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UNIVERSITE DE DROIT, D'ECONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-MARSEILLE ******************** FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D'AIX-MARSEILLE ******************** TITRE : EXECUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE ET LES VOIES DE RECOURS CONTRE LA SENTENCE RENDUE MEMOIRE : Pour le D.E.S.S. transports maritimes et aériens Option droit maritime & droit des transports Présenté par Mme Bronwyn MCARDLE FROISSARD 1

Exécution de la sentence arbitrale et voies de recours contre la sentence rendue

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UNIVERSITE DE DROIT, D'ECONOMIE ET DES SCIENCESD'AIX-MARSEILLE

********************

FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUED'AIX-MARSEILLE

********************

TITRE:

EXECUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE ET LES VOIES DE RECOURS CONTRE LA SENTENCE RENDUE

MEMOIRE:

Pour le D.E.S.S. transports maritimes et aériens

Option droit maritime & droit des transports

Présenté par Mme Bronwyn MCARDLE FROISSARD

DIRECTEUR DE RECHERCHES: M. C. SCAPEL

Année de soutenance: 1999

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Remerciements:

Je souhaite remercier M. Christian Scapel de m'avoir accueilli dans son D.E.S.S. Cette année universitaire m'a donné la possibilité de découvrir et d'apprécier le droit maritime et le droit français. Je tiens également à remercier M. Christian Scapel et M. le Professeur Pierre Bonnassies pour leurs conseils et encouragements lors de la préparation de ce mémoire.Je suis également très reconnaissante envers M. Mohamed Torchani, qui m'a aidé à trouver les documents utiles à la rédaction de cette étude.Je désire enfin remercier Mme Karen Maxwell de Lincoln's Inn et M. Michael Moon de Shaw & Croft, qui m'ont fourni des informations utiles sur le droit d'arbitrage maritime anglais.

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SOMMAIRE

(une table des matières détaillées figure à la fin de cette étude)

INTRODUCTION...........................................................................................................................................................

PARTIE 1........................................................................................................................................................................

CHAPITRE 1: EVOLUTION DES CONVENTIONS INTERNATIONALES FACILITANT L'EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE...............................................................................................................................

CHAPITRE 2: LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DE NEW YORK DE 1958....................................

CHAPITRE 3: DEUX DÉCISIONS POLÉMIQUES..................................................................................................

CHAPITRE 4 : CONVENTIONS RÉGIONALES......................................................................................................

CHAPITRE 5: D'AUTRES CONVENTIONS INTERNATIONALES.....................................................................

CHAPITRE 6: INSTRUMENTS INTERNATIONAUX FACULTATIFS...............................................................

PARTIE 2........................................................................................................................................................................

CHAPITRE 1: EFFETS DES RÉFORMES DU DROIT NATIONAL SUR L'EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE ET LES VOIES DE RECOURS.....................................................................................

CHAPITRE 2: EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE...........................................................................

CHAPITRE 3: RECOURS CONTRE LA SENTENCE ARBITRALE.....................................................................

CONCLUSION...............................................................................................................................................................

BIOGRAPHIE.................................................................................................................................................................

ANNEXE I :LE PROTOCOLE DE 1923 & LA CONVENTION DE 1927..............................................................

ANNEXE II :LA CONVENTION DE NEW YORK DE 1958...................................................................................

ANNEXE III: CONVENTION EUROPEENNE SUR L'ARBITRAGE COMMERCIAL INTERNATIONAL DE 1961 ET ARRANGEMENT DE 1962.....................................................................................................................

ANNEXE IV : ARTICLES 1442-1507 DU NCPC.......................................................................................................

ANNEXE V: LOI-TYPE DE LA CNUDCI SUR L'ARBITRAGE COMMERCIAL INTERNATIONAL...........

ANNEXE VI : L'ARBITRATION ACT, 1996.............................................................................................................

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INTRODUCTION

L'arbitrage est devenu le moyen reconnu de régler les différends du commerce international. Les différends soumis aux grands centres internationaux d'arbitrage, augmentent régulièrement en nombre et en importance. La mondialisation, qui multiplie les possibilités de conflits, est à l'origine de l'essor de cette justice privée. Dans certaines activités, comme le maritime, il existe une longue tradition d'arbitrage. Mais d'autres secteurs commencent à considérer l'arbitrage comme alternative à la justice étatique. En France, la Cour de conciliation et d'arbitrage de la logistique et du transport a été officiellement présentée le 3 juin dernier.1

L'objet de l'arbitrage est d'aboutir à une sentence qui sera exécutée spontanément par les parties. Si les parties arrivent à un accord avant la fin de la procédure arbitrale, qui peut être transformée en sentence, c'est encore mieux. A défaut de l'exécution spontanée, la sentence doit être capable d'exécution forcée.

i) Exécution volontaire

En majorité les sentences arbitrales sont exécutées spontanément.2 Comment expliquer le fait que la partie perdante exécute la sentence sans tenter de la contester? On peut offrir plusieurs explications:

Tout d'abord, on peut considérer l'état d'esprit des parties qui ont recours à l'arbitrage. Même si les parties ne s'accordent pas entièrement, elles s'entendent dans le désaccord: elles veulent une solution rapide et finale. C'est un des attraits de l'arbitrage. Si elles veulent un procès avec un ou deux niveaux de juridiction, elles s'adressent à un tribunal étatique. Dans le secteur maritime, l'arbitrage est accepté comme une partie du jeu.

Les parties peuvent exécuter la sentence pour des raisons commerciales. Dans des affaires maritimes, il n'est pas inhabituel qu'elles aient d'autres affaires commerciales en cours, qu'elles ont intérêt à garder, surtout quand elles sont indemnisées par leurs sociétés d'assurance pour une perte financière due à la sentence. On peut penser aussi qu'elles craignent une mauvaise publicité, dans un secteur où la concurrence est rude.

Les institutions d'arbitrage se réfèrent aussi, bien entendu, à la qualité de l'arbitrage. La C.C.I. a fondé sa cour d'arbitrage en 1923 et a une longue expérience dans ce domaine. La London Maritime Arbitrators Association (L.M.A.A.), a été fondée en 1960 mais ses racines et traditions remontent à plus de 300 ans et sont liées avec à l'histoire du Baltic Exchange. L'activité de la Chambre Arbitrale de Paris (C.A.M.P.) augmente régulièrement chaque année.3

1 Orange (Martine): "Les entreprises préfèrent l'arbitrage au tribunal" Le Monde, 1 juin, 1999.

Voir aussi De Fos (Guillemette): "Arbitrage en Transport et Logistique, B.T.L., 22 février 1999, page 131.2 Le chiffre de 90 % des sentences C.C.I. exécutées volontairement a été avancé il y a quelques années. Voir Block

(Guy): "Les contestations pouvant naître de l'organisation, du déroulement ou de l'exécution des procédures arbitrales." RDAI 1996, p. 179

3 Voir "L'arbitrage maritime à Londres et à Paris: La London Maritime Arbitrators' Association et la Chambre Maritime de Paris.": Madg (Juliette), Mémoire (1994), Centre de Droit Maritime et des Transports.

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Les arbitres sont choisis, soit par les parties, soit par les institutions d'arbitrage pour leur professionnalisme et expérience. A la différence d'un procès devant une cour étatique, les parties peuvent choisir la procédure. Les arbitres essayent de trouver des solutions souples pour résoudre les incidents procéduraux. Ils font en sorte, que même si une partie au moins n'est pas satisfaite du résultat, elles sont prêtes à l'accepter. Quantité de problèmes sont réglés en amont pour limiter la possibilité de conflits plus tard.

ii) Recours au juge étatique

Toute convention d'arbitrage impliquera que les parties exécutent la sentence. La sentence arbitrale est res judicata.4 Cependant, si la sentence n'est pas exécutée volontairement, la partie qui a obtenu gain de cause, est obligée de s'adresser au juge étatique pour obtenir l'exequatur de la sentence. Il est important que la sentence soit capable d'exécution forcée, à la fois sur le plan national et international.

La tendance actuelle est de faciliter l'exequatur de la sentence arbitrale. Au niveau national, les Etats ont reconnu l'importance de l'arbitrage dans le commerce national et international. De nombreux pays ont modernisé leurs droits nationaux pendant ces dernières vingt années. En Angleterre, l'une des raisons de la réforme de la loi sur l'arbitrage en 1996, était la perception que les voies de recours contre la sentence arbitrale étaient trop compliquées et Londres était en danger de perdre sa position comme un des grands centres mondiaux d'arbitrage.5

Ces réformes ont été accompagnées par une approche plus positive des juges étatiques vers l'arbitrage. Ils respectent la volonté des parties de régler leurs différends par voie arbitrale et sont prêts à ordonner l'exequatur de la sentence.

Grâce aux conventions internationales, en particulier celle de New York de 19586, il est plus facile de faire exécuter une sentence arbitrale à l'échelon international qu'un jugement d'un tribunal étatique. C'est un des avantages majeurs de l'arbitrage et l'une des raisons pour l'envolée de sa popularité ces dernières années.

Néanmoins, pour obtenir l'exequatur de la sentence, il existe certaines règles qu'il faut absolument respecter:

A) Convention d'arbitrage

La convention d'arbitrage prouve la volonté des parties de soustraire leur différend du domaine des tribunaux étatiques.

4 L'article III de la Convention de New York de 1958. L'article 1476 du NCPC français pour l'arbitrage interne et également pour l'arbitrage international par renvoi opéré par l'article 1500 du NCPC.

En droit anglais, les articles 58 §1 et 101 de l'Arbitration Act, 1996.5 Voir Clause 1 du "1997 Supplementary Report on the Arbitration Act, 1996 par le Departmental Advisory

Committee on Arbitration Law," Arbitration International, Volume 13, N° 3, p.317.6 Convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères (New York, 10 juin 1958)

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En général, les clauses compromissoires inscrites dans les contrats-types, ne présentent pas, en elles-mêmes, de difficultés. Les clauses compromissoires, dans les chartes-parties, par exemple, sont écrites par des juristes spécialisés et les parties sont des professionnels qui n'ont pas besoin de la protection fournie par les tribunaux étatiques. Des problèmes surgissent quand les clauses compromissoires sont écrites par des non-spécialistes, et s'avèrent être ambiguës, imprécises, incomplètes, précaires, annulables ou portent sur une matière inarbitrables.

Les problèmes se présentent également quand l'une des parties n'est pas une partie au contrat comportant la clause compromissoire, par exemple, l'opposabilité de la clause insérée dans une charte-partie au tiers porteur du connaissement. 7

B) Principes fondamentaux de la procédure

L'arbitrage relève de l'ordre privé, mais il existe des principes fondamentaux de procédure qui doivent être respectés. Leur non-observation ouvre des voies de recours contre la sentence à une partie perdante dilatoire ou de mauvaise foi.

Ces principes se trouvent dans la Convention de New York de 1958, par exemple, le principe de la contradiction.8 Ils sont tellement fondamentaux et universels que la plupart des juges étatiques retrouvent les équivalents dans leur droit interne.9 Le juge d'exequatur doit mettre en balance, l'intérêt d'avoir des sentences définitives, avec les risques d'injustice à l'encontre d'une des parties impliquée par l'arbitrage. Cela illustre l'importance de l'expertise des arbitres dans le déroulement de l'arbitrage. "Justice must not only be done: it must also be seen to be done."

En plus, la plupart des tribunaux étatiques refusent d'ordonner l'exequatur d'une sentence arbitrale si elle est contraire à l'ordre public. Chaque ordre judiciaire forme sa propre conception d'ordre public et il y a des divergences parmi les Etats.10

C) Siège d'arbitrage

L'exécution de la sentence sera énormément facilitée si elle a été rendue dans un pays qui est un contractant de la Convention de 1958 et son exequatur est demandé dans un autre pays adhérent. Etant donné le grand succès de cette convention et le nombre de ses adhérants, il est rare aujourd'hui que le pays d'exécution de la sentence n'ait pas ratifié la Convention.

La Convention de 1958 prévoit que l'annulation de la sentence "par une autorité compétente du pays dans lequel ou d'auprès la loi duquel elle a été rendue" peut justifier le refus d'exequatur.11

Cela montre l'importance du choix du lieu d'arbitrage. Il vaut mieux choisir un pays où les voies de recours, menant à l'annulation de la sentence, sont restreintes et claires.

7 "L'Arbitrage Multipartite":Willocq (Florence), Mémoire (1998), Centre de Droit Maritime et des Transports.8 L'article V de la Convention de 1958.9 Voir l'article 1502 du NCPC français. En droit anglais, les articles 67 à 68 et 103 de l'Arbitration Act, 1996.10 L'article V.2 (b) de la Convention de 1958; les articles 1484 .6 et 1502.5 du NCPC et les article 103.3 et 81.1 (c)

de l'Arbitration Act, 1996 en Angleterre. Voir aussi paragraphe 2.8.2.1 de notre étude.11 L'article V § 1 (e) de la Convention de 1958.

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Les droits d'arbitrage international de certains pays, comme la France, vont au-delà des exigences requises par la Convention de 1958 pour la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale étrangère. En France, à la différence de la Convention de 1958, l'annulation de la sentence dans son pays d'origine n'est pas reconnue comme grief pour un refus d'exequatur.12

Cette situation peut mener à l'incertitude avec une sentence annulée dans un pays mais reconnue dans un autre.

iii) Le Droit Applicable à l'Arbitrage Commercial International

Le recours à l'arbitrage est particulièrement utilisé dans certains secteurs d'activités, qui par leur nature concernent le négoce international et les parties sont souvent de nationalités différentes: le maritime, l'assurance, la construction et les travaux publics. Néanmoins, les conventions internationales et le droit national qui s'appliquent pour tous ces secteurs sont grosso modo les mêmes. Ils relèvent tous de l'arbitrage commercial international. L'arbitrage commercial international est régi en France par la Convention de 1958 et les articles 1492 à 1507 du NCPC. En Angleterre, il est régi également par la Convention de 1958 et aussi l'Arbitration Act, 1996.

La même jurisprudence concerne toutes les branches de l'arbitrage commercial international sauf, bien entendu, pour les différences qui surgissent dues aux pratiques particulières de chaque secteur. Les arbitres et juristes spécialistes en arbitrage maritime, par exemple, ne peuvent ignorer les décisions juridiques dans les autres secteurs d'activité. Etant donné l'importance du "Precedent" en droit anglais, il est particulièrement vrai pour l'arbitrage à Londres. Pour cette raison, nous ne nous bornerons pas à étudier la jurisprudence maritime. Nous nous référons également aux décisions juridiques touchant d'autres secteurs et qui affectent également l'arbitrage maritime.

L'arbitrage interne français est régi par les articles 1442 à 1491 du NCPC. Le droit anglais ne distingue pas en principe entre l'arbitrage interne et international et les dispositions de l'Arbitration Act, 1996 régissent les deux. Dans notre étude, nous regarderons les deux formes de l'arbitrage. Néanmoins, étant donné que l'activité maritime est par sa nature internationale, nous nous concentrerons sur l'arbitrage international.

iv) Arbitrage Maritime: l'étendue et le droit applicable

L'arbitrage maritime a le vent en poupe.13 Historiquement la plupart des disputes touchant des contrats maritimes ont été résolues par l'arbitrage par opposition aux tribunaux étatiques. Les chartes-parties types prévoient l'arbitrage presque toujours et lorsque tel n'est pas le cas, une clause compromissoire manuscrite est habituellement ajoutée au contrat. Les professionnels de ce secteur préfèrent que leurs disputes soient réglées discrètement par un arbitre spécialisé dans ce domaine que par un juge étatique. Les litiges présentent souvent un caractère international et les parties préfèrent également plaider devant un arbitre neutre et de nationalité différente de la leur.14

12 Ce grief n'est pas mentionné dans l'article 1502 du NCPC qui a un caractère limitatif.13 Jambu-Merlin R: "L'arbitrage maritime", Mélange Rodière14 Redmond-Gouillard (Martine): Droit Maritime, Edition Pedone (1993), page 28

Voir aussi l'Handbook of Arbitration Practice: Bernstein (Ronald), Tachaberry (John) et Marriot (Arthur), Chapitre

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Il existe un réseau complet d'institutions d'arbitrage maritime à travers le monde.15 Même si la flotte Britannique a beaucoup diminuée, Londres reste un centre privilègié d'arbitrage, grâce à sa réputation et la présence sur place des experts d'arbitrage maritime et des organisations maritimes: Lloyds of London, le Institute of Chartered Shipbrokers, Lloyd's Registrer of Shipping, IMO et les Protection and Indemnity Clubs britanniques.

Les chartes-parties types stipulent la plupart de temps: "Arbitration in London" et le contrat-type "Lloyds Form of Salvage" prévoit également l'arbitrage à Londres. Cependant, la majorité des plaideurs qui apparaissent devant la LMAA ne sont pas anglais. Il est important que la partie qui a obtenue gain de cause , puisse obtenir l'exequatur de la décision arbitrale dans un Etat où le "perdant" est résident ou a des actifs, dans l'éventualité où celui-ci n'exécute pas spontanément la décision.

Les Règles de Hambourg (article 22 de la Convention) prévoient l'arbitrage pour le transport de marchandises par mer. Cependant, la plus importante Convention pour l'arbitrage, y compris l'arbitrage maritime, est celle de New York de 1958.

Il y a peu de jurisprudence récente concernant l'exécution des sentences d'arbitrage dans le secteur maritime. Dans un article concernant l'arbitrage et le transport des marchandises par mer, un juriste anglais a suggéré la raison à ce manquement. Il a également mentionné l'importance de l'exécution des sentences maritimes.

" Cases involving the enforcement of maritime awards are few and far between. This may be due to the policy of suing the owners of the vessel in personam and the actual vessel in rem. Therefore, the party who receives an arbitral award in its favour can usually satisfy the award though the in rem seizure of the vessel. Nevertheless, the enforceability of a maritime cargo award is still important for several reasons. First, the vessel may be worth less than the award itself and a party may have to seek enforcement where additional funds exist. Secondly, the losing party can just as easily petition the court to vacate the arbitral award as the other party can petition to enforce the award. Thirdly, an enforcing court may wish to review the arbitral award to ensure that legitimate national interests were considered by the arbitrators."16

En plus, les parties arrivent souvent à un accord avant le début de l'ouverture du procès devant le juge étatique, quelquefois pour éviter une mauvaise publicité. Nous pouvons aussi penser que l'abolition de la procédure "special categories" par l'Arbitration Act, 1996 a contribué à réduire la jurisprudence dans ce domaine.17

v) Parties 1 et 2 de notre étude

Nous commencerons par examiner l'évolution des conventions internationales de l'arbitrage et leur effet sur l'exequatur de la sentence arbitrale (chapitre I.1). La Convention de 1958 est la charnière de l'arbitrage international et nous étudierons ses dispositions en détail. Nous nous

415 La London Maritime Arbitrators Associaton (LMAA); la Chambre Arbitrale Maritime à Paris (CAMP); Society of

Maritime Arbitrators of New York; d'autres organismes régionaux fonctionnent à Montréal, San Francisco, Hong Kong et Pékin.

16 Curtin (Kenneth-Michael): "Arbitrating maritime cargo disputes-future problems and considerations". L.M.C.L.Q 1997, p. 31

17 Voir Paragraphe II.1.3.1

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référerons à quelques décisions judiciaires polémiques concernant l'interprétation de cette convention. Elles illustrent certaines difficultés actuelles d'arbitrage international (chapitres I.2 et I.3). Nous ne nous attarderons pas sur les autres conventions internationales car leurs dispositions ont moins d'importance pratique pour notre étude (chapitres I.4 et I.5). Nous mentionnerons les instruments internationaux facultatifs d'arbitrage et surtout la Loi-type de la CNUDCI. Ce document a été utilisé comme modèle pour la réforme de nombreuses lois nationales sur l'arbitrage. Son adoption aide à l'harmonisation des droits nationaux d'arbitrage et par conséquent, l'exequatur des sentences arbitrales à l'échelon international (chapitre I.6).

La deuxième partie de notre étude concerne les droit national. Nous examinerons les réformes des droits français et anglais de l'arbitrage. Ces réformes ont simplifié les voies de recours dans les deux pays (chapitre II.1). Ensuite, nous étudierons les dispositions nationales concernant l'exécution de la sentence et les voies de recours (chapitres II.2 et II.3). Finalement, nous conclurons sur la position actuelle concernant l'obtention de l'exequatur d'une sentence arbitrale, d'un point de vue juridique et pratique.

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Partie 1

Conventions internationales et instruments internationaux facultatif d'arbitrage

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Chapitre 1: Evolution des Conventions internationales facilitant l'exécution de la sentence arbitrale

I.1.1 Conventions internationales

Grâce à l'existence des conventions internationales et en particulier celle de New York de 1958, il est plus facile, en pratique de faire exécuter une sentence arbitrale internationale qu'un jugement étatique à l'échelon international.

Cela explique en partie, sa popularité dans les affaires maritimes où le siège de l'arbitrage est souvent dans un pays différent de celui de son exécution et il est impératif qu'on puisse faire exécuter la sentence au niveau international. La plupart des arbitrages de la L.M.A.A. impliquent des étrangers. On choisit le pays de l'exécution de la sentence pour des raisons différentes du siège de l'arbitrage: il est choisi en prenant en compte la présence des actifs de la partie qui a "perdu" à l'arbitrage et la facilité avec laquelle on peut faire exécuter la sentence. En ce qui concerne le secteur maritime, il peut s'agir d'un Etat où le créditeur peut faire saisir le navire de son débiteur.

I.1.2 Conventions bilatérales

A l'origine, ces conventions étaient des accords bilatéraux, souvent entre les pays voisins. Plusieurs conventions bilatérales conclues en matière d'effets des jugements étatiques étrangers prévoient expressément l'assimilation des sentences arbitrales aux jugements et soumettent l'exequatur des unes et des autres aux mêmes conditions. Il existe notamment des conventions conclues entre la France et la Suisse (1869), la Belgique (1899) et l'Italie (1930). Cependant leur importance pratique a largement diminué dû au succès des conventions multilatérales et surtout celle de New York de 1958.

Il est assez rare en France qu'une partie invoque, au soutien ou à l'opposition de l'exequatur d'une sentence arbitrale, une convention bilatérale liant la France et le pays sur le territoire duquel la sentence a été rendue. Néanmoins dans une affaire jugée par la Cour de Cassation le 2 juin 1987, la Convention franco-belge du 8 juillet 1899 était opposée par les défenseurs à l'exequatur d'une sentence rendue en Belgique et la Cour a motivé sa décision d'un moyen unique, celui de l'article 11, 1° de la Convention de 1899.18

L'article VII de la Convention de 1958 prévoit l'existence d'autres accords signés par ses adhérents concernant la reconnaissance et l'exécution des sentences. Mais les conventions bilatérales ne comportent pas toujours des dispositions relatives à leurs rapports avec d'autres traités; c'est le cas pour la convention franco-belge de 1899. Un conflit peut apparaître si une sentence remplit les conditions requises par la convention de 1958 mais pas celles de 1899. Un auteur a constaté: "qu'un accord de plus en plus général se réalise en doctrine pour le [conflit] résoudre par la règle dit 'l'efficacité maximale', dont l'effet est ici d'appliquer toujours sur la convention la plus favorable à l'exécution, même si elle n'est ni la plus récente ni la plus

18 Epoux Vogeleer c/ Guide de l'Automobilitste: Rev. arb. 1988, page 282, voir aussi note de Pierre Mayer, page 284.

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'spéciale'19".

I.1.3 Conventions multilatérales

Les objectifs des conventions et quelques difficultés d'interprétation et d'application :

L'arbitrage a une longue histoire, mais les deux premiers traités multilatéraux de l'époque contemporaine ont été élaborés sous les auspices de la Société des Nations à Genève. Le premier fût le Protocole de Genève de 1923 et le deuxième, la Convention de Genève de 1927. Ils ont été largement rendus caduques par la Convention de 1958. Néanmoins ils ont marqué une première étape sur la reconnaissance des conventions d'arbitrage et la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales internationales. Ils sont encore relevants pour les pays qui les ont ratifiés mais n'ont pas ratifié la Convention de 1958.20

Les objectifs de ces trois traités sont l'exécution des conventions d'arbitrages et de faciliter l'exequatur des sentences arbitrales en dehors du pays d'origine. Un autre objectif qui n'est pas mentionné dans les traités, mais qui est implicite, est d'harmoniser les conditions requises pour l'exécution des conventions d'arbitrage et l'exequatur des sentences arbitrales et également les griefs recevables pour le refus de ceux-ci au niveau international.

La doctrine est divisée sur lequel des objectifs est le plus important: la facilité de faire exécuter la sentence arbitrale ou avoir les règles uniformes au niveau mondial qui évitent la confusion, l'incertitude et aussi le forum shopping.21

Nous allons voir ci-dessous que même si une certaine uniformité a été atteinte, il reste toujours des imperfections. Les traités n'ont pas été toujours interprétés de la même manière par les juges étatiques. Certains Etats qui ont ratifié ces trois traités, ont également ratifié des conventions régionales concernant l'arbitrage et donc ils sont sujets à des régimes différents.22 La ratification de la Convention de Genève de 1961 est un bon exemple, elle a été ratifiée par une trentaine d'états dont la France.

En outre, il y a des divergences entre les dispositions des traités et les droits nationaux. Le droit commun français a des dispositions qui sont moins contraignantes sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales, que celles de la Convention de 1958.23 L'Angleterre a une longue tradition d'arbitrage dans certains secteurs, comme le maritime. Par conséquent, le droit anglais a été développé au fur et au mesure pendant les siècles et est très complexe. En plus, il ne distingue pas, en principe, entre l'arbitrage interne et international.

19 Note de Pierre Mayer, rev. arb. 1988, page 286. Il a remarqué aussi les problèmes associés avec cette opinion.20 Liste des pays qui ont ratifié la convention de Genève de 1927 mais pas celle de 1958: Les Iles Caïmans; la

Zambie; Samoa de l'Ouest; le Portugal; le Malte; la Guyane; la Grenade. Liste du Robert J. D. Stevenson: " Public Policy and Fraud as a ground of challenge to Foreign Judgements and Arbitration Awards.", Arbitration, 1993, p. 168. Il faut être vigilant parce qu'il y a régulièrement des nouveaux pays qui accèdent à la Convention de 1958.

21 Pour un avis en faveur des mesures le plus favorable à l'exécution de la sentence aux dépens de l'harmonisation, voir "L'exécution des sentences arbitrales dans le monde de demain": Paulsson ( Jan), rev. arb. 1998, page 640

22 "Reflections on the Effectiveness of International Arbitration Awards": George R. Delaume, Journal of International Arbitration, 1995, volume 1, page 5

23 Les griefs reconnus pour refuser l'exequatur d'une sentence arbitrale sont plus restreints en droit français que ceux de la Convention de 1958. Voir les articles 1502 et 1504 du NCPC et l'article V de la Convention de 1958.

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Cette divergence peut occasionner des résultats bizarres et le désordre. Dans l'affaire Hilmarton,24 par exemple, une sentence arbitrale a été annulée par un tribunal étatique dans son pays d'origine, la Suisse, mais a été reconnue en France. Ensuite, une deuxième sentence a été rendue par l'ICC en Suisse, qui a aussi été reconnue en France par la Cour d'Appel de Versailles. Pendant une période, il existait deux sentences conflictuelles, toutes les deux avaient la valeur de la chose jugée25 en France, avant que la Cour de Cassation casse la décision de la Cour d'Appel.

La doctrine est aussi divisée sur le niveau de contrôle que les états doivent exercer sur les sentences arbitrales. Il y a des auteurs qui estiment le droit français trop libéral et préconisent plus de contrôle étatique sur ce système du justice privé. Il faut également établir un équilibre entre d'un côté le respect de la volonté des parties à régler leurs litiges par voie arbitrale et d'un autre côté la nécessité de protéger une partie en cas d'irrégularité dans la procédure de l'arbitrage.

Malgré leurs imperfections, les traités, et en particulier la Convention de 1958, avec la "loi-type" de la CNUDCI ont réussi à obtenir un certain degré d'uniformité.

L'analyse des mécanismes mis en place par les trois traités est d'un intérêt pratique limité pour solliciter l'exequatur d'une sentence arbitrale en France et Angleterre.26 En revanche, elle est utile pour savoir comment les sentences rendues dans ces deux pays sont capables d'être exécutées dans les autres Etats contractants de la Convention de 1958.

Nous commencerons par regarder brièvement les deux premiers traités pour comprendre l'évolution de l'arbitrage commercial international, avant d'étudier en détail la convention de 1958.

I.1.4 Protocole de Genève du 24 septembre 1923

Ce protocole "relatif aux clauses d'arbitrage" est entré en vigueur le 28 juillet 1924. Il a été ratifié par la France le 7 mai 192827 et la Grande-Bretagne le 27 septembre 1927.

Il concerne principalement la reconnaissance de la validité des conventions d'arbitrage et la compétence des Etats pour régler la procédure d'arbitrage. Il reconnaît un des principes qui est devenu fondamental dans l'arbitrage: la volonté des parties. L'article 2 stipule que "la procédure de l'arbitrage, y compris la constitution du tribunal arbitrale, est réglée par la volonté des parties et la loi du territoire duquel l'arbitrage a lieu." Les Etats contractants s'engagent à assurer l'exécution des conventions d'arbitrage (article 4) et en plus, l'exécution des sentences arbitrales suite à la procédure arbitrale (article 3).

Il se limite aux conventions d'arbitrage conclues entre parties soumises respectivement à la juridiction d'Etats contractants différents (qui peut être soit par leur nationalité, leur domicile,

24 Voir paragraphe 3 de notre étude..25 Grâce à l'article 1476 du NCPC.26 Etant donné que les griefs reconnus pour refuser l'exequatur de la sentence arbitrale sont plus restreints en droit

français que ceux de la Convention, la plupart des demandes d'exequatur sont fondées sont les dispositions du droit national. En Angleterre, la plupart des demandes de l"exequatur sont faites par une action en application de l'article 66 de la loi de 1996. Voir paragraphe II.2.4.3

27 Décret de promulgation du 11 juillet 1928, J.O. 23-24 juillet 1928

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leur siège social ou leur établissement principal) (article 1).28

Beaucoup d'Etats, dont la France et la Grande-Bretagne, ont appliqué la réserve contenue dans son article 1, que le Protocole ne s'appliquait qu'aux conventions d'arbitrage considérées comme commercialles par leur droit national.

Malgré ses limites, le Protocole a été la première étape prise vers la reconnaissance et l'exécution des conventions d'arbitrage et des sentences arbitrales au plan international.

I.1.5 Convention de Genève du 26 septembre 1927

3. La "convention pour l'exécution des sentences arbitrales étrangères" est entrée en vigueur le 25 juillet 1929. Elle a été ratifiée par la plupart des pays européens, dont la Grande-Bretagne le 2 juillet 193029 et la France le 13 mai 1931.30

Son objectif était d'étendre le champ d'application du Protocole de 1923 à la reconnaissance et l'exécution des sentences visées par ce Protocole sur le territoire de tous les Etats adhérents.31Elle donne une aide restreinte à une partie qui veut faire reconnaître et exécuter une sentence dans un pays autre que celui où elle a été rendue. L'article 1 met un certain nombre de preuves à la charge du demandeur qui ne sont pas faciles à satisfaire. Pour obtenir l'exécution, l'article 1 prévoit qu'il est nécessaire:

"(a) Que la sentence ait été rendue à la suite d'un compromis ou d'une clause compromissoire valable d'après la législation qui leur est applicable;(b) Que, d'après la loi du pays où elle est invoquée, l'objet de la sentence soit susceptible d'être réglé par voie d'arbitrage;(c) Que la sentence ait été prononcée par le tribunal arbitral prévu par le compromis ou la clause compromissoire, ou constitué à l'accord des parties et aux règles de droit applicables à la procédure d'arbitrage;(d) Que la sentence soit devenue définitive dans le pays où elle a été rendue, en ce sens qu'elle ne sera pas considérée comme telle si elle est susceptible d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation (dans les pays où ces procédures existent), ou s'il est prouvé qu'une procédure tendant à contester la validité de la sentence est en cours;(e) Que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence ne soit pas contraire à l'ordre public ou aux principes du droit public du pays où elle est invoquée."

Les références à la loi du pays où la sentence a été rendue et aux principes du droit du pays où la reconnaissance ou l'exécution sont demandées, ne facilitent ni l'uniformité du l'arbitrage commercial international au niveau mondial, ni l'exécution de la sentence arbitrale.

Il faut également prouver le caractère "définitif" de la sentence, c'est-à-dire, qu'elle n'est pas susceptible d'appel. Cette exigence conduit à la nécessité d'obtenir un "double exequatur," d'abord au pays d'origine, et ensuite au pays d'exécution. Il s'agit d'un grand handicap pour la personne qui veut faire exécuter une sentence arbitrale internationale dans un pays autre que celui où elle a été rendue.

28 Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (PH.); Gaillard (E.); et Goldman (B.), page 14029 Voir l'Arbitation Act 1950 et l'article 99 de l'Arbitration Act 199630 Décret de promulgation, 25 juillet 1931, J.O. 11 août 1931, page 875231 Droit de pratique de l'arbitrage commercial international: Redfern & Hunter

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La Convention de 1927 a cependant fait une grande étape vers la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale dans le fait qu'elle exclut la révision de fond de la sentence. En outre elle formule certaines règles matérielles qui constitueront désormais les conditions universelles de régularité internationale de la sentence et nous les retrouverons dans la Convention de 1958, par exemple, le droit de la défense (article V, paragraphe 1, b).32

Avec l'essor du commerce international après la deuxième guerre mondiale, il était évident que ces deux traités ne suffisaient plus. La C.C.I. prit l'initiative et a soumis un nouveau texte à l'ONU en 1953. Le Comité Economique et Social des Nations Unies rédigea un nouveau projet, plus restreint que celui de la C.C.I. en 1955. Une conférence internationale sous l'égide de l'ONU fût convoquée à New York en mai 1958 et aboutit à l'adoption de la Convention de 1958. Le texte se rapprochait plus du texte de la C.C.I. que celui du Comité Economique et Social des Nations Unies. Elle reste le principal traité multilatéral sur l'arbitrage international.33

A l'occasion du quarantième anniversaire de cette convention en 1998, l'avis général de la doctrine était que la convention était un succès.34Elle a été décrite comme la grande histoire de réussite de l'arbitrage commercial international par un éminent juge anglais.35 En effet, même avec ses imperfections, il ne faut pas la modifier ou adopter une nouvelle convention.36Un changement peut mener à la confusion au niveau international, tenant compte du nombre de ratifications: 119 Etats en juillet 1998, y compris, la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Chine, le Canada, l'Allemagne et la Fédération de Russie. En effet, il est plus facile de noter des absences comme, dans le monde arabe (Iraq, Iran), en Afrique (Zaïre) et en Amérique latine (Brésil).37

Grâce à son succès, il est recommandé par la C.C.I. et d'autres organismes d'arbitrage, à toute partie de vérifier avant de conclure une clause d'arbitrage international si l'Etat de son cocontractant et, le cas échéant, du lieu d'arbitrage, a ratifié la convention de 1958, ou au moins s'il a signé d'autres traités multilatéraux ou bilatéraux offrant les mêmes garanties.38

Etant donné qu'elle est la charnière de l'arbitrage international, nous étudierons cette convention en détail.

I.1.6 Convention de New York de 1958

La convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences

32 Traité de l'arbitrage commercial international: .Fouchard (Ph), Gaillard (E), Goldman (B) page 141.33 Traité de l'arbitrage commercial international, page 142,34 Le juge anglais, Lord Mustill a écrit que la Convention de 1958 pourrait: "prétendre au rang de l'exemple le plus

efficace des législations internationales dans l'histoire entière du droit commercial." Citation rapporté dans l'article "L'exécution des sentences arbitrales en dépit d'une annulation en fonction d'un critère local (ACL)": Paulsson (Jan), Bulletin de la Cour International de la CCI, mai 1998, page 16.

35 Lord Steyn: "That Convention [ New York Convention of 1958] has now entered into force in the laws of some 80 countries. It is the great succes story of international commercial arbitration." Rosseel N.V. v. Oriental Commercial & Shipping Co. (U.K.) Ltd., [1991] 2 lloyd's Rep. , page 629.

36 "L'exécution des sentences arbitrales dans le monde de demain": Paulsson (Jan), rev.arb. 1998, page 4.37 Liste des Etats Contractants contenue dans la brochure de présentation de l'arbitrage de la CCI (1998), p. 5.38 La brochure de présentation de l'arbitrage de la CCI (1998), page 5.

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arbitrales est entrée en vigueur le 7 juin 1959. La France l'a ratifiée le 26 juin 1959.39 Le Royaume-Uni l'a ratifiée tardivement le 24 septembre 1975.40 Dans l'article VII, elle prévoit que les traités de 1923 et 1927: "cesseront de produire leurs effets entre les Etats contractants" quand ils seront liés par celui de 1958.41

Elle a fait de grand progrès par rapport au Protocole de 1923 et à la convention de 1927. Elle a réduit le nombre de griefs susceptibles de mener au refus de l'exequatur de la sentence arbitrale. En plus, la preuve est maintenue à la charge de la partie qui oppose l'exequatur de la sentence (article V). Dès que la partie qui demande l'exequatur a produit des documents qui sont mentionnés dans l'article IV, la partie qui l'oppose devra montrer pourquoi le juge étatique ne doit pas accorder l'exequatur.42 En outre elle ne requiert pas le "double-exequatur" de la convention de 1927. La Convention de 1958 n'exige pas que la sentence soit "définitive", dans son pays d'origine mais simplement "obligatoire". La procédure d'exequatur n'est pas précisée par la Convention et reste dans le domaine de compétence de chaque Etat contractant mais elle ne doit pas être plus rigoureuse que celle de sentences nationales (articles III et IV).

I.1.6.1 La Convention de 1958 et les droits nationaux anglais et français.

Les exigences du droit français pour la reconnaissance et l'exécution d'une sentence arbitrale sont moins contraignantes que celles de la Convention de 1958. Il est donc rare qu'une partie se prévale de la Convention de 1958 pour demander l'exequatur d'une sentence arbitrale en France.

En Angleterre le demandeur a le choix: le droit anglais ne distingue pas, en principe, entre la sentence arbitrale rendue sur le territoire national ou à l'étranger. La demande d'exequatur peut être faite par une action en application de l'article 66 de l'Arbitration Act 1996 comme pour une sentence rendue en Angleterre. En plus, le demandeur peut solliciter l'exequatur sous les dispositions de la Section III43 de la loi de 1996 qui concerne les sentences arbitrales rendues dans les Etats contractants de la Convention de 1958.44 Les griefs recevables pour le refus d'exequatur sont plus limités sous le régime de la Section III que ceux de l'article 66.

En droit français, nous retrouvons les dispositions de la Convention de 1958, avec certaines omissions45 et modifications dans les articles 1498 à 1507 du NCPC. Le style du droit français est plus synthétisé que celui de la Convention. A la différence de la Section III de la loi anglaise de 1996, le droit commun français, ne réserve pas un "traitement" spécial pour les sentences qui relèvent de la Convention de 1958. Les dispositions applicables à l'exequatur d'une sentence arbitrale internationale sont les mêmes pour toute sentence, même pour une sentence rendue en

39 Décret du 1 septembre 1959.40 L' Arbitration Act 1950.41 La Convention de 1958, se réfère à la "reconnaissance et l'exécution" des sentences arbitrales. Cependant, dans

l'intérêt de brièveté, nous referons simplement à l'exequatur de la sentence sauf quand la reconnaissance de la sentence est uniquement en question.

Voir § 2.3 de notre étude.42 Il existe aussi des griefs qui peuvent être soulevés par le juge d'office (article VI)43 les articles 99 à 104 de l'Arbitration Act, 196644 Section III de la loi de 1996 concerne exclusivement les sentences arbitrales qui relèvent de la Convention de

1958 et qui ont été rendues dans un autre Etat contractant. L'exception est l'article 99 de la loi de 1996 qui mentionne les sentences qui relèvent de la Convention de 1927.

45 Notamment l'article V § 1 (e) et l'article VI de la Convention n'ont pas d'équivalents en droit français. Voir paragraphe 2.10.3 de notre étude.

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France.46

Le style et le language de la Section III de la loi anglaise de 1996 sont plus fidèle à la Convention que ceux du droit français. Les rédacteurs de la loi de 1996 ont fait quelques modifications pour faciliter le lecteur, mais elle demeure une transposition très fidèle de la Convention au droit anglais. En outre, le droit anglais a gardé tous les griefs, mentionnées dans la Convention qui peuvent être invoqués pour refuser l'exequatur d'une sentence.47 Un lecteur de la convention de 1958 doit ainsi estimer facilement si un juge anglais accorde ou non l'exequatur d'une sentence.

Cependant, nous ne pouvons pas toujours anticiper l'interprétation que les juges britanniques feront des dispositions de la Convention et 1958 et de la Section III de la loi de 1996. La tendance aujourd'hui est d'accorder l'exequatur, si possible, et de donner une interprétation restreinte des griefs qui peuvent être invoqués pour le refuser. Dans ce paragraphe, nous ferons référence aux dispositions de la Section III qui correspondent à celles de la Convention de 1958. Etant donné qu'elles sont pour la plupart une transposition sans modification de la Convention, cela évitera de les répéter dans la deuxièmement partie de notre étude. Nous remarquerons également l'interprétation que les juges britanniques ont fait des dispositions de la Convention et aussi de la Section III de la loi anglaise.

Nous mentionnerons les dispositions françaises qui correspondent à celles de la Convention et nous commenterons simplement l'interprétation de la Convention par l'ordre judiciaire français. Nous examinerons l'interprétation des articles 1498 à 1507 du NCPC, par l'ordre judiciaire français en détail, dans la deuxième partie de notre étude. Les articles 1498 à 1507 du NCPC ont le même emploi que l'article 66 de la loi anglaise de 1996. Ce sont les dispositions le plus souvent invoquées pour obtenir l'exequatur d'une sentence qui concerne le commerce international. Nous examinerons également les dispositions de l'article 66 de la loi anglaise dans la deuxième partie de notre étude sur le droit national.

46 Sauf dans un mesure: la partie qui oppose l'exécution d'une sentence, demande l'annulation d'une sentence rendue en France. Elle oppose l'ordonnance d'exequatur d'une sentence rendue à l'étranger.

47 Elle a garde les griefs mentionnés à l'article V § 1 (e) et aussi l'article VI qui n'ont pas d'équivalent en droit français.

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Chapitre 2: Les dispositions de la Convention de New York de 1958.

La Convention traite grosso modo, deux aspects fondamentaux de l'arbitrage commercial international: l'exécution de la convention d'arbitrage et l'exequatur de la sentence. Comme son l'objectif principal est de faciliter l'accueil des sentences dans les Etats faisant partie de la Convention, il convient de traiter son premier aspect avant d'aborder le deuxième.

Cependant, les deux aspects ne peuvent pas être complètement séparés. La validité de la sentence dépend de la volonté des parties à soumettre leur différend à l'arbitrage. Les juges étatiques donnent souvent une interprétation stricte de la convention d'arbitrage qui privent les parties de la protection des tribunaux étatiques. Nous examinerons ci-dessus, quelques cas où la partie "perdante" a essayé d'éviter l'exécution de la sentence en invoquant l'invalidité de la convention d'arbitrage.

I.2.1 Convention d'arbitrage

I.2.1.1 Texte:

L'article II de la convention prévoit que:

"1. Chacun des Etats contractants reconnaît la convention écrite par laquelle les parties s'obligent à soumettre à un arbitrage tous les différends ou certains de différends qui se sont élevés ou pourraient s'élever entre elles au sujet d'un rapport de droit déterminé, contractuel ou non contractuel, portant sur une question susceptible d'être réglée par voie d'arbitrage.

2. On entend par "convention écrite" une clause compromissoire insérée dans un contrat, ou un compromis, signés par les parties ou48 contenus dans un échange de lettres ou de télégrammes."

La convention ne donne pas la définition d'une convention d'arbitrage qui peut être exécutée sous ses dispositions. Elle ne spécifie pas, non plus, les questions qui sont susceptibles d'être réglées par voie d'arbitrage.

A.J. van den Berg a indiqué que ce manquement était dû au fait que l'article II a été inséré dans la Convention en dernière minute et qu'il a troublé les Cours dans une certaine mesure. La Convention ne parle nettement que des sentences arbitrales, c'est-à-dire des sentences arbitrales étrangères, dont une sentence rendue dans un autre Etat ou qui ne sont pas considérées comme "nationales" dans leur pays d'origine. Par contre, elle ne donne pas une définition des conventions d'arbitrage qui tombent dans son champ d'application.49

Les législations nationales définissent donc la façon dont doit être convenue la convention d'arbitrage et il est certain qu'une sentence arbitrale peut se voir refuser l'exequatur si elle a été

48 Soulignement ajouté.49 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg ( Albert Jan) page 383.

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rendue sur la base d'une convention d'arbitrage jugée inexistante ou nulle. L'article V § 1(a) de la Convention donne au juge de l'exequatur la possibilité de refuser celui-ci si la convention d'arbitrage n'est pas valable.

L'article II de la Convention prévoit que la convention d'arbitrage est "écrite". Elle n'exige ni que la convention soit signée par toutes les parties ni qu'elle soit contenue dans un seul document.

Cependant, l'article VII de la Convention contient une clause "de régime le plus favorable", ne privant "aucune partie intéressée de la faculté de se prévaloir d'une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise par la législation et les traités du pays où la sentence est invoquée."50 Cette disposition s'avère utile dans le cas où il est impossible d'obtenir l'exequatur en s'appuyant sur une convention d'arbitrage prévue par la Convention de 1958, en particulier lorsque la convention d'arbitrage n'est pas écrite. Il vaut mieux invoquer un droit national ou un traité plus favorable que de fonder sa demande sur la Convention de 1958. En Angleterre, il est possible de faire exécuter une sentence arbitrale fondée sur une convention d'arbitrage non-écrite par une action on the award.51

La Convention européenne de 1961 dans son article 1 § 2 prévoit que la convention d'arbitrage n'a pas à être expressément signée par les parties. Elle ajoute aux télégrammes le télex, mais surtout, elle reconnaît toutes les formes permises par les lois nationales.52

I.2.1.2 Jurisprudence concernant la convention d'arbitrage:

Dans le domaine maritime, la Cour de Cassation53 a récemment motivé une décision sur un moyen unique fondé sur l'article II de la Convention. En espèce la Cour a statué qu'une clause compromissoire insérée dans une charte-partie n'était pas opposable au destinataire de la marchandise si la clause compromissoire n'était pas portée à son attention et acceptée par lui au plus tard au moment de la livraison. Le fait que le connaissement mentionnait que le transport était effectué selon les termes de la charte-partie, dont une copie pouvait être obtenue auprès du chargeur ou de l'affréteur ne suffisait pas. La Cour a statué:

"Vu l'article 2 de la convention de New York du 10 juin 1958;Attendu que pour être opposable au destinataire, une clause compromissoire insérée dans un connaissement doit avoir été portée à sa connaissance et avoir été acceptée par lui, au plus tard au moment où, recevant livraison de la marchandise, il avait adhéré au contrat du transport."

50 Voir paragraphe 2.10.1 de notre étude.51 Etant donné sa nature difficile, il est rare qu'une partie intente une action on the award pour faire exécuter une

sentence si elle a le choix. Voir paragraphe II.2.4.5 de notre étude.52 La Convention européenne de 1961 a été ratifiée par la France le 16 décembre 1966 mais elle n'a pas été ratifiée

par le Royaume-Uni. Voir paragraphe 4.1 de notre étude.53 Cass. Com. 29 novembre 1994, CDE Chimie c/ Tolt Nielsen, navire "Stolt Osprey,

Revue de droit commercial, maritime, aérien et des transports, 1995, page 61

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Dans un arrêt du 3 juillet 1997, la Cour de Cassation a statué dans la même sens mais cette fois, en fondant sa décision sur le droit commun français:54

"Vu les articles 1134 du code civil et 1492 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 455 du même Code;Attendu qu'en matière d'arbitrage international, la clause compromissoire par référence à un document qui la stipule est valable lorsque la partie à laquelle on l'oppose en a eu connaissance au moment de la conclusion du contrat et qu'elle a, fut-ce par son silence, accepté cette référence."

Récemment la Cour d'Appel de Paris a montré que l'ordre judiciaire peut arriver au même résultat en se réferant au lex mercatoria.

En espèce, la Cour d'Appel de Paris55s'est référée aux usages du commerce international pour motiver une décision concernant une convention d'arbitrage contenue dans un contrat international. La Cour a opposé une clause compromissoire à un homme d'affaires, M. Orri, qui n'avait pas personnellement signé le contrat comportant la clause compromissoire. Néanmoins, il était présent quand ce contrat était signé par un de ses collègues avec la Société des Lubrifiants Elf Aquitaine (Elf). En plus, M. Orri a signé un autre contrat avec Elf pendant la même réunion. En outre, il avait déjà traité des affaires commerciales avec Elf qui l'avait considéré comme leur cocontractant dans les deux contrats. La Cour a déduit que c'était au moyen d'un subterfuge qu'il s'était effacé pour faire signer le contrat comportant la clause compromissoire par son collègue et que cette manoeuvre constituait une fraude manifeste destinée à occulter le véritable contractant d'Elf. La Cour a statué:

"Considérant que selon les usages du commerce international la clause compromissoire insérée dans un contrat international a une validité et une efficacité propres qui commandent d'en étendre l'application aux parties directement impliquées dans l'exécution du contrat et les litiges qui peuvent en résulter, dès lors qu'il est établi que leur situation contractuelle, leurs activités et les relations commerciales habituelles existant entre parties font présumer qu'elles ont accepté la clause d'arbitrage, dont elles connaissaient l'existence et la portée, bien qu'elles n'aient pas été signataires du contrat qui la stipulait; ....Considérant que dès lors ce n'est que par un subterfuge que le véritable contractant d'Elf s'est effacé pour laisser place à un comparse, M. Archaniotakis, dont il n'est pas même établi qu'il ait eu qualité pour s'engager "Saudi Europe Lines";Considérant que cette manoeuvre est constitutive d'une fraude manifeste destinée à occulter le véritable contractant qui est M. Orri personnellement."

L'article 100 § 2 (a) de l'Arbitration Act 1996 correspond à l'article 2 de la Convention de 1958.56

En droit commun français d'arbitrage international, "l'existence d'une sentence arbitrale est établie par la production de l'original accompagné de la convention d'arbitrage ou des copies de ces documents réunissant les conditions requises pour leur authenticité".57

I.2.1.3 Obligation des Etats contractants de respecter la convention d'arbitrage

La convention prévoit à l'article II § 3 que:

54 Société Prodexport c/ Société FMT productions, rev. arb., 1997 n°3. 55 Orri c/ société des Lubrifiants Elf Aquitaine, Cour d'appel de Paris, 11 janvier 1990. rev. arb. 1992, page 9556 L'article 100 § 2 de l'Arbitration Act, 1996: "a. l'expression 'convention d'arbitrage' désigne une convention

d'arbitrage stipulée par écrit."57 Voir l'article 1498 du NCPC.

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"Le tribunal d'un Etat contractant, saisi d'un litige sur une question au sujet de laquelle les parties ont conclu une convention au sens du présent article, renverra les parties à l'arbitrage, à la demande de l'une d'elles, à moins qu'il ne constate que ladite convention est caduque, inopérante ou non susceptible d'être appliquée."

Cet article est impératif: le juge doit renvoyer les parties à l'arbitrage. Il a un certain pouvoir d'appréciation en ce qui concerne la convention d'arbitrage et il peut décider si une convention est ou n'est pas valable. Les clauses compromissoires sont souvent interprétées restrictivement par les tribunaux étatiques, étant donné qu'elles peuvent priver une partie d'un recours devant les tribunaux étatiques.

Cette disposition correspond à l'article 9.1 de l'Arbitration Act, 1996 qui prévoit qu'une partie à une convention d'arbitrage, qui est poursuivie devant un tribunal étatique, peut demander à la juridiction saisie "de se déclarer incompétente dans les limites du différend concerné."58

I.2.2 Champ d'application de la Convention

Dans l'article I, en définissant son champ d'application, la Convention adopte une approche internationale:

"La présente Convention s'applique à la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales rendues sur le territoire d'un Etat autre que celui où la reconnaissance et l'exécution des sentences sont demandées, et issues de différends entre personnes physiques ou morales. Elle s'applique également aux sentences arbitrales qui ne sont pas considérées comme nationales dans l'Etat où leur reconnaissance et leur exécution sont demandées."

Le champ d'application de la convention de 1958 est plus large que celle de 1927. L'article 1 de celle-ci dispose que la sentence "aura été rendue dans un territoire relevant de l'une des Hautes Parties contractantes auquel s'applique la présente convention et entre personnes soumises à la juridiction de l'une des Hautes Parties contractantes."59

La Convention de 1958 ne fait aucun référence à la nationalité des parties. La Convention s'applique quand la sentence est rendue à l'étranger entre parties qui ont la même nationalité. Dans l'arrêt Norsolor, la Cour d'Appel de Paris et la Cour de Cassation ont appliqué la convention malgré le fait que le bénéficiaire de la sentence soit une entreprise turque. Les arrêts ont été rendus avant la ratification de la Convention par la Turquie.60

La Convention limite son champ d'application dans son titre à des "sentences arbitrales étrangères." L'article I prévoit son application à deux catégories de sentences: les sentences rendues à l'étranger et celles qui ne sont pas considérées comme "nationales". Son champ d'application est très large et il n'est pas nécessaire que la sentence soit rendue dans un Etat contractant.

58 L'article 9 § 4 énonce que: "La juridiction saisie d'une demande de dessaisissement en application du présent article se déclare incompétent à moins qu'elle ne constate que la convention est nulle, inopérante ou non susceptible d'être exécutée."

59 Soulignement ajouté.60 Rev. arb. 1985, page 431; voir aussi Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (Ph), Gaillard (E.) et

Goldman (B.), page 146.

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Il y n'a aucune exigence sur le fait que les sentences doivent être "internationales" ou concernent le commerce international. La sentence rendue à l'étranger peut s'agir d'une affaire nationale dans ce pays. Chaque pays contractant peut définir les sentences qui ne sont pas considérées comme "nationales."61 A.J. van den Berg a fait la remarque suivante concernant les sentences qui ne sont pas considérées comme nationales dans leur pays d'origine:

"The second criterion will be applicable only if a court '62 consider s' an award as non-domestic. It means that a court has the discretion whether or not to apply the second criterion, and hence the Convention, to an award made within its own territory. The discretionary power is the result of the second criterion being a compromise63."

Les dispositions françaises concernant l'arbitrage retiennent cette distinction mais parlent de "l'arbitrage interne" et de "l'arbitrage international.64"

L'article 100 § 1 de l'Arbitration Act, 1996 définie les sentences relevant de la Convention de 1958 et auxquelles sa Section III s'applique65. Cette Section prévoit que la reconnaissance et l'exécution d'une de ces sentences seraient accordées suivant une procédure basée strictement sur les dispositions de la Convention.

I.2.2.1 Arbitrage Institutionnel.

La Convention prévoit à l'Article I § 2 que:

"On entend par 'sentences arbitrales' non seulement les sentences rendues par des arbitres nommés pour des cas déterminés, mais également celles qui sont rendues par des organes d'arbitrages permanents auxquels les parties sont soumises".

La Convention ne donne pas une définition des "sentences arbitrales" mais il est clair que ses dispositions ne s'appliquent pas simplement à l'arbitrage ad hoc mais aussi à l'arbitrage institutionnel comme celui de la C.C.I..

I.2.3 Reconnaissance et exécution de la sentence arbitrale

La Convention les traite d'une façon jumelée.66 Elle se réfère à la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales dans l'article I § 1 et 3, l'article III, l'article IV § 1, et l'article V § 1 et 2. L'exception est l'article VI, concernant la suspension et l'annulation d'une sentence.

Le début de l'article III prévoit l'obligation d'un Etat contractant à reconnaître une sentence

61 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 38462 Soulignement d'auteur.63 The New York Arbitration Convention of 1958, page 2564 Voir articles 1492 à 1507 du NCPC. 65 L'article 100 § 1 de l'Arbitration Act, 1996: "Au sens de la présente section, l'expression 'sentence relevant de la

Convention' désigne une sentence rendue sur convention d'arbitrage et sur le territoire d'un Etat (autre que le Royaume-Uni qui est partie à la Convention de New York."

66 Elles sont aussi traitées d'une façon jumelée en droit commun français de l'arbitrage international, voir articles 1498 à 1507 du NCPC.

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arbitrale: il devrait reconnaître une sentence arbitrale qui est devenue "obligatoire67" selon les conditions mentionnées dans la Convention.

En pratique il est rare que la reconnaissance d'une sentence soit demandée sans son exécution. L'inclusion de "reconnaissance" dans la Convention est plutôt une clause de style: traditionnellement on la prévoit dans les conventions internationales concernant la reconnaissance et l'exécution des jugements et sentences arbitrales.68 Elle était aussi inclue dans la Convention de 1927.

N.B: Afin d'alléger le texte, nous referrons simplement à l'exequatur de la sentence (sauf quand le reconnaissement de la sentence est uniquement en question).

Néanmoins la reconnaissance peut avoir des effets négatifs, par exemple, elle peut être invoquée comme moyen de défense dans une procédure judiciaire portant sur ce qui a été tranché par une sentence arbitrale. La sentence a l'autorité de chose jugée relativement à la contestation qu'elle a tranchée.69

La sentence a aussi l'autorité de chose jugée en droit français.70 En droit anglais une sentence arbitrale qui relèvent de la Convention de New York est considérée comme ayant l'autorité de la chose jugée.71 En Angleterre, les sentences arbitrales qui ne relèvent pas de la Convention ont également l'autorité de la chose jugée.72

I.2.4 Les Réserves: Réciprocité et commercialité

La convention prévoit à l'article 1, alinéa 3 de la Convention deux réserves:

" Au moment de signer ou de ratifier la présente Convention, d'y adhérer ou de la faire notification d'extension prévue à l'article 10, tout Etat pourra, sur la base de la réciprocité, déclarer qu'il appliquera la Convention à la reconnaissante et à l'exécution des seules sentences rendues sur le territoire d'un autre Etat contractant. Il pourra également déclarer qu'il appliquera la Convention uniquement aux différends issus de rapports de droits, contractuels ou non contractuels, qui sont considérés comme commerciaux par sa loi nationale."

La réciprocité est une réserve importante. Soixante-cinq des Etats contractants ont fait usage de cette réserve pour ne pas reconnaître ou faire exécuter que des sentences émises dans les autres pays contractants dont la France et le Royaume-Uni.73 Il est recommandé, avant de conclure une convention d'arbitrage international, de choisir un pays contractant de la Convention de 1958 comme le siège de l'arbitrage afin d'augmenter les chances de faire exécuter la convention d'arbitrage et d'exécuter la sentence. Néanmoins l'importance de cette réserve continue de

67 Nous étudierons la signification du mot "obligatoire " dans le context de l'article V, § 2, (e).68 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 244.69 Article III de la Convention de 1958. 70 L'article 1476 du NCPC.71 L'article 101 § 1) de l'Arbitration Act, 1996: "Une sentence relevant de la Convention de New York est

considérée comme ayant l'autorité de la chose jugée entre les parties et peut être invoquée par elles à cet effet en défense, en compensation ou à un autre titre, dans toute procédure judiciaire se déroulant en Angleterre, au Pays de Galles ou en Irlande du Nord."

72 L'article 58 de la loi de 1996.73 Selon la liste des Etats contractants (au 1 juillet 1998) de la brochure de la C.C.I.

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diminuer comme de plus en plus d'Etats adhérent à la Convention. En plus, les articles 35 et 36 de la loi-type de la CNUDCI ne la prévoit pas comme une raison de refus de reconnaître ou d'exécuter une sentence74.

La réserve de commercialité est contenue dans la Convention de 1927. Elle a été inclue dans la Convention de 1958 pour faciliter l'adhésion des pays du droit civil. Ces pays distinguent entre les transactions commerciales et non-commerciales.75

Trente-huit Etats utilisent cette réserve pour appliquer la convention aux seuls différends issus de relations juridiques que la loi nationale considère comme étant d'ordre commercial.76 La France a fait usage de cette réserve quand elle a ratifié la Convention mais l'a retirée plus tard par lettre au secrétaire général de l'ONU du 17 novembre 1989. Cette clause peut occasionner des incertitudes quand chaque Etat donne sa propre définition de commercialité. En générale, les tribunaux attribuent une interprétation large à commercialité.

I.2.5 La Procédure

I.2.5.1 Reconnaissance de l'autorité de la sentence arbitrale

La Convention de 1958 ne prévoit pas de procédure pour l'exequatur des sentences. L'article III prévoit simplement que chaque Etat contractant s'engage à reconnaître "l'autorité d'une sentence arbitrale et accordera l'exécution conformément aux règles de procédure suivies" dans l'Etat d'exécution et aux conditions précisées par la Convention. Elle exige que les Etats n'imposent pas de "conditions" sensiblement plus rigoureuses, ni de frais de justice sensiblement plus élevés, que ceux qui sont imposés pour la reconnaissance ou l'exécution des sentences arbitrales nationales." En Angleterre, cela concerne l'article 10277 de l'Arbitration Act 1996 et en France les dispositions en question sont dans l'article 1498 et suivants du NCPC.

L'article III peut aussi être considéré comme la base pour l'application des règles de procédure qui ne sont pas mentionnées dans la Convention, par exemple, les délais de prescription pour intenter une action pour faire exécuter une sentence arbitrale.78

Les règles de procédure de l'article III ne touchent pas les conditions pour l'exequatur de la sentence mais sont limitées à des questions de procédure, par exemple, l'autorité compétente d'Etat d'accueil de la sentence.79 Les conditions pour l'exequatur de la sentence sont uniquement celles de la Convention. Les règles de procédure du pays d'accueil de la sentence ne peuvent pas déroger aux principes incorporés par les articles IV-VI.80

74 Voir chapitre 4 de notre étude75 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 50.76 Selon la liste des Etats contractants (au 1 juillet 1998) de la brochure de la C.C.I.77 L'article 102 de l'Arbitration Act énumére les preuves à fournir par la partie qui demande l'exequatur d'une

sentence arbitrale.78 The New York Arbitration Convention of 1958:van den Berg, page 240.79 En France, le juge d'exequatur est le Président de Tribunal de grande instance. En Angleterre, la demande est faite

devant la Commercial Court.80 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 239

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L'article III de la Convention de 1958 a été récemment interprété par la Cour d'Appel de Paris. 81

En espèce, la cour a confirmé l'ordonnance ayant accordé l'exequatur de sentences arbitrales rendues à Amman en 1994 et 1995, qui avait condamné la Compagnie interarabe de garantie des investissements à payer à la Banque arabe et internationale d'investissement diverses sommes au titre d'une garantie contractée auprès de cet organisme régional d'assurance.

La partie opposant l'exequatur des sentences, a soutenu que l'article 12 de la loi jordanienne sur l'arbitrage imposait de les soumettre d'abord à l'homologation d'un tribunal étatique jordanien qui seul pouvait mettre fin à l'arbitrage, avant de demander l'exequatur en France. Elle a prétendu que si les sentences n'étaient pas approuvées en Jordanie, elles seraient dépourvues d'existence et ne constitueraient pas des sentences au sens de l'article 1498 du NCPC et par conséquent elles ne seraient pas susceptibles d'exécution en France.

La Cour a rejeté cet argument et a confirmé l'ordonnance d'exequatur. Elle s'est référée d'abord à l'article VII de la Convention de 1958, applicable en l'espèce et elle a statué que les dispositions de cette Convention: "ne privent aucune partie du droit qu'elle pourrait avoir de se prévaloir d'une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise par la législation ou les Traités du pays où la sentence est invoquée."

Ensuite la Cour s'est référée à l'article III de la Convention qui précise que l'exequatur de la sentence étrangère est accordé conformément aux règles de procédure du pays où la sentence est invoquée. Cette référence permet au juge français d'appliquer les articles 1498 et 1499 du NCPC, qui définissent les conditions de forme requises pour l'exequatur d'une sentence étrangère en France. Si ces conditions sont réunies, l'existence de la sentence est établie au sens du droit français. La cour a conclu de ces deux dispositions que "le juge ne peut refuser l'exequatur lorsque son droit national l'autorise." La cour a constaté que:

"les seules dispositions du droit français applicables à la reconnaissance et à l'exécution en France des sentences étrangères sont, à l'exclusion de toute référence au droit interne de l'Etat où s'est déroulé l'arbitrage, les articles 1498 et 1499 du nouveau Code de procédure civile français qui disposent pour le premier que les sentences arbitrales étrangères sont reconnues en France et peuvent y être déclarées exécutoires si leur existence est établie et si elles ne sont pas manifestement contraires à l'ordre public international et pour le second, que l'existence d'une sentence arbitrale est établie par la production de l'original accompagné de la convention d'arbitrage ou des copies de ces documents réunissent les conditions requises pour leur authenticité."

La seconde disposition mentionnée par la cour qui se trouve à l'article 1499 du NCPC et que concerne l'authenticité des documents correspond à l'article IV de la Convention de 1958 qui nous étudierons dans le paragraphe suivant.

I.2.5.2 Conditions d'exéquatur.

L'article IV stipule que la partie qui demande l'exequatur doit simplement produire l'original de la sentence et la convention d'arbitrage ou des copies conformes. Si ces documents ne sont pas dans une langue officielle du pays où l'exequatur est demandé, il faut produire une traduction officielle. Le juge d'exequatur peut vérifier l'intégrité des documents et l'identité des parties et des arbitres.

81 Inter-Arab Investment Guarantee Corporation c/ Banque arabe et internationale d'investissement SA (BAII) , Cour d'appel de Paris du 23 octobre 1997, rev. arb. 1998, page 143.

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Une fois que le demandeur a fourni les documents mentionnés dans l'article IV, le juge accordera (il n'a pas de discrétion) l'exequatur à moins qu'il n'existe un des griefs mentionnés dans l'article V. L'intention des auteurs de la Convention était de limiter les griefs à ceux énumérés dans la Convention.

Cependant, l'article VI prévoit que le juge peut surseoir à statuer sur l'exequatur de la sentence si l'annulation ou la suspension de la sentence est demandée dans le pays où la sentence a été rendue.

Les articles IV et V sont d'une grande importance et ont facilité la tache du demandeur d'exequatur par rapport à Convention de 1927. Dans celle de 1927, le demandeur était obligé de démontrer que toutes les conditions nécessaires pour l'exequatur étaient satisfaites. La Convention de 1958 a complètement renversé la charge de la preuve. C'est à la partie qui oppose l'exequatur de prouver l'existence d'un des griefs mentionnés à l'article V de la Convention.

Les articles 1477 et 1499 du NCPC français contiennent des dispositions qui sont similaires à celles l'article IV de la Convention.82 Le contenu de l'article 102 de l'Arbitration Act 1996 correspond exactement à celui de l'article IV de la Convention.83.

I.2.6 Griefs reconnus par la Convention

L'examen de griefs n'inclut pas une révision de fond de la sentence et les griefs qui peuvent être invoqués sont limités à ceux qui sont mentionnés dans l'article V.

A. J. van den Berg a remarqué que:

"Another improvement is that the grounds mentioned in Article V are exhaustive. Enforcement may be refused 'only if' the party against whom the award is invoked is able to prove one of the grounds listed in Article V(1), or if the court finds that the enforcement of the award would violate its public policy (Art. V (2)). Thus the respondent can no longer assert any cause for invalidity of the award under the law governing the arbitration as could happen under the Geneve Convention. This main feature has also been unanimously affirmed by the courts.

A further main feature of the grounds for refusal is that no review of the merits of the arbitral award is allowed. The feature that Article V does not allow a review of the merits of the arbitral award has also been affirmed by the courts".84

82 Ces dispositions prévoient que le demandeur d'exequatur doit déposer la convention d'arbitrage et la sentence arbitrale auprès du Tribunal de grande instance. Si ces documents ne sont pas en langue française, il faut également déposer une traduction. La sentence arbitrale sera reconnue et exécutée en France si elle n'est pas "manifestement contraire à l'ordre public international (soulignement ajouté). Le juge peut aussi refuser la reconnaissance et l'exécution si la partie qui s'y oppose montre un des griefs énumérés à l'article 1502 du NCPC que correspondent grosso modo à ceux de la convention de 1958 sauf que le droit français ne prévoit pas que l'annulation ou la suspension de la sentence arbitrale dans son pays d'origine sont des griefs motivant le refus d'exequatur. Voir paragraphe 2.9 de notre étude.

83 En droit anglais, une fois les documents énumérés par l'article 102 sont produits, le juge étatique doit accorder l'exequatur d'une sentence relevant de la Convention, à moins que la partie qui s'y oppose ne prouve l'existence d'un des griefs énumérés à l'article 103 de la loi de 1996. Les griefs énumérés par l'article 103 correspondent à ceux de l'article V de la Convention de 1958. La seule différence est que le droit anglais n'exige pas que la sentence et la convention d'arbitrage soient fournies "en même temps".

84 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 265

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A. J. Van den Berg a aussi noté la discrétion du juge quand l'existence d'un des griefs mentionnés à l'article V est démontré. Il n'est pas obligé de refuser l'exquatur de la sentence:

"It is to be noted that the opening lines of the first and second paragragh of Article V employ a permissive rather that mandatory language: enforcement 'may be' refused. For the first paragragh it means that even if a party against whom the award is invoked proves the existence of one of the grounds for refusal of enforcement, the court still has a certain discretion to overrule the defence and to grant the enforcement of the award. Such overruling would be appropriate, for example, in the case where the respondent can be deemed to be estopped from invoking the ground for refusal. For the second paragraph it would mean that a court can decide that, although the award would violate the domestic public policy of the court's own law, the violation is not such as to prevent enforcement of the award in international relations."85

La Convention distingue au total, deux séries de griefs qui pourraient mener à un refus de l'exequatur de la sentence. Les premiers sont contenus dans l'article V, § 1 et touchent à: l'invalidité de la convention d'arbitrage et l'incapacité des parties; la violation du principe du contradictoire; le dépassement par l'arbitre des termes de sa mission; l'irrégularité affectant la composition du tribunal arbitral ou des vices de procédure d'arbitrage et l'absence de validité de la sentence d'arbitrage. Ils doivent être invoqués par la partie qui oppose l'exequatur de la sentence.

La deuxième série de griefs est contenue dans l'article V, § 2 et ils peuvent être invoqués par le juge d'exequatur lui-même. Ils concernent l'arbitrabilité du litige et l'ordre public. A la différence de la première série de griefs, qui concernent principalement le contenu du litige, la deuxième série de griefs touche les conceptions fondamentales d'Etat d'accueil de la sentence et expliquent cette distinction. Il s'agit d'un domaine d'intérêt capital pour les Etats et ils ne délèguent pas leur protection à un tiers.

Ces griefs de la Convention correspondent à ceux de l'article 103 de l'Arbitration Act, 1996 pour les sentences relevant de la Convention de 1958. Les auteurs de Russell on Arbitration ont remarqué que les griefs mentionnés dans l'article 103 sont limitatifs. Ils ont aussi commenté sur le pouvoir discrétionnaire du juge:

"These grounds are exhaustive, and if none are present the award will be enforced.... The onus of proving the existence of a ground rests upon the party opposing enforcement, but that may not be the end of the matter. Once the ground is established the court has a discretion whether or not to enforce the award. In some cases there is little latitude for discretion (where the Respondent has no capacity to enter into an arbitration agreement the court can only refuse to recognise and enforce the award. See s. 103 (2) (a) of the Arbitration Act 1996) but in other cases the scope is greater (where there was was some minor departure from the procedure agreed by the parties the court may in its discretion decide to enforce the award)."86

La plupart de griefs mentionnés à l'article V de la Convention se trouve à l'article 1502 du NCPC. Les griefs énumérés par l'article 1502 ont également un caractère limitatif.

I.2.7 Griefs invoqués par la partie qui oppose l'exequatur de la sentence arbitrale

I.2.7.1 Incapacité des parties et invalidité de la convention d'arbitrage

85 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 265; soulignement ajouté par l'auteur 86 Russell on Arbitration: Sutton (David), Kendall (John) et Gill (Judith), page 404.

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L'article V,§ 1 (a) permet le refus d'exequatur de la sentence, s'il est démontré que:

" les parties à la convention visée à l'article 2 étaient, en vertu de la loi à elles applicables, frappés d'une incapacité, ou que ladite convention n'est pas valable en vertu de la loi à laquelle les parties l'ont subordonnée ou, à défaut d'une indication à cet égard, en vertu de la loi du pays où la sentence a été rendue."

Dans la Convention de 1927, l'incapacité de la partie qui oppose l'exequatur est traitée uniquement dans le cas où elle n'a pas été "régulièrement représentée"87 dans la procédure arbitrale. La Convention de New York prévoit aussi le grief de l'incapacité d'une partie à conclure la convention d'arbitrage. Elle retient le grief concernant le cas où une partie n'est pas régulièrement représentée qui se trouve dans l'article V,§ 1 (b) de la Convention de 1958.88

L'article V, § 1 (a) contient deux griefs qui peuvent entraîner le refus l'exequatur de la sentence arbitrale:

l'incapacité des parties qui est déterminée "par la loi applicable aux parties" dont elle ne précise rien; et

l'invalidité de la convention d'arbitrage qui est déterminée selon la loi choisie par les parties ou à défaut la loi du pays où la sentence a été rendue.

Etant donné que la convention ne spécifie pas le droit applicable à l'incapacité des parties, il est nécessaire de résoudre cette question par les règles de conflits de lois de pays où l'exequatur est demandé. Ces règles changent d'un pays à un autre.89

L'incapacité des parties peut couvrir une variété de raisons: des mineurs qui n'ont pas le droit de conclure des contrats et des sociétés qui ne sont pas encore immatriculées.

l'article V § 1 (a) s'applique aussi à la question de la capacité d'un Etat ou des personnes de droit public de conclure une convention d'arbitrage. La Convention ne contient pas une disposition spécifique concernant la capacité d'un Etat à conclure une convention d'arbitrage. Cependant, la phrase "différends entre personnes physiques ou morales" de l'article I § 1, montre qu'il était entendu que les sentences arbitrales dont un Etat était une partie n'étaient pas exclues de son champ d'application.

Il est généralement reconnu par la doctrine que la Convention s'applique aux conventions et sentences d'arbitrages dont un Etat (ou une personne morale de droit public) est une partie et qui concernent le commerce international.90 La Convention permet à l'Etat d'accueil de la sentence, d'exercer son contrôle sur la capacité des signataires de la convention d'arbitrage à engager l'Etat en cause.

87 Article 2 paragraphe (b) de la Convention de Genève de 1927: "Que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n'a pas eu, en temps utile, connaissance de la procédure arbitrale, de manière à pouvoir faire valoir ses moyens ou, qu'étant incapable, elle n'y a pas été régulièrement représentée.".

88 Article V, paragraphe 1, (b) prévoit qu'un juge peut refuser d'accorder l'exequatur de la sentence arbitrale si la partie que l'oppose n'était pas dûment informé de la désignation de l'arbitrage ou la procédure d'arbitrage, "ou qu'il lui a été impossible, pour une autre raison, de faire valoir ses moyens."

89 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 2790 The New York Arbitration Convention of 1958: A.J. van den Berg, page 279. Voir également l'article

"Enforcement against a foreign state of an arbitral award annulled in the foreign state": Delaume (George), RDAI, N° 2, 1997, page 253.

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La question de la capacité des Etats (ou des personnes morales de droit public) à conclure des conventions d'arbitrage est mentionnée expressément dans la Convention Européenne de 1961.91

Un juriste anglais a remarqué que le grief de l'invalidité de la convention d'arbitrage est rarement accepté par les tribunaux étatiques, à moins qu'il soit contenu dans un connaissement:

" this exception is rarely accepted by courts for a number of reasons: First, contracts of carriage are form contracts and are written by experienced lawyers who employ language that unambiguously stretches the scope of the arbitral clause to the maximum allowable by law. Secondly, there is a "powerful presumption" that that arbitrators act within their powers and courts rarely second guess an arbitrator's construction of the parties' arbitral agreement."92

La partie qui oppose l'exécution de la sentence, invoque la plupart du temps l'article II § 2 au lieu de l'article V § 1 (a) pour contester la validité de la convention d'arbitrage. A J van den Berg a noté que:

"By far, the greatest number of cases in which the respondent relied on Article V (1) (a) concerned, namely, an alleged formal invalidity under l'article II (2) of the Convention. This is not surprising since Article II (2) poses fairly demanding requirements for the form of the arbitration agreement.93"

I.2.7.1.1 Droit applicable à la convention d'arbitrage

La Convention reconnaît que les parties peuvent subir la convention à une loi, autre que celui du siège de l'arbitrage. C'est consistant avec l'esprit international de la convention et l'importance qu'elle accorde à la volonté des parties.

L'article V § 1 (a) se réfère à la convention d'arbitrage au lieu du contrat qui la contient. En droit anglais l'autonomie de la convention d'arbitrage est reconnue.94 Il existe néanmoins des cas où le juge étatique sera réticent à accorder l'exequatur d'une sentence à cause de l'invalidité ou de l'illicite du contrat qui la contient.95Néanmoins, quand le contrat est sujet à une loi étrangère, surtout où il n'y a pas d'équivalent des règles anglaises concernant l'illicite du contrat, l'exequatur de la sentence sera en général accordée.96 Le droit français reconnaît également l'autonomie de la convention d'arbitrage.

L'article V § 1 (a) correspond au grief de l'article 1502 1° du NCPC, mais il est plus synthétique et mentionne simplement "si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée."97

91 Article II § 1 "Dans les cas visés à l'article 1, de la présente Convention, les personnes morales qualifiées, par la loi qui leur est applicable, de 'personnes morales de droit public' ont la faculté de conclure valablement des conventions d'arbitrage."

92 "Arbitrating maritime cargo disputes-future problems et considerations": Curtin, L.M.C.L.Q. 1997.5093 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 284.94 L'article 7 de l'Arbitration Act, 1996. 95 Par exemple, si le contrat était régi par le droit anglais et l'exécution serait contraire à l'ordre public à cause d'une

fraude.96 Voir Sion Soleimany v. Abner Soleimany, décision non publiée du juge Langan Q.C. du 21 mars 1997.97 Le même grief existe en droit interne français, voir l'article 1484 1°.

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L'article 103 § 2 (a) et (b) de l'Arbitration Act, 1996 reprend presque mot à mot les dispositions de l'article V § 1 (a) de la Convention.

I.2.7.2 Violation du principe du contradictoire

L'article V, § 1, (b) autorise le refus d'exequatur de la sentence s'il est prouvé:

"que la partie contre laquelle, la sentence est invoquée n'a pas été dûment informée de la désignation de l'arbitre ou de la procédure de l'arbitrage, ou qu'il lui a été impossible, pour une autre raison, de faire valoir ses moyens"

Le champ d'application de ce grief est plus large que l'article 2 § 1 (b) de la Convention de 1927: "Que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n'a pas eu, en temps utile, connaissance de la procédure arbitrale, de manière à pouvoir faire valoir ses moyens ...." Malgré le fait que cette disposition ne spécifie pas que la partie défenderesse doit être avisée en temps, on considère qu'elle couvre généralement toute violation sérieuse du principe du contradictoire.98

La formule de l'article V, § 1 (b) vise l'impossibilité d'une partie à faire valoir ses moyens. Si la partie décide de ne prévaloir à des droits ou moyens, par exemple, de ne pas assister à des audiences d'arbitrage, il n'y a aucune violation. En revanche, si elle n'est pas informée des dates des audiences, il y a une violation.

L'article V, § 1 (b) concerne les principes fondamentaux de "due process." Il ne se réfère pas à une loi nationale mais donne sa propre conception des principes fondamentaux internationaux dont la simple violation lui parait commander le refus de l'exequatur. Il est suffisamment général pour que le juge saisi puisse y retrouver sa propre conception du principe du contradictoire.

Le principe du contradictoire peut ainsi être considéré comme une exigence élémentaire de justice et par conséquent sa violation peut être soulevée par le juge d'office comme motif de refus d'exequatur de la sentence sur le fondement de l'ordre public (article V § 2 (b) de la Convention).99 Si le juge constate une violation du contradictoire, qui n'était pas invoquée par la partie défenderesse, il peut refuser d'ordonner l'exequatur de la sentence sur la base de l'article V, § 2 (b).

Il faut aussi considérer le rapport entre l'article V, § 1 (b) et l'article V § 1(d). Celui-ci prévoit que si la constitution du tribunal arbitral ou la procédure arbitrale est conforme à un accord des parties, la loi de siège n'est pas applicable. Néanmoins, cette disposition est restreinte par le principe fondamental du contradictoire.100

Ce grief a été fréquemment invoqué par des parties qui s'opposent à l'exequatur mais il réussit rarement. A.J van den Berg a remarqué que:

"Although ground b has frequently been invoked by respondents, the courts have rarely held that the requirements of due process have been violated. There exists an almost uniform interpretation - corresponding to the "pro-enforcement bias" of the Convention - that a violation of due process is to be accepted in serious cases only."

98 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 297.99 Traite d'arbitrage international commercial: Fouchard (Ph.), Gaillard (E.) et Goldman (B.) page 1001100 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 310.

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L'article V, § 1, (b) correspond à celui de l'article 1504, 4° du NCPC qui s'applique "lorsque le principe de la contradiction n'a pas été respecté."101 L'article 103, § 2 (c) de l'Arbitration Act, 1996 reprend les termes de l'article V § 1 (b) mot pour mot.

I.2.7.3 Dépassement des termes de la convention d'arbitrage par l'arbitre

L'article V § 1 (c) permet le refus de l'exequatur, s'il est prouvé que:

"la sentence porte sur un différend non visé dans le compromis ou n'entrant pas dans les prévisions de la clause compromissoire, ou qu'elle contient des décisions qui dépassent les termes du compromis ou de la clause compromissoire; toutefois, si les dispositions de la sentence qui ont trait à des questions soumises à l'arbitrage peuvent être dissociées de celles qui ont trait à des questions non soumises à l'arbitrage, les premières pourront être reconnues et exécutées."

L'article V § 1 (c) ne concerne pas le cas où l'arbitre n'a aucune autorité. Cette situation est couverte par l'article V § 1 (a).

L'article V § 1 (c) se divise en deux parties:

il vise le cas où un arbitre dépasse les termes de la convention d'arbitrage; il concerne le cas où le refus de l'exequatur peut se limiter à la partie qui dépasse la

convention d'arbitrage, à condition qu'elle soit détachable du reste de la sentence.

Cette dernière précision est fidèle à l'esprit de la Convention de faciliter l'exécution de la sentence, quand il est possible.

La deuxième partie de grief de l'article V § 1 (c), qui concerne l'exequatur de la partie de la sentence est ultra petita (au-delà des choses demandées). Elle était destinée à remplacer l'article 2 § 2 de la Convention de 1927.102 Néanmoins les deux dispositions se distinguent. L'article 2 § 2 de la Convention de 1927 concerne une sentence qui est infra petita (en-deça de la demande). La Convention de 1958, par contre, ne mentionne pas les sentences infra petita.

A la différence aussi de la disposition de 1927, elle ne parle ni d'ajourner la décision de reconnaître ou exécuter la sentence ni de demander une garantie. L'article 2, § 2 de la Convention de 1927 accordait une certaine discrétion au juge d'exequatur. Cette discrétion est plus notable dans la version anglaise: "[the competent authority] can, if it thinks fit, postpone such recognition or enforcement or grant it subject to such guarantee as that authority may decide."

L'article V § 1 (c) n'est pas souvent appliqué par les cours. Il ne pose pas de problème d'interprétation sauf pour des sentences infra petita:

"Ground c concerning the award made by the arbitrator in excess of his authority (extra or ultra petita) has scarely been applied in practice. This ground does not seem to pose problems of interpretation, except for the question of an award which does not dispose of all questions submitted to the arbitrator's decision (infra petita), a case not envisaged by the text of ground c".103

101 Le même grief existe en droit d'arbitrage interne français, voir l'article 1484 4° du NCPC.102 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A J), page 318.103 The New York Arbitration Convention of 1958, van den Berg (A J), page 319.

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L'article V,§ 1, (c) correspond à celui de l'article 103, § 2 (d)104. La loi de 1996 reproduit les termes de l'article V § 1 (c) mais elle emploie une language plus clair pour le lecteur.105

L'article V § 1 (c) se distingue de celui de l'article 1502 3106 du NCPC qui prévoit qu'une partie peut opposer l'exequatur de la sentence : "Si l'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée."

L'article 1507 3° prévoit de sanctionner ultra petita et aussi infra petita. Le droit français permet de sanctionner la méconnaissance de l'arbitre quant à son pouvoir sur l'appréciation de fond du litige.107

I.2.7.4 Irrégularité dans la composition du tribunal arbitral ou vices de procédure

L'article V, 1 (d) permet le refus d'exequatur de la sentence:

"lorsque la constitution du tribunal arbitral ou la procédure d'arbitrage n'a pas été conforme à la convention des parties ou, à défaut de convention, qu'elle n'a pas été conforme à la loi du pays où l'arbitrage a eu lieu."108

Ce grief est aussi plus restrictif que celui de la Convention de 1927 qui prévoit à l'article 1 § 2 (d) que le demandeur doit démontrer:

"que la sentence ait été prononcée par le tribunal arbitral prévu par le compromis ou la clause compromissoire, ou constitué conformément à l'accord des parties et109 aux règles de droit applicables à la procédure d'arbitrage."

Ce grief monte le désir des redacteurs de la Convention de 1958 de réduire l'importance de la loi du lieu où la sentence a été rendue quand la demande d'exequatur est faite dans un autre Etat contractant.

Par contre, il montre l'importance que la Convention attache à la volonté des parties. La constitution du tribunal et la procédure doivent être conformes à la volonté des parties ou à défaut du pays du lieu de l'arbitrage. Le dernier est supplétif et dépend du fait que les parties n'ont pas choisi une autre loi ou si leur "accord" ne couvre pas toutes les questions concernant la composition du tribunal d'arbitrage et la procédure. La volonté des parties est limitée par le principe du contradictoire de l'article V § 1 (b) et les considérations de l'ordre public de l'article V § 2 (b) de la Convention.110

104 Il correspond aussi au grief de l'article IV de l'Arbitration Act pour les sentences qui ne relèvent pas de la Convention de 1958.

105 Ce grief ressemble aussi à celui de l'article 67 de l'Arbitration Act, 1996 (Recours contre la sentence arbitrale pour défaut de compétence).

106 Le même grief existe en l'arbitrage interne française, voir l'article 1484 3° NCPC.107 Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (Ph.), Gaillard (E.) et Goldman (B.), page 1003.108 Soulignement ajouté. L'article V § 1 (d) contient deux griefs. Le premier concerne la composition du tribunal

arbitral et le deuxième la non-conformité à la convention d'arbitrage.109 Soulignement ajouté.110 The New York Arbitration Convention of 1958: A J van den Berg, page 331.

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Page 33: Exécution de la sentence arbitrale et voies de recours contre la sentence rendue

Les parties peuvent nommer la loi applicable dans la convention d'arbitrage. Alternativement, ils peuvent le faire par référence aux règlements d'une institution d'arbitrage, par exemple, s'ils décident d'appliquer les règlements de la LMAA, ces règlements stipulent que l'arbitrage sera gouverné par la loi anglaise.

Ce grief est plus sévère que celui du droit commun français qui prévoit dans l'article 1507 2° 111

du NCPC que la reconnaissance et l'exécution de la sentence peuvent être refusées :

"Si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrement désigné".

Le droit commun français sanctionne la non-conformité de la composition du tribunal à la volonté des parties. Mais elle ne la sanctionne pas lorsque l'irrégularité résulte, en absence d'accord des parties, de la méconnaissance de la loi du siège de l'arbitrage.112

Le droit français ne fait aucune référence à la procédure et il ne sanctionne pas les violations de règles de procédure sauf quand il est démontré que l'arbitre n'a pas statué conformément à sa mission au sens de l'article 1502 3.°

La faiblesse du grief de la Convention est qu'elle ne fait aucune distinction entre les irrégularités procédurales qui peuvent causer un refus d'exequatur de la sentence. Si les parties n'adoptent pas leur propre règlement, toutes les irrégularités procédurales de la loi du siège de l'arbitrage sont prises en compte.

Néanmoins, les auteurs de Russell on Arbitration étaient d'avis que si la partie qui oppose l'exequatur de la sentence a participé dans l'arbitrage sans objection, ou si la non-conformité à la procédure était très mineur, il est peu probable qu'un juge anglais refuserait l'exequatur en se fondant sur les dispositions de l'article 103 de la loi de 1996.113 Les termes de l'article 103 § 2 (e) de la loi de 1996, sont identiques à ceux de l'article V § 1 (d) de la Convention.

I.2.7.5 Invalidité de la sentence arbitrale

I.2.7.5.1 Abolition du"double-exequatur".

L'article V, 1 (e) permet au juge étatique de refuser l'exequatur lorsqu'il est démontré:

"Que la sentence n'est pas encore devenue obligatoire pour les parties ou a été annulée ou suspendue par une autorité compétente du pays dans lequel, ou d'après la loi duquel, la sentence a été rendue."

L'article I, § 2 (d) de la Convention de 1927 exige que la partie qui demande l'exequatur de la sentence prouve qu'elle est "devenue définitive114 dans le pays où elle a été rendue".115L'interprétation judiciaire du mot " définitive" avait pour effet, que la partie qui voulait faire exécuter une sentence à l'étranger, était obligée d'obtenir un double exequatur,

111 Elle correspond à l'article 1484 2° NCPC pour l'arbitrage interne français.112 Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (Ph.), Gaillard (E.) et Goldman (B.) page 1005113 Sutton (David), Kendall (John) et Gill (Judith):Russell on Arbitration, page 407.114 Soulignement ajouté.115 L'article 1 § 2 (d) de la Convention de 1927 prévoit: "Que la sentence soit devenue définitive dans le pays où elle

a été rendue, en ce sens qu'elle ne sera pas considérée comme telle si elle est susceptible d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation (dans le pays où ces procédures existent), ou s'il est prouvé qu'une procédure tendant à contester la validité de la sentence est en cours."

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Page 34: Exécution de la sentence arbitrale et voies de recours contre la sentence rendue

d'abord dans le pays d'origine de la sentence et ensuite dans le pays d'exécution.

La Convention de 1958 a ainsi réalisé un progrès en supprimant le double exequatur. Elle requiert que la sentence soit obligatoire et non plus "définitive". En plus, elle a renversé le charge de la preuve; c'est la partie qui oppose l'exequatur qui doit prouver qu'elle n'est pas devenue "obligatoire."

Le terme obligatoire n'est pas défini dans la Convention de 1958. La plupart des tribunaux étatiques interprète l'article V, § 1 (e) de telle sorte que c'est la loi du pays où elle a été rendue qui détermine quand la sentence est considérée comme obligatoire.116

L'interprétation du terme obligatoire retenue par "la majorité de la doctrine repose sur la distinction entre des voies de recours ordinaires et des voies de recours extraordinaires. Une sentence obligatoire serait une sentence non susceptible de faire l'objet de voies de recours ordinaires (définies comme tendant à sa réformation), même si elle est exposée aux voies de recours extraordinaires (qui incluent les actions en annulation)."117

Le fait aussi qu'une voie de recours en annulation soit encore ouverte à l'égard de la sentence dans son pays d'origine ne suffit pas à la rendre non obligatoire au sens de l'article V § 1 (e) de la Convention.

La deuxième partie de ce paragraphe concerne l'annulation et la suspension de la sentence. Il montre l'importance de la loi "du pays dans lequel, ou d'auprès la loi duquel, la sentence a été rendue."

I.2.7.5.2 Annulation de la sentence arbitrale dans l'Etat d'origine

L'annulation de la sentence dans l'Etat d'origine lui fait perdre le bénéfice de la Convention. Cela montre l'importance du siège et de la loi choisie par les parties pour régir la procédure arbitrale. Ce choix est primordial si une partie est obligée d'obtenir l'exequatur de la sentence à l'étranger plus tard. Une sentence qui a été annulée par les tribunaux "du pays dans lequel, ou d'auprès la loi duquel, elle a été rendue," sera rarement reconnue par les tribunaux des autres pays adhérents de la Convention.

La Convention ne reconnaît pas la notion d'une sentence délocalisée.118 Les tribunaux du siège ou de la loi choisie par les parties peuvent seuls annuler la sentence. Les tribunaux des autres Etats peuvent simplement accorder l'exequatur, ou d'autre part le refuser mais leur décision n'aura pas d'effet dans des pays tiers.

A.J. van den Berg a noté que:

" Article V(1) (e) - and Article VI with which we will deal presently - of the Convention unequivocally lay down the principal that the court in the country in which, or under the law of which, the award was made has the exclusive competence to decide on the action for setting aside the award ..... The ground for refusal in the second part of Article V(1) (e) applies only if the award has been effectively set aside in the country of origin. The case where a party has merely made an application for setting

116 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (AJ), page 357. 117 Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (Ph), Gaillard (E) et Goldman (B.) page 988.118 Traite d'arbitrage commercial international, page 993.

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aside in that country, calls only for an adjournment of the decision on the enforcement as provided by Article VI of the Convention119."

L'article V § 1 (e) vise l'annulation par le juge du pays ou "d'auprès la loi duquel la sentence a été rendue". Il vise le cas où les parties choisiraient la loi d'un Etat déterminé pour régir leur arbitrage et fixeraient en même temps son siège dans un autre Etat. Dans ce cas-là, il est possible que les juridictions de deux Etats différents se reconnaissent compétents pour statuer sur l'annulation de la sentence. Heureusement, il est rare en pratique que les parties choisissent une autre loi que celle du siège de l'arbitrage.

L'article V § 1 (e) n'a pas d'équivalent en droit français. L'article 1507 du NCPC qui énumère les griefs reconnus en droit français a un caractère limitatif. Il résulte qu'une sentence qui a été annulée dans son pays d'origine ne se verra pas refusée l'exequatur pour cette seule raison en France. Selon la position adoptée par l'ordre judiciaire français, la Convention ne prévoit que les conditions minimales pour accorder l'exequatur de la sentence arbitrale. La Convention ne s'oppose pas à ce que l'exequatur d'une sentence soit accordé en se fondant sur des droits plus favorables à l'exaquatur d'une sentence arbitrale (article VII de la Convention).120

L'annulation ou la suspension d'une sentence arbitrale peut aussi être soulevée par le juge d'exequatur comme motif pour refuser d'ordonner l'exequatur de la sentence (article VI de la Convention).

La position du droit anglais s'oppose à celle du droit français. Les termes de l'article V § 1 (e) de 1958 se trouve dans l'article 103 § 2 (f) de la loi anglaise de 1996. L'annulation ou la suspension de la sentence arbitrale dans son pays d'origine influencerait la décision du juge britannique.121

I.2.7.5.3 Suspension de la sentence arbitrale.

L'article V § 1 (e), de la Convention prévoit également que la suspension de la sentence "par une autorité compétente du pays dans lequel, ou d'après la loi duquel la sentence a été rendue" conduit au refus d'exequatur.

La Convention ne fournit pas une définition de "suspension." Elle concerne en général le cas pour lequel un juge étatique, notant un vice susceptible d'affecter une sentence, fait surseoir à son exécution jusqu'à ce que la question soit tranchée au fond par le juge saisi d'une demande d'annulation. La suspension devrait être par ordonnance du juge étatique du pays d'origine de la sentence.122

La suspension d'une sentence par un tribunal étatique dans son pays d'origine, n'influencerait pas

119 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 350.120 Cour de Cassation du 9 octobre 1984, Société Pabalk Ticaret Sirketi c/ Société Norsolor, Rev. Arb. 1985, p.431.121 Russell on Arbitration, page 408.122 "in order for the suspension of the award to be a ground for refusal of enforcement of the award, the respondent

must prove that the suspension of the award has been effectively ordered by a court in the country of origin. This rule is clearly laid down by the text of Article V (1) (e) as if states 'has been .... suspended by a competent authority ...' The automatic suspension of the award by operation of law in the country of origin therefore is not sufficient"?

The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A J), page 350.

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le juge d'exequatur français.123C'est la position inverse en droit anglais. En exerçant son pouvoir discrétionnaire, le juge anglais considére les griefs invoqués contre l'exécution de la sentence dans son pays d'origine, et il peut demander des sûretés. 124

I.2.8 Griefs pouvant être invoquées ex officio

L'article V § 2 prévoit les deux causes d'annulation que le juge d'exequatur peut soulever d'office. Elles ont trait à l'arbitrabilité du litige et à l'ordre public.

"la reconnaissance et l'exécution d'une sentence arbitrale pourront aussi être refusées si l'autorité compétente du pays ou la reconnaissance et l'exécution sont requises constate:

(a) que, d'après la loi de ce pays, l'objet du différend n'est pas susceptible être réglé par voie d'arbitrage; ou (b) que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence sont contraire à l'ordre public de ce pays".

Ce grief est moins large que celui de la Convention de 1927. Pour obtenir la reconnaissance ou l'exécution d'une sentence arbitrale, celle-ci prévoit qu'il sera nécessaire de démontrer:

"Que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence ne soit pas contraire à l'ordre public ou 125aux principes du droit public du pays où elle est invoquée."

I.2.8.1 Non-arbitrabilité du litige

Emmanuel Gaillard a constaté que la doctrine affirme en général "que le contrôle du caractère arbitral du litige n'est qu'un aspect du contrôle du respect de l'ordre public."126 A J van den Berg était du même avis:

"It is generally accepted that arbitrability forms part of the general concept of public policy and that therefore Article V (2) (a) can be deemed superfluous".127

C'est l'ordre juridique de l'Etat d'accueil de la sentence qui décide si le litige est susceptible d'être réglé par voie arbitrale. Il n'est pas nécessaire que la non-arbitrabilité de la matière dans le pays d'accueil touche à des convictions fondamentales de l'Etat ou que le différend soit capable d'être réglé par voie arbitrale dans son pays d'origine.128

Un auteur anglais a remarqué que ce grief est rarement invoqué aujourd'hui:

123 Société Polish Ocean Line c/ Société Joasry, [1994] D.M.F. page 28.124 Soleh Boneh International Ltd v. The Government of the Republic of Uganda and another [1993] 2 Lloyd's Rep.,

page 208.125 Soulignement ajouté.126 Traité d'arbitrage commercial international: Fouchard (Ph), Gaillard (E.) et Goldman (B.) page 1009. Il a ajouté

que la non-arbitralité du litige ne fait pas complètement double emploi avec l'ordre public.127 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A J), page 359128 "Concerning the enforcement of the arbitral award, Article V (2) (a) refers explicitly to the law of the country

where the enforcement of the award is sought. This appears also to be the unanimous interpretation of the courts in all cases in which the question of arbitrability was considered by the Convention". The New York Convention of 1958: van den Berg, page 369.

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"Today, the non-arbitrability exception to enforcement is in reality not an exception and is rarely asserted. If the underlying issue is found arbitrale at the outset of the arbitration, courts will usually dismiss a non-arbitrability argument at the enforcement stage."129

Cependant la distinction entre la non-arbitrabilité en matière interne et le non-arbitrabilité en matière internationale permet de soustraire au domaine d'arbitrage interne certaines matières mais en même temps les admettre dans le domaine d'arbitrage international. Les juridictions fédérales américaines admettent l'arbitrabilité des litiges concernant des transactions sur les valeurs mobilières au droit de la concurrence en arbitrage international mais ils ne l'admettent pas en ce qui concerne l'arbitrage interne.130

Le champ d'application des différends qui ne sont pas susceptibles d'être réglés par voie arbitrale peut être limité par le fait qu'un Etat a fait usage de réserve de commercialité de l'article I § 3 de la Convention.

La première partie de l'article 103 § 3 de l'Arbitration Act 1996 correspond à l'article V § 2 (a) de la Convention. Ce grief n'existe pas en droit français mais la question de l'arbitrabilité d'un différend sera couverte par les dispositions concernant l'ordre public.

I.2.8.2 Contrariété de la sentence arbitrale à l'ordre public international

I.2.8.2.1 Texte

L'article V § 2, (b) de la Convention prévoit que la demande d'exequatur de la sentence peut être refusée dans un pays si elle est "contraire à l'ordre public de ce pays." C'est un des griefs le plus souvent invoqué par la partie qui oppose l'exécution de la sentence.

Cette disposition concerne l'ordre public international et la conception de l'ordre public international de l'Etat où la demande d'exequatur est faite. Le nombre de matières affectées par l'ordre public international est plus restreint que pour l'arbitrage interne et chaque Etat a sa propre conception de l'ordre public international. Il n'est pas toujours facile de prévoir la conception qu'un juge étatique donnerait à ce principe.

Il permet à un Etat de refuser d'accepter dans son ordre juridique une sentence qui heurte ses conceptions fondamentales de l'ordre public international. Certains auteurs affirment que l'arbitrage international doit etre considéré comme délocalisé et sans rapport avec aucun système juridique. Cependant, les tribunaux, en général, sont préparés à invoquer la conception de l'ordre public définie par leur droit national pour refuser l'exequatur à une sentence arbitrale internationale.

Nous avons déjà constaté le lien entre cette disposition et l'article V § 1 (b) (le principe du contradictoire)131. Par exemple, l'impartialité d'un arbitre peut être soulevée par une partie opposant l'exequatur de la sentence sous les dispositions de l'article V § 1(b). Cependant, il est

129 "Arbitrating maritime cargo disputes-future problems and consideration": Curtin, L.M.C.L.Q.1997.31130 Traité de l'arbitrage commercial international, Fouchard (Ph), Gaillard (E) et Goldman (B), page 1011131 Voir paragraphe 2.7.2

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presque toujours invoqué sous le fondement de l'article V § 2 (b).132 L'impartialité de l'arbitre est une condition fondamentale de chaque arbitrage.

Les tribunaux étatiques donne en général une interprétation restreinte de l'ordre public. La Cour d'Appel anglaise a remarqué qu'il faut traiter la question de contrariété à l'ordre public avec la plus grande prudence. Il est nécessaire de démontrer un élément d'illégalité ou que l'exécution de la sentence arbitrale serait contraire à l'intérêt public. La Cour a statué:

"Considerations of public policy can never be exhaustively defined, but they should be approached with extreme caution. It has to be shown that there is some element of illegality or that the enforcement of the award would be clearly injurious to the public good or, possibly, that enforcement would be wholly offensive to the ordinary reasonable and fully informed member of the Public on whose behalf the powers of state are exercised.133"

L'article 103 § 3 de l'Arbitration Act, 1996 correspond à l'article V § 2 (b) de la Convention. L'article 1502 5° du NCPC permet le refus d'exequatur d'une sentence si elle est "contraire à l'ordre public international."134

I.2.8.2.2 Jurisprudence anglaise

Etant donné que l'ordre public est la défense la plus souvent invoquée par la partie qui oppose l'exequatur d'une sentence arbitrale, nous examinerons la jurisprudence en ce domaine.

Dans son article dans "le Monde", Martine Orange, a remarqué qu'un des avantages de l'arbitrage est l'assurance de la confidentialité. Nous pouvons penser d'abord que les entreprises veulent garder secret l'étendue de leur clientèle, des secrets de fabrication et cetera de leurs concurrents. Cependant, Mme Orange a remarqué très justement, une autre raison:

"Grandes ou petites, les entreprises n'ont jamais très envie de rendre public leurs conflits commerciaux et encore moins d'exposer au grand jour leurs habitudes et parfois leurs mauvaises manières. Toutes savent que, lors d'un procès public, leurs concurrents, mais aussi les agents du fisc, voire de la police judiciaire, sont souvent les auditeurs les plus attentifs. Ainsi, avant que la justice ne s'empare de l'affaire, c'est dans le huis-clos d'une cour d'arbitrage qu'Elf et Thomson décidèrent, d'abord, de trancher leur différend sur une commission liée à la vente de frégates à Taiwan. Ni l'un ni l'autre n'avait envie de dévoiler sur la place publique certaines moeurs du grand commerce international."135

En lisant certaines décisions concernant l'ordre public, nous comprenons le réalisme de ce journaliste.

L'arrêt Westacre montre la complexité des questions de l'ordre public. Nous ne traitons pas toutes les questions survenues dans cet arrêt, simplement quelques unes pour montrer l'approche de la Commercial Court envers les questions d'ordre public.136

132 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A J), page 377.133 Deutsche Schachtbau- und Tiefbohrgesellschaft mbH v. Ras A1 Khaimah National Oil Company, [1978] 2 Lloyds

Reports, page 246134 Le même grief existe en droit d'arbitrage interne français mais il s'agit d'ordre public français. Voir l'article 1484

6° du NCPC.135 'Le Monde' du mardi, 1 juin 1999.136 Pour plus d'informations sur cette décision, voir l'article de Harris (Jonathan) et Meisel (Frank) dans Lloyds

Maritime and Commercial Law Quarterly, november 1998, page 567. "Public Policy and the enforcement of

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Cette décision concernait le négoce international et les ventes des armes en particulier. Les considérations de l'ordre public ne varient pas notamment d'un secteur du commerce international à un autre. Cette décision peut être citée dans une affaire d'un autre secteur d'activité, comme les travaux publics ou le maritime.

I.2.8.2.3 Westacre v. Jugoimport Queen'sBench Division (Commercial Court) 1997

Cette affaire concerne un contrat de conseil conclu le 12 avril 1988 entre le demandeur, une société panamienne et les défendeurs, diverses entités yougoslaves. Le demandeur, Westacre, était nommé conseiller pour l'obtention de contrats de vente d'armes par l'ex-Yougoslave à Koweït. Le contrat prévoyait qu'il serait gouverné par le droit suisse et que tout litige survenu au contrat serait réglé par la C.C.I. à Genève. La clause 24 des règlements de la C.C.I. exige que la sentence arbitrale soit finale et qu'en se soumettant à l'arbitrage, les parties abandonnent tout droit à un appel.

Le 29 mai 1989, les défendeurs ont conclu un contrat de vente d'armes avec le Koweït. Un document ("la circulaire du MOD") avait été circulé par les autorités koweïtiennes qui prohibaient le recours à des agents ou intermédiaires pour les contrats d'armes. Le 5 juillet 1989, les défendeurs ont résilié leur contrat avec le demandeur sans payer la commission prévue au contrat.

La C.C.I. était saisie et elle a rendu une sentence en faveur du demandeur. Elle a décidé que le contrat n'était pas invalide pour non conformité aux bona mores. Il n'avait pas été démontré que les parties avaient l'intention, quand ils avaient conclu le contrat, que le demandeur obtienne des contrats par des moyens illicites, comme des pots-de-vin. De surplus, il n'était pas établi que la circulaire du MOD faisse partie du droit d'ordre public du Koweït. Un appel devant la Cour d'appel suisse a été rejeté.

Ensuite les demandeurs ont essayé d'obtenir l'exequatur de la sentence arbitrale en Angleterre et l'affaire a été portée devant la Commercial Court. La cour devait considérer s'il était contraire à l'ordre public d'ordonner l'exequatur de la sentence arbitrale.

La Cour a pris en compte le fait que les parties n'avaient aucun lien avec l'Angleterre; les transactions étaient conclues presque 10 ans avant l'audience devant la Cour et le fait que la question d'illégalité avait été déjà tranchée par la C.C.I.

"On balance, I have come to the conclusion that the public policy of sustaining international arbitration awards on the facts of this case outweighs the public policy in discouraging international commercial corruption. Accordingly, the defendants' primary point does not bring them within the public policy exception to enforcement of the award under s. 5(3) of the Arbitration Act, 1975. That conclusion is not to be read as in any sense indicating that the Commercial Court is prepared to turn a blind eye to corruption in international trade, but rather as an expression of its confidence that if the issue of illegality by reason of corruption is referred to high calibre ICC arbitrators and duly determined by them, it is entirely inappropriate in the context of the New York Convention that the enforcement Court should be invited to retry that very issue in the context of a public policy submission."137

La Cour a pris en compte le fait que le contrat était légal selon la loi suisse qui était la loi choisie

international arbitration awards: controlling the unruly horse."137 page 131 de l'arrêt.

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par les parties. En plus, la lecteur de la sentence arbitrale ne donnait pas d'indications de contrariété à l'ordre public du Koweït. La contrariété à l'ordre public n'était pas évidente par une simple lecture de la sentence. Il fallait aller plus loin pour découvrir que les intentions des parties pouvaient être contraires à l'ordre public

La Cour a aussi considéré l'étendue du contrôle que devrait exercer le juge d'exequatur. Il est intéressant de noter l'approche de la cour anglaise envers cette question avec celle de la doctrine que nous verrons ci-dessous.138

" A principle that the policy of the English Courts should be more indulgent of fault in a foreign arbitration than in a domestic arbitration would be quite unsustainable. Indeed there is a strong argument for the policy of the enforcement Court under the New York Convention being less willing than that of a domestic Court of supervisory jurisdiction to permit the reopening of an award on issues of fact. That is because the Convention recogizes that the primary supervisory function in respect of arbitration rests with the Court of supervisory jurisdiction as distinct from the enforcement Court: see art. VI and s. 5(5)."139

Il est intéressant de comparer cette décision avec celles rendues par les ordres judiciaires suisses et françaises dans l'affaire Hilmarton.140 Dans celle-ci la partie opposant l'exequatur a aussi soulever le grief de contrariété à l'ordre public. Il y avait aussi des allégations de trafic d'influence et de pot-de-vin. Il s'agissait aussi d'une sentence rendue par la C.C.I. à Genève.141Nous verrons que les autorités françaises ont manifesté encore moins de reticence à toucher la sentence arbitrale dans l'affaire Hilmarton.

I.2.9 Annulation ou suspension de la sentence

L'article VI de la Convention prévoit que:

"si l'annulation ou la suspension de la sentence est demandée à l'autorité compétente du pays dans lequel ou d'auprès la loi duquel la sentence a été rendue, l'autorité devant qui la sentence est invoquée peut, si elle l'estime approprié, surseoir à statuer sur l'exécution de la sentence; elle peut aussi, à la requête de la partie qui demande l'exécution de la sentence, ordonner à l'autre partie de fournir des sûretés convenables".

L'interprétation judiciaire faite de la Convention de 1927, était que la simple demande d'annulation d'une sentence arbitrale dans son pays d'origine, était suffisante pour motiver un refus de d'exequatur dans un autre Etat contractant.142 Il a été considéré trop facile de retarder l'exécution de la sentence. Dans la plupart des cas la demande d'annulation est faite pour retarder l'exécution de la sentence. Cependant, en même temps, il faut protéger une partie perdante de bonne foi, qui veut contester la validité de la sentence dans son pays d'origine.

Dans l'article V § 1 (e) la Convention prévoit que la demande d'exequatur sera refusée si la sentence a été annulée ou suspendue dans son pays d'origine. L'article VI donne une discrétion

138 voir paragraphe 3.3 de notre étude.139 page 137 de l'arrêt.140 Voir chapitre 3 de notre étude.141 La différence était que dans la sentence rendue par l'arbitre dans l'affaire Hilmarton, l'arbitre a conclu que le

contrat était contre à l'ordre public.142 The New York Arbitration Convention of 1958:van den Berg (A J), page 353

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au tribunal étatique: il "peut" mais il n'est pas obligé de surseoir à l'exécution de la sentence. 143 Il peut aussi demander des sûretés qui peuvent dissuader des actions abusives.

L'article VI représente un compromis, les auteurs de la Convention ne voulaient pas qu'il suffise à une partie désireuse de s'opposer à l'exécution d'une sentence d'introduire une instance en annulation ou en suspension dans l'Etat d'origine de la sentence pour retarder son exécution. D'un autre côté, ils ne voulaient pas qu'on fasse exécuter rapidement une sentence dans un autre Etat alors que la question de sa validité est pendante dans son pays d'origine.144

L'article VI de la Convention n'a pas d'équivalent en droit commun français. En droit anglais, il correspondait à l'article 5 § 5 de l'Arbitration Act, 1975.145 Maintenant, il correspond à l'article 103 §5 de l'Arbitration Act, 1996.

L'article 5 § 5 de la loi de 1975 a été considéré par la Cour d'appel anglaise en mai 1993. 146 Il s'agit d'une sentence arbitrale rendue par la C.C.I. en Suède en faveur de deux sociétés israéliennes contre la république d'Ouganda et une organisation ougandienne.147 Les défendeurs ont exercé un recours contre la sentence en Suéde. Ils ont prétendu qu'il y avait une irrégularité dans la nomination de l'arbitre. Le recours contre la sentence arbitrale devant l'ordre judiciaire suédois a été exercé par les défendeurs en mars 1974. Après divers appels et renvois, l'affaire était toujours devant les tribunaux suédois au moment de l'audience devant la Cour d'appel anglaise en 1993.

En 1991, les demandeurs avaient demandé l'exequatur de la sentence arbitrale en Angleterre. Le juge d'exequatur a réfusé d'accorder l'exequatur; il a donné un ajournement de 3 mois et a demandé aux défendeurs de donner des sûretés pour le montant total de la sentence et intérêts. Pendant la deuxième audience devant le juge d'exequatur, celui-ci a refusé de rétracter son ordonnance initiale mais a accordé permission aux défendeurs de faire appel devant la Cour d'appel.

La cour a rejeté l'appel. Elle a considéré la question de sûreté:

"If the award is manifestly invalid, there should be an adjournment and no order for security; if it is manifestly valid, there should either be an order for immediate enforcement, or else an order for substantial security. In between there will be various degrees of plausibility in the argument for invalidity; and the Judge must be guided by his preliminary conclusion on the

143 Le pouvoir d'appréciation du juge est encore plus évident dans la version anglaise de l'article VII qui utilisent les termes: "..the competent authority .. may, if it considers proper ..."

144 Traité d'arbitrage commercial international , page 997.145 Article 5 § 5 de l'Arbitration Act 1975, prévoyait :

"Where an application for the setting aside or suspension of a Convention Award has been made to such a competent authority as is mentioned in subsection (2) (f) of this section, the court before which enforcement of the award is sought may, if it thinks fit, adjourn the proceedings and may, on the application of the party seeking to enforce the award, order the other party to give security."

Le langage de l'article 103 § 5 de la loi de 1996 est presque identique.146Soleh Boneh International Ltd. And another v. Government of the Republic of Uganda and National Housing

Corporation [ 1993] lloyd's Rep. 2. Page 208.

La demande de l'exequatur était faite sous les dispositions de l'Arbitration Act 1975 qui donnaient force de la loi à la Convention de 1958 en Angleterre. Aujourd'hui, les dispositions de la Convention se trouvent à Section III de l'Arbitration Act, 1996

147 Une sentence provisoire a été rendue en 1974 et une sentence 'finale' en 1978.

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point.

The second point is that the Court must consider the ease or difficulty of enforcement of the award, and whether it will be rendered more difficult, for example, by the movement of assets or by improvident trading, if enforcement is delaid. If that is likely to occur, the case for security is stronger; if, on the other hand, there are and always will be sufficient assets within the jurisdiction, the case for security must necessarily be weaken".

I.2.10 Droit commun et autres traités concernant la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale

La Convention prévoit la possibilité d'un conflit entre ses dispositions et celles d'autre accord signé par un Etat contractant. L'article VII § 1 édicte que:

"1. Les dispositions de la présente convention ne portent pas atteinte à la validité des accords multilatéraux conclus par les Etats contractants en matière de reconnaissance et d'exécution de sentences arbitrales, et ne privent aucune partie intéressée du droit qu'elle pourrait avoir de se prévaloir d'une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise par la législation ou les traités du pays où la sentence est invoquée."

"2. Le Protocole de Genève de 1923 relatif aux clauses d'arbitrage et la Convention de Genève de 1927 pour l'exécution des sentences arbitrales étrangères cesseront de produire leurs effets entre les Etats contractants du jour, et dans la mesure où ceux-ci deviendront liés par la présente Convention".

Le premier paragraphe de cet article contient deux dispositions:

i) Il énonce que la Convention ne prive pas le demandeur d'exequatur de la sentence de se prévaloir, soit du droit commun de pays d'accueil de la sentence, soit d'un autre traité de cet Etat.148

ii) il énonce également que la Convention n'affecte pas la validité des autres traités dans ce domaine des Etats contractants.149

L'exception au premier paragraphe de cet article est contenue dans son deuxième paragraphe: le Protocole de 1923 et la Convention de 1927, "cesseront de produire leurs effets entre les Etats contractants" quand ils adhéront à la Convention de 1958. Etant donné que depuis le début des années soixante-dix, de plus et plus d'Etats ont adhéré à la Convention de 1958, ce deux premiers traités ont perdu une grande partie de leur importance pratique.

I.2.10.1 "More-favorable-right-provision"

L'objectif de cette disposition est de faciliter l'exécution des sentences arbitrales étrangères. Mais la contrepartie est qu'elle ne facilite pas l'harmonisation du droit international concernant l'exécution des sentences arbitrales étrangères.

L'article VII prévoit deux droits pour le demandeur d'exequatur de la sentence: le premier est de se prévaloir de la sentence arbitrale; le deuxième est de la faire reconnaître et exécuter en se référant au régime le plus favorable à sa demande.

148 Le terme de A J van den Berg est "more-favorable-right-provision, The New York Arbitration Convention of 1958, page 81.

149 Le terme utilisé par A J van den Berg est le "compatibility-provision."

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Un auteur a constaté que la convention ne contient que les conditions minimums pour la reconnaissance ou l'exécution des sentences arbitrales et les Etats contractants peuvent avoir des régimes plus favorables. Il a expliqué comment un régime plus favorable à l'exécution des sentences peut se matérialiser:

"La convention de New York ne définit pas les conditions d'exécution des sentences étrangères. Elle ne fait qu'établir un seuil. Les juridictions d'exécution liées par la Convention n'ont ainsi pas le droit de poser des conditions autres que celles admises par la Convention, mais elles sont parfaitement libres d'en poser moins. Un régime plus favorable à l'exécution peut apparaître de deux manières:

- par des législations ou par des traités plus favorables, dont l'application des unes ou des autres est non seulement tolérée, mais obligatoire, en vertu de l'article VII de la Convention de New York qui dispose que toute partie se prévalant d'une sentence est en droit d'invoquer un régime plus favorable à l'exécution; cette possibilité ne souffre pas de discussion;

- par voie prétorienne, le juge d'exécution usant de son pouvoir discrétionnaire pour ne pas tenir compte de l'un ou de plusieurs motifs de refus reconnus par l'article V de la Convention; le caractère discrétionnaire de cet article a parfois été critiqué mais nous pensons avoir démontré qu'il est textuellement incontestable."150

L'opinion exprimé par l'auteur décrit la position du droit français d'arbitrage international. Néanmoins, elle n'est pas partagée par toute la doctrine.151

I.2.10.2 Compatibility provision.

Quand une sentence arbitrale tombe dans le champ d'application de la Convention de 1958 et aussi celui des autres traités bilatéraux et multilatéraux, il faut examiner le rapport entre ces traités selon trois séries de dispositions: 1) celles de la Convention de 1958; 2) les règles de conflit de traités; et 3) les dispositions de l'autre traité en question152.

L'article VII § 1 de la Convention de 1958 prévoit que ses dispositions n'affectent pas la validité des "autres accords multilatéraux ou bilatéraux conclus par les Etats contractants en matière de la reconnaissance et l'exécution de sentences arbitrales." Le "more-favorable-right provision" ajoute qu'une partie demandeur peut fonder sa demande pour la reconnaissance et l'exécution de la sentence sur les dispositions des autres traités applicables dans l'Etat où la demande est faite.

En ce qui concerne les règles de conflit des traités, les deux principes traditionnaux sont lex posterior derogat priori et lex specialis derogat generali. Un troisième a été développé plus récemment: la règle d'efficacité maximale. Selon ce dernier principe, il faut appliquer le traité qui favorise la validité dans un cas particulier. En ce qui concerne l'arbitrage, la règle d'efficacité maximale prévoit l'application du traité qui favorise la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale, même si elle n'est ni la plus récente, ni la plus spécifique.

A J van den Berg a constaté que:

" The compatibility- and mfr[more-favorable-right] provision can be considered as a reflection of the

150 "L'exécution des sentences arbitrales dans le monde de demain": Paulsson (Jan), Rev. arb. 1998, page 637.151 Voir paragraphe 2.10.3 et notre étude.152 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg ( A J), page 91

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principle of maximun efficacy. The principe can therefore be said to be implied in the New York Convention itself. Moreover, the main purpose of the Convention to facilitate enforcement can equally be held in accordance with this principle.153"

I.2.10.3 Jurisprudence française

Dans l'arrêt Norsolor , la Cour de cassation154 a examiné la coordination de la Convention de 1958 et le droit commun français. La Cour d'appel de Paris, avait réformé un jugement du Tribunal de grande instance de Paris rejetant une demande de rétractation d'une ordonnance d'exequatur. La Cour d'appel s'est bornée au fait que la sentence (rendue à Vienne) avait été partiellement annulée par arrêt de la Cour d'appel de Vienne du 29 janvier 1982, en se fondant sur la Convention de 1958, dont l'article V § 1 (e) qui prévoit dans ce cas un tel rejet.

L'arrêt est cassé, au vu de l'article VII de la Convention et de l'article 12 du NCPC. La Cour de Cassation a statué sur un moyen unique:

"Vu, ensemble, l'article 7 de la Convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences étrangères, signée à New York le 10 juin 1958 et l'article 12 du nouveau Code de procédure civile;Attendu que, d'après le premier de ces textes, les dispositions de la Convention ne privent aucune partie intéressée du droit qu'elle pourrait avoir de se prévaloir d'une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise par la législation ou les traités du pays où la sentence est invoquée; qu'il en résulte que le juge ne peut refuser l'exequatur lorsque son droit national l'autorise et que, en vertu du second, il doit donc, même d'office, se livrer à cette recherche".155

Selon le raisonnement de la Cour, si le droit national du pays où la demande de l'exequatur est faite, n'autorise pas le refus de la demande pour un motif retenu par la Convention, l'exequatur doit être accordé. Il pourrait bien en être le cas en l'espèce, puisque l'annulation de la sentence dans le pays où elle a été rendue ne figurait pas parmi les cas d'ouverture de l'opposition à l'ordonnance d'exequatur en droit national français au moment où la sentence a été rendue.156

B. Goldman a constaté que:

"L'arrêt rapporté est également remarquable en ce qu'il ne laisse pas simplement la faculté, mais fait une obligation, aux juges du fond de rechercher, conformément à l'article 7 de la Convention de New York, si l'exequatur ne peut pas être accordé, même dans un cas où la Convention permettrait de l'écarter, sur le fondement du droit commun français (où le cas échéant, d'une autre Convention internationale liant la France).

L'annulation d'une sentence arbitrale dans son pays d'origine, ne figure pas parmi le cas d'ouverture de refus d'exequatur de la sentence en droit commun français.157

La Cour de Cassation a affirmé sa jurisprudence dans l'arrêt, Polish Ocean Liners, du 10 mars

153 The New York Arbitration Convention of 1958 , page 91154 Société Pabalk Ticaret Sirketi c/ Société Norsolor, Rev. arb. 1983., page 428.155 Soulignement ajouté.156"La Cour de Cassation s'était prononcée sous l'empire de l'article 1028 de l'ancien code de procédure civile, alors

applicable en l'espèce, la sentence litigieuse étant antérieure à la publication du décret du 12 mai 1981, mais la solution était transposable sous l'empire de l'article 1502 du NCPC." Note de Loic Cadiet, D.M.F. 1994, page 32

Voir aussi note de B. Goldman, Rev. arb. 1983, page 431.157 Voir l'article 1502 du NCPC.

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1993.158 En espèce, une sentence arbitrale a été rendue en Pologne le 17 mars 1990 et le 30 avril 1990 une ordonnance d'exequatur a été donnée en France qui a été confirmée par la cour d'appel de Douai le 18 avril 1991. En même temps, un recours en annulation a été engagé en Pologne et la sentence y a été suspendue par une décision du 22 mai 1990.

La Cour de Cassation a constaté que la suspension ou l'annulation de la sentence dans son pays d'origine est bien un cas de refus d'exequatur dans les autres pays prévu par la Convention de 1958, mais qu'il ne figure pas dans la liste des griefs de l'article 1502 du NCPC; en application de l'article VII de la convention de 1958, cette suspension ne saurait donc autoriser un refus d'exécution de la sentence en France.

La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi et elle a statué sur un moyen unique:

"l'article VII de la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, à laquelle la France et la Pologne sont parties, ne prive aucun intéressé du droit de se prévaloir d'une sentence arbitrale, de la manière et dans le mesure admise par la législation du pays où la sentence est invoquée 159; qu'il en résulte que le juge français ne peut, lorsque la sentence a été annulée ou suspendue par une autorité compétente du pays dans lequel elle a été rendue, refuser l'exécution pour ce cas qui n'est pas au nombre de ceux énumérés par l'article 1502 du nouveau Code de procédure civile, bien qu'il soit prévu par l'article V 1 (e) de la convention de 1958."

Cette jurisprudence a été confirmée par la Cour de cassation dans l'affaire Hilmarton que nous étudierons dans le chapitre suivant.

158 Société Polish Ocean Liners c/ Société Jolasry, D.M.F.1994, page 28 et note de Loic Cadiet, page 29159 Soulignement ajouté.

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Chapitre 3: Deux décisions polémiques

L'affaire Hilmarton a confirmé la jurisprudence de Norsolor et Polish Ocean Liners. Elle montre les diverses difficultés associées avec l'exécution de la sentence arbitrale au niveau international: les problèmes qui peuvent surgir à cause de divergences entre les dispositions de la Convention de 1958 et ceux des droits nationaux. Elle démontre également l'interprétation restrictive donnée au principe de l'ordre public par les juges suisses et français.

Cette affaire concerne un contrat de travaux publics. Néanmoins, elle est relevante pour d'autres secteurs d'arbitrage international commercial comme le maritime, les ventes internationales et l'assurance où il arrive que l'exécution d'une sentence soit demandée dans un Etat autre que celui où elle a été rendue. Ils forment tous des branches différentes de l'arbitrage commercial international.

Nous avons choisi d'étudier l'affaire Hilmarton parce qu'elle illustre mieux que Norsolor et Polish Ocean Liners, les problèmes associés avec l'exécution de la sentence arbitrale au niveau mondial. Elle a été aussi largement commentée par la doctrine, nous avons donc le bénéfice des commentaires d'éminents auteurs dans ce domaine.

I.3.1 L'affaire Hilmarton

I.3.1.1 En Suisse:

Nous résumerons les faits de cette affaire. Oninium de Traitement et de Valorisation (OTV) s'est intéressée à un appel d'offre lancé par les autorités algériennes concernant l'étude et la réalisation des travaux publics dans la ville d'Alger. Elle souhaitait que la société Hilmarton Limited (Hilmarton), l'aide à participer au concours organisé par les autorités algériennes et à obtenir le marché. Dans ce but, les deux sociétés ont conclu un protocole d'accord le 12 décembre 1980.

Selon ce protocole, le rôle d'Hilmarton était celui de "conseil juridique et fiscal ainsi que la coordination dans le domaine administratif entre les différents participants à l'exécution dudit projet". Le protocole était soumis à la condition suspensive de la signature par OTV du marché d'étude et de réalisation des travaux publics. OTV s'est engagé à payer Hilmarton en rémunération des honoraires dont le montant serait égal à 4 % du montant total du marché. Le paiement des honoraires serait versé suivant un échéancier et le dernier solde devrait être versé, au plus tard, deux ans après le premier acompte. Le contrat des parties prévoyait une clause d'electio juris en faveur de la loi suisse, et prévoyait que tout litige dont il pourrait être l'objet serait "résolu par arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale " à Genève.

En 1983, OTV a obtenu le marché. En 1984, elle a versé la première échéance de 50 % des honoraires prévues par le protocole par divers paiements. En 1985, les relations entre les parties semblent se détériorer:: OTV s'est plaint des "carences" d'Hilmarton dans "le respect du contrat" entre les deux parties et elle n'a pas honoré le solde des honoraires de 50 %.

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Néanmoins, Hilmarton a accepté, par principe, de "prendre en considération les versements qui auraient pu être faits directement par OTV à des représentants locaux." Cependant, aucun accord n'est intervenu entre les parties et Hilmarton a saisi la C.C.I. qui a désigné un arbitre à Genève. C'est devant celui-ci que OTV a soulevé la nullité du contrat pour violation de la loi algérienne du 11 février 1978 sur le commerce extérieur.

Sentence arbitrale du 19 aout 1988

L'arbitre a rendu sa sentence le 19 août 1988.160 Il a débouté Hilmarton de toutes ses conclusions et l'a condamné à payer les frais d'arbitrage. Selon lui, le contrat entre les parties lui parut contraire à la loi algérienne du 11 février 1978. Il a conclu que cette loi comportait une "idée de portée générale à respecter par tous les ordres juridiques désireux de lutter contre la corruption" et que la violation d'une telle loi devait être jugée comme contraire à la notion de bonnes moeurs de l'ordre public suisse. Dans la mesure où la loi suisse était la loi choisie par les parties, il a conclu que le contrat était nul au regard de cette loi.

Cour de Justice du Canton de Genève

Ensuite, Hilmarton a exercé un recours en nullité contre la sentence arbitrale devant la Cour de Justice du Canton de Genève.161 Le 22 septembre 1988, la cour a déclaré recevable le recours et a annulé la sentence. La cour a constaté que l'arbitre, à juste titre, a retenu que le contrat liant les parties était un contrat de courtage. Un tel contrat est conforme au droit suisse même si les parties n'ont pas exactement voulu ce qui était exprimé dans le contrat parce que ce qu'elles voulaient en réalité était contraire à une loi algérienne.

Il avait été révélé, pendant l'arbitrage, qu'une grande partie du travail à effectuer par Hilmarton ne consistait pas à donner des conseils juridiques et fiscaux. Ce travail consistait en fait, à entreprendre toutes les démarches utiles en vue de l'obtention du marché, notamment des démarches auprès des fonctionnaires ou des responsables du gouvernement algérien.

La cour a constaté que la loi algérienne 78-02, prohibait l'usage des intermédiaires. Il a été établi au cours de l'arbitrage que le travail d'Hilmarton consistait à exercer une influence sur l'administration algérienne pour faire attribuer le marché convoité par OTV. La cour a constaté que le Tribunal fédéral suisse a toujours posé comme règle qu'un contrat n'était pas nul pour illégalité quand il permet de réaliser à l'étranger une affaire prohibée par la loi locale mais licite selon le droit suisse.

La cour s'est référée à un arrêt du tribunal fédéral qui:

"avait précisé que c'est sous l'angle de l'attente aux bonnes moeurs que la transgression d'une norme étrangère doit être appréciée. Pour qu'elle puisse être appliquée à un contrat du droit suisse, il faut que la disposition étrangère violée doive servir à la protection des intérêts de l'individu et de la communauté humaine, intérêts qui, aux yeux de tous, sont d'une importance fondamentale; sinon, il doit s'agir de biens juridiques, qui, au regard de l'éthique, revêtant une importance plus grande que la liberté contractuelle."

160 Le déroulement de l'affaire Hilmarton devant l'arbitre est décrit par Vincent Heuzé dans son article "La morale, l'arbitre et le juge", Rev. arb. 1993, page 179

161 Rev. arb. 1993, page 316

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La cour, a jugé que les parties ont voulu violer la loi algérienne 78-02 mais que cette violation ne constituait pas une violation des bonnes moeurs selon le droit suisse, seul droit applicable en espèce. La cour a rappelé que l'arbitre a constaté qu'aucun pot-de-vin n'était ni prévu, ni payé, et que les intermédiaires n'avaient pas "pour mission de détourner les fonctionnaires ou les ministres de leur mission par des manoeuvres de corruption".162 Un tel suivi d'un dossier au sein de l'administration ne choquait pas le droit suisse.163

Tribunal Fédéral Suisse

OTV a fait appel devant le Tribunal Fédéral Suisse qui a rejeté son appel le 17 avril 1990. Elle a déduit des faits qu'Hilmarton ne s'est pas livrée à un trafic d'influence et n'avait "d'autre activité que celle d'un démarcheur ou d'un négociateur". Le contrat et les actes de parties devaient être analysés selon le droit suisse. L'accord des parties devait être qualifié de contrat de courtage. Ce contrat n'était pas illicite ou "contraire aux bonnes moeurs suisses (article 20 CO) puisqu'il ne prévoit ni pots-de-vin, ni trafic d'influence, ni 'lobbyisme', ni 'intervention d'insider', et n'a pas donné lieu à de telles pratiques."

La Cour Fédéral a statué qu'un contrat contrevenant un droit étranger ne peut être considéré comme contraire aux bonnes moeurs suisses que dans certaines conditions:

'Il faut, pour cela, que la norme violée soit d'une telle portée qu'en acceptant sa violation on pourrait, même en Suisse, créer une confusion de notions morales préjudiciable au bien public et, du même coup, porter atteinte à l'ordre public suisse. Le contenu de la norme et les effets de sa violation doivent être jugés restrictivement. La prescription étrangère dont on invoque la violation doit servir à la protection d'intérêts individuels et de la communauté humaine qui, d'après la conception générale, sont d'une importance fondamentale, vitale, et, de toute façon, viser à la défense de biens juridiques qui, d'après la conception éthique, passent avant la liberté contractuelle qui seule justifierait la validité du contrat en Suisse (ATP 76 II 41 consid. 8)."

La cour a considéré que la loi algérienne, qui interdit toute intervention d'intermédiaires à l'occasion de la conclusion d'un contrat, "même en l'absence de pots-de-vin, trafic d'influence ou activités douteuses" constituait au regard du droit suisse une "lourde atteinte à la liberté contractuelle" et elle ne peut "à défaut d'activités qui seraient aussi qualifiées de douteuses en Suisse, passer, sur le plan éthique, avant les principes généraux et fondamentaux du droit lié à la liberté contractuelle".

La Cour a considéré que: "La négociation, par intermédiaires, de contrats avec l'administration, sans qu'interviennent des manoeuvres douteuses, fait partie des activités entrant normalement, et par définition, dans celles des courtiers, au même titre que la négociation de contrats entre privés." Par conséquent, la Cour fédéral suisse (Première cour civile) a rejeté le recours formé contre l'arrêt du 17 novembre par la société OTV.

162 soulignement ajouté.163 En plus, la cour a statué que la sentence doit être annulée pour un autre motif: "Pour le surplus, la Cour devrait de

toute manière annuler la sentence pour un autre motif: le résultat auquel parvient l'arbitre est arbitraire."

D'auprès, le Tribunal Fédéral suisse, les parties ont exécuté un contrat en acceptant que Hilmarton a accompli un travail qui était contraire le droit algérien. Hilmarton a accompli ce travail et c'était "choquant" que OTV refusait à une exécution des ses obligations contractuelles.

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Doctrine

Les décisions des deux tribunaux suisses ont été critiquées par Vincent Heuzé.164 Considérant la "nature protectionniste" de la loi algérienne, remarqué par la Cour Fédéral, il a constaté :

[Qu'il n'est pas sain] "pour un Etat de se réserver le monopole du commerce extérieur, rares sont ceux qui, aujourd'hui, persistent à en disconvenir. Que les autorités judiciaires suisses soient réticentes à apporter leurs concours à la réalisation d'une telle politique, on peut certainement l'admettre. Mais, en l'espèce, la question n'était évidemment pas là . Ce qui était en cause était seulement de savoir s'il était légitime, de la part du droit algérien, d'interdire à des intermédiaires d'intervenir auprès de fonctionnaires chargés de la mise en oeuvre d'une procédure d'adjudication portant sur un marché public.165 Or prendre prétexte, pour répondre par la négative à cette question, de ce que la règle ayant édicté une telle interdiction se trouve contenue dans une loi qui se présente, par son intitulé, comme 'relative au monopole de l'Etat sur le commerce extérieur', c'est là, nous semble-t-il, pousser l'aveuglement idéologique un peu loin. Et prétendre assimiler 'le suivi' d'un dossier au sein des administrations suisses et algériennes, c'est faire preuve d'une ingénuité à ce point invraisemblable qu'il n'est pas permis de ne pas la croire purement affecté."

M. Heuzé a invoqué la situation difficile des fonctionnaires dans les pays en voie de développement. Des pays qui sont soumis à des restrictions budgétaires avec des économies endettées et, par conséquent, les fonctionnaires sont mal rémunérés et le plus souvent en retard. Dans de tels conditions, il estime que nous ne pouvons pas reprocher à ces Etats de vouloir contrôler les activités des intermédiaires, pour combattre la corruption et le trafic d'influence qui sont 'un terrible fléau' pour leur économie et organisation sociale.

Au vu des décisions d'annulation, la société Hilmarton a sollicité et obtenu la reprise de la procédure d'arbitrage. L'affaire a été rejugée au fond par un autre arbitre qui a rendu sa sentence à Genève, le 10 avril 1992. Cette seconde sentence a condamné OTV à payer les honoraires stipulés au contrat.

I.3.1.2 En France

"Première sentence arbitrale" du 19 aout 1988.

Entre temps, l'affaire et la controverse ont traversé la frontière et sont devenues plus compliquées. Le 27 février 1990, le président du Tribunal de grande instance de Paris a accordé l'exequatur à la première sentence arbitrale du 19 août 1988. Et, par arrêt du 19 décembre 1991, la Cour d'appel de Paris a confirmé cette ordonnance. La Cour s'est fondée sur l'article VII de la Convention de 1958, et a constaté que l'annulation de la sentence dans le pays où elle a été rendue ne constituait pas aux termes de l'article 1502 NCPC, un cas de refus d'exequatur.166

Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation (première chambre civile), le 23 mars 1994, en retenant dans ses motifs que:

"Attendu, ensuite c'est à juste titre que l'arrêt attaqué décide qu'en application de l'article VII de la Convention de New York du 10 janvier 1958, la société OTV était fondée à se prévaloir des

164 "La morale, l'arbitre et le juge": Vincent Heuzé, Rev. arb. 1993, page 178.165 soulignement ajouté.166 Rev. arb. 1993, page 329.

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règles françaises relatives à la reconnaissance et l'exécution des sentences rendues à l'étranger en matière d'arbitrage international et de l'article 1502 du nouveau Code de procédure civile qui ne retient pas, au nombre des cas de refus de reconnaissance et d'exécution, celui prévu par l'article V de la Convention de 1958;

Attendu, enfin, que la sentence rendue en Suisse était une sentence internationale qui n'était pas intégrée dans l'ordre juridique de cet Etat, de sorte que son existence demeurait établie malgré son annulation et que sa reconnaissance en France n'était pas contraire à l'ordre public international."167

La Cour s'est fondée sur deux affirmations: d'abord, l'application du principe de la règle de la loi la plus favorable à l'exécution et deuxièmement, l'absence d'intégration de la sentence internationale dans l'ordre juridique de l'Etat sur le territoire duquel elle a été rendue.

Arrêt du Tribunal fédéral suisse du 17 avril 1990

Par acte d'huissier du 26 juin 1992, la société Hilmarton a assigné la société OTV devant le Tribunal de grande instance de Nanterre pour faire déclarer exécutoire en France l'arrêt rendu le 17 avril 1990 par le Tribunal fédéral suisse confirmant l'annulation de la première sentence arbitrale. Par jugement du 22 septembre 1993, le tribunal l'a déclarée exécutoire en France.

"Seconde sentence arbitrale" du 10 avril 1992

En outre, la société Hilmarton a aussi sollicité du Président du Tribunal de grande instance de Nanterre l'exequatur de la seconde sentence arbitrale du 10 avril 1992.168 Cet exequatur a été accordé par ordonnance du 25 février 1993.

Trois exequaturs

Ensuite, l'affaire est portée devant la Cour d'appel de Versailles qui a rendu deux arrêts le 29 juin 1995.169

1. Le premier arrêt concernant l'appel contre le jugement de tribunal de grande instance de Nanterre qui a déclaré exécutoire en France l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral suisse du 17 avril 1990 qui a confirmé l'annulation de la sentence arbitrale.

La Cour a statué:

"Que contrairement à la thèse de la société OTV, l'ordre public international français ne s'oppose pas à la reconnaissance d'une décision étrangère ayant pour effet d'annuler une sentence arbitrale revêtue de l'exequatur en France."

2. Le deuxième arrêt concerne l'exequatur de la (seconde) sentence arbitrale en France. La Cour a rejeté l'appel contre l'exequatur de la sentence du 10 avril 1992. Elle a statué:

167 Rev. arb. 1994, page 328. Voir aussi note du Professeur Jarrosson, page 329.168 Nous rappelons que cette seconde sentence est complètement contraire sur le fond à la première sentence rendue

dans l'affaire.169 Société OTV c/ société Hilmarton, Rev. arb. 1995, page 639.

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"Que contrairement à la thèse de la société OTV, l'ordre public international français ne s'oppose pas à la reconnaissance d'une sentence arbitrale prise à la suite de l'annulation dans sont pays d'origine, d'une sentence préalablement rendue et ayant obtenu en France l'exequatur."

La Cour a statué, dans les deux arrêts, que le contrat litigieux n'était pas contraire à l'ordre public international. La Cour a constaté que les tribunaux suisses ont retenu l'absence de toute corruption et ils ont relevé qu'Hilmarton avait exercé une activité de courtier licite.

Egalement, dans les deux arrêts, sur la question de la coexistence de deux décisions inconciliables, la Cour a considéré que:

"Considérant toutefois que s'il est de principe, qu'en matière d'arbitrage international, l'annulation d'une sentence dans le pays où elle a été rendue n'est pas en soi une circonstance qui autorise le juge français à lui refuser l'exequatur, et qu'ainsi, l'annulation par le Tribunal fédéral suisse de la sentence prononcée le 19 août 1988 n'interdisait pas la 'reconnaissance' de cette sentence dans l'ordre judiciaire français, l'exequatur de cette sentence, tel qu'obtenu avant qu'elle ne fut anéantie dans l'ordre juridique suisse, ne peut cependant avoir pour effet de figer le litige dans l'ordre juridique français 170 au stade où il se trouvait à la date de cette sentence, et de rendre de la sorte inefficaces en France les recours régulièrement formés dans l'ordre juridique étranger contre cette sentence."

Le Professeur Jarrosson a commenté sur un nombre de difficultés associées aux motifs de la Cour d'appel de Versailles171.

Ces deux arrêts ont produit une situation difficile à comprendre dans l'ordre juridique français: l'exequatur était conféré à une "seconde" sentence arbitrale rendue en Suisse en 1992, contraire à une "première" sentence rendue en Suisse en 1988 dans la même affaire, laquelle avait déjà reçu l'exequatur en France. En outre, l'exequatur était conféré à une décision du Tribunal fédéral suisse qui avait annulé la "première" sentence. Ces deux arrêts ont été frappés par un pourvoi.

La fin de l'affaire en France

Le 10 juin 1997, la Cour de Cassation a cassé et annulé les deux arrêts de la Cour d'appel de Versailles, sans renvoi. Elle a statué que la Cour d'appel de Versailles en accordant l'exequatur à l'arrêt du 17 avril 1990 et à la sentence du 10 avril 1992 a violé l'article 1351 du Code civil.

"Vu l'article 1351 du Code Civil:Attendu que la société française Omnium de traitement et de valorisation a confié à la société anglaise Hilmarton une mission de conseil et de coordination afin d'obtenir un marché de travaux en Algérie; que la société Hilmarton a mis en œuvre la procédure arbitrale prévue au contrat pour le paiement d'un solde d'honoraires; que cette demande a été rejetée par une sentence arbitrale rendue à Genève le 19 août 1988; que cette sentence a été annulée par un arrêt du Tribunal fédéral suisse du 17 avril 1990, mais a été déclarée exécutoire en France par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 décembre 1991, devenu irrévocable à la suite du rejet du pourvoi intervenu le 23 mars 1994; qu'entre temps, l'instance arbitrale ayant été reprise en Suisse, une seconde sentence, rendue le 10 avril 1992, a accueilli les demandes de la société Hilmarton;Attendu que les deux décisions attaquées ont, malgré l'arrêt de rejet de la Cour de cassation du 23 mars 1994, accordé l'exequatur à l'arrêt du 17 avril 1990 et à la sentence du 10 avril 1992;Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'existence d'une décision française irrévocable portant

170 soulignement ajouté.171 Rev. arb. 1995, page 650.

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sur le même objet entre les mêmes parties faisait obstacle à toute reconnaissance en France d'une décision judiciaire ou arbitrale rendue à l'étranger incompatible avec elle, la Cour d'appel a violé le texte susvisé."

La cassation des arrêts de la Cour de Versailles a entraîné l'anéantissement de l'exequatur de la seconde sentence Hilmarton et l'arrêt du Tribunal fédéral suisse. La Cour de cassation a mis fin, en France, aux contentieux post-arbitraux ayant opposé OTV à Hilmarton, et au désordre qu'il avait provoqué.

En France, après les décisions Hilmarton, la jurisprudence s'est affirmée. Dans un arrêt du 14 janvier 1997, la Cour d'appel de Paris a déclaré exécutoire en France une sentence arbitrale rendue en Egypte et annulée par la Cour d'appel du Caire.172 Un autre arrêt, plus reconnu, concernant la même affaire a été rendue par le US District Court of Columbia le 31 juillet 1996.173 Cette affaire a fait un émule aux Etats-Unis, le juge qui a accordé l'exequatur s'est fondé sur l'article VII de la Convention de 1958. La doctrine a tendance à comparer les affaires Hilmarton et Chromalloy.

I.3.2 Chromalloy Aeroservices c/ République Arabe d'Egypte174

Cette affaire concernait un marché qui a été conclu le 16 juin 1988 entre Chromalloy Aeroservices Inc. (CAS) et l'Egypte. Le marché portait sur la fourniture de pièces de rechange ainsi que sur des services d'inspection et de réparation d'hélicoptères appartenant à l'armée de l'air égyptienne. En décembre 1991, l'Egypte a résilié le marché. CAS a refusé d'accepter la résiliation et les parties se sont engagées dans une longue procédure d'arbitrage. Le tribunal arbitral a décidé à la majorité que le contrat avait été résilié de manière fautive. Le 24 août 1994, la sentence arbitrale a été rendue qui a condamné Egypte à payer divers sommes à CAS.

Le 5 décembre 1995, la Cour d'appel égyptienne du Caire a rendu une décision annulant la sentence arbitrale.175

172 Rev. Arb. 1997, page 395, note de Philippe Fouchard. Le 4 mai 1995, plusieurs mois avant l'annulation de la sentence en Egypte, le Tribunal de grande instance de Paris avait ordonné l'exequatur de la sentence. L'Egypte avait demandé à la Cour d'appel de Paris de rétracter l'exequatur et la Cour a refusé de la faire.

173 Rev. arb. 1997, page 439.174 Rev. Arb. 1997, page 339, exposé des motifs (traduction non officielle) d'arrêt Chromalloy Aeroservices c/

République arabe d'Egypte, Tribunal de District des Etats-Unis pour le District de Columbia. 175 La Cour d'appel du Caire a annulé la sentence, en se fondant sur l'article 53 (1) (d) de la loi égyptienne de 1994,

selon lequel l'action en annulation est recevable "si la sentence arbitrale a écarté l'application au fond du litige de la loi convenue par les parties." La cour avait constaté que les arbitres auraient dû appliquer le droit administratif, et non le droit civil égyptien. Voir le commentaire sur cette décision par le Professeur Fouchard dans Rev. arb. 1997, page 329, " La portée internationale de l'annulation de la sentence arbitrale dans son pays d'origine." Aussi la commentaire de Jan Paulsson dans Bulletin de la C.C.I., N9/N° 1 mai 1998, page 16.

M. van den Berg a aussi commenté sur cette décision dans un article: "L'exécution d'une sentence arbitrale en dépit de son annulation?", Bulletin de la Cour International d'arbitrage, Vol. 9/ n° 2, 1994, page 15. Il a noté que:

"Cette décision de la Cour d'appel égyptienne est à tout la moins surprenante. Elle l'est d'autant plus lorsqu'on sait que même le témoin expert de l'Egypte avait exprimé l'opinion que le tribunal arbitral pouvait appliquer indifféremment le droit civil ou administratif égyptien et en arriver au même résultat. Cette opinion a en outre été exprimée par le conseil de l'Egypte, qui a dans son mémoire soumis que: 'de l'examen des questions juridiques suivantes, je conclus qu'au regard du droit administratif comme du droit civil, la solution juridique est identique ..."

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Le 28 octobre 1994, CAS avait saisi le US District Court of Columbia d'une demande d'exequatur. Le Tribunal devait, par conséquent faire un choix: soit reconnaître la sentence, soit s'estimer empêcher de le faire compte tenu de l'annulation de la sentence en Egypte. Le Tribunal (à juge unique: June L. Green) a rendu sa décision le 31 juillet 1996 et a ordonné l'exequatur de la sentence arbitrale.

Le Tribunal a constaté que l'exequatur de la sentence relevait de la Convention de 1958 et aussi la loi américaine concernant l'arbitrage. La demande de CAS a été faite dans les délais prescrits par la loi américaine. Le demandeur a aussi respecté les dispositions de l'article IV de la Convention de 1958.

Le Tribunal a analysé les termes de l'article V de la Convention. Le Tribunal a considéré qu'il devait accueillir la demande de reconnaissance et d'exequatur de la sentence arbitrale sauf s'il constatait l'un des motifs de refus prévues par la Convention. En vertu de la Convention, la reconnaissance et l'exequatur pouvait être refusées si l'Egypte apportait la preuve qu'elle a été annulée par "une autorité compétente du pays dans lequel, ou en vertu de la loi duquel, cette sentence a été rendue." (article V,§ 1 (e) de la Convention de 1958).176 En espèce, la sentence a été rendue en Egypte, en application de la loi égyptienne, et a été annulée par la juridiction désignée par l'Egypte pour contrôler les sentences arbitrales. En conséquence, le tribunal pouvait, à sa discrétion, refuser d'accorder l'exequatur de la sentence.177

Le Tribunal a également considéré les dispositions de l'article VII, §1 de la Convention et a conclu que la Convention ne privait aucune partie du droit qu'elle pourrait avoir de se prévaloir d'une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise par la législation ou les traités du pays où la sentence est invoquée.178En vertu de la Convention, CAS conservait tous les droits à l'exequatur de la sentence qu'elle aurait en l'absence de la Convention. En espèce, au-delà de la Convention, il s'agit de la législation américaine concernant l'exécution des sentences arbitrales étrangères (le Federal Arbitration Act).

"Selon la loi américaine, les sentences arbitrales sont présumées avoir un caractère obligatoire, et ne peuvent pas être annulées par un tribunal que dans des conditions très limitées." 179 Le Tribunal a constaté qu'une sentence arbitrale "sera également annulée si la sentence a été rendue en 'méconnaissance manifeste' de la loi." Le Tribunal a constaté que: "En effet, nous avons jugé dans le passé qu'il est clair qu'[une méconnaissance manifeste] signifie plus qu'une erreur ou une méprise à propos de la loi."180

En espèce, le tribunal a considéré que la sentence comportait au pire une erreur de droit, et il n'était pas susceptible de contrôle de la part du Tribunal de céans. Le tribunal a conclu que la sentence était régulière au regard de la loi américaine.

Ensuite, le tribunal a examiné la question de savoir si la décision de la juridiction égyptienne

176 Rev. arb. 1997, page 442. L'acteur de la traduction mentionne que le tribunal a considéré les circonstances d'annulation d'une sentence arbitrale.

177 Soulignement ajouté. Voir l'article de M. van den Berg, mentionné ci-dessus, où il lui apparaît douteux que le pouvoir discrétionnaire résiduel du juge puisse s'étendre au cas d'une sentence qui a été annulée dans le pays où elle a été rendue.

178 Il s'agit du "droit à la législation la plus favorable", d'auprès M. van den Berg.179 Traduction de Rev. arb. 1997, page 440.180 Traduction de Rev. arb. 1997, page 444. Stricto senso, le Tribunal était n'était pas concerné par l'annulation mais

par l'exequatur. Soulignement ajouté.

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devait être reconnue comme une décision étrangère régulière. Le tribunal a analysé les articles du marché conclu entre les parties et en particulier l'annexe E qui déterminait la juridiction arbitrale compétente" et qui imposait aux parties de soumettre à l'arbitrage tous les litiges s'élevant entre elles dans le cadre du marché. Le tribunal a conclu que la convention d'arbitrage entre les parties excluait un appel devant les tribunaux égyptiens.

Cependant la cour égyptienne a rendu une décision et l'Egypte a demandé au Tribunal de céans de reconnaître l'autorité de la chose jugée à cette décision. Le Tribunal a considéré qu'une décision reconnaissant la décision de la juridiction égyptienne méconnaîtrait l'ordre public américain. En conséquence, le Tribunal a accueilli la demande de CAS en reconnaissance et en exequatur de la sentence arbitrale et a rejeté la demande de l'Egypte.

I.3.3 Doctrine et le rôle du pays d'origine de la sentence arbitrale.

Les affaires Hilmarton et Chromalloy ont déclenché une vive discussion parmi les auteurs de l'arbitrage international. Le quarantième anniversaire de la Convention de 1958 a donné l'occasion à la doctrine de réexaminer les dispositions de la Convention et en particulier l'importance du rôle du siège d'arbitrage dans le contrôle de la sentence arbitrale par le juge étatique.

Recel en importance du siège d'arbitrage

Le professeur Fouchard a constaté que même si la Convention de 1958 accorde une position importante au pays d'origine de la sentence, l'effet international de l'annulation de la sentence dans ce pays est en recul.181 La première atteinte au régime de la Convention New York est intervenue avec la Convention européenne de 1961.182Deuxièmement, à partir des années 1980, certains juges nationaux, en particulier en France, ont refusé de tenir compte de l'annulation de la sentence dans son pays d'origine. M. Fouchrd a approuvé "la jurisprudence franco-américaine" de Hilmarton et Chromalloy qui selon lui applique correctement l'article VII de la Convention et est fidèle à son esprit. Il est d'avis que le contrôle de la sentence arbitrale dans le système de 1958 est "trop étendu" et que "les griefs recevables devraient être restreints ou autrement définis." Pour l'avenir, il a réfléchi sur quelques directions possibles pour l'arbitrage avant de prendre position en faveur d'une limitation du contrôle judiciaire de la sentence arbitrale au seul moment de sa demande d'exequatur dans un pays déterminé.183

Application des Conventions de Bruxelles et Lugano à l'arbitrage ?

La thèse du Professeur Fouchard n'est pas partagée par le Professeur Poudret.184 Il ne pense pas

181" La Portée internationale de l'annulation de la sentence arbitrale dans son pays d'origine." Rev. arb. 1997, page 329.

182 L'article IX de la Convention de 1961 prévoit que l'annulation n'a un effet international que si elle a été motivée par l'un des premiers griefs de la Convention de 1958. Elle n'inclut pas les griefs mentionnés ni à l'article V § 1 (e), ni à l'article V § 2 de la Convention de 1958. Voir chapitre 4 de notre étude.

183"La plus saugrenue n'est pas la plus illogique. Elle consisterait à supprimer tout recours en annulation contre sentences arbitrales internationales. Le seul contrôle judiciaire dont elles seraient l'objet aurait lieu lors d'une demande de reconnaissance ou d'exécution dans un pays déterminé."

184" Quelle solution pour en finir avec l'affaire Hilmarton?" Rev. arb. 1998, page 7.

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que la solution soit "la suppression d'un contrôle dans le pays du siège." Il est d'avis qu'il faut distinguer deux problèmes:

"celui de l'application de la loi du siège à la régularité de la sentence, qui nous semble non seulement légitime, mais qui est consacrée par la plupart des législations, y compris l'art. 34 de la loi-type, et celui de la confiance plus ou moins grande que l'on peut placer dans la manière dont les autorités judiciaires du siège appliqueront cette loi."

Il a remarqué que le pays du siège est librement choisi par les parties à la différence du pays d'exécution.

Il a proposé une autre voie: étendre le régime des Conventions de Bruxelles et de Lugano aux décisions rendues par les tribunaux étatiques en matière d'arbitrage. Selon cet auteur:

"Il suffirait de les [les Conventions de Bruxelles et Lugano] modifier d'une part pour en étendre le champ d'application aux jugements étatiques en matière d'arbitrage, d'autre part pour reconnaître compétence aux autorités judiciaires du siège de contrôler sur les recours la régularité des sentences arbitrales, enfin pour élargir éventuellement l'art. 21 à la litispendance entre procédure étatique et procédure arbitrale." 185

Annulation d'une sentence en fonction d'un critière internationl

Jan Paulsson a offert une troisième voie.186Il s'est penché vers la nature internationale de l'arbitrage et considére que seulement les défauts internationaux des sentences doivent être pris en compte. Il a proposé que "l'annulation d'une sentence par le juge du pays où elle a été rendue n'empêche pas son exécution ailleurs, à moins que les motifs de l'annulation ne soient pas internationalement admis. Il a distingué entre les sentences arbitrales selon qu'elles ont été annulées sur la base de ce qu'il a qualifié comme étant un "critère local" (ACL) d'une part, ou sur la base d'un "critère international" ou "internationalement admis" (ACI)187 d'autre part. Il soutient que l'exécution devrait être accordée lorsqu'une sentence a été annulée en fonction d'un ACL.

L'auteur a constaté que l'objectif de la Convention était d'assurer l'exécution de la sentence arbitrale partout dans le monde, sauf dans le cas où la partie qui s'y oppose apporte la preuve d'une irrégularité fondamentale.188Cependant, l'article V (1) (e) permet au juge de refuser l'exequatur d'une sentence si elle a été annulée dans son pays d'origine, même pour une ACL qui est particulier au pays d'origine de la sentence. Néanmoins il a considéré que cet obstacle peut

185 Cette solution a été ensuite critiquée par le professeur Fouchard dans une réponse à cet article publiée en même temps:

"L'interférence des Convention de Bruxelles et de Lugano en matière d'arbitrage a jusqu'ici été heureusement évitée. Si l'on venait à les appliquer, apparaîtraient inévitablement des difficultés et des conflits de juridictions qui nous sont épargnés aujourd'hui. Plus généralement, l'intervention des juges étatiques dans l'arbitrage international doit être considérée comme anormale (sauf pour l'exécution forcée de la sentence et, en cas de besoin, pour l'appui à la constitution du tribunal arbitral)."

186 "L'exécution des sentences arbitrales en dépit d'une annulation en fonction d'un critère local (ACL)." Bulletin de la cour international d'arbitrage de la C.C.I. Vo. 9/N° 1- mai 1998.

187 ACI: "une décision fondée sur une règle matérielle contenue dans les quatre premiers alinéas des article V (1) de la Convention de New York et 36 (1) (a) de la Loi type de la CNUDCI. Toute autre décision ne serait qu'une ACL, et susceptible d'effet seulement dans le pays où l'annulation fut prononcée.

188 Telle qu'un excès de pouvoir, une constitution défectueuse du tribunal arbitral, ou une violation sérieuse des droits de la défense.

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être surmonté par l'article VII.189

Selon cet auteur, le juge d'exequatur a une certaine discrétion. Même s'il existe un des griefs énumérés à l'article V(I) de la Convention de 1958, il peut toujours accorder l'exequatur. M. Paulsson a fondé son argument sur les termes de cet article. Il a considéré que l'article V(1) donne ce pouvoir discrétionnaire au juge de l'exequatur.

" l'article V (1) permet mais n'exige point le rejet d'une sentence étrangère qui tombe sous le coup d'un des cinq alinéas. Les mots pertinents sont, en anglais, 'récognition and enforcement may be refuses .. only if' l'un des cinq alinéas s'applique.Le may conditionnel saute aux yeux de tout juriste, puisqu'il suppose nécessairement la possibilité de or may not.

D'auprès lui, l'article V (i) n'établit qu'un seuil au-dessus duquel l'exécution de la sentence est obligatoire. La Convention ne fonde pas un régime unique pour l'exécution de la sentence arbitrale. "Lorsqu'il apparaît à un juge que sa loi nationale justifie l'exécution d'une sentence, il doit, en vertu de l'article VII de la Convention de New York, en prononcer l'exequatur sans se soucier du fait qu'elle puisse être annulée ailleurs."

Contrôle par le pays d'origine de la sentence

Nous revenons au régime initial mis en place par la Convention de 1958 avec A. J. van den Berg. Il a commenté la thèse de Jan Paulsson et l'a rejetée.190 Il reste en faveur du contrôle des sentences arbitrales par le juge du pays d'origine de la sentence: celui-ci est dans la meilleure position pour juger la régularité d'un arbitrage. En plus, d'après lui "le seul pays dont la législation fait exception en la matière est la France, où des sentences annulées dans leur pays d'origine ont été confirmées."

Il a critiqué les motifs de la décision Chromalloy aux Etats-Unis: "Cette décision devrait cependant être considérée pour ce qu'elle est. Elle a été rendue en fonction de circonstances particulières et les motifs qui l'appuient sont discutables.... Ainsi, jusqu'à ce qu'une cour américaine ait l'occasion de se prononcer à nouveau sur la question, il reste ce précédent dont le raisonnement est très discutable."191

Il a été aussi critique de la position française où un juge peut ordonner l'exequatur d'une sentence arbitrale annulée dans son pays d'origine. Il a constaté qu'en droit français d'arbitrage international, "le choix du siège ne doit pas produire d'effets sur le plan juridique." Il a ajouté que "de manière assez paradoxale, cette approche ne s'applique qu'aux sentences arbitrales rendues à l'extérieur de la France. En effet, si la sentence est rendue en France, le choix du siège devient juridiquement pertinent." L'article 1504 du NCPC prévoit que les sentences arbitrales internationales rendues en France peuvent faire l'objet d'une annulation en France.

189 Le règle de la loi la plus favorable à l'exécution de la sentence.190 "L'exécution d'une sentence arbitrale en dépit de son annulation?" A. J. Van den Berg, Bulletin de la Cour

International d'arbitrage Vol. 9/ N° 2, novembre 1998, page 15.

Il a conclu que la thèse de Jan Paulsson pourrait être qualifiée de 'vieux vin mis dans des outres neuves'..."Ce qu'il propose en fait est l'introduction du système de la Convention européenne sur l'arbitrage commercial international de 1961 dans la Convention de New York."

191 Nous avons déjà commenté sur les motifs de cette décision. Le commentaire de A. J. Van den Berg sur cette décision se trouve à page 16 de son article. Voir paragraphe 3.2 de notre étude.

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A la fin de compte, nous constatons la complexité des difficultés révélées par les affaires Hilmarton et Chormalloy. En faveur du contrôle d'une sentence dans son pays d'origine, nous pouvons arguer que celui-ci a été librement choisi par les parties dans leur convention d'arbitrage. Le juge du lieu est le mieux placé pour contrôler la régularité du déroulement de l'arbitrage. En plus, ce contrôle dans le pays d'origine évite le forum shopping.

D'un autre côté nous pouvons arguer la nature internationale des litiges arbitraux. Avec la mondialisation du commerce international, est-il justiciable de privilégier les tribunaux étatiques du pays d'origine de la sentence?

La Convention européenne de 1961 a essayé d'améliorer le régime de New York mais elle n'a pas eu un grand succès, comme le montre le nombre limité de pays qui l'ont ratifiée. La loi-type de CNUCED a également essayé de perfectionner le régime de New York. Elle a eu plus de succès et plusieurs pays continuent de la prendre en compte quand ils modernisent leur loi sur l'arbitrage.

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Chapitre 4 : Conventions Régionales

Les conventions régionales sont assez nombreuses. Nous commencerons par regarder les dispositions principales de celle de 1961.

I.4.1 Convention européenne du 21 avril 1961.

I.4.1.1 Dispositions de la Convention

La Convention européenne sur l'arbitrage commercial international du 21 avril 1961 est entrée en vigueur le 7 janvier 1964.192 Elle a été signée par la France le 21 avril 1961, et ratifiée par elle le 1er décembre 1966.193 Aujourd'hui, elle a été ratifiée par la plupart des Etats européens, sauf le Royaume-Uni. Il y a aussi quelques pays non-européens qui l'ont ratifiée comme Cuba.194

L'objet de la Convention mentionné dans son préambule, est de promouvoir et développer le commerce intra-européen. L'intention est de faciliter le commerce entre les pays de l'Europe de l'Est avec l'Europe de l'Ouest par le règlement des différends par l'arbitrage. Néanmoins, la Convention n'est quasiment jamais appliquée en pratique dans le commerce entre l'Europe de l'est et l'ouest. Elle n'est qu'utilisée, mais encore très rarement, dans le commerce entre les différents pays de l'Europe de l'ouest.195

A J van den Berg a remarqué la nature complémentaire de la Convention de 1961 par rapport à celle de 1958.196 Elle a des dispositions touchant des matières qui ne sont pas traitées dans celle de 1958, par exemple l'organisation du déroulement de l'arbitrage. En revanche, elle modifie d'autres dispositions de 1958. Elle s'intéresse peu à la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale qui ont été déjà traitées par la Convention de 1958. L'exception est qu'elle prévoit que l'annulation de la sentence arbitrale, dans son pays d'origine ou par la loi d'auprès elle a été rendue, n'est plus en elle-même, un motif de refus d'exequatur dans le pays de l'exécution.

La Convention contient des dispositions concernant toutes les étapes du déroulement de l'arbitrage. Nous n'examinerons que les dispositions qui peuvent avoir un effet sur l'exécution de la sentence arbitrale: son champ d'application et ses dispositions concernent l'exécution de la convention d'arbitrage et la sentence arbitrale.

L'article 1 prévoit son champ d'application:

192 Elle est entrée en vigueur le 7 janvier 1964, conformément à l'article 10 § 8, à l'exception de certaines de ces provisions qui sont entrées en vigueur le 18 octobre 1965 aux termes du paragraphe 4 de l'annexe à la Convention.

193 Elle est entrée en vigueur à son égard quatre-vingt-dix jours plus tard. Elle a été publiée par décret du 26 janvier 1968. J.O. 9 février 1968.

194 Pour l'élaboration de cette Convention, voir Traité de l'arbitrage commercial international, page 157. Voir également, The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 92.

195 The New York Arbitration Convention of 1958, page 93.196 The New York Arbitration Convention of 1958, page 93.

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"La présente Convention s'applique: (a) aux conventions d'arbitrage conclues, pour le règlement de litiges nés ou à naître d'opérations de commerce international, entre personnes physiques ou morales ayant, au moment de la conclusion de la convention, leur résidence habituelle ou leur siège dans des Etats contractants différents; (b) aux procédures et aux sentences arbitrales fondées sur les conventions visées au paragraphe 1er a) de cet article".197

A la différence de la Convention de 1958, elle s'applique au commerce international. Cependant, même si la Convention de 1958 ne se réfère pas au commerce international, elle le traite, donc en pratique il y a peu de différence. Elle requiert que les parties viennent des Etats contractants différents au moment de la conclusion de la convention d'arbitrage.198 Nous trouvons le même principe dans les Conventions de 1923 et 1927199, mais il n'est pas mentionné dans celle de 1958. A la différence de la Convention de 1958, le siège de l'arbitrage n'est pas un critère d'application de la Convention de 1961.

Convention d'arbitrage

Les Conventions de 1958 et 1961 s'appliquent aux conventions d'arbitrage. La définition de la convention d'arbitrage à l'article I § 2 (a) de 1961, est similaire de celle de l'article II § 2 de 1958. Toutes les deux exigent que la convention d'arbitrage soit écrite.200 Cependant, l'article 1 § 2 de la Convention de 1961 ajoute que cette exigence sera satisfaite "dans les rapports entre pays dont les lois n'imposent pas la forme écrite à la convention". Elle ajoute aussi des "communications par téléscripteur" dans la liste des documents qui peuvent composer la convention d'arbitrage.

Intervention judiciaire dans l'arbitrage

L'intervention judiciaire en cours d'arbitrage ou après la sentence est restreinte par la Convention de 1961. Les tribunaux étatiques doivent respecter la compétence reconnue aux arbitres (articles V et VI).

Une partie qui demande l'exequatur d'une sentence arbitrale est obligée de se référer aux articles III et IV de la Convention de 1958.201 L'article XI (1) de 1961 dispose que l'annulation d'une sentence dans son pays d'origine ne peut justifier un refus d'exequatur sauf si l'annulation était pour un des quatre griefs mentionnés à l'article IX § (a) à (d) de la Convention de 1961. Ces griefs réitèrent ceux de l'article V, § 1 (a) à (d) de la Convention de 1958. Le grief mentionné à l'article V § (e) de 1958 n'est pas inclu. En outre, l'annulation de la sentence pour contrariété à l'ordre public, qui est un des griefs le plus invoqués par la Convention de 1958 ne figure plus dans la liste des griefs de l'article IX (1) de 1961202.

197 Soulignement ajouté.198 Un auteur a expliqué pourquoi les parties doivent être dans des Etats contractants différents" C'est une limite

géographique sensible, qui est la conséquence du cadre géopolitique dans lequel elle a été préparée et des importantes concessions consenties spécialement par les Etats en faveur de l'arbitrage international Est-Ouest ou du moins intra-européen".

Traite de l'arbitrage commercial international, P. Fouchard, E. Gaillard & B. Goldman, page 159.199 Voir articles 1 des Conventions de 1923 et 1927200 Voir paragraphe 2.1.1 de notre étude.201 L'article III de 1958 concerne l'autorité de la sentence arbitrale et l'article IV les documents qui la partie qui

demande la reconnaissance ou l'exécution de la sentence doit produire dans le pays de l'exécution.

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L'article IX § 2 de la 1961 prévoit que:

" Dans les rapports entre Etats contractants également Parties à la Convention de New York du 10 juin 1958 sur la Reconnaissance et l'Exécution des Sentences arbitrales étrangères, le paragraphe 1 du présent article a pour effet de limiter aux seules causes d'annulation qu'il énumère l'application de l'article 5, paragraphe 1, e) de la Convention de New York."

I.4.1.2 Jurisprudence

Il y a très peu de jurisprudence concernant la Convention de 1961. Néanmoins, l'article IX § 1 a été considéré par la Cour Suprême Autrichienne en 1993.203 La Cour a ordonné l'exequatur d'une sentence arbitrale rendue sur le territoire de l'ex-Yougoslavie peu avant la dissolution de cet Etat, nonobstant son annulation par la Cour suprême de la République de Slovénie.204 La Convention de 1961 a été ratifiée par l'Autriche et l'ex-Yougoslavie.

Dans sa décision, la Cour considéra qu'il était douteux que l'annulation de la sentence ait été prononcée dans l'Etat où elle avait été rendue, la République de Slovénie n'était pas, selon la Cour, l'Etat successeur de l'ex-Yougoslavie. Toutefois, la Cour n'estima pas nécessaire de trancher cette question, car la seule application de l'article IX de la Convention de 1961 lui avait permis de ne pas tenir compte de l'annulation de la sentence par la Cour suprême slovène. 205

La Cour nota que l'article IX (2) de la Convention de 1961 avait limité les effets de l'article V §1 (e) de 1958 pour les Etats contractants des deux Conventions. Donc, l'annulation d'une sentence dans son pays d'origine ne constitue pas un motif de refus de reconnaissance ou d'exécution dans un autre pays contractant, sauf si la sentence a été annulée par l'un des griefs énumérés à l'article IX (1). L'annulation de la sentence en l'espèce était pour contrariété à l'ordre public.

"L'annulation dans un Etat contractant d'une sentence arbitrale régie par la Convention européenne - comme le cas présent - ne constituera, conformément à l'article IX de la Convention, une cause de refus de reconnaissance ou d'exécution que si cette annulation a été prononcée dans l'Etat dans lequel ou d'auprès la loi duquel la sentence a été rendue et ce pour une des raisons spécifiées (premier paragraphe de l'article IX)..... car l'annulation d'une sentence arbitrale pour violation de l'ordre public de l'Etat contractant ou la sentence a été rendue ne figure pas, déjà selon une interprétation textuelle, parmi les raisons énumérées de façon limitative dans l'article IX, premier paragraphe de la Convention européenne justifiant le refus de reconnaissance ou d'exécution d'une sentence arbitrale...

Le paragraphe 1 de l'article IX de la Convention européenne a pour effet, selon le deuxième paragraphe de l'article IX, de limiter aux seules causes d'annulation qu'il énumère l'application de l'article V, paragraphe 1, (e) de la Convention de la New York. La violation de l'ordre public dans le pays d'origine ne fait pas partie de ces causes."

Cette décision montre que la jurisprudence française illustrée par l'affaire Hilmarton et l'arrêt

202 Voir l'article V §2 de la Convention de 1958203 Radenska c/ Kajo, traduction de Rev. Arb. 1998, page 419. Voir aussi note de Pierre Lastenouse et Petra

Senkovic. La Cour a aussi fondé sa décision sur l'accord du 18 mars 1960 entre la République d'Autriche et la République fédérative populaire de Yougoslavie sur la reconnaissance et l'exécution mutuelle des sentences arbitrales en matière commerciale. Dans cette étude, nous étudierons uniquement sa considération de la Convention de 1961.

204 La sentence arbitrale a été annulée par la Cour suprême slovène par décision du 3 juillet 1992. Elle estima que le contrat dont la sentence s'agissant, était un contrat de monopole et était comme tel contraire à l'ordre public.

205 Cette partie de la décision a été critique dans la note de P Lastenouse et P Senkovic

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américain de Chromalloy ne sont pas des cas isolés mais que d'autres juridictions peuvent ordonner l'exequatur d'une sentence arbitrale annulée dans son pays d'origine en se fondant sur d'autres Conventions internationales que celle de 1958.

I.4.1.3 Doctrine.

La doctrine est divisée sur l'influence de l'article IX de la Convention de 1961 sur le développement de l'arbitrage international. Les deux juristes qui ont commenté la décision Radenska, ne pensent pas que la solution retenue par l'article IX de la Convention de 1961 entraîne des modifications substantielles des pratiques en matière d'arbitrage ou mène au forum shopping.

"En effet, opérer un choix entre différentes juridictions afin d'exécuter une sentence arbitrale internationale est inhérent à l'arbitrage international. D'une part, le défendeur peut n'avoir des actifs que dans certaines juridictions. D'autre part, il n'est que raisonnable que les conseils de la partie cherchent à obtenir l'exécution d'une telle sentence examinent les conditions d'une telle exécution dans différentes juridictions.

Cette solution n'est pas non plus génératrice d'une rupture de l'harmonie des solutions au niveau international. Au contraire, l'annulation d'une sentence par un juge étatique pour des raisons propres à son ordre juridique national est source de disparité des solutions et d'incertitude au niveau international. Les auteurs de la Convention de Genève se sont efforcés de réduire les particularismes nationaux, aussi bien dans la procédure d'arbitrage que dans le traitement réservé aux sentences."206

Il est douteux que A J van den Berg partage leur avis. En se référant au fait que l'annulation d'une sentence dans son pays d'origine n'est pas une raison pour refuser l'exequatur en France, il a remarqué que "la France est le refuge pour les sentences qu'on pourrait appeler 'les Misérables'".207

I.4.1.4 Arrangement de Paris de 1962

Nous signalons l'existence de l'Arrangement relatif à l'application de la Convention Européenne sur l'arbitrage commercial international du 17 décembre 1962. Il contient des modifications de la Convention de 1961. Il est entré en vigueur le 25 janvier 1965. Il a été ratifié par moins de dix Etats. La France l'a ratifié le 30 novembre 1966.208

206 P Lastenouse et P Senkovic, rev. arb. 1997, page 427.207 "L'exécution d'une sentence arbitrale en dépit de son annulation?", Bulletin de la Cour International d'Arbitrage,

nov. 1998, page 15.208 La disposition principale de l'arrangement est son l'article I qui prévoit:

"Dans les relations entre personnes physiques ou morales ayant leur résidence habituelle ou leur siège dans les Etats parties au présent Arrangement, les paragraphes 2 à 7 de l'article IV de la Convention européenne sur l'arbitrage commercial international ouverte à la signature à Genève le 21 avril 1961 sont remplacés par la disposition suivante:

'Si la Convention d'arbitrage ne contient pas d'indication sur l'ensemble ou sur une partie des mesures visées au paragraphe Ier de l'article IV de la Convention européenne sur l'arbitrage commercial international, les difficultés qui se présenteraient quant à la constitution ou au fonctionnement de la juridiction arbitrale seront réglées par l'autorité compétente à la requête de la partie la plus diligente."

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Chapitre 5: D'autres Conventions internationales

I.5.1 Convention de Moscou de 1972209

Nous signalons l'existence de la Convention de Moscou du 29 mai 1972. Elle est entrée en vigueur le 13 août 1973. Son objectif était de faire de l'arbitrage le seul mode de règlement des litiges contractuels entre organisations économiques des pays socialistes.

I.5.2 Convention interaméricaine de Panama du 30 janvier 1975

Nous signalons également l'existence la Convention interaméricaine de Panama du 30 janvier 1975. "Elle est une reproduction assez fidèle de celle de New York (art. 1, 4, 5 et 6)."210 Les Etats contractant incluent les Etats-Unis, le Mexique, Panama, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Guatemala, le Honduras, le Paraguay, le Pérou, le Salvador et le Venezuela. Seuls certains de ces Etats font aussi parties de la Convention de 1958.

I.5.3 Convention d'Amman du 14 avril 1987

Elle est ouverte aux membres de la Ligue arabe: elle a été signée en 1987 par l'Algérie, Djibouti, l'Irak, la Jordanie, le Liban, la Libye, la Mauritanie, le Maroc, la Palestine, le Soudan, la Syrie, la Tunisie, le Nord et le Sud Yémen. Elle a créé un Centre arabe d'arbitrage commercial à Rabat. Elle a été inspirée par la Convention de Washington.

I.5.4 Traité de l'OHADA du 19 octobre 1993

Le Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, signé le 19 octobre 1993, a crée une organisation, l'OHADA (Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires) dont l'objectif est de préparer des règles communes, qualifiées "actes uniformes", dans un certains nombre de domaines comme le droit des sociétés, de la vente, des transports et l'arbitrage.

209 "Convention sur le règlement par voie d'arbitrage des différends de droit civil résultant de la coopération économique, scientifique et technique".

210 Traité de l'arbitrage commercial international, Fouchard (Ph), Gaillard (E) et Goldman (B), page 1966.

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I.5.5 Convention de Washington du 18 mars 1958211

Elle a été élaborée par les directeurs exécutifs de la Banque Mondiale et elle est entrée en vigueur le 14 octobre 1966. Elle a été signée par une centaine d'Etats. Elle a crée le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) destinée à offrir aux investisseurs étrangers et aux Etats d'accueil une structure d'arbitrage offrant toutes garanties d'impartialité.212Les Etats qui ne font pas parties de la Convention CIRDI ont peu de chances d'attirer les investissements dans leur territoire.

I.5.6 L'arbitrage et le droit communautaire:

Il existe aussi des Traités internationaux qui ne traitent pas exclusivement d'arbitrage mais qui ont des dispositions qui le mentionnent. L'article 222 du traité de la CEE dispose que "les Etats membres engageront entre eux en tant que de besoins, des négociations en vue d'assurer en faveur de leurs ressortissants la simplification des formalités auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l'exécution réciproques des décisions judiciaires ainsi que des sentences arbitrales."

Pour autant la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la libre circulation des jugements s'est limitée aux décisions judiciaires et aux actes authentiques à l'exclusion des arbitrages au motif que les conventions existant en Europe en matière d'arbitrage étaient satisfaisantes.

I.5.7 Conventions maritimes

La Convention de 1958 régit largement l'arbitrage à l'échelon mondial. Cependant, Il existe des conventions touchant divers secteurs d'activités qui ont des dispositions concernant l'arbitrage et qui peuvent jouer un rôle important sur la décision des juges étatiques d'ordonner ou de refuser l'exequatur d'une sentence arbitrale.

Dans le secteur maritime, les Règles de la Haye213 ne contiennent aucune disposition sur l'arbitrage. Par contre, les Règles de Hambourg214 s'y réfèrent dans son article 22.215 Cet article prévoit la procédure arbitrale comme alternative à un procès devant un juge étatique. Les Règles de Hambourg ne contiennent pas de dispositions qui traitent spécialement de l'exequatur d'une sentence arbitrale. Cependant, l'article 22 qui réfère à la clause compromissoire et au lieu d'arbitrage peut avoir des effets sur l'exequatur de la sentence.

211 "Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etats".

212 Pour plus des informations concernant cette Convention, voir "Traité sur l'arbitrage international commercial", page 168.

213 Convention internationale de Bruxelles du 25 août 1924, pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement modifiée par le Protocole du 23 février 1968 et par le Protocole du 21 décembre 1979.

214 Convention des Nations Unies sur le Transport de Marchandises par mer du 30 mars 1978.215 L'article 20 des Règles contient aussi des dispositions concernant la prescription d'une action judiciaire et

arbitrale.

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I.5.7.1 les Règles de Hambourg.

L'article 22 dispose que:

"1. Sous réserve des dispositions du présent article, les parties peuvent prévoir, par un accord constaté par écrit, que tout litige relatif au transport de marchandises en vertu de la présente Convention sera soumis à l'arbitrage.

2. Lorsqu'un contrat d'affrètement contient une disposition prévoyant que les litiges découlant de son exécution seront soumis à l'arbitrage et qu'un connaissement émis conformément à ce contrat d'affrètement ne spécifie pas par une clause expresse que cette disposition lie le porteur du connaissement, le transporteur ne peut pas opposer cette disposition à un détenteur de bonne foi du connaissement.

3. La procédure d'arbitrage est engagée, au choix du demandeur:

a) soit en un lieu sur le territoire d'un Etat dans lequel est situé:i) l'établissement principal du défendeur, ou, à défaut, sa résidence habituelle; ouii) le lieu ou le contrat a été conclu, à condition que le défendeur y ait un établissement, une succursale ou une agence par l'intermédiaire duquel le contrat a été conclu; ouiii) le port du chargement ou le port de déchargement;b) soit en tout autre lieu désigné à cette fin dans la clause ou le pacte compromissoire.

4. L'arbitre ou le tribunal arbitral applique les règles de la présente Convention.

5. Les dispositions des paragraphe 3 et 4 du présent article sont réputées incluses dans toute clause ou pacte compromissoire, et toute disposition de la clause ou du pacte qui y serait contraire est nulle.

6. Aucune disposition du présent article n'affecte la validité d'un accord relatif à l'arbitrage conclu par les parties après qu'un litige est né du contrat du transport par mer."

I.5.7.2 Convention d'arbitrage

L'article 22 exige que la convention d'arbitrage soit "constatée par écrit". D'auprès un auteur, cet article établit le droit des parties à recourir à l'arbitrage qui emporte sur les restrictions des lois nationales concernant les conventions d'arbitrage.216

L'article 22.2 contient une sauvegarde pour les tiers porteur d'un connaissement. La Convention énonce que le porteur du connaissement sera lié par la clause compromissoire de la charte-partie dès lors que le connaissement a prévu l'arbitrage par une "clause expresse". Mais la Convention ne spécifie pas ce qu'elle entend par "une clause expresse." Elle n'apporte pas de solution aux différentes interprétations nationales sur ce point.

Pour Dominigo Ray la clause compromissoire "est inopposable au porteur de bonne foi du connaissement, si elle n'est pas incluse dans celui-ci, même s'il fait référence aux clauses de la charte-partie comprenant une clause d'arbitrage."

I.5.7.3 Lieu de l'arbitrage

L'article 22.3 prévoit que le lieu d'arbitrage peut être choisi par le demandeur. Il peut choisir entre celui qui est expressément stipulé dans la clause compromissoire et ceux qui sont prévus

216 Aboul-Enein (M.I.M.): "Maritime arbitration according to the United Nations Convention on the Carriage of Goods by Sea." Journal of International Arbitration, 1997, page.96

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par la Convention, c'est-à-dire: l'établissement principal du défendeur, le lieu de conclusion du contrat du transport, le port de chargement ou de déchargement. 217

Trois difficultés possibles de l'article 22.3:

i I. Avant l'entrée en rigueur de cette convention, si le destinataire acceptait la clause compromissoire de la charte-partie, il en acceptait l'intégralité y compris le lieu d'arbitrage indiqué dans la clause. Désormais, avec l'entrée en vigueur des Règles, le destinataire a de nouveaux pouvoirs. Il ne se trouve plus en position de faiblesse face au transporteur car il peut maintenant choisir le lieu d'arbitrage. En outre, il aura l'avantage de le choisir à son domicile. On peut craindre qu'une des parties ne se dépêche d'introduire une action en arbitrage au lieu voulu afin d'échapper à la menace d'un arbitrage à un lieu qui ne lui conviendrait pas.

i II. Une autre difficulté peut se présenter: si le transporteur engage une procédure contre le destinataire ou le porteur du connaissement devant l'un des tribunaux dont il a la faculté de choisir, et si le porteur du connaissement a, de son côté, une réclamation différente contre le transporteur peut-il engager la procédure devant un autre tribunal conformément aux options dont il dispose?

Est-ce que deux réclamations entre les mêmes parties, résultant du même contrat, peuvent être instituées devant les tribunaux de différents pays choisis par les deux réclamants, et avec la possibilité de deux décisions contradictoires et les problèmes de l'exécution de celles-ci? Ou bien, l'exception de litisprudence, pourrait-elle être opposée par la personne qui la première engage la procédure et notifie sa demande?

Cette difficulté montre le problème principal que posent les Règles vis-à-vis l'arbitrage et de l'exécution de la sentence arbitrale. M. Ray est d'avis qu'il est très difficile de priver le destinataire "du droit de choisir le tribunal où il peut commencer la procédure, du seul fait que le transporteur en aurait pris l'initiative avant lui? Mais, bien entendu, cette question sera décidée selon la loi et les critères du tribunal saisi."218

i III. Plusieurs contrats-types maritimes stipulent le siège d'arbitrage, souvent à Londres. Mais l'article 22 prévoit un nombre de choix pour le demandeur. Le problème est encore plus pointu pour l'arbitrage institutionnel, les chambres arbitrales souvent n'autorisent pas l'arbitrage en dehors de l'Etat où elles ont leur siège: Le professeur Bonaissies a remarqué:

"Cette règle est apparue à la commission comme susceptible de soulever d'importantes difficultés pratiques, notamment quand le connaissement prévoit un arbitrage 'institutionnel', qui stipule que l'arbitrage devra être porté devant telle ou telle chambre arbitrale. Car le règlement de nombreuses chambres n'autorise pas l'arbitrage en dehors de l'Etat où elles ont leur siège. Par ailleurs, la règle contredit les dispositions de la Convention de New York de 1958, laquelle régit largement l'arbitrage international et à laquelle plupart des Etats membres des Nations Unies ont adhéré, - et ce alors même que l'article 25 des Règles réserve lui-même la

217 Ce sont les mêmes juridictions qui sont prévues pour la procédure judiciaire, excepté le 'forum arresti', l'article 21.

218 Ray (Dominigo): "L'arbitrage maritime et la Règles de Hambourg", p. 647.

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primauté des dispositions des conventions internationales multilatérales existantes (et donc de celles de la Convention de New-York) sur celles de l'article 22."219

L'article 22.4 4 énonce que le tribunal arbitral applique les Règles de Hambourg, ce qui signifie que si elle omet de le faire, expressément ou implicitement, la partie à qui cela fait grief peut commencer une action pour annulation de la sentence et la procédure. Tout cela dépend du contenu de la convention d'arbitrage ou de la loi du pays où l'arbitrage a eu lieu ou l'exequatur de la sentence est demandé.

L'article 22.5 prévoit que les dispositions de l'article 22.3 à 4 "sont réputées inclues dans toute clause ou pacte compromissoire et toute disposition de la clause ou du pacte y serait contraire est nulle"

L'article 22.6 mentionne que la convention d'arbitrage qui est conclu après le litige né sera valable, même si elle n'est conforme à aucune des dispositions édictées par les Règles.

Conclusion:

Les Règles soulèvent en particulier, des difficultés potentielles concernant le lieu d'arbitrage. Cependant la rigidité du système est modérée par deux exceptions:

i i) Les dispositions impératives des Règles ne concernent que les contrats des transports des marchandises par mer et la réduction de responsabilité et d'obligations du transporteur maritime. Donc, elles ne s'appliquent pas à toutes les activités maritimes.

i ii) Les parties sont libres de choisir le lieu d'arbitrage et la loi applicable quand la convention d'arbitrage est conclue après qu'un litige est né.220

En plus, elles n'ont été ratifiées que par un nombre restreint d'Etats. La France et le Royaume-Uni ne les ont pas ratifiées. Par contre, elles ont été ratifiées par la Tunisie et le Maroc.

219 Professeur Pierre Bonaissies: "Rapport sur les Règles de Hambourg présenté au Conseil supérieur de la marine marchande." D.M.F. 1994, page 243.

220 "Maritime arbitration according to the United Nations Convention on the Carriage of Goods by Sea": M.I.M Aboul-Enein, Journal of International Arbitration, 1997.96

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Chapitre 6: Instruments internationaux facultatifs

Les plus importants ont été élaborés par des commissions spécialisées de l'ONU. Nous traitons d'abord des Règlements de procédure arbitrale et ensuite, la Loi-Type de la CNUDCI. Nous n'étudierons pas le Règlement en détail: il n'y a qu'une disposition concernant l'exécution de la sentence arbitrale. Néanmoins, notre étude serait incomplète sans la mentionner. Nous nous attardons plus longtemps sur la Loi-Type: elle a influencé la réforme du droit anglais de l'arbitrage de 1996.

I.6.1. Règlements d'arbitrage de la CNUDCI.

La CNUDCI a élaboré un Règlement d'arbitrage facultatif auxquelles les parties à une convention d'arbitrage peuvent se référer. Recommandé par l'Assemblée Générale des Nations Unies (résolution du 15 décembre 1976), il constitue une référence appréciée. Son succès peut être expliqué par les conditions de son élaboration (à laquelle ont participé les représentants de tous les systèmes politiques, juridiques et économiques du monde).

Il s'agit d'un règlement d'arbitrage facultatif: il n'est applicable que si les parties à une convention d'arbitrage y font référence par écrit (article 1). Mais ses dispositions ne l'emporterons pas sur les règles impératives de la loi nationale applicable à l'arbitrage. Il est destiné à l'arbitrage ad hoc.221

Il concerne surtout des problèmes de procédure d'arbitrage.222

Le Règlement se divise en quatre sections distinctes. La dernière section, qui concerne la sentence arbitrale, est la plus relevante pour notre étude. L'article 32 § 2 prévoit que:

"La sentence est rendue par écrit. Elle n'est pas susceptible d'appel devant une instance arbitrale. Les parties s'engagent à exécuter sans délai la sentence."

Les articles 35, 36 et 37 prévoient que le tribunal arbitral peut interpréter la sentence à la requête d'une partie.223 Il peut rendre une sentence additionnelle si une partie le lui demande.

L'un des objectifs de ces dispositions est d'élimer les sources de contestation dans le but de faciliter l'exécution de la sentence.

221 En ce qui concerne l'arbitrage dit "institutionnel", les grands centres d'arbitrage comme la C.C.I. à Paris ont leurs propres règlements qu'ils modifient de temps en temps pour tenir compte de tendances et des reformes des droits nationaux.

Bien que ce Règlement ait été conçu par pour les arbitrages ad hoc, plusieurs grands centres d'arbitrages proposent maintenant d'administrer l'arbitrage selon ce Règlement.

222 La Convention de 1958 contient très peu de dispositions concernant la procédure.223 Il ne peut pas le faire de sa propre initiative.

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I.6.2 "Loi-type" de la CNUDCI

12. La CNUDCI a adopté le 21 juin 1985 un modèle législatif sur l'arbitrage commercial international qu'elle a demandé à l'Assemble des Nations Unies de proposer aux Etats qui envisagent de réviser leur législation sur le sujet.

L'objet de Loi-type était de promouvoir l'arbitrage commercial international par l'harmonisation des systèmes nationaux d'arbitrage. Il est destiné à régir tous les arbitrages commerciaux internationaux se déroulant sur le territoire d'Etat qui l'adopterait. Un signe de son succès est le fait qu'il a été adopté par des systèmes de droit très divers. Parmi les Etats qui l'ont adoptée on trouve l'Allemagne, l'Australie, la Bulgarie, le Canada, Chypre, l'Ecosse, la République d'Irlande, la République Islamique d'Iran, Hong Kong, et le Nigéria. Même les pays comme l'Angleterre, qui ont une longue tradition d'arbitrage, la prenne en considération dans leurs réformes législatives, dans l'intérêt d'harmonisation des droits.

Ce modèle reconnaît une grande liberté aux parties dans l'organisation de l'arbitrage et aussi l'efficacité de la convention d'arbitrage et de la sentence est assurée. La Loi-type montre la tendance actuelle de limiter l'intervention par les tribunaux étatiques dans l'arbitrage, sauf pour l'exécution forcée de la sentence.224

La loi-type contient huit chapitres distincts. Nous n'examinerons que les dispositions qui sont d'intérêt pour notre étude:

i Le chapitre 1 qui contient les dispositions générales de la loi et prévoit son champ d'application;

i Le chapitre 2 qui concerne la convention d'arbitrage. La validité de la sentence arbitrale est fondée sur celle de la clause compromissoire.

i Les deux derniers chapitres qui contiennent les dispositions concernant les recours contre la sentence arbitrale et sa reconnaissance et l'exécution (les articles 34 et 35).

I.6.2.1 Champ d'application de la loi-type

L'article 1 de la loi-type prévoit son champ d'application. Elle a été conçue avec l'idée qu'elle s'appliquerait à "l'arbitrage commercial international" mais rien n'empêche le législateur, dans les différents pays, d'élargir son champ d'application en l'étendant par exemple aux arbitrages internes.

La loi-type ne définit pas le terme 'commercial' dans ses articles.225 Le terme "international" est

224 l'article 5 prévoit que: "Pour toutes les questions régies par la présente loi, les tribunaux ne peuvent intervenir que dans les cas où celle-ci le prévoit."

225Il y une note de bas de page qui mentionne: "Le terme 'commercial' devrait être interprété au sens large, afin de désigner les questions issues de toute relation de caractère commercial, contractuelle ou non contractuelle. Les relations de nature commerciale comprennent, sans y être limitées, les transactions suivantes: toute transaction commerciale portant sur la fourniture ou l'échange de marchandises ou de services; accord de distribution; représentation commerciale; affacturage; crédit-bail; construction d'usines; services consultatifs; ingénierie; licences; investissements; financement; transactions bancaires; assurance; accords d'exploitation ou concessions; coentreprises et autres formes de coopération industrielle ou commerciale; transport de marchandises ou de passagers par voie aérienne, maritime, ferroviaire ou routière."

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défini.226Elle commence avec l'idée que le critère principal est de savoir si les parties ont leur établissement dans des pays différents, au moment de la conclusion de la convention d'arbitrage.227Cependant, en vue d'étendre son champ d'application, la Loi-type prend aussi en compte le fait que certains arbitrages ont un caractère essentiellement international, même si les parties appartiennent au même pays.228

Nous voyons le développement par rapport avec la Convention de 1958 qui n'utilise ni le terme 'commercial', ni le terme 'international' pour définir son champ d'application. En plus, elle définit son champ d'application en se référant à la sentence arbitrale ou lieu de la convention d'arbitrage.229

Convention d'arbitrage:

L'article 7 de la loi-type donne une définition large de la convention d'arbitrage et indique que cette expression vise aussi bien les dispositions relatives à des litiges existants qu'à de futurs litiges. L'article 7 reprend les dispositions de la Convention de 1958 en exigeant que la convention soit écrite mais son existence peut être attestée d'une façon plus large. L'article 7 § 2 prévoit que:

"La convention d'arbitrage doit se présenter sous forme écrite. Une convention est sous forme écrite si elle est consignée dans un document signé par les parties ou dans un échange de lettres, de communications télex, de télégrammes ou de toute autre moyen de télécommunications qui en atteste l'existence, ou encore dans l'échange d'une conclusion en demande et d'une conclusion en réponse dans lequel l'existence d'une telle convention est alléguée par une partie et n'est pas contestée par l'autre. La référence dans un contrat à un document contenant une clause compromissoire vaut convention d'arbitrage, à condition que ledit contrat soit sous forme écrite et que la référence soit telle qu'elle fasse de la clause une partie du contrat."230

La dernière partie de cet article pourrait être important dans certains secteurs d'activité comme le maritime. Par exemple, un connaissement qui se réfère à une clause compromissoire insérée dans une charte-partie.

L'article 8 exige que le juge étatique saisi d'une demande se déclare incompétent et renvoie les parties à l'arbitrage en présence d'une convention d'arbitrage valable. 231

I.6.2.2 Recours contre la sentence:

L'article 34 concerne le recours contre la sentence exercée par la partie qui s'y oppose dans l'Etat où elle a été rendue. L'effet de cet article est que les motifs de l'annulation sont globalement les même dans tous les Etats qui adopteraient la Loi-type.

226 De nombreux pays ont adopté des lois différentes en matière d'arbitrage international et interne et il est essentiel que les parties et les tribunaux arbitraux sachent à quel régime légal un arbitrage se trouve soumis.

227 Voir l'article 1 § 3 (b) de la Loi-type.228 Par exemple, si les parties "ont convenues expressément que l'objet de la convention d'arbitrage a des liens avec

plus d'un pays". Voir l'article 1 § 3 (c) de la Loi-type.229 L'article I de la Convention de 1958.230 Soulignement ajouté.231 Cette disposition correspond à l'article II § 3 de la Convention de 1958.

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Page 70: Exécution de la sentence arbitrale et voies de recours contre la sentence rendue

L'article 34 § 2 prévoit que:

34 2. "La sentence arbitrale ne peut être annulée par le tribunal visé à l'article 6 que si

a) la partie en faisant la demande apporte la preuve que:

i) qu'une partie à la convention d'arbitrage visée à l'article 7 était frappée d'une incapacité; ou que ladite convention n'est pas valable en vertu de la loi à laquelle les parties l'ont subordonnée ou, à défaut d'une indication à cet égard, en vertu de la loi du présent Etat; ou

ii) qu'elle n'a pas été dûment informée de la nomination d'un arbitre ou de la procédure arbitrale, ou qu'il lui a été impossible pour une autre raison de faire valoir ses droits; ou

iii) que la sentence porte sur un différend non visé par le compromis ou n'entrant pas dans les prévisions de la clause compromissoire, ou qu'elle contient des décisions qui dépassent les termes du compromis ou de la clause compromissoire, étant entendu toutefois que, si les dispositions de la sentence qui ont trait à des questions soumises à l'arbitrage peuvent être dissociées de celles qui ont trait à des questions non soumises à l'arbitrage, seules la partie de la sentence contenant des décisions sur les questions non soumises à l'arbitrage pourra être annulée; ou

iv) que la constitution du tribunal arbitral, ou la procédure arbitrale, n'a pas été conforme à la convention des parties, à condition que cette convention ne soit pas contraire à une disposition de la présente loi à laquelle les parties ne peuvent déroger, ou, à défaut d'une telle convention, qu'elle n'a pas été conforme à la présente loi; ou

b) le tribunal constate:

i) que l'objet du différend n'est pas susceptible d'être réglé par l'arbitrage conformément à la loi du présent Etat; ou

ii) que la sentence est contraire à l'ordre public du présent Etat".

Nous constatons que ces griefs correspondent à ceux de l'article V de la Convention de 1958.232

Les rédacteurs de la Loi-type ont gardé les griefs qui peuvent être soulevés ex officio par le juge d'exequatur. Ces deux griefs ne figurent pas dans la Convention de 1961.

L'article 34 § 3 prévoit que la demande d'annulation doit être présentée dans les trois mois suivant la date à laquelle la partie demanderesse à l'annulation a reçu la sentence.233 Donc, la partie qui oppose l'exécution de la sentence doit réagir ou lieu d'attendre la demande d'exequatur de la sentence de la part de la partie qui a obtenu gain de cause.

L'article 34 § 4 prévoit que:

"Lorsqu'il est prié d'annuler une sentence, le tribunal peut, le cas échéant et à la demande d'une partie, suspendre la procédure d'annulation pendant une période dont il fixe la durée afin de donner au tribunal arbitral la possibilité de reprendre la procédure arbitrale ou de prendre toute autre mesure que ce dernier juge susceptible d'éliminer les motifs d'annulation."

Cette disposition permet d'éviter l'annulation en totalité d'une sentence lorsqu'il est possible de

232 Sauf, bien sur de l'article V § 1 (e) parce qu'il s'agit de l'Etat où la sentence a été rendue. L'article V § 1 (e) prévoit que le tribunal où la demande de reconnaissance ou d'exécution est faite, peut la refuser si la sentence "n'est pas encore devenue obligatoire pour les parties ou a été annulée ou suspendue par une autorité compétente du pays dans lequel, ou d'après la loi duquel, la sentence a été rendue."

233 Sous réserve des extensions de délai que peuvent justifier les rectifications et interprétations de la sentence ou toute sentence additionnelle, comme le prévoit l'article 33.

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remédier au grief dont elle est l'objet. Le juge peut suspendre la procédure en annulation de la sentence pendant une certaine période, pour permettre au tribunal arbitral de reprendre la procédure d'arbitrage ou de prendre tout mesure approprié pour élimer les motifs d'annulation. Cette disposition est équivalente à celle de "remission" en droit anglais à la différence que le tribunal étatique ne donne pas au tribunal arbitral l'ordre de procéder d'une manière déterminée mais simplement la "possibilité" de le faire. Cette disposition est fidèle à l'esprit de la Loi-type de respecter la volonté de parties à régler les différends par voie arbitrale.

I.6.2.3 Reconnaissance et exécution des sentences.

L'article 35 concerne la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale. Elle peut être exécutée dans le pays où elle a été rendue ou à l'étranger.

L'article 35 prévoit que

"1. La sentence arbitrale, quel que soit le pays où elle a été rendue, est reconnue comme ayant force obligatoire et, sur requête adresse par écrit au tribunal compétent, est exécutée sous réserve des dispositions du présent article et de l'article 36.

2. La partie qui invoque la sentence ou qui en demande l'exécution doit en fournir l'original dûment authentifié ou une copie certifiée conforme, ainsi que l'original de la convention d'arbitrage mentionnée à l'article 7 ou une copie certifiée conformée. Si ladite sentence ou ladite convention n'est pas rédigée dans une langue officielle du présent Etat, la partie en produira une traduction dûment certifiée dans cette langue".

Une note de bas de page de la Loi-type mentionne que ces conditions "visent à énoncer les normes les plus strictes. Il ne serait donc pas contraire à l'harmonisation recherchée par la loi-type qu'un Etat conserve une procédure moins rigoureuse."

Nous constatons que cette disposition suit la tendance de la Convention de 1958. L'article III de 1958 prévoit qu'un Etat "reconnaîtra l'autorité d'une sentence arbitrale." Les conditions visées à l'article 35 § 2 de la Loi-type correspondent à ceux de l'article IV de la Convention de 1958.

I.6.2.4 Motifs de refus de la reconnaissance ou de l'exécution

L'article 36 énonce les motifs de refus de la reconnaissance ou de l'exécution d'une sentence arbitrale. Ils correspondent à ceux de l'article 34 § 2 de la Loi-type, sauf pour le dernier grief qui concerne l'ordre public de l'Etat où l'exécution est demandée, ou lieu de l'Etat où la sentence a été rendue. Le concept d'ordre public peut être diffèrent pour l'Etat sur le territoire duquel l'arbitrage s'est déroulé et l'Etat où la partie qui a gagné cherche à faire exécuter la sentence.

L'article 36 § 2 de la Loi-type prévoit que:

"Si une demande d'annulation ou de suspension d'une sentence a été présentée à un tribunal visé au sous-alinéa 1 a. v. du présent article, le tribunal auquel est demandée la reconnaissance ou l'exécution peut, s'il le juge approprié, surseoir à statuer et peut aussi, à la requête de la partie demandant la reconnaissance ou l'exécution de la sentence, ordonner à l'autre partie de fournir de sûretés convenables."

Cette disposition correspond à l'article VI de la Convention de 1958 que nous avons déjà

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étudié.234

I.6.2.5 Conséquences d'adoption de la Loi-type.

Nous avons déjà remarqué que l'un des objectifs principaux de la Loi-type était d'harmoniser les droits nationaux sur l'arbitrage international. Quand les parties choisissent un pays comme siège d'arbitrage, ils doivent être en position de calculer les motifs potentiels de refus de l'exécution forcée d'une sentence arbitrale. Cependant, l'affaire Chromalloy a montré que ce n'est pas toujours le cas.235

La loi égyptienne de l'arbitrage de 1994 a été rédigée sur la base de la Loi-type. La sentence arbitrale rendue dans l'affaire Chromalloy a été annulée par la Cour d'appel du Caire. Le motif d'annulation a été fondé sur l'article 53 § 1 (d) de la loi de 1994 qui prévoit qu'une sentence peut être annulée si elle "a écarté l'application au fond du litige de la loi convenue par les parties."

La Cour a jugé que le tribunal arbitral avait commis une erreur en appliquant le droit civil égyptien au lieu du droit administratif. Le motif d'annulation, prévu à l'article 53 § 1 al. d, a été ajouté aux motifs prévus à l'article 34 § 2 de la Loi-type.236 Le motif d'annulation de la Cour n'était pas prévisible dans un Etat qui a adopté la Loi-type. Il faut toujours prendre en compte le fait que la loi-type est un instrument facultatif et que les Etats ne sont pas obligés de la transposer dans leurs droits nationaux sans faire de modifications.

Néanmoins, nous pensons que la Loi-type a contribué à la tendance actuelle d'harmonisation des motifs de refus d'exequatur de la sentence arbitrale au niveau international par le seul fait que des nombreux pays l'ont prise en considération, et continuent de la prendre en considération dans les réformes de leurs droits nationaux de l'arbitrage.

234 Voir paragraphe 2.9 de notre étude.235 Voir paragraphe 3.2 de notre étude.236 La législature égyptienne a également ajouté un autre motif, auquel la Cour n'a pas eu recours, prévu à l'article 53

§ 1 g: si la sentence arbitrale est entachée de nullité ou si la procédure comporte une nullité susceptible d'affecter la sentence.

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Partie 2

Droit national d'arbitrage

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Chapitre 1: Effets des réformes du droit national sur l'exécution de la sentence arbitrale et les voies de recours

II.1.1 Réformes des droits nationaux

Ces dernières années ont été marquées par une prolifération des réformes nationales de l'arbitrage international. Ces réformes intéressent cette étude dans la mesure où elles gouvernent l'accueil d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger dans l'ordre judiciaire étatique. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette multitude de réformes: l'influence de la Convention de 1958 et la Loi-type; la croissance des échanges économiques mondiaux; les bouleversements politiques et économiques en Europe de l'Est, qui ont crées le besoin de moderniser les droits nationaux de l'arbitrage; des raisons commerciales - la concurrence entre les grands centres d'arbitrage au niveau mondial.

Avant d'étudier les réformes de droit français et anglais, nous signalerons l'existence de réformes dans d'autres pays: la loi écossaise de 1990 (basée sur la Loi-type); la loi belge de 1972 (basée sur la Convention européenne de Strasbourg de 1961); la loi néerlandaise de 1986 (cette dernière précise qu'une partie ne pourra plus soulever un moyen d'annulation contre une sentence arbitrale si elle n'a pas invoqué un tel vice en cours d'arbitrage);237la loi italienne de 1994 (influencée par la Loi-type); la loi finlandaise de 1992 (inspirée par la Loi-type); la loi hongroise de 1994 (fondée sur la Loi-type).

Aux Etats-Unis le Federal Arbitration Act of 1925 a été modifié (le chapitre II de cette loi, ajouté le 31 juillet 1970, a introduit en droit américain la Convention de 1958). Dans un article concernant l'arbitrage maritime et la loi de 1925, un juriste anglais a remarqué:

"Due to the international nature of maritime commerce, most maritime arbitrations fall under the rubic of the New York Convention. Nonetheless, most American judges refer only to the FAA, citing the New York Convention to buttress their conclusions. The use of the FAA over the New York Convention is of little practical concern, since the two documents, while differing in wording, contain essentielly the same substantial provisions."238

En Amérique latine, le Brésil a passé une loi en 1996 sur l'arbitrage.239En Inde, l'Arbitration and Conciliation Act 1996 a également été rédigé.

La grande majorité des pays ont fixé des règles pour l'exequatur des sentences arbitrales rendues à l'étranger sur leur territoire. Certains l'ont fait par référence à la Convention de 1958 ou la Loi-type. D'autres pays ont ratifié la Convention de 1958 mais leur droit commun est plus favorable à la sentence étrangère que le régime conventionnel de New York.240Certains Etats distinguent

237 Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (PH), Gaillard (E) et Goldman (B), page 87.238 "Arbitrating maritime cargo disputes-future problems and considerations": Curtin (K), L.M.C.L.Q 1997, page 31239 Les motifs d'invalidité d'une sentence arbitrale sont l'incapacité des parties, l'absence de compétence, la violation

d'un procès équitable, la sentence rendue au-délà de l'accord d'arbitrage ou sur des sujets non couverts par l'arbitrage. Voir RDAI, N° 1, 1997, page 115

240 Par exemple, la France.

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entre les sentences arbitrales rendues sur leur territoire ou à l'étranger.241D'autres, comme l'Angleterre et les Pays-Bas, ne distinguent pas entre l'arbitrage interne et international.

Un auteur éminent a fait la remarque suivante concernant ces réformes:

"une évolution absolument universelle - on réduit le nombre des griefs recevables contre la sentence; malgré des listes apparemment diverses, la régularité internationale de la sentence tient, en définitive, à deux conditions essentielles: l'existence du pouvoir de l'arbitre, le caractère acceptable de sa décision, sans que celle-ci puisse être révisée en fait ou en droit. Enfin, les voies de recours elles-mêmes sont restreintes."242

Nous étudierons deux droits nationaux de l'arbitrage en détail: celui de la France et de l'Angleterre. Nous remarquerons les similarités entre la loi française de 1981 et les dispositions de la Convention de 1958. Nous constaterons également l'influence de la Loi-type sur la réforme anglaise de 1996. Néanmoins, malgré les différences notables en forme et procédure entre les lois de ces deux pays, celles-ci mènent souvent au même résultat devant les tribunaux. La plupart des griefs menant au refus de l'exequatur de la sentence arbitrale sont les mêmes.

241 Par exemple, la France242 Voir Traité de l'arbitrage international commercial, page 112.

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II.1.2 Réforme du droit français de l'arbitrage.

Les réformes législatives des années 1980, affirment la distinction déjà faite par la jurisprudence entre l'arbitrage interne et international.243La première réforme de droit français d'arbitrage s'est déroulée en 1980 et concerne l'arbitrage interne.244 La seconde réforme, en 1981, concerne l'arbitrage international.245

Le décret N° 80-354 du 14 mai 1980 a organisé l'arbitrage interne en 50 articles intégrés dans le NCPC (les articles 1442 à 1491). Le décret N° 81-500 du 12 mai 1981 a introduit les règles relatives à l'"arbitrage international" (articles 1492 à 1497) et à "la reconnaissance, l'exécution forcée et les voies de recours à l'égard des sentences arbitrales rendues à l'étranger ou en matière d'arbitrage international" (les articles 1498 à 1507) qui intéressent donc également les sentences rendues à l'étranger susceptibles de relever du droit interne.

Il y a eu quelques interventions moins importantes après 1981. D'abord, l'article 9 de la loi du 17 août 1986:

"par dérogation à l'article 2060 du Code civil, l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics sont autorisés, dans les contrats qu'ils concluent conjointement avec des sociétés étrangères pour la réalisation d'opérations d'intérêts nationaux, à souscrire des clauses compromissoires en vue du règlement, le cas échéant définitif, de litiges liés à l'application et à l'interprétation de ces contrats."

La réforme des procédures civiles d'exécution par la loi N° 91-650 du 9 juillet 1991 a précisé que les demandes en reconnaissance et en exequatur des sentences arbitrales françaises ou étrangères sont portées devant le tribunal de grande instance statuant à juge unique.

II.1.2.1 Caractère interne ou international de l'arbitrage et les voies de recours

Nous avons déjà constaté que le droit français distingue entre l'arbitrage interne et international. Le Livre IV du NCPC ne contient pas une définition de l'arbitrage interne. L'arbitrage international est défini à l'article 1492:

"Est international l'arbitrage qui met en cause en cause des intérêts du commerce international."

Cette définition concerne des sentences rendues en France. Toute sentence arbitrale française, qui satisfait cette définition, peut être considérée comme internationale.

Toute sentence rendue à l'étranger, dont une demande d'exequatur est faite en France, est sujette au régime de l'arbitrage international, même si elle ne concerne que les matières purement internes du pays où elle a été rendue.

La distinction entre l'arbitrage interne et international est importante parce que les voies de recours contre la sentence arbitrale ne sont pas les mêmes pour les deux.

243 Voir Traité de l'arbitrage international commercial, Fouchard (Ph), Gaillard (E) et Goldman (B) page 74.244 Décret du 14 mai 1980. D. N° 80354, relatif à l'arbitrage et destiné à s'intégrer dans le NCPC; JO, 18 mai 1980.245 Décret du 12 mai 1981. D. N° 81-500, instituant les dispositions des livres III et IV du NCPC et modifiant

certaines dispositions de ce Code; JO 14 mai 1981.

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Le droit français est plus libéral et l'étendue du contrôle exercé par les tribunaux étatiques est plus restreint en ce qui concerne l'arbitrage international. Seul une sentence rendue en France en arbitrage interne peut faire l'objet d'un appel. Les sentences arbitrales internationales rendues en France peuvent faire l'objet soit d'une demande de reconnaissance ou d'exécution, soit d'une demande en annulation.

Jurisprudence et la distinction entre l'arbitrage international et national.

La Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 23 mars 1993, s'est référée à l'article 1492 du NCPC et a donné la définition suivante de l'arbitrage international:

"Considérant que le caractère international de l'arbitrage est ainsi déterminé en fonction de la réalité économique de l'opération de laquelle il est intervenu et suppose que la mise en oeuvre de cette opération comporte un transfert de biens, de services ou de fonds à travers les frontières, la nationalité des parties, la loi applicable au contrat ou à l'arbitrage et le lieu de ce dernier étant indifférent."246

Les tribunaux ont tendance à donner une interprétation assez large du terme "commerce international". La Cour de Cassation, dans un arrêt rendu le 21 mai 1997247, a jugé qu'un contrat mettant en cause des intérêts du commerce international relève de l'arbitrage international, peu importe si l'achat de l'automobile en question est destiné à un usage personnel. Le contrat "réalisait un transfert de biens et de fonds entre la France et le Royaume-Uni".

Dans le secteur maritime, la Cour d'appel de Paris (chambre 5B) a rendue une ordonnance le 12 janvier 1996, dans la affaire Société Delmas-Vieljeux-Afrique c/ la Réunion européenne et 23 autres compagnies d'assurances.248 La Cour a statué qu'une sentence arbitrale internationale n'était pas susceptible d'appel et que seul un recours en annulation est ouvert à l'encontre de la sentence internationale.

La Cour a affirmé qu'une sentence peut être internationale, même si elle a été rendue en France et toutes les parties étaient françaises. Tout dépend de l'article 1492 du NCPC et si le contrat met en cause les intérêts du commerce international.

"Qu'en effet il ne suffit pas que les parties à la procédure d'arbitrage soient de droit français et que le Tribunal se soit réuni à Paris pour que la sentence soit interne; que le contentieux porte sur une exportation de fruits de Côte d'Ivoire à destination de la France par un transport maritime international; que ce flux et ce reflux au-dessus des frontières met donc en cause des intérêts de commerce international au sens de l'article 1492 du Nouveau Code de Procédure Civile qui définit l'arbitrage international.

Considérant que l'article 1507 du Nouveau Code de Procédure Civile figurant dans le titre VI du livre quatrième prévoit que les dispositions du titre IV sur les voies de recours en matière d'arbitrage interne, à l'exception de celles de l'alinéa 1er de l'article 1487 et de l'article 1490 qui ne sont pas en cause ici, ne sont pas applicables en matière internationale;

Qu'il s'en déduit même, lorsque les parties n'ont pas renoncé à ce recours, l'exclusion impérative en matière internationale de la possibilité de soumettre la sentence arbitrale internationale à la voie de réformation de l'appel, que seul est ouvert contre une telle sentence le recours en annulation selon les

246 Société des Ets Marcel Sebin et autres c/ Société Irridelco, Rev arb. 1998, page 542.247 Renault c/ la Société W 2000 (Jaguar France), Rev. arb. 1997, page 537.248 Revue de Droit Commercial, Maritime, Aérien et des Transports, 1996, page 184.

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articles 1504 et 1507"

Dans le paragraphe suivant, nous étudierons les réformes du droit anglais d'arbitrage. Nous remarquerons la complexité du droit anglais de l'arbitrage par rapport au droit français, surtout en ce qui concerne les voies de recours contre une sentence arbitrale.

II.1.3 Réforme du droit anglais de l'arbitrage.

Le droit anglais de l'arbitrage a été réformé en 1950, 1979 et 1996. L'Arbitration Act 1950 a réuni toutes les lois existantes à l'époque en un seul texte législatif, sans pour autant introduire aucune modification de fond.

II.1.3.1 Arbitration Act 1979. 249

Réduction de l'étendue du contrôle judiciaire dans l'arbitrage:

L'Arbitration Act 1979 a réduit l'intervention judiciaire dans l'arbitrage. Son objectif a été résumé par un auteur:

"The main purpose of the 1979 Act was to abolish the "case stated procedure" for judicial review of arbitral awards contained in the 1950 Act and the power of the court to set aside or remit an arbitral award for errors of fact or law on the face of the award and to substitute a limited right of appeal."250

Elle a supprimé la compétence du tribunal étatique pour annuler ou différer une sentence arbitrale en raison d'une erreur de droit ou d'une erreur de fait.251

Abolition de la procédure du "special case " et restriction du droit d'appel

Elle a remplacé la procédure du "special case"252 par un droit d'appel bien plus limité et pouvant être exercé seulement avec le consentement de toutes les parties ou l'autorisation du tribunal (leave of court).

La Chambre de Lords a adopté une interprétation restrictive de ses dispositions touchant le droit d'un appel, dans une fameuse décision, The Nema.253 Cette interprétation a influencé le législateur plus tard, dans sa rédaction des dispositions concernant le droit d'appel, dans la loi de 1996.254

249 Pour un bref commentaire sur le développement du droit anglais de l'arbitrage, voir :"Vers une nouvelle loi anglaise sur l'arbitrage": Mustill (Sir Michael), Rev. arb; 1991, page 382

250 Zekos (G) "The Role of Courts in Commercial and Maritime Arbitration under English Law": Journal of International Arbitration, 1997, page 51.

251 Section 1 § 2 de l'Arbitration Act, 1979 ".. the High Court shall not have juridiction to set aside or remit an award on an arbitration agreement on the ground of errors of fact or law on the face of the award.

252 Le "special case" était une procédure par laquelle chaque partie pouvait exiger de l'arbitre qu'il fasse trancher une question de droit par les tribunaux étatiques, ce qui pouvait l'amener jusqu'à la Chambre des Lords.

253 The Nema, [1981] 2 Lloyds Rep. page 239. Voir aussi [The Anataios No 2 ]1984 2 Lloyds Rep. page 235.254 Voir paragraphe II.3.7 de notre étude.

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Dans l'affaire Nema, Lord Diplock a rappelé la necessité de mettre un point final à un litige par une sentence arbitrale. Le droit d'exercer un appel contre une sentence, doit etre limité à des circonstances exceptionnelles:

i) [lorsque l'arbitre]" has misdirected himself in law or has reached a decison which no reasonable arbitrator could have reached."ou

ii) lorsque les évènements qui motivent le différent peuvent avoir une incidence sur un nombre important de contrats similiaires, et qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé ( "a one off event").

L'article 3 de la loi de 1979 prévoyait que les parties pouvaient renoncer complètement à leur droit d'appel par un compromis à cet effet (un "exclusion agreement"), établi après le litige né. En ce qui concerne l'arbitrage international, (sauf pour des "special categories" 255) la loi de 1979 accordait aux parties, le droit de renoncer à leur droit à l'appel par une convention d'arbitrage négociée à tout moment, avant ou après la naissance du litige.

Les catégories speciales étaient pour les transports maritimes, l'assurance et les produits bruts. Les justifications pour l'existence de ces catégories ont été expliquées par un juriste anglais:

"The justification for the existence of these 'special categories' was that allowing unrestricted exclusion agreements would deny the courts the opportunity to develop the commercial law through the many cases which came before the courts by way of appeal. It seemed to many an extraordinary exercise in chauvinism that parties should have their expressed wishes ignored, so that they could in effect pay for the development of English commercial law."256

La loi de 1979 ne constituait en aucune manière une réévaluation fondamentale du droit anglais de l'arbitrage. Mais elle a marqué un changement de direction de l'arbitrage anglais, une approche moins interventionniste par les juges anglais. Deux auteurs éminents ont remarqué que:

" Quoi qu'il en soit, le climat dans les milieux juridiques, tel qu'il est exprimé par les décisions des juges, s'est révélé être un climat de bienveillance à l'égard de l'arbitrage depuis la Loi de 1979 à l'image de l'approche non-interventionniste exprimée par cette loi. Bien sur, rien ne pourra freiner la créativité des avocats des parties perdantes dans leur recherche de nouveaux moyens de recours contre la sentence arbitrale; mais les juges n'ont donné aucun encouragement à leur enthousiasme professionnel".257

L'Arbitration Act, 1979 a engagé un processus de réforme législative de l'arbitrage qui a été continué par la loi de 1996.

11.I.3.2 Departmental Advisory Committee (DAC) et la réforme de 1996

Après l'entrée en vigueur de la Loi-type de la CNUDCI sur l'arbitrage, une commission a été créée pour considérer si le Royaume-Uni aurait dû l'adopter et aussi pour examiner le droit existant sur l'arbitrage. Cette commission a été présidée d'abord par Lord Mustill et ensuite par Lord Steyn. Elle a publié un rapport en 1989 contre l'adoption de la Loi-type.258Cependant, la

255 L'article 4 de la loi de 1979.256 Robinson (K:) ".. Pastures New, The 1997 Freshfields Lecture", ,Arbitration International, 1998, page 361.257 "Le développement du droit anglais de l'arbitrage depuis la loi de 1979": Boyd (Stewart), QC et. Veeder (V.V.),

QC, Rev. Arb; 1991, page 211.258 A New Arbitration Act? : The Reponse of the Departmental Advisory Committee to the UNCITAL Model Law

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Commission a suggéré un nombre de réformes du droit anglais d'arbitrage. Un projet de loi a été présenté en 1994 par la Commission et a été beaucoup critiqué.

En automne 1994, Lord Saville a pris le contrôle de la commission. En décembre 1995, un nouveau projet de loi a été présenté devant le parlement britannique. Un rapport sur ce projet a été publié au début de l'année 1996.259Ce rapport est important parce que les tribunaux étatiques s'y référent pour interpréter la loi de 1996.260

II.1.3.3 DAC Report.

La clause 1 contient les dispositions générales du rapport et montre l'importance que la commission a accordé à la volonté des parties de régler leurs différends par voie arbitrale. Les juges étatiques devraient limiter leur intervention pour assister les parties et éviter de substituer la sentence arbitrale par une décision judiciaire.

" We do, however, see value in setting out the object of arbitration. Fairness, impartiality and the avoidance of unnecessary delay or expense are all aspects of justice, i.e. all requirements of a dispute resolution system based on obtaining a binding decision from a third party on the matters at issue. To our minds it is useful to stipulate that all the provisions of the Bill must be read with this object of arbitration in mind.

The second principle is that of party autonomy. This reflects the basis of the Modal Law and indeed much of our own present law. An arbitration under an arbitration agreement is a consensus process. The parties have agreed to resolve their disputes by their chosen means. ....

So far as the third principle is concerned this reflects Article 5 of the Modal Law. This article provides as follows:

'In matters governed by this law, no court shall intervene except where so provided in this law.'

As was pointed out in the Mustill Report (pp. 50- 52) there would be difficulties in importing the Act as it stands. However, there is no doubt that our law has been subject to international criticisms that the Courts intervene more than they should in the arbitral process, thereby tending to frustrate the choice the parties have made to use arbitration rather than litigation as the means of resolving their dispute.

Nowadays the courts are much less inclined to intervene in the arbitral process than used to be the case. The limitation on the right of appeal to the Courts from awards brought into effect by the Arbitration Act 1979, and changing attitudes generally, have meant that the Courts nowadays generally only intervene in order to support rather than displace the arbitral process . We are very much in favour of this modern approach and it seems to us that it should be enshrined as a principle in the Bill.261

II.1.3.4 Arbitration Act 1996.

L'Arbitration Act, 1996 est entrée en vigueur le 31 janvier 1997 et s'applique aux arbitrages

(1989); (1990) 6 Arbitration International, p. 1.259 Departmental Advisory Committe on Arbitration Law. 1996 Report on the Arbitration Bill. (the "DAC Report")

Arbitration International, Vol. 13, N° 3, page 275.260 Gill (Judith): "Statutory Construction: The Arbitration Act 1996: Halki Shipping v. Sopex Oils Limited",

International Arbitration Law Review, février 1998, page 94.261 Soulignement ajouté. Extraits de paragraphes 18 à 22 du "DAC Report".

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commencés après cette date et qui se déroulent en Angleterre, au Pays de Galles ou en Irlande du Nord.262 Elle s'applique également à l'arbitrage interne et international.

Elle a réuni dans un seul document, les dispositions des lois de 1950, 1975 et 1979 et elle a codifié certains principes de common law. Elle a introduit certains changements importants qui reflètent autant que possible la forme et les dispositions de la Loi-type. Ses rédacteurs voulaient simplifier le droit anglais sur l'arbitrage pour qu'il soit plus compréhensif au profane et au juriste étranger.263

Un juriste anglais a résumé les objectifs de la loi:

" Coupled with this consolidation of the law, the Act was designed to re-state English Arbitration law, broadly following the pattern of the UNCITAL Modal Law. But perhaps more importantly, the law has now been expressed in plain language, which can hopefully be understood by ordinary people possessing a reasonably degree of literary and not merely lawyers trained in the mysteries of statutory 'legalese'. This was the important contribution of the last of the 'head gardener' - Lord Saville. All this has made English Arbitration law more accessible."264

L'article 1 de la loi énonce ses principes fondamentaux qui incluent le désir de respecter la volonté de parties de régler leur litige par voie arbitrale "sous la seule réserve des exigences de l'ordre public." De plus, il indique que les tribunaux étatiques ne devraient intervenir que lorsque cela est prévu par la loi.

Abolition de catégories spéciaux:

Une des plus importantes réformes de la loi de 1996 était l'abolition de la procédure des "special categories."

Un juriste anglais a commenté sur cette réforme:

"One of the most important and beneficial changes brought about by the Act is barely mentioned in the draft, the abolition of the 'special category' cases. In these, the most popular fields for the UK international arbitration, the parties could not exclude the right of appeal until after the dispute had arisen. Now regular foreign users of London arbitration have only themselves to blame if they find themselves trapped in the claws of appeals of questions of law. European lawyers may, as a result, stop proposing statues in the Temple to the memory of the unknown foreign litigant! More sensibly, though, the parties cannot opt out of the right to set aside the award for misconduct."265

262 L'article 2 de la Loi de 1996. Nous avons déjà constaté que l'Ecosse a adopté sa propre loi sur l'arbitrage, modelée sur la Loi-type de la CNUDCI en 1990. Voir paragraphe II.1.1 de notre étude.

263 Un juriste français a commenté sur cet objectif de la nouvelle loi:

"L'effort de modernisation et de clarification de la nouvelle Loi de 1996 était destiné, on le rappelle, à rendre plus attrayant et plus compétitif l'arbitrage en Angleterre. Nul doute que cet objectif ait été atteint encore que le morcellement excessif des phrases laisse à penser que la Loi a été rédigée à l'intention d'analphabètes."

Robine (Eric), "La nouvelle Loi anglaise sur l'arbitrage", RDAI N° 5, 1997, page 608.264 "... Pastures New" The 1997 Freshfields Lecture": Rokinson (Ken), QC Arbitration International, 1998. p.361.265 "Arbitration statues in England & USA": Samuel (Adam) The Arbitration and Dispute Resolution Law Journal,

mars 1999, page 1

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Condition écrite de la convention d'arbitrage.

La partie qui veut faire exécuter la sentence ne réussirait pas si la convention d'arbitrage n'est pas valable. Les rédacteurs de la loi ont décidé de donner une large définition à l'exigence d'avoir une convention d'arbitage écrite266:

"We have, however, provided a very wide meaning to the words 'in writing.' Indeed this meaning is wider than that found in the Modal Law, but in our view, is consonant with Article II.2 of the English text of the New York Convention......This is designed to cover, amongst other things, extremely common situations such as salvage operations, where parties make an oral agreements which incorporates by reference the written form of agreement (e.g. Lloyd's Open Form), which contains an arbitration clause....."267

Un juriste grec, dans une commentaire sur l'arbitrage commercial et maritime anglais a noté que:

The requirement of writing [under the 1996 Act] is satisfied where there is a document which recognises, incorporates or conforms the arbitration agreement. The document does not need to be signed by either party. The incorporation in a bill of lading of all the "conditions" or "terms and condition" of a charter party does not extend to the arbitration clause in the charter party."268

Une convention orale d'arbitrage n'est pas sans effet. Le common law reconnait l'effet d'une telle convention. 269

La loi de 1996 retient aussi les règles du common law concernant les différends qui peuvent être réglés par voie arbitrale (l'article 81.1 (a)).

Intervention judiciaire

Même avec les réformes de 1979 et 1996, les juges anglais continuent à avoir un pouvoir plus étendu pour intervenir dans l'arbitrage que leurs collègues français. La loi de 1996 maintient la "collaboration" du juge et de l'arbitre, tout en définissant strictement ses limites. Le juge anglais demeure, comme dans le passé, un véritable juge d'appui pour l'arbitre.270

Néanmoins, la tendance aujourd'hui est clairement de limiter l'intervention judiciaire à un minimum. Les parties qui ont recours à l'arbitrage, surtout dans certains secteurs comme le maritime, ont besoin d'un minimum de protection fourni par les tribunaux étatiques. Un centre privilégié de l'arbitrage, comme Londres, risquerait de perdre des "clients", si les parties perçoivent que les juges étatiques sont trop prêts à intervenir. En outre, si les voies de recours contre la sentence arbitrale sont trop complexes, ils risqueraient d'aider une partie dilatoire.271

266 Voir l'article 5 de l'Arbitration Act, 1996.267 Clauses 34 & 36 du DAC Report.268 "The role of courts in commercial and maritime arbitration under English law" , Journal of international

Arbitration ,1997, page 50269 L'article 81.1 (b) de la loi de 1996. Donc une partie peut toujours intenter "une action on the award." Voir

paragraphe II.2.4.5 de notre étude.270 Les articles 42 à 45 de la loi donnent les principaux cas dans lesquels l'arbitre, les parties ou l'une d'elles, peuvent

demander l'intervention du juge.271 C'était les deux des arguments principaux en faveur de la réforme du droit anglais de l'arbitrage de 1996. Voir le

DAC Report.

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Dans les deux chapitres suivant nous étudierons le contrôle que les tribunaux étatiques exercent sur les sentences arbitrales. Ce contrôle s'exerce d'une part à l'occasion de demande de l'exequatur et d'autre part à l'occasion d'une action en annulation contre la sentence arbitrale.

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Chapitre 2: Exécution de la sentence arbitrale

II.2.1 Exécution volontaire

La grande majorité des sentences arbitrales sont exécutées spontanément par la partie "perdante". Sinon, l'arbitrage perdrait une grande partie de son intérêt, et les parties feraient mieux de s'adresser au début à un tribunal étatique. Mais, il existe toujours des perdants de mauvaise foi. Il n'est pas rare, non plus que la société "perdante" dépose son bilan et par conséquent, la partie qui a obtenu gain de cause n'a en pratique aucune chance d'être payée. Quand la partie perdante demeure encore solvable, il existe des dispositions législatives en France et en Angleterre pour faire exécuter la sentence.

II.2.2 Exécution en droit français

Une exécution volontaire de la sentence emportera évidemment l'acquiescement de la sentence et la renonciation à des voies de recours. Mais l'acquiescement doit être certain, c'est-à-dire, résulté d'actes ou de faits démontrant avec évidence l'intention de la partie à laquelle on l'oppose de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l'adversaire et de renoncer aux voies de recours. L'acquiescement à une sentence doit être exempt de toute contrainte: il doit s'agir d'une exécution volontaire. 272

II.2.2.1 Exequatur

La procédure de l'exequatur des sentences arbitrales internes françaises est réglée par les articles 1476 à 1479 du NCPC. L'article 1500 énonce que ces dispositions sont également applicables aux sentences internationales. Donc la procédure pour l'obtenir l'exequatur de la sentence arbitrale est grosso modo la même pour les deux.

II.2.2.2 Autorité de la sentence arbitrale.

L'article 1476 du NCPC énonce que la sentence arbitrale a "dès qu'elle est rendue, l'autorité de la chose jugée, relativement à la contestation qu'elle tranche." Pourtant, l'article 1478 subordonne l'exécution forcée de la sentence de l'arbitrage interne à "une décision d'exequatur". Egalement, l'article 1498 subordonne la reconnaissance et l'exécution forcée de la sentence arbitrale internationale au contrôle de son existence et l'absence de contrariété manifeste à l'ordre public international.273

272 Cours de Cassation "2eme chambre civil", 20 juin 1996, société Sopropeche contre société Comptoir Belgo-Européen de Commerce, Rev. arb 1997, page 437.

273 Articles 1492 à 1507 du NCPC ( à l'exception des articles 1502 et 1504 traitent de la même manière des sentences arbitrales rendues en France et toute sentence rendue à l'étranger (qu'elle soit vraiment internationale où touchent une affaire purement interne de l'Etat ou elle a été rendue). Dans l'intérêt de brièveté, nous utilisons simplement le terme "sentence internationale".

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Page 85: Exécution de la sentence arbitrale et voies de recours contre la sentence rendue

II.2.2.3 Reconnaissance et Exequatur.

L'article 1477 précise que la sentence arbitrale interne française "n'est pas susceptible d'exécution forcée qu'en vertu d'une décision d'exequatur".

En revanche, le décret de 1981 relatif à l'arbitrage international, n'emploie pas le terme "exequatur", sinon par renvoi aux dispositions du droit interne (article 1500). Comme pour les Conventions de 1927 et 1958, le décret de 1981 fixe un régime de "reconnaissance" et d'"exécution" des sentences arbitrales internationales."274 Néanmoins, les conditions pour les deux sont les mêmes (article 1498). Le décret se réfère, à plusieurs reprises à la décision qui accorde ou qui refuse "l'exécution" de la sentence.275

Il faut distinguer la reconnaissance de l'exequatur. La plus souvent, elle sera incidente, la sentence étant évoquée à l'occasion d'un autre débat. La reconnaissance ne confère pas de caractère exécutoire à la sentence. Elle est simplement l'admission par l'ordre judiciaire de l'existence de la sentence, elle ne tend pas à l'exécution forcée de la sentence.276

L'exequatur des sentences arbitrales résulte de la demande portée devant les tribunaux de conférer le caractère exécutoire à la sentence. En ce qui concerne l'arbitrage international, le Code parle d'exécution forcée de la sentence dont l'exequatur n'est qu'un prélude.

II.2.2.4 Compétence territoriale et d'attribution.

Les demandes d'exequatur sont portées devant le tribunal de grande instance statuant à juge unique.277 L'article 1477 précise que le juge territorialement compétent est celui "dans le ressort duquel la sentence a été rendue". Le texte ne fournit pas, en revanche, d'indications pour la sentence internationale rendue hors de France.

La Cour d'appel de Paris a considéré cette carence dans un arrêt rendue le 10 juillet 1992 entre une société française et une société enregistrée à Moscou.278 La sentence a été rendue à Stockholm. La société russe a demandé et a obtenu l'exequatur de la sentence du Président du Tribunal de grande instance de Paris le 21 juin 1991. La société française a fait appel. Elle a prétendu que le tribunal de grande instance de Paris n'avait pas compétence territoriale et que "le magistrat compétent était celui de Troyes, lieu du siège social de la partie contre laquelle l'exécution était demandée, en vertu de l'article 42 du nouveau Code de procédure civile." 279 La Cour d'appel de Paris a rejeté l'appel. La Cour a statué:

"Considérant que la règle de compétence territoriale ainsi posée [par l'article 1477] pour l'arbitrage

274 Intitulé des Chapitre 1er du Titre VI du Livre IV du NCPC se réfère à "La reconnaissance et l'exécution forcée des sentences arbitrales rendues à l'étranger ou en matière d'arbitrage international".

275 Les articles 1502 et 1502, 1504, alinéa 2 du NCPC.276 Voir paragraphe 2.3 de notre étude concernant la reconnaissance et l'exécution d'une sentence arbitrale étrangère

et la Convention de 1958.277 L'article L 311-11 du Code de l'organisation judiciaire issue de la loi du 9 juillet 1991.278 Société GL Outillage c/ société Stankoimport, Rev. arb. 1994, page 142.279 Il y avait un autre grief qui était considéré par la Cour mais que ne nous concerne pas ici.

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interne, étendue, en vertu du renvoie qui y est fait par l'article 1500, aux sentences rendues en France en matière d'arbitrage international, est sans application possible dans le cas d'une sentence rendue à l'étranger;

Considérant qu'à défaut d'une disposition précise, adéquate à cette circonstance, et l'article 42 du nouveau Code de procédure civile n'ayant pas de vocation privilégiée à s'appliquer en la matière, le choix du Tribunal de grande instance de Paris, hors de toute fraude - non alléguée en l'espèce - apparaît approprié, l'objet de la demande était à la fois la reconnaissance de la sentence rendue à l'étranger dans l'ordre juridique français, et son exécution, cette compétence pouvant, de plus, être rapprochée de celle reconnue au même magistrat, toujours en matière d'arbitrage international, par le deuxième alinéa de l'article 1493."

II.2.2.5 Etendue du contrôle du juge d'exequatur

Pour obtenir l'exequatur d'une sentence interne, "la minute de la sentence accompagnée d'un exemplaire de la convention d'arbitrage" doit être déposée "par l'un des arbitres ou par la partie la plus diligente au secrétariat de la juridiction" (article 1477).

Afin d'obtenir la reconnaissance et l'exécution forcée de la sentence internationale l'existence de la sentence doit être établie par celui qui s'en prévaut par "la production de l'original accompagnée de la convention d'arbitrage ou des copies de ces documents réunissant les requises pour leur authenticité. Si ces pièces ne sont pas rédigées en langue française, la partie en produit une traduction certifiée par un traducteur inscrit sur la liste des experts." (article 1499)280

La saisie du Tribunal de Grande Instance est par voie de requête. Donc l'exequatur est accordé (ou refusé) sans un débat contradictoire entre les parties. L'utilisation de la procédure d'ordonnance sur requête ne donne qu'un contrôle prima facie de la sentence arbitrale au juge d'exequatur. Le juge peut cependant appeler à la cause l'autre partie s'il estime avoir besoin de certaines informations.

Le contrôle de fond de la sentence arbitrale est exercé devant la Cour d'appel en cas d'un recours. Le juge d'exequatur vérifie l'existence de la sentence en examinant la sentence et la convention d'arbitrage. En ce qui concerne l'arbitrage interne, un auteur a remarqué que:

" A partir de l'instant ou le juge de l'exequatur s'est assuré de ce que le document qui lui est présenté revêt les caractères extérieurs d'une sentence arbitrale, il ne pourra refuser l'exequatur que si la sentence est, d'une manière évidente et apparente, contraire à l'ordre public. L'on entendra par là que la violation supposée ressorte des éléments extrinsèques de celle-ci, lequel supposerait l'intervention d'un débat contradictoire. Ce serait le cas si la convention avait donné à juger une matière en elle-même non arbitrale, telle une question d'état."281

S'il s'agit d'une sentence internationale, le juge vérifie que l'exequatur n'est pas "manifestement contraire à l'ordre public" (article 1498). L'emploi d'un mot "manifestement" par cet article souligne la nature sommaire du contrôle exercé par le juge d'exequatur.282Il s'agit, de la conception française de l'ordre public international.283

280 Les dispositions de l'article 1499 fait partiellement double emploi avec celles de l'article 1477, alinéa 2, qui sont aussi applicables en vertu du renvoi opéré par l'article 1500. La seule différence entre les deux textes concerne le dépôt de la sentence arbitrale par l'un des arbitres.

281 L'arbitrage droit interne droit international privé: Robert (Jean), page 190.282 Ce mot n'est pas repris par l'article 1502 § 5.283 Cours d'appel de Paris, 20 juin 1996, société Paris contre société Razel, Rev. arb. 1996, page 658.

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Deux conditions sont donc exigées pour l'exequatur: une condition matérielle, l'existence de la sentence doit être établie par les documents mentionnés à l'article 1477 pour les sentences internes et à l'article 1499 s'il s'agit d'une sentence international. Il y a de plus, une condition juridique, l'exequatur ne doit être contraire à l'ordre public interne pour les sentences internes ou contraire à l'ordre public international pour les sentences internationales. L'examen ne sera pas effectué sur le fond et restera très sommaire.

L'exequatur est apposé sur la minute de la sentence arbitrale. Le juge n'est pas obligé de motiver l'ordonnance d'exequatur. Par contre, si l'exequatur est refusé, l'ordonnance doit être motivée (article 1478).

Le juge rend une ordonnance qui accorde ou refuse l'exequatur en totalité. Il n'y a pas d'exequatur partiel ou sous réserve. Il peut seulement sanctionner l'abus d'une voie de recours contre la sentence.

II.2.2.6 Effets de l'ordonnance d'exequatur.

L'exequatur ne change pas la nature juridique de la sentence mais elle la rend exécutoire et permet l'exécution forcée. L'obtention de l'ordonnance d'exequatur fait courir le délai des voies de recours. L'exécution forcée de la sentence ne peut pas intervenir sans que la décision d'exequatur ne soit signifiée et le délai d'un mois ne soit écoulé. Ce délai donne à la partie adverse l'opportunité de recourir devant la Cour d'appel.284

II.2.2.7 Exécution provisoire de la sentence

L'exécution provisoire est en principe accordée par l'arbitre conformément aux dispositions applicables aux jugements, qui valent pour les sentences arbitrales (article 1479, alinéa 1). En particulier, seront exécutoires à titre provisoire les sentences prescrivant des mesures conservatoires (des saisies-arrêts).

Mais le juge étatique peut également accorder l'exécution provisoire, lorsque la sentence arbitrale fait l'objet d'un appel ou d'un recours en annulation, dans les conditions prévues par l'article 1479, alinéa 2. Dans ce cas, le premier président de la cour d'appel ou le magistrat chargé de la mise en état peuvent l'accorder. Ils ont seuls ce pouvoir qu'ils exerceront en considération de l'urgence. Leur décision vaudra exequatur de la sentence arbitrale, sans que le juge de l'exequatur puisse se substituer à eux.

L'article 1498 du NCPC correspond aux articles IV et V § 2 de la Convention de 1958. Les documents que le requérant de l'exequatur est obligé de fournir au tribunal étatique sont les mêmes selon les dispositions de l'article 1498 du NCPC et de l'article IV de la Convention de 1958.

L'article 1498 prévoit que l'exequatur sera refusé s'il est "manifestement contraire à l'ordre

284 Voir l'alinéa 3 de l'article 1486 pour une sentence interne: "Le délai pour exercer ces recours suspend l'exécution de la sentence arbitrale. Le recours exercé dans le délai est également suspensif."

Voir l'article 1506 pour l'arbitrage international; " Le délai pour exercer les recours prévus aux articles 1501, 1502 et 1504 suspend l'exécution de la sentence. Le recours exercé dans le délai est également suspensif.

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public". L'article V § 2 de la Convention de 1958 prévoit qu'il serait refusé si "d'après la loi de ce pays,[où la demande est faite] l'objet du différend n'est pas susceptible d'être réglé par voie d'arbitrage", ou "que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence serait contraire à l'ordre public de ce pays".

La législation française ajoute le mot "manifestement" qui est fidèle à l'objectif qu'un minimum de contrôle soit exercé par le juge d'exequatur. Nous avons déjà constaté, dans la première partie de notre étude, qu'une bonne partie de la doctrine est d'avis qui l'arbitrabilité d'un litige relève de l'ordre public.285

II.2.3 Exécution forcée en droit anglais

II.2.3.1 Autorité de la sentence arbitrale

L'article 58 § 1 de l'Arbitration Act, 1996 prévoit que:

"Sauf convention contraire des parties, la sentence rendue sur convention d'arbitrage a l'autorité de la chose jugée entre les parties et toutes personnes qu'elles représentent ou tous ayants cause."

Cependant, comme en France, si la partie "perdante" n'exécute pas spontanément la sentence, la partie qui a obtenu gain de cause est obligée de s'adresser au juge étatique.

II.2.3.2 Exécution de la sentence arbitrale.

Le droit anglais ne distingue pas, en principe, entre l'arbitrage national et international. Il faut de même opérer une distinction entre l'exécution des sentences nationales et étrangères.

Il existe deux moyens d'obtenir l'exécution de la sentence nationale:

i par une action en application de l'article 66 de la loi de 1996. i par une "action on the award" devant le tribunal de droit commun.

II.2.3.3 Action en application de l'article 66 de l'Arbitration Act, 1996.

L'article 66 prévoit qu'une sentence arbitrale sera rendue exécutoire par le tribunal étatique de la même manière qu'un jugement après autorisation en ce sens par le juge. Il est d'ordre public. C'est la procédure normalement invoquée pour faire exécuter une sentence, rendue en Angleterre ou à l'étranger, et même si aucun siège n'a été désigné par les parties. La procédure pour obtenir l'exequatur de la sentence arbitrale n'est pas compliquée. La demande d'autorisation est faite "ex parte", soutenue par affidavit avec la convention d'arbitrage286 et la sentence (et des traductions, si nécessaire) comme pièces à conviction.

285 Voir paragraphe 2.8.1 de notre étude.286 Donc, l'article 66 ne peut pas être invoqué si une convention d'arbitrage écrite n'existe pas. Voir article 5 & 6 de

la loi de 1996 pour une définition d'une convention d'arbitrage.

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L'exequatur est généralement accordé, cependant l'article 66 § 3 prévoit que l'exécution doit être refusée si la partie, contre laquelle la sentence est invoquée, prouve que le tribunal arbitral n'est pas compétent.

La partie qui oppose la requête d'exequatur, (par opposition à l'ordonnance d'exequatur) sous les dispositions de l'article 66, doit agir promptement parce que l'ordonnance sera accordée ex parte, si elle ne signale son opposition au juge étatique. Le charge de la preuve d'incompétence du tribunal arbitral,287 repose sur la partie qui oppose l'exécution de la sentence.

Même quand la compétence du tribunal arbitral n'est pas en question,288 le juge a une discrétion de ne pas ordonner l'exequatur. Par exemple, le juge ne doit pas accorder l'exequatur quand la sentence est si défectueuse en forme,289 ou en fond290 qu'elle est incapable être exécutée, ou si l'exécution est contraire à l'ordre public.291 Le juge étatique peut aussi refuser d'ordonner l'exequatur d'une sentence si le différend ne peut pas être réglé par l'arbitrage ou si l'exécution de la sentence (par l'ordonnance d'exequatur) affecterait à tort les droits des tierces parties. Mais ce sont des exceptions et le juge étatique donnerait effet à la sentence quand il est possible de le faire.

L'ordonnance d'exequatur prévoit en général que la sentence peut être exécutée de la même manière qu'un jugement. Donc tous les moyens d'exécuter un jugement sont valides, y compris des injonctions.292 La plupart du temps, la partie qui a obtenu l'ordonnance d'exequatur procédera à l'exécution de la sentence sans retard, mais elle n'est pas obligée de le faire.

L'article 66 § 2 prévoit que lorsque le juge accorde l'exequatur d'une sentence, la sentence fait l'objet d'un jugement d'homologation. Il peut être nécessaire que le jugement contienne les mêmes termes de la sentence pour respecter une obligation contractuelle ou pour avoir le bénéfice d'une Convention internationale.

L'article 66 ne prévoit pas qu'une ordonnance d'exequatur puisse être accordée s'il existe "une sentence rendue par le tribunal arbitral sur convention d'arbitrage". Donc l'article 66 ne peut pas être invoqué pour exécuter des sentences provisoires. En plus le juge étatique n'autoriserait pas l'exécution d'une sentence pour le paiement d'une somme d'argent si le montant n'est pas spécifié.293

Si la Cour accorde l'autorisation, l'adversaire peut toujours intenter un recours contre la sentence arbitrale. Il y a un délai après signification de l'ordonnance pendant lequel l'adversaire peut demander son annulation. En général, il y a une audience devant la Cour où le recours est considéré. La Cour peut confirmer la sentence, l'annuler ou procéder à un "full hearing before

287 ou que le droit d'invoquer ce grief n'est pas forclos.288 Voir l'article 82 (1) de la loi de 1996 pour une définition de la compétence du tribunal arbitral et l'article 67 pour

le recours contre la sentence pour défaut de compétence.289 Certains défauts peuvent être rectifiés sous les dispositions de l'article 57 de la loi de 1996.290 Le défauts sur le fond devrait être évident apparent par le lecteur d'une la sentence.291 La contrariété à l'ordre public n'est pas mentionnée à l'article 66 de la loi de 1996. Néanmoins les auteurs du DAC

report (paragraphe 273) ont considéré que le juge d'exequatur a la discrétion de refuser l'exequatur pour contrariété à l'ordre public.

292 Aiglon Ltd and L'Aiglon S.A. v. Gau Shan Co. Ltd [1992] 2 Lloyd's Rep. page 186.293 Margulies Bros. Ltd v. Dafnis Thomaides & Co. (U.K.) Ltd [1958] 1 Lloyds Rep. p. 250. Une rectification de la

sentence ou une sentence additionnelle peut être requise sous les dispositions de l'article 57.

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the court."294

II.2.3.4 Action on the Award.

L'article 58 qui stipule que la sentence arbitrale, a l'autorité de la chose jugée, soutient la procédure d'une action on the award on the award. Si une partie qui veut faire exécuter la sentence, ne peut pas invoquer les dispositions de l'article 66,295 elle peut intenter une action on the award. Le demandeur doit plaider et prouver la convention d'arbitrage et la sentence. Les auteurs de Russell on Arbitration ont indiqué que les éléments essentiels qui doivent être plaidés et prouvés sont les suivants:

i " an arbitration agreement;i that a dispute has arisen which falls within that arbitration agreement;i the appointment of a tribunal in accordance with the arbitration agreement;i the making of an award pursuant to the arbitration agreement; andi failure to perform the award."296

Les mêmes griefs qui sont opposables à une autorisation sous les dispositions de l'article 66 peuvent être invoqués contre une award on the award. Mais une irrégularité substantielle de la part du tribunal arbitral ne peut pas être invoquée comme défense à une action on the award.

Une action on the award sera normalement forclose après six ans,297mais si la convention d'arbitrage est scellée, la période est de douze ans.298 La période commence dès la non-observation de l'obligation d'exécuter la sentence.

II.2.3.5 Reconnaissance et l'exécution des sentences étrangères

Les deux procédures qui nous venons d'évoquer sont également applicables pour l'exécution des sentences rendues à l'étranger.

La Section III (les articles 99 à 104 ) de la loi de 1996 contient des dispositions concernant les sentences relevant des Conventions de 1927 et 1958.299 L'article 99 prévoit que la Section II de l'Arbitration Act 1950 demeure applicable aux sentences étrangères qui relèvent de la Convention de 1927 mais pas de celle de 1958.300

Nous avons déjà mentionné la Section III de la loi de 1996 dans la première partie de notre étude. Il nous reste donc très peu de précisions à ajouter. L'articles 99 à 104 concernent les

294 L'article 67 § 3.295 Par exemple, si la seule preuve écrite de la convention d'arbitrage n'est pas admissible devant un tribunal étatique

ou quand l'action en application de l'article 66 n'a pas réussi.296 Russell on Arbitration: Sutton (David), Kendall (John) et Gill (Judith), page 251.297 L'article 7 de la Limitation Act, 1980.298 L'article 8 de la Limitation Act, 1980.299 L'article 100 (4) de la loi de 1996 donne une définition de la Convention de 1958.300 La Section II de l'Arbitration Act, 1950 contient des dispositions pour l'exécution de certaines sentences qui ont

été rendues suivant les dispositions du Protocole de 1923 et de la Convention de 1927.

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sentences rendues en dehors du Royaume-Uni dans des autres pays contractant de la Convention (article 100). La sentence arbitrale a l'autorité de la chose jugée (article 101).

La convention d'arbitrage doit être "stipulée par écrit" (article 100 § 2) et la sentence "est réputée rendue au siège de l'arbitrage, quel que soit le lieu de sa signature, de son expédition ou de sa remise aux parties" (article 100 § 3).

La procédure pour l'obtenir la reconnaissance et l'exécution de la sentence et les preuves à fournir par la partie qui les demande sont les mêmes que dans l'article IV de la Convention de 1958 et également dans l'article 1499 du NCPC français.301

Si l'existence d'un des griefs énumérés à l'article 103 n'est pas prouvé, le juge étatique accorderait en générale reconnaissance et exécution de la sentence arbitrale relevant de la Convention de 1958. La charge de la preuve tombe sur la partie qui oppose l'exécution de la sentence.302

Les griefs qui peuvent être invoqués contre l'exequatur d'une sentence, en application de la Section III de la loi, ne sont pas identiques à ceux des articles 67 et 68. Les griefs de la Section III ont un caractère limitatif. Les griefs qui peuvent être invoqués par la partie qui oppose une action en application de l'article 66 sont plus étendus. Il est douteux que toutes les irrégularités substantielles de l'article 68 de 1996 puissent justifiées un refus de l'exequatur sous les dispositions de la Section III.303

301 Voir l'article 102 de la loi de 1996.302 Voir l'article 103 de la loi de 1996. Les griefs correspondent à ceux de l'article V de la Convention de 1958.303 Par exemple, l'incertitude ou l'ambiguïté de la sentence.

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Chapitre 3: Recours contre la sentence arbitrale

II.3.1 En droit français

Les rédacteurs des décrets du 14 mai 1980 et du 12 mai 1981 ont voulu moderniser et simplifier le régime français des voies de recours ouvertes contre la sentence arbitrale. L'opinion unanime de la doctrine est qu'ils ont largement atteint cet objectif.304

Les recours susceptibles d'être invoqués changent si la sentence relève de l'arbitrage interne ou international et si elle a été rendue en France ou à l'étranger. L'intervention judiciaire est notamment plus restreinte pour les sentences internationales et étrangères.

Le législateur, désireux de simplifier les voies de recours en matière d'arbitrage interne et international, a décidé de confier l'ensemble de ce contentieux à une seule juridiction: la cour d'appel. Celle-ci est donc saisie, en vertu de l'article 1486 alinéa 1 du NCPC pour l'arbitrage interne, et des articles 1503 et 1505 NCPC pour l'arbitrage international, de tous les appels et recours en annulation interjetés.

Selon une étude entreprise par Mme Sophie Crispin, publiée en 1991, la majorité des litiges soumis à la cour d'appel de Paris, concerne les arbitrages internes. Cependant, pour les secteurs du transport, la construction et les travaux publics, les litiges sont en général, d'ordre international. En matière internationale, la plupart des litiges qui viennent devant la cour concernent les sentences rendues en France.305

Nous commençons par examiner les voies de recours de l'arbitrage interne.

II.3.2 Voies de recours offerts en droit interne français

L'article 1481 du NCPC prévoit que la sentence arbitrale "n'est pas susceptible d'opposition ni de pourvoi en cassation." Il reste la tierce-opposition, le recours en révision, l'appel et l'annulation. Parmi les voies de recours ouvertes on distingue les voies de recours ordinaires, qui peuvent être exercées systématiquement et les voies de recours extraordinaires, que la loi n'offre que dans des hypothèses restrictives.

II.3.2.1 Voies de recours extraordinaires

Ces voies de recours, qui sont au nombre de deux, ont des caractéristiques communes. Elles ne

304 Loquin (Eric) "Perspectives pour une réforme des voies de recours", Rev. arb. 1992, page .320.305 Sophie Crépin: "Le contrôle des sentences arbitrales par la cour d'appel de Paris depuis les réformes de 1980 et

1981." Rev arb 1991, page 521.

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sont ouvertes que dans les cas prévus par la loi. Elles n'ont pas d'effet suspensif et constituent des garanties particulières, tant pour les parties, tant pour les tiers. Elles ne sont ouvertes qu'en arbitrage interne. Il s'agit du recours en révision et de la tierce opposition.

II.3.2.1.1 Tierce opposition

Elle est prévue expressément par l'article 1481 alinéa 2 du NCPC. Cette voie de recours ne peut être exercée que par une personne qui éprouve un préjudice ou la menace d'un préjudice et qui n'a été ni partie, ni représentée à l'arbitrage.Le recours en tierce opposition est porté devant devant la juridiction qui aurait été compétente si les parties n'avaient pas eu recours à l'arbitrage.

II.3.2.1.2 Recours en révision.

Ce recours est possible selon l'article 1491 NCPC "dans les cas et sous les conditions prévues pour les jugements," c'est-à-dire lorsqu'une décision est contestée pour avoir été rendue sur la base de faits inexacts. Le rôle de ce recours est de permettre la rectification, totale ou partielle d'un jugement, en cas de fraude ou de faux.Ce recours est porté devant la Cour d'appel qui aurait été compétente pour connaître d'autres recours contre la sentence.

II.3.2.2 Voies de recours ordinaires

Il s'agit de l'appel et du recours en annulation. La juridiction compétente pour les connaître est la cour d'appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue. Le délais pour exercer ces recours est d'un mois à compter de la signification de la sentence revêtue de l'exequatur.306

L'article 1487 du NCPC prévoit que la procédure applicable est celle de "matière contentieuse devant la cour d'appel." Compte tenu de la similitude de procédure, et les cas d'ouverture de ces deux voies de recours, une partie intéressée peut hésiter entre les deux. L'article 1487 alinéa 2 prévoit donc que: "la qualification donnée par les parties à la voie de recours, au moment où la déclaration est faite, peut être modifiée ou précisée jusqu'à ce que la cour d'appel soit saisie."

II.3.2.2.1 Appel

Selon l'article 1482 du NCPC la sentence arbitrale est susceptible d'appel "à moins que les parties n'aient pas renoncé à l'appel dans la convention d'arbitrage," et à condition que l'arbitre n'ait pas statué en amiable compositeur, sauf volonté expresse contraire des parties.

L'appel a un effet dévolutif car il confère à la cour d'appel plénitude de juridiction: elle peut annuler ou réformer la sentence et dans ce cas la décision de la cour se substitue à celle des arbitres. Le rejet de l'appel confère exequatur à la sentence ou à celles de ses dispositions qui n'étaient pas censurées.

La voie d'appel n'est que très exceptionnellement utilisée. La faculté de renoncer à l'appel est largement utilisée dans les conventions d'arbitrage.

306 L'article 1486 du NCPC.

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II.3.2.2.2 Recours en annulation.

Ce recours concerne le contrôle de la légalité des sentences. Selon l'article 1484 du NCPC, il ne peut être exercé qu'en présence d'une renonciation des parties à l'appel. Ce recours n'est pas toujours juridiquement possible mais quand il l'est, il est toujours ouvert en ce sens que les parties ne sauraient y renoncer.

L'article 1484 prévoit six cas d'ouverture au recours en annulation:

"1° Si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur convention nulle ou expirée; 2° Si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrment désigné; 3° Si l'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée; 4° Lorsque le principe de la contradiction n'a pas été respecté; 5° Dans tous les cas prévus à l'article 1480; 6° Si l'arbitre a violé une régle d'ordre public."

Les six cas d'ouverture, prévus par l'article 1484, ont un caractère limitatif. Les quatres premiers cas sont les mêmes pour l'arbitrage international. Nous les étudierons ci-dessous, lorsque nous regardons les recours contre une sentence arbitrale internationale.

Le cinquième cas est ouvert si la sentence est nulle en application de l'article 1480. Ce grief ne peut être invoqué qu'à l'encontre d'une sentence interne. L'article 1480 précise que les dispositions des articles 1471 alinéa 2, 1472 et 1473 sont prescrites à peine de nullité. La nullité sanctionne ainsi la violation de certaines règles de forme dans la rédaction de la sentence: absence de motivation; 307absence de mention du nom des arbitres qui ont rendu la sentence;308absence de date;309ou absence de signature de la sentence.310

Le dernier cas d'ouverture peut aussi être intenté si l'arbitre a violé "une règle d'ordre public." Il s'agit de l'ordre public interne.311 Le même grief existe contre une sentence internationale mais concerne la contrariété à l'ordre public international.

Comme l'appel, le rejet du recours confère l'exequatur de la sentence. Lorsque le recours est accueilli, il entraîne l'annulation, en tout ou partie, de la sentence. Lorsque la cour annule la sentence "elle statue sur le fond dans les limites de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties" (article 1485). Les parties peuvent décider dans la convention d'arbitrage ou au moment de l'instance que, si la sentence est annulée, la cause sera renvoyée à un nouvel arbitrage.L'ordonnance qui accorde l'exequatur ne peut faire l'objet de recours.312

II.3.3 Voix de recours ouverts en droit international privé français.

Les voix de recours à l'encontre des sentences rendues à l'étranger ou en France en matière internationale ont un caractère exceptionnel. Le législateur français de 1981 a entendu écarter

307 L'article 1471 alinéa 2.308 L'article 1472.309 L'article 1472310 L'article 1473.311 Ce grief est celui qui a été le plus souvent soulevé par les parties, devant la Cour d'appel de Paris, pendant la

période 1981-91(l'étude de Mme Crépin), Rev. arb. 1991, page 577.312 Une partie "perdante"ne peut que faire appel ou exercer un recours contre la sentence arbitrale

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toute autre voie de recours que celles qui sont traitées dans ce texte. C'est-à-dire que ni l'appel proprement dit contre la sentence, ni la tierce opposition, ni l'action en révision, ni l'action préventive en inopposabilité ne sont recevables.

Les parties ne sauraient déroger à ces règles, l'organisation des voies de recours est considérée comme d'ordre public. Par conséquent, une stipulation dans un compromis que la sentence serait susceptible d'appel est nulle. En plus, la partie à l'encontre de laquelle une sentence a été rendue à l'étranger, ne peut pas prendre les devants, et saisir le tribunal de grande instance d'une action principale en inopposabilité, s'évitant ainsi la menace de mesures conservatoires que le bénéficiaire de la sentence pourrait mettre en oeuvre au moment, où il entendrait se prévaloir de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la sentence. 313

Trois voies de recours

Il faut retenir trois différents recours possibles offerts selon la catégorie de la sentence en cause:

i Appel de l'ordonnance refusant l'exequatur ou la reconnaissance de la sentence (article 1501 du NCPC). Ce recours vise toutes les sentences rendues en France ou à l'étranger.

i Appel de l'ordonnance accordant l'exequatur ou la reconnaissance d'une sentence étrangère (article 1502).

i Recours en annulation d'une sentence rendue en France en matière internationale (article 1504).

II.3.3.1 Appel de l'ordonnance refusant l'exequatur ou la reconnaissance de la sentence.

L'article 1501 dispose que "la décision qui refuse la reconnaissance ou l'exécution est susceptible d'appel." Cet appel n'est pas dirigé contre la sentence, mais contre la décision de refus de reconnaissance ou d'exequatur.

Le contrôle du juge porte sur la décision de la juridiction qui a refusé l'exequatur ou la reconnaissance de la sentence. Il permet de vérifier que la sentence n'est manifestement pas contraire à l'ordre public international et que l'acte en question constitue une sentence. Ce contrôle est assez sommaire, et il est rare car peu de sentences se voient refuser la reconnaissance ou l'exequatur.

L'article 1503 précise que l'appel est porté devant la cour d'appel dont relève le juge qui a rendu la décision d'exequatur, dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision du juge. La saisie de la cour d'appel, sera ou non contradictoire, selon les cas.

Etant donné le caractère strict qui s'attache à toutes les voies de recours en matière d'arbitrage, et particulièrement international, il ne pourrait être question qu'à l'occasion d'un pareil recours, soient examinés simultanément, même avec l'accord des parties, les recours susceptibles d'être ouverts contre la même sentence, aux titres des articles 1502 et 1504.

313 Rev. arb. 1990 p.693

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II.3.3.2 Appel de la décision qui accorde reconnaissance ou l'exequatur (article 1502 du NCPC).

L'ordonnance d'exequatur n'est susceptible d'aucun recours en droit interne,314 mais elle peut faire l'objet d'appel en arbitrage international, si la sentence a été rendue à l'étranger.

Le recours qui fait l'objet de l'article 1502 est un appel, dirigé contre la décision d'accorder la reconnaissance ou l'exécution d'une sentence étrangère en France. La partie à laquelle la sentence rendue à l'étranger porte préjudice devra attendre la décision du juge accordant la reconnaissance ou l'exequatur. Elle aura un mois à compter de la signification de la décision du juge pour interjeter appel.315

Les griefs susceptibles d'être invoqués à l'encontre d'une sentence rendue en France, en matière internationale (articles 1502), sont les mêmes que ceux qui peuvent être opposés à la reconnaissance ou à l'exécution en France, d'une sentence rendue à l'étranger (article 1504). Nous examinerons ces griefs ci-dessous. Dans les deux cas, les cinq griefs, que ce texte détermine avec précision, sont limitatifs. Tout autre grief, comme, par exemple, celui tiré de l'incompétence territoriale du juge saisi, serait irrecevable.316

Si l'appel est admis, la sentence étrangère qui en a fait l'objet, se trouve privée de toute possibilité de reconnaissance ou d'exécution en France. Elle n'entre pas dans l'ordre juridique français. C'est pour cette raison que l'on qualifie le recours d'action en inopposabilité. Comme il s'agit d'une sentence étrangère, le succès de l'appel n'entraîne pas l'annulation de la sentence. Le rejet du recours confère automatiquement l'exequatur à la sentence.317

Selon l'article 1506, le délai pour exercer le recours, ainsi que le recours exercé dans le délai, est suspensif. Ainsi, la partie qui souhaite obtenir l'exécution de la sentence ne peut en principe y procéder avant que la cour d'appel ne statue sur les cas visés à l'article 1502.

II.3.3.3 Recours en annulation de la sentence.

L'article 1504 du NCPC précise que la sentence arbitrale rendue en France en matière d'arbitrage international, peut faire l'objet d'un recours en annulation devant la cour d'appel, dans les cinq cas prévus à l'article 1502."

Il est recevable dès le prononcé de la sentence et cesse d'être s'il n'a pas été exercé, dans le mois de la signification de la sentence déclarée exécutoire.318 Le délai pour attaquer la sentence, ainsi que le recours lui-même, est suspensif.319 Ce recours emporte de plein droit, dans les limites de la saisie de la cour d'appel, recours contre l'ordonnance du juge de l'exécution ou dessaisissement de ce juge.320

314 Voir l'article 1488 du NCPC315 L'article 1503 du NCPC.316 Voir l'arrêt Stankoimport, Rev arb, 1994 p.142317 L'article 1490, applicable en raison du renvoi opéré par l'article 1507 du NCPC318 L'article 1505 du NCPC.319 L'article 1506 du NCPC.320 L'article 1504 alinéa 2 du NCPC

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Par contre, si la cour d'appel accueille le recours en annulation, sa décision met à néant, en tout ou en partie, la sentence attaquée. A la différence de l'arbitrage interne, la cour ne peut pas statuer elle-même sur le fond du litige. L'annulation de la sentence laisse subsister la convention d'arbitrage. Les parties peuvent de nouveau soumettre leur différend à l'arbitrage.

II.3.4. Procédure devant la cour d'appel

L'appel ou le recours en annulation est porté devant la cours d'appel dont relève le juge d'exequatur321 ou dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue.322La procédure est contentieuse.323

Nous avons déjà mentionné que les délais pour exercer un appel ou un recours en annulation de la sentence, sont suspensifs. Cependant, la cour d'appel peut accorder l'exécution provisoire à la sentence soumise à son contrôle.324

Si la cour d'appel rejette l'appel ou le recours en annulation, la sentence ou celle de ses dispositions qui ne sont pas atteintes par la censure de la cour, devient immédiatement exécutoire.325 Lorsque l'appel ou le recours est manifestement mal fondé, la cour peut assortir sa décision de rejet d'une condamnation pour procédure abusive.

II.3.4.1 Etendue du contrôle exercé par la cour d'appel

L'étendue du contrôle exercé par la cour d'appel est le même pour les sentences rendues à l'étranger (article 1502) ou en France en matière internationale (article 1504). Ce contrôle est moins sévère que celui que les juridictions de l'état d'accueil sont en droit d'exercer en application de la Convention de 1958. Cela explique que les bénéficiaires de sentences étrangères ont intérêt à se placer sous l'emprise du droit commun plutôt que sous celle de la Convention pour solliciter l'exequatur en France.

La Cour d'appel ne saurait, à l'occasion d'une instance en annulation ou en exequatur, se livrer à une révision au fond de la sentence qui lui est soumise. Concernant le contrôle exercé par la cour d'appel de Paris, Mme Crépin a remarque que:

" La Cour d'appel se borne à vérifier que la sentence arbitrale n'est pas entachée d'un vice susceptible d'entraîner son annulation en vertu des articles 1484 et 1502 NCPC.

La Cour exerce donc uniquement un contrôle de légalité des sentences arbitrales. Jamais elle ne vérifie le bien fondé ou le mal fondé de celles-ci; jamais elle ne statue au fond si ce n'est lorsqu'elle est saisie d'un appel tendant à la réformation de la sentence en matière interne, ou lorsqu'elle a annulé une sentence......

La Cour d'appel est avant tout soucieuse de respecter la volonté des parties. C'est pourquoi elle ne

321 L'article 1503 du NCPC.322 L'article 1505 du NCPC.323 Voir l'article 1487, alinéa 1 du NCPC, en raison du renvoi opéré par l'article 1507.324 En raison du renvoi opéré par l'article 1500 à l'article 1479 du NCPC qui, lui-même, renvoi aux articles 525 et

526 du même code.325 L'article 1490, applicable en raison du renvoi opéré par l'article 1507 du NCPC.

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peut, lorsqu'elle est saisie, examiner la sentence au fond sans ôter tout intérêt à l'institution de l'arbitrage, puisque sa décision se substituerait alors automatiquement à celle des arbitrages."

Pour être recevable, le grief invoqué à l'égard de la sentence doit avoir été soulevé chaque fois que cela était possible devant le tribunal arbitral, lui-même. Seul le grief de violation de l'ordre public n'est, par nature, susceptible d'aucune ratification. En revanche, il ne saurait être reproché à une partie de ne pas avoir soulevé devant le tribunal arbitral un grief qu'elle a découvert après le prononcé de la sentence.326

Le droit français ne subordonne pas l'annulation ou le refus d'exequatur d'une sentence sur le fondement des articles 1502 et 1504 du NCPC à la preuve que le vice qui affecte la sentence fait grief à la partie qui l'invoque.327

II.3.5 Griefs des articles 1502 & 1504 du NCPC.

L'article 1502 du NCPC énumère les cas d'ouverture d'appel de la décision qui accorde ou refuse l'exequatur. Les cas d'ouverture du recours en annulation de la sentence sont identiques.

Les cas mentionnés dans l'article 1502 sont les suivants:

i "1° Si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur convention nulle ou expirée;

i 2° Si le tribunal a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrement désigné;

i 3° Si l'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée;

i 4° Lorsque le principe de la contradiction n'a pas été respecté;i 5° Si la reconnaissance ou l'exécution sont contraires à l'ordre public

international."

Les quatre premiers griefs mentionnés ci-dessus, correspondent à ceux de l'article 1484 1° à 4° du NCPC pour l'arbitrage interne. En ce qui concerne l'article 1502 5°, l'article 1484 6° prévoit un grief de violation par l'arbitre d'une "règle d'ordre public". Mais, il s'agit d'ordre public interne français.

Pour ces raisons nous referons dans les paragraphes ci-dessous à la fois à l'arbitrage international et l'arbitrage interne.

Ces griefs aussi correspondent grosso modo à ceux de l'article V § 1 (a) à (d) et l'article VI § 2 (b) de la Convention de 1958.

II.3.5.1 Convention inexistence, nulle ou expirée (article 1505 1° & article 1484 1°)

Le libellé des articles 1484 et 1502 NCPC, concernant ce premier cas d'ouverture sont identiques. Mais les règles internes ne seront pas nécessairement identiques, à celles que les règles de conflits de lois, ou la lex mercatoria conduiront à adopter dans un arbitrage

326 Voir Traité de l'arbitrage commercial international, Fouchard (Ph), Gaillard (E) et Goldman (B), page 941.327 Voir Traité de l'arbitrage commercial international, page 942.

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international. C'est dans une fausse identité que traduisent ces articles.328

La cour vérifie l'existence de la convention d'arbitrage et sa validité en fonction des droits qui étaient applicables. Ce recours permet à la cour d'apprécier la décision prise par les arbitres sur la question de leur compétence ou de leur investiture.

En matière d'arbitrage international, la clause compromissoire bénéficie d'une complète autonomie. Cette autonomie signifie que si un contrat comprenant une clause compromissoire est nul, ceci n'entraîne pas nécessairement la nullité de cette clause.329

Selon l'étude de Mme Crépin, des trois moyens proposés par cet alinéa, l'inexistence de la convention d'arbitrage était le plus utilisée par les parties, pendant la période de son étude.

II.3.5.2 Tribunal irrégulièrement composé ou arbitre unique irrégulièrement désigné (article 1502 2° & article 1484 2°)

Le droit français ne prévoit aucune règle impérative dans ce domaine autre que celle qui impose le respect de la volonté des parties. La cour doit s'assurer que les parties n'ont pas, expressément ou par leur silence, couverte irrégularité. 330

Le respect de la volonté des parties, quant à la composition du tribunal arbitral, n'est pas limité sauf par des considérations d'ordre public international de l'égalité des parties, de l'impartialité du tribunal et du respect des droits de la défense.

En matière d'arbitrage multiparité, les tribunaux français ont estimé, que le principe d'ordre public d'égalité des plaideurs conférait à chaque partie le droit de nommer un arbitre.

Selon l'étude de Mme Crépin, pendant la période 1981-91, ce grief était celui qui a été le moins souvent soulevé.

II.3.5.3 L'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui était conférée (article 1502 3° & article 1484 3°)

La mission de l'arbitre est de rendre la justice aux parties dans le respect des règles de procédure et de fond régissant la cause. La mission de l'arbitre porte à la fois sur les règles de procédure et sur le fond du litige. Quant aux règles de fond, elles seront concernées par le grief d'avoir statué infra petita ou ultra petita

Dans le cadre d'un arbitrage ad hoc, les arbitres sont tenus par l'acte de mission. Dans le cadre d'un arbitrage institutionnel, ils sont tenus de respecter le règlement d'arbitrage.

Toute irrégularité procédurale n'est pas sanctionnée, par l'annulation de la sentence. Elle l'est, pour assurer des conceptions fondamentales du droit français, comme une violation des droits de la défense ou des prescriptions de l'ordre public international. Elle l'est aussi quand la méconnaissance d'une disposition de procédure choisie par les parties peut cependant s'analyser

328 L'arbitrage Gavalda et de Layssac:, page 95.329 L'arrêt Gosset, Rev. arb. 1963 page 60330 Fouchard (Ph), Gaillard (E) et Goldman (B): Traité de l'arbitrage commercial international, page 951.

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en une méconnaissance par l'arbitre de sa mission.331

II.3.5.4 Le principe de la contradiction n'a pas été respecté (article 1502 4° & article 1484 4°)

Le principe de la contradiction est l'une des exigences de l'ordre public procédural. Il traduit un impératif essentiel sans le respect duquel le droit français refusera d'insérer une sentence dans l'ordre juridique français.

Le principe de la contradiction est lié à celui de l'égalité des parties. Il suppose que les parties ont également eu l'occasion de faire valoir leurs prétentions et Il s'applique à l'ensemble du déroulement de la procédure arbitrale.

Selon l'étude de Mme Crépin, la violation des droits de la défense et l'atteinte au principe de la contradiction sont souvent invoqués au soutien de la demande en annulation d'une sentence arbitrale. Mais ils réussissent rarement.

II.3.5.5. La reconnaissance ou l'exécution de la sentence arbitrale est contraire à l'ordre public international (article 1484 6° & article 1502 5°)

La sentence est contrôlée au regard de la conception de l'ordre public international, faite où moment où elle fait l'objet de ce contrôle.332

Les exigences de l'ordre public concernent la procédure et le fond. En ce qui concerne la procédure, la première de ces exigences est le respect des droits de la défense. Le droit français a fait un grief distinct qui peut mener à l'annulation de la sentence ou de refus de son exequatur. Une autre exigence élémentaire de justice est le principe d'égalité des parties.

L'ordre public international de fond concerne les convictions fondamentales du droit français applicables aux relations internationales.

Selon l'étude de Mme Crépin, ce grief, avec l'alinéa 3 de l'article 1502 est le moyen le plus soulevé par les parties en matière d'arbitrage international.

Arbitrage et fraude.

La décision de la Cour de cassation dans l'affaire, Fougerollo c/ Procofrance333 montre l'effet possible d'une fraude alléguée dans la procédure d'arbitrage.334 Le recours en révision est irrecevable en raison de l'absence de dispositions sur ce recours dans les dispositions de l'article 1492 et suivants du NCPC.

Néanmoins dans l'affaire Fougerolle, La Cour de cassation a énoncé:

"qu'il résulte des principes généraux du droit en matière de fraude que, nonobstant l'exclusion du

331 Fouchard (Ph), Gaillard (E) et Goldman (B):Traité de l'arbitrage commercialinternational, page 956.332 Traité de l'arbitrage commercial international, page 971.333 Rev. arb. 1993 p.91.334 Voir "L'arbitrage et la fraude (à propos de l'arrêt Fougerolle rendu par la Cour de cassation le 25 mai 1992)", de

Boisséson (Matthieu), Rev. arb. 1993 p.3

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recours en révision par l'article 1507 du nouveau Code de procédure civile, la rétraction d'une sentence rendue en France en matière d'arbitrage international doit être, exceptionnellement admise en cas de fraude lorsque le tribunal arbitral demeure constitué après le prononcé de la sentence (ou peut être à nouveau réuni)."

II.3.6 En droit anglais:

Les voies de recours sont:

i Appel sur un point de droit;i Recours en annulation pour "défaut de compétence" du tribunal arbitrale (article 67);i Recours en annulation contre la sentence pour "irrégularité substantielle" (article 68); eti Griefs pouvant être invoqués contre les "New York Conventions Awards" (article 103)335.

II.3.7. Saisie du juge sur un point de droit (article 69)

En Angleterre, toute décision des arbitres sur un point de droit peut faire l'objet d'un appel devant le juge. Cependant, l'appel est exclu si les parties l'ont écarté dans la convention d'arbitrage ou si les parties ont dispensé les arbitres de motiver la sentence.336 Sous le régime de la loi de 1979, dans les "three categories" (en matière maritime, d'assurance et de produits bruts), la loi n'autorisait cette renonciation qu'une fois le litige né. Cette restriction a disparu avec la loi de 1996. L'"exclusion agreement "est donc toujours possible.

L'appel ne peut porter que sur "une question de droit337ayant fait l'objet de la sentence." L'appel ne peut être exercé que si la sentence a été rendue en application du droit anglais.338

Ce recours n'est pas ouvert de plein droit. Lorsque l'appel est possible et l'une des parties s'y oppose, le juge peut néanmoins autoriser l'appel dans les conditions prévues à l'article 69.3 qui sont assez larges et s'inspirent de l'arrêt Nema339.

L'article 69.3 exige que:

"a) qu'une décision de sa part est susceptible d'avoir une incidence importante sur les droits d'une ou plusieurs parties;

b) que la question litigieuse fait partie des questions que le tribunal arbitral avait pour mission de trancher;

c) et que, compte tenu des faits exposés dans la sentence:i) soit le tribunal arbitral a rendu une décision manifestement erronée,ii) soit la question revêt un caractère d'intérêt général et la décision des arbitres soulève au moins un

335 Nous avons déjà mentionné les griefs qui peuvent être invoqués à l'encontre d'une "New York Convention Award" dans la première partie de notre étude.

336 L'article 69 §1.337 L'article 69 § 1 (soulignement ajouté).338 L'article 82.339 B.T.P. v. Pioneer Shipping Ltd. & Armada Marine S.A. ("The Nema") [1981] 2 Lloyd's Rep., page 239. Voir

aussi Antaios Compania Naviera S.A. v. Salen Rederierna ("The Antaios")[1983] 2 Lloyd's Rep., page 473.

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doute sérieux;

d) ou que, bien que les parties aient convenu de soumettre le litige à l'arbitrage, il est opportun, compte tenu de l'ensemble des circonstances, que le juge tranche la question."

Tout appel sur une question de droit, doit indiquer avec précision: "la nature de la question litigieuse et les motifs pour lesquels l'appel doit être autorisé."340 "Le juge statue, sans débat, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties."341 L'intention est de réduire le coût et le temps d'un appel.

Il ne peut jamais y avoir un appel sur un question de fait.

"The arbitrators are the masters of the facts. On an appeal the Court must decide any question of law arising from an award on the basis of a full and unqualified acceptance of the findings of fact of the arbitrators. It is irrelevant whether the Court considers those findings of fact to be right or wrong. It also does not matter how obvious a mistake by the arbitrators on issues of fact might be, or what the scale of the financial consequences of the mistake of fact might be."342

L'article 46 § 1 (b) 343prévoit la validité des "equity clauses" ou des stipulations contractuelles qui mentionnent que l'arbitre peut se référer au lex mercatoria. Dans ces cas là, un appel n'est pas possible parce qu'il n'y aura pas une question du droit anglais.

Le juge saisi d'un appel peut confirmer la sentence, la réformer ou "la renvoyer en totalité ou en partie au tribunal arbitral pour un nouvel examen à la lumière de ce qui aura été décidé par le juge (remission)."344

Le juge peut aussi annuler la sentence en totalité ou en partie. Il n'annule la sentence en totalité ou en partie que "s'il estime préférable de ne pas renvoyer les questions litigieuses aux arbitres pour un nouvel examen."345

Il faut prendre en compte aussi l'un des objectifs de la loi: non intervention par les tribunaux étatiques, si possible.346 L'un des objectifs principal de la loi, est de respecter, si possible, la volonté des parties de régler leur différend par voie arbitrale.

Aucune décision du juge autorisant ou refusant l'appel en vertu de l'article 69 ne peut faire l'objet d'un recours sans son autorisation. "Le juge ne donne son autorisation que s'il constate que la question soulève un point de droit d'intérêt général ou qui, pour une raison particulière, mérite d'être porté devant la cour d'appel."347

340 L'article 69 § 4.341 L'article 64 § 5342 Georgas S.A. v. Trammo Gas Ltd ( "The Baleares") [1993] 1 lloyd's Rep. 215343 L'article 46 § 1 de la loi de 1996:" Le tribunal arbitral tranche le litige:

a) conformément au droit que les parties ont déclaré applicables au fond du litige;

b) si les parties en sont convenues, conformément à toutes autres normes qu'elles ont choisies ou que le tribunal déclare applicables."

344 L'article 69 § 7.345 L'article 69 § 7346 Voir l'article 1.

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La loi vise des litiges sur l'interprétation de contrats-types. Par exemple, la demande d'appel a une bonne chance de réussir quand il concerne une clause dans une charte-partie, dont l'utilisation est répandue et c'est dans l'intérêt de la certitude que la Cour l'interprète. D'un autre côté, la Commercial Court a refusé des demandes d'appel dans des cas concernant l'interprétation des "one-off" clauses dans des connaissements et charte parties.348La Cour a aussi autorisé un appel quand il y avait une question de droit communautaire.349

En matière d'arbitrage interne, la saisie du juge sur un point de droit ne peut être écartée par les parties qu'après l'introduction de l'instance arbitrale (article 87). En matière d'arbitrage international, si les partie veulent éviter qu'un juge étatique tranche une question de droit, la seule solution, est de l'exclure expressément dans la clause compromissoire ou encore de dispenser les arbitres de motiver la sentence. Il y a une grande différence avec la loi française qui exclut l'appel-réformation de la sentence en matière d'arbitrage international.

II.3.8 Recours en annulation.

La loi de 1969 prévoit que la partie perdante peut demander au juge d'annuler une sentence pour "défaut de compétence" (l'article 67) ou pour "irrégularité substantielle" (l'article 68). Les parties ne peuvent pas renoncer à la faculté de recourir sur ces deux questions.

Aucune décision rendue par un juge en application des articles 67 ou 68 ne peut faire l'objet d'un recours sans son autorisation.

II.3.8.1 Recours contre la sentence pour défaut de compétence (article 67).

L'article 30 prévoit que l'arbitre a le pouvoir de statuer sur sa propre compétence (la Kompetenz-Kompetenz).

L'article 67.1 prévoit qu'une partie dans une procédure arbitrale peut demander au juge:

a) d'annuler une sentence rendue par le tribunal arbitrale sur sa compétence;b) d'annuler du fait de l'incompétence du tribunal arbitral tout ou partie de la sentence rendue par ce dernier sur le fond du litige."

Par exemple, si le tribunal ne respecte pas le choix du droit choisi par les parties et tranche l'affaire par référence au lex mercatoria ou comme amiable compositeur, la Cour peut annuler la sentence parce que le tribunal est allé au-deça de ses pouvoirs.

Une partie peut perdre le droit d'invoquer l'incompétence du tribunal arbitre si elle ne le fait pas le plus tôt possible.350

Le juge saisi peut confirmer la sentence, la réformer ou l'annuler en totalité ou en partie.

347 L'article 69 § 8348 The Kerman [1982] 1 Lloyd's Rep., page 62. The Sanko Honour [1985] 1 Lloyd's Rep., page 418.349 Bulk Oil v. Sun International [1983] 1 Lloyd's Rep., page 655.350L'article 73 § 1 (a).

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II.3.8.2 Recours contre la sentence pour irrégularité substantielle (article 68).

Les rédacteurs de la loi de 1996 ont voulu remplacer la notion de "misconduct." Le terme était trop vague. Il était également maladroit parce qu'il pouvait donner l'impression aux juristes continentaux que l'arbitre avait commis une faute grave et même malhonnête.

Un auteur anglais a résumé cet article:

"The law on misconduct is broadly retained except for the term itself which has embarrassed a succession of judges. Here, the meeting of English law with the UNCITAL Modal Law is only for the good. While a comprehensive definition of procedural mishaps is probably impossible, section 68(2) makes a reasonable stab at it and will enable arbitral participants to focus on the right points."351

Les auteurs de la loi ont remplacé la notion de "misconduct" par celui d"irregularité substantielle." Il s'agit d'une irrégularité affectant le tribunal arbitral, la procédure suivie ou la sentence. Il vise pratiquement tout ce qui peut se passer dans un arbitrage.352

Notion d'irrégularité substantielle

La notion d'irrégularité a été examinée dans le DAC Report:

" The test of substantial injustice is intended to be applied by way of support for the arbitral process, not by way of interference with that process. Thus it is only in those cases where it can be said that what happened is so far removed from what could reasonably be expected of the arbitral process that we would expect the court to take action. The test is not what would have happened had the matter been litigated. To apply such a test would be to ignore the fact that the parties have agreed to arbitrate, not litigate. Having chosen arbitration, the parties cannot validly complain of substantial injustice unless what has happened simply cannot on any view be defended as an acceptable consequence of that choice. In short, [section] 68 is really designed as a long stop, only available in extreme cases when the tribunal has gone so wrong in its conduct of the arbitration that justice calls out for it to be corrected."353

L'article 68 § 2 prescrit que l'exercice de ce recours "est subordonné à la condition que le juge considère l'irrégularité comme ayant causé ou devant causer substantiellement préjudice au demandeur."

Si le grief est admis le juge peut annuler la sentence en totalité ou en partie. Le juge peut également "renvoyer la totalité ou une partie de la sentence aux arbitres pour un nouvel examen."354

L'article 68 § 3 (c) prévoit que: "la sentence n'est annulée ou son exécution n'est refusée, en totalité ou en partie, que si les juges estiment préferable de ne pas renvoyer les questions litigieuse aux arbitres pour un nouvel examen." L'intention, évidemment est de restreindre l'intervention judiciaire dans l'arbitrage.

351 Samuel (Adam) "Arbitration statues in England & USA," The Arbitration and Dispute Resolution Law Journal,1991 page 18

352 Voir l'annexe pour l'article 68 et la liste de griefs.353 Paragraphe 680 du DAC Report.354 L'article 68 § 3.

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Les cas d'ouverture prévus à l'article 68 sont limités et recouvrent en bonne partie ceux précisés par les articles 1484 et 1502-4 du NCPC français et la jurisprudence attenante. A la première lecture, les griefs prévus par l'article 68 paraissent aller bien au-delà de dispositions françaises. Néanmoins, compte tenu d'obstacles devant le demandeur, comme la preuve d'un préjudice subtentiel, nous pouvons nous demander si en pratique, ces dispositions vont beaucoup plus loin que les griefs français.

II.3.9 Recours ou appel: dispositions complémentaires:

Avant d'intenter un appel ou recours sous les dispositions des articles 67, 68 ou 69, le demandeur est obligé d'abord d'épuiser "toute possibilité d'appel ou de réformation dans le cadre de la procédure arbitrale".355 En plus, le demandeur doit épuiser "toute possibilité de recours prévue à l'article 57 (relatif à la rectification de la sentence et à la sentence additionnelle [par le tribunal arbitral])."356 L'objectif encore est de respecter la volonté des parties de régler leurs différends par voie arbitrale.

L'article 70.3 prévoit que:

"Le recours ou l'appel doit être formé dans les 28 jours à compter de la date de la sentence ou, s'il existe une possibilité d'appel ou de réformation dans le cadre de la procédure arbitrale, à compter de la date à laquelle la partie requérante ou appelant s'est vue notifier la décision issue de la procédure d'appel ou de réformation."

L'objet est la rapidité et la certitude après le délai de la période de 28 jours.

Si l'arbitre n'a pas motivé la sentence, ou le juge considère les motifs comme insuffisants, il peut ordonner au tribunal arbitral de les exposer de manière suffisamment détaillée.357

L'article 71 concerne les conséquences de la décision du juge étatique. La réformation par le juge fait partie intégrale de la sentence.358La solution a l'avantage de la rapidité. L'inconvénient, notamment en matière d'arbitrage international, est la substitution de l'avis de l'arbitre par celui du juge.

L'article 72 permet à un tiers d'intervenir à n'importe quel moment de la procédure, s'il considère avoir un intérêt à l'affaire et s'il reste toujours une partie non-comparante. Il peut "saisir le juge à l'effet d'obtenir un jugement déclaratif, une injonction ou toute autre mesure qui justifie la protection de ses droits."

L'article 73 concerne la perte du droit d'invoquer certains griefs par une partie qui participe à la procédure arbitrale sans les invoquer. L'objectif est de limiter les actions dilatoires par des perdants de mauvaise foi.

L'article 81.1 ne modifie pas la jurisprudence antérieure de l'arbitrage concernant les différends qui sont susceptibles d'être réglés par voie arbitrale; les conventions orales d'arbitrage359 ou le

355 L'article 70 § 2356 L'article 70 § 3.357 L'article 70 § 4358 L'article 71.359 La partie qui a obtenu gain de cause peut intenter une"action on the award."

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refus d'un juge étatique d'ordonner l'exequatur d'une sentence pour contrariété à l'ordre public.

L'article 81.2 prévoit qu' "aucune disposition de la présente loi ne doit être interprétée comme redonnant aux tribunaux le pouvoir d'annuler ou de renvoyer la sentence pour erreur manifeste de droit ou de fait."

Nous remarquons que les recours en droit anglais, sont plus largement entendus qu'en droit français d'arbitrage international. La loi de 1996 donne aux parties la possibilité de renoncer à leur droit d'appel sur une question de loi. D'un autre côté, cette renonciation n'est pas possible pour l'article 68 dont l'étendue est considérable.

Le juge de la Commercial Court a un plus large pouvoir de discrétion que son collègue de la Cour d'appel en France en matière d'arbitrage international. En plus, le juge anglais, peut réformer une sentence arbitrale internationale ou la remettre aux arbitres.

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CONCLUSION

Les Etats ont reconnu l'importance de l'arbitrage pour le commerce international et ils ont mis en place toute une structure à l'échelon international et national pour promouvoir l'arbitrage et faciliter l'exécution de la sentence arbitrale. Cette structure est largement fondée sur la Convention de 1958. L'un des avantages de la Convention de 1958 est d'harmoniser les règles de droits applicables à l'arbitrage au niveau mondial. Un autre, maintenant contesté, est de concentrer le contrôle exercé sur une sentence arbitrale dans les tribunaux étatiques du pays d'origine de la sentence. Nous avons vu que l'article V § I (e) de la Convention prévoie qu'un juge national peut refuser l'exécution d'une sentence arbitrale étrangère si le défendeur fait valoir et apporte la preuve que la sentence a été annulée par une autorité compétente du pays dans lequel ou d'après la loi duquel elle a été rendue.

Cependant l'harmonisation de ce régime mis en place par la Convention de 1958 a été atteinte, par le droit national français et les tribunaux étatiques français. Ceux-ci ne reconnaissent pas l'annulation de la sentence arbitrale dans son pays d'origine comme un motif suffisant de refus d'exequatur. Ainsi une partie qui obtient l'annulation d'une sentence au cours d'une procédure d'arbitrage peut voir la partie adversaire obtenir l'exequatur de cette même sentence en France. Cela malgré le fait qu'elle ait été annulée dans le pays où elle a été rendue et d'après la loi choisie librement par les parties.

Nous pouvons considérer que l'arbitrage est international et que le pays d'origine ne doit pas forcément jouer un rôle dans l'exécution d'une sentence. Cependant nous pouvons nous interroger sur l'existence juridique d'une sentence annulée dans son pays d'origine.

Les difficultés proprement juridiques restent cependant relativement inhabituelles dans l'arbitrage. La plupart du temps, la partie perdante respecte la sentence arbitrale et l'exécute volontairement. En pratique, il reste des problèmes matériels qui ne sont pas toujours résolus par l'exequatur. Une partie qui obtient l'exequatur, n'est ainsi pas forcément payée. Un participant au Congrès de l'ICCA, tenu à Paris, en mai 1998 a constaté:

"L'entêtement et l'ingéniosité d'une partie en fuite ne connaît aucune limite. Les praticiens de l'arbitrage doivent avoir sous la main une sorte de checklist de l'exécution des sentences, tenant compte d'abord du bon sens ainsi que de considérations liées aux actifs à saisir, correspondant ensuite aux critères de la Convention de New York et complétée enfin par des 'clignotants' établis selon l'expérience personnelle et signalant l'évolution des jurisprudences nationales."360

Cependant, la solvabilité des débiteurs et la saisabilité des leurs avoirs ne sont pas un difficulté unique à l'arbitrage et concerne aussi les jugements étatiques.

360 Paulsson (Jan): "L'exécution des sentences arbitrales dans le monde de demain." Rev. Arb. 1998 page 643

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ANNEXE I :LE PROTOCOLE DE 1923 & LA CONVENTION DE 1927

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ANNEXE II :LA CONVENTION DE NEW YORK DE 1958

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ANNEXE III: CONVENTION EUROPEENNE SUR L'ARBITRAGE COMMERCIAL INTERNATIONAL DE 1961 ET ARRANGEMENT DE 1962

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ANNEXE IV : ARTICLES 1442-1507 DU NCPC

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ANNEXE V: LOI-TYPE DE LA CNUDCI SUR L'ARBITRAGE COMMERCIAL INTERNATIONAL

(telle qu'adoptée par la Commission des Nations Uniespour le droit commercial international, le 21 juin 1985)

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ANNEXE VI : L'ARBITRATION ACT, 1996

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Table des matières

INTRODUCTION............................................................................................................................................................

i) Exécution volontaire..................................................................................................................................................ii) Recours au juge étatique..........................................................................................................................................

PARTIE 1........................................................................................................................................................................

CHAPITRE 1: EVOLUTION DES CONVENTIONS INTERNATIONALES FACILITANT L'EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE...............................................................................................................................

I.1.1 CONVENTIONS INTERNATIONALES............................................................................................................................I.1.2 CONVENTIONS BILATÉRALES....................................................................................................................................I.1.3 CONVENTIONS MULTILATÉRALES..............................................................................................................................I.1.4 PROTOCOLE DE GENÈVE DU 24 SEPTEMBRE 1923....................................................................................................I.1.5 CONVENTION DE GENÈVE DU 26 SEPTEMBRE 1927..................................................................................................I.1.6 CONVENTION DE NEW YORK DE 1958......................................................................................................................

I.1.6.1 La Convention de 1958 et les droits nationaux anglais et français..................................................................

CHAPITRE 2: LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DE NEW YORK DE 1958....................................

I.2.1 CONVENTION D'ARBITRAGE......................................................................................................................................I.2.1.1 Texte:.................................................................................................................................................................I.2.1.2 Jurisprudence concernant la convention d'arbitrage:......................................................................................I.2.1.3 Obligation des Etats contractants de respecter la convention d'arbitrage.......................................................

I.2.2 CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION............................................................................................................I.2.2.1 Arbitrage Institutionnel.....................................................................................................................................

I.2.3 RECONNAISSANCE ET EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE..............................................................................I.2.4 LES RÉSERVES: RÉCIPROCITÉ ET COMMERCIALITÉ...................................................................................................I.2.5 LA PROCÉDURE.........................................................................................................................................................

I.2.5.1 Reconnaissance de l'autorité de la sentence arbitrale......................................................................................I.2.5.2 Conditions d'exéquatur......................................................................................................................................

I.2.6 GRIEFS RECONNUS PAR LA CONVENTION.................................................................................................................I.2.7 GRIEFS INVOQUÉS PAR LA PARTIE QUI OPPOSE L'EXEQUATUR DE LA SENTENCE ARBITRALE...................................

I.2.7.1 Incapacité des parties et invalidité de la convention d'arbitrage......................................................................I.2.7.2 Violation du principe du contradictoire............................................................................................................I.2.7.3 Dépassement des termes de la convention d'arbitrage par l'arbitre.................................................................I.2.7.4 Irrégularité dans la composition du tribunal arbitral ou vices de procédure.................................................. I.2.7.5 Invalidité de la sentence arbitrale.....................................................................................................................

I.2.8 GRIEFS POUVANT ÊTRE INVOQUÉES EX OFFICIO.......................................................................................................I.2.8.1 Non-arbitrabilité du litige.................................................................................................................................I.2.8.2 Contrariété de la sentence arbitrale à l'ordre public international..................................................................

I.2.9 ANNULATION OU SUSPENSION DE LA SENTENCE.......................................................................................................I.2.10 DROIT COMMUN ET AUTRES TRAITÉS CONCERNANT LA RECONNAISSANCE ET L'EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE.........................................................................................................................................................................

I.2.10.1 "More-favorable-right-provision"...................................................................................................................I.2.10.2 Compatibility provision.................................................................................................................................. I.2.10.3 Jurisprudence française..................................................................................................................................

CHAPITRE 3: DEUX DÉCISIONS POLÉMIQUES..................................................................................................

I.3.1 L'AFFAIRE HILMARTON.............................................................................................................................................I.3.1.1 En Suisse:..........................................................................................................................................................I.3.1.2 En France..........................................................................................................................................................

I.3.2 CHROMALLOY AEROSERVICES C/ RÉPUBLIQUE ARABE D'EGYPTE...........................................................................I.3.3 DOCTRINE ET LE RÔLE DU PAYS D'ORIGINE DE LA SENTENCE ARBITRALE................................................................

CHAPITRE 4 : CONVENTIONS RÉGIONALES......................................................................................................

I.4.1 CONVENTION EUROPÉENNE DU 21 AVRIL 1961........................................................................................................I.4.1.1 Dispositions de la Convention...........................................................................................................................I.4.1.2 Jurisprudence....................................................................................................................................................

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Page 141: Exécution de la sentence arbitrale et voies de recours contre la sentence rendue

I.4.1.3 Doctrine.............................................................................................................................................................I.4.1.4 Arrangement de Paris de 1962..........................................................................................................................

CHAPITRE 5: D'AUTRES CONVENTIONS INTERNATIONALES.....................................................................

I.5.1 CONVENTION DE MOSCOU DE 1972..........................................................................................................................I.5.2 CONVENTION INTERAMÉRICAINE DE PANAMA DU 30 JANVIER 1975........................................................................I.5.3 CONVENTION D'AMMAN DU 14 AVRIL 1987.............................................................................................................I.5.4 TRAITÉ DE L'OHADA DU 19 OCTOBRE 1993...........................................................................................................I.5.5 CONVENTION DE WASHINGTON DU 18 MARS 1958..................................................................................................I.5.6 L'ARBITRAGE ET LE DROIT COMMUNAUTAIRE:.........................................................................................................I.5.7 CONVENTIONS MARITIMES........................................................................................................................................

I.5.7.1 les Règles de Hambourg....................................................................................................................................I.5.7.2 Convention d'arbitrage......................................................................................................................................I.5.7.3 Lieu de l'arbitrage.............................................................................................................................................

CHAPITRE 6: INSTRUMENTS INTERNATIONAUX FACULTATIFS...............................................................

I.6.1. RÈGLEMENTS D'ARBITRAGE DE LA CNUDCI..........................................................................................................L'UN DES OBJECTIFS DE CES DISPOSITIONS EST D'ÉLIMER LES SOURCES DE CONTESTATION DANS LE BUT DE FACILITER L'EXÉCUTION DE LA SENTENCE..........................................................................................................................................I.6.2 "LOI-TYPE" DE LA CNUDCI.....................................................................................................................................

I.6.2.1 Champ d'application de la loi-type....................................................................................................................I.6.2.2 Recours contre la sentence:.............................................................................................................................. I.6.2.3 Reconnaissance et exécution des sentences.......................................................................................................I.6.2.4 Motifs de refus de la reconnaissance ou de l'exécution....................................................................................I.6.2.5 Conséquences d'adoption de la Loi-type...........................................................................................................

PARTIE 2........................................................................................................................................................................

CHAPITRE 1: EFFETS DES RÉFORMES DU DROIT NATIONAL SUR L'EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE ET LES VOIES DE RECOURS.....................................................................................

II.1.1 RÉFORMES DES DROITS NATIONAUX........................................................................................................................II.1.2 RÉFORME DU DROIT FRANÇAIS DE L'ARBITRAGE.....................................................................................................

II.1.2.1 Caractère interne ou international de l'arbitrage et les voies de recours.......................................................II.1.3 RÉFORME DU DROIT ANGLAIS DE L'ARBITRAGE.......................................................................................................

II.1.3.1 Arbitration Act 1979. .......................................................................................................................................11.I.3.2 Departmental Advisory Committee (DAC) et la réforme de 1996..................................................................II.1.3.3 DAC Report......................................................................................................................................................II.1.3.4 Arbitration Act 1996.........................................................................................................................................

CHAPITRE 2: EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE...........................................................................

II.2.1 EXÉCUTION VOLONTAIRE.........................................................................................................................................II.2.2 EXÉCUTION EN DROIT FRANÇAIS............................................................................................................................

II.2.2.1 Exequatur.........................................................................................................................................................II.2.2.2 Autorité de la sentence arbitrale......................................................................................................................II.2.2.3 Reconnaissance et Exequatur...........................................................................................................................II.2.2.4 Compétence territoriale et d'attribution...........................................................................................................II.2.2.5 Etendue du contrôle du juge d'exequatur.........................................................................................................II.2.2.6 Effets de l'ordonnance d'exequatur..................................................................................................................II.2.2.7 Exécution provisoire de la sentence.................................................................................................................

II.2.3 EXÉCUTION FORCÉE EN DROIT ANGLAIS..................................................................................................................II.2.3.1 Autorité de la sentence arbitrale......................................................................................................................II.2.3.2 Exécution de la sentence arbitrale...................................................................................................................II.2.3.3 Action en application de l'article 66 de l'Arbitration Act, 1996......................................................................II.2.3.4 Action on the Award.........................................................................................................................................II.2.3.5 Reconnaissance et l'exécution des sentences étrangères.................................................................................

CHAPITRE 3: RECOURS CONTRE LA SENTENCE ARBITRALE.....................................................................

II.3.1 EN DROIT FRANÇAIS.................................................................................................................................................II.3.2 VOIES DE RECOURS OFFERTS EN DROIT INTERNE FRANÇAIS....................................................................................

II.3.2.1 Voies de recours extraordinaires.....................................................................................................................

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Page 142: Exécution de la sentence arbitrale et voies de recours contre la sentence rendue

II.3.2.2 Voies de recours ordinaires............................................................................................................................ II.3.3 VOIX DE RECOURS OUVERTS EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ FRANÇAIS..............................................................

II.3.3.1 Appel de l'ordonnance refusant l'exequatur ou la reconnaissance de la sentence..........................................II.3.3.2 Appel de la décision qui accorde reconnaissance ou l'exequatur (article 1502 du NCPC)............................II.3.3.3 Recours en annulation de la sentence..............................................................................................................

II.3.4. PROCÉDURE DEVANT LA COUR D'APPEL.................................................................................................................II.3.4.1 Etendue du contrôle exercé par la cour d'appel..............................................................................................

II.3.5 GRIEFS DES ARTICLES 1502 & 1504 DU NCPC.......................................................................................................II.3.5.1 Convention inexistence, nulle ou expirée (article 1505 1° & article 1484 1°)................................................II.3.5.2 Tribunal irrégulièrement composé ou arbitre unique irrégulièrement désigné (article 1502 2° & article 1484 2°).........................................................................................................................................................................II.3.5.3 L'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui était conférée (article 1502 3° & article 1484 3°).II.3.5.4 Le principe de la contradiction n'a pas été respecté (article 1502 4° & article 1484 4°)...............................II.3.5.5. La reconnaissance ou l'exécution de la sentence arbitrale est contraire à l'ordre public international (article 1484 6° & article 1502 5°)...............................................................................................................................

II.3.6 EN DROIT ANGLAIS:.................................................................................................................................................II.3.7. SAISIE DU JUGE SUR UN POINT DE DROIT (ARTICLE 69)..........................................................................................II.3.8 RECOURS EN ANNULATION......................................................................................................................................

II.3.8.1 Recours contre la sentence pour défaut de compétence (article 67)...............................................................II.3.8.2 Recours contre la sentence pour irrégularité substantielle (article 68)..........................................................

II.3.9 RECOURS OU APPEL: DISPOSITIONS COMPLÉMENTAIRES:........................................................................................

CONCLUSION...............................................................................................................................................................

BIOGRAPHIE.................................................................................................................................................................

ANNEXE I :LE PROTOCOLE DE 1923 & LA CONVENTION DE 1927..............................................................

ANNEXE II :LA CONVENTION DE NEW YORK DE 1958...................................................................................

ANNEXE III: CONVENTION EUROPEENNE SUR L'ARBITRAGE COMMERCIAL INTERNATIONAL DE 1961 ET ARRANGEMENT DE 1962.....................................................................................................................

ANNEXE IV : ARTICLES 1442-1507 DU NCPC.......................................................................................................

ANNEXE V: LOI-TYPE DE LA CNUDCI SUR L'ARBITRAGE COMMERCIAL INTERNATIONAL...........

ANNEXE VI : L'ARBITRATION ACT, 1996.............................................................................................................

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