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I~VOLUTION DU PALI~OENVIRONNEMENT DANS LE TERTIAIRE DE LIMAGNE (MASSIF CENTRAL, FRANCE) A PARTIR DES FAUNES DE MAMMIFI~RES par MARGUERITE HUGUENEY * RI~SUMt~ Les variations de l'abondance sp6cifique et de la diversit6 faunique dans une succession de gisements de mammif6res de l'Oligoc6ne et du Mioc6ne inf6rieur de Limagne (Massif Central, France) ont 6t6 6tudi6es dans le but de mettre en 6vidence les facteurs respon- sables de ces changements. L'6volution observ6e semble bien pouvoir 8tre reli6e A des variations du climat (humidit6, temp6rature) et de la v6g6tation : - l'abondance darts les faunes de formes ~t aquati- ques >> ou de rongeurs appartenant aux families des Eomyid6s et Glirid6s peut ~tre mise en relation avec des p6riodes relativement plus humides ; leur pour- centage diminue dans les p6riodes plus s6ches ; - l'augmentgtion du pourcentage des dents du Glirid6 Peridyromys semble bien pouvoir ~tre corr616e avec des rafra~chissements de la temp6rature ; - les faunes oligoc6nes, domin6es par des rongeurs et insectivores varies, peuvent indiquer un environne- ment plus forestier que les faunes mioc6nes dont les nombreux carnivores et artiodactyles pourraient bien avoir pr6f~r6 des habitats plus ouverts. Enfin, les changements fauniques observ6s en Limagne /~ la limite Oligoc6ne-Mioc6ne ne sont pas seulement locaux mais se retrouvent dans d'autres r6gions (Midi de la France, Espagne) ; ils correspon- dent 6galement/~ des changements dans la flore. ABSTRACT The faunas of a succession of localities from the Oligocene and early Miocene of Limagne (Massif Central, France) have been studied in order to exa- mine how assemblage composition and diversity changed during this period and what factors may have contributed to these changes. Available evidence suggests that the observed evolu- tion in faunas is related to climatic disturbances (moisture, temperature) and to vegetation : - the abundance in the faunas of ~ aquatic >>or arid forms as well as the relative abundance of Eomyids- Glirids permits to follow the succession of relatively wet and dry periods ; - as in the Miocene, the greater number of teeth of the genus Peridyromys seems to be related to cooler tem- peratures ; - the Oligocene faunas, dominated by various rodents and insectivores, seem to indicate forest environ- ment ; the Miocene ones, with numerous Carnivora and Artiodactyla, may have lived in more open habi- tats. Finally, the changes in environmental conditions observed in Limagne at the Oligocene-Miocene boun- dary seem to be consistant with similar changes in the faunas of other regions and in other fossil groups (flo- ras). MOTS-CL~S : LIMAGNE (MASSIF CENTRAL, FRANCE, OLIGOCI~NE- MIOCI~NE INFIkRIEUR, MAMMIFi~RES, CHANGE- MENTS DANS LE PAL~OENVIRONNEMENT. KEY-WORDS : LIMAGNE (MASSIF CENTRAL, FRANCE), OLIGOCENE .- LOWER MIOCENE, MAMMALS, PALEOENVIRON- MENTAL CHANGES. * r Centre de Pal6ontologie stratigraphique et de Pal~o~cologie >> de I'Universit~ Claude-Bernard Lyon, Associ~ au CNRS (LA 11), 43 bd du 11 novembre, 69622 Villeurbanne France. Geobios, M6m. sp6cial n ~ 8 p. 385-391, 6 fig. Lyon, 1984

Évolution du paléoenvironnement dans le tertiaire de limagne (Massif Central, France) à partir des faunes de mammifères

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I ~ V O L U T I O N DU P A L I ~ O E N V I R O N N E M E N T D A N S L E T E R T I A I R E

DE L I M A G N E ( M A S S I F C E N T R A L , F R A N C E ) A P A R T I R

D E S F A U N E S DE M A M M I F I ~ R E S

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MARGUERITE HUGUENEY *

RI~SUMt~

Les variations de l'abondance sp6cifique et de la diversit6 faunique dans une succession de gisements de mammif6res de l'Oligoc6ne et du Mioc6ne inf6rieur de Limagne (Massif Central, France) ont 6t6 6tudi6es dans le but de mettre en 6vidence les facteurs respon- sables de ces changements.

L'6volution observ6e semble bien pouvoir 8tre reli6e A des variations du climat (humidit6, temp6rature) et de la v6g6tation : - l'abondance darts les faunes de formes ~t aquati- ques >> ou de rongeurs appartenant aux families des Eomyid6s et Glirid6s peut ~tre mise en relation avec des p6riodes relativement plus humides ; leur pour- centage diminue dans les p6riodes plus s6ches ; - l'augmentgtion du pourcentage des dents du Glirid6 Peridyromys semble bien pouvoir ~tre corr616e avec des rafra~chissements de la temp6rature ; - les faunes oligoc6nes, domin6es par des rongeurs et insectivores varies, peuvent indiquer un environne- ment plus forestier que les faunes mioc6nes dont les nombreux carnivores et artiodactyles pourraient bien avoir pr6f~r6 des habitats plus ouverts.

Enfin, les changements fauniques observ6s en Limagne /~ la limite Oligoc6ne-Mioc6ne ne sont pas seulement locaux mais se retrouvent dans d'autres r6gions (Midi de la France, Espagne) ; ils correspon- dent 6galement/~ des changements dans la flore.

ABSTRACT

The faunas of a succession of localities from the Oligocene and early Miocene of Limagne (Massif Central, France) have been studied in order to exa- mine how assemblage composition and diversity changed during this period and what factors may have contributed to these changes.

Available evidence suggests that the observed evolu- tion in faunas is related to climatic disturbances (moisture, temperature) and to vegetation : - the abundance in the faunas of ~ aquatic >> or arid forms as well as the relative abundance of Eomyids- Glirids permits to follow the succession of relatively wet and dry periods ; - as in the Miocene, the greater number of teeth of the genus Peridyromys seems to be related to cooler tem- peratures ; - the Oligocene faunas, dominated by various rodents and insectivores, seem to indicate forest environ- ment ; the Miocene ones, with numerous Carnivora and Artiodactyla, may have lived in more open habi- tats.

Finally, the changes in environmental conditions observed in Limagne at the Oligocene-Miocene boun- dary seem to be consistant with similar changes in the faunas of other regions and in other fossil groups (flo- ras).

MOTS-CL~S : LIMAGNE (MASSIF CENTRAL, FRANCE, OLIGOCI~NE- MIOCI~NE INFIkRIEUR, MAMMIFi~RES, CHANGE-

MENTS DANS LE PAL~OENVIRONNEMENT.

KEY-WORDS : LIMAGNE (MASSIF CENTRAL, FRANCE), OLIGOCENE .- LOWER MIOCENE, MAMMALS, PALEOENVIRON-

MENTAL CHANGES.

* r Centre de Pal6ontologie stratigraphique et de Pal~o~cologie >> de I'Universit~ Claude-Bernard Lyon, Associ~ au CNRS (LA 11), 43 bd du 11 novembre, 69622 Villeurbanne France.

Geobios, M6m. sp6cial n ~ 8 p. 385-391, 6 fig. Lyon, 1984

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INTRODUCTION

Les Limagnes sont situ6es au Nord du Massif Cen- tral frangais ; ce sont des foss6s d'effondrement ter- tiaires qui ont 6t6 combl6s d~s l'Eoc~ne mais surtout pendant l'Oligoc~ne et le Mioc6ne inf6rieur par des s6diments continentaux. Actuellement, la Loire et l'Allier empruntent ces foss6s sur une partie de leur cours (fig. 1).

On trouve dans les Limagnes de nombreux gise- ments de vert6br6s, dont certains, tr~s riches, ont jou6

un r61e important dans la connaissance des mammif6- res tertiaires (Ronzon, Saint-G6rand-le-Puy). Un cer- tain nombre d'6tudes r6centes ont permis de faire mieux connaffre les gisements de la Limagne d'Allier et de les int6grer dans la biostratigraphie des mammi- f6res (fig. 2) : Saint-Menoux (Hugueney & Gu6rin, 1981), Cournon-Soum6roux (Brunet & alii, 1981) Coderet (Hugueney, 1969), Gannat (Hugueney, ~t paraitre), Saint-G6rand-le-Puy (Hugueney, 1974).

ZONATION I LIMAGNES I AUTRES REGIONS

Montaigu- le-Blin

Chavroches I Saint- Caunel les Cetina de AragOn Poncenat ~ G6rand-

J le-Puy

Cluzel Nouvelle Facult6

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Boningen

Antoingt

Heimersheim

Cournon-Soum6roux

Saint-Menoux

La Paillade Plaissan

Dieupentale

iRances Pech-du-Fraysse Gaimersheim

Villebramar

Hoogbutsel Ronzon J

~-----~-Grande coupure

['-'lCeno zoique Paleozo ique

~Terrains cristallins [~]Terrain s volcanique s

0 10 20 30 Km

Fig. 1 - - Localisation des gisements 6tudi6s. Fig. 2 - Position des gisements 6tudi6s et des gisements cit6s dans les 6chelles stratigraphiques.

GRANDS TRAITS DE L'HISTOIRE DES FAUNES DE MAMMIFI~.RES

DE L'OLIGOCI~NE A L'AQUITANIEN

Dans l'histoire des mammif~res, la << Grande Cou- pure >> qui s6pare l'Eoc~ne de l'Oligoc~ne est marqu6e par un grand hombre d'extinctions ~ la fin de l'Eoc~ne, suivies d'importantes immigrations au d~but de l'Oligoc~ne ; on aboutit ~t un renouvelle- merit presque total de la faune.

Au cours de l'Oligoc~ne, la faune reste ~t peu pros stable mais, au passage Oligoc~ne-Mioc~ne, il y a nouveau une augmentation dans les disparitions qui ne sont pas compens6es imm~diatement par des arri- v6es. Ce ph6nom~ne est particuli~rement net parmi les Rongeurs puisque disparatt Ace moment toute la

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famille des ThOridomorphes qui connut une grande diversification et joua un r01e important dans les fau- nes de l'OligocCne et de l'EocOne. Finalement, la faune de Rongeurs de l 'Aquitanien est trOs appau- vr ie : 22 rongeurs clans l'Oligoc~ne supOrieur de Coderet, pas plus de la moiti6 dans les gisements aqui- taniens (fig. 3).

Le passage de l'Oligoc~ne au Miocene est docu- ment6 en Limagne d'Allier par toute une sOrie de gise- ments. La superficie de ce bassin 6tant assez faible (une centaine de km entre les gisements les plus 61oi- gnOs : Saint-Menoux au N e t Cournon au S), on peut

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penser que la faune prOsente une certaine unit6 d'ensemble et que les changements qui apparaissent au cours du temps reprOsentent rOellement une ~volu- tion faunique. D'autre part, au cours de la pOriode de transition OligocOne-MiocOne, les disparitions obser- vOes dans la faune ne semblent pas dues/~ la compOti- tion avec de nouveaux arrivants puisque le renouvelle- merit faunique est alors minimal ; dans ce cas, on peut penser trouver dans l 'environnement les raisons de cette 6volution. Or les faunes de mammif~res peu- vent nous renseigner sur certains facteurs de leur envi- ronnement tels que humiditO, tempOrature, vOgOta- tion.

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Fig. 3 -- Nombre d'apparitions (o - - o) et d'extinctions ( t - - + ) de genres au tours de l'Oligoc~ne et du MiocOne infOrieur (donnOes tirOes de Brunet, 1977 ; Brunet & alii, 1981 ; Mein, 1975). I1 faut noter que les apparitions ne sont pas dues uniquement ~ des immigra- tions mais peuvent provenir de l'Ovolution sur place de certains genres.

LES FACTEURS DE L 'ENVIRONNEMENT ET L'I~VOLUTION DES FAUNES

1 - HUMIDI'H~

L'humidit6 est un facteur relativement facile/~ met- tre en 6vidence dans une faune fossile ; en effet, les &udes anatomiques ont depuis longtemps montr6 que la << loutre >> ou le << castor >> de Saint-G6rand ~taient adapt~s/~ la vie aquatique ; de m~me le squelette des AnthracothOres de l'OligocOne montre une remarqua- ble convergence avec celui des hippopotames et leur mode de vie devait ~tre trOs proche.

L'aridit6 est plus dOlicate ~ tester ; cependant cer- tains rhinocOros (tel Protaceratherium albigense de Saint-Menoux) /~ squelette 16ger et pattes allongOes sont des formes coureuses vivant sur des 6tendues peu fournies en vOgOtation. Parmi les Rongeurs, on note chez le ThOridomorphe Issiodoromys pseudanaema des bulles tympaniques ~normes qui sont une des caractOristiques des rongeurs d~sertiques actueis.

On peut dans chaque faune, attribuer + 1 aux

- - 3 8 8 - -

formes caract~ristiques de biotopes humides, - 1 aux repr~sentants de biotopes arides et faire le total : un total 61ev~ caract~risera une faune humide au con- traire, un chiffre plus faible ou n~gatif rendra compte d'un biotope plus sec. On constate ainsi qu'en Lima- gne, apr~s l'Oligoc~ne moyen et le dgbut de l'Oligo- c~ne sup6rieur humides, une tendance plus s~che caract~rise les gisements de la fin de l'Oligoc6ne, ten- dance suivie par une nouvelle phase plus humide (fig. 4 ) .

Si l'on consid~re non plus l'ensemble de la faune mais les repr~sentants de l'ordre des Rongeurs, il a ~t~ montr~ que, dans le Miockne, les dents des Eomyid~s (famille aujourd'hui disparue) et des Glirid6s (loirs,

lgrots, muscardins) 6taient particuli~rement abondan- tes pendant les p6riodes humides (van de Weerd & Daams, 1978). On peut calculer, pour les gisements de Limagne, les pourcentages de dents d'Eomyid~s et de Glirid~s par rapport aux autres families de rongeurs (fig. 4) : on observe pour les pourcentages cumul6s Eomyid~s + Glirid6s une courbe grossi~rement paral- ISle h celle obtenue pr~c6demment ~ partir de l'ensem- ble de la faune. Ceci confirme donc l'existence en Limagne d'une p6riode d'aridit~/~ la fin de l'Oligo- c6ne, ph~nom~ne mis en ~vidence aussi par Schuler & Sittler (1969) lors de l'~tude palynologique du bassin de Montbrison (Limagne de Loire).

Fig. 4 - -

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AUTRES RI-GIONS

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Les faunes de mammif~res indicatrices de l'humidit~ ou de la s/~cheresse :

4a - Total du nombre de formes indicatrices de biotope humide ( + 1) et de biotope sec (- 1) ; d'apr/~s les travaux de Heissig (1978) et de van de Weerd & Daams (1978), les formes consid&~es comme <( s~ches , sont : les 6cureuils terrestres, lssiodoromyspseuda- naema. Protaceratherium albigense ; les formes consid~r6es comme <( humides , , beaucoup plus nombreuses, sont : les Castori- dgs, les Eomyid~s, Melissiodon, Potamotherium, Eggysodon, les Anthracoth~:res, les Cainotheriid~s, Bachitherium.

4b - Pourcentage du nombre de MI-2 darts les diff~rentes families de rongeurs ; la courbe des pourcentages cumulus Eomyid~s + Glirid~s ( ' ) - families suppos~es ~tre abondantes pendant les p,~riodes humides - est comparable ~ celle de la fig. 4a. Pour comparai- son, sont figures les pourcentages cumulus d'Eomyid~s + Glirid~s dans diff~rents gisements d'autres r~gions ; les donn~es sont tir~es de Freudenberg (1941) pour Gaimersheim (Allemagne, valeurs est im~s), de Baudelot & Olivier (1978) pour Dieupentale (Tarn-et-Garonne), de de Bonis (1973) pour Paulhiac (Lot-et-Garonne), d'Aguilar (1974, 1977) pour Plaissan, La Paillade, Nou- velle Facult~ et Caunelles (Languedoc), de Daams & van de Weerd (1978) pour Cetina de Aragon (Espagne). On remarque que dans ces diverses r~gions on obtient des r~sultats tr~s comparables ~ ceux de Limagne pour les memes p~riodes ; toutefois, dans le Sud de la France, l '~norme pourcentage d 'Eomyides ~- Glirides reste plus constant qu 'en Limagne, pendant l 'Aquitanien.

On pourrait penser que ces r~sultats refl~tent les conditions locales au moment de la formation du gise- ment : par exemple, la Mine-des-Rois repr~senterait une faune de biotope sec alors que Poncenat aurait ~t~ situ~ au bord de l'eau. I1 semble, en r~alit~, qu'il

s'agisse d'un ph~nom~ne plus ggngral qui peut &re suivi au moins a l'~chelle de l'Europe puisque, ~ peu pros au m~me niveau que Cournon, la faune de Gai- mersheim (Allemagne) est aussi une faune humide et que, en Espagne (Cetina de Arag6n) et en Languedoc,

- - 3 8 9 -

les faunes du Miocene inferieur mont rent / i peu pros au m~me moment qu 'en Limagne une tr~s forte aug- mentation des Glirides et Eomyid6s avec des propor- tions tr~s comparables.

2 - TEMP]~RATURE

Pour les p~riodes comme l'Oligoc~ne et la base du Miocene ot~ non seulement les esp~ces mais aussi les genres et meme un certain nombre de families sont diff6rents de l 'Actuel, il est difficile d 'avoir des points de comparaison qui pourraient nous indiquer quelles ~taient les temperatures optimales pour telle ou telle forme. ActueUement on obtient seulement, A l 'aide de deductions, quelques hypotheses qu'il faut ensuite tester afin de v~rifier leur fiabilit6.

Ainsi, Daams & van der Meulen (1983) ont constat6 qu 'en Espagne au cours de l 'Aquitanien - p~riode humide A Eomyid~s et Glirides - parmi ces derniers, l'esp~ce Peridyromys murinus variait en abondance en sens inverse d 'une forme de taille et de structure assez voisine appartenant au genre Microdyromys. Ils ont fait l 'hypoth~se que la temperature &ait A l'ori- gino de ces variations et, comme Microdyromys abon- dant ~tait associ~ aux premiers singes et 6cureuils volants, ils ont pense que Microdyromys aimait la chaleur alors que Peridyromys pr6f~rait une tempera- ture plus basse. A l'aide des pourcentages des dents de chacune des deux formes, ils ont trac6 une courbe et ont pu montrer qu'elle suivait les variations de la courbe des pal~otemp~ratures de l 'eau de mer ~ la m~me epoque.

Les genres Peridyromys et Microdyromys existent tous deux en Limagne et on peut calculer leur pour- centage par rapport aux autres Glirides dans les diff ,- rents gisements (fig. 5) ; on constate, qu'apr~s un Oli- goc~ne moyen assez chaud ~t Microdyromys, celui-ci disparaIt d~s le niveau de Cournon pour ne faire ensuite que de timides apparitions. Inversement, Peridyromys augmente d ' abord beaucoup pour, ensuite, se rar*fier progressivement. Or les ~tudes min6ralogiques et palynologiques r sur des sondages en Limagne ont permis de tracer une courbe synth~tique des variations de temperature dans ce bas- sin : elle indique un refroidissement net au niveau de Cournon, puis des oscillations de temperature avant un rechauffement aquitanien (Giot, 1976) ; il faut pr6ciser toutefois que les correlations entre les pollens et les mammif*res sont real 6tablies, aucun pollen n 'ayant ~t~ trouv6 dans les gisements de mammif~res.

L/~ encore on peut comparer avec ce qui se passe dans d'autres r6gions : /~ Heimersheim (Allemagne), niveau un peu plus ancien que Saint-Menoux,

Microdyromys existe seul ; tt Gaimersheim (Allema- gne), niveau compris entre Saint-Menoux et Cournon, on a 24 M 1-2 de Microdyromys pour 1 Peridyromys ; dans le niveau ~quivalent de Pech-du-Fraysse (Quercy), il y a Microdyromys mais pas Peridyromys. Les niveaux ~ peu pros de mSme ~ge que la Mine-des- Rois, tels Dieupentale (SW de la France) ou Rances (Suisse), montrent g6n6ralement Peridyromys seul ou au moins dominant. Dans l 'Aquitanien, le pourcen- tage de repr6sentation de Peridyromys va diminuer p rogress ivemen t : ~ Paulh iac (Lot -e t -Garonne) encore 93,2 ~ de Peridyromys et 0 070 de Micrody- romys ; puis Microdyromys va 8tre ~ nouveau present (La Paillade, Nouvelle Facult6, Caunelles).

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Fig. 5 --- Variations du pourcentage de MI-2 de Peridyromys murinus (P ---), indicateur de froid relatif, et de Microdyromys div. sp. (M = = = ), indicateur de tempe- ratures proport ionnellement plus 61ev~es, parmi l 'ensemble des Glirid6s (nombre total de MI-2 = N) de diff6rents gisements de la Limagne d'Allier.

La partie droite du tableau reproduit une courbe des pal~otemlx~ratures r ~t partir des r~sultats min6ra- logiques et palynologiques obtenus sur des sondages en Limagne (Giot, 1976).

On peut noter le parall~lisme des deux eourbes ; il con- firme que : - la plupart du temps, Microdyromys diminue quand Peridyromys augmente ; - que l 'augmentation de Peridyromys semble bien sui- vre, peut-Stre avec un l~ger retard, la baisse de teml~ra- ture et que les Peridyromys diminuent quant la tempera- ture augmente.

Saint-Menoux ( P = 0 ; M=42,9%0, N = 7 ) ; Cournon (P = 2 1 , 4 % ; M = 0 ; N = 14) ; M i n e - d e s - R o i s (P=100%0 ; M = 0 ; N = 2 ) ; C o d e r e t (P=63,1%0 ; M = 3 , 7 % ; N = 1 9 3 ) ; G a n n a t ( P = 8 6 , 4 % ; M = 1 , 7 % ; N = 5 9 ) ; Sau l ce t ( P = 8 4 , 9 % ; M = 0 ; N = 5 3 ) ; Cluzel ( P = 4 3 , 3 % ; M = 6 , 7 % ; N = 3 0 ) ; Poncenat (P=23 ,9% ; M = 0 ; N = 159).

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3 - V]~,]Gt~TATION

L'humidit~ et la temperature influent sur la v~g~ta- tion et on peut essayer de voir si les faunes fossiles peuvent ~galement fournir des renseignements sur les diff6rents biotopes.

Les ~tudes des ~cologistes ont montr6 que dans l'Actuel les diff~rents habitats peuvent ~tre distingu6s par la composition de leur f a u n e ; e n effet, on observe une forte proportion de rongeurs et d'insecti- vores dans les for~ts, alors que les bois, buissons et

prairies pr6sentent un grand nombre d'artiodactyles et de carnivores (fig. 6) ; ces r6sultats, obtenus sur des faunes tropicales d'Afrique, ont 6t~ test~s sur d'autres continents (Australie, Malaisie...) ot~ les diagrammes obtenus sont tr~s comparables malgr6 une composi- tion sp~cifique totalement diff6rente. Ces modules graphiques permettent donc d'identifier l'habitat partir de la faune et leurs auteurs les ont ensuite appli- qu6s ~ la reconstitution des paysages d'un certain nombre de gisements africains (Andrews, Lord & Nesbit Evans, 1979).

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Fig. 6 - - Diversit~ ~cologique test~e par le pourcentage d'esp~ces dans chaque categoric taxinomique - R = Rongeurs s.lat. ; 1 = Insectivo- res s.lat. ; P = Primates ; P ' = Didelphid~s ; A = Artiodactyles ; C = Carnivores ; O = autres groupes. En ordonn6e : pour- centage du hombre total d'esp~ces N.

Les faunes de l 'Oligoc~ne se rapprochent , par leur fort pourcentage en Rongeurs et Insectivores, des faunes de for~t actuelles ; d~s le d~but du Miocene, les faunes semblent appartenir /~ des habitats plus ouverts.

Le test de r6partition taxinomique ou de diversit~ ~cologique, qui repose sur le pourcentage d'esp~ces repr~sent~es darts chaque ordre, peut s'appliquer aux faunes europ~ennes de l'Oligoc~ne et du Miocene inf~rieur ; cependant, les primates, n'existant pas en Europe/~ cette p~riode, ont 6t~ remplac~s par les mar- supiaux du genre Peratherium, sarigues occupant des niches ~cologiques 6quivalentes. Les faunes de l'Oli- goc~ne se rapprochent, par leur haut pourcentage en rongeurs, des biotopes forestiers, alors que d~s le niveau de Paulhiac, les faunes, riches en carnivores et plus pauvres en rongeurs, semblent plut6t correspon- dre/~ des habitats de buissons et prairies.

On peut mettre en rapport ces r~sultats avec les con- clusions de Gorin (1975) apr~s l'~tude palynologique

de la Limagne qui relive << l'apparition massive de pollens de Conif~res/t la base de l'Oligoc~ne, et << la persistance de la forgt de substrat sec et ~lev~ au cours de l'Oligoc~ne , . En Limagne, l'analyse pollinique n'a pas donn~ de bons r~sultats pour le Miocene inf~- rieur mais,/~ Carry-le-Rouet, J.J. Chateauneuf (1972) note/~ ce moment-l~ <~ un arrgt brutal des esp~ces froi- des de stations ~lev~es (Picea, Abies, Cedrus) rempla- c~es par des Polypodiac~es, des chgnes, des bouleaux, des aulnes, avec un m~lange d'esp~ces froides et chau- des ayant un d~nominateur commun : l'humidit~ >> (Remarquons que l'on retrouve ici aussi l'opposition entre un Oligoc~ne sup~rieur plut6t sec et froid et le Miocene inf~rieur plus humide e t a tendance plus chaude).

3 9 1 - -

C O N C L U S I O N S

Ainsi les faunes de petits mammif~res de Limagne mettent en ~vidence, /~ la fin de l 'Oligoc~ne, une p~riode plus froide et plus s~che que pr~c6demment, suivie, au Miocene, par un r6chauffement accompa- gn~ d ' une humidit6 nettement plus 61ev6e ; d ' au t r e part la for~t de l ' O l i g o ~ n e semble faire place, au Mioc6ne, ~ des habitats plus ouverts.

Tout en restant tr~s conscient du fait que les gise- ments de vert~br6s ne repr6sentent qu ' une faible part

de la communau t6 dont ils proviennent , il faut cepen- dant remarquer la bonne coincidence entre les r6sul- tats obtenus en Limagne et dans d 'au t res r6gions d ' une part, et, d ' au t r e part , avec les r6sultats obtenus par d 'aut res mgthodes.

II semble donc bien que les gisements de vertgbr6s soient un reflet assez fiddle de l 'ancien habitat .

RI~FI~RENCES B I B L I O G R A P H I Q U E S

AGUILAR J.P. (1974) - Les rongeurs du Mioc6ne inf6rieur du Bas-Languedoc et les corr61ations entre 6chelles strati- graphiques marine et continemale. Geobios, Lyon, 7, 4, 345-398, 30 fig., 11 tabl.

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