la monnaie n'étaitpas la conséquence d'un acte

pide sur la moimaie, assorti desâneries dogmatiques appriseschez le gouverneur Trichet, surgit une vérité partielle, intuitive,m a i s t o u t d e m ê m e b o n n e àentendre : pas de monnaie sans politique...gouvernement, pas de monnaie Ce qui nous conduit à l'ineptiesans pouvoir légitime et souve- centrale : un « gouvernementr a i n . é c o n o m i q u e » e s t u n n o n - s e n s .

12

Bertrand RENOUVDSf

(1) Entretien publié par Le Monde ùm28 janvier 1997.

(2) De legimine piincipum dont jeme permets de conseiller la relecture àM. Boissonnat, puisqu'il exprimevolontiers sa conviction catholique.

(3) Laurent Joffrin, tribune du 31janvier 1997. Nous y reviendrons.