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  • DORA BRUDER RF (TITRES):DORA BRUDER RF (TITRES) 29/07/09 14:16 Page 4

    Extrait de la publication

  • Patrick Modiano

    Dora Bruder

    Gallimard

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  • ditions Gallimard, 1997. ditions Gallimard, 1999, pour la prsente dition.

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  • Il y a huit ans, dans un vieux journal, Paris-Soir, qui datait du 31 dcembre 1941, je suistomb la page trois sur une rubrique : Dhier aujourdhui . Au bas de celle-ci, jai lu :

    PARISOn recherche une jeune fille, Dora Bruder,

    15 ans, 1m55, visage ovale, yeux gris-marron,manteau sport gris, pull-over bordeaux, jupe etchapeau bleu marine, chaussures sport marron.Adresser toutes indications M. et Mme Bruder,41 boulevard Ornano, Paris.

    Ce quartier du boulevard Ornano, je leconnais depuis longtemps. Dans mon enfance,jaccompagnais ma mre au march aux Pucesde Saint-Ouen. Nous descendions de lautobus la porte de Clignancourt et quelquefois devant

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  • la mairie du XVIIIe arrondissement. Ctait tou-jours le samedi ou le dimanche aprs-midi.En hiver, sur le trottoir de lavenue, le long de

    la caserne Clignancourt, dans le flot des pas-sants, se tenait, avec son appareil trpied, legros photographe au nez grumeleux et auxlunettes rondes qui proposait une photo sou-venir . Lt, il se postait sur les planches deDeauville, devant le bar du Soleil. Il y trouvaitdes clients. Mais l, porte de Clignancourt, lespassants ne semblaient pas vouloir se faire pho-tographier. Il portait un vieux pardessus et lunede ses chaussures tait troue.Je me souviens du boulevard Barbs et du

    boulevard Ornano dserts, un dimanche aprs-midi de soleil, en mai 1958. chaque carrefour,des groupes de gardes mobiles, cause des v-nements dAlgrie.Jtais dans ce quartier lhiver 1965. Javais une

    amie qui habitait rue Championnet. Ornano 49-20.Dj, lpoque, le flot des passants du

    dimanche, le long de la caserne, avait d empor-ter le gros photographe, mais je ne suis jamaisall vrifier. quoi avait-elle servi, cette caserne ?On mavait dit quelle abritait des troupes colo-niales.Janvier 1965. La nuit tombait vers six heures

    sur le carrefour du boulevard Ornano et de larue Championnet. Je ntais rien, je me confon-dais avec ce crpuscule, ces rues.

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  • Le dernier caf, au bout du boulevardOrnano, ct numros pairs, sappelait VerseToujours . gauche, au coin du boulevard Ney,il y en avait un autre, avec un juke-box. Au car-refour Ornano-Championnet, une pharmacie,deux cafs, lun plus ancien, langle de la rueDuhesme.Ce que jai pu attendre dans ces cafs Trs

    tt le matin quand il faisait nuit. En fin daprs-midi la tombe de la nuit. Plus tard, lheurede la fermetureLe dimanche soir, une vieille automobile de

    sport noire une Jaguar, me semble-t-il taitgare rue Championnet, la hauteur de lcolematernelle. Elle portait une plaque larrire :G.I.G. Grand invalide de guerre. La prsence decette voiture dans le quartier mavait frapp. Jeme demandais quel visage pouvait bien avoir sonpropritaire. partir de neuf heures du soir, le boulevard

    tait dsert. Je revois encore la lumire de labouche du mtro Simplon, et, presque en face,celle de lentre du cinma Ornano 43. Lim-meuble du 41, prcdant le cinma, navaitjamais attir mon attention, et pourtant je suispass devant lui pendant des mois, des annes.De 1965 1968. Adresser toutes indications M. et Mme Bruder, 41 boulevard Ornano, Paris.

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  • Dhier aujourdhui. Avec le recul desannes, les perspectives se brouillent pour moi,les hivers se mlent lun lautre. Celui de 1965et celui de 1942.En 1965, je ne savais rien de Dora Bruder.

    Mais aujourdhui, trente ans aprs, il me sembleque ces longues attentes dans les cafs du car-refour Ornano, ces itinraires, toujours lesmmes je suivais la rue du Mont-Cenis pourrejoindre les htels de la Butte Montmartre :lhtel Roma, lAlsina ou le Terrass, rue Cau-laincourt , et ces impressions fugitives que jaigardes : une nuit de printemps o lon enten-dait des clats de voix sous les arbres du squareClignancourt, et lhiver, de nouveau, mesureque lon descendait vers Simplon et le boulevardOrnano, tout cela ntait pas d simplement auhasard. Peut-tre, sans que jen prouve encoreune claire conscience, tais-je sur la trace de

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  • Dora Bruder et de ses parents. Ils taient l, dj,en filigrane.Jessaye de trouver des indices, les plus loin-

    tains dans le temps. Vers douze ans, quand jac-compagnais ma mre au march aux Puces deClignancourt, un juif polonais vendait desvalises, droite, au dbut de lune de ces allesbordes de stands, march Malik, march Ver-naison Des valises luxueuses, en cuir, en cro-codile, dautres en carton bouilli, des sacs devoyage, des malles-cabines portant des tiquettesde compagnies transatlantiques toutes empi-les les unes sur les autres. Son stand lui tait ciel ouvert. Il avait toujours au coin des lvresune cigarette et, un aprs-midi, il men avaitoffert une.

    Je suis all quelquefois au cinma, boulevardOrnano. Au Clignancourt Palace, la fin duboulevard, ct de Verse Toujours . Et lOrnano 43.Jai appris plus tard que lOrnano 43 tait un

    trs ancien cinma. On lavait reconstruit aucours des annes trente, en lui donnant uneallure de paquebot. Je suis retourn dans cesparages au mois de mai 1996. Un magasin aremplac le cinma. On traverse la rue Hermelet lon arrive devant limmeuble du 41 boule-vard Ornano, ladresse indique dans lavis derecherche de Dora Bruder.

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  • Un immeuble de cinq tages de la fin duXIXe sicle. Il forme avec le 39 un bloc entourpar le boulevard, le dbouch de la rue Hermelet la rue du Simplon qui passe derrire lesdeux immeubles. Ceux-ci sont semblables. Le 39porte une inscription indiquant le nom de sonarchitecte, un certain Richefeu, et la date de saconstruction : 1881. Il en va certainement demme pour le 41.Avant la guerre et jusquau dbut des annes

    cinquante, le 41 boulevard Ornano tait unhtel, ainsi que le 39, qui sappelait lhtel duLion dOr. Au 39 galement, avant la guerre, uncaf-restaurant tenu par un certain Gazal. Je naipas retrouv le nom de lhtel du 41. Au dbutdes annes cinquante, figure cette adresse uneSocit Htel et Studios Ornano, Montmartre12-54. Et aussi, comme avant la guerre, un cafdont le patron sappelait Marchal. Ce cafnexiste plus. Occupait-il le ct droit ou le ctgauche de la porte cochre ?Celle-ci ouvre sur un assez long couloir. Tout

    au fond, lescalier part vers la droite.

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  • Il faut longtemps pour que resurgisse lalumire ce qui a t effac. Des traces subsistentdans des registres et lon ignore o ils sontcachs et quels gardiens veillent sur eux et si cesgardiens consentiront vous les montrer. Oupeut-tre ont-ils oubli tout simplement que cesregistres existaient.Il suffit dun peu de patience.Ainsi, jai fini par savoir que Dora Bruder et

    ses parents habitaient dj lhtel du boulevardOrnano dans les annes 1937 et 1938. Ils occu-paient une chambre avec cuisine au cinquimetage, l o un balcon de fer court autour desdeux immeubles. Une dizaine de fentres, cecinquime tage. Deux ou trois donnent sur leboulevard et les autres sur la fin de la rue Her-mel et, derrire, sur la rue du Simplon.Ce jour de mai 1996 o je suis revenu dans le

    quartier, les volets rouills des deux premiresfentres du cinquime tage qui donnaient

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  • rue du Simplon taient ferms, et devant cesfentres, sur le balcon, jai remarqu tout unamas dobjets htroclites qui semblaient aban-donns l depuis longtemps.Au cours des deux ou trois annes qui ont pr-

    cd la guerre, Dora Bruder devait tre inscritedans lune des coles communales du quartier.Jai crit une lettre au directeur de chacunedelles en lui demandant sil pouvait retrouverson nom sur les registres :8 rue Ferdinand-Flocon.20 rue Hermel.7 rue Championnet.61 rue de Clignancourt.Ils mont rpondu gentiment. Aucun navait

    retrouv ce nom dans la liste des lves desclasses davant-guerre. Enfin, le directeur delancienne cole de filles du 69 rue Champion-net ma propos de venir consulter moi-mmeles registres. Un jour, jirai. Mais jhsite. Je veuxencore esprer que son nom figure l-bas.Ctait lcole la plus proche de son domicile.

    Jai mis quatre ans avant de dcouvrir la dateexacte de sa naissance : le 25 fvrier 1926. Etdeux ans ont encore t ncessaires pourconnatre le lieu de cette naissance : Paris,XIIe arrondissement. Mais je suis patient. Jepeux attendre des heures sous la pluie.

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  • Un vendredi aprs-midi de fvrier 1996, je suisall la mairie du XIIe arrondissement, servicede ltat civil. Le prpos de ce service unjeune homme ma tendu une fiche que jedevais remplir :

    Demandeur au guichet : Mettez votreNomPrnomAdresseJe demande la copie intgrale dacte de nais-sance concernant :

    Nom BRUDER Prnom DORADate de naissance : 25 fvrier 1926Cochez si vous tes :Lintress demandeurLe pre ou la mreLe grand-pre ou la grand-mreLe fils ou la filleLe conjoint ou la conjointeLe reprsentant lgalVous avez une procuration plus une cartedidentit de lintress(e)

    En dehors de ces personnes, il ne sera pasdlivr de copie dacte de naissance.

    Jai sign la fiche et je la lui ai tendue. Aprslavoir consulte, il ma dit quil ne pouvait pasme donner la copie intgrale de lacte de nais-

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  • sance : je navais aucun lien de parent aveccette personne.Un moment, jai pens quil tait lune de ces

    sentinelles de loubli charges de garder unsecret honteux, et dinterdire ceux qui le vou-laient de retrouver la moindre trace de lexis-tence de quelquun. Mais il avait une bonnette. Il ma conseill de demander une droga-tion au Palais de Justice, 2 boulevard du Palais,3e section de ltat civil, 5e tage, escalier 5,bureau 501. Du lundi au vendredi, de 14 16 heures.Au 2 boulevard du Palais, je mapprtais

    franchir les grandes grilles et la cour principale,quand un planton ma indiqu une autreentre, un peu plus bas : celle qui donnait accs la Sainte-Chapelle. Une queue de touristesattendait, entre les barrires, et jai voulu passerdirectement sous le porche, mais un autre plan-ton, dun geste brutal, ma signifi de faire laqueue avec les autres.Au bout dun vestibule, le rglement exigeait

    que lon sorte tous les objets en mtal qui taientdans vos poches. Je navais sur moi quun trous-seau de cls. Je devais le poser sur une sorte detapis roulant et le rcuprer de lautre ctdune vitre, mais sur le moment je nai rien com-pris cette manuvre. cause de mon hsita-tion, je me suis fait un peu rabrouer par un autreplanton. tait-ce un gendarme ? Un policier ?Fallait-il aussi que je lui donne, comme len-

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  • tre dune prison, mes lacets, ma ceinture, monportefeuille ?Jai travers une cour, je me suis engag dans

    un couloir, jai dbouch dans un hall trs vasteo marchaient des hommes et des femmes quitenaient la main des serviettes noires et dontquelques-uns portaient des robes davocat. Jenosais pas leur demander par o lon accdait lescalier 5.Un gardien assis derrire une table ma indi-

    qu lextrmit du hall. Et l jai pntr dansune salle dserte dont les fentres en surplomblaissaient passer un jour gristre. Javais beauarpenter cette salle, je ne trouvais pas lesca-lier 5. Jtais pris de cette panique et de ce ver-tige que lon ressent dans les mauvais rves, lors-quon ne parvient pas rejoindre une gare etque lheure avance et que lon va manquer letrain.Il mtait arriv une aventure semblable, vingt

    ans auparavant. Javais appris que mon pre taithospitalis la Piti-Salptrire. Je ne lavais plusrevu depuis la fin de mon adolescence. Alors,javais dcid de lui rendre visite limproviste.Je me souviens davoir err pendant des

    heures travers limmensit de cet hpital, sarecherche. Jentrais dans des btiments trsanciens, dans des salles communes o taientaligns des lits, je questionnais des infirmiresqui me donnaient des renseignements contra-dictoires. Je finissais par douter de lexistence de

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  • mon pre en passant et repassant devant cetteglise majestueuse et ces corps de btimentirrels, intacts depuis le XVIIIe sicle et qui mvo-quaient Manon Lescaut et lpoque o ce lieuservait de prison aux filles, sous le nom sinistredHpital Gnral, avant quon les dporte enLouisiane. Jai arpent les cours paves jusquce que le soir tombe. Impossible de trouver monpre. Je ne lai plus jamais revu.

    Mais jai fini par dcouvrir lescalier 5. Jaimont les tages. Une suite de bureaux. On maindiqu celui qui portait le numro 501. Unefemme aux cheveux courts, lair indiffrent, mademand ce que je voulais.Dune voix sche, elle ma expliqu que pour

    obtenir cet extrait dacte de naissance, il fallaitcrire M. le procureur de la Rpublique, Par-quet de grande instance de Paris, 14 quai desOrfvres, 3e section B.Au bout de trois semaines, jai obtenu une

    rponse.

    Le vingt-cinq fvrier mil neuf cent vingt-six,vingt et une heures dix, est ne, rue Santerre 15,Dora, de sexe fminin, de Ernest Bruder n Vienne (Autriche) le vingt et un mai milhuit cent quatre-vingt-dix-neuf, manuvre, etde Ccile Burdej, ne Budapest (Hongrie) ledix-sept avril mil neuf cent sept, sans profession,

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  • son pouse, domicilis Sevran (Seine-et-Oise)avenue Ligeard 2. Dress le vingt-sept fvriermil neuf cent vingt-six, quinze heures trente, surla dclaration de Gaspard Meyer, soixante-treizeans, employ et domicili rue de Picpus 76,ayant assist laccouchement, qui, lecture faite,a sign avec Nous, Auguste Guillaume Rosi,adjoint au maire du douzime arrondissementde Paris.

    Le 15 de la rue Santerre est ladresse de lh-pital Rothschild. Dans le service maternit decelui-ci sont ns, la mme poque que Dora, denombreux enfants de familles juives pauvresqui venaient dimmigrer en France. Il semblequErnest Bruder nait pas pu sabsenter de sontravail pour dclarer lui-mme sa fille ce jeudi25 fvrier 1926, la mairie duXIIe arrondissement. Peut-tre trouverait-on surun registre quelques indications concernant Gas-pard Meyer, qui a sign au bas de lacte de nais-sance. Le 76 rue de Picpus, l o il tait employ et domicili , tait ladresse de lhos-pice de Rothschild, cr pour les vieillards et lesindigents.Les traces de Dora Bruder et de ses parents,

    cet hiver de 1926, se perdent dans la banlieuenord-est, au bord du canal de lOurcq. Un jour,jirai Sevran, mais je crains que l-bas les mai-sons et les rues aient chang daspect, commedans toutes les banlieues. Voici les noms de

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  • quelques tablissements, de quelques habitantsde lavenue Ligeard de ce temps-l : le Trianonde Freinville occupait le 24. Un caf ? Uncinma ? Au 31, il y avait les Caves de lle-de-France. Un docteur Jorand tait au 9, un phar-macien, Platel, au 30.Cette avenue Ligeard o habitaient les

    parents de Dora faisait partie dune agglomra-tion qui stendait sur les communes de Sevran,de Livry-Gargan et dAulnay-sous-Bois, et quelon avait appele Freinville. Le quartier tait nautour de lusine de freins Westinghouse, venuesinstaller l au dbut du sicle. Un quartierdouvriers. Il avait essay de conqurir lautono-mie communale dans les annes trente, sans yparvenir. Alors, il avait continu de dpendredes trois communes voisines. Il avait quandmme sa gare : Freinville.Ernest Bruder, le pre de Dora, tait sre-

    ment, en cet hiver de 1926, manuvre lusinede freins Westinghouse.

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  • Ernest Bruder. N Vienne, Autriche, le21 mai 1899. Il a d passer son enfance Leo-poldstadt, le quartier juif de cette ville. Sesparents lui taient sans doute originaires deGalicie, de Bohme ou de Moravie, comme laplupart des juifs de Vienne, qui venaient desprovinces de lest de lEmpire.En 1965, jai eu vingt ans, Vienne, la mme

    anne o je frquentais le quartier Clignan-court. Jhabitais Taubstummengasse, derrirelglise Saint-Charles. Javais pass quelquesnuits dans un htel borgne, prs de la gare delOuest. Je me souviens des soirs dt Sieve-ring et Grinzing, et dans les parcs o jouaientdes orchestres. Et dun petit cabanon au milieudune sorte de jardin ouvrier, du ct dHeilin-genstadt. Ces samedis et ces dimanches dejuillet, tout tait ferm, mme le caf Hawelka.La ville tait dserte. Sous le soleil, le tramway

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  • glissait travers les quartiers du nord-ouest jus-quau parc de Ptzleinsdorf.Un jour, je retournerai Vienne que je nai

    pas revue depuis plus de trente ans. Peut-treretrouverai-je lacte de naissance dErnest Bru-der dans le registre dtat civil de Vienne. Je sau-rai les lieux de naissance de ses parents. Et otait leur domicile, quelque part dans cette zonedu deuxime arrondissement que bordent lagare du Nord, le Prater, le Danube.Il a connu, enfant et adolescent, la rue du Pra-

    ter avec ses cafs, son thtre o jouaient lesBudapester. Et le pont de Sude. Et la cour dela Bourse du commerce, du ct de la Tabor-strasse. Et le march des Carmlites. Vienne, en 1919, ses vingt ans ont t

    plus durs que les miens. Depuis les premiresdfaites des armes autrichiennes, des dizainesde milliers de rfugis fuyant la Galicie, la Buko-vine ou lUkraine taient arrivs par vagues suc-cessives, et sentassaient dans les taudis autourde la gare du Nord. Une ville la drive, cou-pe de son empire qui nexistait plus. ErnestBruder ne devait pas se distinguer de cesgroupes de chmeurs errant travers les ruesaux magasins ferms.Peut-tre tait-il dorigine moins misrable

    que les rfugis de lEst ? Fils dun commerantde la Taborstrasse ? Comment le savoir ?

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  • Aux ditions P.O.L

    MEMORY LANE, en collaboration avec Pierre Le Tan.

    POUPE BLONDE, en collaboration avec Pierre Le Tan.

    Aux ditions du Seuil

    REMISE DE PEINE .

    FLEURS DE RUINE.

    CHIEN DE PRINTEMPS .

    Aux ditions Hoebeke

    PARIS TENDRESSE , photographies de Brassa.

    Aux ditions Albin Michel

    ELLE S APPELAIT FRANOISE . . . en collaboration avecCatherine Deneuve.

    DORA BRUDER (meme auteur):DORA BRUDER (meme auteur) 29/07/09 14:13 Page 148

    Extrait de la publication

  • Dora Bruder Patrick Modiano

    Cette dition lectronique du livre Dora Bruder de Patrick Modiano

    a t ralise le 30/10/2009 par les Editions Gallimard. Elle repose sur l'dition papier du mme ouvrage

    (ISBN : 9782070408481) Code Sodis : N38752 - ISBN : 9792070350352

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