MARIE TALON

HENRY VALENSI Lheure est venue

En couverture : Le Mariage des Palmiers, 1921, Coll. Centre Pompidou. Crdits photo : Bertrand Prvost Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP

Sauf mention spcifique, les photographies des uvres dHenry Valensisont de Janeth Rodriguez-Garcia.

ISBN 978-2-84668-487-3

Cette version numrique a t ralise en dcembre 2014 pour le compte de lAssociation des Ayants Droit du Peintre Henry Valensi par lagence BeCom (www.becom-studio.com). Elle reprsente une actualisation, un allgement et une rcriture partielle du livre paru en 2013 sous le mme titre. La version complte de cet ouvrage, au format papier, ralise en 2013 pour le compte de lAssociation des Ayants Droit du Peintre Henry Valensi par Yvelinditions, comprend la documentation complte, les archives cites, et est galement en vente en ligne sur le site www.musicalisme.fr

Toute reprsentation totale ou partielle de ce livre par quelque procd que ce soit, sans lautorisation expresse de lexploitant du livre est interdite et constituerait une contrefaon sanctionne par les article L 335-2 et suivants du Code de la proprit intellectuelle.

Marie Talon

Henry Valensi(1883-1960)

Lheure est venue

Musicalisme et cinpeinture

tous les artistes dici et dailleurs,dhier, daujourdhui et de demain,quelle que soit leur Matire dArt .

Extrait n1

8T.d.M.

Paris, le 2 mai 1960.

Le dossier Valensi a atterri sur ma table de travail un jour de mars 1960.Jai t nomme responsable de la rubrique Lumires de Paris il y a dj quatre mois, mais

mon rdacteur en chef continue prendre toutes les dcisions ma place. Cest agaant !Le 9 mars dernier, Didier-Marie, (cest le prnom du rdac-chef ) voulait absolument que

je rencontre, place Vendme, un peintre dcorateur qui travaillait chez Mauboussin, il avait mme dcid de lheure prcise du rendez-vous, sans me consulter, comme toujours.

Quand jarrivais chez Mauboussin, le dcorateur tait dj parti, mais heureusement une vendeuse eut lamabilit de me transmettre son message, je pouvais le retrouver une manifestation artistique o il tait invit tout prs dici, la galerie Internationale de Maurice dArquian.

Il y avait beaucoup de monde lentre, on ne laissait passer quau compte-gouttes, mais je russis me faufiler derrire une gigantesque armoire glace habille de popeline noire. Dans le coin de la salle surchauffe o javais atterri, la scne ne mtait visible que sous un angle dcidment trop aigu pour identifier ce qui sy droulait, je distinguais juste des bruits animaux rythms par les ordres dune voix mle, le tout dans une odeur enivrante de trbenthine : mais quest-ce quil pouvait bien se passer ici ? Et comment allais-je retrouver mon peintre dcorateur de bijouterie ?

Lhorizon sclaircit brusquement et je dcouvris enfin ce qui se passait sur scne : trois femmes nues, enduites de peinture bleue se tranaient sur le sol et les murs pour y laisser des traces, tandis quun homme gant de blanc, en costume noir, sexcitait leur crier ce quelles devaient faire

Je fus prise dun trange malaise et sans un regard pour le dresseur , je fis demi-tour en quatrime vitesse pour aller respirer dans le caniveau. Joubliai totalement mon peintre et comme il tait dj tard, je rentrais directement chez moi o je trouvai, dans ma bote aux lettres, un mot de mon chef mindiquant lheure prcise du rendez-vous ne surtout pas manquer .

Il tait temps quon branche enfin ma ligne tlphoniqueJe ne trouvais rien de consistant le lendemain dans les journaux, sur la manifestation artistique

nomme Anthropomtries par Pierre Restany, co-organisateur et ami de lartiste-dresseur, Yves Klein. Klein tait dj connu de la presse, mais je ne mtais pas intresse lui jusque-l. Jallais tenter dobtenir un rendez-vous, je voulais comprendre le message de ces Anthropomtries.

Mais Didier-Marie ne lentendit pas de cette oreille. Il tait furieux que jaie manqu le rendez-vous. Jeus le culot de rpondre quen tant que responsable de la rubrique, il serait plus logique que je choisisse les invits et les horaires de rendez-vous moi-mme !

Je fus mise pied trois jours. Jen profitais pour mabsorber dans la contemplation du tlphone automatique en baklite noire, que lon venait enfin de me brancher.

Il a sonn hier.

9T.d.M.

Didier-Marie Vallon avait nomm quelquun dautre responsable de ma rubrique, et, pour accder malgr tout mes dsirs dindpendance, il me proposait une mission spciale (pour laquelle jappris par les copains plus tard quil navait trouv personne dautre) : lors du salon Comparaisons fin fvrier, il avait rencontr un peintre au pedigree formidable qui cherchait de laide pour crire une biographie publiable. Cela risquait de me prendre du temps, mais au moins serais-je libre de grer ce temps comme je lentendrais ! Le patron souhaitait juste un rsum de nos changes sous forme dun portrait illustr et document de quatre pages maximum, paratre dans le numro spcial de juillet. Le reste me regardait totalement.

Je me plongeai immdiatement dans lpais dossier quil me remit sur un certain Henry Valensi. Ce peintre avait lui-mme rdig une dizaine de pages de notes autobiographiques. Il crivait beaucoup, confrences, articles, essais, il crivait sur lArt, en particulier sur le mouvement Musicaliste quil avait orchestr trente ans plus tt. Il crivait aussi sur la Cinpeinture, un genre de cinma exprimental quil voulait dvelopper pour la tlvision.

Je commenais le trouver moins ringard que ce que javais tout dabord pens. Cela me permit de prendre conscience soudain que je fonctionnais, moi aussi, avec des prjugs , ces mmes prjugs contre lesquels javais vaguement la prtention de lutter dans mes propres crits.

Je poursuivis ma lecture.Des impressionnistes au salon des Ralits Nouvelles en passant par le cubo-futurisme, il avait

connu et accompagn activement les grands mouvements de transformation de lart pictural de cette premire moiti du xxe sicle. Tout ce quil en disait et toutes ses rflexions sur lArt pouvaient non seulement rveiller la curiosit des philosophes et des historiens de lart, mais intresser aussi les amateurs qui attendent toujours quon leur parle peinture avec des mots simples.

Je poursuivis ltude du dossier en mabsorbant longuement dans la contemplation des reproductions de quelques-unes de ses toiles les plus rcentes.

Jtais de plus en plus curieuse de rencontrer ce peintre dont les tableaux explosaient mes yeux dune joie dense et colore, capable de me mettre dans un tat tellement plus agrable et dynamisant que les Anthropomtries de Klein navaient su le faire.

Quand jeus fini de lire, je pris le temps encore de rencontrer pour les interroger quelques personnes qui travaillaient avec lui, lUnion des Arts Plastiques, dont il tait prsident. Je dcouvris un vritable avant-gardiste, un rsistant, un briseur de prjugs, un dfenseur de la Vie par lArt.

On me le dcrivit galement comme un homme discret, trs rudit, qui avait fait le choix difficile daffirmer chaque pas son indpendance vis--vis du march et de la presse, un homme libre en un mot.

Et cette libert-l rsonnait soudain trs profondment en moi.Je dcrochai enfin le combin pour prendre rendez-vous. La voix chaude et rassurante dHenry

Valensi acheva de me sduire. Il pouvait me consacrer deux jours entiers, en fin de semaine prochaine, condition que je le rejoigne dans lOise, une heure et demie de Paris.

10T.d.M.

Il fallut encore convaincre mon pre de me prter, pour loccasion, la vieille deux-chevaux grise qui dormait dans le garage familial, et son Nagra dingnieur du son.

Cest ainsi que, le cur battant denthousiasme, moi et le prcieux Nagra de papa, nous nous prsentmes un chaud samedi davril Bailly, dans lOise, o le peintre nous attendait, dans la maison de campagne de sa meilleure amie et collaboratrice, Christiane Vincent-La Force, peintre elle aussi.

Christiane maccueillit trs gentiment et memmena au fond du jardin o je trouvai Henry Valensi en train de lire, dans une chaise longue, habill dune grande robe orientale mauve.

Jinstallais mon magntophone sur la table basse et le micro sur la table haute, le plus loin possible de la cafetire que Christiane venait dy poser avec deux tasses.

Henry ferma son livre avec un geste lgant puis le dposa sur le sommet dune pile dj haute de journaux et documents divers, derrire sa chaise. Il dgageait beaucoup de charisme et je le trouvai sduisant, malgr ses 77 printemps. Il suivait de son regard pntrant chacun de mes mouvements.

Je me mis trembler en minstallant sur la chaise en face de lui, et ne pus sortir aucun son. Je suis sr que vous aimeriez savoir comment tout a commenc. dit-il en souriant.Cest ainsi que sengagea la rencontre qui allait changer ma vie.

Franoise Fougeret

Henry, lise et Georges dans les annes 1890 (coll. part., D. R.).

11T.d.M.

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PREMIER MOUVEMENT

Vers le musicalisme

Faites donc confiance au temps.Le temps cest de la musiqueet le domaine do elle mane,cest lavenir.Mesure aprs mesure, la symphoniesengendre elle-mme,naissant miraculeusementdune rserve de dure inpuisable.

Hans Urs Von Balthasar (1905-1988), thologien suisse.

12T.d.M.

Alger, le port, photo personnelle dHenry Valensi sur plaque de verre (coll. part., D. R.).

tude Alger, le port, 1912, huile sur panneau, 33 x 24 cm (coll. part., D. R.).

13T.d.M.

1. DAlger Paris, les annes terreau (1898-1909)

Comment tout a-t-il commenc ?Je suis n Alger en 1883. Je me souviens de la lumire dore qui caresse les murs blancs de

la ville, et dun mtissage musical passionnant entre les conversations franaises et lappel, au loin, du muezzin.

Jtais souvent malade quand jtais petit. Jai tout eu : le croup 4 ans, la diphtrie 5 ans, le bgaiement, une paralysie 6 ans quand mon pre est mort, on parlait dj de ma mise en bire. Un mdecin arabe ma sauv, et depuis, jai toujours associ les couleurs de lOrient la vitalit, au dynamisme.

Enferm dans ma chambre, avec des livres, mais surtout avec des crayons de couleurs et des pinceaux, je passais mon temps la fentre. force dobservation et de patience, jai aiguis mon regard et pris plaisir retranscrire sur le papier ce que je voyais, mais aussi trs vite ce que je ne voyais pas et a, ctait beaucoup plus excitant !

Que voulez-vous dire ?Que la ralit ne se donne pas toute entire au premier coup dil, la ralit est changeante

selon lendroit do on la regarde, selon lheure et le jour.Prs dAlger la campagne, ma chambre donnait sur le jardin qui, lui, donnait sur la mer,

javais douze ans et ce matin-l, je dcouvre en me levant un paquebot gigantesque au bout du jardin. Jai pris mes pinceaux, mes feuilles, et mes couleurs et jai couru minstaller pour dessiner dehors. L, je me suis surpris interprter presque malgr moi la ralit : donnant par exemple aux hublots des tailles diverses, selon que je les imaginais pour des officiers ou pour les deuxime et troisime classes. Un peu comme si javais dvelopp un sens plus aigu de la conception. Je suis dailleurs convaincu que les artistes ont une capacit perceptive plus importante que la moyenne. Ce qui leur donne un rle jouer aux cts des philosophes et des scientifiques pour comprendre lHomme.

Mais vous me demandiez comment tout a commenc, je crois bien que cest parti de l, dans ce jardin. Parce que mon frre Raoul se moquait de moi en disant que a ntait pas trs ressemblant, ce jour-l, jai pris conscience de quelque chose, que jai ensuite pass ma vie tenter de formuler ou traduire plus exactement en couleurs, en lignes, en mots.

Raoul est votre cadet ?Non, ctait mon an, de deux ans. Ma sur Margot est ma cadette de quatre ans, et mon frre

Lucien, mon cadet de cinq ans. Alors bien sr jtais tout le temps avec Raoul, que je narrivais

14T.d.M.

pas suivre : ctait un vritable casse-cou, le dsespoir de notre mre qui se demandait comment elle avait pu engendrer deux fils aussi opposs. Moyennant quoi on sentendait merveille. Lui tait plus dans laction, moi dans lobservation : je pouvais rester debout deux heures le pinceau la main, pendant que Raoul faisait le singe dans les cocotiers au risque de se rompre le cou. Cest ce quil tait dans le fond, un casse-cou, un risque-tout, une vraie graine daventurier, cest ce qui me plaisait chez lui et qui nous a t trs utile quand nous sommes arrivs Paris, il ouvrait les portes pour moi, je navais plus qu me prsenter. Cest lui, par exemple, qui ma fait rencontrer Max Jacob et Picabia.

Excusez cette curiosit soudaine pour votre famille, mais vous dites si peu de choses personnelles dans les notes autobiographiques que vous avez laisses.

Oui cest vrai, je naime pas mtaler, surtout quand mes propos risquent dtre repris au grand jour dans des publications. Jai surtout peur dtre mal compris. Les malentendus sont une telle perte dnergie pour moi, je prfre utiliser cette nergie comprendre mon poque et le rle quun peintre peut y jouer ! Un professeur de littrature, aux Beaux-Arts, Monsieur Rocheblave, nous disait que David avait t un grand peintre parce quil avait tudi et traduit les caractres de son temps . Cette injonction tudier son poque pour la comprendre et le paquebot vu du jardin sont finalement, je crois, les deux lments placer aux origines de mon volution.

Georges Turpin crit que vous tes lun des peintres dont luvre est marque au sceau de lintelligence et je cite aussi tienne Souriau : Nous avons vu que Valensi mritait vraiment ce nom de penseur dont on fait trop facilement abus lorsquon envisage des cogitations dartistes 1. Vous tes donc peintre et penseur !

Voyez, dj il faut rajouter penseur , comme si le fait de peindre ntait pas une manire de penser ! Aussi loin que je remonte, il me semble que jai toujours envisag la peinture comme une activit extrmement srieuse. Jen ai parl trs tt avec maman qui mencourageait dailleurs, trop contente de voir que ma passion pour la peinture tait en train de me gurir (ce que larme de mdecins occidentaux consults Alger navait pu russir, soit dit en passant). Javais conscience quen peignant, je travaillais largir la vision du monde qui avait cours lpoque ; lartiste en gnral, mais le peintre en particulier, puisquon parle de vision, est celui qui voit plus loin, au-del des apparences. Or la premire grande invention scientifique concerne loptique : je ne sais pas si on se rend compte encore aujourdhui de ce que linvention de lappareil photo a pu produire dans le monde des arts visuels, elle a libr le peintre de lobligation dtre fidle la ralit. Et la photo est un moyen extraordinaire dchange et de connaissance !

1. Dictionnaire biographique des artistes contemporains, ddouard Joseph, 1933. Larticle sur Valensi est sign de Georges Turpin (tome iii, pages 368-370). tienne Souriau, Hommage Valensi, catalogue Comparaisons, dix ans dart actuel, 1964.

15T.d.M.

tude pour Sur un transatlantique, plaque de verre signe en bas gauche, 195 x 115 cm, 1921 (coll. part., D. R.).

Le paquebot Ville dAlger.

16T.d.M.

Que connaissiez-vous des peintres parisiens et de la peinture acadmique durant votre enfance Alger ?

Ma mre recevait beaucoup et parmi ses amis, il y avait des artistes peintres qui parlaient de leur rvolte contre lacadmisme, de leurs souffrances dartistes rejets. Les mots impressionnisme, rbellion, progrs, nouveauts scientifiques restent gravs dans ma mmoire denfant. Jai eu trs tt conscience de vivre une poque de dynamisme incroyable. La photographie et les balbutiements du cinma sont des produits du mariage de la Science avec lArt. Le mouvement, le progrs, la technique sont lorigine des transformations qui se sont produites dans le milieu de la peinture au tournant du sicle, dans le sens dune grande libert.

Bref, depuis Alger, tre impressionniste Paris me paraissait la plus formidable des aventures, il me semblait que mes pinceaux me permettraient de voir et comprendre des choses difficiles mettre en mots.

Finalement Alger, la fin du xixe sicle, la communaut franaise recevait les informations presque en temps rel ?

Mais Alger, pour la communaut franaise, ctait Paris ! Soleil et sensualit en plus, oui, nous avions toutes les informations parisiennes presque simultanment. Nous allions toutes les expositions, on parlait beaucoup alors des Orientalistes en gnral et dtienne Dinet en particulier. Il tait si fascin par lAlgrie, ses paysages, sa culture, quil a fini par sinstaller Bou Saada dans le Sud o il sest converti lIslam sous le nom de Nasreddine Dinet.

Mcanisme du trottoir roulant de lExposition universelle.

Paris en 1900 : Le trottoir roulant de lExposition universelle.

17T.d.M.

Cest lui qui a donn ses lettres de noblesse lOrientalisme. Dinet ne peignait pas seulement pour reproduire une ralit, comme le font les peintres touristes en poussant le folklore pour faire sensation, non, il cherchait vraiment saisir lme et la pense dun peuple. Il cherchait la vrit. Dinet avait dfendu les impressionnistes en exposant avec eux en 1888, il vibrait avec le dynamisme de lpoque, javais une trs grande considration pour lui, et quand on a d partir dAlger, il tait encore install Paris, et cest lide de pouvoir le rencontrer qui me motivait le plus.

Extrait n2

216T.d.M.

Vous citez souvent la tlvision avec beaucoup denthousiasme : nous sommes en 1960, sept ans aprs cette interview la radio et les postes en couleur restent rares, un prix prohibitif ; quant au dessin anim, il est, plus quhier encore, considr comme un divertissement destin aux enfants non comme un art. Vous voyez toujours lavenir de la cinpeinture la tlvision, malgr lvolution commerciale ?

Commerce et Art peuvent cohabiter, condition que les rgles soient clairement dfinies et respectes.

Dabord, les artistes ne devraient pas tre les solliciteurs des industriels du film en couleurs, ils devraient en tre les appels. Ce qui sera quand les firmes productrices de ces films (fabricantes, exploitantes ou distributrices) auront compris limportance des dbouchs offerts par la cinpeinture. Ce sont des industriels, nous sommes bien daccord, mais lArt vritable na rien dantinomique avec lindustrie au contraire, ils sont lis ! Que ces industriels songent toutes les joies que la tlvision en couleur va procurer lhomme, et toutes les possibilits de cration pour les artistes qui utilisent dj la couleur comme le son, cest--dire comme un moyen dexpression sentimental et intellectuel.

Quand au public, quand il aura dcouvert son journal tlvis en couleurs, il refusera les tlvisions duvres dart rduites au noir et blanc. Il faudra, de toute ncessit, en arriver mettre des uvres dart colores. Qui les crera, si ce ne sont les peintres ? Que seront-elles, si ce ne sont des cinpeintures ? Comment les crera-t-on si ce nest industriellement !

On peut donc affirmer quun avenir immense et rentable , puisquil faut dire ce mot souvre la Cinpeinture si se rencontrent peintres et industriels pour comprendre le devenir certain de nos besoins en Art. Et maintenant je vois lavenir en une seule alternative : ou bien la tlvision ne soccupera plus dArt, ou bien la cinpeinture lui sera une ncessit.

Car je pense que la Cin-tl-peinture ralise parfaitement le mariage de lArt avec lIndustrie 1 !

[] De notre ct, nous Peintres, ne pouvons devenir des tlpeintres que si vous, Techniciens, vous voulez bien accorder votre aide notre ducation. Travaillant en quipe avec nous, dans un esprit de dvouement, dsintressement, union, fusion mme, apprenez-nous que vous pouvez dj, en faisant varier lintensit dun courant lectrique, vous permettre dobtenir des variations de couleurs, celles-ci ntant pas loin de couvrir toutes les gammes coloristiques. Si vous, techniciens, vous vous amusez encore des effets colors que vous obtenez sur votre petit cran lorsque vous modifiez a votre gr ces intensits nergtiques ; si dj sur lassemblage mosaqu de vos cellules photolectriques, propres lmission, se forment et se dforment de vritables dessins anims, que nobtiendrions-nous pas, nous spcialistes de la couleur et du dessin , lorsque vous nous livrerez la possibilit de crer de faon artistique et esthtique, avec ce moyen qui nest encore pour vous quun jeu. L o vous laissez faire, peu prs seul, le hasard, nous trouverons une manire nouvelle dexprimer nos sentiments, notre pense, notre volont. []

Henry Valensi, La tlvision, lart et la peinture, cahiers dtudes de la RTF, mars 1958.

1. Henry Valensi, Revue desthtique industrielle, 1951, Un mariage de lart et de lindustrie, palette et camra , cinpeintre.

217T.d.M.

Pour envisager sereinement tout cela, il faut se librer de lemprise des anciennes visions, des prjugs qui dominent toute la pense, cest avant tout une question dducation, cela me parat fondamental. Mais ce quil faut introduire dans les coles, a nest pas la conception ancienne de lArt, mais une attitude qui permette collectivement de faire advenir une nouvelle conception plus en rapport avec lvolution humaine.

En attendant de comprendre de quoi sera faite cette nouvelle conception, pourrions-nous essayer de prciser ce qui est rellement prjudiciable dans cette conception ancienne de lart ?

Mais comment donc ! Je vais vous rpondre avec un passage entier du premier chapitre de mon manuscrit dont je vous rappelle le sous titre : Essai de directives nouvelles pour lArt. Le passage a t rdig dans les annes vingt, cependant je me suis rendu compte que malgr les presque 40 ans qui me sparaient de ces crits, malgr dnormes modifications, lessentiel tait toujours vrai :

Lart reconnu officiellement est toujours organis, comme ctait beaucoup plus visible au dbut de ce sicle, sur le modle de larme : avec grades et hirarchie. Je ninvente rien, dans les salons officiels autrefois, et dans les concours aujourdhui, nous avons :

Mention = Sous-lieutenant3e mdaille = Lieutenant2e mdaille = Capitaine1re mdaille = CommandantMdaille dHonneur = ColonelPrix National = Gnral de brigadeMembre de linstitut = Gnral de division ce caporalisme datant de la Royaut et de lEmpire, la Rpublique naurait dont rien chang !Elle veut bien tolrer seulement les rvolts qui ont fond des salons successifs hors de ce systme

(comme les Indpendants), mais la pure-Indpendance, hlas, na quun temps. De plus, contrairement aux traditions de la Hollande et de la Renaissance, qui eurent simultanment des coles dart sous les directions divergentes de diffrents Matres, notre Rpublique ne possde quune cole Nationale des Beaux-Arts !

Dans cette cole, on fabrique, en srie, des pseudo-artistes. On y touffe leur personnalit, soit dans lapplication de canons dun autre ge, soit dans ltude du cadavre dont on reste les froids plagiaires, sans sapercevoir de la btise qui consiste apprendre sur un mort raidi et horizontal, la morphologie et les attitudes des muscles souples de la vie verticale ; dans ces coles, on se dit avec gloire lve de sans se douter que cela signifie touff par .

Enfin, notre Ecole-Nationale, en laquelle il est de rgle que la formule remplace la pense 1 (car on y substitue Aristote a dit , le patron a dit ), ignore que tout fonctionne mieux si lon apprend raisonner seul par soi-mme en tenant compte de tous les facteurs de faon quivalente, de lindividu comme de lpoque. L Ecole Nationale des Beaux-Arts , nenseigne ni que le Laocoon est plein derreurs de comprhension du mouvement, ni quil existe une chimie des couleurs (cet enseignement est cependant aujourdhui admis), ni quon a dcouvert des lois physiques la perception et mme lmotion, ni moins encore quen son ensemble, lArt ne peut demeurer statique, ou quun support nouveau, le film, soffre la peinture !

1. Charles Lalo, Sentiments esthtiques, page 215.

218T.d.M.

Voici quelques-uns autres mfaits de lArt officiel en dehors de lcole :- Limmobilisme de lacadmie de France, Rome si militairement rglemente peut laisser

ltranger croire au languissement morbide de notre art. Il suffit de senqurir de ce que sont devenus les Anciens Grand prix de Rome des cent dernires annes. Que dirait de nos jours, devant cette liste, Charles Perrault lui qui, dj, au xviie sicle, condamnait cette Ecole comme inutile et mme nuisible !

- La ptition dun groupe dAcadmiciens et de Professeurs lcole des Beaux-Arts, ligus contre lacceptation par ltat du legs Caillebotte. Par bonheur, tous ces Matres ont disparu, et lImpressionnisme est rest.

- Les commandes de cantates, de pomes, de tableaux, que pour anniversaires ou journes-historiques, des Membres de lInstitut se rsignent composer la demande dun Ministre. Leur principale inspiration nest-elle pas davoir sollicit eux-mmes cette commande ?

Henry Valensi, mansucrit LArt et les arts, artistes et artisans, essai de directives nouvelles, p. 37-38.

Immobilisme, privilges, mpris. Combien Czanne avait raison dcrire : les Instituts, les pensions, les honneurs ne peuvent tre faits que pour les crtins, les farceurs ou les drles .

A propos des commandes officielles, il suffirait dune loi qui oblige le gouvernement renouveler les artistes chaque anne, chaque ncessit, pour que tous, la ville, les artistes et le public soient gagnants , je veux dire heureux.

Limmobilisme est secrt par le systme tout entier. Pour un invidu isol, il est difficile de sopposer cela, cest pourquoi je parle souvent de collaboration, cest pourquoi aussi ces dernires annes je suis all systmatiquement chercher les groupements dartistes, surtout aprs le dpart dYvonne en 1954.

Yvonne a t la plus prcieuse des collaboratrices, toute lnergie que jai mise aprs la guerre pour dfendre lart abstrait, peindre, enseigner, chercher, filmer, crire mon Histoire de lArt, tout cela cest Yvonne que je le dois. Elle tait mon inspiration quotidienne, elle tait trs investie dans le combat pour LArt, nous discutions souvent et, avec beaucoup d propos, elle maidait mettre en forme mes arguments, et cela me permettait dcrire dans un vritable esprit douverture et de transmission.

Quand elle sest teinte en 1954, jai cru que tout tait fini pour moi. Mais elle a continu minspirer, me protger et maider, dune autre faon.

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HENRY VALENSI L'HEURE EST VENUEHD.pdf_B00020281_B0002028f_B00020291_B00020293_B00020297_B000b03de_B000b03df_B000b03e0_B000b03e6_B000b03ef_B000b03f0_B000b03f1_B000b03f2_B000b03f5_B000b03fb_B000b03fc_B000b03fd_B000b03ff_B000b0401_B000b0403_B000b0468_B000b0b58_B000b0afc_B000b0afe_B000b0b27_B000b0b28_B000b0b41_B000b0b45_B000b0b47_B000b0b4c_B000b0b9d_B000b0bdf_B000b0be0_B000b0be1_B000b0be5_B000b0be9_B000b0bf8_B000b0bfa_B000b0c03_B000b0c11_B0002008a_B0002008b_B00020096_B000200d3_B00020145_B0002015b_B0004010c_B0002018d_B00020192_B000201b1_B000201c4_B000201cc_B000201cd_B000201ce_B000201cf_B000201d1_B000201da_B000201dd_B000201de_B000201e4_B000201ea_B000201ed_B000201ee_B000201f9_B00020200_B00020207_B00020208_B0002020c_B0002021e_B00020221_B000400a3_B000400c7_B000400cb_B000400de_B000401c3_B00060011_B0006000a_B00060018_B00060049_B0006004b_B0006004c_B0006004d_B00060019_B0006001c_B00060070_B00060078_B0006007b_B0006009f_B000600ee_B00060108_B00060118_B00060065_B000b0107_B000b0108_B000b0109_B000b0126_B000b01be_B000b01ce_B000b029f_B000b02a0_B000b02bc_B000b02de_B000b02ef_B000b0356_B000b03c1_B000b04bf_B000b0506_B000b052d_B000b0541_B000b054e_B000b054f_B000b0550_B000b0551_B000b0556_B000b0557_B000b0558_B000b0559_B000b055a_B000b055b_B000b055c_B000b055d_B000b055e_B000b055f_B000b056a_B000b056b_B000b06b9_B000b06bb_B000b06bc_B000b06bd_B000b06be_B000b06c2_B000b06c3_B000b06c4_B000b06c5_B000b06c7_B000b06c8_B000b06c9_B000b06cb_B000b06cf_B000b06d3_B000b06d4_B000b06d5_B000b06d6_B000b06d8_B000b06d9_B000b06dc_B000b06dd_B000b06de_B000b06df_B000b06e0_B000b06e1_B000b06e4_B000b06e5_B000b06e6_B000b06e7_B000b06e8_B000b06e9_B000b06f4_B000b06f5_B000b06f6_B000b06f8_B000b06fe_B000b06ff_B000b0700_B000b0701_B000b0702_B000b0703_B000b0704_B000b0705_B000b0707_B000b0708_B000b0709_B000b05c5_B000b05c6_B000b05c7_B000b05f7_B00020080_B0006008f_B00070e5f_B00070e60_B00070e61_B00070e62_B00070e63_B00070e64_B00070e65_B00070e66_B00070e67_B00070e68_B00070e69_B00070e6a_B00070e6b_B00070e6c_B00070e6d_B00070e6e_B00070e5a_B00070e5b_B00070e5c_B00070d59_B00070d5a_B00070d5b_B00070d5c_B00070d5d_B00070d5e_B00070d74

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HENRY VALENSI L'HEURE EST VENUE-0o.pdf_B00020281_B0002028f_B00020291_B00020293_B00020297_B000b03de_B000b03df_B000b03e0_B000b03e6_B000b03ef_B000b03f0_B000b03f1_B000b03f2_B000b03f5_B000b03fb_B000b03fc_B000b03fd_B000b03ff_B000b0401_B000b0403_B000b0468_B000b0b58_B000b0afc_B000b0afe_B000b0b27_B000b0b28_B000b0b41_B000b0b45_B000b0b47_B000b0b4c_B000b0b9d_B000b0bdf_B000b0be0_B000b0be1_B000b0be5_B000b0be9_B000b0bf8_B000b0bfa_B000b0c03_B000b0c11_B0002008a_B0002008b_B00020096_B000200d3_B00020145_B0002015b_B0004010c_B0002018d_B00020192_B000201b1_B000201c4_B000201cc_B000201cd_B000201ce_B000201cf_B000201d1_B000201da_B000201dd_B000201de_B000201e4_B000201ea_B000201ed_B000201ee_B000201f9_B00020200_B00020207_B00020208_B0002020c_B0002021e_B00020221_B000400a3_B000400c7_B000400cb_B000400de_B000401c3_B00060011_B0006000a_B00060018_B00060049_B0006004b_B0006004c_B0006004d_B00060019_B0006001c_B00060070_B00060078_B0006007b_B0006009f_B000600ee_B00060108_B00060118_B00060065_B000b0107_B000b0108_B000b0109_B000b0126_B000b01be_B000b01ce_B000b029f_B000b02a0_B000b02bc_B000b02de_B000b02ef_B000b0356_B000b03c1_B000b04bf_B000b0506_B000b052d_B000b0541_B000b054e_B000b054f_B000b0550_B000b0551_B000b0556_B000b0557_B000b0558_B000b0559_B000b055a_B000b055b_B000b055c_B000b055d_B000b055e_B000b055f_B000b056a_B000b056b_B000b06b9_B000b06bb_B000b06bc_B000b06bd_B000b06be_B000b06c2_B000b06c3_B000b06c4_B000b06c5_B000b06c7_B000b06c8_B000b06c9_B000b06cb_B000b06cf_B000b06d3_B000b06d4_B000b06d5_B000b06d6_B000b06d8_B000b06d9_B000b06dc_B000b06dd_B000b06de_B000b06df_B000b06e0_B000b06e1_B000b06e4_B000b06e5_B000b06e6_B000b06e7_B000b06e8_B000b06e9_B000b06f4_B000b06f5_B000b06f6_B000b06f8_B000b06fe_B000b06ff_B000b0700_B000b0701_B000b0702_B000b0703_B000b0704_B000b0705_B000b0707_B000b0708_B000b0709_B000b05c5_B000b05c6_B000b05c7_B000b05f7_B00020080_B0006008f_B00070e5f_B00070e60_B00070e61_B00070e62_B00070e63_B00070e64_B00070e65_B00070e66_B00070e67_B00070e68_B00070e69_B00070e6a_B00070e6b_B00070e6c_B00070e6d_B00070e6e_B00070e5a_B00070e5b_B00070e5c_B00070d59_B00070d5a_B00070d5b_B00070d5c_B00070d5d_B00070d5e_B00070d74

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