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ÉVALUATION DU CONTRAT DE VILLE DE L’AGGLOMÉRATION CAENNAISE 2000 – 2006 RAPPORT FINAL Janvier 2007 Pierre BERGEL Rémi ROUAULT Sylvain FOUCHER Olivier THOMAS Direction des actions interministérielles Bureau du développement local et des politiques contractuelles Centre de Recherche sur les Espaces et les SOciétés UMR – CNRS ESO 6590

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ÉVALUATION DU CONTRAT DE VILLE

DE L’AGGLOMÉRATION CAENNAISE

2000 – 2006

RAPPORT FINAL

Janvier 2007

Pierre BERGEL Rémi ROUAULT Sylvain FOUCHER Olivier THOMAS

Direction des actions interministérielles

Bureau du développement local et des politiques contractuelles

Centre de Recherche sur les Espaces et les SOciétés

UMR – CNRS ESO 6590

Évaluation finale du contrat de ville de l’agglomération caennaise. Extrait du cahier des charges.

L’évaluation finale du contrat de ville de l’agglomération caennaise se situe dans la continuité de l’évaluation à mi-parcours conduite par l’université de Caen Basse-Normandie sur la thématique « emploi, insertion » dont la qualité du travail de recherche et d’analyse conduit par le Professeur Rober Hérin a été remarquée par la Délégation Interministérielle à la Ville. Fort de cette expérience positive et du partenariat engagé, le Préfet du Calvados a souhaité confier à l’université la réalisation de l’évaluation finale du contrat de ville de l’agglomération caennaise. À noter que cette démarche d’évaluation s’inscrit également dans des partenariats plus généraux, noués dans le domaine de la formation. Dans le cadre de la Licence Professionnelle « Métiers de la ville et de l’intervention sociale » et du Master II Professionnel « Politiques de la ville, morphologies urbaines, interventions sociales », des agents de la Préfecture du Calvados interviennent régulièrement auprès des étudiants et prennent en charge l’organisation et le suivi des stages de fin d’étude. La mission confiée au CRÉSO vise à explorer deux aspects de l’expression 2000 – 2006 du contrat de ville de l’agglomération caennaise :

1. D’une part, l’analyse financière et qualitative de synthèse des sept années de programmation du contrat de ville. Cette analyse portera sur l’ensemble du contrat et sur chaque année de programmation et ce pour les cinq thématiques de la loi Borloo du 1er août 2003 :

- emploi et développement économique - améliorer l’habitat et l’environnement urbain - santé : développer la prévention et l’accès aux soins - améliorer la réussite scolaire - sécurité et tranquillité publique - mobiliser les services publics.

2. D’autre part, l’illustration exemplaire des effets de la démarche contrat de ville à travers

la mise en valeur d’opérations financées sur deux thèmes d’intervention : « améliorer la réussite scolaire et « sécurité et tranquillité publique (…).

Méthode proposée.

2

1. Pour ce qui concerne la mesure de l’impact des crédits politique de la ville, il s’agira principalement de mesurer la mobilisation des moyens financiers (en distinguant fonctionnement et investissement), selon la territorialisation des interventions financières. Ce premier travail d’identification réalisé, il s’agira d’analyser en terme d’impact proprement dit pour chacune des composantes retenues, l’effet de ces moyens financiers, leur efficacité, ceci par rapport aux finalités de l’action proposée.

2. Pour ce qui est de l’illustration des effets de la démarche contrat de ville, il conviendra pour les thèmes « améliorer la réussite scolaire » et « Sécurité et tranquillité publique » d’évaluer trois opérations réalisées dans chacun de ces deux secteurs. Cette démarche portera sur une analyse du contenu de ces thématiques et des sous-thématiques qui les composent. Pour les opérations les plus représentatives, il s’agira d’en mesurer l’impact et les effets par rapport aux objectifs affichés, à la fois en terme de publics et de territoires concernés. Il conviendra notamment de mettre en valeur les partenariats engagés ou suscités (écoles, associations, acteurs sociaux, partenaires privés ou publics…), ainsi que l’implication des habitants des quartiers dans lesquels ces actions se sont déroulées. (…)

En dernier lieu, ce travail d’évaluation sur la base des travaux et études réalisées proposera des recommandations et préconisations qui serviront de cadre de réflexion à l’élaboration de la prochaine génération de contrats de ville. Dans la mesure du possible, elles prendront en compte les instructions du Ministre délégué au logement et à la ville relatives à la nouvelle génération de contrat de ville, et son reformatage (rapports de Henri Segard et de Pierre André).

Équipe d’évaluation

Responsable scientifique :

Pierre BERGEL. Maître de conférence en géographie, chercheur au CRÉSO, responsable du Master II professionnel « Ville ». Responsable administratif :

Rémi ROUAULT. Professeur des Université en géographie, directeur du CRÉSO. Chargés d’étude :

Sylvain FOUCHER. Diplômé du Master II professionnel « Ville ». Olivier THOMAS.

3

Doctorant du CRÉSO, thèse en cours sur les questions de la sécurité publique en ville.

SOMMAIRE

4

Première partie : LA POLITIQUE DE LA VILLE : QUELS CONTENUS ? QUELLES SIGNIFICATIONS ?…………………………………………………………………………………………...p. 6. Deuxième partie : ÉVALUATION FINANCIÈRE DU CONTRAT DE VILLE DE L’AGGLOMÉRATION CAENNAISE………….………………………………………………………………………………………p. 50.

Troisième partie : ÉVALUATION DE LA THÉMATIQUE « AMÉLIORER LA RÉUSSITE SCOLAIRE » DU CONTRAT DE VILLE DE L’AGGLOMÉRATION CAENNAISE………………………………………………………...p. 126. Quatrième partie : ÉVALUATION DE LA THÉMATIQUE « SÉCURITÉ ET TRANQUILLITÉ PUBLIQUE » DU CONTRAT DE VILLE DE L’AGGLOMÉRATION CAENNAISE……………………………………………………p. 150.

« La politique de la ville (…) a eu entre autres particularités d’être très « bavarde ». Elle a suscité une masse

d’interventions officielles, de rapports, de bilans, d’évaluations et de réflexions de toute nature, vraisemblablement

sans exemple dans l’histoire de l’État. Mais cette action publique a surtout réussi à faire parler ceux qui

l’analysaient avec son propre langage. »

Gérard CHEVALIER.

Sociologie critique de la politique de la ville. Une action publique sous influence.

Paris, éditions l’Harmattan, 2005, 254 p. Citation de la p. 7.

5

1ère PARTIE

LA POLITIQUE DE LA VILLE :

QUELS CONTENUS ? QUELLES SIGNIFICATIONS ?

6

La politique de la ville, de quoi parle-t-on ? Introduction problématique.

La politique de la ville fait partie de cette nouvelle génération d’actions publiques qui

émerge en France au cours des décennies 1970 et 1980. Jusqu’alors, la tradition française met

au premier rang la logique d’un État qui « domine la société, la façonne et la transcende »

(Muller, 1994). Perceptible sur le temps long depuis le Moyen-Âge, consacrée par Louis XIII

et Louis XIV, ce qu’on dénomme parfois le colbertisme constitue une constante dans

l’organisation française des pouvoirs publics. Cette tendance connaît un regain de prestige

après la seconde guerre mondiale, le Gouvernement provisoire de la République française,

reprenant certaines des réformes engagées par le régime de Vichy, notamment dans les

domaines de la gestion urbaine et de l’aménagement du territoire. (Voldman, 1997 et

Chevalier, 2005). Sous une version remaniée, le colbertisme est consacré par la Vème

République à partir de 1958 et surtout à partir de 1962 (Avril, 1987).

À ces conceptions hégéliennes et wéberiennes de l’État omnipotent, les traditions anglo-

saxonnes opposent celles du government. Plutôt qu’un idéal extérieur à la société,

l’organisation politique y est vue comme une panoplie souple de bonnes pratiques destinées à

satisfaire des buts précis, dont la mise en œuvre doit être avant tout économe de l’argent des

contribuables. À la notion d’État, elle substitue celle de politique publique (public policy)1.

Une telle notion est récente : aux Etats-Unis, elle ne connaît pas de développements importants

avant les années 1950 tandis qu’elle apparaît en France au cours des décennies soixante et

soixante-dix. Simultanément, se développent les premières études de politiques publiques en

langue française, qui prennent pour objet l’étude de l’État en action (Jobert et Muller, 1987). À

partir de cette période, ce champ se structure comme une branche des études politiques, à mi-

chemin entre des investigations plus classiques (comportements électoraux, par exemple) et les

recherches moins théoriques et plus opérationnelles du management public.

À première vue, la politique de la ville semble donc appartenir à une manière anglo-saxonne

d’organiser l’action des pouvoirs publics. De ce fait, elle semble s’opposer aux manières

colbertistes et dirigistes qui ont façonné l’histoire politico-institutionnelle de la France.

Présentée depuis trois décennies comme innovante et moderniste, elle préfigurerait une réforme

1. Le lexique anglais distingue classiquement entre la public policy, chargée de mettre en œuvre des programmes d’action sur des thèmes précis et la politics qui, dans le monde anglo-saxon, qualifie les débats et les actions de politique générale.

7

en profondeur de l’action publique, en vue d’un renforcement de son efficacité et de son

efficience2. La politique de la ville constituerait donc la tête de pont du modernisme anglo-

saxon, censé ébranler une administration « à la Française » prisonnière de ses traditions et de

ses conservatismes.

Les théories de l’action publique peuvent être découpées en deux grandes catégories : - les théories wébériennes de l’État omnipotent, qui domine la

société, la façonne et la transcende. - les théories anglo-saxonnes du government où l’action politique est

vue comme une panoplie souple de « bonnes pratiques » à utiliser de manière pragmatique et sans à priori idéologiques.

À première vue, la politique de la ville appartient cette seconde manière d’organiser l’action des pouvoirs publics.

Depuis les années 1980, les partisans de cette thèse s’appuient régulièrement sur les

principes innovants portés par la politique de la ville3.

- la politique de la ville s’exerce dans un cadre contractuel « par lequel

l’État, les collectivités territoriales et leurs partenaires s’engagent à mettre en

œuvre de façon concertée des politiques territorialisées de développement

solidaire et de renouvellement urbain ». Un tel cadre implique donc

l’interministérialité et la transversalité.

- la politique de la ville est une politique territorialisée « Le contrat de ville

doit (par ailleurs) comporter des interventions sur des sites prioritaires définis

2 Pour la définition de ces deux notions, voir deuxième partie, document 3, p. 43.

8

3 Pour une synthèse de ces principes, voir la Circulaire du Premier Ministre en date 31 décembre 1998 relative aux contrats de ville 2000 – 2006. JORF du 15 janvier 1999.

localement (îlot, quartier, ensemble de quartiers...). Ces sites pourront évoluer

au cours du contrat. Pour autant, cette plus grande souplesse ne devra pas

conduire à une dispersion des actions sur l'ensemble de la ville ou de

l'agglomération ».

- la politique de la ville précède une réforme plus globale de l’action

publique : « Le contrat de ville ne doit pas se limiter à une déclaration

d'intention assortie d'une programmation indicative de moyens. Il doit

constituer le cadre d'une véritable recomposition de l'action publique de lutte

contre les processus de ségrégation urbaine et sociale, au service de

programmes d'action finalisés, comportant des objectifs précis et des

obligations de résultats, dans une logique de projet territorial ».

- enfin, la politique de la ville est inséparable d’une démarche d’évaluation :

« Les principes d'une évaluation en continu associant les habitants et les

moyens qui y seront consacrés devront être définis dans la convention

cadre »4.

En première approche, la politique de la ville présente quatre caractéristiques principales : - elle s’exerce dans un cadre contractuel impliquant la transversalité

et l’interministérialité. - c’est une politique territorialisée. - elle précède une réforme globale de l’action publique

- elle implique une démarche d’évaluation partagée et démocratique.

4 Les citations qui précèdent sont tirées de la circulaire de 1998, précédemment citée.

9

Examen de quelques faux-semblants.

À partir de l’évaluation du contrat de ville de l’agglomération caennaise pour la période

2000 - 2006, nous démontrerons que ces principes, censés guider la politique de la ville, ne

reçoivent qu’une mis en œuvre limitée sur le terrain. Contrairement aux déclarations

régulièrement affichées par les pouvoirs locaux ou les administrations centrales compétentes

(Délégation interministérielle à la ville, notamment), l’évaluation du contrat de ville de

l’agglomération caennaise montre en effet que la politique de la ville est :

- faiblement contractuelle,

- faiblement territorialisée,

- faiblement innovante

- peu susceptible d’être évaluée.

L’examen des mesures mises en œuvre dans l’agglomération caennaise révèle au contraire

que les modes d’actions classiques de l’action publique continuent d’être prioritairement

utilisés (action sectorielle, aide aux personnes, etc.), à rebours des discours tenus dans les

documents de cadrage5. Bien qu’elle ait pour elle la simplicité, la thèse du caractère inédit de la

politique de la ville ne résiste donc pas à l’examen des faits. Contrairement à ce que pourrait

laisser supposer un examen trop rapide, la politique de la ville, depuis qu’elle existe, ne

semble pas constituer un laboratoire pour le développement d’actions publiques dérivées

du modèle anglo-saxon. Classique dans sa mise en œuvre, elle se cale sur les modes ordinaires

de fonctionnement de l’administration française plus qu’elle ne les bouscule. Si la philosophie

ayant présidé à l’invention de la politique de la ville s’inspire des théories anglo-saxonnes du

governement, sa mise en œuvre s’adapte au mode français de l’action publique. Plus qu’un

corps étranger à la tradition française, elle doit donc être interprétée comme le fruit d’un

compromis entre un colbertisme autochtone et des théories importées du monde anglo-saxon.

5 Notamment, la Convention cadre du contrat de ville de l’agglomération caennaise (août 2000) et l’Avenant à cette convention ((février 2004).

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L’évaluation du contrat de ville de l’agglomération caennaise montre que les principes du governement à l’anglo-saxonne reçoivent une application limitée sur le terrain. En effet, le contrat de ville de l’agglomération caennaise est : - faiblement contractuel - faiblement territorialisée - faiblement innovant - peu susceptible d’évaluation. L’examen du contrat de ville de l’agglomération caennaise révèle des modes d’action publique qui restent conformes à la tradition française, même si la philosophie ayant présidé à l’invention de la politique de la ville s’inspire de théories anglo-saxonnes importées.

Si la politique de la ville est moins étrangère qu’il n’y paraît à l’héritage

anticonstitutionnellement national, elle apparaît cependant comme un objet exotique.

L’omniprésence des opérateurs associatifs dans sa mise en œuvre, la profusion d’un lexique

déroutant6 en font un mixte entre le militantisme, le bénévolat et une action publique plus

classique (Chevalier, 2005). Couramment présentées comme des atouts permettant la réactivité

et la proximité, l’étude du contrat de ville de l’agglomération caennaise montre que ces

caractéristiques ont plutôt pour effet d’en renforcer le caractère peu lisible. Appréciées

positivement à l’ordinaire, de telles caractéristiques apparaissent finalement comme des

obstacles à une évaluation pertinente.

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6 Citons pêle-mêle et sans que cette liste soit exhaustive : le territoire, la contractualisation, la transversalité, la participation des habitants, les associations. Ces « mots-valise » seront analysés plus en détail dans la suite de cette première partie.

Quatre propositions en forme d’hypothèse

Utilisées comme hypothèse dans l’étude qui suit, les analyses ci-dessus conduisent aux

quatre propositions suivantes :

Proposition 1. Dans le contexte français qui se construit à partir de la

deuxième moitié de la décennie soixante-dix, la politique de la ville

exprime dans l’action un compromis qui se noue entre des modes anciens

et autochtones de l’action publique et des théories extérieures, qui gagnent

en hégémonie dans un contexte d’ouverture économique et d’intégration

européenne. Portées par des réformateurs actifs au sein de l’appareil d’état ou

par des groupes d’opposition politique et sociale issus de la mouvance de Mai-

68, ces velléités de renouvellement doivent composer avec les modes anciens

de l’action publique (Bourdieu, 2000 et Chevalier, 2005).

Proposition 2. D’une genèse complexe la politique de la ville est donc

fondée sur des équilibres fragiles. Plus que la qualité intrinsèque des

mesures prises et la compétence des agents qui la mette en œuvre, c’est cette

spécificité génétique qui explique son caractère abscons et illisible ainsi que

l’inefficacité relative des mesures mises en œuvre sous son label.

Proposition 3. Une telle genèse explique également les difficultés

auxquelles se heurte toute opération d’évaluation, alors même que cette

dernière est posée comme un impératif par les initiateurs de la politique

de la ville. Selon eux, les politiques de la ville, « bonnes pratiques »

judicieuses et consensuelles, ne peuvent que sortir renforcée des épreuves de

l’évaluation, cette dernière démontrant inévitablement combien elles sont

efficaces, efficientes et portées par un taux élevé d’adhésion.

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Proposition 4. Il y a donc une idéologie de la politique de la ville

(Chevalier, 2005). Contribuant à la construction d’un genre d’action public

nouveau en France, cette idéologie a pour effet d’obscurcir la compréhension

des enjeux sociétaux et politiques liés à l’aménagement et à la gestion des

villes, particulièrement dans les espaces où se concentrent les difficultés

(Maurin, 2004). À toutes les échelles (du quartier à l’aire urbaine), cette

idéologie contribue en outre à développer de fausses grilles de lectures sur la

ville, tant spatiales que sociales.

L’évaluation du contrat de ville de l’agglomération caennaise proposée par le CRÉSO

vise donc à s’abstraire de l’idéologie de la politique de la ville afin d’éviter de reproduire

des discours circulaires sans efficacité opératoire. Il s’agira donc de sortir du piège des mots

dont la politique de la ville s’est dotée pour justifier son action depuis le milieu des années

19807. Plus que par choix intellectuel, une telle posture est dictée par un souci de pertinence

pratique. Elle sera retenue dans le présent rapport d’évaluation car elle semble être la seule

susceptible de conduire à une évaluation opératoire du contrat de ville de l’agglomération

caennaise pour la période 2000 – 2006.

Parcours critique dans la bibliographie.

En l’appliquant à la politique de la ville, nous reprendrons donc à notre compte la question

posée par Pierre Muller (Muller, 1994) : la politique de la ville change-t-elle la vie politique ?

En dépit d’une bibliographie pléthorique, il est paradoxalement difficile de répondre à une telle

question. Malgré une multitude de références, les analyses théoriques et pratiques

concernant la politique de la ville sont souvent pauvres et répétitives. Le constat est

identique en ce qui concerne la littérature institutionnelle et opérationnelle. Bien qu’elle soit

bavarde sur elle-même, la politique de la ville manque paradoxalement de lisibilité et de

transparence, ce qui rend ce type de littérature peu utilisable.

Invoquant une évaluation en continu des pratiques et des dépenses les auteurs peinent en

effet à présenter des méthodes et des bilans crédibles. Présentée comme un laboratoire en

matière de réforme de l’État, voire comme la matrice d’un nouveau contrat social entre les

citoyens et les pouvoirs, la politique de la ville empile procédures, financements,

particularismes locaux dans des montages complexes, peu compréhensibles et difficilement

évaluables. Les rares analyses percutantes et les propos les plus libres sont paradoxalement à

chercher dans les rapports de parlementaires ou ceux qui émanent de grands corps de l’État

(Cour des Comptes, 2002. CAE, 2002, par exemple). Nous inspirant de ce dernier corpus, nous

serons donc amenés à développer des méthodes inédites d’évaluation, qui seront exposées au

cours des deuxièmes et troisièmes parties de ce rapport.

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7 Cf. citation de Chevalier, 2005 en exergue.

En revanche, nous prendrons délibérément des distances avec les autres sources, ce qui nous

conduira à bannir différents ordres de discours. Nous négligerons le paradigme du fatalisme

(« dans la politique de la ville, les intentions sont bonnes, mais… »), de l’ésotérisme (« on ne

sait pas quels sont les résultats de la politique de la ville mais si on la supprimait ce serait

certainement pire » ) ou de la tromperie sur la marchandise (« on ne sait rien des résultats de

cette politique mais on sait qu’elle a pour principal effet de renforcer les coopérations entre

ses opérateurs. Ce qu’il faut évaluer, ce n’est donc pas son efficacité ni son efficience mais sa

capacité à mettre en réseau »).

À la place, nous tenterons d’évaluer les réalisations de terrain à l’aune des présupposés

politiques, idéologiques, culturels dont cette politique est porteuse et qui ont été énumérés

plus haut. Orientation théorique, cette option visera prioritairement à apporter de la clarté

opérationnelle à la demande d’évaluation formulée par le commanditaire. Sur le plan pratique,

une telle posture débouche sur des questions qui, à leur tour, structureront le programme de

recherche de l’équipe d’évaluation.

Deux questions d’évaluation, une méthode à deux étages.

Évaluation a posteriori, l’évaluation du contrat de ville de l’agglomération caennaise

proposée par le CRESO se propose de répondre à deux questions d’évaluation, qui

structureront l’ensemble du rapport.

1/ Quels bénéfices les publics ont-ils obtenu des dispositifs inscrits

dans le contrat de ville ?

2/ En quoi les mesures inscrites dans le contrat de ville ont-elles

concouru à assurer la convergence des quartiers prioritaires avec

le reste de l’agglomération ? Ces mesures permettent-elles

d’envisager à terme un retour de ces espaces prioritaires au sein

du droit commun de la ville ? 8

Pour répondre à ces deux questions, l’équipe d’évaluation propose une démarche

comprenant deux étages de recherche : 8 Cf. Pilote de l’évaluation des contrats de ville. Éd. de la DIV, 79 p. Chapitre 1.4 « Des questionnements structurants ». Ces deux questions sont mentionnées parmi d’autres à la p. 21.

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Premier étage, une analyse physique et financière des actions inscrites au

contrat de ville pour la période 2000-2006 (deuxième partie du présent

rapport).

Deuxième étage, une analyse qualitative sous forme d’entretiens auprès

des opérateurs de la politique de la ville et auprès des bénéficiaires des

actions du contrat de ville pour les deux thématiques « améliorer la

réussite scolaire » et « sécurité et tranquillité publique ».

Répondre à la première question suppose de lever des obstacles méthodologiques lourds. Il

est nécessaire de procéder à un suivi des sommes engagées au titre du contrat de ville. En

théorie, ce suivi est possible par l’exploitation du système Poliville sous logiciel File Maker.

Mais un tel travail ne parvient pas à réduire suffisamment une marge d’incertitude se situant

aux trois phases du cycle financier :

1/ En phase amont, les sommes annoncées dans la convention-cadre du

contrat de ville sont à « géométrie variable » car une part importante

entre dans le cadre de dépenses qui auraient été de toute façon

effectuées hors contrat de ville.

2/ En phase intermédiaire, les montants affichés dans le contrat de ville

ne correspondent pas aux montants réellement engagés. Quantifier

cet écart suppose d’examiner les budgets des différents partenaires du

contrat de ville. L’inadéquation entre les actions annoncées et les

chapitres des documents budgétaires des collectivités territoriales rend

délicates les interprétations tirées de ces analyses.

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3/ Ces sommes étant majoritairement dépensées sous forme de

subventions à des associations, l’évaluation suppose enfin, en phase

aval, que soient analysés les actions et les bilans financiers de ces

dernières. Compte tenu des difficultés d’accès à leurs documents

comptable, compte tenu de leur imprécision et du flou lié aux

contours géographiques de l’activité associative, pas forcément

effectuée dans le cadre strict des zonages de la politique de la ville,

une analyse financière dans le cadre de la politique de la ville est

également très délicate à mener.

Pour contourner ces obstacles, l’équipe d’évaluation propose la démarche suivante :

1/ La conversion sous Excel des données disponibles sous File Maker afin de

faciliter les traitements.

2/ L’examen des budgets des contributeurs du contrat de ville afin de

quantifier les montants financiers réellement dépensés. Ces sommes seront

comparées aux montants annoncés dans les différents documents

contractuels et à ceux enregistrés dans Poliville.

3/ L’examen de l’activité de quelques associations, diverses par leurs tailles

et leur dates de création, sur les deux thématiques privilégiées par l’étude

qualitative (réussite scolaire, sécurité et tranquillité publique).

Même correctement mené, le suivi physique et financier ne suffit pas à proposer une

évaluation suffisante. Pour un Euro dépensé, nul ne peut dire à priori quelle est l’efficacité

d’une action comparativement à telle autre. Telle action peu gourmande financièrement peut

avoir d’importantes conséquences positives auprès des bénéficiaires alors qu’une autre, plus

dispendieuse, peut se révéler iutile. Telle action peut « marcher » une année et peut se révéler

sans effet l’année suivante, etc. Pour traiter cet aspect, l’équipe d’évaluation propose une

démarche qualitative au moyen de trois séries d’entretiens.

1/ Des entretiens auprès de techniciens et acteurs de la politique de la

ville. Sous forme d’ateliers thématiques, chaque séance rassemblera cinq

ou six personnes engagées dans la politique de la ville de l’agglomération.

Ces séances permettront de récolter du matériel d’enquête et,

simultanément, de faire participer les interlocuteurs à la construction de

l’évaluation.

2/ Des entretiens individuels menés sur site.

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3/ Des entretiens et des observations informelles auprès de bénéficiaires

potentiels du contrat de ville. Des entretiens informels ont notamment été

menés auprès de « jeunes en galère » dans le cadre de l’évaluation

qualitative de la thématique « sécurité et tranquillité publique » (troisième

partie du rapport).

Conclusion.

Le caractère foisonnant de la politique de la ville rend hasardeuse toute démarche

d’évaluation alors que cette dernière est posée comme un des fondements de ce type d’action

publique. S’appliquant à un objet impossible, cette injonction à l’évaluation condamne les

évaluateurs à tourner en rond, coincés qu’ils sont entre truismes et silence. De fait, dans le

domaine de la politique de la ville, l’examen de la littérature concernant l’évaluation des

politiques de la ville donne souvent à lire des discours répétitifs et artificiels.

Pour éviter de tomber dans cette impasse, pour éviter de parler le propre langage de la

politique de la ville, l’équipe d’évaluation se propose d’adopter une posture critique.

Si la politique de la ville est foisonnante, ce n’est pas parce qu’elle est innovante face à de

prétendus conservatismes. Son caractère illisible – et donc inévaluable – tient plutôt à une

genèse complexe, faite de compromis entre une manière anglo-saxonne d’envisager l’action

publique et des pratiques enracinées dans la tradition politico-institutionnelle française.

De ce fait, les catégories qui fondent l’action de la politique de la ville : territoire, contrat,

transversalité, participation des habitants, initiative des associations, etc. constituent des

artefacts sans efficacité opératoire. Destinés à donner son originalité à une action publique née

dans les années 1980, ils ne sont d’aucun secours pour orienter une intervention sociale par

ailleurs indispensable dans les quartiers difficiles.

Malgré eux et sans en avoir vraiment conscience, les décideurs et les opérateurs qui agissent

sur le terrain sont confrontés à cette vacuité théorique. Par habitude plus que par conviction ils

y adhèrent sans forcément se rendre compte que cet appareillage intellectuel entrave leur action

plus qu’elle ne la facilite.

17

18

Comme premier élément de cette évaluation, l’équipe du CRÉSO se propose donc de

déconstruire et de critiquer quelques-unes des évidences théoriques censées fonder la politique

de la ville. Successivement, ce seront les notions de territoire, de contrat, de démocratie

participative et d’activité associative qui seront passées en revue.

Le territoire social : une notion floue, un objet politique complexe.

L’émergence des politiques territorialisées.

Les politiques publiques peuvent être divisées en deux grandes catégories. La première,

largement majoritaire, n’est spatiale que de manière implicite. Il s’agit de la quasi-totalité des

politiques publiques (environ 50 % du PIB total). Leurs conséquences redistributives ont de

grands effets spatiaux, même si ce n’est pas leur objectif premier. Par exemple, on estimait en

2001 que la région Île-de-France contribuait annuellement pour environ 200 milliards de

Francs au développement des autres régions françaises, notamment par le biais des budgets de

l’État et de la sécurité sociale (Davezies, 2001). La seconde catégorie, territorialisée de manière

explicite, se concentre sur quelques domaines : cohésion sociale, inégalités, développement

local. Depuis quelques années, certaines politiques culturelles ou environnementales sont à leur

tour territorialisées.

Selon Laurent Davezies (Davezies, 2001), entre les années quatre-vingt et quatre-vingt dix,

les inégalités spatiales ont diminué aux petites échelles (régions, départements) et se sont

accrues aux grandes (communes quartiers). La notion d’inégalité spatiale est donc complexe,

ce qui rend difficile la conception de politiques compensatrices. Une telle complexité rend

également difficile la mise en œuvre de procédures fiables d’évaluation. Pour gagner en

pertinence, nous serons donc amenés à proposer une procédure combinant différentes échelles,

notamment dans la quatrième partie de ce rapport.

La prise en compte des inégalités spatiales implique une démarche complexe, tenant compte de différentes échelles géographiques. L’équipe d’évaluation sera donc amenée à proposer des procédures combinant différentes échelles d’observation et d’analyse, notamment dans la quatrième partie du rapport.

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Les petites échelles (ou échelles larges) correspondent à de vastes superficies (départements, régions). Les grandes échelles (ou échelles fines) concernent des espaces de petite dimension (communes, quartiers, périmètres prioritaires de la politique de la ville).

Selon le même auteur, il semble que les politiques générales, territorialisées de façon

implicite, sont suffisantes pour assurer la diminution progressive des inégalités constatées aux

petites échelles des régions ou des départements (Veltz et Davezies, 2005 sur l’exemple de la

région Nord-Pas-de-Calais). La différence constatée entre les impôts perçus et les dépenses

publiques engagées montrent en effet des courants de redistribution suffisamment puissants

pour être correcteurs, par exemple entre régions pauvres et régions riches.

En revanche, aux grandes échelles, les inégalités augmentent en dépit de politiques

correctrices ouvertement territorialisées, censées s’attaquer aux inégalités spatiales de

manière explicite. C’est que, en changeant d’échelle, on passe de processus macro-

économiques à des mécanismes liés à des comportements individuels, plus difficiles à infléchir

dans le cadre des politiques publiques. « Les pouvoirs publics luttent efficacement contre

"l'horreur économique" aux échelles spatiales les plus larges, puisque les disparités de revenus

diminuent de façon systématique là où les grandes machines péréquantes (État, sécurité

sociale, etc.) l'emportent sur les comportements ségrégatifs. Ces derniers jouent à l'échelle

spatiale fine et les politiques publiques ont donc beaucoup plus de mal à lutter, quand ils ne

sont pas plus ou moins ré-escomptés par les stratégies des élus locaux… » (Davezies, 2001).

20

Si on suit Laurent Davezies, il faut donc admettre qu’aux échelles fines de la commune, de

l’agglomération ou de la ZUS, l’essentiel des ségrégations est causé par des décisions émanant

d’acteurs individuels (les ménages) ou de micro-groupes (catégories socio-professionnelles

spécifiques, classes d’âge, etc.). Ces constatations sont confirmées par les études d’Éric Maurin

(Maurin, 2005), de Didier Desponds (Desponds, 2006) ou de Martine Berger (Berger, 2005)

qui ont tenté de définir ces micro-décisions au moyen de diverses méthodes d’investigation. En

plus de leur caractère très fractionné, le jeu de l’ensemble de ces micro-décisions ne semble pas

systématiquement rapporté à une stratégie déterminée à l’avance (Desponds, 2006 vs Maurin,

2005, qui semble plus « déterministe » en la matière). Peu prévisibles, ces décisions offrent

donc une prise très limitée à des politiques publiques d’échelles fines qui auraient une ambition

anticipatrice. Il semble donc particulièrement vain de chercher à délimiter des « territoires

d’intervention » au sein desquels il serait pertinent de développer telle ou telle action publique.

L’examen de la convention cadre de l’agglomération caennaise montre que ces découpages

sont de caractère artificiel et que les « territoires » retenus par les signataires ne sont pas

forcément ceux où s’appliquent l’action de terrain du contrat de ville (voir deuxième partie,

Document 10, p. 72).

Compte tenu de la nature des inégalités qui se construisent à échelle fine, la conception de politiques publiques territorialisées et compensatrice est extrêmement difficile. Contrairement aux inégalités actives aux échelles larges (départements, régions), les inégalités de grande échelle résultent de l’addition de micro-décisions émanant d’acteurs individuels (les ménages) ou de micro-groupes. Impossibles à anticiper, ces inégalités offrent une prise très limitée à d’éventuelles politiques correctrices. Dans le principe même de la territorialisation, la politique de la ville bute donc sur des difficultés théoriques qui rendent ses succès extrêmement aléatoires.

Le choc des échelles.

21

De plus, une relation négative peut parfois être identifiée entre ces deux types d’inégalités.

Pour démontrer cette hypothèse, Laurent Davezies évoque la création d’emplois publics entre

1975 et 1990 (Davezies, 2001). Durant cette période ont été crées 1,2 millions d’emplois de ce

type, dont les trois quarts ont été offerts à des femmes. Cette politique volontaire a permis

d’absorber les différents chocs macro-économiques nés de la fin des Trente Glorieuses et de

compenser presque totalement l’énorme perte d’emplois industriels et agricoles constatés à

partir de cette date. Aux petites échelles de l’aménagement du territoire, elle semble avoir

fonctionné de manière satisfaisante, permettant de lisser les disparités socio-économiques entre

les régions et les départements.

Cependant, aux petites échelles, cette politique présente des contre-effets négatifs. Une

étude réalisée en Île-de-France pour le compte du Conseil Régional montre que, à l’échelle

communale, les emplois privés masculins ont été plus détruits dans les couches et dans les

communes populaires alors que les emplois publics féminins s’y sont moins développés

qu’ailleurs. Dans l’ensemble de la France, ce phénomène se retrouve : les communes abritant

une proportion importante de catégories sociales moyennes ont vu leur proportion de bi-actifs

augmenter alors que les communes les plus touchées par la désindustrialisation n’ont connu

cette compensation que de façon marginale. À cette échelle, la politique générale a donc eu

pour effet de creuser les inégalités de revenus entre les ménages habitant des communes

proches.

L’auteur se demande de surcroît si l’obligation de nationalité française pour accéder à

l’emploi public n’a pas augmenté les inégalités entre ces deux catégories de communes. Sans

qu’il soit possible de le démontrer avec certitude, il est probable que cette politique générale a

eu pour effet de solvabiliser les catégories moyennes déjà candidates au départ vers l’accession

résidentielle en secteur périurbain, augmentant encore les différentiels. « Les très puissantes

politiques publiques, qui ont donc amorti le choc économique pour la classe moyenne et pour

les territoires à l'échelle des départements et des régions, ont bénéficié essentiellement aux

"territoires moyens" et non pas aux secteurs les plus pauvres. Il y a eu un "décrochage" du

revenu moyen par habitant et par ménage, entre les classes moyennes et leurs espaces de

résidence et les plus modestes et leurs espaces de résidence » (Davezies, 2001).

22

Les populations en difficulté résidant au sein des périmètres prioritaires de la politique de la ville peuvent être desservies par les politiques générales d’action sociale ou de redistribution de la richesse. Disposant de moyens relativement faibles au regard des politiques générales, les dispositifs correcteurs du type des contrats de ville ne parviennent généralement pas inverser les contre-effets négatifs de certaines de ces politiques générales.

Aux grandes échelles, les politiques territorialisées ne sont guère plus efficaces. Une

politique très solidaire (c’est à dire très redistributive vers les couches de population qui en ont

le plus besoin) ne sera pas forcément égalitaire (en terme de convergence entre espace

prioritaire et espace « normal ») ou équitable (en terme de correction des handicaps sociaux ou

culturels). Depuis une vingtaine d’année, on constate que les sommes redistribuées au titre de

la solidarité nationale sont en constante augmentation alors que les inégalités peuvent

localement progresser sans que le principe d’équité soit forcément respecté. L’exemple des

ZEP constitue une bonne illustration de cette contradiction, qui n’est qu’apparente. En dépit

d’une politique solidaire, il n’est pas sûr que les montants d’argent public investis dans les ZEP

soient effectivement supérieurs à ceux investis ailleurs, notamment en raison de l’âge des

agents et de leur statut, souvent inférieurs à la moyenne. En dépit des primes affectées à ces

secteurs, il n’est donc pas sûr le principe minimum d’égalité des dépenses soit respecté alors

que l’impératif d’équité exigerait que ces dépenses soient supérieures à la moyenne.

Conclusion.

23

Les analyses des économistes montrent combien la notion de « territoire » constitue

une entrée peu adaptée lorsqu’il s’agit de combattre les inégalités sociales (Davezies,

2005). Pas toujours pertinente aux échelles larges de la région ou du département, elle devient

totalement inadaptée lorsqu’il s’agit de combattre la pauvreté à l’échelle fine des grands

ensembles paupérisés.

Politique territorialisée de correction des inégalités sociales, la politique de la ville se trouve

donc confrontée à des impasses théoriques. Prenant appui sur cet acquis, l’évaluation du contrat

de ville de l’agglomération caennaise devra prendre en compte ce contexte général afin

d’évaluer le plus justement possible les mesures mises en œuvre.

Le territoire est une notion peu adaptée lorsqu’il s’agit de combattre les inégalités sociales. Certaines politiques térritorialisées, notamment aux grandes échelles, peuvent présenter des contre-effets augmentant localement les inégalités au lieu de les réduire.

24

Plus gravement, certaines politiques territorialisées mises en œuvre pour combattre les inégalités et les inéquités peuvent être très inégalitaires et inéquitables.

Contrats, partenariats : discours et réalités.

Position du problème.

Partenariats et contractualisations sont censés apporter les réponses nécessaires aux écueils

relevés ci-dessus. La contractualisation « au niveau du terrain » apporterait une dose de

spécificité locale aux approches envisageant les territoires sous un angle excessivement

abstrait. Pour le sens commun, la prise en compte de cette spécificité constitue une garantie à

l’efficacité des mesures correctives portées par les politiques territoriales Appliquée sur des

espaces connus des partenaires, les procédures contractuelles se distinguent par une proximité

vis à vis des publics à desservir et des problèmes à traiter. Localistes et réalistes, les démarches

partenariales et contractuelles sont donc les mieux à même de faire coïncider l’efficacité de

l’action publique avec l’empathie indispensable que les acteurs doivent développer à l’égard

d’usagers proches, surtout ci ces derniers sont aux prises avec des difficultés sociales ou

économiques.

Pour assurer un tel succès, les partenariats, en plus de leurs caractéristiques intrinsèques,

doivent donc s’inscrire à une « échelle pertinente ». Ainsi, il existerait un optimum

territorial pour chaque catégorie de partenariat et chacune des politiques à mettre en œuvre.

Mené à son terme, ce travail de tri organisationnel et géographique conduirait à une

simplification de la démarche partenariale elle-même (Béhar, 2001). Suite à la substitution du

projet à la politique, du contrat à l’instruction, du territoire au secteur, l’administration

française serait sur la pente d’une rationalisation qui, à chaque « territoire pertinent »,

associerait un « projet », lui-même formalisé dans un « contrat ».

Intégrés dans cette logique, les contrats de ville constitueraient un de ces échelons. Autour

d’un projet de cohésion sociale et de lutte contre les inégalités appliqué sur le territoire des

ZUS d’une agglomération, des partenaires institutionnaliseraient leur entente par un contrat

enregistrant les objectifs communs et les engagements financiers.

Simple dans ses enchaînements, cette vision est pourtant éloignée de la réalité des faits, et

cela pour deux raisons :

25

- À l’échelle de l’ensemble français, l’examen des évolutions récentes en

matière de management des territoires nous montre au contraire une

« multiplication des scènes partenariales » (Béhar, 2001) où les

compétences des différents acteurs sont de moins en moins distinctes alors

que les échelles territoriales sont de plus en plus enchevêtrées.

- Sur le cas précis de l’agglomération caennaise, le fonctionnement du

contrat de ville montre un formalisme excessif, bien que le caractère

prescriptif de ce document demeure extrêmement faible.

La multiplication des « scènes partenariales ».

Connaissant une stratification complexe des échelles de l’intervention publique, la France

s’est dotée depuis la fin des années 1990 de nouvelles instances de décision et de financement.

Les intercommunalités (notamment les communautés d’agglomération), les Pays, s’ajoutent

depuis cette période aux syndicats mixtes ainsi qu’autres structures plus souples qui fédèrent

un nombre variable de partenaires et qui s’inscrivent dans des échelles diverses (plan de

déplacement urbain, conseils de développement, etc.). Par ailleurs, depuis les lois récentes

complétant le processus de décentralisation (2004) l’échelon départemental, porté par les

Conseils généraux autant que par les services de l’État semble prendre une nouvelle

importance.

Ce mouvement de diversification géographique s’accompagne d’un affranchissement des

spécialisations sectorielles et des compétences propres auxquelles sont censés se limiter les

différents partenaires : « … toute instance territoriale (quel que soit son niveau géographique)

tire sa légitimité politique vis à vis du citoyen non de ses compétences sectorielles dévolues par

la loi, mais de son ancrage global au territoire. Par ailleurs, l’efficacité de l’action publique

nécessite de maîtriser toujours davantage les interdépendances entre secteurs de compétences

(l’éducatif et l’habitat, la sécurité et le social…). Dès lors, les processus partenariaux sont

soumis à cette contrainte très forte : tous les acteurs locaux sont concernés par tout. » (Béhar,

2001, p. 4).

26

Les institutions doivent donc être de plus en plus polyvalentes. Outre leurs métiers de base,

les forces de police, les enseignants, les agents de la CAF ou des organismes HLM doivent être

capables de construire un point de vue et une action sur des domaines qui leur sont étrangers :

habitat et lien social pour le policier ou l’enseignant, sécurité publique pour l’administrateur

d’un organisme HLM, politique de la ville pour un technicien de la CAF, etc. Peu confortable

pour les agents concernés, il n’est pas sûr que cette inflexion fasse gagner en efficacité. La

simple observation montre en outre qu’elle ne s’accompagne pas d’« un mouvement

d’intégration notamment géographique, de l’action publique autour de niveaux pertinents »

(Béhar, 2001, p. 4).

Le contrat de ville de l’agglomération caennaise : une faible valeur prescriptive.

Les engagements des partenaires du contrat de ville sont formalisés dans une convention

cadre signée pour la période 2000 – 2006. Cette convention a été signée le 25 août 2000 par le

représentant de l’État, Préfet de la région Basse-Normandie, le Président du Conseil régional,

les maires des six communes engagées dans le processus contractuel (Caen, Colombelles,

Fleury-sur-Orne, Hérouville-Saint-Clair, Ifs, Saint-Germain-la-Blanche-Herbe), la Présidente

du Conseil général du Calvados, le Président de l’OPHLM Caen-Habitat représentant

l’ARHLM, le Directeur du Fond d’action sociale (FAS) et le Directeur de la Caisse

d’allocations familiales (CAF).

Ce document est composé de quatre parties. La première présente les trois priorités pour la

période 2000 – 2006 : maintien ou restauration des droits fondamentaux, accès à l’emploi des

publics en difficulté, développement de la qualité de la vie collective dans les quartiers

prioritaires. La seconde partie précise les modalités de mise en œuvre du contrat de ville :

comités de pilotage et comités techniques, instances de coordination et de concertation. La

troisième partie détaille les moyens financiers mobilisés par chacun des partenaires. La

quatrième insiste quant à elle sur la nécessité de favoriser la participation des habitants, de

développer l’évaluation à toutes les étapes de mise en œuvre du contrat de ville et de

développer une communication commune autour des objectifs partagés par les différents

partenaires9.

À partir de constats généraux (dévalorisation urbaine et sociale de certains quartiers,

nécessaire solidarité intercommunale), ce document se propose « de permettre le

développement des quartiers sensibles rencontrant des difficultés particulières d’intégration au

reste de l’agglomération et sur les territoires desquels la population éprouve des difficultés

d’insertion sociale et professionnelle » (p. 5). À partir de ce constat, les objectifs demeurent

vagues : il s’agit « d’aider les familles » (p. 10), « d’assurer la complémentarité des différents

27

9 Contrat de ville de l’agglomération caennaise. Convention cadre 2000-2006. Caen août 2000, op. cit.

projets développés sur le temps scolaire, périscolaire et extra-scolaire » ou « de favoriser

l’épanouissement personnel des plus démunis » (même page). Les objectifs plus précis sont

rares et, quand ils existent, font fréquemment référence à d’autres dispositifs, autonomes

par rapport au contrat de ville. Par exemple, les 201 logements à attribuer en trois ans à

destination des personnes et des familles les plus défavorisées de l’agglomération caennaise ont

fait l’objet d’un accord antérieur entre le Préfet et les bailleurs sociaux (p. 9). À la même page,

les dispositions incluses dans le PDALPD et le PLH sont de même évoquées10. Plus loin, c’est

l’action du PLIE du Pays de Caen (p. 13), le programme national de rénovation urbaine (p. 14)

où les contrats locaux de sécurité (p. 15) qui sont à leur tour mentionnés. En matière

d’éducation, les objectifs sont plus précis (p. 10) : obtenir en ZEP des résultats aux tests

d’évaluation en CE2 et en sixième identiques aux valeurs départementales moyennes, diminuer

le taux de retard en CM2, atteindre un taux d’accès en classe de Seconde identique à la

moyenne départementale, etc.

10 PDALPD = plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées.

28

PLH = plan local de l’habitat.

Les objectifs et les engagements financiers des signataires du contrat de ville sont rassemblés dans une convention cadre valable pour la période 2000 – 2006. Ces objectifs sont généraux et peu prescriptifs. Lorsqu’ils sont plus précis, les objectifs cités dans la convention cadre font référence à des dispositifs et des documents contractuels qui ont une validité autonome. Le périmètre des actions relatives au contrat de ville n’est donc pas établi avec précision par la convention cadre. Une telle marge d’incertitude entre en contradiction avec les objectifs du processus d’évaluation pourtant énoncés dans cette même convention (p. 33).

La troisième partie de la convention cadre, consacrée aux engagements financiers, est

également difficile à exploiter en vue d’une évaluation. Les financements énumérés ne

distinguent pas avec une clarté suffisante les engagements de droit commun et ceux qui

sont plus strictement attachés à l’exécution propre du contrat de ville. Pour le Conseil

Régional, par exemple, est affiché un budget de 20 millions de francs « en faveur du logement

et de l’habitat » (p. 25) sans que l’évaluateur soit certain que ces sommes concernent

exclusivement les sites prioritaires. De même, les budgets dévolus aux centres socio-culturels

implantés sur les sites du contrat de ville (8,4 millions de francs) sont mentionnés par la

convention cadre alors qu’ils ne sont pas exclusivement voués à la prise en charge des publics

prioritaires (p. 28). Dans le même ordre d’idée, la participation de la Ville de Caen, (68

millions de francs pour la période 2000 – 2006, même page) n’est détaillée que de manière

extrêmement allusive. Les participations annoncées par les bailleurs sociaux, quant à elles,

incluent les opérations de renouvellement urbain et des adaptations patrimoniales (14 585 000

francs + 25 974 000 de francs) alors que de telles opérations sont en théorie à exclure du champ

de la politique de la ville (p. 31).

29

Les financements annoncés dans la troisième partie de la convention cadre (pp. 19 – 32) sont difficiles à exploiter en vue d’une évaluation à postériori. Les montants annoncés ne distinguent pas avec suffisamment de clarté les engagements de droit commun et ceux qui sont plus strictement attachés à l’exécution du contrat de ville. Des sommes importantes intégrées dans les moyens financiers du contrat de ville correspondent à des budgets de fonctionnement ou d’investissements engagés dans le cadre d’autres politiques.

Conclusion.

Censés apporter un correctif aux politiques générales, les dispositifs contractuels multiplient

les « scènes partenariales » et complexifient les systèmes d’acteurs sans apporter la clarté et le

réalisme attendu. Conclus sur des espaces de faibles dimensions et marqués par la proximité

avec les bénéficiaires potentiels, les contrats de ville ont pour objectif de corriger ces effets

négatifs en adaptant l’action publique aux besoins spécifiques des populations les plus en

difficulté.

L’examen de la convention cadre du contrat de ville de l’agglomération caennaise montre

qu’il n’en est rien. Ce document énumère des objectifs généraux, souvent contractualisés de

manière autonome. Les financements annoncés sont par ailleurs trop imprécis pour permettre

de délimiter avec exactitude le périmètre exact des actions relatives au contrat de ville.

30

Participation des habitants et mise en œuvre associative : deux évidences de la politique de la ville.

La genèse du référentiel participatif dans la politique de la ville.

La genèse du référentiel participatif est à chercher au tournant des années 1960 et 1970

(Chevalier, 2005). S’opposant à la rénovation urbaine brutale de la décennie soixante, certains

acteurs du logement, notamment l’Union des HLM, lui opposent la notion de réhabilitation11.

La réhabilitation douce des tissus urbains s’oppose ainsi à l’urbanisme technocratique en

mettant l’accent sur l’habitat plus que sur le logement, et en faisant la promotion de la catégorie

des « habitants ». La réhabilitation des quartiers dégradés doit désormais partir des besoins des

habitants au lieu d’imposer des décisions brutales de destruction des espaces de vie.

Référencer ces besoins implique la participation de ces habitants, qui se trouveraient ainsi

concernés par la définition des politiques mises en œuvre.

Cette nouvelle manière de faire la ville présuppose l’invention de nouvelles procédures

de co-production des politiques publiques, mises en œuvre de façon paritaire entre les

habitants qui se dotent de structures de représentations citoyennes et les différents

acteurs de ces politiques (de Barros, 1994). Elle suggère également que les spécificités des

micro-groupes de résidents interdisent le développement d’actions publiques normalisées et

homogènes sur l’ensemble des territoires urbains. Le droit à la différence constituant

désormais une valeur irréductible, toute action d’aménagement social ou spatial doit s’adapter

le plus finement possible aux spécificités du lieu urbain.

Pourtant, comme le rappelle Pierre Bourdieu : « On ne peut rompre avec les fausses

évidences, et avec les erreurs inscrites dans la pensée substantialiste des lieux, qu’à condition

de procéder à une analyse rigoureuse des rapports entre les structures de l’espace social et les

structures de l’espace physique » (Bourdieu, 1993, p. 159). Rabattant l’espace social sur

l’espace physique, de telles représentations fétichisent les lieux en passant sous silence la

dynamique des rapports sociaux : elles sont donc erronées. Ayant commencé à se construire

au cours de la décennie soixante-dix, elles continuent pourtant à gouverner l’action des

principaux décideurs en matière de politiques sociales urbaines, et ce depuis trois décennies.

Pour expliquer la persistance de ce référentiel, il est nécessaire d’évoquer les éléments qui

ont contribué à sa solidification. À cet égard, certaines luttes urbaines fondatrices ont joué un

31

11 Rappelons que la rénovation urbaine opérée dans les centres ville au cours des décennies soixante et soixante-dix est sans rapport avec la rénovation urbaine « Borloo » des années 2000. Pour plus de précision, voir Coing, 1966.

rôle déterminant. Celle développée dans le quartier de l’Alma-Gare, à Roubaix à partir de

1974, apparaît comme un de ces moments fondateurs, avec celle du quartier HLM de la Pierre-

Collinet à Meaux. Dans le premier cas, il s’agissait de s’opposer à la destruction d’un quartier

ouvrier par la mairie socialiste, ce qui aboutit à la création d’un atelier populaire d’urbanisme,

financé à partir de 1976 par des fonds provenant de la Direction de la construction du Ministère

de l’équipement. Dans le second cas, une association d’habitants constituée dès les débuts

d’une procédure HVS (Habitat et vie sociale) parvient à se faire admettre comme un partenaire

déterminant de la réhabilitation, allié à la Mairie contre l’organisme HLM (JC. Toubon et A.

Tanter, 1980).

Il est intéressant de remarquer que le référentiel participatif s’est simultanément développé

sur les deux registres des politiques urbaines. Initié à partir d’une protestation envers la

rénovation brutale des années soixante, il s’étend à la sphère sociale au cours des années

soixante-dix, simultanément à la mise en place des premières procédures Habitat et vie sociale

(HVS). Dans ce contexte, Roubaix et Meaux apparaissent comme deux lieux fondateurs, et

c’est d’ailleurs dans ces deux villes que sont créés les deux premières régies de quartier

françaises, qui sont « conçues comme structures de participation des habitants » (Chevalier,

2005, p. 102).

Un texte fondateur, la circulaire HVS du 3 mars 1977.

Initialement subversives, les protestations urbaines des années 1970 changent assez

rapidement de nature. Dans la plupart des cas, l’opposition aux pouvoirs constitués se

transforme en une collaboration plus ou moins poussée avec les acteurs techniques ou

politiques, à l’initiative de certains militants associatifs friands de reconnaissance et de

responsabilités locales12.

Traitant de la question urbaine sous le double point de vue de l’espace et des rapports

sociaux et sous la double échelle des quartiers anciens et des grands ensembles, la circulaire

HVS du 3 mars 1977 entérine cet état de fait13. Après une description apocalyptique de la

12 Il est impossible de reconstituer l’ensemble de cette histoire dans le présent rapport. Pour plus de précisions, voir par exemple Lautman, 1983, Melh, 1982, Balme, 1987, Spanou, 1991. 13 Circulaire du 3mars 1977 relative au fond d’aménagement urbain et au groupe interministériel Habitat et vie sociale.

32

réalité urbaine14, ce texte condamne la rénovation urbaine brutale au profit « d’enchaînement

d’opérations sensiblement plus modestes, plus respectueuses du patrimoine existant et de ses

occupants ». Il propose ensuite des mesures précises : création du fond d’aménagement urbain

destiné aux quartiers centraux anciens, création du groupe interministériel Habitat et vie sociale

attaché aux grands ensembles, ces deux instances devant fusionner « avant 1980 ».

Cette circulaire marque une inflexion profonde dans la manière de concevoir les politiques

urbaines. À l’intervention technocratique et froidement homogène de la période précédente,

elle substitue l’attention aux spécificités des lieux et des habitants. Cristallisation de tendances

antérieures, elle fait de l’intervention de ces habitants une clé indispensable du succès de ces

nouvelles politiques publiques urbaines. Désormais, l’aménagement de la ville est étroitement

lié à la réactivité socio-culturelle de micro groupes de résidents, notamment dans les quartiers

de logements sociaux. La circulaire précise en effet que la réhabilitation des grands ensembles

doit être « conduite avec la participation des habitants dont l’adhésion est indispensable à la

réussite de telles interventions ».

La circulaire de 1977 institutionnalise donc un référentiel de traitement de la question

urbaine qui accorde une place prépondérante aux spécificités du local, au respect des traces du

passé, ainsi qu’à une intervention poussée des collectifs d’habitants. Pour incarner cette

participation, la forme associative paraît la plus adaptée. Suffisamment souple pour s’adapter à

la diversité des situations, bénéficiant d’un statut (la loi de 1901) lui permettant de recevoir des

fonds, d’employer des salariés et de répondre à des appels d’offre publics, les structures

associatives semblent constituer la forme idéale de la participation citoyenne. Elles permettent

en effet de mobiliser une action civique susceptible d’être canalisée en cas de besoin par le

versement de subventions ou l’intégration aisée de leurs responsables au sein de structures

institutionnelles de gestion et de décision. Avec la circulaire de 1977, on voit donc se mettre en

place les termes d’un échange qui, depuis, structure toujours l’ensemble de la politique de la

ville.

33

14 « la vie quotidienne du plus grand nombre des Français doit beaucoup à la qualité de leurs villes. Or, celles-ci, façonnées par les siècles, souffrent de plusieurs maux : leurs quartiers anciens, envahis par une circulation pour laquelle ils n’étaient pas faits, offrent des logements au confort parfois sommaire ; leurs quartiers nouveaux construits au rythme de pressants besoins, disposent rarement de la diversité et des racines qui font la richesse de la vie sociale ». JORF du 10 mars 1977, p. 1344.

La circulaire de 1977 institutionnalise un référentiel de traitement de la question urbaine qui accorde une place prépondérante aux spécificités du local, au respect des traces du passé, au « ressenti », ainsi qu’à une intervention poussée des collectifs d’habitants. Pour incarner cette participation, la forme associative paraît la plus

adaptée.

Sphère associative et technostructure politique : les termes d’un échange.

Pour le sens commun comme pour la littérature, et de la même manière que pour les

notions de territoire ou de contrat, l’activité associative est positivement perçue à priori.

Proximité, écoute, souplesse, participation des citoyens et des usagers, la régulation associative

est vue comme un correctif indispensable au fonctionnement des démocraties évoluées,

voire comme la promesse d’une citoyenneté émancipée.

L’analyse concrète du fonctionnement des contrats de ville donne une vision moins

idyllique de la réalité associative. Supportant de lourdes charges, notamment salariales, les

associations les plus importantes sont contraintes de pratiquer « la chasse à la subvention ».

Leurs demandes de financement doivent donc s’inscrire dans les modes de l’instant, la dernière

en date étant celle de la sécurité. En ce qui concerne le contrat de ville de l’agglomération

caennaise, les informations relevées dans Poliville File Maker montrent des associations qui

mettent ce thème en avant, même si les actions qu’elles proposent entretiennent des rapports

lointains avec lui15. Les financeurs, quant à eux, subventionnent souvent l’activité associative

« en aveugle » ce qui rend quasiment impossible le contrôle sur les montants accordés.

Contrairement au discours auto-justificatif produit par les acteurs de la politique de la ville (les

responsables associatifs eux-mêmes, ainsi que la DIV), l’évaluation de l’effet de ces

subventions est par ailleurs difficile à effectuer.

En échange, les technostructures (État, collectivités locales) demandent au tissu associatif

d’assumer des tâches qui devraient ordinairement relever d’un service public. Elles demandent

des résultats et de la production administrative que les associations peinent à fournir. Ces

dernières constituant un maillon indispensable dans la bonne marche du système en permettant

sa reproduction, de tels manquements sont rarement relevés.

34

15 Voir le document 8 dans la deuxième partie.

Présentées comme un laboratoire de la proximité et de la citoyenneté, la politique de la ville

mise en œuvre par le biais associatif révèle en fait une machinerie lourde et peu transparente.

Dépendant d’un tissu associatif parfois artificiellement maintenu et qui couvre les zones

prioritaires de façon très différenciée, les mesures de la politique de la ville s’appliquent de

surcroît de façon très inégalitaire. Contrevenant au principe général d’égalité de traitement que

toute politique publique est censée respecter, peu transparente, quasiment impossible à évaluer,

l’action des associations au titre de la politique de la ville se situe, dans les faits, à l’opposé des

qualités qui sont censées faire sa réputation. Parée des vertus de la participation, l’activité

associative apparaît davantage comme une sous-traitance implicite accordée par une puissance

publique incapable de mettre en œuvre ses politiques propres en matière de lutte contre les

ségrégations et les inégalités.

Les associations mettant en œuvre le contrat de ville de l’agglomération caennaise développent des stratégies propres, prioritairement destinées à assurer la reconduction de leurs subventions. Les pouvoirs publics acceptent de financer l’activité des associations « en aveugle », le contrôle des sommes accordées étant particulièrement faible. En échange, les technostructures demandent au tissu associatif d’assumer des tâches qui devraient ordinairement relever d’un service public. Elles demandent des résultats et de la production administrative que les associations peinent à fournir. Ces dernières permettant la reproduction du système, de tels manquements sont rarement relevés.

35

La mise en œuvre associative, avantages et problèmes.

Concernant environ 80 % des fonds du contrat de ville de l’agglomération caennaise, le

subventionnement des associations devrait respecter les principes de base du financement

public. Pour suivre ces principes, le circuit des financements associatifs devrait suivre le

cheminement présenté dans le document 1. L’association constituerait alors une « boîte

transparente » au travers de laquelle il serait aisé de suivre le cheminement de l’argent public.

Un tel mode de fonctionnement permettrait de connaître l’origine des financements action par

action. Il permettrait également d’évaluer l’efficacité des associations, ce qui permettrait de

guider d’éventuelles décisions de reconduction des crédits d’une année sur l’autre.

Dans la réalité, les choses se passent différemment. Les associations financées au titre du

contrat de ville de l’agglomération caennaise sont plutôt des « boîtes noires » ne permettant pas

d’opérer une traçabilité des financements, ce qui limite les possibilités d’une évaluation

pertinente (Document 2).

Avec le système de la « boîte noire », les partenaires du contrat de ville financent de fait

les opérateurs associatifs de manière globale, sans être sûr que ces financements seront utilisés

pour les actions et sur les périmètres délimités dans la convention cadre. Tel qu’il est organisé,

le circuit de financement du contrat de ville revient à distribuer des subventions de

fonctionnement à des associations qui les utilisent surtout pour salarier des employés. Ces

derniers exercent une activité générale, qui ne se concentre pas de manière exclusive sur les

thématiques, les publics et les territoires de la politique de la ville. On peut donc considérer que

les procédures pratiques de financement du contrat de ville rendent quasiment impossible le

respect des principes de territorialisation et de délimitation de publics ciblés pourtant

revendiqués par l’ensemble des partenaires signataires de la convention cadre.

36

37

financement A = subvention A1 + subvention A2 + subvention A3

financement B

financement C

ASSOCIATION X

action A = subvention A1 + subvention A2 + subvention A3

action B

action C

Document 1 : le modèle théorique. L’association comme une boîte transparente.

Une action A est financée par plusieurs partenaires qui mutualisent des montants fléchés(subventions A1, A2 et A3). Ces financements sont alloués à une association X. Une fois les montants perçus, cette association met en œuvre l’action A au titre du contrat de ville en mobilisant les fonds A1 + A2 + A3. Un processus du même ordre opère pour les financements B et C qui financent à leur tour les actions B et C.

Document 2 : le modèle réel. L’association comme une boîte noire.

ASSOCIATION Yfinancement A = subvention A1 + subvention A2 + subvention A3 financement B = subvention B1 + subvention B2 + subvention B3 financement C = subvention C1 + subvention C2 + subvention C3

action A = subvention A1 + 1/3 subvention B2 + 1/5 subvention C1 action B = subvention C3 + subvention B1 + subvention A2 action C = 1/3 subvention B3 + 3/5 subvention A3

?

Le financement de l’association Y est effectué de façon globale par des partenaires divers. Ces montants servent à financer des actions qui ne sont pas fléchées. Dans la pratique, une action du contrat de ville de l’agglomération caennaise peut donc être financée par des apports divers, pas forcément employés dans leur intégralité. La traçabilité des financements est impossible. Le financement se fait « en aveugle ».

Tel qu’il est organisé, le circuit de financement du contrat de ville revient à distribuer des subventions globales de fonctionnement aux opérateurs associatifs. ces derniers utilisent l’essentiel de ces crédits pour salarier des employés qui ne concentrent pas forcément leur activité en direction des publics ou des territoires définis comme prioritaires par la convention cadre. Les procédures pratiques de financement du contrat de ville rendent donc quasiment impossible le respect des principes de territorialisation et de délimitation de publics ciblés annoncés par l’ensemble des partenaires dans la convention cadre.

Les financeurs publiques acceptent ce mode de fonctionnement car le passage par un

opérateur associatif intermédiaire présente plusieurs avantages. Extérieures aux services de

l’État et des collectivités locales, les structures associatives amortissent les irrégularités

budgétaires et les variations de l’activité sans avoir de fortes capacité de négociation. Les

opérateurs associatifs, qu’ils soient salariés ou à fortiori bénévoles, « avalent » ces sautes de

financement en adaptant leurs structures. Les salariés associatifs sont en général employés sous

contrats précaires le temps d’une mission ou d’un « projet », sans aucune garantie de

renouvellement.

La mise en œuvre associative permet en outre aux partenaires du contrat de ville d’invoquer

les défaillances du monde associatif en cas de résultats négatifs. Un tel mode de

fonctionnement limite la responsabilité des décideurs, notamment lorsque les « quartiers

difficiles » connaissent des crises aiguës.

38

Conclusion de la première partie.

En France, la politique de la ville est marquée par une forte insuffisance théorique. Les

catégories et notions mobilisées (territoire contrat, démocratie participative, etc.) sont faibles

d’un point de vue heuristique. Fruit d’un compromis intellectuel et politique entre les

conceptions classiques de l’administration françaises et des conceptions plus récemment

importées du monde anglo-saxon, la politique de la ville revendique volontiers la pertinence

de ces notions car ces dernières permettent l’instauration du consensus indispensable à sa

mise en oeuvre pratique. Au niveau local, la mise en place de co-financements dans le cadre

des contrats de ville implique en effet que les partenaires signataires puissent construire une

cohérence au moins formelle de leurs partenariats. Décideurs et techniciens adhèrent donc faute

de mieux à ce consensus, qui a au moins le mérite de construire une « langue commune ».

Pourtant, ces errements théoriques ont de multiples conséquences pratiques qui limitent la

portée de nombre d’actions menées dans le cadre des contrats de ville. Destinées à un

« habitant » abstrait paré d’attributs imaginaires (immobilité, exclusion, attachement au

« quartier », volontarisme citoyen, etc.) les actions territorialisées ne touchent pas forcément de

la manière la plus efficace les bons publics aux bons moments.

La convention cadre du contrat de ville de l’agglomération caennaise apparaît comme un

révélateur d’impasses théoriques et politiques relevées au niveau national. Très formel, ce

document multiplie l’énoncé de généralités ou de points de détail sans formaliser un guide

d’action autonome possédant une valeur prescriptive et normative susceptible de s’imposer à

l’ensemble des signataires.

39

Présentée comme innovante, la politique de la ville ne parvient pas à mettre en place des

procédures originales de décision et de financement susceptibles d’innover par rapport au

fonctionnement ordinaire des politiques publiques. Malgré des appels à projet et des

commissions chargés de juger de l’opportunité des réponses, le contrat de ville de

l’agglomération caennaise pratique en fait un subventionnemment global envers des

associations qui ne sont pas en mesure de détailler le détail de leurs activité ex ante, ni

d’évaluer la pertinence de leurs résultats ex post. « Boîte noire », le circuit financier associatif

interdit par ailleurs la mise en pratique concrète des principes de territorialisation et de

ciblage des publics, deux spécificités pourtant revendiquées avec force par l’ensemble des

financeurs du contrat de ville.

Compte tenu de la faible lisibilité des actions, il est difficile de rendre compte de leur

contenu avec précision. Cette remarque concerne particulièrement les opérateurs associatifs.

Cartographié à l’échelle de l’agglomération caennaise, une typologie des associations en

fonction de leurs compétences et de leurs capacités d’intervention permettrait certainement de

reconsidérer certains financement en vue de limiter les « saupoudrages ».

Sur la thématique « sécurité et tranquillité publique », les opérateurs associatifs ont proposé plus de 80 % des actions financées par le contrat de ville au cours de la période 2000 – 2005. N’agissant pas exclusivement sur les périmètres du contrat de ville, les opérateurs associatifs ne travaillent pas exclusivement en direction des populations concernées. Dans les faits, il est impossible de déterminer dans quelles proportion les financements consentis au titre du contrat de ville sont utilisés à l’intérieur des périmètres délimités par la convention cadre d’août 2000.

Les secteurs d’intervention.

Les secteurs d’intervention prioritaires du contrat de ville relèvent d’un découpage décidé

en concertation entre le comité de pilotage du contrat de ville de l’agglomération caennaise et

les administrations centrales. En général, ce découpage ne correspond pas aux périmètres

réels d’intervention des porteurs de projets. L’espace d’influence des associations varie en

fonction des types d’actions qu’elles proposent et en fonction du potentiel dont elles disposent

(défini par les moyens humains, matériels, etc.). Plus simplement, le public touché par

l’activité associative ne réside pas forcément dans un des périmètres contrat de ville. Il peut

venir de plus ou moins loin, et pas nécessairement d’un secteur d’intervention prioritaire. La

réalité administrative du contrat de ville pose des découpages territoriaux à priori

déconnectés de la réalité pratique des porteurs de projets qui, eux, raisonnent davantage

à partir de découpages spatiaux à posteriori.

160

La territorialisation d’une politique publique nécessite de déterminer des secteurs d’intervention en préalable à toute action. Dans le cas de la politique de la ville, ces découpages permettent d’identifier des zones urbaines sensibles et des zones de redynamisation urbaine (ZUS et ZRU) ainsi que d’autres périmètres prioritaires (dénommés secteurs fragiles par la convention cadre). Ces découpages identifient donc des secteurs d’intervention, de manière explicite et à priori. Les opérateurs associatifs raisonnent quant à eux de manière opposée. Ce sont leurs capacités humaines et matérielles qui déterminent la géographie de leur intervention. Leurs découpages territoriaux sont donc effectués de manière implicite et à postériori.

161

Dans l’optique des prochains contrats urbains de cohésion sociale, il semble donc indispensable de faire converger ces deux modes opératoires afin de gagner en efficacité.

Tentative de bilan. Deux grands types d’opérateurs : le monde associatif, les forces de police.

Les différents acteurs du contrat de ville ont chacun leurs représentations et leurs grilles

d’interprétation quand il s’agit de faire un bilan des sept années de programmation et de porter

un regard sur la situation des habitants résidant dans les secteurs d’intervention.

Pour le volet « sécurité et tranquillité publique », l’équipe d’évaluation a choisi de croiser

les enquêtes effectuées auprès de dix associations avec celles effectuées auprès des

responsables de commissariats des six secteurs de police de l’agglomération. Un tel choix

s’explique par la volonté de confronter deux modes d’actions très différents. Les associations

travaillent principalement sur des temps longs (dix - quinze ans) et pour des résultats dont il

est difficile de rendre compte (une action de prévention, si elle réussit, prévient justement des

actes qui n’auront jamais lieu). Les forces de police, quant à elles, travaillent le plus souvent

sur des temps courts voire très courts (dans le cas des situations d’urgence) et pour des

résultats immédiatement visibles.

Des indicateurs pour l’évaluation.

Les opérateurs associatifs peinent à rendre compte de l’efficacité des actions mises en

œuvre, à l’exception de celles qui disposent d’indicateurs quantitatifs ou qualitatifs. De ce

fait, parmi les membres des dix associations rencontrées, aucun n’est opposé à la mise en

place d’indicateurs qui permettraient l’évaluation de leur activité. À titre d’exemple, la loi de

2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale est bien accueillie par les associations14. Ce

texte oblige notamment à la mise en place d’indicateurs pour mesurer la pertinence des

actions menées par les opérateurs sociaux et médico-sociaux. L’objectif est de travailler à la

qualité du service rendu et de renforcer le droit des usagers. Cependant, nos interlocuteurs ont

souvent mis en avant le décalage qui existe entre ces principes et leurs pratiques quotidiennes.

Ils regrettent que la volonté d’évaluation soit forte à un moment où les objectifs et les moyens

financiers disponibles pour y parvenir sont revus à la baisse. La mouvance associative n’est

14 Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 réformant la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales. L’évaluation des activités sociales et médico-sociales est prévue par l’article 22 de cette loi.

162

pas hostile aux démarches évaluatives si les soutiens financiers sont réels et si les objectifs

vont dans le sens d’une amélioration de la qualité du service rendu15.

Plusieurs des acteurs associatifs rencontrés disposent d’ores déjà d’indicateurs ou sont en

train de mettre en place des outils d’évaluation qui concernent des champs d’action

spécifiques16. Concernant la prévention spécialisée, il est difficile de construire des

indicateurs pertinents. Néanmoins, le calme relatif qui a caractérisé l’agglomération caennaise

durant les événements de l’automne 2005 semble être révélateur de l’efficacité des actions

entreprises dans les périmètres du contrat de ville17. La hausse ou la baisse de fréquentation

des structures associatives chargées de la prévention de la délinquance est également une

donnée à prendre en compte.

En l’état actuel, les indicateurs les plus fiables dont on peut disposer demeurent d’ordre

qualitatif. C’est la prise en compte de cette constatation qui nous a conduit à privilégier la

méthode de l’entretien auprès des différents acteurs locaux de la sécurité publique. Pour

décrire la situation des quartiers du contrat de ville, nous sommes donc partis du « ressenti »

des personnes enquêtées, que nous avons tenté d’ordonner thématiquement. Les lignes qui

suivent tentent donc d’enregistrer la manière dont les opérateurs enquêtés perçoivent les

situations, qu’il s’agisse d’améliorations ou de dégradations.

Au terme de nos entretiens, un constat s’impose : nos interlocuteurs font tous état d’une

aggravation de la situation pour les personnes les plus démunies (socialement, culturellement,

économiquement, etc.). Ces populations fragiles paraissent aux prises avec des difficultés de

plus en plus grandes tandis que les perspectives d’amélioration semblent s’éloigner. Le péril

semble plus grand encore pour les parents d’enfants en âge de verser dans la délinquance.

« Ces gens sont au fond du trou » (selon un représentant de l’institution judiciaire). De fait, au 15 Si ces financements sont en baisse depuis 2005, il faut néanmoins rappeler qu’ils avaient connu une forte augmentation en 2003 et 2004. Cf. document 20 p. 90. 16 L’exemple de la récidive montre les limites d’un tel effort. Si une association mesure des taux de récidive à partir des publics dont elle a la charge, il est probable que les résultats obtenus manqueront de fiabilité. Les associations de contrôle judiciaire mandatées ne touchent en effet qu’une partie du public susceptible de bénéficier de ces actions. Les données collectées à partir de l’activité d’une association ne disent donc rien de la récidive globale. Sur cette base, les associations disposent de représentations très éloignées de la réalité des faits de récidive. Pour d’autres mesures comme les rappels à la loi ou la médiation pénale, les données partagées sont inexistantes. Une mise en relation des données entre l’institution judiciaire, les forces de police et les interlocuteurs associatifs apparaîtrait donc comme un élément positif. 17 Un tel fait doit être pondéré : si le calme relatif d’un quartier peut être porté au crédit de l’action sociale de terrain, il peut aussi être dû à une activité économique illégale à la faveur de laquelle des « caïds » jouent un rôle régulateur auprès des plus jeunes.

163

cours de nos entretiens, ce thème d’une jeunesse à la dérive a mobilisé l’essentiel des

discours.

En matière de sécurité et de tranquillité publique, les données quantitatives manquent de fiabilité ou sont inexistantes. L’équipe d’évaluation a donc privilégié une démarche qualitative fondée sur des entretiens auprès des principaux opérateurs. Pour le volet « sécurité et tranquillité publique », l’équipe d’évaluation a choisi de croiser les enquêtes effectuées auprès de dix associations avec celles effectuées auprès des responsables de commissariats des six secteurs de police de l’agglomération.

Les mineurs des quartiers sensibles : un public désigné pour la prévention de la délinquance ?

Les mesures de prévention de la délinquance sont implicitement dirigées vers des publics

jeunes, en âge d’être scolarisés au collège ou au lycée. Selon nos interlocuteurs, les années

1980 marquent une transformation du profil sociologique de ces publics. Avec la fin de la

période fordiste, la génération issue des classes ouvrières ne trouve plus qu’une place limitée

sur un marché du travail qui, pour ces catégories, est de plus en plus marqué par la précarité et

la déqualification18.

La fin de l’industrie fordiste a eu pour conséquence de développer un chômage ouvrier de

masse, associé à la généralisation des mesures de préretraites. Dans les années 1990, les ZUS

et autres quartiers prioritaires ont vu augmenter le nombre des familles dans lesquelles aucun

des deux parents n’occupait un emploi. L’ennui et l’alcool jouent alors le rôle d’un facteur

aggravant, dans un environnement familial qui se dégrade rapidement. Malgré les différents

suivis mis en œuvre, le nombre d’adolescents qui grandissent sans avenir et sans repères a

considérablement augmenté depuis cette période.

18 Pour un développement sur la situation générale à l’échelle française, consulter par exemple Castel, 1995 et 2003 ainsi que Wacquant, 2006.

164

Pour ces jeunes, la référence au travail s’est délitée. Bien souvent, dans leur réseau de

relation, aucun adulte n’occupe un emploi permanent. Pour la majorité de la population, les

revenus du travail permettent de mener à bien des projets (logement, équipement automobile,

consommation, vacances). Il est donc logique que les jeunes gens s’y préparent, notamment

par le biais d’un parcours scolaire réussi. Pour les enfants des familles les plus en difficulté,

cette représentation du travail ayant peu à peu disparu, l’utilité du parcours scolaire perd de sa

signification. Pourtant, lorsqu’on le leur propose (par l’intermédiaire de la Protection

Judiciaire de la Jeunesse par exemple), ils ne refusent pas à priori d’exercer une activité.

Concernant les conduites addictives, l’âge des publics concernés tend à diminuer. Les

forces de police découvrent couramment du cannabis dans les collèges et, parfois, des

produits plus nocifs. Les revendeurs n’hésitent pas élargir leur « clientèle », notamment en

direction des plus jeunes19. Une consommation excessive de stupéfiants rend ces pré-

adolescents instables psychologiquement et de plus en plus éloignés des réalités de la vie

sociale. Corrélativement, les centres d’intérêts de cette « jeunesse à la dérive » se déplacent.

Alors que la valeur du travail perd de son crédit, les multiples tentations de la société de

consommation rendent le rapport à l’argent de plus en plus crucial.

Document 43 : extrait d’un entretien avec un acteur associatif à la Guérinière.

Question :

« La fermeture de l’Association Sportive de la Guérinière n’a pas entraîné de réactions importantes de la part des

jeunes du quartier. Pourquoi ? »

-Réponse :

« En ce moment ils sont calmes. C’est notre fierté. Mais bon…ils roulent dans des belles voitures alors que la plupart

des parents vont « au colis ». Il y a le cannabis et peut-être aussi autre chose. Enfin, j’aimerai me tromper… »

Nombre de mineurs signalés en danger ou en grande difficulté entretiennent un rapport au

temps qu’on peut qualifier de fantasmatique. Pour eux, la durée n’existe pas, l’ensemble des

165

19 Cette évolution inquiétante n’est pas uniquement le fait des quartiers sensibles. Elle est relevée partout et pour l’ensemble des jeunes, indépendamment de leurs catégories sociales de référence.

choses vécues se rassemblant dans un éternel présent. De ce fait, les conséquences de leurs

actes, y compris ceux qui sont répréhensibles, ne peuvent correctement être prises en compte.

Document 44 : rencontre avec un représentant de l’institution judiciaire.

« Les jeunes sont dans le « je veux tout de suite ». Ils sont dans le présent. Pour qu’ils vivent, qu’ils se sentent

vivants…ils ne peuvent pas l’élaborer intellectuellement donc ils posent des actes : je vole, j’agresse… et je vis car j’ai

des sentiments, des peurs, des joies ».

(…)

« Ils n’y pensent même pas à l’ascension sociale ! Si on se dit « je peux pas avoir de l’ascension sociale », c’est déjà

avoir une perspective, « je peux faire quelque chose ! » C’est assez bizarre de penser qu’il faut travailler. Ce n’est pas

dans leur champ. Ils voient les autres avec de l’argent et des voitures mais eux aussi ils peuvent. Ils veulent de l’argent,

ils en prennent, ils veulent une voiture, c’est pareil ».

(…)

« Je pense que ça va assez mal. Comme ils sont sur l’instant, ils peuvent casser énormément. Ils ne pensent pas à la

prison. Si, après ils pleurent quand ils risquent la prison ou d’être placé ailleurs…mais sur l’instant… Avoir les

conséquences d’un acte, c’est déjà une élaboration intellectuelle qui n’a pas été donnée par les parents ».

Pour de nombreux jeunes en difficulté, le passage à l’acte violent s’est banalisé et est

devenu de plus en plus fréquent. Dans ce cas, la perte des régulateurs traditionnels que sont

les parents, les enseignants, etc. constitue un facteur aggravant. Les acteurs associatifs notent

également le développement de conduites intolérantes vis à vis des proches ou des relations.

Les gens du voyage : un public spécifique ?

Les gens du voyage ne font pas partie des publics prioritaires identifiés par le contrat de

ville, du fait de l’existence d’un schéma départemental d’accueil20 . Pourtant, cinq projets

concernant ces populations ont été déposés dans le cadre du contrat de ville entre 2000 et

2006. Les gens du voyage sont présents aux abords du quartier de la Guérinière depuis plus de

vingt ans (campement du Boulevard Raymond Poincaré). Un climat de confiance semble

s’être instauré avec les populations sédentaires riveraines comme avec les différentes

structures d’intervention sociale. De nombreux enfants (majoritairement des filles) participent 20 Prévu par l’article 1 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

166

aux activités proposées par les associations implantées à la Guérinière ou aux abords.

Cependant, il est question d’installer une nouvelle aire de stationnement en périphérie, ce qui

obligerait ces populations à se déplacer et à quitter un environnement qui leur est devenu

familier.

La situation sociale des habitants des quartiers prioritaires.

Au cours des entretiens réalisés, les thèmes de la sécurité et de la tranquillité publique ont

systématiquement amené les acteurs associatifs à établir un parallèle entre la sécurité des

personnes et des biens et l’insécurité sociale et économique subie par les résidents des

secteurs prioritaires. Systématiquement, la thématique « sécurité et tranquillité publique » leur

est apparue comme une entrée permettant de porter un regard sur la situation sociale des

quartiers prioritaires du contrat de ville.

Ces derniers sont marqués par une forte concentration de logements sociaux de type HLM.

Si ce type de logement répondait aux besoins des années 1950 – 1960, ce n’est plus le cas

aujourd’hui. Les « HLM » ne sont plus un sas mais plutôt un symbole de relégation, dissuasif

envers tout espoir d’ascension sociale par le logement. Pour nos interlocuteurs, la tendance est

au développement des situations de grande précarité. Plus qu’au développement de la mixité

sociale, ils sont frappés par une tendance à « l’homogénéisation par le bas » qui, selon eux,

apparaît comme la caractéristique dominante.

Pour les acteurs associatifs, la période 2000-2006 est marquée par deux phases en matière

de gestion et de prévention de la délinquance auprès des publics jeunes. L’année 2000

correspond à une phase d’accalmie, la reprise de l’emploi favorisant l’insertion

professionnelle de ces jeunes. À partir de 2004, nos interlocuteurs enregistrent de nouveaux

blocages. L’accès à l’emploi devient plus difficile tandis que les hausses des prix du foncier et

de l’immobilier rendent l’accès au logement libre quasiment impossible. Selon les personnes

enquêtées, cette absence de perspectives génère des situations qui peuvent, à terme, devenir

explosives.

167

Panorama par secteurs prioritaires.

À partir de nos entretiens, il est possible de faire un état de la situation par quartiers.

Comme il a été précisé antérieurement, ces constats correspondent au « ressenti » des acteurs.

N’ayant pas de valeur objective, ils sont cependant utiles dans la perspective de l’évaluation

du contrat de ville.

À La Pierre-Heuzé et à Saint-Jean-Eudes, le tissu associatif est faible. Les associations

actives s’y occupent d’actions caritatives et interviennent auprès des mineurs dans les

domaines de la prévention et de l’éducation. Faute d’une activité suffisante, elles ne peuvent

cependant pas agir en direction des publics adultes.

Les interlocuteurs sollicités font état d’une amélioration de la situation. Une baisse des

actes d’incivilité et de vandalisme a été constatée, confirmée par les données disponibles

auprès des organismes HLM21. Cette baisse est concomitante de la réouverture d’un local

associatif à la Pierre-Heuzé, mais il n’est pas possible d’établir une corrélation certaine entre

cette réouverture et la diminution du « sentiment d’insécurité »22.

Si nos interlocuteurs ne remettent pas en cause les interventions des forces de police, les

SLIC23 sont appréciées négativement car elles participent à la montée des comportements de

rébellion vis à vis des institutions. Ces comportements se traduisent notamment par des

dégradations de biens matériels.

Une seule association est inscrite dans le dispositif du contrat de ville. Dans ce cadre, elle

tend à jouer le rôle d’un régulateur auprès des résidents les plus jeunes. Compte tenu de son

audience, elle a désormais la capacité d’intervenir pour désamorcer des situations avant

qu’elles ne s’enveniment. Néanmoins, un noyau d’une dizaine d’individus, connus des

services de police, est rétif à toute démarche de régulation. Outre leurs actes, ils posent

problème sur le plan éducatif par l’exemple très négatif qu’ils donnent aux plus jeunes.

Selon les dires de nos interlocuteurs, la Pierre-Heuzé est d’atmosphère plus tranquille que

la Guérinière ou la Grâce-de-Dieu. Cependant, cette apparente « tranquillité » n’est pas

forcément liée à un recul de la criminalité. Certains délinquants souhaitent justement que le

21 Caen Habitat dispose par exemple de données recensant les dégradations constatées sur son parc immobilier. 22 L’expression « sentiment d’insécurité » étant fortement connotée du fait d’une utilisation peu scrupuleuse (notamment parla sphère médiatique), nous avons choisi de l’utiliser entre guillemets dans les développements qui suivent. 23 Les agents composant les SLIC (structures légères d’intervention et de contrôle) peuvent être autorisées sur réquisition du procureur à effectuer des contrôles d’identité durant des plages horaires déterminées.

168

quartier ne soit pas remarqué des forces de polices en vue de limiter les interventions de

celles-ci.

Les personnes rencontrées à La Guérinière (responsables d’associations et habitants)

présentent volontiers cet espace de vie comme un quartier vivant sur lui-même, sans attaches

avec le reste de la ville. Il est à remarquer que la mise en place du tramway, qui relie

efficacement la Guérinière au centre ville, n’a pour l’instant pas modifié ce genre de

représentations, qui insiste sur la coupure étanche censée opposer les « Guérinois » aux autres

Caennais. Pour les personnes interrogées, la contrepartie positive de cet isolement, réside dans

la solidarité censée lier les habitants entre eux.

Cette solidarité s’est longtemps incarnée dans l’Association Sportive de la Guérinière

(ASG), avant que cette dernière ne soit dissoute. Marquée par son ancienneté et son ancrage

familial, il ressort de nos entretiens que cette association était très positivement appréciée. Les

jeunes (mineurs et jeunes majeurs) sont les plus sensibles à l’arrêt de cette activité. Ils ne

peuvent plus pratiquer le football à domicile alors que le city stade construit récemment ne

suffit pas à combler les besoins. La fin de l’ASG leur paraît constituer un danger pour

l’ensemble du quartier. De fait, la disparition de l’activité sportive et de l’encadrement par des

moniteurs supprime une régulation qui s’était construite sur plusieurs années. Animées par

des habitants proches des jeunes, l’ASG venait bien souvent remplacer les carences d’une

régulation ordinairement effectuée dans le cadre familial. Moins occupé par l’activité

sportive, un nombre plus important de jeunes risque de basculer dans la délinquance et

l’économie illégale. Alors que les parents « font avec de moins en moins » (selon une

habitante), personne ne répond à la question suivante : « de quoi vivent les jeunes de ces

quartiers aujourd’hui ? » (un responsable associatif).

Nos interlocuteurs font état d’une diminution du « sentiment d’insécurité » depuis quelques

mois. Ils déplorent cependant que les immeubles où résidaient les populations les plus pauvres

aient été détruits suite aux opérations de rénovation urbaine engagées au titre de l’ANRU et

que les familles aient été déplacées. Selon ces personnes, le quartier est plus pauvre

qu’auparavant car des moyens d’action publique ont été retirés24. Selon eux, 70% des

habitants se situeraient au-dessous du seuil de pauvreté et la Guérinière semble s’installer

24 Les moyens du contrat de ville alloués aux ZUS de la Ville de Caen ont effectivement diminué depuis 2003. Cf. Document 25 p.

169

dans la misère25. Paradoxalement, c’est à cette augmentation des difficultés que nos

interlocuteurs attribuent la diminution de la tension et des heurts : la plupart des habitants se

trouvant dans une situation identique, le sentiment d’injustice est moindre.

En quelques années, les physionomies de la Grâce-De-Dieu et de la Guérinière ont

profondément changé, la rénovation urbaine effectuée au titre de l’ANRU ayant eu de fortes

conséquences. Pourtant, un usager fréquentant une association guérinoise analyse ainsi la

situation : « C’est un peu mieux depuis l’année dernière. Le quartier est réhabilité en ce

moment. Mais quand on a des choses d’un côté, on retire des choses de l’autre côté ». Cette

personne semble sous-entendre que l’augmentation des investissements en faveur du bâti s’est

accompagnée d’une diminution des dépenses sociales. Si cette observation est juste, il est

erroné de l’imputer aux investissements consentis au titre de l’ANRU. À la Guérinière et à la

Grâce-De-Dieu, les responsables associatifs et les adhérents des associations critiquent très

vivement le contrat de ville, accusé d’avoir impulsé une activité associative sans lui donner

les possibilités ultérieures d’être pérennisée.

La situation de La Grâce-De-Dieu semble différente. D’après nos interlocuteurs, cette

ZUS est marquée par le chômage de masse et la pauvreté26. Selon eux, cette dernière est sous-

estimée par les pouvoirs publics. « Il faut dire que tout va bien. Il y a un refus de voir ce qui

se passe réellement » (selon un responsable associatif). Selon lui, la moitié de la population

des parents est au chômage ou au RMI27. Les parents n’exercent plus de contrôle sur les

enfants, ce qui contribue au développement de conduites inciviles chez les plus jeunes.

S’ajoutant aux problèmes économiques le fléau de l’alcool, très présent dans les foyers,

aggrave encore les situations familiales.

La Grâce-De-Dieu est la ZUS caennaise qui soulève le plus d’inquiétudes auprès de nos

interlocuteurs car, selon eux, le quartier pourrait être déstabilisé de façon très soudaine. La

fermeture de la MJC en 1998 est lourde de menaces. Recréer un local d’accueil qui ait une

25 Une étude de l’INSEE Basse-Normandie fixe effectivement à 70 % le nombre des ménages de la Guérinière non assujettis à l’impôt sur le revenu. Selon cette même étude, la proportion est identique en ce qui concerne les ménages vivant sous le seuil de pauvreté. Si le nombre des chômeurs est moins élevé en 2002 qu’en 1999, la baisse y est cependant inférieure à la moyenne caennaise. Cf. « Les ZUS respirent mieux ». Cent pour Cent Basse-Normandie n° 147, juin 2005. 26 Selon l’INSEE (étude citée), la proportion de ménages de la Grâce-De-Dieu vivant sous le seuil de pauvreté en 2002 est toutefois inférieure à celle constatée à la Guérinière : 58 % contre 70 pour la Guérinière. 27 Selon l’INSEE (étude citée), 37 % de la population active de la Grâce-De-Dieu subit un chômage de longue durée (douze mois ou plus pour les adultes, six mois ou plus pour les jeunes de moins de 25 ans).

170

fonction polyvalente leur apparaît donc comme une priorité. Une structure de ce type pourrait

permettre que se développent des initiatives locales et populaires type « fête de quartier ». À

la Grâce-De-Dieu, quelques associations fonctionnent correctement mais elles souffrent d’un

manque de bénévoles et de personnel. L’activité commerciale étant par ailleurs en baisse, la

question du lien social et de la vie de quartier se pose avec une acuité particulière.

Lors des entretiens effectués sur place, le quartier du Chemin-Vert est perçu comme

s’enfonçant dans une situation de plus en plus difficile. Une précarité extrême tend à s’y

installer28. Les populations résidantes comme les nouveaux arrivants y éprouvent des

difficultés importantes et sont de plus en plus touchés par les difficultés liées à l’emploi et à la

précarité. Pour certains de nos interlocuteurs associatifs, il est de plus en plus difficile de

répondre aux situations d’urgence en matière d’hébergement et d’alimentation.

Il y a quelques années, la commune d’Hérouville-Saint-Clair pâtissait d’une mauvaise

réputation. Depuis 2000, les personnes enquêtées sur place estiment que la situation

s’améliore : « Ça va de mieux en mieux sur Hérouville » (selon un responsable associatif).

Dans la commune, la baisse des faits de délinquance enregistrés est évaluée à 13% entre 2004

et 2005, ce qui correspond à un résultat très positif (durant la même période, la baisse

moyenne enregistrée nationalement n’est que de 8%). Cependant, les statistiques produites par

les services de police sont à prendre avec précaution : outre une baisse réelle des faits de

délinquances, elles enregistrent aussi les fluctuations de l’activité répressive, ce qui introduit

de nombreux biais méthodologiques.

Les associations travaillant à Hérouville parviennent à approcher l’ensemble des publics

jeunes, notamment ceux qui sont en voie de marginalisation. À l’image de ce qui se produit à

la Pierre-Heuzé toute proche, il existe cependant un noyau de délinquants connus des services

de police qui attente de façon récurrente à l’ordre public et qui influence négativement le reste

de la population juvénile (incitation à la consommation et à la revente de stupéfiants, autres

comportements déviants, etc.). Les acteurs associatifs avouent être démunis par rapport à cette

frange extrême de la population délinquante. Les personnes enquêtées proposent donc que soit

renforcées les activités mises en place par l’Association Quartiers Jeunes (AQJ). Il semble

171

28 Selon différentes analyses effectuées à partir des données du recensement de 1999, la précarité était moins marquée au Chemin Vert que dans les ZUS de la Guérinière ou de la Grâce-De-Dieu. Elle y semblait cependant en progression plus forte que dans ces deux ZUS de référence. Cf. Préfecture de Région Basse-Normandie, Observatoire régionale des quartiers de la politique de la ville en Basse-Normandie, 2002, Cahiers régionaux de la Ville. Agglomération caennaise, décembre 2002.

souhaitable que l’activité de ses bénévoles soit complétée par celle de professionnels

spécialisés dans la prévention de la délinquance et dans la protection de l’enfance.

Document 45 : entretien avec un professionnel de la prévention spécialisée.

- Question :

« Un quartier reconnu comme « prioritaire » ou « sensible » par la politique de la ville, peut-il fonctionner et

vivre bien sans acteurs associatifs ? »

« Cela peut fonctionner sans rien. Par exemple, la disparition de la MJC de la Grâce-De-Dieu n’a pas posé tant

de difficultés. Mais on arrive à une anomie généralisée, à une dépression généralisée, qui fait que demain les

quartiers ne seront plus contrôlables. Au moindre problème, s’il n’y a pas d’adultes, pas d’institutions, pas

d’associations intermédiaires qui peuvent jouer le rôle de régulateur, les choses explosent. À la Grâce-De-Dieu,

les acteurs ont un engagement discret et volontariste, qui fonctionne.

Un quartier peut vivre sans rien mais il se sépare de la ville. Si rien ne remplace l’ASG, on ne va pas voir

d’effets immédiats, il n’y aura pas le feu tout de suite au quartier. On le verra dans trois ou quatre ans. Idem

pour les actions des associations dans la politique de la ville. On ne voit pas aujourd’hui. C’est bien après et

pas toujours là où on s’y attend. Et s’il faut évaluer, il faut aussi pondérer. Il n’y aura pas d’indicateurs bruts

permettant une lecture très précise de ce qui est fait ».

(…) revenant sur la Guérinière :

« Sur des quartiers comme la Guérinière, il peut y avoir une désagrégation du lien social sans effets immédiats

et aussi des effets immédiats sans désagrégation du lien social. La construction d’un quartier est un ensemble.

On peut être dans une anomie généralisée sans problème de sécurité et de tranquillité publique. On peut avoir

une économie parallèle, une grande souffrance des personnes sans qu’un quartier soit explosif. Cela doit

inquiéter tout autant. Et il faut de l’intervention publique. Sinon le risque de mise en marge est très fort.

À contrario, on peut avoir un quartier bien structuré, avec une politique volontariste et qui va flamber. Parce qu’il

y des leaders, un événement, un incident… »

- Question :

« Qu’est ce qu’il faut faire ? »

« On prend l’exemple d’un lien social faible sur un quartier. Si on fait du lien, les jeunes deviennent une force et

ont la capacité de mettre une pression sur un territoire. Et si on ne crée pas de régulation, il y a des possibilités

de troubles. C’est à double tranchant.

Comme le dit Laurent Mucchielli, il ne faut pas laisser éclater mais regrouper, lier au risque qu’il y ait des

conflits. Si la force créée n’est pas régulée, c’est là qu’il y a des problèmes. La régulation doit se faire par ceux

qui ont rassemblé, par des adultes référents ».

Quels besoins pour l’activité associative ?

172

Plus que les besoins financiers, la question du personnel pose un problème crucial aux

responsables associatifs qui aspirent à mettre en place des actions efficaces sur le long terme.

Recruté au moyen de contrats aidés (emplois jeunes notamment), le statut des personnels

associatifs est précaire. L’acquisition d’une expérience des publics et des secteurs

d’intervention nécessitant une immersion de longue durée, la durée des contrats d’embauche

ne permet pas l’acquisition d’une expérience suffisante. Bien souvent, l’employeur associatif

doit se séparer de son employé juste au moment où ce dernier devient efficace. C’est

notamment le cas pour les personnels recrutés au titre du CAE (contrat d’Accompagnements à

l’emploi). Pour éviter la dilapidation de ce capital d’expérience, les responsables associatifs

doivent « jongler » avec les dispositifs afin de maintenir la pérennité des emplois en vue de

continuer à fournir un service de qualité. Nos interlocuteurs ont par ailleurs relevé un déficit

en matière d’animateurs et de personnels spécialisés, ce qui les empêche de couvrir les

quartiers de façon stratégique. C’est notamment le cas à Hérouville-Saint-Clair et plus

récemment au Chemin-Vert. De ce fait, la gestion des situations d’urgence devient de plus en

plus difficile.

La question des besoins matériels se pose également mais elle semble moins cruciale. Dans

les faits, un nombre important de locaux (gymnases, infrastructures sportives, etc.) est mis à la

disposition des associations par les collectivités locales. En revanche, la question des besoins

en véhicules est plus délicate, notamment pour les manifestations sportives qui impliquent des

déplacements.

Sur le versant du contrôle judiciaire socio-éducatif, les besoins humains et matériels sont

plus difficiles à évaluer, dans la mesure où l’activité associative varie en fonction des mandats

déposés par le magistrat instructeur. Sur une période donnée, les fluctuations du nombre de

mesures de contrôle judiciaire peuvent être fortes alors que le taux de délinquance générale

varie peu. On relève en outre des décalages entre la demande réelle et la demande formulée.

Par exemple, le potentiel d’accueil en centre semble être suffisant alors que les travailleurs

sociaux relèvent des besoins non satisfaits.

173

La police nationale dans l’agglomération caennaise : le cas de la police de proximité29.

En matière de sécurité et de tranquillité publique, le cadre d’action des responsables

associatifs et très différent de celui de la police nationale. Associations et forces de police

abordent d’une manière opposée la question des rapports avec les habitants des quartiers

prioritaires. Les associations travaillent sur des temps longs et touchent des « publics »

préalablement identifiés. Les forces de police, quant à elles, travaillent sur des temps

forcément plus courts et, lorsqu’elles interviennent, elles s’intéressent uniquement à des

individus.

Évolution générale pour la période 2000-2006

L’analyse qui suit porte sur les délits constatés mais il faut garder à l’esprit que la sécurité

et la tranquillité publique ne relèvent pas exclusivement des faits délictuels. Certains

comportements, les incivilités par exemple, ne sont pas systématiquement punis par la loi.

Pourtant, ils contribuent à entretenir des ambiances qui peuvent être mal vécues par les

habitants d’un quartier, surtout s’ils s’ajoutent à des difficultés socio-économiques déjà

lourdes.

Sur l’ensemble de la période 2000-2006, on ne constate pas d’évolution linéaire en ce qui

concerne la délinquance au sein des périmètres prioritaires du contrat de ville. Selon les types

de délits, on constate des évolutions spécifiques, différentes selon les lieux. L’année 2003

marque cependant un retournement : à partir de cette date, les données collectées par la police

de proximité révèlent une baisse des faits délictueux constatés sur l’ensemble de

l’agglomération caennaise. À l’intérieur des périmètres concernés par le contrat de ville, les

indicateurs connaissent une évolution positive à la Guérinière et à la Grâce-de-Dieu. Depuis

2003, la réponse policière est qualifiée de plus « opérationnelle » par nos interlocuteurs. Le

nombre de gardes à vues est passé de 8 ou 9 par vingt-quatre heures à 30 ou 40 aujourd’hui.

Dans le même temps, la réponse judiciaire est elle aussi devenue plus « favorable », ce qui

signifie que les individus appréhendés sont de plus en plus fréquemment mis sous écrou.

En matière de délinquance acquisitive, la police nationale observe une baisse notable des

faits constatés sur l’ensemble de l’agglomération caennaise. Le nombre des cambriolages, des

29 Rappelons que la police de proximité exerce une activité diurne. La nuit, les questions de sécurité publique et les publics concernés sont différents. Une rencontre avec la Brigade-Anti-Criminalité (BAC), qui opère la nuit, n’a pas pu être effectuée.

174

vols de voitures et de cyclomoteurs a diminué de manière notable. Dans le même temps, les

vols à la tire de téléphone portables et de portefeuilles ont cependant augmenté.

Depuis 2003, les statistiques enregistrent une baisse des faits constatés dans certains quartiers et périmètres prioritaires du contrat de ville. Il est cependant impossible de savoir si cette baisse est directement imputable aux actions menées dans le cadre du contrat de ville ou si elle est due à la réorganisation des services de la police nationale, effectuée en 2002.

Depuis 2003, les forces de police sont davantage présentes dans l’espace public, ce qui a

pour conséquence mécanique d’augmenter la couverture des infractions constatées. Les

saisies de stupéfiants et d’armes blanches ont par exemple augmenté, du fait de la

multiplication des contrôles. De ce fait, il serait inexact d’affirmer que les volumes de

stupéfiants ou le nombre des armes blanches en circulation sont supérieurs aujourd’hui à ce

qu’il était en 2003.

La délinquance d’intimidation, les menaces, le chantage semblent avoir partiellement

remplacé la délinquance acquisitive, qu’elle soit violente ou non30. Les faits de menaces et de

chantage contribuant à l’instauration d’un climat d’insécurité, ils possèdent une qualification

pénale, de même que les dégradations de biens publics et privés, qui participent également

aux troubles envers l’ordre public. Les services de police enregistrent les plaintes concernant

ces types de faits mais les degrés sont nombreux, des menaces verbales jusqu’au passage à

l’acte. La délinquance d’intimidation, si elle augmente en moyenne, connaît de fortes

variations d’intensité à l’échelle fine des quartiers et des périmètres prioritaires. Ces variations

s’expliquent par l’activité de groupes rassemblant quelques individus qui, localement, ont pu

trouver une opportunité leur permettant d’exercer une activité répréhensible.

30 Le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation) observe cependant des violences en augmentation pour les faits les plus graves dont ce service est en charge.

175

L’addiction à l’alcool est en augmentation, notamment parmi les populations les plus

jeunes31. Ne concernant pas directement les questions de sécurité, cette surconsommation

joue néanmoins un rôle déterminant en matière de tranquillité publique. Les pratiques

d’enivrement sur la voie publique se développent, ce qui contribue parfois à l’instauration

d’ambiances tendues. Si les périmètres inclus dans le contrat de ville ne semblent pas plus

touchés que des lieux plus centraux de la ville, la lutte contre l’alcoolisme y semble aussi peu

efficace qu’ailleurs, l’activité de l’atelier santé-ville n’ayant pas permis d’enrayer

l’augmentation de ces consommations. Calée sur une géographie prioritaire, l’activité du

contrat de ville peine à descendre jusqu’au niveau individuel, pourtant indispensable en vue

d’une prise en charge réelle. Celle-ci ne pouvant se faire que sur la base du volontariat des

personnes concernées (dans le cas du CCAS, par exemple), l’efficacité de ces actions est

d’autant plus limitée.

État des lieux et des difficultés.

En matière de sécurité et de tranquillité publique, les différents opérateurs du contrat de

ville proposent des représentations diverses de la situation des quartiers prioritaires. En dépit

d’un recoupement rigoureux des informations, il n’a pas été possible dans un premier temps

de produire un état des lieux cohérent à l’échelle de l’agglomération. Dans un deuxième

temps, des rencontres avec les chefs des commissariats de quartiers ont cependant permis de

faire apparaître des clés de lecture des phénomènes. Six entretiens ont été effectués auprès des

chefs de secteurs des six commissariats de quartier de l’agglomération caennaise.

Alors que les signataires du contrat de ville raisonnent à l’échelle de leurs secteurs

d’intervention, la police de proximité travaille quant à elle à une échelle plus grande : celle de

la rue, du bâtiment, voire de l’étage ou de la porte d’appartement. Les difficultés les plus

importantes en matière d’insécurité et de troubles à la tranquillité publique sont en effet liées à

quelques individus ou à quelques familles identifiées par les services de police. Leur objectif

est de pouvoir les suivre de manière rigoureuse, quel que soit le lieu de l’agglomération où ils

agissent.

176

31 Il est à noter que cette augmentation est enregistrée pour l’ensemble des populations juvéniles, indépendamment de leur appartenance sociale ou de leur lieu de résidence. Au printemps 2006 par exemple, le mouvement de grève anti-CPE développé par les lycéens et les étudiants s’est notablement durci, suite à une forte consommation d’alcool chez les manifestants comme chez les « bloqueurs » des locaux d’enseignement.

Les services de police de l’État et des collectivités locales proposent une lecture générale

des phénomènes d’insécurité: Au cours de la période 2000-2006, certains lieux se

caractérisent par une amélioration de la situation (par exemple la Guérinière). D’autres, plutôt

tranquilles en 2000, tendent à poser de plus en plus de problèmes en terme de sécurité (par

exemple le Chemin-Vert). Une interprétation rapide pourrait conduire à affirmer que

l’insécurité se développe dans les lieux qui n’ont pas fait l’objet d’une attention suffisante de

la part des politiques de la ville. Le Chemin-Vert n’étant pas classé en ZUS, les dépenses

effectuées au titre du contrat de ville sont en effet trois fois inférieures à celles que l’on peut

enregistrer dans les ZUS d’Hérouville ou de Caen (cf. deuxième partie, document 26, p. 102).

Cependant, l’explication se doit d’être plus complexe car, dans les faits, l’apparition de

troubles est due à deux cas de figure.

Les situations d’insécurité sont souvent provoquées par des meneurs jouissant d’une

certaine autorité qui parviennent à rassembler d’autres personnes autour d’eux. C’est à partir

de ces groupes que se développent des situations d’insécurité dommageables pour les autres

habitants. Lorsque ces individus changent de résidence ou lorsqu’ils sont expulsés,

l’insécurité se déplace avec eux.

Les programmes de rénovation urbaine développés à la Guérinière et à Hérouville ont

conduit à la démolition des immeubles les plus dégradées. Abritant les familles les plus

paupérisées et, souvent, les plus délinquantes ces destructions se sont accompagnées de

mesures visant à reloger ces individus ou ces familles vers des groupes de logements plus

calmes. C’est apparemment ce qui se passe au Chemin-Vert depuis 2004 – 2005, suite à

l’installation de familles relogées en provenance d’Hérouville et de la Guérinière. Autrefois

dans une situation difficile, le Chemin-Vert avait pourtant retrouvé une situation satisfaisante,

suite à la disparition d’un groupe d’individus délinquants. Avec l’arrivée de ces nouvelles

populations, c’est un patient travail de reconquête de la civilité qui a donc été réduit à néant

en quelques mois.

177

Cet exemple nous amène à interroger les bienfaits de la mixité résidentielle. Considéré

comme bénéfique, le mélange des populations provoqué par les opérations de démolition-

reconstruction présente parfois des conséquences négatives en matière de sécurité publique.

Ne favorisant que marginalement l’intégration des familles les plus en difficulté, le

déplacement résidentiel contribue par ailleurs à multiplier les situations troublées à l’échelle

de l’agglomération caennaise. Un officier de police résume la situation de la façon suivante :

« Est-ce qu’il faut regrouper les familles et faire des « ghettos » ou les disséminer et

emmerder tout le monde ? La mixité, ce n’est que le déplacement des problèmes. On ne les

résout pas ! D’autant que les familles ou les individus déplacés ramènent leurs copains dans

de nouveaux quartiers... ».

Le suivi des familles montre que les déplacements résidentiels n’ont aucun effet sur les

familles les plus en difficulté. Parfois, de telles mesures aboutissent même au résultat inverse.

Exaspérés par leur comportement, les voisins de ces familles aspirent à quitter leur logement

au bout de quelques mois. Délaissés par les locataires ordinaires, des cages d’escaliers, voire

des immeubles entiers concentrent alors les cas les plus difficiles, accentuant d’autant les

phénomènes de ségrégation et de stigmatisation.

L’inefficacité des mesures de déplacement résidentiel est également constatée par les

acteurs associatifs et les techniciens des collectivités locales. Si de telles mesures continuent

d’être mises en pratique, il faudra imaginer de nouveaux moyens de suivi à destination des

populations les plus désocialisées. Il faudra en outre assouplir les dispositifs territorialisés afin

d’agir sur ces populations indépendamment de leurs lieux de résidence.

Les questions de sécurité sont intimement liées aux difficultés sociales. Reconnu par les

opérateurs sociaux, cette grille d’analyse est désormais intégrée par de nombreux agents des

forces de police. Les problèmes qu’ils ont à traiter sont dus à des facteurs multiples, mais

étroitement liés à la position sociale des personnes ou des familles. Aux facteurs socio-

économiques, s’ajoutent les difficultés liées aux parcours familiaux ou scolaires, ainsi qu’a la

consommation d’alcool et de stupéfiants.

À titre d’exemple, un officier de police interrogé à Hérouville-Saint-Clair présente ainsi la

commune où il travaille quotidiennement : « Le secteur 6, c’est des chiffres. 55 % de

logements sociaux, 80 nationalités, entre 20 et 25 % de chômage et jusqu’à 40 % au Grand

Parc… ». Nombreux sont les officiers interrogés qui établissent une corrélation forte entre

niveau de délinquance et situation de l’emploi : lorsque la situation face à l’emploi s’améliore,

les problèmes de délinquance leur paraissent moins dramatiques.

Vers une géographie de la sécurité publique dans l’agglomération caennaise.

178

Le secteur 1 est probablement le plus calme au sein de l’agglomération caennaise. C’est un

secteur pavillonnaire dont la population résidente est qualifiée de « tranquille » par les forces

de police. Seuls quelques jeunes créent parfois de légers troubles.

Les difficultés rencontrées dans le secteur 2 dépendent des lieux d’habitation des individus

ou des « familles à problèmes ». Les jeunes connus de la police se déplacent peu en dehors de

leurs quartiers. Une situation nouvelle est à noter à la Folie-Couvrechef où une bande

d’adolescents déscolarisés (14 à 15 ans) multiplie vols et incivilités, notamment à proximité

du Collège Jacques Monod. Le Calvaire Saint Pierre a été relativement calme au cours de

l’année 2006.

Document 46 : les lieux de l’insécurité dans l’agglomération caennaise32.

Secteurs d’intervention des forces de police Lieux difficiles en matière de sécurité publique33

Secteur 1 : Carpiquet

Secteur Roland Vico (Saint-Germain-La Blanche-Herbe).

Rue de L’abbaye d’Ardennes.

La Baronnerie ( Bretteville-sur-Odon).

Secteur 2 : Chemin-Vert (Caen)

Rue de Bourgogne (le « 101 Chemin-Vert »).

Rue de Champagne.

Rue du Bessin.

Allée de Lessay et allée de Diélette.

La Folie-Couvrechef. Difficultés récentes.

Secteur Président Coty, Côte de Nacre.

Secteur 3 : Jacobins (Caen)

Rue Montcalm (Pierre-Heuzé).

Les Gens d’Armes (Saint-Jean-Eudes). Rue des Tablotières.

Secteur 4 : Guynemer, Grâce-De-Dieu (Caen)

Quartiers de la Guérinière et la Grâce-De-Dieu.

Quelques problèmes à Ifs et Fleury-sur-Orne.

Quartier de la gare. Difficultés épisodiques.

Secteur 5 : Mondeville

Allée des Poètes.

Résidence du Parc.

Secteur 6 : Hérouville-Saint-Clair

Le Grand Parc (Porte 2)

La Haute Folie (Porte 10).

Le Val (Porte 5). Au cours de l’été 2006.

La Cité Libérée (Colombelles).

32 Ce tableau a été dressé à partir des informations recueillies au cours des entretiens avec les six chefs de secteurs.

179

33 Dans ces lieux difficiles, il est indispensable de préciser que seule une infime minorité d’individus, de familles ou de groupes (10 à 15 personnes) est facteur de troubles.

À la Pierre-Heuzé, située dans le secteur 3, des difficultés sont rencontrées par les services

de police rue Montcalm. Dans le quartier Saint-Jean-Eudes, l’insécurité est fréquente dans la

rue des Tablotières. La situation du secteur 4 dépend essentiellement de celle des quartiers de la Guérinière et

de la Grâce-De-Dieu. La forte proportion de populations pauvres, des taux de chômage

élevés, des familles nombreuses associées à des problèmes d’alcoolisme et de cas relevant de

la psychiatrie engendrent des situations difficiles. S’ajoutant aux dégradations ordinaires et

aux incendies de conteneurs à ordures, les jets de projectiles à destination des forces de police

connaissent une multiplication inquiétante. Selon les fonctionnaires interrogés, il semblerait

que les jeunes souhaitent agir « comme à la télé ». À Ifs et à Fleury-sur-Orne, quelques

familles difficiles posent des problèmes récurrents. Les fonctionnaires de police que nous

avons interrogés imputent ces faits nouveaux à des déplacements résidentiels ayant mêlé des

populations différentes. Dans ce secteur 4, les alentours de la gare posent également des

problèmes (violences et consommation d’alcool sur la voie publique). Les difficultés rencontrées dans le secteur 5 sont liées à des incivilités. Il s’agit d’actes de

petite délinquance sur la voie publique (tags, rassemblements avec des chiens de catégorie un

ou deux34, consommation de stupéfiants et d’alcool, nuisances sonores, intimidations) qui

peuvent être contenus au moyen d’une présence policière ou associative, de rappels à la loi et

d’un travail constant de médiation. Dans ce secteur, la police nationale doit principalement

travailler à la gestion des relations de voisinages et des relations entre les personnes en vue de

prévenir des violences qui pourraient s’avérer plus graves.

Dans le secteur 6, le Grand Parc est un lieu fréquemment affecté par des troubles à la

tranquillité publique. En règle générale, les problèmes rencontrés dans ce secteur sont le fait

d’individus isolés qui en rassemblent d’autres autour d’une activité illégale. L’incarcération

de ces « leaders » ramène provisoirement le calme. À Colombelles, la Cité Libérée connaît

des problèmes de sécurité. Une opération de renouvellement urbain a pour objectif de détruire

les immeubles de la Cité Libérée, ce qui tend à tranquilliser le quartier35.

34 Selon les textes en vigueur, les chiens de catégorie un sont considérés comme des chiens d’attaque qui doivent à terme disparaître du territoire français (Pitt-bulls, Boerbulls, Tosa). Les chiens de catégorie deux sont assimilés à des chiens de garde et de défense dont le commerce et la détention doivent être maîtrisés (Staffordshire, Rottweiller, etc.)

180

35 Cf. « Le renouvellement urbain est en marche ». Article paru dans Liberté, 23 novembre 2006.

Les secteurs 2 (Chemin-Vert), 4 (Guynemer, Grâce-de-Dieu) et 6 (Hérouville-Saint-Clair) apparaissent comme les plus difficiles en matière de sécurité urbaine. Au sein de l’agglomération, ces espaces regroupent des populations qui occupent les positions sociales les plus basses et subissent les inégalités les plus criantes. Les secteurs 1 (Carpiquet), 3 (Jacobins) et 5 (Mondeville) ne rencontrent pas de problèmes particuliers en terme de sécurité et de tranquillité publique. Dans ces espaces, les situations sociales des populations sont meilleures que celles des secteurs 2, 4 et 6.

Regards de policiers sur la délinquance.

L’âge moyen des délinquants est de 15 à 25 ans. Passé cette période de leur vie, les agents

interrogés sont unanimes pour affirmer que les jeunes délinquants « se rangent ». Cependant,

une minorité entre dans une véritable « carrière délinquante »36. Le phénomène des bandes

agressives, couramment observé en banlieue parisienne, n’existe pas dans l’agglomération

caennaise. Les fonctionnaires de police n’observent pas non plus de « descentes » effectuées à

partir des quartiers populaires vers le centre ville ou les quartiers aisés. Selon les agents des

forces de l’ordre, les gens du voyage seraient sources de troubles sur l’ensemble des six

secteurs de l’agglomération caennaise. Ils seraient responsables de nombreux vols ou

cambriolages et également impliqués dans un nombre important d’escroqueries.

L’attitude policière n’étant pas celle des travailleurs sociaux, les rapports des policiers avec

les délinquants potentiels, notamment les jeunes gens, sont souvent difficiles. L’optique

étroitement répressive de certains agents, plus généralement le manque de formation ou de

compétences, ne favorisent pas le dialogue et l’échange. De nombreux comportements

déviants gérés par la police, notamment dans le secteur 4, relèvent de la psychiatrie. Face à

des cas relavant du domaine de la santé publique, les agents interrogés avouent leur

impuissance.

36 Selon l’expression de H.S Becker.

181

Comme cause principale d’entrée des jeunes dans la délinquance, les agents de la police

nationale évoquent la démission parentale et plus généralement les difficultés familiales37.

Les plus anciens, (trente années de service dans l’agglomération caennaise) constatent un

phénomène de reproduction des comportements délinquants transmis au cours des générations

des parents vers les enfants, voire vers les petits-enfants.

Document 47 : le « sentiment d’insécurité ».

Principalement généré par les incivilités, le « sentiment d’insécurité » existe mais il est peu important. Il

concerne des personnes vulnérables (par exemple, les personnes âgées vivant seul), réceptives aux

représentations médiatiques ou celles qui ont déjà subi des vols ou des agressions. Pour les chefs des

commissariats de quartier, l’agglomération caennaise est une agglomération « sécurisée ». La situation

caennaise n’est en rien comparable à celle qui est observable dans certains quartiers « chauds » de Rouen,

où des effectifs policiers doivent systématiquement escorter les médecins et les pompiers lorsque ces

derniers ont à intervenir. À fortiori, la situation observée à Caen est sans commune mesure avec celle qui

caractérise certains secteurs de la banlieue parisienne.

Globalement, le niveau de délinquance relevé peut être considéré comme « moyen » pour une

agglomération de cette taille38. Pour autant, il ne faut pas se résoudre à l’accepter en l’état. Pour les lieux

réputés difficiles comme la Guérinière, « il n’y a pas plus de danger ici qu’ailleurs » (selon un agent de la

police nationale).

La question de la police de proximité39.

Depuis plusieurs années, les effectifs des services de police sont à la baisse, les agents

retraités n’étant pas systématiquement remplacés. Selon nos interlocuteurs, le manque de

personnel est estimé à 35 policiers pour l’ensemble des secteurs de l’agglomération caennaise

37 Paradoxalement, les jeunes les plus connus des services de police expriment souvent le souhait d’intégrer une carrière militaire. Pour les policiers interrogés, ce fait leur paraît traduire une recherche d’autorité de la part d’individus en manque de repères dans leur cadre familial. 38 Cette constatation est confirmée par les statistiques de la Direction centrale de la police judiciaire qui, pour le département du Calvados, relève un taux de criminalité s’élevant à 50,49 pour mille habitants en 2005 alors que la moyenne française métropolitaine se situe à 62,31. Avec une part de criminalité s’élevant à 0,89 % du total national pour une population représentant 1,10 % de la population française, le Calvados se situe au 38ème rang départemental en matière de criminalité. Cf. Ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, 2006, Criminalité et délinquance constatées en France par les services de police et de gendarmerie d’après les statistiques centralisées de la direction centrale de la police judiciaire. Tome 1, 196 p.

182

39 Bien que l’expression ait disparu des médias, la police de proximité existe toujours par le biais des commissariats de quartier. Cependant, les moyens qui lui sont alloués sont en diminution.

(Document 48). En dépit de ces manques, des patrouilles régulières sont encore possibles. Ces

dernières apparaissent indispensables aux yeux de nos interlocuteurs, dans la mesure où elles

participent à faire baisser le nombre des incivilités en rendant visible la présence policière.

L’efficacité de la police de proximité est donc avérée pour l’ensemble des fonctionnaires

interrogés. Parfois, elle est associée à la police municipale, ce qui explique que les élus et les

techniciens municipaux souhaitent qu’elle poursuive son activité. Pourtant, la police de

proximité coûte cher (formations, salaires, véhicules, etc.). Elle est fréquemment qualifiée de

« police de riches » par nos interlocuteurs. La baisse des effectifs ayant entraîné la

suppression de l’îlotage, le travail de prévention est devenu plus difficile. De ce fait, et même

si ce n’est pas le cas partout, la police de proximité tend à devenir une police d’interpellation

et de contrôle.

La perte progressive de la proximité entre les forces de police et les habitants, notamment

les plus jeunes, apparaît comme un facteur préjudiciable à l’ensemble de nos interlocuteurs.

Cette question est d’autant plus sensible que la moindre visibilité de la police nationale n’a

pas été systématiquement compensée par une présence plus forte des policiers municipaux.

Dans l’agglomération caennaise, les relations entre ces deux types de polices sont variables.

Elles sont développées à Mondeville mais quasi inexistantes à Hérouville-Saint-Clair. En

outre, les agents déplorent les lacunes de l’accueil dans les commissariats. Compte tenu de la

baisse des effectifs, il n’y a quasiment plus de policiers susceptibles de recevoir des jeunes

afin de leur expliquer la diversité de leurs activités. L’image du « flic répressif » devient la

seule référence, ce qui empêche la construction de représentations plus positives chez les

enfants et les adolescents des quartiers difficiles.

183

Document 48 : évolution des effectifs de policiers par secteurs d’intervention.

Secteurs d’intervention des forces de police Effectifs

Secteur 1 : Carpiquet

8 policiers (+ 2 Adjoints de sécurité) en 2004, 6 en

2006 (+ 2 Adjoints de sécurité).

Secteur 2 : Chemin-Vert (Caen)

18 policiers en 2001, 9 en 2006.

Secteur 3 : Jacobins (Caen)

20 policiers en 2003, 6 en 2006

Secteur 4 : Guynemer, Grâce-De-Dieu (Caen)

11 agents en 2006, adjoint de sécurité compris. Effectifs en baisse.

Secteur 5 : Mondeville

10 policiers en 2004, 8 en 2006.

Secteur 6 : Hérouville-Saint-Clair

29 agents en 2006. Effectifs en baisse depuis 2000 :

Sécurité publique et contrat de ville : quelle coordination ?

Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) constituent le

cadre institutionnel matérialisant les liens entre les politiques générales de sécurité publique et

le dispositif spécifique du contrat de ville40. Lorsqu’ils existent, ces partenariats semblent

fonctionner et sont qualifiés d’ « efficaces » par nos interlocuteurs. Dans le cadre des CLSPD,

les polices nationales et municipales développent des relations avec les bailleurs sociaux et les

collectivités locales. Ces partenariats facilitent le travail de la police et permettent ainsi de

rendre un meilleur service aux habitants. La Gestion Urbaine de Proximité (GUP) vise à

territorialiser à des micro-échelles les actions de prévention et de renforcement de la

tranquillité publique. En quelques années, les organismes HLM ont par exemple pu améliorer

certaines des situations difficiles observées dans leur parc. Mené en commun, un travail

systématique de médiation auprès de certaines familles difficiles s’est révélé bénéfique.

En revanche, les associations inscrites dans la thématique « sécurité et tranquillité

publique » du contrat de ville développent peu de relations avec la police nationale ou la

gendarmerie. Les responsables associatifs évoquent leurs difficultés à travailler avec la police

184

40 Les missions des CLSPD sont précisées par le décret n° 2002 – 999 du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance et par une circulaire en date du 17 juillet 2002.

de façon « ouverte et transparente ». Sur les cas étudiés, on observe peu d’échanges

d’information. Lorsqu’elles se nouent, les relations entre la police et les milieux associatifs

sont liées à des situations d’urgence, lorsque l’action associative n’est plus en mesure de

désamorcer des relations tendues ou conflictuelles. Dès que la situation s’apaise, les relations

ébauchées s’affaiblissent et s’interrompent rapidement. Document 49 : le CLSPD, un outil efficace pour des interventions rapides.

En complément des actions du contrat de ville, le CLSPD permet d’agir pour trouver des solutions rapides à

des problèmes ponctuels ne pouvant être traités par une médiation de terrain effectuée par les acteurs

associatifs.

Selon nos interlocuteurs, les CLS d’Hérouville-Saint-Clair et de Mondeville fonctionnent bien car leur activité

est fondée sur des liens étroits entre les différents acteurs. Pour les personnes enquêtées, l’absence de

budget propre constitue paradoxalement l’atout principal des CLSPD. Une telle absence rend caduque les

rivalités qui se développent ordinairement dans les structures partenariales autour de la ventilation des

budgets, autorisant le développement de relations partenariales efficaces.

En règle générale, les associations ne sont pas présentes dans les CLSPD. Parce qu’elles ne le souhaitent

pas ou, plus souvent, parce qu’elles ne sont pas conviées à participer à la communication et au partage des

informations. Conscient que certaines situations doivent être gérées prioritairement par des structures

associatives, les partenaires du CLSPD de Mondeville ont cependant mis en place un fonctionnement

particulier. Lorsqu’il apparaît que l’action associative constitue la meilleure réponse, la Mairie informe les

associations susceptibles d’agir dans tel ou tel secteur.

185

Conclusion de la quatrième partie.

« S’il n’y a pas de vie associative dans un quartier, c’est mort. On nous en demande de plus en plus mais ce n’est pas notre travail. Et quand tous les acteurs sociaux auront échoué, il ne restera plus que la police ».

Un agent de la police nationale.

En matière de sécurité et de tranquillité publique, la politique de la ville se trouve

confrontée à un défi majeur. Compte tenu du caractère variable de l’action associative dans

les quartiers prioritaires, il faut éviter que la police ne devienne l’institution unique

susceptible de prendre en charge les questions de sécurité publique, qui sont à la fois cruciales

et sensibles politiquement. Ces domaines, outre la prévention et la répression nécessitent une

palette variée d’interventions : proximité, dialogue, médiation, etc. qui ne peuvent pas être

assumées efficacement par les seules forces de police. De telles actions sont pourtant

indispensables lorsqu’il s’agit de faire baisser la délinquance afin de renforcer la tranquillité

publique.

De ce fait, les activités des acteurs sociaux et de la police doivent être complémentaires,

comme le démontre l’exemple du contrat local de sécurité de Mondeville. À Mondeville, la

municipalité joue le rôle d’un intermédiaire entre les forces de police et les associations ou les

autres professionnels chargés de la prévention. Ce cadre semble particulièrement adapté

lorsqu’il s’agit d’apporter des réponses rapides aux problèmes de sécurité rencontrés dans la

commune, démontrant qu’une coordination des compétences est tout à la fois possible et

opératoire. En matière de sécurité et de tranquillité publique, l’action du contrat de ville ne

pourra pas être satisfaisante si les associations ne sont pas pleinement intégrées à la

construction d’une politique globale, construite à échelle d’agglomération. Pour être efficace,

cette politique devra en outre dépasser l’horizon limité des micro-actions financées de

manière ponctuelle.

186

Malgré ces faiblesses, l’évaluation du volet « sécurité et tranquillité publique » du contrat

de ville de l’agglomération caennaise révèle de nombreux points positifs. Une action de

terrain systématique et quotidienne alliée à une requalification des espaces de vie a conduit à

une diminution sensible des actes délicteux, surtout à partir de 2003. Second point positif,

les enquêtes de terrain effectuées à l’échelle plus large de l’agglomération montrent que

la délinquance ne s’est pas déplacée vers des secteurs moins sensibles et moins surveillés.

Enfin, il faut noter que ces bons résultats ne se sont pas accompagnés d’une inflexion vers

le « tout-répressif », les financements dévolus à la sous-thématique « prévention de la

délinquance » étant en baisse régulière depuis cette même année 2003.

En vue d’améliorer l’efficacité du travail entrepris, il est cependant possible de faire quatre

préconisations :

- Les actions menées sous la thématique « sécurité et tranquillité

publique » souffrent d’un manque de lisibilité. Pour gagner en lisibilité

et pour limiter les risques de stigmatisation, il serait préférable de

subdiviser cette thématique en deux : une thématique « lien social et

qualité de la vie » ; une thématique « prévention de la délinquance ».

- La production d’un diagnostic social et urbain effectué quartier par

quartier constituerait un précieux outil de travail pour l’ensemble des

acteurs en charge de la sécurité et de la tranquillité publique. Cette

élaboration préalable permettrait au contrat de ville de se doter

d’indicateurs permettant de mesurer avec pertinence les faits

d’insécurité. Pour être utile, ce diagnostic devra en outre être connu de

tous. Partagé, il permettra à chacun de construire une représentation

collective de la situation sociale des périmètres inscrits au contrat de

ville.

- Il est nécessaire de mettre en place des moyens financiers susceptibles de

garantir une relative pérennité aux actions proposées par les associations

candidates aux financements du contrat de ville. Les temporalités de la

sécurité et de la prévention sont longues, ce qui exige une certaine

continuité de l’effort financier. Afin d’utiliser les moyens de manière

pertinente, les décisions de financement doivent être cependant prises à

partir de projets détaillés et argumentés, qui pourraient s’appuyer sur les

diagnostics sociaux évoqués précédemment. Toute décision de

financement devra systématiquement être élaborée à partir du processus

suivant : projets co-élaboré - financements pluriannuels - objectifs

communs – évaluation extérieure et indépendante.

187

- Une coordination plus poussée est indispensable entre les acteurs du

niveau opérationnel et ceux du niveau décisionnel. Les promoteurs du

contrat de ville doivent également impulser des collaborations

horizontales entre acteurs associatifs, ces dernières étant

particulièrement réduites dans l’agglomération caennaise.

188

Six constats :

1/ Certains quartiers et secteurs prioritaires du contrat de ville connaissent une baisse des faits délictueux constatés depuis 2003. 2/ Les enquêtes effectuées à une échelle plus large montrent que la délinquance ne s’est pas déplacée vers des lieux moins sensibles et moins surveillés de l’agglomération caennaise. 3/ Ces améliorations ne sont pas explicables par une augmentation des efforts financiers effectués dans le cadre du contrat de ville, les dépenses affectées la thématique « sécurité et tranquillité publique » étant en baisse depuis 2003. 4/ L’examen des montants alloués à la sous-thématique « prévention de la délinquance », également en baisse, montre que cette amélioration n’a pas été accompagnée d’une inflexion vers le « tout-répressif » dans les orientations des financements consentis au titre du contrat de ville. 5/ Les collaborations entre les services de police et les partenaires associatifs, opérateurs ordinaires des politiques de la ville, sont insuffisamment développées dans le cadre du contrat de ville. La où elle fonctionne (CLSPD de Mondeville), cette synergie semble pourtant donner de bons résultats.

189

6/ Il est difficile de savoir si l’amélioration des indicateurs est directement imputable aux actions menées dans le cadre du contrat de ville ou si elle est liée à des causes extérieures (réorganisation des services de la police nationale, par exemple).

Quatre préconisations :

1/ Les actions menées sous la thématique « sécurité et tranquillité publique » souffrent d’un manque de lisibilité. Pour gagner en lisibilité, il serait préférable de subdiviser cette thématique en deux : une thématique « lien social et qualité de la vie » ; une thématique « prévention de la délinquance ». 2/ Chacun des quartiers et secteurs prioritaires du contrat de ville de l’agglomération caennaise doit faire l’objet d’un diagnostic social et urbain effectué de manière scientifique et indépendante. Permettant la mise en place d’indicateurs, ces documents permettront de contextualiser les faits de délinquance et d’atteinte à la tranquillité publique en vue de trouver des réponses qui ne soient pas exclusivement policières. 3/ Les actions financées par le contrat de ville doivent être suffisamment pérennes afin de garantir une certaine continuité à l’action menée par les associations. En contrepartie, la garantie de financements doit s’accompagner d’une évaluation plus poussée des projets et des actions menées. 4/ La coordination verticale et horizontale des partenaires du contrat de ville doit être renforcée. Les collaborations entre acteurs associatifs, sur des échelles débordant au besoin les périmètres fixés par le contrat de ville, doivent être encouragées.

190

CONCLUSION

191

GÉNÉRALE

La politique de la ville, lacunes et contradictions.

Ébauché dans les années 1970, le référentiel théorique qui préside à la mise en place de la

politique de la ville souffre de carences multiples. Nées de compromis entre des conceptions

colbertistes françaises et des manières d’envisager l’action publique importées de l’univers

anglo-saxon, les catégories de territoire, de contractualisation, de mise en œuvre associative,

de participation des habitants sont peu pertinentes, voire totalement erronées (première

partie).

Destinées à cimenter un consensus par défaut, indispensable lorsqu’il s’agit de mettre en

œuvre des politiques contractuelles impliquant des financements partenariaux, ces catégories,

outre leur vacuité théorique, ont pour inconvénient de limiter l’efficacité de certains des

principes innovants contenus dans la politique de la ville elle-même. Comme la plupart de

leurs homologues, les signataires du contrat de ville de l’agglomération caennaise doivent

travailler avec ces contradictions et ces lacunes.

Le référentiel théorique de la politique de la ville présente de multiples carences qui desservent la mise en ouvre concrète des contrats de ville sur le terrain local. Contraints d’adhérer à ce référentiel par nécessité, les acteurs locaux doivent construire des politiques de développement social urbain composant avec ces carences.

La principale des ces lacunes concerne la mise en oeuvre des actions. À 80 % environ, les

montants engagées servent à subventionner des associations loi 1901 engagés dans la

politique de la ville, qui font office de prestataires envers des collectivités publiques

donneuses d’ordre.

192

Les financeurs publics ont développés de tels modes d’action car le recours à un opérateur

associatif intermédiaire présente plusieurs sortes d’avantages. Extérieures aux services de

l’État et des collectivités locales, les structures associatives sont susceptibles d’amortir les

irrégularités budgétaires et les variations de l’activité sans avoir de réelles capacités de

négociation. Les opérateurs associatifs, qu’ils soient salariés ou à fortiori bénévoles,

« avalent » ces sautes de financement en adaptant leur organisation interne, notamment en

matière de statut des salariés employés. Ceux-ci sont en général recrutés sous contrats

précaires, le temps d’une mission ou d’un « projet », sans aucune garantie de renouvellement.

Fréquemment, les responsables associatifs se plaignent donc d’être « instrumentalisés »

(troisième partie), sans avoir pour autant la capacité de faire entendre leurs intérêts auprès des

pouvoirs publics financeurs. Contraints d’accepter cet échange inégal (première partie), ils

gagnent cependant une institutionnalisation minimale, qui peut se doubler de gratifications

symboliques ou plus concrètes à l’égard de certains d’entre eux.

La « sous-traitance associative » commandée par les pouvoirs publics présente en outre

l’avantage de ménager la possibilité d’invoquer d’éventuelles défaillances du monde

associatif en cas de résultats négatifs. Un tel mode de fonctionnement a pour effet pervers de

déresponsabilise les décideurs politiques , notamment lors des crises aiguës que traversent

parfois les « quartiers difficiles »

Symétriquement, les responsables associatifs, sont tentés par un discours dual. Lorsqu’il

s’agit de revendiquer l’obtention de fonds, ils se présentent volontiers comme des opérateurs

du service public aussi indispensables que des services publics constitués. En conséquence, ils

estiment devoir bénéficier des mêmes facilités que les services de l’État ou des collectivités

territoriales. En revanche, lorsqu’il s’agit de remplir les obligations dues à l’évaluation de leur

activité, ils se replient volontiers sur la position de bénévoles extérieurs à la sphère publique,

qui ne seraient pas liés par les obligations y afférant (troisième partie).

La mise en œuvre des actions du contrat de ville passe pour l’essentiel par une activité associative qui s’apparente à une prestation de service auprès des collectivités publiques maîtres de l’ouvrage. Ce mode de fonctionnement induit des systèmes d’échanges inégaux qui lient les parties entre elle et complexifient les différents jeux de d’acteurs. Un tel mode de fonctionnement constitue l’obstacle principal à la mise en œuvre efficace du contrat de ville de l’agglomération caennaise.

193

Le contrat de ville de l’agglomération caennaise, quelle évaluation financière ?

Une appréciation strictement comptable inciterait à dire que les effets du contrat de ville sont

marginaux compte tenu de la faiblesse des sommes engagées. Les quarante millions d’Euros

consommés entre 2000 et 2005 pèsent peu en regard de certains investissement structurels,

notamment ceux engagés au titre de la rénovation urbaine.

Les engagement financiers du contrat de ville de l’agglomération

caennaise s’élèvent à 40 213 287 Euros pour la période 2000 – 2005.

615 actions ont été approuvées et réalisées durant cette même

période. Ces montants sont faibles au regard de certains investissements structurels opérés dans les grands ensembles HLM, notamment ceux engagés au titre de la rénovation urbaine.

Les critères administratifs et financiers régissant les contrats de ville ont été modifié trois

fois durant la période 2000 – 2006, ce qui nuit à l’efficacité des mesures mises en oeuvre

ainsi qu’à la pertinence d’une évaluation financière diachronique. Pour contourner la

difficulté, l’équipe d’évaluation a pris le parti de caler l’ensemble des programmations

annuelles sur le référentiel Borloo mis en place par la loi du 1er août 2003.

194

Les outils Poliville File Maker et Poliville Web ne sont pas suffisamment rigoureux pour

permettre une évaluation financière exhaustive des actions entreprises. Il est impossible

d’évaluer avec précision les efforts financiers réellement consentis par les signataires du

contrat de ville. La comparaison entre budgets prévisionnels et crédits réellement consommés

ne peut être effectuée que de manière ponctuelle et par recoupement de sources hétérogènes.

En revanche, la comparaison entre les budgets prévisionnels annuels et les engagements

financiers annoncés par les différents signataires révèlent des décalages très importants qui

mettent en cause la valeur prescriptive de la convention cadre de 2000 et de son avenant de

2004.

L’examen des documents comptables révèle néanmoins que, contrairement aux

déclarations locales et contrairement aux principes généraux de la politique de la ville, le

financement des actions du contrat de ville s’effectue sur le mode du subventionnement

global aux associations et non pas à partir de dotations engagées sur des projets examinés

individuellement. Du point de vue des décisions financières, l’évaluation du contrat de ville

de l’agglomération caennaise met donc à jour des décalages importants entre les discours

servant de référence à l’action publique locale et les modalités concrète de mise en œuvre de

cette action.

Les données mises à disposition de l’équipe d’évaluation ne permettent pas de comparer les budgets prévisionnels avec les crédits réellement consommés pour le financement des actions du contrat de ville de l’agglomération caennaise. Il est donc impossible de connaître le coût réel de la politique de la ville de l’agglomération caennaise pour la période 2000 – 2005. En revanche, la comparaison entre les budgets prévisionnels annuels et les montants affichés par la convention cadre de 2000 et par son avenant de 2004 montrent un décalage important (+ 50 % environ en faveur du second montant). Même s’il doit être interprété avec la plus extrême prudence, un tel écart montre la faible valeur prescriptive des documents contractuels qui régissent l’action du contrat de ville de l’agglomération caennaise.

195

L’examen des décisions d’engagement révèle cependant deux caractéristiques importantes

qui, une nouvelle fois, sont en décalage avec les principes communément énoncés par les

financeurs eux-mêmes.

- les actions strictement territorialisées ne concernent que 40 % du

total des financements du contrat de ville. 33 % est alloué aux ZUS

et 7 % sont mobilisés sur certains des secteurs prioritaires hors ZUS

mentionnés dans la convention cadre. Une part majoritaire des

financements est donc affectée à des actions moins strictement

localisées, qui concernent des communes dans leur ensemble, plusieurs

des six communes signataires ou, dans le cas du PLIE, des échelles

d’intervention beaucoup plus vastes.

- Le caractère transversal et partenarial des actions financées par le

contrat de ville de l’agglomération caennaise est également peu

avéré. Si les crédits FIV, nettement concentrés sur les ZUS ou les

périmètres prioritaires (54 % du total entre 2000 et 2005), suivent les

directives générales en la matière, les autres financeurs développent

souvent des politiques autonomes. Les services de l’État, par exemple,

ont tendance à orienter leurs financements sur les thématiques qui

concernent directement leurs compétences, sans forcément agir en

coordination avec les autres financeurs et sans forcément concentrer les

action sur les territoires prioritaires. Les municipalités font de même,

alimentant par leurs subventions des actions inscrites à l’intérieur du

périmètre communal mais pas systématiquement sur les territoires

prioritaires retenus dans la convention cadre.

196

L’examen des décisions d’engagement révèle deux caractéristiques qui gouvernent l’action du contrat de ville sur la période 2000 – 2006. 1/ contrairement aux principes énoncés par les signataires, les actions financées sont faiblement territorialisées. 33 % du total des financements est alloué aux ZUS et 7 % sont mobilisés sur certains des secteurs prioritaires hors ZUS mentionnés dans la convention cadre. 2/ Le caractère transversal et partenarial des actions financées par le contrat de ville de l’agglomération caennaise est également peu avéré. La plupart des financeurs hormis le FIV orientent leurs financements vers les thématiques qui correspondent à leur champ de compétence (services de l’État) ou sur les espaces qui correspondent à l’exercice de leur pouvoir (municipalités). Dans ces deux cas, la concentration des crédits sur les périmètres prioritaires apparaît comme un objectif secondaire.

Le fonctionnement du contrat de ville de l’agglomération caennaise, une appréciation positive.

Malgré des difficultés théoriques et méthodologiques et compte tenu de la modestie des

sommes mobilisées, il semble toutefois possible d’affirmer que le contrat de ville de

l’agglomération caennaise est à la fois efficace et efficient (voir Document 3 p. 43)

- sur quelques secteurs prioritaires du contrat de ville, certains indicateurs

(emploi, sécurité publique) connaissent des évolutions positives,

notamment depuis 2003.

197

- l’étude aux échelles plus larges de l’agglomération montre que ces

évolutions positives ne s’accompagnent pas d’une redistribution de la

misère ou de l’insécurité vers les espaces non couverts par le contrat de

ville. Établi pour les questions ayant trait aux faits délicteux constatés, le

résultat n’est cependant pas aussi solide en ce qui concerne l’emploi ou

les incivilités.

- dans les quartiers de grands ensembles, le cadre de vie des populations a

connu de notables améliorations depuis le début des années 2000. Il est

possible que ces transformations aient joué un rôle positif en renforçant

les effets des mesures mises en œuvre par le contrat de ville. À

Hérouville, par exemple, les populations résidentes recourent plus

volontiers à des images positives pour caractériser leurs lieux de vie.

Comment expliquer ces résultats positifs ?

Si ces améliorations sont aisément constatables, il est plus difficile de comprendre leurs

causes. Sont-elles strictement liées à des dynamiques générales ? Les améliorations constatées

sur le marché de l’emploi, la réorganisation des forces de police, les programme ANRU

jouent évidemment un rôle dans cette dynamique positive, mais il est difficile de l’évaluer

avec exactitude. Corrélativement, il est également impossible d’apprécier quelles part y

prennent les actions décidées et financées dans le cadre du contrat de ville. Si l’on suit

Laurent Davezies (première partie), il faut admettre que les politiques territorialisées aux

échelles les plus fines sont de peu d’influence sur la situation des ménages. Il est cependant

difficile d’en dire plus, ce qui limite l’appréciation que l’équipe d’évaluation peut porter sur

l’efficience des mesures financées par le contrat de ville de l’agglomération caennaise.

Le poids des actions généralistes sur de vastes échelles étant particulièrement important au

sein de ce dispositif, il est également nécessaires de se poser la question suivante : la réussite

du contrat de ville de l’agglomération caennaise n’est-elle pas imputables à des modes

d’action plus sectoriels, davantage orientés vers des personnes que sur les périmètres

prioritaires ? Si elle est fondée, cette remarque invite l’équipe d’évaluation à considérer que

ces modes classiques de l’intervention publique demeurent pertinents au regard des défis

posés par la cohésion sociale dans les quartiers difficiles.

198

Synthèse des préconisations.

Mettre en adéquation les déclarations générales de la convention cadre (territoralisation, transversalité) et les décisions concrètes de financement des instances de pilotage du contrat de ville. Rendre la convention cadre plus normative en dotant le contrat de ville d’une entité juridique efficiente (Groupement d’intérêt public par exemple). Harmoniser les logiques de financement des différents contributeurs. Le financement action par action doit devenir la norme. Obliger les prestataires associatifs à rendre compte de manière précise de l’emploi des fonds publics qui leur sont octroyés Renforcer les coopérations horizontales, notamment entre les associations parties prenantes au contrat de ville Développer des démarches de diagnostics préalables et d’évaluations partielles. Ces deux types d’études doivent être effectuées par des prestataires extérieurs au contrat de ville donnant toutes les garanties d’indépendance.

199

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de BARROS (F.), 1994, Genèse de la politique de développement social des quartiers : éléments de formalisation d’un problème des banlieues. Mémoire de DEA « organisation des politiques publiques ». Université Paris I, Panthéon – Sorbonne.

DUFAILLY (S.), 2003, L’évaluation de la politique de la ville en question. Rapport de stage DESS « politiques de la villes, interventions sociales ». Université de Caen Basse-Normandie.

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MARY (D.), 2004, Repères pour l’évaluation du contrat de ville. L’exemple d’Hérouville Saint-Clair. Mémoire de Master II Professionnel « politiques de la ville, morphologies urbaines, interventions sociales », Université de Caen.

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Loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

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Loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finance (publiée au JORF du 2 août 2001).

203

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Préfecture du Calvados, Convention cadre du contrat de ville de l’agglomération caennaise. Avenant 2004-2006. février 2004.

204

TABLE DES CARTES Carte 1 – localisation des périmètres relevés dans la convention cadre p. 73. Carte 2 – localisation des périmètres d’intervention relevés dans Poliville Fille Maker p. 74. Carte 3 – localisation des financements par périmètres d’intervention (période 2000-2005) p. 78. Carte 4 – distribution des actions « améliorer la réussite scolaire » par secteurs d’intervention (2000-2005) p. 88. Carte 5 – distribution des actions « sécurité et tranquillité publique » par secteurs d’intervention (2000-2005) p. 89. Carte 6 – localisation des actions par périmètres d’intervention (2000-2005) p. 105. Carte 7 – localisation des crédits FIV (2000-2005) p. 109. Carte 8 – localisation des financements État droit commun (2000-2005) p. 112. Carte 9 – localisation des financements du Conseil Régional (2000-2005) p. 120. Carte 10 – localisation des financements du Conseil Général (2000-2005) p. 121. Carte 11 – localisation des financements du FASILD (2000-2005) p. 122. Carte 12 – localisation des financements de la Caisse d’Allocations Familiales (2000-2005) p. 123.

205

TABLE DES DOCUMENTS

Document 1 : le modèle théorique. L’association comme une boîte

transparente……………………………………………………….p. 37 Document 2 : le modèle réel. L’association comme une boîte noire……….p. 37. Document 3 : objectifs, moyens, résultats : efficacité et efficience d’une

politique publique…………………………………………………p. 43 Document 3 : priorités thématiques du contrat de ville et décomposition en

sous-thématiques à l’issue du comité technique du 27 janvier 2004…………………………………………………….p. 48

Document 5 : extrait du bilan de programmation pour l’année

2004..……………………………………………………………..p. 53 Document 6 : point de méthode, l’identification du FIV contractualisé en

question………………………………………………………………p. 54 Document 7 : procédure d’engagement du FIV en 2003………………………..p. 55

Document 8 : les petits du Bout’chou club, des délinquants en herbe ?…...p. 67

Document 9 : la base de données sous Excel, quelques exemples….………p. 69

Document 10 : les secteurs d’interventions du contrat de ville de

l’agglomération caennaise. Comparaison entre les localisations relevées dans la convention cadre et dans Poliville et celles finalement retenues pour l’évaluation…………………………..p. 72

Document 11 : les sources de financements du contrat de ville de

l’agglomération caennaise……………….……………………..p. 75 Document 12 : données générales sur le financement du contrat de ville de

l’agglomération caennaise………….…………………………….p. 76 Document 13 : financements affichés par la convention cadre de 2000 et par l’avenant de 2004……………………………………………………………………....p. 76 Document 14 : nombre d’action programmées par années (période 2000 –

2005)…….…………………………………………………………..p. 79 Document 15 : répartition des financements par partenaires pour la période

(2000-2005)………………….………………………………………..p. 80

206

Document 16 : répartition annuelle des financements par signataire (2000 – 2005)……………….………………………………………………..p. 81

Document 17 : répartition annuelle des trois sources principales de

financement (2000 – 2005)………………………..……………….p. 84 Document 18 : participation des bailleurs sociaux au contrat de ville sur la

période 2000-2003…………………………………………………..p. 85 Document 19 : répartition annuelle des financements par thématique (période

2000 – 2005)………………………………………………………….p. 87 Document 20 : répartition annuelle des financements par thématiques sur

l’ensemble de la période…………………………………………..p. 90 Document 21 : répartition des actions par sous-thématiques (période 2000 –

2005)………………………………………………………………..…p. 91 Document 22 : répartition des crédits FIV selon les sous-thématiques du

contrat de ville (période 2000 – 2005)………………………..p. 93 Document 23 : répartition annuelle des crédits du FIV…………………………p. 94

Document 24 : répartition des crédits des communes signataires par sous-thématiques (période 2000 – 2005)………………………………p. 95

Document 25 : répartition des crédits État droit commun par thématiques

(période 2000 – 2005)………………………………………….…p. 97 Document 26 : localisation des financements par secteurs d’intervention

(période 2000 – 2005)……………………………………………..p. 102 Document 27 : localisation des actions par secteurs d’intervention (période

2000 – 2005)……………………………….………………………p. 103 Document 28 : localisation annuelle des financements………………………p. 106

Document 29 : localisation des crédits FIV (période 2000 – 2005)………….p. 108

Document 30 : localisation des crédits État droit commun (période 2000 –

2005)…………………………………………………..………….p. 111 Document 31 : localisation annuelle des crédits de l’État au titre du droit

commun…………………………………………………………..p. 114 Document 32 : répartition des financements sur les ZUS……………….…..p. 115

207

Document 33 : évolution des financements alloués aux ZUS de l’agglomération caennaise entre 2000 et 2005………………………………….p. 116

Document 34 : le redéploiement des financements de l’État au titre du droit

commun entre 2000 et 2005………………………………….p. 116 Document 35 : localisation des crédits du Conseil Régional (période 2000 –

2005)………………………………………………………………..p. 118

Document 36 : « améliorer la réussite scolaire » : ventilation des actions

par sous-

thématiques……………………………………………....p. 128 Document 37 : la thématique « améliorer la réussite scolaire » dans la loi

d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation

urbaine...…………………………………………………………….p. 130

Document 38 : les contrats éducatifs locaux. La mission d’éducation vue

comme une mission partagée par l’ensemble des services de

l’État…………………………………………………………………p. 144

Document 39 : les objectifs de la convention cadre en matière de sécurité et de

tranquillité publique……………………………………………....p. 151

Document 40 : le thème « sécurité et tranquillité publique » dans l’avenant de

2004………………………………………………………...………..p. 152

Document 41 : répartition annuelle des actions « sécurité et tranquillité

publique » (période 2000 – 2005)…………………………….p. 156

Document 42 : actions « sécurité et tranquillité publique ». Répartition annuelle

par sous-thématiques………………………………….……………………………p. 157

Document 43 : extrait d’un entretien avec un acteur associatif à la

Guérinière……...…………………………………………………...p. 165

Document 44 : rencontre avec un représentant de l’institution judiciaire...p. 166

Document 45 : entretien avec un professionnel de la prévention…………………..

spécialisée……………………………………………………………………………..p. 172

Document 46 : les lieux de l’insécurité dans l’agglomération caennaise.…p. 179

208

Document 47 : le « sentiment d’insécurité »…………………………………….p. 182

Document 48 : évolution des effectifs de policiers par secteurs

d’intervention…………………………………………………….p. 184

Document 49 : le CLSPD, un outil efficace pour des interventions

rapides…………………………………………………………….p. 185

209

TABLE DES MATIÈRES

Évaluation finale du contrat de ville de l’agglomération caennaise. Extrait du cahier des charges. _ p. 2

Sommaire. __________________________________________________________________________ p. 4

1ère PARTIE : LA POLITIQUE DE LA VILLE : QUELS CONTENUS ? QUELLES

SIGNIFICATIONS ? ______________________________________________________________ PAGE 6

La politique de la ville, de quoi parle-t-on ? _______________________________________________ p. 7

Introduction problématique……………………………………………………………………….……………………p. 7

Examen de quelques faux-semblants……………………………………………………………………………..….p. 10

Quatre propositions en forme d’hypothèse………………………………………………………………………….p. 12

Parcours critique dans la bibliographie…………………………………………………………………………….p. 13

Deux questions d’évaluation, une méthode à deux étages………………………………………………………...p. 14

Conclusion………………………………………………………………………………………………………………p. 17

Le territoire social : une notion floue, un objet politique complexe. __________________________ p. 19

L’émergence des politiques territorialisées……………………………………………………………………….. p. 19

Le choc des échelles……………………………………………………………………………………………………p. 21

Conclusion…………………………………………………………………………………………………………….…p. 23

Contrats, partenariats : discours et réalités. _____________________________________________ p. 25

Position du problème…………………………………………………………………………………………………..p. 25

La multiplication des « scènes partenariales »………………………………………………………………….….p. 26

Le contrat de ville de l’agglomération caennaise : une faible valeur prescriptive…………………………....p. 27

Conclusion………………………………………………………………………………………………………………p. 30

210

Participation des habitants et mise en œuvre associative : deux évidences de la politique de la ville. ___________________________________________________________________________________ p. 31 La genèse du référentiel participatif dans la politique de la ville………………………………………… …….p. 31 Un texte fondateur, la circulaire HVS du 3 mars 1977…………………………………………………………....p. 32

Sphère associative et technostructure politique : les termes d’un échange…………………………………….p. 34

La mise en œuvre associative, avantages et problèmes……………………………………………………………p. 36

Conclusion de la première partie. ______________________________________________________ p. 39

2ème PARTIE : ÉVALUATION FINANCIÈRE DU CONTRAT DE VILLE DE L’AGGLOMÉRATION

CAENNAISE. ___________________________________________________________________ PAGE 40

Principes et méthodes pour l’évaluation financière d’une politique publique. __________________ p. 41

Quels principes adopter pour l’évaluation financière d’une politique publique ?…………………..……...…p. 41

Application au contrat de ville de l’agglomération caennaise………………………………………………...…p. 42

Délimitation du champ de l’évaluation financière…………………………………………………………..….... p. 44

Des difficultés méthodologiques propres au contrat de ville de l’agglomération caennaise. _______ p. 46

Des priorités modifiées en cours de programmation…………………………………………………………...… p. 46

Affichage, programmation et consommation des crédits affectés au contrat de ville……………………...….p. 47

Les financements affichés……………………………………………………………………………………………….p.9

Les subventions prévisionnelles………………………………………………………………………………………p. 51

À la recherche des subventions réellement consommées………………………………………………………… p. 52

Le recensement des publics concernés par les actions du contrat de ville……………………………………...p. 60

Le cadre de l’évaluation financière : questions et méthodologie. _____________________________ p. 61

Questions de recherche………………………………………………………………………………………………..p. 61

Le transfert des données Poliville File Maker sur Excel…………………………………………………….……p. 62

Entre 2000 et 2006, trois périodes successives pour le contrat de ville de l’agglomération caennaise…... p. 63

Le reclassement des actions du contrat de ville selon les« thématiques Borloo »………………………….….p. 65

211

1er cas : les actions de formation proposées par les MOUS…………………………………………….…….….p. 65

2ème cas : FIL et RIL……………………………………………………………………………………………………p. 66

3ème cas : thématiques et sous-thématiques………………………………….………………………………….…..p. 66

4ème cas : les activités sportives……………………………………………………………………………………....p. 66

5ème cas : le PEL d’Hérouville-Saint-Clair……………………………………………………………………….…p. 68

6ème cas : l’’investissement en question……………………………………………………………………………...p. 68

Description de la base de données…………………………………………………………………………….……..p. 69

La géographie du contrat de ville, examen de quelques incohérences………………………………………… p. 70

Le financement du contrat de ville, une pléthore de contributeurs……………………………………………... p. 70

L’analyse des données financières. _____________________________________________________ p. 76

Les types d’actions programmées………………………………………………………………………………….…p. 78

Poids respectif des financeurs………………………………………………………………………………………...p. 80

Quelle coordination entre les différents services de l’État ?……………………………………………………..p. 84

Le cas des bailleurs sociaux…………………………………………………………………………………………. p. 85

Le contrat de ville, une action publique dispersée ? _______________________________________ p. 87

Trois priorités : améliorer la réussite scolaire, sécurité et tranquillité public, emploi et développement économique…………………………………………………………………………………………………………….p. 87

Répartition des actions du contrat de ville par sous-thématiques…………………………………….………….p. 91

Partenaires et thèmes d’intervention : à chacun ses priorités……………………………………………………p. 92

La répartition des crédits du FIV…………………………………………………………………………………….p. 93

La répartition des crédits des communes……………………………………………………………………………p. 95

La répartition des crédits État au titre du droit commun…………………………………………………………p. 97

Les priorités des autres signataires…………………………………………………………………………………..p. 98

Conclusion……………………………………………………………………………………………………………….p. 99

Le contrat de ville : une action publique territorialisée ? __________________________________ p. 100

Les problèmes de la territorialisation………………………………………………………………………….…..p. 100

Les ZUS, des quartiers prioritaires ?…………………………………………………………………..…………..p. 101

La localisation des crédits FIV………………………………………………………………………………..…….p. 107

La localisation des crédits État au titre du droit commun………………………………………………..……..p. 110

Localisation des crédits fournis par les autres signataires……………………………………………..……….p. 118

Conclusion………………………………………………………………………………………………………….….p. 119

212

Conclusion de la deuxième partie._____________________________________________________ p. 124

3ème PARTIE : ÉVALUATION DE LA THÉMATIQUE « AMÉLIORER LA RÉUSSITE SCOLAIRE »

DU CONTRAT DE VILLE DE L’AGGLOMÉRATION CAENNAISE.

______________________________________________________________________________ PAGE 126

Principes et méthodes pour une évaluation de la thématique « améliorer la réussite scolaire » du

contrat de ville de l’agglomération caennaise (2000 – 2006)________________________________ p. 126

La thématique « améliorer la réussite scolaire », une part importante du contrat de ville de l’agglomération caennaise…………………………………………………………………………………………….………………...p. 127

Pourtant, cette thématique ne constitue pas une des priorités initiales des contrats de ville……….………p. 128

Méthode employée………………………………………………………………………….…………………………p. 131

Le fonctionnement du contrat de ville de l’agglomération caennaise sur la thématique « améliorer la

réussite scolaire ». __________________________________________________________________ p. 132

Position du problème………………………………………………………………………………………...……….p. 132

La nécessité de disposer de locaux spécifiques à la remédiation scolaire…………………………….………p. 132

Les procédures de financement vues par les opérateurs associatifs……………………………………..…….p. 133

Commentaires…………………………………………………………………………….……………………………p. 135

Les acteurs associatifs face à l’évaluation. ______________________________________________ p. 137

Pour les acteurs associatifs, l’évaluation est difficile à mener…………………………………………………p. 137

L’action associative, une action publique ?……………………………………………………………………….p. 138

La mobilité des publics face aux découpages territoriaux………………………………………………………p. 139

L’évaluation selon les services de l’État ________________________________________________ p. 141

Dans la thématique « améliorer la réussite scolaire », quel périmètre pour le contrat de ville ?…..……..p. 141

La complexité du système de coordination…………………………………………………………………….…..p. 142

« Améliorer la réussite scolaire », quelle géographie ?…………………………………………………………p. 145

Conclusion de la troisième partie ______________________________________________________ p. 147

213

4ème PARTIE : ÉVALUATION DE LA THÉMATIQUE « SÉCURITÉ ET TRANQUILLITÉ

PUBLIQUE » DU CONTRAT DE VILLE DE L’AGGLOMÉRATION CAENNAISE.

______________________________________________________________________________ PAGE 150

Principes et méthodes pour une évaluation de la thématique « sécurité et tranquillité publique » du

contrat de ville de l’agglomération caennaise (2000 – 2006). _______________________________ p. 151

Contexte général, contexte local…………………………………………………………………………………….p. 151

Problématique et méthode de l’évaluation…………………………………………………………………..…….p. 153

La thématique « sécurité et tranquillité publique » dans le contrat de ville de l’agglomération

caennaise : description et analyse. _____________________________________________________ p. 155

Les actions mises en place sur la période 2000 – 2005…………………………………………………….……p. 155

La thématique « sécurité et tranquillité publique » : quelle lisibilité ?………………………………………..p. 158

Les opérateurs concernés par la thématique « sécurité et tranquillité publique »……………………..…….p. 159

Les secteurs d’intervention…………………………………………………………………………………………..p. 160

Tentative de bilan. __________________________________________________________________ p. 162

Deux grands types d’opérateurs : le monde associatif, les forces de police………….……………………….p. 162

Des indicateurs pour l’évaluation………………………..…………………………………………………………p. 162

Les mineurs des quartiers sensibles : un public désigné pour la prévention de la délinquance …………..p. 164

Les gens du voyage : un public spécifique ?………………………………………………………………………p. 166

La situation sociale des habitants des quartiers prioritaires…………..……………………………...………..p. 167

Panorama par secteurs prioritaires…………………………………………………………………………...……p. 168

Quels besoins pour l’activité associative ?…………………………………………………………………..……p. 172

La police nationale dans l’agglomération caennaise : le cas de la police de proximité. __________ p. 174

Évolution générale pour la période 2000-2006………………………………………………………..p. 174 État des lieux et des difficultés………………………………………………………………………………………p. 176

Vers une géographie de la sécurité publique dans l’agglomération caennaise…………………..…………..p. 178

Regards de policiers sur la délinquance………………………………………………………….………………..p. 181

La question de la police de proximité……………………………………………………………………..……….p. 182

Sécurité publique et contrat de ville : quelle coordination ?………………………………………………..…..p. 184

Conclusion de la quatrième partie._____________________________________________________ p. 186

214

CONCLUSION GÉNÉRALE. ____________________________________________________ PAGE 191

La politique de la ville, lacunes et contradictions………………………………………………………..………p. 192

Le contrat de ville de l’agglomération caennaise, quelle évaluation financière ?……….…………………..p. 194

Le fonctionnement du contrat de ville de l’agglomération caennaise, une appréciation positive……………………………………………………………………………………………….………p. 197

Comment expliquer ces résultats positifs ?………………………………………………………………………..p. 198

Synthèse des préconisations…………………………………………………………………………………………p. 199

Bibliographie. ______________________________________________________________________ p. 200

Table des cartes. ___________________________________________________________________ p. 205

Table des documents. _______________________________________________________________ p. 206

Table des matières. _________________________________________________________________ p. 210

215