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DCC DÉFINITION DES CONCESSIONS I.170-1 Laurent Richer CRITÈRES DE LA CONCESSION CONCESSION ET MARCHÉ I.170 Mots clés CONTRAT DE PARTENARIAT GÉRANCE MARCHÉ PUBLIC MARCHÉS DE SERVICE PUBLIC METP PAIEMENT DIFFÉRÉ PARTENARIAT Ce qu’il faut retenir La gestion d’un service public ou d’un service peut constituer une prestation faisant l’objet d’un marché de service, conclu pour répondre aux besoins de la collec- tivité publique. La différence entre marché public et concession est donc dans certains cas plus de degré que de nature, comme le montrent notamment l’exemple du contrat de gérance et, dans un contexte spécifique, celui du marché de partenariat. TEXTES CODIFIÉS Pas de dispositions codifiées TEXTES NON CODIFIÉS Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession Circulaire du 13 décembre 1975 sur les conditions d’approbation des contrats administratifs pour l’exploitation des services publics municipaux et intercommunaux à caractère industriel et commercial Rép. min. n° 21777, JOAN Q 22 janvier 1996 Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics I.170-1 Prestation de service et gestion du service 1 | Question de la compatibilité entre marché public et gestion du service Selon l’article 6-II de l’ordonnance du 29 janvier 2016, « les contrats de concession de services ont pour objet la gestion d’un service ». Cet objet peut aussi être celui d’un marché public. Il pourrait à première vue paraître exclu qu’un marché confie la gestion d’un service : le marché public a pour objet de pourvoir aux besoins du service et non de gérer celui-ci ; mais cette thèse n’a pas prévalu en droit positif. Thèse de l’incompatibilité. — Par un avis du Conseil d’État du 7 avril 1987, il a été admis que « le contrat – nommé ou innommé – par lequel un entrepreneur est chargé de l’exécution même du service public n’est GROUPE MONITEUR DCC Juin 2016 Mise à jour n o 18 1 pas un marché et, par suite, n’est pas soumis au code de marchés publics » et que, en conséquence, n’a pas le caractère d’un marché public le « contrat par lequel la collectivité compétente pour organiser un service de transport régulier de personnes ou son mandataire confie à une entreprise l’exécution du service public » (CE avis, sect. intérieur et finances, 7 avril 1987, Exé- cution du service public, GACE, p. 338). Mais cet avis n’a pas eu de postérité. Existence du marché de service public. — Il est admis que la gestion du service peut être une prestation de service faisant l’objet d’un marché public (cf. D. Moreau, Les marchés de service public. Un nouveau mode de gestion des services publics, éd. Moniteur, 2005). La possibilité de confier la gestion d’un service par un marché public a été consacrée avec un certain retentis- sement à propos du marché d’entreprise de travaux publics ; le Conseil d’État a jugé qu’un contrat est un marché de travaux et non un METP « dès lors que ce

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DCC DÉFINITION DES CONCESSIONS I.170-1Laurent Richer CRITÈRES DE LA CONCESSION•

CONCESSION ET MARCHÉI.170

▼Mots clés

•CONTRAT DE PARTENARIAT

•GÉRANCE

•MARCHÉ PUBLIC

•MARCHÉS DE SERVICE PUBLIC

•METP

•PAIEMENT DIFFÉRÉ

•PARTENARIAT

▼ Ce qu’il faut retenir

j La gestion d’un service publicou d’un service peut constituerune prestation faisant l’objet d’unmarché de service, conclu pourrépondre aux besoins de la collec-tivité publique.j La différence entre marchépublic et concession est donc danscertains cas plus de degré que denature, comme le montrentnotamment l’exemple du contratde gérance et, dans un contextespécifique, celui du marché departenariat.

TEXTES CODIFIÉS

Pas de dispositions codifiées

TEXTES NON CODIFIÉS

Directive 2014/23/UE du Parlementeuropéen et du Conseildu 26 février 2014 sur l’attributionde contrats de concession

Circulaire du 13 décembre 1975sur les conditions d’approbationdes contrats administratifspour l’exploitation des servicespublics municipauxet intercommunaux à caractèreindustriel et commercial

Rép. min. n° 21777,JOAN Q 22 janvier 1996

Ordonnance n° 2015-899du 23 juillet 2015 relativeaux marchés publics

Ordonnance n° 2016-65du 29 janvier 2016 relativeaux contrats de concession

Décret n° 2016-360 du 25 mars2016 relatif aux marchés publics

I.170-1 Prestation de serviceet gestion du service

1 | Question de la compatibilité entremarché public et gestion du service

Selon l’article 6-II de l’ordonnance du 29 janvier2016, « les contrats de concession de services ont pourobjet la gestion d’un service ». Cet objet peut aussi êtrecelui d’un marché public.

Il pourrait à première vue paraître exclu qu’un marchéconfie la gestion d’un service : le marché public a pourobjet de pourvoir aux besoins du service et non degérer celui-ci ; mais cette thèse n’a pas prévalu endroit positif.

• Thèse de l’incompatibilité. — Par un avis du Conseild’État du 7 avril 1987, il a été admis que « le contrat –nommé ou innommé – par lequel un entrepreneur estchargé de l’exécution même du service public n’est

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pas un marché et, par suite, n’est pas soumis au codede marchés publics » et que, en conséquence, n’a pasle caractère d’un marché public le « contrat par lequella collectivité compétente pour organiser un service detransport régulier de personnes ou son mandataireconfie à une entreprise l’exécution du service public »(CE avis, sect. intérieur et finances, 7 avril 1987, Exé-cution du service public, GACE, p. 338).

Mais cet avis n’a pas eu de postérité.

• Existence du marché de service public. — Il est admisque la gestion du service peut être une prestation deservice faisant l’objet d’un marché public (cf.D. Moreau, Les marchés de service public. Un nouveaumode de gestion des services publics, éd. Moniteur, 2005).

La possibilité de confier la gestion d’un service par unmarché public a été consacrée avec un certain retentis-sement à propos du marché d’entreprise de travauxpublics ; le Conseil d’État a jugé qu’un contrat est unmarché de travaux et non un METP « dès lors que ce

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marché ne confie pas au cocontractant la gestion d’unservice public au moyen de l’ouvrage qu’il était chargéde construire » (CE 8 février 1999, Préfet des Bouches-du-Rhône c/ Commune de La Ciotat, req. n° 15093,AJDA 1999, p. 364, concl. Bergeal, note Chabanol ;BJCP 1999, n° 4, p. 352, concl. Bergeal ; CE 30 juin1999, Département de l’Orne, req. n° 169336 etn° 169549,CJEG 1999, p. 434, note Richer).

Cela a pour conséquence que le contrat est passé etexécuté dans les conditions prévues par le Code desmarchés publics, sans que pour autant s’applique lerégime général de la DSP.

2 | Marché public et risque d’exploitation

Normalement le titulaire d’un marché public estrémunéré par la collectivité publique, mais ce n’estpas indispensable.

• Possibilité de rémunération par un tiers. — Il est admisque la rémunération peut provenir d’un tiers (dontl’usager), sur la base de l’idée que cette rémunérationcorrespond à une renonciation de la part du pouvoiradjudicateur.

JURISPRUDENCE

– CE Ass., 4 novembre 2005, Soc. J.-C. Decaux, Rec. 477, RFDA 2005, 1083,concl. Casas ; BJCP 2006, n° 44, p. 27, concl. Casas.

– CE 18 mars 1988, Sté civile des néo-polders (RDP 1988, 506, note Llorens).

– CE 3 juin 2009, Commune de Saint-Germain-en-Laye, JCP A 2010, 2056,note Bigas.

– CAA Paris, 11 octobre 1994, SARL Édition Technog, AJDA 1994, p. 901,concl. Paitre.

– CJCE, 12 juillet 2001, Ordine degli architetti delle province di Milano,aff. C-399/98, Rec. p. 5409.

Cette solution a été appliquée au marché qui confie lagestion d’un service. Il est, en effet, possible que larémunération soit versée par les usagers sans que,pour autant, le contrat opère un transfert suffisant durisque sur le cocontractant . En pareil cas, on est enprésence d’un marché public, alors même que ce n’estpas la collectivité publique qui paye. Et, inversement,comme le rappelle le considérant 18 de la directive2014/23, « certains dispositifs exclusivement rému-nérés par un pouvoir adjudicateur ou une entité adju-dicatrice devraient avoir le statut de concessions,lorsque le recouvrement des investissements et descoûts supportés par l’opérateur pour l’exécution destravaux ou la fourniture des services dépend de la

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demande réelle ou de la fourniture du service ou del’actif ».

JURISPRUDENCE

– CE 5 juin 2009, Société Avenance, req. n° 298641 : selon cet arrêt, la Cour« n’a pas […] entaché son arrêt d’une contradiction de motifs en jugeant quenonobstant le versement de redevances par les usagers du services, le contrats’analysait comme un marché public ».

• Incidence de la directive 2014/23. — Il a été soutenuque la directive 2014/23 « conduit à exclure qu’uncontrat puisse être qualifié de marché public de ser-vices lorsque la rémunération du cocontractant estassurée par les recettes de l’exploitation du service »(G. Pellissier « Définition de la concession de serviceset catégories juridiques existantes du droit français »,BJCP 2014, n° 95, p. 246).

Selon Gilles Pellissier, dès lors que la rémunération estassurée par les tiers, le droit d’exploiter est transféré et,avec lui, le risque économique qui lui est inhérent, ce quientraîne la qualification de concession de service.

Cette position appelle quelques nuances.

En premier lieu, un contrat qui confie une simple presta-tion de service sans exploitation devrait demeurer unmarché public, en dépit de la rémunération par des tiers.

En second lieu, quand le contrat confie effectivementla gestion du service, la rémunération par les tiers nepeut, à elle seule, établir le transfert d’un risque qui« implique une réelle exposition aux aléas du mar-ché » ; il se peut, en effet, que le contrat comporte desclauses de protection contre ces aléas (voir, par exem-ple : CE 5 juin 2009, Société Avenance Enseignementet Santé, req. n° 298641) ou que le risque trouve sonorigine dans des facteurs sur lesquels le pouvoir adju-dicateur a un contrôle, alors que, selon le considé-rant 20 de la directive « un risque d’exploitationdevrait trouver son origine dans des facteurs sur les-quels les parties n’ont aucun contrôle ».

La qualification de marchés publics des contratscomportant une rémunération par un tiers continuedonc à s’imposer, soit lorsque le cocontractant n’a pasla charge de l’exploitation du service, soit lorsque larémunération par les tiers n’entraîne pas transfert durisque d’exploitation, compte tenu de l’économiegénérale du contrat.

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DCC DÉFINITION DES CONCESSIONS I.170-2CRITÈRES DE LA CONCESSION•

I.170-2 Gérance

1 | Notion de gérance

La gérance, qui n’est mentionnée dans aucun texte légis-latif, a été consacrée par la pratique et par la jurispru-dence.

JURISPRUDENCE

Quelques arrêts portent sur des contrats de gérance, qui ne répondent d’ail-leurs pas exactement aux canons définis dans la circulaire de 1975 (CE8 novembre 1963, Cie des entrepôts et magasins généraux de Paris, Lebon,p. 534 – CE 9 octobre 1968, Pigalle, Lebon p. 481). Un traité dit de gérancea été requalifié en marché d’entreprise de travaux publics (CE 11 juillet 1986,Préfet de la Creuse, Lebon, p. 610 ; Dalloz 1986, SC, p. 279, obs. P. Terneyre).

• Définitions. — La circulaire du 13 décembre 1975sur les conditions d’approbation des contrats adminis-tratifs pour l’exploitation des services publics munici-paux et intercommunaux à caractère industriel etcommercial (MTPB, 28 février 1976, suppl. TO,p. XVII) disposait que : « fondé sur les mêmes basesque le contrat de régie intéressée, le contrat de gérances’en distingue dans la mesure où la collectivité décideseule de la fixation des tarifs. La collectivité conserveles bénéfices ou, en cas de déficit, rembourse celui-ciau gérant qui perçoit une rémunération forfaitaire ».Donc, le gérant ne prend aucun risque.

DOCTRINE ADMINISTRATIVE

– Rép. min. n° 21777, JOAN Q 22 janvier 1996, p. 380. Léon Aimé appellel’attention de M. le Ministre délégué à l’Aménagement du territoire et auxcollectivités locales sur les conditions de perception de la redevance del’agence de l’eau correspondant aux pollutions dues aux usages domestiqueslorsqu’une collectivité a confié, par un contrat de gérance, le service de distri-bution d’eau potable a une société privée. L’article 14-1 de la loi n° 64-1245du 16 décembre 1964 modifiée indique que le montant de la redevance estpayé par les usagers à l’exploitant du service qui le reverse à l’agence de l’eau.A ce titre, l’agence Loire Bretagne charge les gérants des services de distribu-tion d’eau potable du département de la Vendée du recouvrement. Mais lesyndicat départemental d’alimentation en eau potable de la Vendée estimequ’il devrait être le responsable de cette opération puisque les gérants ne sontque ses mandataires et n’exploitent pas à leurs risques et périls. En consé-quence, c’est le syndicat départemental, et non ses gérants, qui semble avoirla qualité d’exploitant. Il lui demande s’il confirme cette analyse, ou si acontrario, l’agence de l’eau peut conclure directement des conventions avecles gérants sans passer par l’intermédiaire du syndicat.

– Texte de la réponse : L’article 14-1 de la loi n° 64-1245 du 16 décembre1964 modifiée relative au régime et à la répartition des eaux et à la luttecontre leur pollution fixe le régime des redevances perçues par les agencesde l’eau en matière de pollution. Cette disposition prévoit que « l’exploitantdu service public de distribution d’eau est autorisé à percevoir, en sus du prix

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de l’eau, la contre-valeur déterminée par l’agence et assise sur les quantitésd’eau facturées de la redevance ». La notion d’exploitant recouvre traditionnel-lement les hypothèses où le service est exploité directement par les collectivitéset celles où l’exploitation est confiée à une personne de droit privé. La gérancese rattache à ce dernier cas de figure. Il s’agit d’un mode de gestion duservice public qui se caractérise par le fait que la collectivité finance elle-même l’établissement du service et en confie l’exploitation et l’entretien à unepersonne physique ou morale de droit privé, qui en assume la gestion pourle compte de la collectivité moyennant une rémunération forfaitaire qui n’estpas assurée par les usagers mais qui est versée par la collectivité. Le gérantn’agit pas à ses risques et périls mais apparaît bien comme l’exploitant duservice, au sens de l’article 14-1 de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964déjà cité. En conséquence et sous réserve de l’appréciation souveraine destribunaux, cette disposition ne faisant pas référence au responsable du servicemais à celui qui l’exploite, il ne semble pas contraire au droit que soit confiéau gérant, qui exploite le service pour le compte de la collectivité, le recouvre-ment de cette redevance. Conformément à l’instruction comptable n° 91-125M 49 du 30 octobre 1991 applicable aux services publics d’assainissement etde distribution d’eau potable, la totalité des opérations de recettes ou dedépenses du gérant sera retracée dans le budget annexe de la collectivité saufà encourir le risque pour le gérant d’être qualifié de gestionnaire de fait ausens de l’article 63.XI de la loi de finances n° 63.156 du 23 février 1963.

• Distinctions. Marché à l’entreprise et mandat

Marché à l’entreprise. — La circulaire du13 décembre 1975 distinguait de la gérance le marchéà l’entreprise, dans lequel la rémunération est forfai-taire. Cette distinction n’a guère d’intérêt dès lors que,dans un cas comme dans l’autre, s’applique le droitdes marchés publics.

Mandat. — Il arrive que soient conclus des contratsde mandat ayant pour objet de confier la gestion d’unservice public. Cette qualification est à éviter car lemandat a pour objet de confier une mission de repré-sentation juridique et non des activités matérielles.

Le contrat que les parties auraient qualifié de mandatdevrait donc être requalifié en marché ou en DSP.

REMARQUE

Il reste possible dans certains cas d’insérer dans un contrat qui confie lagestion d’un service public une clause de mandat, sous réserve de ne pasporter atteinte à une interdiction de se faire représenter par une personneprivée.

Sur les conditions du mandat en vue de percevoir des recettes publiques, voirloi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la viedes entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarifica-tion du droit et des procédures administratives dont les dispositions sont, ence qui concerne les collectivités locales, insérées au CGCT (art. L. 1611-7-1).

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2 | Qualification de la gérance

La jurisprudence qualifie de marchés publics lescontrats de gérance et les nouveaux textes nedevraient pas entraîner la disparition de ce type demarché.

• Qualification de marchés publics. — Par exemple, àpropos d’un contrat relatif à la distribution d’eaupotable, il a été jugé qu’étant donné que la rémunéra-tion « est composée d’une redevance annuelle verséepar la ville de Colmar et comprenant une partie fixe etune partie proportionnelle au nombre de mètres cubesd’eau produits, distribués aux collectivités achetantl’eau en gros et vendus aux abonnés ; que si la rede-vance est assise pour partie sur le nombre de mètrescubes d’eau produits et vendus, cette circonstance, euégard à la spécificité de la fourniture d’eau ne permetpas de regarder la part variable entrant dans la rému-nération du gérant comme présentant le caractèred’un mécanisme d’incitation aux résultats de gestion ;qu’en effet, l’évolution prévisible de la consommationet donc de la fourniture d’eau n’apparaît en l’espècepas substantiellement liée à celle du prix payé parl’usager » (TA Strasbourg, 15 septembre 2000).

Autrement dit, le lien entre la rémunération et lesrésultats « physiques » du service n’est pas pris enconsidération (la rémunération varie selon les quan-tités), mais le tribunal n’exclut pas qu’il puisse l’êtreen d’autres circonstances, si le contrat liait résultatsphysiques et résultats financiers. Le tribunal juge, enconséquence, que la majeure partie des ressources duservice provenant de la redevance payée par la ville,sans que la gestion de l’exploitant ait de conséquencessur cette redevance, le contrat est un marché public et,est-il ajouté, les clauses prévoyant que la rémunérationvarie selon le taux de fuites et que l’entreprise a lacharge de travaux dont le montant peut varier ne suffi-sent pas à faire peser sur le gérant « une part significa-tive des risques liés à l’exploitation ».

Il est permis de s’interroger sur la compatibilité decette solution avec l’arrêt du Conseil d’État du 28 juin2006, Syndicat intercommunal d’alimentation en eaude la moyenne vallée du Gier (req. n° 288459), quiqualifie un contrat de délégation de service public aumotif que le cocontractant « perçoit une rémunérationqui se compose en une partie fixe qui est constituéepar un abonnement et une partie variable qui dépend

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de la quantité d’eau consommée dans les communes ;que la rémunération calculée dans ces conditions estsubstantiellement assurée par le résultat de l’exploita-tion du service ». Mais cela n’exclut pas que, dansd’autres cas, la rémunération par la collectivité s’ac-compagne de la neutralisation du risque d’exploita-tion, par exemple parce que le prix varie en fonctionde la consommation.

JURISPRUDENCE

– CE 7 avril 1999, Commune de Guilherand-Granges, AJDA juin 1999, concl.Bergeal (eau potable).

– CAA Nantes, 2 avril 2000, Commune d’Olivet, BJCP n° 13/2000, p. 456(transports scolaires).

– TA Strasbourg, 15 septembre 2000, Sté Entrep. Ruas, Contrats marchés publ.2000, n° 7, note Llorens (eau potable).

– CAA Douai, 5 juin 2001, Sté Ateliers de mécanique du Pays d’Ouche, req.n° 97DA10602 (eau potable ; « que la circonstance que la rémunération dugérant varie en fonction du nombre de mètres cubes livrés par lui et effective-ment payés ne permet pas de regarder cette variation entrant dans la rémuné-ration du gérant comme présentant le caractère d’une incitation aux résultatsde gestion »).

– CAA Bordeaux, 27 juillet 2001, Communauté de communes de Saint-Savin,BJCP 2002, n° 23, p. 324 (thermes).

– CAA Nancy, 13 mai 2004, Ville de Colmar, req. n° 98NC02350 (assainisse-ment et eau potable).

– CE 28 juin 2006, Syndicat intercommunal d’alimentation en eau de lamoyenne vallée du Gier, req. n° 288459, note L. Richer, AJDA octobre 2006.

• Conséquences. — De ce que les contrats de gérancesont des marchés publics il résulte qu’ils sont illégauxen cas d’application de la procédure « loi Sapin ».

JURISPRUDENCE

– CAA Nancy, 13 mai 2004, Ville de Colmar, req. n° 00NC01328 : « Considé-rant que l’article 25 de la convention de délégation du service public dedistribution de l’eau potable, conclue le 9 juillet 1996 entre la ville de Colmaret le groupement de la société colmarienne des eaux et de la société SuezLyonnaise des eaux, prévoit que la ville verse annuellement à son cocontrac-tant une redevance composée notamment, en premier lieu, en ce quiconcerne la production d’eau, d’un forfait annuel comportant une part fixe de1 330 000 francs et une part variable, proportionnelle au volume produit,dégressive et susceptible de varier, selon des modalités définies à l’article 25-7,selon que le volume distribué est inférieur ou supérieur à 85 % du volumeproduit, en deuxième lieu, en ce qui concerne les ventes d’eau aux communesvoisines, d’un forfait de 1 900 francs par point de livraison et d’une sommeproportionnelle aux volumes livrés, en troisième lieu, d’un forfait de 329 francspar abonné et, enfin, d’une somme proportionnelle au volume d’eau vendueau cours de l’année aux abonnés de toute nature, calculée selon un barèmedégressif ;

Considérant que l’article 25 de la convention de délégation du service del’assainissement, conclue le même jour entre les mêmes parties, prévoit quela ville de Colmar verse à son cocontractant une rémunération annuelle

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