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1 Université de Rennes 1 Année 2003-2004 Licence Sciences économiques Mention Economie industrielle et internationale Examen d'Economie Industrielle I : éléments de correction Thierry PENARD (Durée : 2 heures) QUESTION 1 : C ARTEL ET COLLUSION (9,5 POINTS ) Considérons un marché représenté par un segment de longueur 1 sur lequel les consommateurs sont uniformément distribués. Nous supposons que 2 entreprises A et B sont présentes sur ce marché et localisées à chacune des extrémités du segment (l'entreprise A est située en 0 et l'entreprise B en 1). Par commodité, nous supposons que les firmes ont un coût de production nul. Par ailleurs, sur ce marché, les consommateurs subissent une désutilité ou un coût égal à d t . d correspond à la distance entre le consommateur et l'entreprise auprès de laquelle il achète son bien. Sur ce marché, les entreprises A et B sont supposées choisir simultanément leurs prix (p A et p B respectivement) dans l'objectif de maximiser leurs profits. Compte tenu des prix choisis par A et B, les consommateurs décident d'acheter une unité de bien soit auprès de A, soit auprès de B. a) A quelle forme de concurrence a-t-on affaire ? Comment peut-on interpréter le coût ou la désutilité t supporté par les consommateurs ? 1 point Il s'agit d'une concurrence en différenciation horizontale, appelée aussi concurrence à la Hotelling. La différenciation peut venir d'une différence de localisation des entreprises ou d'une différence de positionnement des produits des entreprises. Il existe deux interprétations possibles : Interprétation spatiale : les consommateurs subissent un coût de transport lorsqu'ils achètent auprès d'une entreprise éloignée de leur lieu d'habitation

Examen d'Economie Industrielle I : éléments de correction

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Page 1: Examen d'Economie Industrielle I : éléments de correction

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Université de Rennes 1 Année 2003-2004

Licence Sciences économiquesMention Economie industrielle et internationale

Examen d'Economie Industrielle I :éléments de correction

Thierry PENARD

(Durée : 2 heures)

QUESTION 1 : CARTEL ET COLLUSION (9,5 POINTS)

Considérons un marché représenté par un segment de longueur 1 sur lequel lesconsommateurs sont uniformément distribués. Nous supposons que 2 entreprises A et Bsont présentes sur ce marché et localisées à chacune des extrémités du segment(l'entreprise A est située en 0 et l'entreprise B en 1). Par commodité, nous supposonsque les firmes ont un coût de production nul.Par ailleurs, sur ce marché, les consommateurs subissent une désutilité ou un coût égal à

dt. où d correspond à la distance entre le consommateur et l'entreprise auprès delaquelle il achète son bien.Sur ce marché, les entreprises A et B sont supposées choisir simultanément leurs prix(pA et pB respectivement) dans l'objectif de maximiser leurs profits.Compte tenu des prix choisis par A et B, les consommateurs décident d'acheter uneunité de bien soit auprès de A, soit auprès de B.

a) A quelle forme de concurrence a-t-on affaire ? Comment peut-on interpréter le coûtou la désutilité t supporté par les consommateurs ?

1 pointIl s'agit d'une concurrence en différenciation horizontale, appelée aussiconcurrence à la Hotelling. La différenciation peut venir d'une différence delocalisation des entreprises ou d'une différence de positionnement des produitsdes entreprises.Il existe deux interprétations possibles :• Interprétation spatiale : les consommateurs subissent un coût de transport

lorsqu'ils achètent auprès d'une entreprise éloignée de leur lieud'habitation

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• Interprétation en termes de caractéristiques : les consommateurs subissentune désutilité ou un coût subjectif lorsqu'ils achètent un bien éloigné dubien qu'il considère comme idéal (c'est à dire lorsqu'ils achètent un biendont les caractéristiques sont éloignés des caractéristiques jugées idéales).

b) Déterminez la localisation [ ]1,0ˆ ∈θ du consommateur indifférent entre acheterauprès de l'entreprise A et acheter auprès de l'entreprise B.

1 pointL’abonné indifférent θ̂ entre A et B est défini par :

)ˆ1(ˆ θθ −+=+ tptp BA

tpp AB

221ˆ −

+=θ

c) En déduire la demande s'adressant à chacune des entreprises et écrire le profit desdeux entreprises.

1 pointDemande s'adressant à A

tpp

ppD ABBAA 22

1ˆ),(−

+== θ

Demande s'adressant à B

tpp

ppD BABAB 22

1ˆ1),(−

+=−= θ

Profit des deux entreprises

−+==

tpp

pppDppp ABABAAABAA 22

1),(),(π

+==t

pppppDppp BA

BBABBBAB 221

),(),(π

d) Montrez que les fonctions de meilleure réponse des firmes A et B s'écrivent

respectivement 22

)(tp

pMR BBA += et

22)(

tppMR A

AB += .

0,5 pointL'équilibre de Nash ),( **

BA pp est défini par les conditions de premierordre. Ce sont aussi ces CPO qui permettent d'obtenir les fonctions demeilleure réponse ou de meilleure réaction

0),(

=∂

A

BAA

pppπ

0),(

=∂

B

BAB

pppπ

En dérivant les profits, on obtient :

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tp

tp

ppp AB

A

BAA −+=∂

∂22

1),(π

tp

tp

ppp BA

B

BAB −+=∂

∂22

1),(π

Soit

22)(

tppMR B

BA += et 22

)(tp

pMR AAB += .

e) En déduire les prix d'équilibre de Nash sur ce marché et les profits d'équilibre.Comment évolue les prix et les profits en fonction de t ? Commentez.

2,5 pointsL'équilibre de Nash ),( **

BA pp est défini par** )( ABA ppMR =** )( BAB ppMR =

Solutiontp A =*

tp =*2

Interprétation et commentaires :§ On remarque que les prix sont supérieurs à 0 (aux coûts marginaux).

Les entreprises parviennent donc à obtenir des marges positives grâce àleur différenciation horizontale maximale (puisque chacune est localiséeà une extrémité du marché).

§ Ces marges sont d'autant plus élevées que t est élevé, c'est à dire sontd'autant plus élevées que les coûts de déplacement sont importants etdonc que les consommateurs sont captifs. Le paramètre t mesure donc lepouvoir de marché des entreprises : plus t est élevé et plus l'intensitéconcurrentielle est faible sur le marché, les entreprises ayant affaire àdes consommateurs de plus en plus captifs auxquels elles vont pouvoirappliquer des prix plus élevés.

On remarque que les deux firmes se partagent équitablement le marchéDemande s'adressant à A

21ˆ),( == θBAA ppD

Demande s'adressant à B

21ˆ1),( =−= θBAB ppD

Profit des deux entreprises

2),(),(

tppDppp BAAABAA ==π

2),(),(

tppDppp BABBBAB ==π

On constate que les profits sont aussi une fonction croissante de t. Cerésultat était attendu, puisque la demande est inélastique (elle ne dépend

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pas des prix - les consommateurs achètent une unité et une seule quel quesoit le prix), par contre les prix sont croissants avec t. La profitabilité desentreprises augmentent lorsque les consommateurs sont plus captifs oumoins mobile.

f) Comparez ces profits avec ceux qu'obtiendraient ces mêmes firmes en cas de libreentrée sur le marché permettant l'installation d'un nombre très élevé de firmes etconduisant à une concurrence à la Bertrand.

0,5 pointsEn cas de concurrence à la Bertrand entre des entreprises symétriques en coût,le prix des entreprises tend vers le coût marginal, c'est à dire dans notreexemple vers zéro, et le profit des entreprises est alors nul. La libre entréedétruit donc les perspectives de profit sur le marché.

APPLICATION AU MARCHE DE L'ESSENCE SUR AUTOROUTEg) En quoi le marché des stations essences sur autoroute est-il structurellement

propice à la collusion ? Justifiez.2 points

1) Le marché est très concentré (4 acteurs principaux Total, Shell, BP,Esso), favorable pour trouver un accord mais aussi pour la stabilité decet accord.

2) Le marché présente de très fortes barrières à l'entrée : il est nécessaired'obtenir une concession de la part des sociétés autoroutières pourentrer sur le marché et les coûts d'entrée sont élevés (il faut"construire" ou aménager une aire d'autoroute sur laquelle oninstallera sa station). L'absence de libre d'entrée renforce laconcentration du marché et facilite la stabilité externe d'une entente enprix

3) L'essence est un produit homogène, ce qui facilite la convergence de vueentre les concurrents.

4) La concurrence sur le marché des stations sur autoroute est une formede concurrence en différenciation horizontale (les stations ne sont paslocalisées au même endroit). Or sur ce marché, les consommateurs sontrelativement captifs, car a) il est très coûteux de sortir de l'autoroutepour prendre de l'essence, b) on prend souvent de l'essence lorsque sonréservoir est presque vide et donc il est difficile de se déplacer vers unestation plus éloignée qui pratiquerait des prix plus bas (sauf à prendre lerisque de tomber en panne). Ceci renforce la stabilité de la collusion, carles consommateurs étant relativement captifs, il y a peu d'intérêt pourune station service à baisser ses prix pour essayer de capter toute lademande (le gain d'une déviation est limité par le caractère captif de lademande)

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5) La demande est très dispersée (7 millions d'automobilistes) ce quiconduit les stations à afficher leur prix. Ceci contribue à rendre lemarché transparent et facilite donc la surveillance des concurrents et ladétection des déviations en cas d'entente en prix

h) En vous appuyant sur vos connaissances de la théorie des jeux répétés, expliquezl'intérêt des échanges d'informations entre gérants de station de service ?

1 pointLes échanges d'informations entre gérants permettent de rendre le marchéplus transparent. Ils facilitent d'une part la coordination sur les prix (laconvergence de vue vers un prix unique), mais ils permettent surtout des'assurer que l'entente en prix est bien respectée. Ces échanges permettentaux stations de détecter plus rapidement les éventuels tricheurs ou déviants(ceux qui ne respectent pas le prix collusif) et de les sanctionner rapidementsous la forme par exemple d'une guerre de prix.

Communiqué de presse1er avril 2003

Distribution de carburants sur les autoroutes : le Conseil de la concurrencesanctionne les principaux groupes pétroliers

Par une décision du 31 mars 2003, le Conseil de la concurrence, saisi par le ministre del'économie, a sanctionné la société Total Fina Elf France, la société des pétroles Shell et lessociétés Esso SAF et BP France. Il leur a infligé des amendes pour un montant total de 27millions d'euros.[…]Les déclarations des gérants de stations service ont fait apparaître, lors de l'enquête et del'instruction, que, à la demande ou avec l'assentiment de leur compagnie pétrolière respective,les stations service échangeaient téléphoniquement, plusieurs fois par semaine avec leursconcurrents, des informations sur les prix pratiqués pour les différents types de carburants.Ces informations étaient ensuite systématiquement transmises dans la journée au siège socialdes compagnies pétrolières, lesquelles, en retour, établissaient, en fonction des prix desconcurrents, les prix qu'elles demandaient à leurs gérants de pratiquer.[…]Le Conseil note à cet égard dans sa décision que, la Commission européenne a relevé, dans lesdécisions Exxon/Mobil et TotalFina/Elf, "une différence de prix entre les stations autoroutièreset les stations hors autoroute de l'ordre de 25 à 30 % du prix HT" et a précisé "que cettedifférence de prix était la plus importante de tous les pays de l'Union européenne et necorrespond pas aux coûts des stations autoroutières qui sont les plus bas de toute l'Unioneuropéenne".Gravité des pratiques et dommage à l'économieLe Conseil de la concurrence a souligné que ces pratiques sont d'autant plus graves […] que cespratiques ont eu un caractère généralisé et que, de l'aveu même des gérants des stations-serviceinterrogés, elles existent "depuis de nombreuses années".Le Conseil de la concurrence a enfin souligné que près de 7 millions d'automobilistesempruntent chaque année le réseau autoroutier.

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QUESTION 2 : FUSION SONY MUSIC ET BMG (6POINTS)

a) Après avoir rappelé la définition de l'indice Herfindahl-Hirschmann (IHH) et sonintérêt pour les autorités en charge du contrôle des concentrations, vous calculerezl'IHH avant et après fusion sur le marché du disque (Note : pour ce calcul, vousvous limiterez aux parts de marché des 5 grandes maisons de disque et vousnégligerez les autres maisons de disque dont les parts de marché sont très faibles etreprésentent donc un poids négligeable dans l'IHH). Commentez.

3 pointsSur un marché comprenant N entreprises, ( )∑ =

=N

i isIHH1

² avec si la part

de marché de l'entreprise iCet indice de concentration diminue avec le nombre de firmes présentes surle marché, mais augmente avec le degré d'asymétrie dans les parts demarché des entreprise. L'intérêt de l'IHH pour les autorités de laconcurrence est que cet indicateur permettant d'approcher l'intensitéconcurrentielle sur un marché. En effet, l'indice de Lerner qui mesure lepouvoir de marché des entreprises (ou plus exactement le taux de marge)est proportionnel à l'IHH :

EIHH

pcp

=−

avec E l'élasticité prix de la demande sur le marché

et c le coût unitaire moyen pondéré des entreprises sur le marchéOr l'indice de Lerner est souvent très difficile à calculer compte tenu dumanque d'informations des autorités de la concurrence sur les coûts desentreprises et l'élasticité de la demande, alors que l'IHH lui est bien plusfacile (il suffit de collecter les parts de marché des entreprises)/Cet IHH est utilisé en particulier par les Autorités américaines dans lecadre des mergers guidelines pour savoir si une fusion mérite d'êtreexaminée en détail ou peut être acceptée en l'étatSi l'IHH après fusion est inférieur à 1000, la fusion est acceptée en l'étatMême chose, si l'IHH après fusion est compris entre 1000 et 1800, mais lahausse de l'IHH suite à la fusion est inférieur à 100 points, ou si l'IHH aprèsfusion est supérieur à 1800, mais la hausse de l'IHH suite à la fusion estinférieur à 50 points. Dans les autres cas, la fusion fait l'objet d'un examendétaillé des autorités de la concurrence pouvant conduire soit à un refus(assez rare), soit à une acceptation sous conditions (cas le plus fréquent)Dans le cas de la fusion BMG-Sony, l'IHH passe de 1281 à 1589, soit unehausse de 308. Cette fusion devrait donc être l'objet d'un examenapprofondi selon le critère des autorités américaines.

Indice de Lernermoyen sur lemarché

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REPARTITION DES PARTS DE MARCHE DES MAISONS DE DISQUE EN 2002 AVANT LAFUSION SONY BMG

MAISONS DE DISQUE PARTS DU MARCHE MONDIAL EN %

UNIVERSAL MUSIC 26

SONY MUSIC 14

EMI 12

WARNER MUSIC 12

BMG 11

AUTRES MAISONS DE DISQUES 25

Sources : IFPI, SNEP

b) Sur la base des informations ci-dessous et de vos connaissances économiques,quelle pourrait être la décision des Autorités européennes à l'issue de l'examen decette fusion et comment pourraient-elles justifier cette décision ? Dans votreréponse, il n'est peut-être pas inutile de rappeler en quoi consiste l'examen d'unefusion par les Autorités européennes de la concurrence.

3 points

L'examen d'une fusion par les autorités européennes consiste dans unpremier temps en un bilan concurrentiel. Les autorités se demandent si lafusion aura des effets anti-concurrentiels ou non. Pour cela, elles regardentle degré de concentration sur le marché, l'existence de barrières à l'entrée,l'existence de clients puissants pouvant contrebalancer le pouvoir desoffreurs. Plus particulièrement, les autorités regardent si la fusion va créerune position dominante de la nouvelle entité ou renforcer sa positiondominante. A l'issue de ce bilan concurrentiel, si les autorités ne trouventpas d'effets anti-concurrentiels, elles autorisent la fusion. En revanche, sielles trouvent un effet anti-concurrentiel, elles procèdent dans un deuxièmetemps à un bilan économique. Elles regardent si la fusion aura des effetspositifs en termes d'efficacité économique (création de nouveaux services,synergie et baisse de coûts, …). Cet examen en deux temps permet demettre en balance les avantages et les coûts d'une fusion, comme l'avaitrecommandé Williamson (1969)

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La pratique des autorités : bilan concurrentiel/bilan économique

Sur la fusion BMG-Sony, les arguments en défaveur de la fusion sont lessuivants :

• Le marché est déjà très concentré et on risque d'avoir une positiondominante collective de BMG-Sony et d'Universal qui pourrait faciliterles ententes ou collusion

Mais il existe aussi des arguments en faveur de la fusion

• Le marché est en crise et la fusion permettra aux entreprises de réagiren proposant de nouveaux services, en innovant …

• La fusion ne porte que sur les catalogues, donc cette fusion ne devraitpas avoir trop d'effets anti-concurrentiels, la nouvelle entité continuantà se concurrencer sur la distribution et les droits

• La nouvelle entité ne sera pas en position dominante individuelle,puisque ses parts de marché seront inférieurs à celles d'Universal.

Au final, il y a toutes les chances dans le contexte de crise du secteur pourque la fusion soit acceptée, assortie éventuellement de quelques conditions.

Bilan concurrentielConcentrationBarrières à l'entréePuissance de lademande

Aucun effetanticoncurrentiel

Des effetsanticoncurrentiel

Fusion acceptée

Bilan économiqueBaisse de coûtsCréation de nouveauxservicesInnovationAutres critères sociaux etpolitiques : Défense del'emploi

Des gainsen termesd'efficacitééconomique

Aucun gain/progrèséconomique

Fusion rejetée Fusion acceptée avec ousans conditionFusion rejetée

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EXTRAITS D'UN ARTICLE PARU DANS LE MONDE DU 08.11.03

SONY MUSIC ET BMG S'ALLIENT POUR FORMER LE NUMERO DEUX MONDIALDU DISQUE

DEPUIS trois ans, tout le monde discutait avec tout le monde dans l'industrie du disque. C'étaitplutôt la quatrième major du secteur, Warner Music, qui occupait le devant de la scène, tour àtour engagée dans des discussions avec BMG puis avec EMI. Mais elle s'est finalement faitdoubler avec l'annonce, jeudi 6 novembre, de la fusion entre Sony Music, filiale du géantjaponais de l'électronique grand public, et BMG, le pôle musique de l'empire des médiasallemand Bertelsmann.Les deux groupes ont signé une « lettre d'intention non contraignante » pour former unecoentreprise détenue à parité. Pourtant, le japonais est beaucoup plus gros dans la musique quel'allemand : 5,2 milliards de dollars (4,5 milliards d'euros) de chiffre d'affaires, contre 2,7milliards. Cependant, il est nettement moins rentable : Sony Music a affiché une perted'exploitation de 72 millions de dollars sur le dernier exercice, contre un bénéfice de 125millions pour BMG.Ce nouvel ensemble, qui détiendra 25,2 % du marché mondial de l'édition musicale, vienttalonner l'incontestable leader, Universal Music (25,9 %). Cependant, les deux groupes secontentent de faire catalogue commun (Céline Dion, Beyonce, Pascal Obispo pour Sony etBritney Spears, Christina Aguilera, Michael Jackson, Patrick Bruel pour BMG), écartant de latransaction leurs activités d'exploitation des droits, de production et de distribution des CD.[…] Le dossier sera examiné avec attention [par les autorités européenne et américaine de laconcurrence] : deux rapprochements, en octobre 2000 entre EMI et Warner Music, puis, ennovembre 2001, entre EMI et BMG, avaient échoué par crainte d'un blocage de la part desinstances régulatrices, alertées par les producteurs indépendants.[…]Selon les données du syndicat professionnel, l'IFPI, le marché mondial du disque, en récessiondepuis 2000, a encore chuté de 10,9 % en valeur au premier semestre 2003. Les chiffresd'affaires des majors s'effondrent. EMI et BMG ne sont parvenues à sauver leurs résultats qu'enmettant en place des plans de restructuration drastiques, alors qu'Universal Music, Sony Musicet Warner Music affichent des pertes. La course à l'union ressemble donc à un sauve-qui-peut.Mais la concentration dans les activités traditionnelles est-elle la bonne réponse aux maux del'industrie affectée par les copies illégales de CD et le téléchargement gratuit de fichiersmusicaux sur Internet ? […]

Gaëlle Macke, avec Guy Dutheil

QUESTION 3 : LES RESTRICTIONS VERTICALES (4,5 POINTS)

a) En quoi les restrictions verticales dans les relations producteurs-distributeurspeuvent-elles être source d'efficacité économique ? Illustrez votre réponse à l'aided'exemples précis.

3 pointsLes restrictions verticales comme la distribution exclusive, sélective, lafranchise peuvent être source d'efficacité économique

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1) Elles peuvent résoudre le problème de double marge. Pour cela, lesproducteurs peuvent utiliser des tarifs binômes ou non linéaires ou desprix maximums ou des prix de vente imposés (lorsque c'est légal)

2) Elles peuvent résoudre le problème de parasitisme entre distributeurs,certains distributeurs pouvant profiter des efforts et des servicesd'autres distributeurs sans en supporter le coût. Pour réduire ceproblème de passagers clandestins , les producteurs peuvent mettre enplace des territoires exclusifs, des prix minimums, des prix de grosdiscriminatoires en fonction du niveau de service fourni par ledistributeur. Mais le plus courant est de mettre en place un réseau dedistribution sélectif consistant à agréer uniquement les distributeursremplissant certains critères de qualité (en termes de service, d'accueil,…)

3) Elles peuvent résoudre des problème de parasitisme entre producteurs.Par exemple, un producteur qui a investi dans la qualité et dans l'imagede ses produits, peut voir ses produits servir de produits d'appel pourattirer les consommateurs et leur vendre des produits concurrents. Pouréviter que d'autres producteurs bénéficient de son image et de la qualitéde ses produits, un producteur peut mettre en place un réseau dedistribution exclusive (dans lequel ne seront vendus que ses produits).

b) Comment ces restrictions verticales sont-elles appréciées par les Autorités de laconcurrence en Europe?

1,5 pointsInitialement, les autorités européennes considéraient les restrictionsverticales comme des entente entre firmes relevant de l'article 81,puisqu'elles pouvaient avoir des objets ou des effets anti-concurrentiels.Mais très rapidement, ces restrictions verticales ont été analysées selon unerègle de raison, avec une relative tolérance, car les autorités avaientconscience que de nombreuses restrictions avaient des motivationsd'efficacité économique qui compensaient plus que largement les effets anti-concurrentiels.Actuellement, la plupart des restrictions verticales sont acceptées sansexamen (exemption en bloc) hormis une liste noire de restrictions interditesen soi comme l'interdiction de vente passive ou les prix de vente imposés.Pour le reste, les restrictions et clauses sont autorisées tant que leproducteur et/ou le distributeur ne détiennent pas une position dominante(c'est à dire tant qu'ils n'ont pas une part de marché supérieur à 30%).