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1 - ~rspective sur une maladie, une thérapeutique Évaluation de l'infarctus du myocarde en IRM kd,"~%$ Hapital Haut-Levêque, Bordeaux Une approche très évolutive, avec les séquences d'acquisition rapide actuelles : ciné-IRM, séquences TRUE-FISP, rehaussement, SPAMM.. . infarctusdu myocarde (IDM) se définit comme une nécrose cardiomyocytaire d'origine ischémique. Sur le plan histologique, la zone de I'infarctus est complexe : elle associe des plages de myocarde nécrosé qui évolueront vers la fibrose et des plages de myocarde viable (hibernation, sidération) susceptibles de récupé- rer une fonction normale, soit spontanément, dans le cadre de la sidération, soit après un geste de revascula- risation, dans le cadre de l'hibernation. La reperfusion pré- coce (thrombolyse ou angioplastie) est le moyen le plus efficace pour réduire l'étendue de I'IDM et améliorer le pronostic fonctionnel et vital à court et long termes. Elle permet de préserver la fonction VG et d'améliorer la sur- vie. Mais le bénéfice de cette reperfusion peut être limité par la survenue d'un no-reflowqui correspond à l'absence de restauration d'un débit de perfusion myocardique nor- mal, malgré une recanalisation coronaire optimale. L'IRM se développe en pathologie cardiaque depuis une vingtaine d'années. Elle permet une analyse morpholo- gique adaptée à la triple obliquité du coeur. Le développement de séquences permettant une acqui- sition rapide en apnée associée à la multiplication des plans de coupes et l'utilisation d'antennes en réseau phasé ont permis la réalisation d'examens dynamiques d'excel- lente qualité autorisant une analyse de la fonction cardiaque. L'utilisation récente de produit de contraste paramagnétique complète l'exploration cardiaque, en apportant des renseignements sur la perfusion myocar- dique. L'IRM est donc devenue un outil adapté pour éva- luer I'IDM. Étude fonctionnelle du ventricule gauche L'étude fonctionnelle du ventricule gauche peut être réa- lisée en ciné-IRM à partir de séquences en écho de gra- dient segmentées où le sang apparaît blanc et le myo- carde en signal intermédiaire et, plus récemment, de séquences de type TRUE-FISP (Fast Field Echo équilibrées - balanced FFE). Ces séquences rapides permettent la réalisationde plusieurs images d'un même plan de coupe à différentes phases du cycle cardiaque. Elles sont réali- sées en apnée (d'une quinzaine de secondes environ) et synchronisées à I'ECG. L'ensemble du ventricule gauche est étudié en quelques apnées avec une excellente réso- lution spatiale. La visualisation en boucle de ces images permet une évaluation de la cinétique cardiaque. Comme I'échographie, I'IRM visualise directement le déplacement et l'épaississement des parois ventriculaires. Elle a I'avan- tage par rapport à I'échographie de pouvoir explorer l'ensemble du myocarde, segment par segment, en diastole et en systole. Lors d'un IDM, une diminution de AMC pratique / no 155 / février 2007

Évaluation de l’infarctus du myocarde en IRM

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Page 1: Évaluation de l’infarctus du myocarde en IRM

1 - ~rspective sur une maladie, une thérapeutique

Évaluation de l'infarctus du myocarde en IRM

kd,"~%$ Hapital Haut-Levêque, Bordeaux

Une approche très évolutive, avec les séquences d'acquisition rapide actuelles : ciné-IRM, séquences TRUE-FISP, rehaussement, SPAMM.. .

infarctus du myocarde (IDM) se définit comme une nécrose cardiomyocytaire d'origine ischémique. Sur le plan histologique, la zone de I'infarctus est

complexe : elle associe des plages de myocarde nécrosé qui évolueront vers la fibrose et des plages de myocarde viable (hibernation, sidération) susceptibles de récupé- rer une fonction normale, soit spontanément, dans le cadre de la sidération, soit après un geste de revascula- risation, dans le cadre de l'hibernation. La reperfusion pré- coce (thrombolyse ou angioplastie) est le moyen le plus efficace pour réduire l'étendue de I'IDM et améliorer le pronostic fonctionnel et vital à court et long termes. Elle permet de préserver la fonction VG et d'améliorer la sur- vie. Mais le bénéfice de cette reperfusion peut être limité par la survenue d'un no-reflowqui correspond à l'absence de restauration d'un débit de perfusion myocardique nor- mal, malgré une recanalisation coronaire optimale. L'IRM se développe en pathologie cardiaque depuis une vingtaine d'années. Elle permet une analyse morpholo- gique adaptée à la triple obliquité du cœur. Le développement de séquences permettant une acqui- sition rapide en apnée associée à la multiplication des plans de coupes et l'utilisation d'antennes en réseau phasé ont permis la réalisation d'examens dynamiques d'excel- lente qualité autorisant une analyse de la fonction

cardiaque. L'utilisation récente de produit de contraste paramagnétique complète l'exploration cardiaque, en apportant des renseignements sur la perfusion myocar- dique. L'IRM est donc devenue un outil adapté pour éva- luer I'IDM.

Étude fonctionnelle du ventricule gauche L'étude fonctionnelle du ventricule gauche peut être réa- lisée en ciné-IRM à partir de séquences en écho de gra- dient segmentées où le sang apparaît blanc et le myo- carde en signal intermédiaire et, plus récemment, de séquences de type TRUE-FISP (Fast Field Echo équilibrées - balanced FFE). Ces séquences rapides permettent la réalisation de plusieurs images d'un même plan de coupe à différentes phases du cycle cardiaque. Elles sont réali- sées en apnée (d'une quinzaine de secondes environ) et synchronisées à I'ECG. L'ensemble du ventricule gauche est étudié en quelques apnées avec une excellente réso- lution spatiale. La visualisation en boucle de ces images permet une évaluation de la cinétique cardiaque. Comme I'échographie, I'IRM visualise directement le déplacement et l'épaississement des parois ventriculaires. Elle a I'avan- tage par rapport à I'échographie de pouvoir explorer l'ensemble du myocarde, segment par segment, en diastole et en systole. Lors d'un IDM, une diminution de

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l'épaississement systolique régional est observée et est asso- IRM de perfusion : ciée à un amincissement en diastole de la paroi infarcie. étude du rehaussement myocardique II est également possible, à partir des séquences ciné- IRM, de quantifier les différents paramètres fonction- Après injection intraveineuse de chélates de gadolinium, nels du ventricule gauche (masse myocardique, volumes le myocarde normal présentera une augmentation de I'in- ventriculaires, fraction d'éjection systolique). L'IRM est tensité du signal suivie par le lavage myocardique. C'est devenue la méthode de référence pour la quantification le rehaussement myocardique normal : prise de contraste des paramètres fonctionnels, car elle permet une approche rapide sur les images de premier passage » (c 1 min), 3D du cœur. L'analyse de ces paramètres peut être avec lavage progressif au cours des dix minutessuivantes. manuelle (approche de type Simpson) ou semi-automa- Le gadolinium, administré par voie intraveineuse, modi- tique, à l'aide de logiciels comme ARGUS ou MASS. Les fie les temps de relaxation de l'eau et des tissus, per- séquences en ciné-IRM sans et avec tagging (fig. 1) [le myo- mettant d'accentuer la détection des tissus myocardiques carde apparaît marqué ou c tatoué » pathologiques (œdème, infiltra- par des lignes noires orthogonales qui AU centre de la u>ne &IDM. tion cellulaire). Après un infarctus se déforment lors de la contraction 1, temtoire ne se du myocarde, les différences de myocardique, ce qui permet une prise de contraste et de lavage

pas apparait en hyposignal. exploration non invasive de la contrac- myocardique permettent de défi-

en généra' so~ndocardique. nir deux situations physiopatho- tion pariétale, de l'épaississement segmentaire et du raccourcissement logiques différentes. circonférentiel] permettent de visualiser un trouble de la D'abord, au centre de la zone de myocarde infarci, il y a cinétique pariétale et donc d'appréhender un trouble de souvent un territoire qui ne se rehausse pas : il apparaît la fonction contractile secondaire à la nécrose myocardique. en hyposignal « hypoenhanced » par rapport au myocarde Le principe du tagging ou SPAMM repose sur I'adminis- sain ou même nécrosé (fig. 2). Cette région, qui se situe tration d'une pré-saturation du myocarde sous la forme en général en sous-endocardique, correspond à des obs- de lignes parallèles ou d'une grille. Ces repères visuels tructions microvasculaires, c'est-à-dire un territoire myo- vont subir la même déformation que le myocarde et per- cardique non reperfusé, malgré la restauration d'un flux mettre le diagnostic d'une hypokinésie ou d'une akinésie. au sein de l'artère coronaire épicardique. Cette zone de La limite de cette technique réside dans l'épuisement rapide no-reflow a une prise de contraste très lente, supérieure de cette pré-saturation qui induit une disparition des repères à cinq minutes. L'interprétation de I'hyposignal est la sui- au fi l du cycle cardiaque. On peut réduire cet inconvé- vante : après une ischémie profonde et prolongée, il peut nient en n'imageant que la phase systolique. exister au cœur de l'infarctus des lésions cellulaires sévères

avec nécrose des myocytes et obstruction des capillaires Diagnostic de l'infarctus du myocarde par des débris cellulaires. La sévérité des lésions cellulaires Les séquences pondérées T l sans injection de contraste myocardiques est telle que la restauration d'un flux coro- ne permettent pas de distinguer I'infarctus par rapport naire n'entraîne pas de reperfusion tissulaire. L'hyposignal au myocarde sain. précoce après injection de gadolinium traduit l'existence

Lim et al. ont montré que les séquences turbo spin-écho de cette zone de no-reflow, et donc de tissu non viable. en pondération T2 réalisées en apnée permettent le dia- gnostic d'infarctus du myocarde avec une excellente réso- lution spatiale, en un temps d'examen raisonnablement court. A la phase aiguë, I'infarctus du myocarde se pré- sente comme un hypersignal plus ou moins étendu. Cette séquence permet de préciser le siège et l'étendue de I'in- farctus, cependant elle ne permet pas de distinguer le myocarde nécrosé du myocarde viable dans la zone à risque. L'hypersignal T2 surestime donc la taille de I'in- 1 ,,,,,, , : Taggi,,g du wnthcule gauche en coupe petit farctus en incluant la zone à risque. axe : systole (flèche) et diastole.

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Évaluation de l'infarctus du myocarde en lRh

1 Étude de la viabilité myocardique

1 FIGURE 2 : Hyposignal antéroseptai témoignant d'une obstruction microvasculaire (flèche).

Le centre de I'infarctus est caractérisé par l'absence de marquage histochimique au l T C et présente des lésions cellulaires irréversibles en microscopie électronique. Pour plusieurs auteurs, la taille réelle de I'infarctus apparaît étroitement corrélée à I'hyposignal précoce. Rogers et al. ont montré que les zones en hyposignal précoce et tardif ne montraient pas de récupération fonctionnelle sept semaines après un infarctus, malgré une reperfu- sion précoce. Wu et al. ont montré un nombre significa- tivement plus élevé de complications cardiovasculaires seize mois après un infarctus chez les patients dont I'IRM avait initialement retrouvé un hyposignal précoce, par rapport à ceux dont I'IRM était normale (45 vs 9 %). La présence et l'étendue du territoire myocardique en hypo- signal précoce au cœur d'un infarctus sont des facteurs de mauvais pronostic, liés au développement d'une cicatrice fibreuse et à un remodelage ventriculaire gauche. Ensuite, à la périphérie de cette zone, il y a souvent une prise moins rapide du contraste et surtout un lavage ralenti (> 20 min) se traduisant par un hypersignal tardif par rapport au myocarde sain. Cet hypersignal a hyperen- hanced » correspondrait à une rétention de gadolinium dans le secteur, notamment interstitiel, due à la rupture myocytaire : il peut s'agir de myocarde nécrosé (fig. 3), mais cette interprétation n'est pas totalement valable en phase aiguë; I'hypersignal est alors l'addition du myo- carde nécrosé avec l'œdème périphérique.

Viabi l i té myocardique e t rehaussement ta rd i f

L'introduction récente de I'IRM de perfusion et la mise en évidence de zones de rehaussement tardif du signal sur des acquisitions pondérées en T l après injection de sels de gadolinium en font un outil de choix dans I'éva- luation de la viabilité myocardique. Les séquences pro- posées aujourd'hui dans cette indication sont basées sur des notions simples et admises : l'acquisition d'images tar- dives après injection de sels de gadolinium, une impor- tante pondération en Tl, l'utilisation d'une inversion récu- pération avec un temps d'inversion (TI) calculé pour annuler le signal du myocarde normal, et une synchroni- sation à I'ECG. Ce consensus repose sur les travaux de Simo- netti [Il ayant mis en évidence à la fois :1) une optimi- sation du signal dans la zone de nécrose, et 2) une amélioration du rapport signal sur bruit dans l'image. La séquence estimée optimale (dite de viabilité), écho de gra- dient 2 dimensions (2D) séquence segmentée pondérée T l avec inversion récupération, permet la meilleure dif- férenciation entre myocarde normal et altéré : une lésion (aiguë ou chronique) se traduit par un hypersignal franc

1 FIGURE 3 : Hypersignal tardif inférieur non transmurai (flèche) augurant d'une bonne récupération fonctionnelle après revascularisation - Séquence Turbo FLASH 30 coupe petit axe.

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alors que le myocarde normal apparaît en hyposignal franc. Cette séquence doit être techniquement irrépro- chable et il faut un contrôle parfait de l'ensemble des para- mètres : délai d'acquisition par rapport à l'injection, concentration de sels de gadolinium injectée, détermi- nation du TI qui permet d'annuler le signal du myocarde sain. Utilisant des images reconstruites en amplitude, la performance du rehaussement tardif en inversion récu- pération est très sensible au temps d'inversion sélectionné. Une erreur de sélection du TI peut diminuer le contraste, changer l'apparence de l'image et engendrer des arté- facts dus à la perte d'informations sur la polarité. C'est pourquoi Kellman et al. ont proposé une nouvelle séquence, permettant une reconstruction des images en fonction de la phase et une normalisation de l'intensité de surface de la bobine : a Phase Sensitive Inversion Reco- veryn (PSIR). Cette séquence permet, selon les auteurs, de s'affranchir du TI et d'obtenir également un contraste opti- mal. Ces 2 séquences ont été comparées dans la littéra- ture et s'avèrent complémentaires. Judd et al. ont montré, à partir d'une étude menée sur des chiens, qu'après quatre-vingt-dix minutes d'occlu- sion et de revascularisation coronaire, environ 90 % du myocarde en hypersignal tardif n'était pas viable. Pour Kim et al., la taille et la localisation de I'hyperréhausse- ment correspondent aux Iésions myocardiques irréversibles et donc à du tissu non viable tandis que les Iésions qui ne se rehaussent pas sont des territoires viables. Kim et al. [2] ont également bien montré que l'amélioration de la contractilité régionale, après revascularisation, diminue progressivement quand l'extension en profondeur de la zone de rehaussement tardif augmente (fig. 4).

Viabilité e t IRM dynamique

Pour apprécier la mécanique contractile et sa « réserve », on teste la réponse myocardique à un inotrope, le plus souvent la dobutamine, dans des régions hypo- ou aki- nétiques. Cette approche permet de mesurer précisément l'épaisseur pariétale dont on sait qu'une mesure télé- diastolique de plus de 5,5 mm et un épaississement sys- tolique de plus de 2 mm sont prédictifs de récupération, après revascularisation [31.

1 FIGURE I : La récupération fonctionnelle des patients revascularisés est d'autant meilleure que l'extension transmurale de I'hypersignal tardif est faible [21.

L'étude de l'épaississement pariétal, désormais classique en échographie bidimensionnelle, se double en IRM de la capa- cité d'ajouter une étude tridimensionnelle parfaitement reproductible des variations de volume de la cavité ventri- culaire. Parmi les premières étudeschez lescoronariens, celle de Pennell et al. examine les anomalies de contractilité seg- mentaire chez des patients ayant un antécédent dlIDM. Pour détecter une ischémie réversible après dobutamine, ces études montrent une sensibilité de près de 91 %.

Limites de I'IRM cardiaque Les limites essentielles sont la faible disponibilité des IRM dans de nombreux centres, pour l'étude du cœur. Par ailleurs, la réalisation d'un gating »cardiaque optimal nécessite l'absence de tachycardie. Enfin, ce type d'examen est impossible chez des patients très anxieux ou claustrophobes. II est également difficilement réalisable en cas de fibrillation auriculaire.

Références

1. Simonetti O, Kim RJ, Fieno myocardial dysfunction. N Engl J Med DS, et al. An improved MRI technique 2000;343:1445-53. for visualisation of rnyocardial 3. Kaandorp TAM, Lamb HJ, De infarction. Radiology 2001;218:215-23. Roos A, Bax JJ. Cardiovascular MR.

2. Kim RJ, WU E, Rafael A, et al. to assess myocardial viability in The use of contrast-enhanced magnetic chronic ixhaemic LV dysfunction. resonance imaging to identify revenible, Heart 2005;91:1359-65.

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