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Note de synthèse de l’étude

Expérimentation de domotique et téléassistance avancée

chez des personnes âgées en perte d’autonomie sur le

département de la Corrèze

« Projet Esoppe »

(juin 2009 – octobre 2010) coordonnée par le Pr Thierry Dantoine (CHU Limoges),

avec les contributions de MM. Vincent Rialle (Laboratoire TIMC-IMAG Grenoble) et

Alain Roquejoffre (sociologue, Institut Régional de Formation aux Fonctions Educatives)

Cette note est la synthèse du rapport d’évaluation scientifique sur l’expérimentation de domotique

et de téléassistance avancée (DTA) menée auprès d’une centaine de foyers corréziens de l’été 2009

à l’automne 2010, à l’initiative du Conseil Général et de la Fondation Caisses d’Epargne pour la

solidarité.

Devant le potentiel de développement des solutions techniques et des services apportés par un

organisme comme Corrèze Téléassistance (CTA), l’objectif principal de cette étude était de « mesurer

l’opportunité et la faisabilité d’un large déploiement des packs domotiques à domicile sur le

département de la Corrèze [et de] constituer une véritable aide à la décision pour le Conseil

Général » (source : Rapport d’évaluation), autour de quelques axes principaux :

- Les conséquences en matière de santé, d’autonomie et d’inclusion sociale des bénéficiaires

- L’évaluation du dispositif en termes de contenu et de mise en œuvre

- L’intégration de paramètres sociaux et médico-économiques

Par bien des aspects (taille de l’échantillon, qualité de la méthodologie mise en place), cette étude

peut aujourd’hui être considérée comme la plus aboutie pour l’évaluation d’un tel dispositif.

La méthodologie

L’expérimentation a ainsi été menée auprès de ~100 personnes équipées en domotique et

téléassistance avancée (DTA), âgées en moyenne de 83 ans (+/- 6 ans), volontaires, bénéficiant de

l’APA et présentant un indice de dépendance GIR 3, 4, 5 ou 6 (moyenne de 5), en logement individuel

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ou collectif, selon une répartition dans les 37 cantons (ruraux et urbains) du département souhaitée

par le Conseil Général.

Le dispositif étudié se compose des éléments suivants, mis en place par CTA :

- Un « pack domotique » comprenant régulièrement les équipements suivants (selon la

configuration du logement et les souhaits des bénéficiaires) : un système d’éclairage

automatique (« chemin lumineux ») sur les trajets les plus courants du domicile, un

détecteur de gaz (dont monoxyde de carbone CO), un détecteur de fumée, un détecteur de

variations anormales de température du logement, et plusieurs systèmes complémentaires

d’alerte (tirette de douche ou « poire ») et de communication (pendentif ou bracelet),

notamment en cas de chute, ces systèmes étant reliés via un terminal avec le centre de

téléassistance

- Un service de téléassistance avancée assuré 24h/24 et 7 jours /7 par une plateforme

téléphonique locale (Naves) d’opérateurs professionnels, formés aux communications et à la

gestion de situations de détresse et d’urgence, psychologiques ou médicales.

La plateforme reçoit ainsi les appels téléphoniques ou les alertes des équipements reliés au

terminal : elle assure ainsi un contact de premier niveau avec les bénéficiaires.

Si la situation le justifie, les opérateurs sont habilités à prévenir les aidants, le médecin

personnel ou le SAMU.

Cette téléassistance est qualifiée « d’avancée » car elle se double d’appels de convivialité

individuels émanant de la plateforme, au moins une fois par mois et à l’occasion de

l’anniversaire du bénéficiaire.

Les objectifs de l’étude portant sur plusieurs domaines, un consortium pluridisciplinaire

d’évaluateurs a été retenu : des gériatres, des sociologues et des technologues spécialisés dans

l’évaluation, les études d’usage et l’éthique.

L’étude a ainsi comporté 3 volets et équipes coordonnés par le Pr Dantoine (CHU Limoges) :

- Volet clinique et gérontologique - effets sur la santé et l’autonomie (équipe du Pr Dantoine) :

l’équipe a réalisé 3 visites espacées de 6 mois (été 2009, hiver 2009, été 2010) à domicile

chez les bénéficiaires, administrant systématiquement un questionnaire ad hoc et réalisant

une consultation médicale complète.

Afin de mesurer les effets spécifiques de la DTA, un groupe-témoin non équipé du dispositif,

d’une centaine de personnes également, similaire en âge, sexe, niveau de dépendance et

type de logements a été étudié de même en parallèle.

- Volet social et environnemental - logique d’appropriation et de (re)socialisation (équipe

A. Roquejoffre) : les bénéficiaires (et plusieurs aidants familiaux et professionnels) ont fait

l’objet de 2 entretiens à domicile espacés de 6 mois (hiver 2009, soit 6 mois après

l’installation du dispositif, pour leur permettre de se familiariser ; puis été 2010).

Lors de la 2e

campagne, des responsables des instances gérontologiques et des infirmières

(SSIAD et libérales) ont également été interrogés.

- La mise en place puis l’analyse de ces 2 volets ont bénéficié de la prise en compte

transversale de paramètres éthiques, technologiques et économiques (équipe V. Rialle)

Le protocole de recherche a été soumis à l’avis (favorable) du Comité Consultatif sur le Traitement

de l'Information en matière de Recherche dans le domaine de la Santé (CCTIRS) ainsi qu’à

l’autorisation de la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL).

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Les principaux résultats

L’évaluation clinique et gérontologique a montré les résultats suivants :

- En matière de chutes, la DTA améliore considérablement la situation, tant sur le nombre de

chutes que sur la gravité de ces chutes.

Ainsi, « le fait de bénéficier de la DTA divise par 3 le risque de chute » et « le fait de bénéficier

de la DTA permet d’avoir 3 fois moins de risque d’hospitalisation pour chute ».

En d’autres termes, « il apparaît ainsi que la DTA permet, en équipant 6 personnes âgées,

d’éviter une hospitalisation secondaire à une chute d’un sujet et par année. »

- « A l’issue de l’expérimentation, les personnes âgées équipées en DTA étaient significativement

moins dépressives que les personnes âgées témoins » : 33% des bénéficiaires ne présentant pas

de dépression contre seulement 8% chez le groupe-témoin (échelle GDS)

- Sur le niveau de dépendance : la tendance est positive, avec une amélioration constatée de

l’indice GIR, mais cela resterait à valider sur une période plus longue.

- Par ailleurs, le Taux d’Acceptation Domotique (TAD) est excellent : 97,3%.

Au cours de l’expérimentation, aucune résiliation pour rejet de la DTA n’a été constatée, ce qui

semble un signe fort de reconnaissance de l’utilité du dispositif par les bénéficiaires. De

nombreuses situations où les équipements installés ont permis de prévenir des états de danger

(début d’incendie, chute à l’extérieur du domicile, fuite de gaz, etc.) ont ainsi été relevées

Ce volet témoigne donc d’un triple effet positif de la DTA : santé et moral des bénéficiaires,

contribution au maintien à domicile (souhaité par les personnes âgées) et économie médico-sociale.

Sur ce dernier point, en intégrant uniquement les chutes évitées par le dispositif (voir ci-dessus), le

coût moyen d’une hospitalisation pour chute (8 000 €) et le prix de la DTA (investissement de

~1 700€ la première année et d’~700€ les suivantes au prix actuel), la DTA est amortie en 1 an et

7 mois : si l’on intègre d’autres coûts (traitement de la dépression, institutionnalisation post-

hospitalière, etc.), « la DTA serait rentable en quelques mois à peine tout en augmentant le confort

de vie des personnes âgées et de leur entourage. »

Le volet social et environnemental a permis de préciser certains aspects et notamment quelques

conditions de succès :

- On relève « une bonne acceptation des dispositifs », notamment de la part des personnes ayant

fait une chute nécessitant une hospitalisation, la seule réserve étant que « l’installation du

dispositif ou son accroissement sont ou peuvent être perçus comme une accélération de la

dépendance »

- En matière d’appropriation et d’usage : la compréhension des spécificités de chaque équipement

et de leur fonctionnement reste souvent limitée sauf pour les plus évidents (chemin de lumière),

et le souci de « ne pas déranger » les services de téléassistance revient régulièrement.

- De fait, certains équipements du dispositif sont diversement identifiés par les bénéficiaires

(distinction utilité / usage).

Les plus appréciés sont les systèmes de communication avec la téléassistance (bracelet ou

médaillon) et les détecteurs de gaz et de fumée.

Le chemin lumineux est jugé indispensable pour beaucoup, mais il peut nécessiter des réglages

de sensibilité pour être bien accepté. Son impact sur les chutes est a priori incontestablement

positif.

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- L’entourage familial souhaite qu’en fonction de l’évolution de l’état des personnes, les

fonctionnalités, appréciées sous leur forme actuelle, puissent être rapidement adaptées et

d’autres, correspondant à des besoins nouveaux, installées

- Les appels de convivialité, piliers de la « téléassistance avancée », sont très appréciés et

semblent jouer un rôle sur le moral et contre le sentiment de solitude « que les (seuls)

dispositifs techniques ne diminuent pas »

- La DTA ne semble pas avoir d’impact déclaré sur le travail des Techniciens de l’intervention

sociale et/ou sanitaires ou des aidants, mais la majorité se retrouve autour d’un sentiment de

« sécurité » supplémentaire et de prolongation du maintien à domicile pour les bénéficiaires.

En matière de coût, il faut rappeler que la mise en place et les services de DTA ont été totalement

gratuits pour les bénéficiaires pendant l’expérimentation.

Les faibles revenus moyens des personnes âgées posent cependant la question de la solidarité

territoriale pour ce type d’aide au maintien à domicile dans l’hypothèse d’un large déploiement.

L’évaluation du niveau financier acceptable reste délicate à établir, plusieurs bénéficiaires étant

attachés à la gratuité (imaginant sans doute une prise en charge via l’APA ou autre allocation),

d’autres évoquant une moyenne d’~20 à 25€ mensuels (fourchette de 18 à 40€).

Conclusions et recommandations

Quelques idées fortes issues du rapport d’évaluation peuvent être citées en synthèse :

- « Il ressort de cette expérimentation que l’association de domotique (sécurisant l’habitat et

prévenant les chutes : chemin lumineux au premier plan) à la téléassistance avancée (prévenant

probablement la dépression en soutenant le lien social et en ayant un effet stimulant par le

sentiment de sécurité qu’elle apporte) et aux alarmes est efficace sur l’état de santé et

l’autonomie. (…) Ces fonctionnalités répondent bien aux besoins de la personne âgée fragile et

polypathologique. »

- « La DTA a un impact très positif sur le risque de chute et l’hospitalisation pour chute des

personnes âgées à domicile et donc indirectement sur la perte d’autonomie et

l’institutionnalisation puisque près de 40% des personnes âgées hospitalisées pour chute ne

retournent jamais à leur domicile et les autres perdent toujours de l’autonomie »

- « Le lien social créé par les appels des bénéficiaires ainsi que par les appels de convivialité

jouent très certainement un rôle dans la prévention de la dépression et d’autres pathologies,

voire même de la perte d’autonomie.

La présence vocale, nominale et physique des personnels de CTA est parfaitement repérée par

les personnes qui s’en déclarent très satisfaites, il est difficile de mesurer le gain en termes

d’autonomie mais il est patent quant à la sécurité psychique des personnes et quant à leur vie

sociale », ce qui souligne notamment l’importance d’une téléassistance « avancée », avec une

fréquence et une qualité de contact (émanant de la plateforme) significatives et un niveau

suffisant de formation.

- « Nous avons montré un impact réel de la DTA qui génère une économie réelle sur le coût

hospitalier des chutes supporté par l’assurance maladie et permet à elle seule d’assurer la

rentabilité humaine et sociale d’un tel déploiement. »

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En définitive, les évaluateurs recommandent les actions suivantes :

Au niveau individuel et des dispositifs de DTA :

1. Elaborer un guide d’utilisation du pack domotique, afin que les personnes âgées ainsi que les

aidants aient toujours à portée de mains un manuel simple et pratique, renforçant ainsi le

sentiment de sécurité et le recours à la DTA.

2. Renouveler tous les 15 jours les informations sur l’importance du matériel installé, afin que les

personnes âgées n’hésitent pas à utiliser un matériel qui doit en toutes circonstances leur

sembler familier.

3. Faire faire des essais du matériel de téléassistance à chaque appel de convivialité par la

personne âgée, pour les mêmes raisons.

4. Garder la synergie d’action de la téléassistance et de la domotique pour un « télé

accompagnement » efficace défini comme téléassistance avancée. L’étude a en effet évalué

l’ensemble « DTA », et son efficacité est ici fortement suggérée.

5. Prioriser les appels de convivialité avec la téléassistance. Ces appels sont plébiscités par les

personnes âgées et permettent d’instaurer un lien social. Ils humanisent la domotique et la

DTA avec un impact probable sur le moral des personnes équipées, sans doute de part ce

renforcement social et également le sentiment de sécurité procuré par les installations.

6. Installer des packs similaires dans chaque habitation car les besoins sont identiques et aucun

obstacle technique n’a empêché d’installation.

Sur le plan de l’accompagnement et de la politique sociale :

1. Eviter 2 écueils :

- La sur-catégorisation comme « personne âgée dépendante » ou « en perte

d’autonomie », aux effets potentiellement délétères pour des personnes et leur

entourage familial, qui ne se définissent plus elles-mêmes que par des critères d’ordre

médical

- Le sentiment de solitude inhérent au vieillissement.

Et s’inscrire dans 2 axes :

- Considérer le soin dans sa globalité.

- Placer ou replacer la personne en tant que sujet autonome et libre dans le choix de sa

vie et de ses décisions à l’instar d’un individu inscrit dans un parcours de vie avec un

avenir même fragile.

2. Mettre en place des « groupes de paroles » pour les usagers et les aidants dans chaque

instance gérontologique pour diffuser informations et connaissances des technologies et de

leurs usages.

3. Mettre en œuvre un programme de sensibilisation des personnes âgées et des familles aux

effets du vieillissement (éducation de masse par exemple voie audiovisuelle ou journal des

séniors) :

- L’information aux aidants familiaux doit prendre en compte leurs perceptions de la

situation de leur parent et de leur propre rapport à la dépendance.

- Elle ne peut pas se limiter à des aspects techniques

4. Associer les aides à domicile dans tout le processus d’équipement d’un domicile. Une

formation spécifique nous paraît utile et peut être mise en œuvre dans le cadre des

propositions de formation précédemment énoncées. Une information régulière des outils

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technologiques mis en place au domicile est importante auprès des aidants à la fois pour être

un relais informatif pour la personne âgée mais aussi pour assurer un suivi adapté au

domicile.

5. Envisager de former des professionnels à l’accompagnement global des personnes âgées. Non

chargées de tâches spécifiques (soins, ménage, cuisine…), ils seraient à même d’être présents

physiquement pour parler, bavarder, faire la lecture, commenter l’actualité ou d’autres

choses en partant des demandes des personnes.

6. Améliorer les coordinations des différentes instances : il parait utile que le Conseil général

mette en œuvre des rencontres entre les responsables des diverses institutions et les

professionnels de terrain afin de connaitre avec précision les modes de collaboration concrets

au quotidien, (…) préalable à la mise en place d'éventuels protocoles de collaboration.

Finalement :

« La DTA étant efficace dans cette expérimentation et ce, quel que soit le niveau GIR, l’installer chez

des personnes âgées <fragiles> et à fort risque de chute nous semble plus adapté que de se

restreindre au GIR pour sélectionner les bénéficiaires.

Parmi les critères de fragilité on peut citer l’âge élevé, les troubles de l'équilibre et de la marche, la

diminution de la force musculaire, les déficiences cognitives, la dénutrition, les troubles de la vision et

la prise de médicaments sédatifs-hypnotiques. »

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