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Pierre Tschanz

FACE A LA PEUR

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FACE A LA PEUR

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«La peur peut nous sauver la vie en nous faisant prendre conscience du danger, mais elle peut aussi nous paralyser dans nos comportements. Sous la peur, la réalité n’est plus perçue telle qu’elle est et les décisions prises sous son infl uence peuvent être dangereuses. La peur a souvent été instrumentalisée pour dominer et exploiter. Personne ne peut prétendre n’y avoir jamais été confronté, c’est pourquoi il est important de prendre conscience de ses dangers pour mieux y faire face…»

A partir d’exemples concrets (en particulier ceux de personnes persécutées à cause de leur foi) et de ses propres expériences, Pierre Tschanz nous livre dans cet ouvrage précieux les clés nous permettant d’accéder à une vie libérée des entraves de la peur.

Capitaine au long cours de formation, Pierre Tschanz a travaillé pendant quatorze ans dans la marine marchande et huit ans dans l’industrie. Il a par la suite été au service des chrétiens persécutés pendant vingt-huit ans au sein de la mission Portes Ouvertes en qualité de directeur de bases de développement et d’opérations. A la retraite depuis 2009, il continue de servir l’Eglise comme prédicateur.

9 782826 035473

ISBN 978-2-8260-3547-3CHF 11.40 / € 8.90

Pierre Tschanz

Pierre Tschanz

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Face à la peur

Pierre Tschanz

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Table des matières

Introduction ............................................................... 5

1. A propos de la peur ............................................ 9 La peur fait partie de la vie ........................... 9 La peur: définition et origine ..................... 11

2. Confrontés à la peur ......................................... 17 Le roi Saül .......................................................... 17 Daniel et ses compagnons .......................... 19

3. L’ épreuve de deux amis ................................. 25 Pour une caisse de vodka ........................... 25 Je voyais ceux qui étaient sauvés ............ 29

4. Les causes de la peur ...................................... 33 La persécution ................................................ 34 Définition de la persécution ...................... 35 La persécution hier et aujourd’hui ....... 35

Un environnement hostile ....................... 47 La surprise ........................................................ 52 Pierre pris de court ..................................... 53

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Wang Ming Dao ............................................55 Pression sociale – idéologique – religieuse .. 59 La pression sociale .......................................59 La pression idéologique ............................62 La pression religieuse .................................67 Un héritage spirituel ......................................71 Le conditionnement psychologique ....... 74

5. Ce qui nous rend vulnérables ..................... 79 Le manque de préparation spirituelle ... 79 Le découragement ........................................ 81 L’ éloignement de Dieu ................................ 86

6. Les conséquences de la peur ....................... 89 La fausse perception des événements ...... 89

La suspicion ..................................................... 92 La compromission ......................................... 94 L’ abandon de la foi ........................................ 97 La trahison ........................................................ 99 Affaiblissement de l’annonce de l’Evangile .101

7. Comment dominer la peur? .........................103 Rester sous la grâce de Dieu ....................103

Se charger de sa croix .................................105 Tenir et rester fidèle .....................................107 Agir sans crainte ............................................ 110

Epilogue ................................................................... 113

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IntroductionL’ aptitude à accomplir un acte excep-tionnel est en partie affaire de volonté et semble en partie une qualité innée. L’ acte le plus difficile est celui qui exige un effort impromptu de la vo-lonté. Mais c’est beaucoup plus facile si l’acte découle d’années de discipline opiniâtre. Et plus encore si l’action vient naturellement, simplement comme la respiration. C’était ainsi que Rousska Doronine avait vécu sous le spectre de l’arres-tation: simplement et avec un sourire puéril.

Alexandre Soljenitsyne1

La peur peut nous sauver la vie en nous faisant pren-dre conscience du danger, mais elle peut aussi nous paralyser dans nos comportements. Sous la peur, la réalité n’est plus perçue telle qu’elle est et les déci-sions prises sous son influence peuvent être dange-reuses. La peur a souvent été instrumentalisée pour dominer et exploiter. Personne ne peut prétendre n’y avoir jamais été confronté, c’est pourquoi il est important de prendre conscience de ses dangers pour mieux y faire face et de rester fidèle dans le témoignage de la vérité.

Pendant près de trois décennies passées au ser-vice de l’Eglise persécutée à la Mission Portes Ouver-tes, j’ai rencontré nombre d’hommes et de femmes ayant été confrontés à la peur à cause de leur témoi-

1 Le Premier Cercle, Paris, Robert Laffont, 1968, p. 490.

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gnage chrétien. Pour certains, elle était même deve-nue une compagne quotidienne qui conditionnait inconsciemment leur manière d’agir et de penser. D’autres n’osaient pas en parler parce que cela aurait été perçu comme un manque de foi. D’autres encore n’avaient pas été préparés à affronter des situations de danger.

Ces choses ne sont pas nouvelles, au contraire, elles font partie de l’Histoire de l’Eglise et elles en ont même influencé son cours. C’est pourquoi, il est important d’en parler, de relater les témoignages de ceux qui l’ont vécue au plus profond de leurs en-trailles et de décrire ses mécanismes, ses causes et ses effets.

C’est principalement lors de séminaires «Debout dans la Tempête» de Portes Ouvertes en terre d’is-lam, en Afrique et en Asie, que j’ai enseigné sur le thème de la peur. Ces séminaires ont pour but de préparer et d’encourager les chrétiens vivant dans des pays hostiles à l’Evangile à persévérer dans leur témoignage.

Selon de nombreux participants, pasteurs, évan-gélistes et anciens d’église, ce thème a été quali-fié d’essentiel tant par le fait d’en avoir été rendus conscients que d’avoir été armés pour y faire face. Des exemples, comme celui d’un pasteur africain confirmant «avoir été guéri de la peur» pendant un séminaire, ne sont pas rares. De même, les deman-des qui m’étaient adressées régulièrement: Ne pour-riez-vous pas mettre par écrit ce que vous nous avez enseigné, cela nous permettrait de nous y référer et de préparer d’autres chrétiens?

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D’où cet opuscule dont la prétention n’est pas de traiter le sujet de manière exhaustive mais plutôt de stimuler une réflexion afin de pouvoir bien réagir.

Est-il uniquement destiné à des chrétiens exposés à des menaces ou des persécutions? Certainement pas. Il est destiné à toute personne désirant considé-rer ce thème avec l’éclairage de la foi. Car, finalement, chaque être humain, peu importe sa croyance, peut être confronté à la peur, sous quelque forme que ce soit. L’ important est d’y être préparé avec lucidité afin de pouvoir vivre sa vocation de témoin de la Vérité en toutes circonstances.

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1. À PROPOS DE LA PEUR

LA PEUR FAIT PARTIE DE LA VIE

De tout temps, la peur a fait partie de la vie de l’homme. Elle influence ses décisions et conditionne son comportement. Elle peut survenir n’importe où, n’importe quand. La surprise est l’une de ses princi-pales caractéristiques. L’ histoire des disciples de Jé-sus traversant le lac de Génésareth avec leur barque nous en donne une illustration. Il était tard dans la nuit et le vent soufflait fort, mais habitués au gros temps, ils n’avaient pas vraiment raison de s’inquié-ter. Jusqu’au moment où, voyant Jésus les rejoindre en marchant sur l’eau, ils sont pris de terreur et se mettent à hurler, le prenant pour un fantôme.1

Les événements qui sortent de nos schémas de pensée nous surprennent et ébranlent notre confiance. Ils sont des sources potentielles de peur et faussent notre discernement, à l’image des disci-ples qui prirent peur et perdirent leur sens de juge-ment. En grec, fantôme, phantasma, veut aussi dire fantasme!

1 Voir le récit dans Matthieu 14.25-26.

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Mais les paroles de Jésus «Rassurez-vous, c’est moi; n’ayez pas peur!»2 leur permettent de revenir à la réalité. Pierre a même le courage de le rejoindre sur les flots. Courageux mais pas téméraire, il dissipe un dernier doute avant de s’élancer: «Seigneur, si c’est bien toi, ordonne que j’aille vers toi sur l’eau.»3 «Si c’est bien toi…» Voilà l’interrogation récurrente qui précède le pas dans la foi. Aller vers l’inconnu suscite toujours de l’appréhension. Mais rassuré, Pierre sort de la barque, fait quelques pas puis, remarquant la violence du vent, prend peur et commence à s’en-foncer dans l’eau!4 La peur du vent a eu raison de sa confiance en Jésus, pourtant si proche. Mais du fond de son désarroi, se raccrochant à la vie, il crie: «Seigneur, sauve-moi!»5 Et le Seigneur le tire hors de l’eau. Quelle que soit la situation, nos peurs ou notre manque de foi, nous pouvons toujours crier: Seigneur, sauve-moi! La grâce de Dieu est plus forte que nos peurs.

Si Jésus connaît nos craintes et nos angoisses, c’est parce qu’il a lui-même vécu la peur la plus profonde. A Gethsémané, saisi d’angoisse, Jésus priait avec en-core plus d’ardeur. Sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient à terre.6

Devant la perspective de la croix, de la mort, de-vant l’échéance de porter toute la misère et le pé-ché du monde, il a vécu une angoisse indépassable.

2 Matthieu 14.27.3 Matthieu 14.284 Voir Matthieu 14.30.5 Idem.6 Luc 22.44.

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Dieu même a craint la mort7, écrit Corneille. Un autre écrivain français, Charles Péguy, affirme même que, comparées à l’angoisse de Gethsémané, les souf-frances de Golgotha, n’étaient «que la procédure».

Si le Christ lui-même a passé par la peur, à com-bien plus forte raison sommes-nous vulnérables. Il ne suffit pas de crier sus à Satan pour croire que la victoire est acquise. Toute victoire comprend son lot de peurs: peur de souffrir, d’entreprendre, de parler, de décider, d’être ridicule, de témoigner - peur du risque, de l’imprévu, de l’inconnu, peur de l’autre. La liste est longue. C’est pourquoi il est important de comprendre les mécanismes de celle dont on dit qu’elle est mauvaise conseillère. Et, selon un vieil adage, il faut «connaître son ennemi pour mieux le vaincre».

LA PEUR - DÉFINITION ET ORIGINELa peur fait partie de nos émotions fondamenta-les. Il y a des peurs innées, indépendantes de toute expérience comme celle de la séparation chez l’en-fant8. Il y a aussi des peurs qui s’acquièrent au fil des expériences de vie.

La peur est un terme général englobant l’effroi, l’affolement, l’angoisse, la crainte, l’effarement, l’épouvante, l’horreur, la terreur, l’inquiétude, l’ap-préhension. Même si cette énumération n’est pas

7 Corneille, Polyeucte.8 Cf. Pierre Mannoni, La Peur, Presses Universitaires de France, Que sais-je?, 1995, p. 18.

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exhaustive, elle montre l’étendue du sujet. Dans leurs études, les psychologues différencient net-tement la peur et l’angoisse. L’ angoisse naît de la perspective et de l’attente du danger, alors que la peur en suppose la présence et la connaissance. Tandis que l’angoisse est désorganisatrice, la peur permet et favorise même dans certains cas l’adap-tation9. La peur, pour autant qu’elle n’entrave pas la lucidité, est un excellent système d’alarme qui permet d’agir efficacement en cas de danger. Dans le cas contraire, elle déstabilise l’individu, provoque un sentiment de détresse et entraîne une fausse perception des événements.

Parmi les nombreuses définitions de la peur, on en trouve une très parlante tirée du dictionnaire10: «conscience d’un danger réel ou imaginé». Par cette définition, on comprend que la peur joue sur deux tableaux: le réel et l’imaginaire. Comme ils sont souvent liés, la conséquence de la peur est la défor-mation de la réalité et l’altération du discernement. L’ acronyme de «FEAR» (peur en anglais) en donne une description percutante:

- False Evidence Appearing Real -- Fausse évidence paraissant réelle -

Une distance vis-à-vis du rationnel, la superstition, les croyances au paranormal sont des terrains propi-ces à la peur, car l’imaginaire tend à remplacer le réel. Dans l’animisme, les choses concrètes vont même

9 Idem.10 Le Petit Robert.

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jusqu’à être transfigurées en objets spirituels. Ainsi, couper un arbre devient une entreprise périlleuse qui risque de déchaîner la colère de l’esprit qui l’habite. Par contre la Bible, dès le livre de la Genèse, explique au contraire que tout n’est qu’auxiliaire de l’homme; ainsi, le soleil et la lune ne sont rien de plus que des luminaires servant à éclairer la terre11. Il n’y a donc aucune raison d’en avoir de la crainte.

Autrefois, la mer était le lieu de la peur par ex-cellence. C’est pourquoi, il existe tout un bestiaire sur les monstres les plus fantastiques et effroyables «vus» par des marins désemparés dans les éléments déchaînés, les brouillards traîtres et les nuits d’en-cre. Aujourd’hui, avec la sécurité et la technologie des navires modernes, tout ce monde imaginaire de monstres a disparu, ainsi que la peur. Mais, parado-xalement, notre monde hyper sophistiqué a inventé de nouvelles peurs en d’autres lieux.

En vérité, nos grandes peurs demeurent, tout sim-plement parce que nous leur obéissons dans nos comportements: en fuyant. Et nous leur obéissons dans nos pensées: en ne voyant plus autour de nous que dangers ou menaces. La peur met ainsi notre intelligence sous influence. Heureusement, on sait aujourd’hui comment remettre la peur à sa place.12

De tout temps, la peur a été utilisée pour mani-puler et régner. Les idéologies, les pouvoirs totali-taires, les religions en ont fait un large usage pour soumettre et conditionner les peuples. La Terreur,

11 Cf. Genèse 1.14-18.12 Christophe André, Psychologie de la peur, Paris, Odile Jacob, 2005, p. 65.

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lors de la Révolution française, a été le premier ré-gime à institutionnaliser la peur par d’innombrables exécutions, arrestations arbitraires et dénonciations systématiques.

Des méthodes semblables ont été adoptées par les idéologies du 20e siècle. Pour mobiliser les es-prits, il fallait désigner des «ennemis du peuple», des boucs émissaires, source de tous les maux. Dans un tel contexte, la notion d’ennemi, intérieur ou ex-térieur, joue un rôle prédominant. A l’intérieur, le totalitarisme oblige l’individu à faire un choix pour ou contre le système: celui qui n’est pas pour moi est contre moi. Celui qui ose s’y opposer devient un ennemi et devra être prêt à en subir toutes les conséquences. A moins d’être spirituellement et in-tellectuellement équipé pour résister, le choix de rallier les rangs du plus fort est sans doute le plus tentant. A l’extérieur, l’ennemi, parce que différent par sa religion, sa race, son système politique (par exemple, les démocraties occidentales), est présen-té comme une menace. Par conséquent, il faut en inculquer la peur et le combattre. L’ image de l’en-nemi est la nourriture du totalitarisme, puissance spirituelle dont la peur est une de ses armes les plus redoutables.

Pendant la période de l’Inquisition, l’Eglise catho-lique a utilisé des méthodes totalitaires pour main-tenir les croyants dans une prétendue orthodoxie religieuse. Les insoumis et les hérétiques étaient torturés, condamnés au bûcher. Sous le règne de la peur, il n’y avait plus de libre examen ni de liberté de choix. On était à l’opposé de l’esprit de l’Evangile. Là

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où règne la peur, la liberté est bannie. Chaque fois que l’Eglise a instrumentalisé la peur, elle s’est éloi-gnée du message de la Croix et a trahi sa vocation.

C’est dans le cœur des hommes, ou, pour mieux dire, dans leur esprit que se trouve son siège véri-table. C’est là qu’elle exerce la pleine mesure de ses pouvoirs.13

D’un point de vue chrétien, la peur est une com-posante majeure du combat spirituel. Elle peut at-teindre le croyant jusqu’au cœur de sa foi, à l’exem-ple du Christ à Gethsémané où sa décision de faire la volonté du Père signifiait sa propre mort. «Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe! Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne.»14 Si ces paroles mettent en exergue la pro-fonde humanité de Jésus, elles montrent aussi que Jésus a surmonté son indicible angoisse par son obéissance inconditionnelle au Père qui ne l’a pas abandonné dans sa solitude. Comme le souligne l’évangéliste Luc, «un ange lui apparut du ciel pour le fortifier»15.

Dans le combat spirituel, toute peur qui asservit l’homme pour le détourner de son obéissance à Dieu peut être considérée d’origine satanique. Et l’Adver-saire ne se gêne pas de l’utiliser avec virtuosité dans toutes les circonstances possibles. C’est pourquoi, il est bien de se souvenir de ce que disait le roi David: «Même quand je marche dans la sombre vallée de la mort, je ne redoute aucun mal car tu es avec moi.»

13 Pierre Mannoni, La Peur, op. cit., p. 4.14 Luc 22.42.15 Psaume 23.4.

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Mais s’il est important d’être conscient de la réa-lité du combat spirituel, il ne faut pas tomber dans le piège d’une spiritualisation à outrance qui voit le diable et ses acolytes partout, en tout temps. Je me souviens de la prière d’une responsable d’un grou-pe de jeunes chrétiens arabes qui partaient pour un pays d’Afrique du Nord: «Protège nos jeunes qui s’en vont vers le royaume de Satan!» Pourquoi ce pays aurait-il été le royaume de Satan plus qu’un autre? Pourquoi mettre ces jeunes sous influence alors que le danger était presque inexistant? Conditionnés de telle manière, allaient-ils voir des ennemis partout? Comment témoigner de l’amour du Christ lorsqu’on a peur?

Dans un sens opposé mais dans un même esprit, il y a la tentation d’invoquer des dangers ou des puis-sances maléfiques comme excuse pour ne pas agir. Comme le dit ce proverbe africain: «L’ homme qui ne veut pas aller aider son frère, dit qu’il y a un lion sur son chemin.»

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2. CONFRONTÉS À LA PEUR

Deux histoires de personnages bibliques, celles du roi Saül et du prophète Daniel, nous apportent une perspective pleine d’enseignements concernant le comportement de l’homme face à la peur.

LE ROI SAÜLPar le prophète Samuel, Dieu avait donné l’ordre au roi Saül de dévouer par interdit (c’est-à-dire de dé-truire) tout ce qui appartenait à Amalek, un ennemi d’Israël. Or, Saül et le peuple avaient épargné, outre Agag le roi d’Amalek, le meilleur bétail et tout ce qu’il y avait de bon. Ils n’avaient dévoué par interdit que ce qui était méprisable et chétif. Samuel s’en étant aperçu le reprocha à Saül qui lui répondit: «J’ai péché, car j’ai enfreint l’ordre de l’Eternel et tes paro-les. J’ai eu peur du peuple et je l’ai écouté.»1

Dans cette histoire, dont la cruauté peut surpren-dre aujourd’hui, Saül n’a pas eu le courage de l’obéis-

1 1 Samuel 15.24.

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3. L’ ÉPREUVE DE DEUX AMIS

Bien que des millénaires nous séparent de Saül et de Daniel, les situations auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui sont fondamentalement les mêmes, car le cœur de l’homme n’a pas changé. L’ histoire de deux de mes amis, Gerhard Hamm, un évangéliste russe et Idris Nalos, un pasteur souda-nais, le reflète bien.

POUR UNE CAISSE DE VODKAIssu d’une famille baptiste de vingt enfants, Gerhard Hamm était un évangéliste très connu en Union soviétique. Son nom révèle l’origine allemande de ses ancêtres émigrés en Sibérie au 18e siècle. Dans ces communautés d’émigrés, l’allemand était resté la langue d’usage, même si chacun parlait aussi le russe. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, à cause de sa lointaine origine allemande, il fut arrêté comme «traître» et condamné à cinq ans de camp dans «l’Armée du Travail» à Vorkouta, une région désolée du Grand Nord. En hiver, la température

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4. LES CAUSES DE LA PEUR

En raison de son potentiel de changement, tout engagement, qu’il soit social, politique ou spirituel, suscite de l’adversité. Opposition, méfiance, mé-disance sont le lot de ceux qui veulent changer le cours des choses. Il n’en est pas autrement pour le chrétien. Appelé à servir le Christ, il se démarque du monde tout en restant au milieu de celui-ci. Il devient ainsi une personne visible pouvant être exposée à la confrontation, voire dans des cas plus extrêmes, à la persécution. Par conséquent, il pourra être confronté à la peur, et c’est dans ce contexte qu’il est important d’en connaître les causes. Celles qui sont évoquées dans ce chapitre peu-vent toucher chaque individu, mais la plupart sont aussi particulières à un statut de minorité dans un environnement hostile, comme celui des chrétiens en pays communistes, en milieu hindouiste ou en terre d’islam.

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5. CE QUI NOUS RENDVULNÉRABLES

LE MANQUE DE PRÉPARATION SPIRITUELLECe que vous avez appris, reçu et entendu de moi et ce que vous avez vu en moi, mettez-le en pratique. Et le Dieu de paix sera avec vous.

Philippiens 4.9

La force de la préparation spirituelle est de décentrer l’homme de lui-même pour mieux le centrer sur la personne de Jésus. Si la lecture régulière des Ecritu-res et la pratique de la prière lui font du bien, elles le rapprocheront du Seigneur en faisant croître en lui la confiance, le désir de servir et de mettre l’Evangile en pratique. C’est par une telle démarche que les choses du monde perdent de l’importance au profit de celles du Royaume. La propre vie du croyant se fond peu à peu dans celle de Jésus. C’est ce qui a permis à l’apô-tre Paul de dire: «ce n’est plus moi qui vit, c’est Christ qui vit en moi…»1 Mais une telle élévation spirituelle doit sans cesse être renouvelée, car elle n’est jamais

1 Galates 2.20.

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6. LES CONSÉQUENCES DE LA PEUR

LA FAUSSE PERCEPTION DES ÉVÉNEMENTS

Il n’y a certes pas de hiérarchie des conséquences de la peur, mais la fausse perception des événements est de la plus haute importance. Elle peut toucher tous les aspects de la vie, empoisonner les relations humaines et hypothéquer l’avenir. La peur de l’autre étant aussi vieille que l’humanité, combien de fois l’homme n’a-t-il pas éliminé son prochain parce qu’il voyait en lui une menace?

L’ histoire du roi Saül qui a voulu tuer David nous en donne une illustration flagrante. Il n’y avait pour-tant personne de plus loyal que David, mais Saül voyait en lui un dangereux concurrent. Cette pensée l’aveuglait au point qu’elle était devenue une vérita-ble hantise. Il ne faut pas se voiler la face: de telles re-lations existent aujourd’hui encore entre croyants.

Combien de déchirures ne se produisent-elles pas sur le plan individuel ou communautaire, voire entre Eglises, parce que l’on regarde l’autre en ennemi? Cette crainte déforme l’image de son prochain et

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7. COMMENT DOMINER LA PEUR ?

Je vous le dis, à vous qui êtes mes amis: ne redoutez pas ceux qui tuent le corps et qui, après cela, ne peuvent rien faire de plus.

Luc 12.4

RESTER SOUS LA GRÂCE DE DIEU

L’ important dans le combat contre la peur est de persévérer dans une relation vivante avec Dieu. Cet-te relation permet de garder l’assurance que nous ne sommes jamais seuls. En dépit des moments de désarroi qui sont inévitables lorsqu’on fait face à l’adversité, il faut se souvenir que seul Jésus a été totalement abandonné sur la croix. C’était le prix à payer pour que la mort soit vaincue. Le chrétien, lui, reste toujours sous la garde bienveillante du Père. Cela n’empêche évidement pas des attaques parfois très cruelles. J’ai rencontré des chrétiens ayant vécu l’épouvante. Bien qu’ils aient passé par un processus de guérison, ils en resteront marqués toute leur vie. Il s’agit bien sûr de cas extrêmes, mais ils montrent

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ÉPILOGUE

A la fin des années 1980, j’ai eu l’insigne honneur d’accueillir le père Gheorghe Calciu en Suisse. Il était venu pour témoigner de ses vingt-et-une années passées en prison et parler des persécutions contre les chrétiens de Roumanie. Beaucoup sont venus l’écouter et ont été bouleversés par cet homme de foi. Alors qu’il avait vécu l’enfer, il aurait pu expri-mer de la haine à l’égard de ses tortionnaires, mais il montrait de la compassion. Le Seigneur lui avait appris l’amour des ennemis. Son témoignage était celui d’un homme qui avait fait face à la peur et l’avait surmontée.

Lors d’une émission sur une chaîne de télévision locale, il a terminé son message avec ces paroles qui résument avec profondeur son attitude de croyant:

Tant que nous aurons Dieu avec nous, nous ne serons jamais vaincus par la douleur de ce monde.

Si les rois nous jettent dans la fosse aux lions, Dieu ferme la gueule des animaux.