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Francine Tissot Remarques iconographiques à propos d'une tête de roi barbare du Gandhāra In: Arts asiatiques. Tome 32, 1976. pp. 71-90. Citer ce document / Cite this document : Tissot Francine. Remarques iconographiques à propos d'une tête de roi barbare du Gandhāra. In: Arts asiatiques. Tome 32, 1976. pp. 71-90. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arasi_0004-3958_1976_num_32_1_1096

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A fragment of a Gandharan sculpture showing tha head of a male figure wearing a falcon-shaped cap.

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Francine Tissot

Remarques iconographiques à propos d'une tête de roi barbaredu GandhāraIn: Arts asiatiques. Tome 32, 1976. pp. 71-90.

Citer ce document / Cite this document :

Tissot Francine. Remarques iconographiques à propos d'une tête de roi barbare du Gandhāra. In: Arts asiatiques. Tome 32,1976. pp. 71-90.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arasi_0004-3958_1976_num_32_1_1096

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REMARQUES ICONOGRAPHIQUES

A PROPOS D'UNE TÊTE DE ROI RARBARE

DU GANDHÂRA

par Francine TISSOT

II nous a été présenté, au mois d'octobre 1972, un objet d'apparence gandhâ- rienne, dont nous avons, de prime abord, suspecté l'authenticité, tant pour les nombreuses restaurations de son visage, que pour l'insolite coiffure qui le surmontait.

Une étude, commencée au Laboratoire du Louvre et qui devrait être le début d'une longue enquête sur les schistes gandhâriens, nous a amenée à réviser notre opinion, car le matériau dans lequel l'objet a été sculpté est bien semblable à ceux de deux autres objets, assurément gandhâriens, et appartenant aux collections du Musée Guimet, qui ont été étudiés en même temps que lui. On peut donc admettre que cet objet est un des premiers exemples qui nous soient parvenus, d'une série de « portraits » en costume barbare ; que son aspect étrange, et en particulier la coiffure à l'oiseau qui surmonte son visage massacré, parfaite symbiose de l'homme et de son animal protecteur, est une énigme dont nous avons cherché la clé, tant en Iran et en Asie centrale qu'en Inde.

Les remarques faites au cours de cette quête sont consignées ici, dans l'espoir qu'un spécialiste de ces questions pourra nous donner des renseignements complémentaires ou différents, ou bien encore contester nos conclusions.

L'étude, faite au Laboratoire des Musées de France (Louvre), est présentée d'autre part (voir Appendice), mais on peut déjà, à l'œil nu, constater combien les restaurations du visage ont modifié l'aspect initial du personnage et sa morphologie.

La main d'un restaurateur averti se reconnaît au fait qu'il a cherché à « helléniser » la tête en modifiant la racine du nez et probablement le nez lui-même, retaillé (?) dans un morceau du même matériau, ou retrouvé sur place et recollé (?) comme a été recollée la tête de l'oiseau, au-dessus du front.

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Nous avons donc perdu à jamais le vrai visage de ce roi, dont nous ne pourrons identifier la race. Il nous faut faire simplement le bilan des constatations et des observations matérielles puis nous ferons appel aux textes et aux comparaisons avec d'autres pièces.

1. Élude de la pièce (1).

La pièce étudiée est une tête seigneuriale ou royale, cassée au-dessus du cou (dont il reste fort peu de chose) (Fig. 1). C'est un très haut-relief ou pseudo-ronde- bosse, arraché à une scène figurée d'une taille assez imposante (2) sans être rare au Gandhâra. La tête devait se trouver sous le cadre ou sous un autre personnage, peut-être vu à mi-corps : on distingue en effet, sur le dessus de la coiffure, la partie restée brute, par suite de l'impossibilité matérielle d'y intervenir avec un ciseau de sculpteur. Sur la partie arrière, on voit les traces de l'outil du fouilleur, probablement clandestin, qui a détaché la tête de son ensemble (Fig. 5). On voit des traces analogues et pratiquement de même largeur qu'ici, sur beaucoup de pièces du Gandhâra (3).

Si l'on regarde l'homme de face (Fig. 2), subsistent l'œil gauche à peu près complet, et l'angle intérieur de l'œil droit. Les deux yeux sont à demi-fermés, comme on a coutume de représenter, au Gandhâra, le Buddha ou une divinité, alors que les quelques « portraits » laïques, que nous pouvons cataloguer comme tels, ont les yeux grands ouverts, et les pupilles bien marquées.

Si l'on regarde le visage du côté droit (Fig. 3), on voit l'oreille et la trace de son pendant d'oreille, les cheveux longs, à peine ondulés et rejetés en arrière sous un couvre-nuque (4). Un favori (5), soigneusement peigné, est bien délimité sur la joue

(1) Abréviations : AGBG. L'Art Gréco-bouddhique du Gandhâra, par Alfred Foucher, Paris, Ernest Leroux, 1905, 1918, 1922. DAK. Dynastie Arts of the Kushans, par John M. Rosenfield, 1967, Berkeley and Los Angeles, California

USA. University of California Press. JASB. Journal of the Asiatic Society of Bengal.

(2) La tête mesure 0,16 m de hauteur, 0,09 m de largeur et elJe est épaisse de 0,09 m. D'après Alfred Foucher [A GB G I, p. 81 ), on peut faire un calcul hypothétique qui permet d'attribuer cette tête à un personnage d'environ 0,50 m de hauteur, dans une scène qui pourrait couvrir une surface de 0,70 m sur 0,95 m et qui serait l'une des huit scènes décorant la base circulaire d'un stupa votif. La circonférence de ce slùpa serait de 9,20 m, soit un diamètre d'environ 3 m et une hauteur totale d'environ 6 m. Ces dimensions qui sont basées sur des analogies courantes, replacent la pièce dans un contexte bouddhique habituel. La pièce était partie d'une scène ornant le siùpa central d'un monastère de moyenne importance.

(3) Ces traces pourraient être aussi celles de l'outil de l'ouvrier qui a extrait la plaque de schiste de la carrière à l'époque ancienne. Les outils en question n'ont pas encore été retrouvés et le problème n'est pas élucidé. Il pourrait faire l'objet d'une recherche particulière.

(4) Une pièce du Musée de Lahore (Pakistan occidental) n° 105, reproduite dans DAK, fig. 77, montre un donateur kusâna portant un couvre-nuque souple, sous un grand bonnet orné de cabochons (flg. 16).

(5) Le favori (skr. gallamukhija de skr. galla : la joue et mukhya : la moustache; en anglais : side-burns ou side-wiskers) est cité dans J. Prinsep, 1834, JASB III, p. 313 et PL XXI, qui décrit une monnaie du roi Huviska, porteur de cet ornement pileux (flg. 17). Notons aussi qu'un des princes de Khaltchayan porte des favoris. Cf. G. Pougatchenkova 1971, Khaltchayan, n° 70, flg. 65 (fig. 18).

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par une courbe un peu sèche. La partie où aurait pu se trouver la barbe est ravagée. Le cou, ou plutôt ce qu'il en reste, paraît nu.

Si l'on regarde le visage du côté gauche (Fig. 4), on retrouve les mêmes éléments, mais le pendant d'oreille, mieux conservé, paraît constitué de deux (ou trois) grosses perles, ou boules de métal précieux, enfilées les unes au-dessus des autres.

Nous avons déjà évoqué les possibilités de transformations « modernes » du nez. La bouche et sa grosse moustache « à la gauloise », bien tombante sur les grosses lèvres proéminentes, ne cadre pas avec le fin nez « grec », qui n'est pas dans l'axe de la lèvre supérieure. Un visage qui se casse en tombant perd son nez ! Un visage cassé par un coup, par la chute d'une pierre, et qui perd une grande partie de son front et de sa pommette droite, perd son nez ! Nous devons donc admettre l'intervention globale du restaurateur pour le front, le nez, la joue droite et le menton. Mais nous reconnaîtrons dans la bouche et sa moustache une partie de l'œuvre originale (1).

La coiffure de notre personnage n'a pas subi trop d'outrages et les restaurations sont discrètes. Elle se compose de quatre éléments :

1. Un bonnet couvre-nuque, souple, probablement en tissu ou en fourrure : les rayures qui le recouvrent sont en effet interrompues et alternées, comme pour montrer qu'il s'agit bien des poils courts et frisés d'une toison animale.

2. Un fin diadème d'orfèvrerie, simple bande de métal (?) bordée de grènetis de part et d'autre, et ornée de cercles accolés qui peuvent être interprétés comme : un motif au repoussé, ou bien : une série de cabochons très plats (pâte de verre ou pierres précieuses) incrustés dans le métal. Ce décor va rapetissant vers l'avant, peut-être dans un certain souci de l'optique. Sans doute fixés sur ce diadème, on voit trois croissants très abîmés : un grand au centre et un petit de chaque côté (2).

3. A l'arrière gauche de la pièce, on voit un petit élément qui pourrait être un nœud, et son pan de ruban plat, légèrement ondulé et tombant vers le bas (3).

4. Le casque, en forme de protome d'oiseau recouvre le bonnet couvre-nuque : c'est la partie antérieure et la tête d'un aigle ou d'un grand rapace (milan, épervier)

(1) Les exemples de grosses moustaches sont fort nombreux : nous citerons : statue de Pâficika-Kubera, prov. Takhal, Gandhâra, Musée de Lahore, n° 3, in DAK, fig. 62 (fig. 19) et tête d'homme, portrait, autrefois coll. Haughton, actuellement au Fogg Art Museum, Boston, Mass. USA. in DAK, fig. 71.

(2) Ces croissants simples, qu'il ne faut pas confondre avec les croissants emboulés ou les « trisùla » des monnaies des rois ephtalites, se trouvent sur certaines monnaies des rois kusâna Kaniska et Huviska. [DAK. PI. III, n° 46) et aussi certaines statues : Le donateur kusâna cité en note (4) p. 72, a un croissant sur son bonnet ; la grande donatrice royale du Musée de Pêshawar, prov. Sahri-balhol, n° 1427, a un croissant sur chaque côté de son diadème [DAK. fig. 64). Par contre le croissant ephtalite se voit très clairement sur un sceau de provenance inconnue (cf. A. D. H. Bivar, 1968, Sasanian seals in the British Museum, III, vol. VI, PI. XXVII, 6) (fig. 20).

(3) Cet élément ressemble de très près à l'élément qu'on voit sur les monnaies des rois kusâna déjà cités. On peut admettre que les croissants et l'élément « tombant » sont à l'origine des multiples croissants et des rubans flottants que l'on retrouve plus tard sur les couronnes des rois sassanides.

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dont le bec se recourbe vers le front du roi, dont les grandes plumes du cou recouvrent le crâne du roi. La tête de l'oiseau est à peine stylisée, plutôt simplifiée. Les plumes sont figurées largement d'abord, et d'une manière réaliste, en langues ondulées, puis elles se stylisent en losanges alternés et imbriqués les uns dans les autres, qui s'achèvent dans le diadème.

Tout l'art du sculpteur gandhârien a été de fondre et même de confondre les formes naturalistes du crâne de l'homme et de l'avant-corps de l'oiseau en une parfaite symbiose, qui devient par là-même un symbole parfait de la protection accordée par une divinité, représentée par l'oiseau-roi, à un roi de la terre, en relation avec le bouddhisme à l'époque gandhârienne.

2. Recherches des documents comparatifs. Nous avons trouvé un premier oiseau-symbole au revers d'une monnaie du roi

kusâna Kaniska (Fig. 6). Ce revers montre « un dieu guerrier en costume royal, marchant vers la droite, la main droite appuyée sur sa lance, la main gauche sur la garde de son épée. Le casque a pour cimier un oiseau » (1). Ce dieu, c'est Orlagno, la divinité zoroastrienne, connue aussi sous le nom de Verethraghna, assimilé à Héraclès, dieu des rois vainqueurs, et qui est célébré dans le quatorzième Yast (Yast de Bahrâm), où l'on signale qu'il peut apparaître sous dix formes différentes, la septième étant l'oiseau Vârâgn (2). E. Benveniste et L. Renou, dans leur étude sur ce dieu, signalent en effet que « Vrthragna possédait le pouvoir d'apparaître sous l'aspect de son choix ... le faucon » (3).

Nous avons plusieurs exemples de représentations d'oiseaux entiers dans les coiffures de rois d'origine iranienne, sans doute placés sous la protection de dieux de la victoire très proches de Vrthragna : ainsi la belle statue du roi Sanatruq de Hatra, coiffé d'un oiseau aux ailes éployées ; ainsi la stèle de Hatra où le dieu Nergal est coiffé de même ; ainsi la fresque dite des trois dieux de Kuh-i-Khwaja où le troisième dieu semble porter deux ailes sur son casque (4). Ces exemples sont du Ier siècle ap. J.-C.

Voici quelques exemples trouvés au Chorezm : Une tête d'homme en bas relief trouvée à Qoy-Qrylgan-Qala : il est coiffé d'un cou et d'une tête d'oiseau énorme et date de l'époque Kangu (ive, ne siècles av. J.-C). L'étrangeté de cette représentation pourrait aiguiller nos recherches, si cela était possible, vers les mythologies très anciennes des premiers Saces, vers les croyances des Chamans peut-être ?

(1) Reproduction de la monnaie d'or du roi des rois, Kaniska le kusana, verso : Orlagno. (Cf. AGBG, II, p. 399, PI. V, 5-6).

(2) Cf. DAK, p. 95, et sqq. (3) E. Benveniste et L. Renou, 1934, « Vrtra et Vrthragna », in Cahiers de la Société asiatique, III, p. 182

et sqq. (4) Cf. R. Ghirshman, 1962, Parthes et Sassanides, fig. 105, flg. 98, et fig. 57.

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Toujours au Ghorezm, un peu plus tard, au 111e siècle de notre ère, nous trouvons des exemples très proches de notre représentation royale à Toprak-Kala, capitale de la dynastie chorasmienne des Siyavouches-Afriguides, alors à son zénith : ainsi, la monnaie d'un roi, Wazamar, dont la coiffure est, en tous points, semblable à celle de notre roi (Fig. 7) ; même couvre-nuque, mêmes « rubans tombants », et surtout même casque à l'oiseau, en forme de protome et non d'oiseau entier.

A Toprak-Kala — , dans la Salle des Guerriers noirs, on distingue sur un décor mural peint, un casque surmonté d'une tête d'oiseau, si abîmé, hélas ! qu'on ne peut juger de l'ensemble et de l'apparence du personnage ainsi coiffé.

Toujours à Toprak-Kala, un autre exemple, détruit — en partie : la statue grandeur nature en argile, d'un prince de la maison royale ou, peut-être, du roi Wazamar lui-même, coiffé d'un aigle blanc, dont Tolstov nous donne le croquis coté très révélateur (Fig. 8) (1).

Si nous nous tournons maintenant vers l'Inde ancienne et le Gandhâra, Alfred Foucher va nous dire peut-être si l'oiseau-symbole existe dans l'iconographie bouddhique, et si on le représente. Nous avons une première approche du sujet dans le chapitre de Y Art Gréco-bouddhique où Foucher décrit les Yaksa, compagnons de Kuvera- Vaisravana, roi-gardien des espaces du Nord, et soldats du général (senapati) Pàfïcika, généralement considéré comme le dieu des richesses (2).

A propos de ces deux personnages il y a eu souvent confusion et Foucher le note : il y a possibilité et probablement réalité de deux représentations différentes qui ont rarement été notées. D'une part, Pâncika, chef de horde, sous l'aspect d'un seigneur « indo-scythe » dont il porte le costume occidental, accompagné de son épouse Hârîtï, à la fois ogresse et donneuse d'enfants (3). D'autre part, Kuvera, qui, en principe, devrait être légèrement différent de son général.

De hautes autorités disent qu'il n'y a pas de textes iconographiques anciens qui décrivent les Yaksa et Kuvera, et font mention de leurs attributs (4). Mais il existe des représentations anciennes de ce roi-gardien : M. Rosenfîeld le voit sur un pilier de vedikâ de Mathurâ-kusâna (5), et sur un relief gandhârien représentant l'offrande des quatre bols au Buddha par les quatre rois de l'Espace, après l'Illumi-

(1) Cf. S. P. Tolstov ,1958, Travaux archéologiques et ethnographiques del' Expédition du Khorezm, 1949-19 53. HAYK CCCP, Moscou. Fig. 71 pour le casque de Qoy-Qrylgan-Qala. Fig. 100 pour la peinture murale de Toprak- Kala. et S. P. Tolstov, 1948, Sur les traces de la civilisation ancienne du Khorezm, Moscou. Fig. 60, pour le casque à l'aigle en argile, et fig. 60 a pour la monnaie du roi Wazamar.

(2) AGBG II, p. 40, p. 114, p. 124. (3) AGBG II, fig. 385 cL 389. (4) J. N. Banerjea, 1956, The development of Hindu Iconography, p. 339 : «But there is no dearth of

texts describing the iconic type or types of the chief of the Yaksas ...» et p. 340 : « In comparing theory with the actual practice of the ancient Indian iconographers, we should bear in mind that though Yaksa types of the Maurya-Sunga period are known, there is no corresponding iconographie texts of this period ...»

(5) DAK. Fig. 27.

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nation (Fig. 9) (1). C'est dans cet épisode particulier que nous trouvons avec certitude et sans équivoque le personnage de Kuvera dans les reliefs gandhâriens, et, en effet, on le remarque sur un autre relief de la même scène au Musée de Peshawar (2) (Fig. 10). Enfin, il existe une tête assez joufflue et moustachue au Musée de Berlin dont la coiffure paraît particulière (3) (Fig. 11).

Or la particularité de toutes ces pièces est que Kuvera est coiffé, et il faudrait naturellement vérifier sur place et chercher d'autres exemples, que Kuvera est bien coiffé d'une coiffure comportant un oiseau. Nous aurions donc des représentations très anciennes de Kuvera-Vaisravana, en costume occidental ou kusâna, avec une coiffure à l'oiseau, comme on le trouve, beaucoup plus tard, en Asie centrale (4) et comme Hiuan-tsang le décrit (5) dans la plaisante légende du couvent des otages chinois au Kâpisa.

Cette particularité aurait facilité, à l'époque des grands kusâna, le syncrétisme Orlagno-Vrthragna-Kuvera-Vaisravana, tous ces dieux ayant un attribut symbolique semblable.

Et nous noterons ici, pour mémoire, une représentation sur une des fresques d'Ajantâ, caverne 9 (6) : un roi nâga, coiffé des têtes de cobras, est opposé à un autre roi coiffé d'un protome d'oiseau (Fig. 12). On pense à première vue à la confrontation Nàga-Garuda. Ne pourrait-il s'agir ici de Virûpâksa, roi des Nâga et des Espaces de l'Ouest, opposé à Vaisravana, roi des Yaksa et des Espaces du Nord ? et cette représentation daterait alors du ier siècle av. J.-C...

Nous avons aussi cherché dans le Corpus des monnaies sassanides, dont certaines présentent aussi des personnages coiffés d'un protome d'oiseau : II y a l'unique monnaie de Shâpur I, alors qu'il était prince héritier et gouverneur du Séistan (British Museum, Londres) (Fig. 13). Il y a aussi la fameuse monnaie de Bahrâm II, avec son épouse et son fils : ce petit prince qui ne régna qu'un mois et fut assassiné par son oncle et successeur Narseh, est ici prince héritier et porte le casque au protome

(1) Détail dans DAK, fig. 83 et relief complet dans fngholt and Lyons, 1957, Gandharan Arl in Pakistan, PI. XX, 1.

(2) « L'offrande des quatre bols » : Art du Gandhâra, Musée de Pêshawar, Pakistan. (3) AGE G II, fig. 397. (4) Grûnwedel, 1920, Alt-Kuischa, PL Xl-XII, n° 1 : un bodhisattva de la grotte du paon à Qxzyl, avec

deux ailes dans sa coiffure, qui serait Vaisravana. Chavannes, 1909, Mission en Chine, PL GCXXTT et n° 353 : on distingue mal un oiseau sur la tête d'un roi terrible qui correspondrait au personnage de Vaisravana. Seiicbi Mizuno, 1951-56, The Buddhist Cave-temples of the fifth century in North-China, Yun-Kang, vol. VI, PL 60 : un oiseau debout sur le casque d'un Dvârapâla, etc.

(5) Samuel Beal, Suh-ki-li-lih-kiu, traduit de l'édition chinoise de 1-Tsing, Londres, Luzac, 1892, vol. I, p. 59. « at Kâpisa, South of the entrance of the hall of Buddha, in the monastery where Kaniska kept his Chinese hostages, there was the figure of a king of spirits. Beneath the right foot of the image was kept a treasure, to be used to repair the building ; on its headress was the figure of a parrot. When a petty frontier king coveted the jewels and drove away the priests, in order to dig for them, the parrot's wings flapped, the earth shook, and the king prostrated himself before the image, then went away ...»

(6) Yazdani, vol. Ill, PL XVI.

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d'oiseau (1) (Fig. 14). M. Herzfeld, qui a noté le fait dans son Histoire de l'Empire Sassanide, à propos de l'inscription de Païkuli, note la présence de ce protome d'oiseau, non seulement sur les monnaies précitées, mais aussi sur certains plats et bols d'argenterie et sur certains reliefs monumentaux, en particulier sur celui d'Ardashir I à Naqsh-i-Rajab et sur celui de Barhâm II à Naqsh-i-Rustam, et bien entendu, toujours sur la tête des princes héritiers de ces rois (2).

Les dates de Shâpur I sont : début du règne en 243, fin du règne en 273. Bahrâm I ne règne que deux ans et son fils, Bahrâm II règne ensuite de 276 à 293 ap. J.-C. (3).

3. Conclusions.

Avec L. Bachhofer (4), nous pensons que les représentations du couple tutélaire, fréquentes au Gandhâra et considérées comme étant Pàncika et Hârïtï, peuvent être assimilées au couple zoroastrien Pharro-Ardoxsho, qui a les mêmes attributions. M. Rosenfield (5) est du même avis mais il ne fait pas la différence entre Pâncika et Kuvera, et nous pensons qu'il convient ici de noter que la représentation de Kuvera, avec ou sans sa parèdre, et assimilé, non plus à Pharro mais à Orlagno (oiseau dans la coiffure) pourrait être reconnue par la présence de l'oiseau dans sa coiffure.

Pour notre roi, le parrainage d'Orlagno, baro-hvareno, c'est-à-dire : « investi de la gloire royale » était très certainement la plus enviable des protections. Et s'il a voulu tenir un rôle pieux dans un contexte bouddhique, l'assimilation avec Kuvera- Vaisravana a dû pouvoir se faire presque normalement dans l'esprit du sculpteur gandharien. Et voici que son personnage se dessine : les yeux mi-clos, signe de son incarnation divine, avec ses trois compagnons, Dhrtarâstra, Virûdhaka, et Virùpâksa, il offre au Buddha le bol d'or, qui, après une transformation miraculeuse, deviendra partie constituante du bol à aumônes du Prédestiné.

Voici donc notre tête installée dans son relief, avec un rôle à jouer qui, s'il demeure rare dans l'iconographie gandharienne est cependant attesté plusieurs fois. La question de cette coiffure, unique jusqu'à maintenant, dans sa forme de protome, au Gandhâra, reste pendante. C'est dans l'histoire, peu connue, de la période kusâno- sassanide que nous chercherons quelques éclaircissements.

(1) R. Gobi, 1968, Sasanidischen Numismatik, vol. I, PI. 2, monnaie 34, qui csl celle de Shapur, prince héritier. Le tableau 4 reproduit toutes les monnaies de Bahrâm 11, dont celle avec le prince héritier avec la coiffure à l'oiseau (Konprintz 4).

(2) Les reproductions photographiques des reliefs sassanides laissent toutes dans l'ombre les parties hautes où se trouvent ces personnages secondaires.

(3) V. G. Lukonin, 1967, Iran II, p. 182 : l'auteur signale que les représentations d'animaux symboles réapparaissent au ine siècle ap. J.-C, en Perse. Le retour de ce thème pourrait correspondre à la réforme religieuse du grand-prêtre Kartir qui promut un retour aux sources du zoroastrisme vers 270 ap. J.-C. et qui fut aidé dans cet effort de renouveau religieux par Bahrâm I, fils et successeur de Shâpur I, et par Bahrâm II, son fils.

(4) Cf. L. Bachhofer, 1937, in Ostasiatische Zeitschrift, 13, p. 6 à 15. (5) DAK, p. 95.

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Le second empire kusàna, celui fondé par le grand roi Kaniska, succomba sous les coups du Sassanidc Shàpur I, donc entre 241 et 250 ap. J.-G. Pourquoi 241 alors que Shâpur commença à régner en 243 ? Il est, en fait, probable que Shâpur, encore prince héritier, et c'est là qu'intervient la preuve de sa monnaie du British Museum, avait été nommé gouverneur des provinces de l'Est, comme c'était la coutume. C'est de l'Est, c'est-à-dire du Séistan (probablement région de Hérat) qu'il partit à la reconquête des provinces appartenant à l'Empire kusâna, provinces citées sur l'inscription de Naqsh-i-Rustam, comme étant : ... le Kàpisa, Pëshawar et le Sïndh ...

Voici donc Shâpur, prince héritier, ou à l'aurore de son règne, entre 240 et 250 ap. J.-C, dans nos régions. La tradition n'est pas favorable au roi sassanide, au Gandhàra et en Afghanistan ; on lui attribue beaucoup de destructions (dont celle de Begrâm au Kàpisa) et il est fort peu probable que le conquérant ait prêté sa tête et sa coiffure à la personnalité d'un roi bouddhique !

Mais le conquérant et ses soldats sont passés et repartis vers l'Ouest, laissant sur place, très probablement, les descendants des rois vaincus, ces kusàna de la troisième dynastie, qui ont accepté, comme tant de fois déjà, dans l'histoire du pays, le statut de vassaux des Sassanides.

Et la vie a repris : même et surtout celle des monastères bouddhiques redevenus prospères, comme l'atteste le pèlerin chinois Fa-hien (400 ap. J.-C). Serait-il possible que des rois d'Asie centrale soient venus alors au Gandhàra ? soit pour participer à quelque opération de pillage, comme ce roitelet dont parle Hiuan-tsang (1), soit à des fins pacifiques, politiques ou religieuses ?

Serait-il possible que le roi Wazamar du Choresm soit venu au Gandhàra et ait sacrifié à la coutume locale en offrant un siùpa dans quelque monastère sur son chemin ? Ou, favorable au bouddhisme, aurait-il donné mission à un de ses ambassadeurs de faire construire un siùpa dans un lieu saint, et de le faire représenter en donateur ?

Ainsi, de nouveaux problèmes se posent à nous : qu'il s'agisse de la réalité des portraits gandhariens, soupçonnée et même remarquée par quelques archéologues, et dont les fouilles nous ont livré et nous livreront encore beaucoup d'exemples ; ou qu'il s'agisse des représentations des Yaksa et de leur roi Vaisravana, à l'époque ancienne. Mais le thème de l'oiseau-symbole sur le casque royal que nous avons essayé de cerner au cours de cette étude, reste notre problème principal. Nous sommes convaincue qu'il faut en chercher la solution dans les traditions des peuples qui hantaient les steppes de la Haute-Asie et même de l'Eurasie toute entière aux troisième et deuxième millénaires avant l'ère chrétienne : les nomades iraniens et aryens et les cultures de Yang-chao et Long-chan à l'Est (quatrième et troisième millénaires av. J.-C). Ces traditions, au premier millénaire avant l'ère chrétienne, se transmettent

(1) Voir supra, noie (5) de la p. 76.

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aux nomades scythes, saces et sarmates et aux peuples hunniques et sibériens ; elles passent ensuite chez les peuples plus proches de nous dans le temps : ceux de l'époque gandharienne que nous avons étudiés, et les peuples dits « barbares » du moyen âge eurasiatique. L'oiscau-symbole appartient à un tronc commun de croyances primitives créées chez les peuples du néolithique par une même crainte : celle des éléments inexplicables et souvent déchaînés ; une même quête : celle d'une protection nécessaire et surnaturelle ; un même besoin : celui d'incarner cette protection en un être vivant, qui s'enlève dans les airs et qui vole, et qui est ainsi en contact direct avec les esprits. Notre dernière image (Fig. 15) : le détail d'un torque d'or de l'époque de la Tène, pose un nouveau jalon, dans le temps et dans l'espace, et projette vers de nouvelles recherches notre quête des origines des liens qui unissaient, autrefois, les régions de l'Eurasie, alors sans frontières (1).

Juin 1974.

(1) Nous tenons à remercier M. R. Curiel, Conservateur en chef au Cabinet des médailles à la Bibliothèque nationale à Paris, qui nous a procuré les photos nos 6 et 17. Ainsi que M. N. M. Lowick, Conservateur au Département des monnaies et médailles du British Museum à Londres, qui nous a procuré la figure 13. Nous nous excusons de ne pas publier la monnaie du roi Wazamar qu'il nous a également procurée, mais nous pensons que la reproduction d'après l'ouvrage de M. Tolstov est plus lisible.

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FB ANGINE TISSOT

APPENDICE

LABORATOIRE DE RECHERCHE DES MUSÉES DE FRANCE EXAMEN AU LABORATOIRE D'UNE TÊTE DE ROI BARBARE

(à la demande de Mlle Auboyer)

Cet objet en instance de don au Musée Guimet provient du nord ouest de l'Inde. Il appartient à l'art du Gandhara.

Époque : environ me siècle après J.-C. N° de Laboratoire : LAB. 1129.

I. Examen macroscopique de l'objet. L'objet est constitué d'une pierre gris verdâtre finement cristallisée. Le visage apparaît recouvert d'une couche noirâtre. Sous éclairage ultra-violet (fig. 21)

il est possible de voir que cette couche concerne à peu près l'ensemble du visage mis à part les yeux, le nez et la bouche. La fluorescence obtenue sur ces dernières parties est semblable à celle obtenue sur le revers de la tête. Par conséquent le nez est composé du même matériau que l'ensemble de la pierre. Cependant il est difficile de dire si le nez n'a pas été refait avec la même pierre et recollé. Il apparaît en effet deux lignes fluorescentes de chaque côté du nez partant du front jusqu'aux narines.

La partie supérieure de la tête de l'oiseau est également recouverte par ce produit noir. A l'examen aux rayons ultra-violets et à la loupe binoculaire il semble qu'une ligne contourne la tète de l'oiseau. Ceci suggère que cette partie de la pierre a pu être cassée et habilement recollée, mais il est difficile de le confirmer.

Il est possible qu'un examen radiographique permette de mettre en évidence l'état exact de conservation de l'objet et d'en établir les parties restaurées.

IL Étude par diffraction X. L'analyse en diffraction X sur un prélèvement du dos de l'objet permet de dire qu'on est

en présence de quartz a, de mica type muscovite et de chlorite en traces (film D 702). Il s'agit donc d'un schiste argileux sériciteux ...

Le prélèvement effectué sur la couche noire du visage ne présente pas le même aspect granuleux que celui de la pierre. En effet, coupé à la lame il s'enroule sous forme de copeaux. A l'analyse, il révèle être le même que celui de la pierre (film D 703 et D 726). Il peut donc s'agir de schiste broyé, mélangé à un liant non identifié.

III. Analyse élémentaire par microfluorescence X. La microfluorescence X permet l'analyse des éléments compris entre le calcium et l'ur

anium. Seul le fer est présent en teneur importante dans l'échantillon. Du brome a été nettement décelé dans un des trois prélèvements effectués sur l'objet. Il s'agit certainement d'une hétérogénéité minérale dont on ne doit pas tenir compte. Le strontium et le manganèse figurent en traces. (Spectres M. 183).

L'analyse élémentaire de la couche noire de restauration a mis en évidence une forte quantité de zinc ainsi que du fer et des traces de strontium et de chrome. Seul le zinc peut être attribué à la composition du liant qui a servi à fixer la poudre de schiste sur le visage.

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IV. Examen comparatif de deux objets en schistes, MG. 24.299 et AO. 2933. A) Relief M G. 24.299 (Lab. 1128).

Il s'agit d'un relief représentant deux personnages au balcon. Il provient probablement de Hadda en Afghanistan et appartient à l'art du Gandhâra.

Sa face est recouverte de terre. Le revers feuilleté et satiné, gris clair, semble différent des deux autres objets. Par observation à la loupe binoculaire les couches de minéraux et les couches d'argiles disposées en feuillets semblent alterner plus régulièrement que pour les deux autres objets. Analyse par diffraction X.

Nous avons décelé la présence de quartz oc, de mica type muscovite et de très peu de chlorite (film D 698). Analyse en M.F.X.

Seul le fer est en teneur importante. On décèle aussi des traces de manganèse, d'arsenic de rubidium et strontium.

Le matériau est un schiste proche des mica-schistes ou phylittes à aspect satiné. B) AO. 2923 relief (N° Lab. 1127).

Il s'agit d'un relief appartenant à l'art du Gandhâra représentant l'adoration du stûpa. Il provient de l'ancienne collection A. Foucher.

Ce schiste gris bleuté présente à la loupe binoculaire des stratifications irrégulières et entremêlées de couches d'argile et de couches de minéraux. Analyse par diffraction X.

Elle a permis de mettre en évidence un mélange de quartz, de mica type muscovite et très peu de chlorite (film D 700). Analyse en M.F.X.

Seul le fer est en teneur importante on décèle de plus, des traces de manganèse, de strontium, de nickel et de rubidium.

La pierre est donc un schiste probablement argileux micacé et légèrement phylitteux.

Conclusion. Le matériau qui constitue la tête de roi barbare est un schiste micacé légèrement phylitteux

et dont l'aspect est plus voisin de celui du relief AO. 2933 que celui du relief MG. 24.299 dont la texture en phyllade est plus prononcée. Nous avons tenté de mettre en évidence ce caractère par radiographie d'une petite écaille prélevée sur chacun des objets. Les images radiographiques n'ont pas permis de faire apparaître cette texture feuilletée. Elles ont cependant pu montrer que les grains de minéraux sont de très petite dimension, en moyenne inférieure au l/10e de millimètre.

Pour déterminer l'origine de ce schiste, il faudrait opérer sur un plus grand nombre d'échantillons de diverses provenances connues.

Une étude complémentaire pourrait également être envisagée pour déterminer, si le nez du roi et la tête de l'oiseau ont été recollés. Une radiographie effectuée avec un appareil de haute intensité devrait montrer une différence d'opacité au rayonnement entre les zones restaurées et les parties originales.

Le 1 mars 1974 Ch. Lahanier.

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82 FRANC I NE TISSOT

NOTE ADDITIONNELLE

Postérieurement à la rédaction de cet article, notre attention a été attirée par un article de B. I. Weinberg, une Monnaie Khorezmienne de haute-époque de la collection du musée de Samarcande et certains problèmes de V histoire du monnayage khorezmien prékouchanique (en russe) in Vest. drev. 1st. SSSR. 1962. n° 1 (79), p. 125, 132, 9 fig.

L'auteur se livre à une nouvelle étude et à un essai de classement par l'évolution des détails à propos des rares monnaies choresmiennes connues à ce jour (article de 1962).

1. (flg. 2). Monnaie d'Eucratidès, poids 15,84 g, revers aux Dioscures, légende au revers en demi-cercle en haut et horizontale en bas, Tamga chorasmienne en bas à gauche, derrière les chevaux, attribuée par Masson et Tolstov au milieu du iie siècle av. J.-C. (V. M. Masson, Monnaies rares d'Asie centrale conservées au musée de VErmiiage, B.D.I. 1953, n° 3, p. 167-169 et S. P. Tolstov Documents datés du palais de Toprak-kala. I.B. 1961, n° 1, p. 54).

2. (flg. 3). Monnaie d'un roi inconnu, coiffé d'un casque sur lequel on distingue un aigle aux ailes déployées (apparemment gravé ou sculpté en très bas-relief ou, au repoussé : note de F. T.) poids 13,6 g, revers aux Dioscures, légende au revers en demi-cercle en haut et horizontale en bas, Tamga chorasmienne en bas à gauche, derrière les chevaux, elle a été trouvée par l'auteur en 1960 dans la collection numismatique du musée d'histoire de la culture et de l'art de la république socialiste-soviétique d'Uzbekistan à Samarcande.

3. (flg. 1). Monnaie d'un roi inconnu, coiffé d'un casque orfèvre et sans doute couronné par une victoire ailée, poids 13,5 g, revers au cavalier seul, légende au revers en demi-cercle en haut et horizontale en bas, Tamga chorasmienne en bas à gauche, découverte par Tolstov dans la collection B. N. Kastalski et conservée au musée de Samarcande (S. P. Tolstov, de VHistoire des Syavuchides du Khorezm, in Izvestia AH.CCCP. Série Histoire et Philosophie, II (1945) no 4, p. 284).

En comparant les monnaies 2 et 3, et leurs détails d'exécution, l'auteur date la monnaie 2 qu'il a découverte, de la fin du ne ou du début du ier siècle av. J.-C.

4. Monnaie d'un roi inconnu trouvée à Kanga-kala en 1952. 5. (flg. 8). Monnaie d'un roi inconnu trouvée aux environs de Dinguildjé en 1960. Sur ces

deux monnaies, très similaires, la tête du roi devait être couronnée par une victoire ailée (le morceau manque dans les exemplaires) le revers est au cavalier seul, la légende du revers est en demi-cercle en haut et en bas, Tamga chorasmienne derrière le cavalier. L'auteur date ces deux monnaies de la fin du Ier siècle ap. J.-C, époque kusâna, règne de Vima-kadphisès.

6. (fig. 4). Monnaie dite du roi Artamouk, elle ressemble à la monnaie 2, mais des maladresses, le revers au cavalier seul, la légende du revers en deux demi-cercles en haut et en bas, la font dater par l'auteur de la fin du ne ou début du ine siècle ap. J.-C.

7. Petites monnaies de cuivre, ou le roi est représenté coiffé d'une couronne à trois dents, où l'on peut voir, en fait, la forme d'un oiseau aux ailes éployées (S. P. Tolstov, Documents datés ... cité plus haut, p. 62).

8. Monnaie du roi Wazamar, Tête du roi, casqué d'une couronne en forme d'aigle, au revers cavalier seul, légende du revers circulaire et Tamga chorasmienne. Datée de la fin du ine siècle ap. J.-C.

L'auteur s'élève contre la thèse que la coiffure à l'aigle aurait été une évolution de l'aigle de Zeus ou de la Victoire ailée (Niké) qui apparaissent sur nombres de monnaies de l'époque étudiée : ainsi, sur une monnaie de Tigrane d'Arménie, roi arsacide, 97-59 av. J.-C, sur une monnaie de Phraate IV, roi arsacide des Parthes, 37-4 av. J.-C, sur une monnaie de Kaniska

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et sur une monnaie de Vasudeva III, et enfin sur une monnaie du roi sassanide Shapur I, 241- 272 ap. J.-G.

La présence de l'aigle ou d'un oiseau voisin, sur la coiffure du roi Wazamar est bien plutôt le fruit d'une très ancienne tradition du Chorezm, et un symbole du pouvoir royal.

Il est cependant possible qu'une symbiose des deux origines se soit effectuée au Chorezm, chez les Parthes et en Sogdiane.

(3 mars 1975) F. Tissot.

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REMARQUES ICONOGRAPHIQUES

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Fig. 1. — Tête d'un roi barbare, Art du Gandhâra, Pakistan, env. milieu du ni° siècle ap. J.-C. (Collection particulière).

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Fig. 2. — La même, vue de face. Fig. 3. ■ — La même, profil droit.

Fig. 4. — La même, profil gauche. Fig. 5. — La même, envers de la pièce.

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Fig. 6. — Le Dieu Orlagno, sur le revers d'une monnaie d'or du roi kusâna Kaniska.

(Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale à Paris : n» 74 B 65 844).

Fig. 7. — Monnaie en argent du roi Wazamar, d'après « Tolslov, Documents de l'histoire du Ghorezm,

pi. 60 a. »

*x

Fig. 8. — Coiffure en terre séchée du roi du Chorezm (grandeur nature), trouvée à Toprak-kala. D'après « Tolstov, Sur les traces de

la civilisation du Chorezm, fig. 60. » .iff- ft At/ "?

Fig. 9. — L'offrande des quatre bols au Buddha

par les quatre rois de l'espace. Art du Gandhâra, Pakistan,

Musée de Peshawar, ancienne collection Gaï.

D'après « Ingholt, Gandharan art in Pakistan, fig. XX, 1. »

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ma. Fig. 10. — L'offrande des quatre bols au Buddha ... Art du Gandhâra, Pakistan, Musée de Peshawar.

Fig. 11. — Tête de Bodhisattva, Art du Gandhâra, Pakistan, Museum fur Volkerkunde, Berlin.

D'après « Foucher, AGBG, fig. 397. »

I i-. I'!. Monnaie d'argeul. de : ^ii.i|nii f, iilors qu'il n'élaiî quo

Pi un- hériliei-. Exemplaire <\\x M<| lîiiiish Museum, Londres. m

Fig. 12. — Ajanta, caverne 9, peinture représentant le roi des naga et le roi des yaksa. Reproduction au trait. D'après « Yazdani, vol. Ill, pi. XVI.»

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Fig. 14. — Drachme d'argent de Bahram II. Fin ine siècle ap. J.-C.

D'après « Lukonin, Iran II, flg. 113».

Fig. 15. — Détail d'un torque d'or, provenant de la chambre funéraire de la sépulture féminine de Reinheim, vers 400 av. J.-C. Museum fur

Vor- und FrûhgeschichLe, Saarbriicken.

■ ■>*-. Fig. 16. — Un donateur kusana, Art du Gandhâra,

Pakistan. Musée de Lahore, n° 105. Fig. 17. — Monnaie d'argent du roi kusana Huviska, type galamucchâ. Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale à Paris, n° 74 B 65 845.

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Fig. 19. — Pâficika-Kuvera, Art du Gandhâra, provenant de Takhal, Musée de Lahore, n° 3, Pakistan.

Fig. 18. — Un prince kusâna, terre séchée, Khaltchayan, Uzbekistan, Musée des Beaux-arts de Tachkent, Uzbekistan.

Fig. 20. — Tête coiffée de la couronne ephtalitc. D'après « Bivar, Sasanian seals in the British

Museum, III, vol. VI, pi. XXVII, 6. »

Fig. 21. ■ — Tête d'un roi barbare. Photographie en lumière ultra-violette (Laboratoire de recher

che des Musées de France).