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Extrait de la publication

Extrait de la publication… · On te sent sous pression, tu es moins attentive en cours, parfois je vois ton regard se perdre et tu arrêtes de prendre des notes, tu parais sou-cieuse…

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La Reine des mots

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Du même auteurÞ:

RomansÞ:Les proies de l’officier (Éditions 10/18 et NiL Éditions)

Prix spécial de la Gendarmerie nationale 2003Chasse au loup (Éditions 10/18)

Prix de la Fondation Napoléon 2005, œuvre de fictionLa mémoire des flammes (Éditions 10/18)La Dame des MacEnnen (Éditions Glyphe)Un monde hostile (Éditions Largo)

Recueils de nouvellesÞ:Noir américain (Thierry Magnier)Par l’épée et le sabre (Thierry Magnier)Le poisson bleu nuit (Éditions Nuit d’avril)

Prix Charles Brisset 2007Loin à l’intérieur (Éditions de l’Oxymore)

Prix Littré 2006

© Flammarion, 201187, quai Panhard et Levassor – 75647 Paris Cedex 13ISBNÞ: 978-2-0812-5030-7

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ARMAND CABASSON

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Quelque chose a changé, trois fois rien quibouscule tout. Ma vie d’aujourd’hui ressembleà un verre en cristal que je fais lentement tour-ner dans ma tête, à la recherche d’une fêlure. Jene remarque rien d’anormal, pourtant il netinte plus comme autrefois.

C’est à peine perceptible pour les yeux,mais si évident quand on prête attention àtout le reste. Mes parents ne se parlent pluscomme avant. Depuis quelques mois, ilsn’échangent que des banalités, comme pourdonner l’illusion d’une absence de silence. Oùsont passées les polémiques d’autrefoisÞ? Lesgrands débats d’idées, les disputes affectueuses,

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les éternelles querelles sur la société, la poli-tique, les romanciers à la mode, les projetsd’avenir, le travail… Sur tout cela, plus un mot,plus rien. Pour eux, désormais, quand tout varien, tout va bien.

Ma mère a perdu son sourire chaleureux. Ils’est effacé, dissous. Quelquefois, je le sais, ellepleure en cachette. Au matin, sur ses yeux secset impeccables, je lis encore les larmes de laveille. Ces quelques larmes tombées en secret,on trouvera que c’est peu de chose comparé augrand suicide collectif du monde. Mais ce peu-là, c’est ma vie.

La sonnerie annonce la fin de la récréation,des flots de lycéens se mettent en mouvement,convergent vers les portes des bâtiments. Sansraison précise, je me dirige vers les toilettes.C’est machinal, et ne pas penser –Þmême pen-dant quelques secondes – m’apaise.

Je me retrouve face aux six lavabos et aulong alignement des portes, mais pour y fairequoiÞ? Une amie me croise à petits pas pres-sés, m’adresse un signe au passage, dépêche-toi, Jenny, ou tu seras en retard en maths. MedépêcherÞ? RetardÞ? MathsÞ? Je m’approched’un robinet, presse pour l’enclencher. L’eaujaillit avec force et son flot capte mon regard.À peine s’arrête-t-elle de couler que je larelance. Ma paume se place en travers de son

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passage et tout explose en mille éclaboussures– pendant un instant, sous la violente mor-sure de l’eau glacée d’avril, j’ai l’impressionque ma main vient d’éclater. Anesthésiés parle froid, mes doigts s’engourdissent… J’ima-gine mon sang se changeant en glace écarlatedans des veines bleues disloquées par la dila-tation. Le flot cesse une nouvelle fois. Alors,sans réfléchir, je marche jusqu’au volumineuxtuyau qui serpente le long du mur pour ali-menter les robinets. Avec autant de penséesqu’un pantin de chair, je pose le pied dessuset je me hisse en équilibre, pesant de toutmon poids sur lui. Le tuyau rompt avec fra-cas, vomissant des monceaux d’eau tandis quej’évite de justesse de m’étaler sur le carrelage.Je recule de quelques pas. Mes baskets sontdans l’eau et le bas de mon jean est trempé. Jefrissonne, frigorifiée. Le jet fuse en cascade,l’eau se répand en mare sur le sol… Enfin,mon esprit s’extirpe de sa torpeur. Maisqu’est-ce que j’ai faitÞ? Qu’est-ce que c’estque cette stupéfiante stupiditéÞ? Je songe àfiler, or je ne bouge pas. Je demeure là, inerte,obnubilée par cette eau qui continue à jaillirsans faiblir et par ce lac grandissant danslequel sombre ma vie-Titanic.

–ÞQu’est-ce que c’est que ce bordelÞ?s’exclame quelqu’un.

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On me rejoint à pas précipités. Un sur-veillant. Il se fige pour constater le désastre etse met à crier.

–ÞC’est à cause de toi, ce foutoirÞ? Non maistu es devenue folle ou quoiÞ?

Tiens, ça c’est une questionÞ: est-ce que jedeviens folleÞ? Je parviens enfin à me libérerde l’appel de l’eau et je me tourne vers lui, tan-dis que des silhouettes apparaissent en contre-jour dans l’encadrement de l’entrée des toilettes.Je lui répondsÞ:

–ÞOui, c’est ma faute, bon ben ça va, j’ai com-pris, j’ai fait une connerie, voilà toutÞ! C’estjuste de l’eau qui coule, on ne va quand mêmepas appeler la police, le Raid et les tireursd’éliteÞ!

–ÞCommentÞ? Espèce de petite insolenteÞ!–ÞCalmons-nous, intervient la voix posée de

Mme Sigent, mon professeur de français.Je l’apprécie et je sais que c’est réciproque.

Il faut dire que j’ai la passion des livres, je lissans cesse, rien ne me fascine autant que lesmots. Peut-être que mon avenir est semblableau sien, peut-être que j’enseignerai le françaisdans un lycée dévasté par les élèves.

–ÞQu’est-ce qui se passe, JennyÞ?Je demeure silencieuse tandis que la nappe

d’eau continue de s’étendre, déborde mainte-nant des toilettes et commence à se répandre

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dans le couloir. Mme Sigent s’adresse au sur-veillant, toujours furieux, les pieds noyés.

–ÞJe connais cette élève, je suis son profes-seur principal. Je vais faire le point avec ellesur ce qui s’est passé.

Je la suis docilement, ma volonté dans sonpoing serré.

Elle m’entraîne vers un bâtiment annexe,dans la salle des professeurs. Nous croisonsdeux enseignants retardataires qui ne nousprêtent pas attention. Elle m’invite à m’asseoirdans la pièce vide où flotte une odeur de café.Elle prend place en face de moi, souriant pourme mettre à l’aise. J’en ignore les détails maisje sais qu’elle a eu une vie éprouvante. Sonvisage, strié de rides et de sillons, semble avoirété raviné par les coulées de larmes. Un jour,elle m’a gardée à l’issue du cours. Elle souhai-tait me parler de ma rédaction qui l’avait tou-chée. Nous avons discuté de certains passages,elle a enchaîné avec des questions sur mes pro-jets d’avenir… Puis, au moment de nous sépa-rer, elle a dit, peut-être par accident, commeune pensée qui aurait profité des propos précé-dents pour s’engager à leur suite et s’engouf-frer dans la brèche de sa bouche ouverte, elle aditÞ: «ÞTu es la fille que je n’ai jamais eue.Þ»

–ÞJenny, dis-moi ce qui se passe. Cette inon-dation, c’est déjà grave, cependant je peux

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encore imaginer que tu as voulu faire uneblague idiote… Mais qu’en plus, au moment oùon te prend la main dans le sac, tu te montresinsolenteÞ! Les deux ensemble, c’est un peutropÞ!

–ÞJe voisÞ: l’insolence, c’est la goutte d’eauqui fait déborder le vase.

–ÞPardonÞ?Mon agressivité à son égard, tout à fait inha-

bituelle, la déroute. D’étonnement, elle plisseles yeux et fronce les sourcils, accentuant sesinnombrables rides. Son visage ressemble à unchewing-gum piétiné par la semelle de la vie. Jeme sens pareille à ces traits, brouillée et broyéepar une force invisible mais incommensurable.

–ÞJenny, ça ne va pas depuis quelque temps.On te sent sous pression, tu es moins attentiveen cours, parfois je vois ton regard se perdre ettu arrêtes de prendre des notes, tu parais sou-cieuse… Que se passe-t-il, JennyÞ?

Ah, si seulement je le savaisÞ! Si c’était clair,oui, à elle, je le dirais. Mais tout est si confus.Qui peut comprendre ce que j’essaie de dire,comment expliquer que je suffoque parceque… parce que. Quels mots mettre sur desflousÞ? Affronter le regard de cette femme quisouhaite tant m’aider me gêne. Je me sens malà l’aise, mal tout court. Il faut que je me sortede cette situation, que j’esquive ce face-à-face.

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–ÞC’est que je ne sais pas si je peux vous leraconter…

Elle m’adresse un grand sourire, le genre desourire qui vous ditÞ: «ÞVas-y, ne crains rien, jesuis là.Þ» Ce sourire, elle me le tend comme ellem’offrirait une fleur, une rose. Bon, je melance.

–ÞVoilà, quand j’étais petite, mon père a étémuté au Congo. Au début, nous nous y plai-sions. Malheureusement, une catastrophe se pro-duisit cette année-làÞ: des essaims de mouchestsé-tsé apparurent en nuées tourbillonnantes.Or ces mouches-là se nourrissent de sang. Voilàqu’elles se mettent à piquer les uns, les autres…Tout le monde s’enfuit pour se barricader chezsoi. Le gouvernement décrète un couvre-feusanitaire permanent, l’armée commence à sur-voler le pays en lâchant des nuages d’insecti-cide orange ou de napalm, la télévision diffusedes images insenséesÞ: les prairies d’un vertluxuriant deviennent noires sous le tapis de lamultitude des cadavres de mouches, l’immenseforêt tropicale paraît se fossiliser en charbon, lamer semble devenir d’encre… Chez les gens,la terreur règne, on tend partout des mousti-quaires, comme si nous étions devenus deshommes-araignées tissant des toiles dans nospropres maisons. Mon père et ma mère veillentsur moi jour et nuit, la bombe insecticide à la

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main. Mais hélas, une tsé-tsé réussit à déjouerleur vigilance et vient me piquer, iciÞ!

Je montre le sommet de ma pommettedroite.

–ÞSans vouloir faire de jeu de mots, cetteminuscule cicatrice de piqûre de mouche est mamouche, car cette blessure a eu des conséquencessur ma personnalité, donc sur mon potentiel deséduction. Donc je fus piquée. Les premierstemps, il ne se passa rien. Au contraire, toutsemblait aller de mieux en mieuxÞ: la guerrecontre les mouches se terminait par un triomphe.Les nuées de tsé-tsé fondirent, disparurent.Hélas, par sa piqûre, la tsé-tsé transmet parfois àl’homme un parasite, le trypanosome, respon-sable de la trypanosomiase, plus connue sous lenom de maladie du sommeil. Ainsi, je me trou-vais avec mes parents dans les rues bondées deKinshasa, nous évoluions au milieu de la fouleen liesse, un feu de joie imminent allait embra-ser un spectaculaire amas de tsé-tsé mortes…Lorsque, tout à coup, le porteur de la flammes’écroule net. On croit à une vengeance pos-thume des mouches… C’est cela, d’ailleurs. On serassure car l’homme n’est pas mort, il dort. Il aété foudroyé par le sommeil. Puis voilà qu’unerangée s’effondre sur notre droite. Des gens quiviennent de s’endormir, juste là, comme ça, hopdorsÞ! Une autre rangée s’écroule à gauche, et

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deux derrière, et quatre devant… C’est la panique,la foule s’enfuit dans toutes les directions. Mamère et mon père m’empoignent et se mettent àcourir, nous dépassons des gens qui courent endormant, nous bondissons par-dessus des corpsendormis, nous enjambons des amas de som-meilleurs… Nous courons tandis que Kinshasas’endort, je vacille, mes genoux se dérobent, jetente de résister mais j’échoue et je sombre dansle sommeil… La suite, ce sont mes parents quime l’ont racontéeÞ: ils se retrouvent tous lesdeux seuls, les seuls êtres humains réveillésdans un Congo endormi, Adam et Ève dans lesommeil d’Éden. Ils me parlent, crient, s’affolentÞ:rien à faire. Peut-être que leur origine étrangèreles avait protégés de l’épidémie de sommeil.Leur peau blanche avait dû inquiéter les tsé-tsé.Est-ce que, vous, vous goûteriez un lait de vachenoir comme de l’encre de seicheÞ? Malheureu-sement, il faut croire qu’une tsé-tsé d’une gour-mandise sans pareille décida de tester quandmême la saveur d’une peau pâle, et son repas cefut moi.

Mon professeur de français remue sur sachaise, sa rose s’est fanée, elle hésite quant àl’attitude à adopter, j’interviens avant qu’ellene m’interrompe.

–ÞLe pire reste à venirÞ! J’étais donc en trainde vivre l’histoire de la Belle au bois dormant.

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Des médecins de l’OMS vinrent tenter deréveiller le Congo, de sortir les gens de ce som-meil sans fin. On essaya tous les médicamentsclassiques, les prières, les exorcismes… En vain.Alors on remit au goût du jour un vieux remèdetraditionnelÞ: l’arsenicÞ! Toute la subtilité du trai-tement consiste à doser ce poison, à en donnerassez au malade pour tuer le trypanosome, maispas trop non plus pour ne pas le tuer lui aussi.Ce fut efficaceÞ: neuf fois sur dix, on assistait auréveil miraculeux du patient. Dans les autrescas, le sommeil résistait ou le malade mourait.Mes parents se résolurent à tenter cette solutionultime. On m’injecta donc de l’arsenic. J’étais laBelle au Congo dormant mais, au lieu du baiserdu prince charmant, j’eus le baiser de l’arsenic.Mon père me vit ciller des yeux, il se mit à pleu-rer, ma mère aussi, je m’éveillai. Le problème,c’est que, comme tous les médicaments, l’arsenica des effets secondaires. Chez les uns ce sont desmaux d’estomac, chez les autres des douleursmusculaires… Chez moi, cela joua sur le carac-tère, la personnalité. Et maintenant vous com-prenez toutÞ! On dit que je suis insolente, maisc’est injuste car ce n’est pas ma faute, c’est lafaute de l’arsenicÞ! Que voulez-vous, c’est ainsi,j’ai l’arsenic cynique.

Silence, qui se prolonge. J’y suis peut-êtreallée un peu fort…

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Enfin, elle me répond.–ÞJenny, je vais convoquer tes parents. Tous

les deux. Demain soir, à dix-sept heures, dansle bureau du proviseur, tu penses que c’est pos-sibleÞ?

Elle se lève et s’en va, m’abandonne là, seuleavec mes joyeuses fabulations et la trame dema vie disloquée, immobile, hésitant entrerires et sanglots.

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Mes parents sont furieux. L’inondation et laconvocation en urgence les ont désorientés,ma mère avait mis le haut-parleur du télé-phone afin que mon père puisse entendre luiaussiÞ: Mais enfin mon mari et moi nous tra-vaillons tous les deux, Madame Dalembert jevous répète que je m’inquiète pour votre fille,Mais mon époux a des contraintes qu’il nepeut pas ignorer comme ça, Il est importantque nous discutions tous ensemble de votrefille aussi la présence de Jenny et de ses deuxparents est-elle indispensable, Et moi quevais-je dire à mon travail madame Sigent, Leproviseur vous attend demain à dix-sept

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heures ou alors à dix-huit heures si cela vousconvient mieux… Dans la soirée, il y a eu de lacolère, des menaces de punition, des ques-tions sans réponse, des explications qui n’expli-quaient rien, des mises au point qui restaientfloues, desÞ«Þc’est clairÞ?Þ» qui ne l’étaient pas…«ÞQu’est-ce qui se passeÞ?Þ» me demandaient-ils tous les deux. Qu’est-ce que j’en saisÞ?Quand j’essayais maladroitement de leur expli-quer que les choses n’étaient plus commeavant, ils me disaient de ne pas changer desujet ou alors ils se diluaient dans des digres-sions confuses et c’étaient eux qui changeaientde sujet.

Allongée sur mon lit, j’attends le sommeilqui ne vient pas. C’est curieux car, d’habi-tude, je m’endors sans difficulté. Curieux etirritant.

J’ai beau essayer de m’apaiser, de penser àdes choses «ÞgaiesÞ», mes pensées dérivent eteffectuent une large boucle qui les ramèneencore et toujours à ce point de départÞ:quelque chose a changé. Mon père et ma mèrene sont plus ensemble, ils sont seulement côteà côte. Les gestes du quotidien sont semblablesen surface à ceux d’autrefois, les habitudess’enchaînent avec une apparente fluidité, mavie paraît être la même et pourtant elle est dif-férente.

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N°éditionÞ: xxxDépôt légalÞ: xxxÞ2010

Loi n°Þ49-956 du 16Þjuillet 1949sur les publications destinées à la jeunesse

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