Externalités, Optimalité, Externalités, Optimalité, InstrumentsInstrumentsSynthèse pour l’obtention d’une H.D.R.Soutenue par Sébastien Rouillon.

Jury : Jean-Christophe Péreau, Bordeaux 4,Bruno Deffains, Paris 2,Tarik Tazdaït, CIRED,Nicolas Carayol, Bordeaux 4,Claude Fluet, UQUAM,Patrick Point, CNRS.

Plan de route…Plan de route…Mes travaux de recherche étudient la

détermination d’objectifs sociaux optimaux, en présence d’externalités, et les moyens de les atteindre.

Les champs d’application sont les ressources naturelles (changement climatique et pêcheries), les biens publics et les externalités accidentelles (écologiques, industrielles ou routières).

Ma présentation illustrera ces recherches, en faisant une sélection de quelques résultats caractéristiques.

CHANGEMENT CHANGEMENT CLIMATIQUECLIMATIQUE

Constat de départ…Constat de départ…

Les modèles climatologiques négligent largement l’éventualité de discontinuité dans le fonctionnement du climat.

Un exemple d’un tel changement de régime serait une déviation de la course du Gulf Stream, refroidissant brutalement l’Europe occidentale.

Constat de départ…Constat de départ…

Formellement, j’ai postulé l’existence d’un seuil critique de concentration de gaz à effet de serre (GES), au-delà duquel la biosphère change d’équilibre, induisant des conséquences irréversibles sur le bien-être mondial.

J’ai consacré deux articles à analyser les propriétés d’une politique optimale de l’effet de serre, en présence de ce type de phénomène.

En information parfaite…En information parfaite…Dans un premier article, j’ai supposé que le

régulateur disposait d’une information parfaite, à la fois sur le seuil critique de concentration de GES et sur les dérèglements climatiques qui s’ensuivent.

J’en ai déduit que la politique optimale pouvait prendre deux formes :

Si les dérèglements climatiques sont graves, une trajectoire de préservation est optimale, consistant à rejoindre le seuil critique de concentration, puis à y stationner indéfiniment ;

Si les dérèglements climatiques sont modérés, une trajectoire de passage est optimale, consistant à rejoindre le seuil critique de concentration, puis à poursuivre l’accumulation des GES ensuite.

En information En information imparfaite…imparfaite…Dans un second article, j’ai abandonné

l’hypothèse d’information parfaite sur les dérèglements climatiques engendrés après le franchissement du seuil critique de concentration de GES.

Plus précisément, j’ai admis que le régulateur anticipait que les dérèglements climatiques induits pouvaient être :

graves, avec une certaine probabilité,ou modérés, avec la probabilité

complémentaire.

Amélioration des Amélioration des connaissancesconnaissancesJ’ai supposé, par ailleurs, que les

connaissances à la disposition du décideur pourraient s’enrichir, par suite d’avancées scientifiques et/ou par l’observation de la biosphère.

Pour faire simple, j’ai supposé que l’incertitude sera levée, à l’avenir, selon deux scénarios :

1)Une information nouvelle découled’un progrès scientifique, à une datefuture donnée.

2)Une information nouvelle vient de l’observation d’un dérèglement précurseur de la biosphère, qui apparaît à partir d’un certain seuil de concentration en GES.

Principe de précaution ?Principe de précaution ?Ce cadre d’hypothèses sert à

décortiquer la logique du principe de précaution, enjoignant d’agir immédiatement, malgré les incertitudes scientifiques.

Formellement, s’il s’applique ici, on devrait montrer que la perspective d’une meilleure connaissance scientifique ne justifie pas une accélération des émissions de GES, avant qu’elle nous arrive.

Pas sûr…Pas sûr…Mes résultats contredisent cette logique. Plus

précisément, j’ai pu montrer que l’anticipation d’une meilleure information pouvait inciter à rejeter plus de GES initialement.

L’intuition sous-jacente est complexe dans le cas où l’arrivée d’information suit un processus autonome (scénario 1).

Elle est évidente lorsque l’arrivée d’information découle de l’observation de la biosphère (scénario 2). En effet, accélérer le rythme d’accumulation de GES, c’est aussi réduire le délai d’acquisition des informations attendues et, donc, le moment où l’on pourra les utiliser pour affiner la politique.

LA FOURNITURE DES LA FOURNITURE DES BIENS PUBLICSBIENS PUBLICS

L’échec du marché…L’échec du marché…La théorie économique prouve

l’incapacité des marchés à fournir des biens publics en quantité optimale.

Il y a deux raisons à cela, qui se renforcent mutuellement :

L’absence d’exclusion dans l’usage induit des comportements de passagers clandestins, empêchant l’apparition d’une demande solvable ;

L’absence de rivalité dans l’usage fait qu’un prix unique ne suffit pas à informer le marché sur la valeur social du bien public.

La proposition de E. La proposition de E. Lindahl…Lindahl…Lindahl (1919) décrit un mécanisme

économique, pour déterminer simultanément l’offre de bien public et la répartition des impôts pour la financer.

Il consiste à attribuer à chaque consommateur une part fiscale, puis à lui demander quelle quantité de bien public il désire.

Un équilibre de Lindahl est une suite de parts fiscales, dont la somme est égale à un, telle que tous les consommateurs demandent la même quantité de bien public.

Déception et Déception et renaissance…renaissance…Malheureusement, comme Samuelson (1966) l’a

fait remarquer, la construction de Lindahl ne règle rien, les consommateurs ayant intérêt à manipuler ce mécanisme à leur avantage.

C’est seulement à partir des années 1970 que la théorie économique prouvera la possibilité d’échapper au problème du passager clandestin :

Un théorème général, dû à Maskin (1977), nous apprend qu’on peut créer des "institutions", telles que l’intérêt personnel suffise pour atteindre certains objectifs sociaux.

Groves et Ledyard (1977), et Walker (1981) donnent des exemples simples de tels mécanismes.

Un mécanisme, c’est Un mécanisme, c’est quoi ?quoi ?

Critiques…Critiques…Un reproche récurrent, adressé à cette

littérature, est que les mécanismes proposés sont si complexes, qu’on a tout lieu de croire qu’ils échoueraient, s’ils devaient être expérimentés.

Face à cette critique, le souci constant des chercheurs a été de les améliorer, notamment dans les directions suivantes :

1) Minimiser la dimension des messages ;

2) Vérifier la stabilité des équilibres de Nash ;

3) Relier messages et résultats d’une façon naturelle et intelligible.

Un nouveau mécanisme…Un nouveau mécanisme…J’ai pris part à cette réflexion dans deux

articles, proposant différentes versions d’un même mécanisme économique, conçu pour réaliser en équilibre de Nash des allocations de Lindahl.

Dans ces mécanismes, chaque individu annonce sa propension marginale à payer le bien public et sa demande de bien public.

Les messages reçus servent à calculer des prix individualisés et une offre de bien public.

A l’épreuve des Free-A l’épreuve des Free-Riders…Riders…J’ai pu montrer que :Tout équilibre de Nash du jeu défini

parces mécanismes décen-tralise un équilibre deLindahl ;

Réciproquement, touteallocation associée àun équilibre de Lindahlpeut être réalisée comme équilibre de Nash de ces jeux.

Et qui a d’autres Et qui a d’autres qualités…qualités…J’ai pu montrer, également, que les

mécanismes proposés avaient de bonnes propriétés, au regard des recommandations précédentes.

En particulier, il crée un lien intelligible entre les informations transmises par les individus et les allocations calculées par le mécanisme, puisqu’à l’équilibre, chaque agent :

Obtient la quantité de bien public qu’il a demandée,

Paye un prix individualisé égal à la propension marginale à payer qu’il a déclarée.

LES EXTERNALITÉS LES EXTERNALITÉS ACCIDENTELLESACCIDENTELLES

Gérer les risques…Gérer les risques…L’économie du droit analyse des situations où

des individus, exerçant des activités dangereuses, doivent prendre des mesures, pour limiter les risques d’accidents préjudiciables à des tiers.

Elle préconise deux types d’interventions :La mise en place d’un cadre réglementaire,

imposant aux individus de respecter des normes techniques de prévention des risques ;

La mise en place d’un système de responsabilité civile, obligeant légalement les individus à indemniser les tiers pour les préjudices qu’ils supportent de leur fait.

La réglementation…La réglementation…

La réglementation est un instrument intervenant ex ante, en fixant les conditions techniques d’exercice d’une activité risquée.

Son avantage est qu’elle permet un contrôle direct du risque d’accident.

Son inconvénient est qu’elle s’applique aveuglément à tout agent exerçant l’activité réglementée.

La responsabilité civile…La responsabilité civile…La responsabilité civile est un

instrument intervenant ex post, prenant la forme du paiement d’une indemnité, calculée après évaluation du préjudice subi par la victime.

Son avantage est qu’elle incite à prendre des mesures adaptées aux contextes.

Son inconvénient vient des risques d’insolvabilité et de défaut de condamnation.

Le défaut de Le défaut de condamnation…condamnation…J’ai consacré deux articles à analyser les

causes et les conséquences d’un défaut de condamnation.

Les raisons faisant que des individus échappent parfois à leur responsabilité doivent être cherchées :

Soit du côté des victimes, lorsqu’elles renoncent à demander réparation du préjudice,

Soit du côté des juges, lorsqu’ils échouent à prouver le lien de causalité entre l’accident et le responsable.

Une solution…Une solution…A la suite de Polinsky et Shavell (1997),

on sait qu’un moyen pour neutraliser l’effet du risque de défaut de condamnation est de faire payer une indemnité égale au dommage, multiplié par l’inverse de la probabilité d’être reconnu responsable.

Par exemple, un individu causant 1000 € de dommages et ayant une probabilité 1/2 d’être condamné devrait payer, suivant ce principe, une indemnité égale à 2000 €.

Des responsables Des responsables hétérogènes…hétérogènes…Dans un premier article, je remets en cause

cette logique, arguant qu’en réalité, le juge est incapable de discerner des individus ayant des probabilités d’être reconnus responsables différentes. Il est donc contraint d’appliquer une même indemnité, uniformément.

Dans ce cas, on peut montrer qu’il est optimal :de fixer l’indemnité à un niveau

intermédiaire, par rapport aux valeurs obtenues en appliquant la formule de Polinsky et Shavell (1997) ;

d’utiliser la réglementation et la responsabilité civile conjointement, pour tirer parti de leur complémentarité.

Des responsables sans Des responsables sans scrupules…scrupules…Dans un second article, rédigé avec

Bruno Deffains, on part de l’idée que les agents exerçant une activité dangereuse disposent, en fait, de deux moyens pour échapper au paiement de l’indemnité, à savoir :

Prendre des mesures de précaution, pour limiter le risque d’accident ;

Prendre des mesures d’évasion, pour limiter le risque d’être condamné, après un accident.

Les inconvénients des Les inconvénients des sanctions…sanctions…Ainsi, le but des agents va être d’utiliser les

deux leviers, de la façon la plus rentable qui soit, pour échapper au paiement de l’indemnité.

Selon les coûts associés à chaque mesure, on montre que toutes les attitudes surviennent, à savoir :

Prendre seulement des mesures de précaution,Prendre seulement des mesures d’évasion,Agir sur les deux tableaux à la fois.

Or, d’un point de vue social, seules lesmesures de précaution sont désirables,les autres correspondant à une pureperte économique.

Atténuer la sanction…Atténuer la sanction…

On envisage deux réactions possibles face à ces agissements :

1)Diminuer l’indemnité, pour limiter les actions d’évasion, sans trop réduire l’incitation à prévenir les accidents ;

2)Abandonner la règle de responsabilité stricte, au profit d’une règle de responsabilité pour faute.

PERSPECTIVESPERSPECTIVES

Indemniser des dommages Indemniser des dommages joints…joints…

La question se pose alors de construire un système d’indemnisation efficace, juste et équitable.

En matière environnementale, il arrive qu’un ensemble d’agents contribuent conjointement à déterminer le risque et/ou la gravité d’un accident, sans qu’il soit possible, techniquement et/ou logiquement, de leur attribuer telle ou telle part de responsabilité.

Gérer les écosystèmes Gérer les écosystèmes marins…marins…

Des recherches en cours, en collaboration avec Jean-Christophe Péreau, devraient aboutir à la construction d’un modèle multi-spécifiques, capables d’intégrer ces éléments.

L’économie halieutique s’est construite autour d’un modèle canonique, isolant une espèce au sein d’une zone de pêche.

En négligeant les interactions biologiques entre les espèces et la préservation de la biodiversité, cette approche atteint ses limites aujourd’hui.

L’Autre et la décroissance…L’Autre et la décroissance…

L’économie expérimentale accumule les preuves de l’interdépendance des préférences individuelles (altruisme, envie, estime de soi, normes, etc.).

En théorie, ces motivations, s’apparentant à des externalités de consommation, peuvent induire des équilibres économiques sous-optimaux.Appliquées aux ressources naturelles, ces intuitions pourraient donner un fondement théorique à l’idée de décroissance…

Merci de votre attention