Extraits des oeuvres grecques d'Abu Qurrah

8/14/2019 Extraits des oeuvres grecques d'Abu Qurrah

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Prambule

En 1691, l'abb Fleury publiait, dans son Histoire

Ecclsiastique quelques extraits de celui que l'on appelait alors(selon la forme de son nom conserve dans les manuscrits

grecs de ses oeuvres) Thodore Aboucara.

Cet auteur bien oubli mritait bien cette attention. Si ses

polmiques avec les Nestoriens ou les Jacobites semblaient

bien lointaines, ses controverse avec les "sarrasins" ne

manquaient pas d'exciter la curiosit.

Ce sont donc quatre extraits,sur Mahomet, sur la vraie Foi, sur

la polygamie et sur l'Eucharistie, que Fleury a donn ses

lecteurs.

Ce sont ces mmes extraits que je vous propose.

L'criture en a t, lorsque ncessaire, lgrement modernise,

et la prsentation claircie.

J'ai utilis le texte de l'dition de 1742, pages 281-282.

La calligraphie place en illustration reprend les premiers mots

de la clbre homlie de St Grgoire le Thologien* pour la

Nativit du Sauveur :

"Le Christ nat, glorifiez-le !"

* St Grgoire de Nazianze, homlie 38


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Il nous reste de lui quelque crits sous le nom de Thodore

Aboucara, c'est- -dire en Arabe, pre de Carie : ce sont la

plupart des dialogues de controverse avec des infidles et des

hrtiques, particulirement des Nestoriens et des Eutychiens.Ce qui m'y parais de plus singulier, sont les disputes avec les

Musulmans dont voici des exemples.

I

C'est, dit-il, la coutume des Sarrasins, s'ils rencontrent un

Chrtien, de ne le point saluer, mais de lui dire aussitt :

"Chrtien, rends tmoignage qu'il n'y qu'un Dieu sans gal, et

que Mahomet est son serviteur et son envoy". Un d'eux ayant

donc fait cette proposition Aboucara, il rpondit: "N'tes vous

pas content de porter faux tmoignage, sans y exciter les

autres?".

Le Musulman rpondit: "Je ne suis point faux tmoin".

"Ne dites donc point, reprit Aboucara, que Dieu a envoy

Mahomet".

Le Musulman reprit : "Je rends le mme tmoignage qu'a rendumon pre".

"De cette manire, dit Aboucara, les Samaritains, les Juifs, les

Scythes, les chrtiens, les paens seront tous dans la bonne

crance. Car il suivent tous la tradition de leurs pres."

"Ne la suivez-vous pas aussi ?" dit le Musulman.

"Il est vrai, dit le Chrtien, mais mon pre m'a enseign de

reconnatre un envoy de Dieu, qui a t prdit auparavant, et

s'est rendu digne de foi par des miracles. Votre Mahomet n'a nil'un ni l'autre."

"Mais dit le Musulman, Jsus Christ a dit dans l'vangile : Je

vous envoie un prophte nomm Mahomet."

Le Chrtien rpond: "L'vangile n'en fait point mention."

"Il y tait, dit le Musulman, mais vous l'avez effac."

Le Chrtien rpond : "Celui qui demande en justice une dette,

sans en avoir en main la promesse, qu'obtiendra-t-il du juge ?"


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"Rien, dit le Musulman ; mais quand je n'aurais point de

preuves par l'vangile, je montre que notre prophte est digne

de foi par ses miracles."

"Et quel miracle a-t-il fait ?"L-dessus, le Musulman se jeta sur les sables et fut enfin

rduit se taire .

II

Un des plus savants Musulmans tant entr en confrence avec

Thodore, celui-ci lui demanda : "De trois fortes d'hommes que

l'on peut distinguer, sages, idiots, et mdiocrement

raisonnables, y en a-t-il quelque espce qui puisse recevoir un

Dieu crucifi ?"

"Non" .

"Les Chrtiens ne font donc pas des hommes selon vous ;

toutefois ils font bien au moins la quatrime partie du genre

humain".

"Mais comment dites-vous que ces trois genres d'hommes ont

reu un Dieu crucifi ?" "Supposez, dit le Chrtien, que voustes dix chefs d'autant de nations idoltres, Grecs, Romains,

Francs, et ainsi du reste, et qu'il vient tout d'un coup un

tranger pauvre et mal fait, qui vous dit avec une grande

hardiesse : Pourquoi vous garez-vous, en prfrant l'impit

la vraie religion ? Et quelle est, direz-vous, cette vraie

religion ? C'est, dit-il, d'adorer un Dieu crucifi. A ces mots

grinant les dents, vous vous jetez sur lui pour le tuer ; et vous

ne pouvez. Vous recommencez l'interroger et lui dites: Disnous clairement cette doctrine si trange. Il reprend ainsi : Dieu

est descendu du Ciel, s'est incarn au sein d'une femme et s'est

fait homme, il a t nourri comme un enfant : tant poursuivi

par ses ennemis, il a fuit en Egypte ; son retour il est pris, on

lui donne des soufflets, on crache sur lui, on le couronne

d'pines, on le met en croix, il expire, on l'ensevelit : le

troisime jour il ressuscite, pour montrer qu'il n'avait pas


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tromp ses disciples dans les grandes choses qu'il avait dites.

Aprs l'avoir entendu parler, vous direz : Mon ami, il n'y a pas

un plus grand fou que toi. Mais encore celui qui a tant souffert,

qu'a-t-il ordonn ceux qui croiraient en lui ? Il rpond: Demener une vie dure, de s'abstenir du plaisir, de renoncer la

pluralit des femmes : si on nous frappe sur une joue, prsenter

l'autre : si on nous te le manteau, donner encore la tunique,

aimer nos ennemis, bnir ceux qui nous maudissent, et prier

pour eux . Vous demandez: Quelle rcompense promet-il ? Il

rpond : Rien en ce monde, mais quand vous ferez ressuscits

au dernier jour, vous jouirez d'une abondance infinie des biens

ternels. Vous rpondez : Mon ami, la faiblesse de celui que tu

prches est vidente, aussi-bien que la difficult d'observer ses

prceptes : mais la rcompense est bien loigne et bien

douteuse : qui voudra embrasser cette religion ? Il rpond:

Dites moi, la crature obit- elle un autre qu'au Crateur ?

Non. Amenez- moi en aveugle. Je te dis, au nom de Jsus

Christ Nazaren, n de Marie Bethlehem, pris par les Juifs,

crucifi, enseveli, ressuscit, ouvre les yeux. Aussitt l'aveuglerecouvre la vue ; et par la mme invocation, il gurit des

lpreux, et fait toutes fortes de miracles. Tous ceux qui le

voient, sages, idiots et entre deux, reconnaissent clairement,

que le Nazaren est Dieu et fils de Dieu, et qu'il a souffert tout

cela volontairement, pour une cause qui nous est cache. C'est

ainsi que Thodore prouvait la religion par les bassesses

apparentes de Jsus Christ montrant en cette parabole, la

manire dont elle s'est effectivement tablie.

III

a)

Une autre fois un Musulman lui dit : Evque, pourquoi croyez-

vous plus permis d'avoir une femme, que d'en avoir plusieurs ?

Ce qui est mauvais en gnral, est aussi mauvais en ses parties.

Thodore rpondit : Cette partie n'est pas comprise sous le


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gnral, comme un tel homme sous la nature humaine : mais

oppose, comme le modr l'excessif, le juste l'injuste.

- Montrez-le moi, non par Isae ou Matthieu qui je ne crois

pas, mais par des consquences ncessaires de principesaccords.

- Comme il vous plaira. On se marie ou pour le plaisir, ou pour

avoir des enfants. Depuis Adam jusqu' prsent connaissez-

vous quelqu'un qui Dieu ait donn plus de dlices qu' lui ?

- Non .

- Et combien forma t-il pour lui de femmes ?

- Une seule.

- Donc le plaisir que donne une femme est plus parfait, que

celui qu'en donnent plusieurs. La consquence est bonne : mais

il semble qu'on doit avoir plus d'enfants de plusieurs femmes.

Thodore : Y a-t-il eu un temps o la multitude des enfants ft

plus ncessaire qu'en celui l ?

- Non.

- C'est donc contre l'ordre de Dieu et par l'amour de la chair,

que l'on a permis la polygamie, aprs la multiplication du genrehumain : puisque dans le temps o les hommes taient si rares,

le Crateur a ordonn de se contenter d'une femme.

b)

Le Musulman demanda une autre preuves et l'vque dit :

Supposons deux esclaves d'un mme matre, qui les envoie

voyager ensemble. Il permet l'un de s'habiller autant qu'ilvoudra, et dfend l'autre de mettre plus d'une tunique, la

charge que celui des deux qui aura froid, recevra quatre-vingts

coups de fouet. Ce matre vous parait-il juste, principalement si

c'est au plus faible qu'il dfend de porter plus d'une tunique ?

Le Musulman rpondit: Il est injuste.

Et l'vque reprit : Vous accusez donc Dieu d'injustice, en

disant, qu'il a ordonn la femme, qui est plus fragile, de se

contenter du quart d'un homme et permis l'homme, qui est


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plus fort, d'avoir quatre femmes, sans les troupes de

concubines, sous peine de quatre-vingts coups de fouet pour

chaque faute.

L'vque avait raison d'employer la comparaison des habits carc'est celle dont Mahomet se sert lui-mme, disant souvent dans

l'Alcoran: "Vos femmes vous font ncessaires, comme vos

vtements".

c)

Autre preuve.

- Dieu aime-t-il la paix ou la guerre ?

- La paix.

- Croyez-vous qu'un homme qui a plusieurs femmes soit plus

en paix, que s'il n'en avait qu'une ? Peuvent-elles jamais s'aimer

entre elles ?

- Non.

- N'emploient-elles pas souvent le poison contre leur mari et

contre leurs rivales ? Et ne causent-elles pas des inimitis

irrconciliables entre leurs familles ? Au lieu que le mariage dedeux personnes runit les parents de l'un et de l'autre. Donc la

monogamie est plus honnte et plus lgitime que la polygamie.

IV

Une autre fois un Musulman lui dit : Pourquoi vous moquez-

vous des chrtiens, vous autres prtres ? De la mme farine

vous faites deux pains, vous en laissez un pour la nourriture

ordinaire, vous distribuez l'autre au peuple en petits morceaux,que vous nommez le corps de Jsus-Christ, et vous assurez

qu'il peut donner la rmission des pchs. Vous trompez- vous

vous-mmes, ou trompez-vous les autres?

- Ni l'un ni l'autre.

- Montrez-le moi, non par vos critures, mais par des raisons de

sens commun.

L'vque reprit : Votre mre vous a-t-elle mis au monde aussi


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