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(6074) 22 / 1 FASCICULE 22 Interrogatoires préalables à l’instruction Geneviève COTNAM Avocate et associée, Stein Monast À jour au 20 août 2014 POINTS-CLÉS 1. Les règles concernant l’assignation et l’audition des témoins, celles relatives à la prise de dépositions et celles concernant la représentation et l’audition d’un mineur ou d’un majeur inapte s’appliquent avec les adaptations nécessaires aux interrogatoires préa- lables à l’instruction (V. n os 1 à 27). 2. Le protocole de l’instance devrait normalement prévoir les conditions entourant la tenue des interrogatoires préalables à l’instruction (V. n os 47 à 49). 3. Les principes directeurs édictés aux articles 17 et suiv. C.p.c. (2014) sous-tendent l’ensemble des décisions qui seront prises en matière d’interrogatoires préalables à l’instruction (V. n os 51 à 54). 4. Les règles de preuve s’appliquent avec les adaptations nécessaires aux interrogatoires préalables à l’instruction au même titre qu’au procès (V. n os 6 et suiv.). 5. Il n’est pas permis d’interroger au préalable dans un dossier où la somme réclamée est inférieure à 30 000 $ et la durée des interrogatoires sera fonction de la nature du recours et de la valeur de la réclamation dans certains cas (V. n os 32 et suiv.). 6. L’interrogatoire préalable à l’instruction porte sur l’ensemble des faits en litige (V. n os 87 et suiv.). 7. Le caractère exploratoire de l’interrogatoire préalable exige que ce dernier demeure condentiel tant et aussi longtemps que la partie qui y procède n’a pas exercé sa pré- rogative de le produire au dossier de la cour (V. n os 91 et suiv.). 8. La communication de documents est permise lors d’un interrogatoire préalable à l’instruction dans la mesure où les documents existent et sont pertinents au litige. Le témoin devra cependant répondre aux questions malgré une objection soulevée à

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FASCICULE 22Interrogatoires préalables à l’instruction

Geneviève COTNAMAvocate et associée, Stein Monast

À jour au 20 août 2014

POINTS- CLÉS

1. Les règles concernant l’assignation et l’audition des témoins, celles relatives à la prise de dépositions et celles concernant la représentation et l’audition d’un mineur ou d’un majeur inapte s’appliquent avec les adaptations nécessaires aux interrogatoires préa-lables à l’instruction (V. nos 1 à 27).

2. Le protocole de l’instance devrait normalement prévoir les conditions entourant la tenue des interrogatoires préalables à l’instruction (V. nos 47 à 49).

3. Les principes directeurs édictés aux ar ticles 17 et suiv. C.p.c. (2014) sous- tendent l’ensemble des décisions qui seront prises en matière d’interrogatoires préalables à l’instruction (V. nos 51 à 54).

4. Les règles de preuve s’appliquent avec les adaptations nécessaires aux interrogatoires préalables à l’instruction au même titre qu’au procès (V. nos 6 et suiv.).

5. Il n’est pas permis d’interroger au préalable dans un dossier où la somme réclamée est inférieure à 30 000 $ et la durée des interrogatoires sera fonction de la nature du recours et de la valeur de la réclamation dans certains cas (V. nos 32 et suiv.).

6. L’interrogatoire préalable à l’instruction porte sur l’ensemble des faits en litige (V. nos 87 et suiv.).

7. Le caractère exploratoire de l’interrogatoire préalable exige que ce dernier demeure confi dentiel tant et aussi longtemps que la partie qui y procède n’a pas exercé sa pré-rogative de le produire au dossier de la cour (V. nos 91 et suiv.).

8. La communication de documents est permise lors d’un interrogatoire préalable à l’instruction dans la mesure où les documents existent et sont pertinents au litige. Le témoin devra cependant répondre aux questions malgré une objection soulevée à

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III. Procédure contentieuse

moins qu’elle ne concerne la contraignabilité du témoin, les droits fondamentaux ou un intérêt légitime important. (V. nos 16 et suiv.).

9. L’interrogatoire hors la présence du tribunal déroge au principe que les témoins sont entendus au procès. Il sera notamment utilisé lorsque le témoin ne sera pas en mesure de témoigner devant la cour à la date prévue pour l’audition (V. nos 102 et suiv.).

10. L’interrogatoire écrit vise notamment à obtenir des aveux de la part de la personne interrogée (V. nos 129 et suiv.).

TABLE DES MATIÈRES

I. Règles applicables à tous les interrogatoires préalables à l’instruction : 1-31A. Convocation des témoins : 2-5B. Objections : 6-22

1. Possibilité de soumettre une objection avant la tenue de l’interrogatoire : 7-12a) Principe : 7-8b) Exemples d’objections susceptibles d’être déterminées à l’avance :

9-122. En cours d’interrogatoire : 13-22

a) À quel moment? : 13-15b) Principales diffi cultés susceptibles de surgir en cours d’interrogatoire :

16-22C. Règles relatives à l’audition des témoins : 23-24D. Conservation du témoignage : 25-27E. Engagements souscrits lors d’un interrogatoire : 28-31

1. Obligation du témoin : 282. Défaut de donner suite : 29-31

II. Interrogatoire préalable (art. 221- 230 C.p.c. (2014)) : 32- 104A. Conditions du droit d’interroger et limites : 32-54

1. Montant en jeu et nature du recours : 32-452. Entente sur le déroulement de l’instance : 47-493. Défense orale : 504. Règle de la proportionnalité : 51-54

B. Convocation et formalités : 55-561. Assignation : 55-56

C. Qui peut être interrogé? : 57-861. Parties : 57-642. Représentant, agent ou employé : 65-68

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3. Toute autre partie : 68-704. Dans une action en responsabilité, la victime et toute personne impliquée

dans la commission du fait générateur du préjudice : 715. Personne au nom de qui une partie agit comme administrateur du bien

d’autrui, prête- nom, à titre de subrogé ou de cessionnaire : 726. Tiers : 73-837. Possibilité de réinterroger un témoin qui a déjà été interrogé : 84-858. Possibilité d’interroger plus d’une personne : 86

D. Qui peut interroger? : 87-891. Parties principales : 87-882. Autres parties : 89

E. Étendue et portée de l’interrogatoire : 90-981. Étendue : 92-932. Confi dentialité : 94-963. Demande de communication de documents : 97-98

F. Utilisation : 99- 1041. Qui peut introduire en preuve l’interrogatoire? : 99- 104

III. Interrogatoire des témoins hors la présence du tribunal (art. 295- 296 C.p.c. (2014)) : 105- 132A. Conditions du droit d’interroger et limites : 106- 116

1. À quel moment? : 1062. Convocation : 107- 1083. Motifs : 109- 116

B. Convocation des témoins : 117- 1221. Assignation du témoin : 117- 1192. Consignation de la déposition : 120- 122

a) Par affi davit : 120b) Par sténographe : 121- 122

C. Qui peut être interrogé? : 123- 1261. Partie : 1232. Tiers : 124- 126

D. Qui peut interroger? : 127- 1281. Toutes les parties : 1272. Le commissaire : 128

E. Étendue et portée de l’interrogatoire : 129- 1311. Comme si recueilli à l’audience : 129- 131

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III. Procédure contentieuse

Abus, 5Défaut du témoin, 5

Action collective, 62-64Interrogatoire préalable, 62-64

Assignation des témoins, 1-3Frais de déplacement, 2Interrogatoire écrit, 135Interrogatoire hors la présence du tribunal,

117- 122Interrogatoire préalable, 55Régulière, 2Résident hors Québec, 4Sanction, 5

Confi dentialité, 94Autres instances, 94Interrogatoire préalable, 94Média, 94Ordonnance, 11, 95

Déclaration antérieure, 10, 93, 100, 103Défaut de comparaître comme témoin

Mandat d’amener, 5Sanction, 5

Déposition, 25Affi davit, 120Enregistrement, 25, 121

Sténographie, 25, 122Document, 11, 12

Communication, 12Confi dentiel, 19Déclaration à un expert en sinistre, 12Dossier médical, 12Expédition de pêche, 97Notes personnelles, 16Possession du témoin, 94Privilège relatif au litige, 19Production, 99- 104Secret professionnel, 19Sous pli cacheté, 11

Engagement, 28Impossibilité, 30Portée, 28Refus, 30Sanction, 29, 31

ExpertInterrogatoire hors la présence du tribunal,

110, 115, 125Interrogatoire préalable, 68, 81Présence, 17

Expert en sinistreInterrogatoire préalable, 68

F. Utilisation : 1321. Comme si le témoignage avait été recueilli à l’audience : 132

IV. Interrogatoire écrit (art. 223- 225 C.p.c. (2014)) : 133- 150A. Conditions du droit d’interroger et limites : 133

1. À quel moment? : 133B. Convocation et formalités : 134- 136

1. Formalités : 1342. Notifi cation : 136

C. Qui peut être interrogé? : 137- 139D. Qui peut interroger? : 140- 141

1. Partie ayant requis l’interrogatoire : 1402. Le tribunal : 141

E. Étendue et portée de l’interrogatoire : 142- 1511. Quel type de litige? : 142- 1442. Étendue : 145- 1463. Effet de l’interrogatoire : 147- 151

INDEX ANALYTIQUE

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Interrogatoire hors la présence du tribunal, 105- 132Affi davit, 120Âge, 112Assignation, 117- 122Commissaire, 128Consentement, 107Contenu, 130Crédibilité, 121, 124, 125District, 119Éloignement, 114Enregistrement, 121État de santé, 111Expert, 110, 115, 125Familial, 126Handicap, 111Motifs, 109, 110Objection, 131Partie, 123Production au dossier, 132Sténographie, 122Stress, 113Tiers, 124

Interrogatoire préalable, 32- 104Action collective, 62-64Agent, 65Assignation, 55Cessionnaire, 72Confi dentialité, 94Conseiller municipal, 66Crédibilité, 93Délai, 49Employé, 65Exclusion des témoins, 96Expédition de pêche, 97Expert, 68Expert en sinistre, 68Exploratoire, 94Extraits indissociables, 101Garantie, 61, 70, 88Interdiction, 32-41

Calcul du 30 000 $, 32, 38Demande reconventionnelle, 36Document, 41Impact des intérêts courus, 38Jonction d’actions, 35Jonction de recours, 33Sanction, 44, 45

Interruption, 54Lieu, 56Mineur, 60Parties, 57-64, 69, 86

Personne morale, 59Représentant de l’État, 58Subrogé, 72Tiers, 73-83

Autorisation du tribunal, 75Conditions, 80Consentement, 73Critères, 79Délai, 77, 78Document, 78Fardeau de la preuve, 74Représentation, 83

Victime, 71Interrogatoire écrit, 133- 150

Aveu, 147Moment, 133, 134Notifi cation, 135Personne morale, 139Personne physique, 138Preuve supplémentaire, 148Proportionnalité, 144Protocole de l’instance, 134Question, 146Réponse, 147Sanction, 147, 151

Mandat d’amener, 5Objection, 6

Communication de documents, 11, 12Confi dentialité, 11Contraignabilité du témoin, 9, 14, 15, 131Déclaration antérieure, 10, 100, 103Droits fondamentaux, 14, 15, 19, 94, 97,

131Intérêt légitime important, 9, 14, 15, 19,

94, 97, 131Interrogatoire hors la présence du tribunal,

131Moment, 7, 8, 13Moyen de preuve, 22Pertinence, 18, 19, 91, 97Préalable, 7Secret d’état, 9Secret du délibéré, 9, 21Secret professionnel, 9, 19Sources journalistiques, 20Sous réserve, 14Témoin (identité), 22

Précisions (demande de), 42Preuve (règles de), 6

Application aux interrogatoires, 6Proportionnalité, 7, 51

Assignation hors Québec, 4

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III. Procédure contentieuse

I. RÈGLES APPLICABLES À TOUS LES INTERROGATOIRES PRÉALABLES À l’INSTRUCTION

1. Dispositions générales – Les interrogatoires hors cour répondent à des règles particu-lières en ce qui a trait à leur tenue, à leur étendue et à leur dépôt. Par ailleurs, le législateur a choisi d’appliquer aux interrogatoires hors cour, dans la mesure où elles sont compa-tibles, les dispositions traitant de l’assignation des témoins1, celles référant à l’audition des témoins2, celles concernant la conservation du témoignage3 et, fi nalement, celles encadrant la représentation et l’audition d’un mineur ou majeur inapte4. Nous ne nous attarderons pas à ces dispositions, car elles font l’objet de commentaires spécifi ques dans d’autres sections du présent ouvrage. Nous nous limiterons à souligner certains aspects qui méritent notre attention en ce qui a trait aux interrogatoires hors cour.

1. Livre II, Titre IV, Chapitre II, Section I du Code de procédure civile (2014).2. Livre II, Titre IV, Chapitre II, Section III du Code de procédure civile (2014).3. Livre II, Titre IV, Chapitre II, Section IX du Code de procédure civile (2014).4. Livre II, Titre IV, Chapitre II, Section IV du Code de procédure civile (2014).

A. Convocation des témoins

2. Assignation du témoin – Les interrogatoires préalables à l’instruction sont, à moins que le Code de procédure civile (2014) n’exige l’autorisation du tribunal, généralement tenus de consentement dans la mesure et aux conditions prévues au protocole de l’instance. Dans ces circonstances, le témoin comparaît de plein gré sans qu’il ait été formellement assi-gné. L’assignation régulière du témoin sera cependant nécessaire, notamment si une partie soupçonne que le témoin ne se présentera pas ou s’il s’agit d’un tiers qui n’a pas consenti à l’interrogatoire. Ainsi, pour forcer la comparution d’un témoin, les frais de témoin doivent lui avoir été avancés avant l’interrogatoire1. Cette obligation n’existe plus en vertu du Code si le témoin ainsi convoqué est une partie à l’instance2. Les règles ordinaires d’assignation s’appliqueront donc sous réserve des adaptations nécessaires.

1. Fakhri c. Diapolo, 2012 QCCS 6103 (requête pour permission d’appeler rejetée, 2012 QCCA 2245).

2. Art. 273 C.p.c. (2014).

Décision préalable sur une objection, 7Interrogatoire écrit, 143Interrogatoire hors cour, 110Interrogatoire préalable, 51Interruption d’un interrogatoire, 54Moyens fi nanciers, 52Nombre de témoins, 86Protocole de l’instance, 47Ressources judiciaires, 53

Protocole de déroulement de l’instanceContenu, 47Défaut, 48, 49Interrogatoire écrit, 134

Interrogatoire préalable, 44, 47Proportionnalité, 47

Secret d’État, 9Secret du délibéré, 9, 21Secret professionnel, 9, 19Témoin, voir aussi Expert; Expert en

sinistreAssignation, 2, 3Avocat, 9Contraignabilité, 9, 14, 15, 131Hors Québec, 4Notes personnelles, 16Sanction en cas de défaut, 5

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Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction

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3. Témoin résidant au Québec – Lorsque le témoin réside au Québec, il devra être assigné par subpoena pour être interrogé, à moins d’entente entre les procureurs, conformément aux ar ticles 280 et suivants C.p.c. (2014). La partie qui souhaite que le témoin produise des documents lors de cet interrogatoire devra lui transmettre un subpoena duces tecum identifi ant les documents recherchés.

Rappelons que pour qu’un témoin soit contraignable, il est nécessaire de lui avancer pour la première journée l’allocation pour la perte de temps et pour les frais de déplacement conformément à l’ar ticle 284 C.p.c. (2014). À défaut de ce faire, il ne sera pas possible de forcer le témoin à comparaître à l’interrogatoire ou, à défaut, de sanctionner son absence.

4. Assignation d’un témoin résidant à l’extérieur du Québec – Le Code modifi e de façon importante les règles en ce qui a trait à la convocation des témoins qui ne résident pas au Québec. Outre les dispositions particulières en matière de commission rogatoire, lesquelles seront traitées en détail dans un autre fascicule du JurisClasseur Québec1, le législateur a spécifi quement prévu la comparution à distance du témoin résidant dans une autre province ou territoire du Canada2.

Ainsi, cette personne comparaîtra à distance à moins qu’il ne soit établi, à la satisfaction du tribunal, que sa présence physique est nécessaire ou est possible sans inconvénient majeur pour le témoin. Cette mesure facilitera certainement la comparution de témoins résidant ailleurs qu’au Québec tout en limitant les coûts inhérents à leur témoignage.

Une préparation préalable est cependant essentielle afi n de s’assurer que le témoin dispo-sera des documents requis afi n de pouvoir répondre de façon effi cace et intelligible aux questions posées.

La convocation du témoin se fera sur ordonnance expresse du tribunal, laquelle sera ins-crite sur la citation à comparaître. Cette dernière devra être notifi ée conformément aux règles applicables au lieu de résidence du témoin et les frais devront avoir été avancés.

À moins qu’il ne soit présent au Québec au moment de son défaut, le témoin défaillant ne pourra être sanctionné que par le tribunal du lieu de sa résidence.

1. Frédérique SABOURIN, Geneviève COTNAM et Joséane CHRÉTIEN, « Demandes inté-ressant le droit international privé », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Procé-dure civile II, 2e éd., fasc. 8, Mont réal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles, par. 46 à 81.

2. Art. 497 C.p.c. (2014).

5. Défaut de la partie dûment assignée de se présenter à un interrogatoire – Le législa-teur a spécifi quement prévu les conséquences du défaut de se soumettre à un interrogatoire dans le cas d’un interrogatoire de la personne qui a produit une déclaration sous serment1 ou du défaut de répondre à un interrogatoire écrit2. En ce qui concerne l’interrogatoire oral, aucune disposition particulière ne prévoit la sanction applicable. Nous présumons donc que le droit antérieur continuera de trouver application. Ainsi, l’assignation du témoin selon les règles prescrites est essentielle si une partie souhaite se prévaloir des sanctions prévues par le Code de procédure civile (2014) en cas de défaut du témoin de se présenter à un interrogatoire fi xé en vertu dudit Code3. Une fois le défaut enregistré, il sera possible de

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III. Procédure contentieuse

contraindre le témoin à se soumettre à un interrogatoire en obtenant de la part du tribunal l’émission d’un mandat d’amener conformément à l’ar ticle 274 C.p.c. (2014).

Bien que cela ne soit pas spécifi quement prévu, le refus d’une partie de se présenter à un interrogatoire, alors que dûment convoquée, pourrait donner ouverture à une sanction pour abus de procédure en vertu des ar ticles 51 à 54 C.p.c. (2014) et entrainer, selon le cas, le rejet de la demande en justice ou la forclusion du droit de produire une défense. En effet, par le passé, les tribunaux n’ont pas hésité à assimiler le défaut de se présenter à un interrogatoire à un refus d’être interrogé4.

En ce qui concerne le témoin résidant dans une autre province ou territoire du Canada, l’ar ticle 497 C.p.c. (2014) prévoit spécifi quement que la sanction du défaut appartiendra au tribunal du lieu de résidence du témoin qui pourra déterminer la sanction applicable sur le vu de l’attestation de défaut délivrée par le tribunal saisi, à moins que le témoin n’ait été présent au Québec à la date où le défaut a été enregistré.

1. Art. 105 et 222 C.p.c. (2014).2. Art. 225 C.p.c. (2014).3. Ruggles c. Centre hospitalier de l’Université de Mont réal, J.E. 2001- 249 (C.S.); Thurlow

c. Wedel, [1968] R.P. 396 (C.A.).4. I.A. c. N.B., [2006] R.D.F. 248, [2006] J.Q. no 2203 (C.A.); Gaudet c. Maguelone Construc-

tion Ltée, [1992] R.J.Q. 3, [1991] J.Q. no 2044 (C.A.); Burnett c. Banque Royale du Canada, [1992] R.J.Q. 261 (C.A.).

B. Objections

6. Application des règles de preuve au stade des interrogatoires préalables à l’ins-truction – Les règles de preuve s’appliquent aux interrogatoires préalables à l’instruction au même titre qu’au procès, avec les adaptations nécessaires1. Nous ne reprendrons pas ici l’ensemble des motifs possibles d’objection à la preuve. À cet égard, nous vous référons à la section pertinente du présent ouvrage2. Nous nous contenterons de discuter de quelques principes s’appliquant spécifi quement aux interrogatoires hors cour.

1. Textifl ex Inc. c. Blumenthal, 2005 QCCA 1001, [2005] J.Q. no 15726.2. Stéphane REYNOLDS, « Audition des témoins », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit

civil », Procédure civile I, 2e éd., fasc. 28, Mont réal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles.

1. Possibilité de soumettre une objection avant la tenue de l’interrogatoire

a) Principe

7. Interrogatoire préalable – Antérieurement, l’ar ticle 396.3 C.p.c. (ancien) permettait à une partie de soumettre à un juge, avant la tenue d’un interrogatoire préalable, toute objec-tion anticipée pour qu’il en décide. Cette disposition s’inscrivait dans la foulée des amende-ments apportés à l’ancien Code qui visaient à promouvoir la proportionnalité et le respect des témoins. Le législateur espérait ainsi éviter débats, pertes de temps ou déplacements inutiles de témoins en soumettant à l’avance certaines objections à un juge pour décision.

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Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction

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L’ar ticle 228 du Code de procédure civile (2014) va encore plus loin en prévoyant, dans le cas d’un interrogatoire oral, que les parties pourront non seulement soumettre à l’avance des objections anticipées, mais pourront également requérir d’un juge des directives pour la conduite de l’interrogatoire.

8. Application du principe à d’autres types d’interrogatoires – Le droit de soumettre à l’avance une objection à un juge pour décision ou directive semble cependant limité, de par la situation « géographique » de l’ar ticle 228 C.p.c. dans le Code de procédure civile (2014), uniquement aux interrogatoires oraux. Nous croyons cependant que rien n’empê-cherait une partie de s’inspirer des principes sous- jacents à l’ar ticle 228 C.p.c. (2014) pour l’appliquer à d’autres types d’interrogatoires tel un interrogatoire tenu en vertu des ar ticles 105 ou 222 C.p.c. (2014). En effet, les larges pouvoirs de gestion accordés par le législateur au tribunal semblent militer en faveur d’une telle approche. Dans la mesure où les parties se rendent compte, avant même d’entreprendre l’interrogatoire, qu’une telle diffi culté se présentera inévitablement ou que des directives sont nécessaires pour encadrer la tenue d’un tel interrogatoire, nous ne voyons pas ce qui les empêcherait de soumettre immédiatement l’objection pour adjudication. Cette approche a d’ailleurs indirectement été retenue par le tribunal dans l’affaire Mulroney1, le juge, en autorisant la commission rogatoire, ayant voulu s’assurer au préalable que le témoin était bel et bien contraignable dans sa juridiction.

1. Mulroney c. Canada (Procureur général), J.E. 96- 2151 (C.S.).

b) Exemples d’objections susceptibles d’être déterminées à l’avance

9. Contraignabilité du témoin – La contraignabilité du témoin est, à sa face même, une question qui devrait être soumise au tribunal avant le début d’un interrogatoire afi n d’éviter un déplacement inutile ou de circonscrire l’étendue de l’interrogatoire. Le principe de base énoncé à l’ar ticle 276 C.p.c. (2014) est à l’effet que toute personne peut être contrainte à témoigner à moins d’être inapte à relater les faits dont elle a connaissance, et ce, en raison de son âge ou de son état physique ou mental.

Outre ces cas, certaines situations sont susceptibles de poser problème, tels le secret pro-fessionnel1 ou le secret d’État2. Les circonstances particulières de chaque cas devront être considérées et la teneur de l’interrogatoire devra parfois être connue avant que le tribunal ne puisse se prononcer sur cette question. Ainsi, le simple fait que le témoin soit avocat ne permet pas de conclure que son interrogatoire violera nécessairement le secret profession-nel3. Le procureur de la partie adverse sera même contraignable s’il est en état de rapporter certains faits dont il a eu connaissance4. Par contre, il ne sera pas possible d’interroger le membre d’un tribunal statutaire qui est protégé par le secret du délibéré5. Certaines restric-tions existent également au niveau du témoignage d’un notaire, d’un arpenteur- géomètre, d’un huissier6 et d’un conjoint7.

Notons qu’en vertu de l’ar ticle 228 du Code, la question de la contraignabilité du témoin, tout comme celle de l’atteinte à un droit fondamental ou à un intérêt légitime, fait partie des rares objections pouvant justifi er le refus du témoin de répondre à une question. Il

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III. Procédure contentieuse

serait donc intéressant de faire déterminer à l’avance la contraignabilité d’un témoin pour ne pas retarder la tenue de l’interrogatoire.

1. 2. Art. 284 C.p.c. (2014).3. Art. 283 C.p.c. (2014).3. De Grandpré, Chait c. 167363 Canada Inc., J.E. 2005- 169, [2004] J.Q. no 14452 (C.A.); Cinar

Corporation c. Weinberg, 2007 QCCS 4380, [2007] J.Q. no 10830; Jolicoeur c. Plomberie Saint- Jovite Inc., 2006 QCCS 5069, [2006] J.Q. no 24459; Société d’habitation du Québec c. Hébert, J.E. 2005- 1916, [2005] J.Q. no 14749 (C.S.).

4. ABN Amro Bank Canada c. Performance Guarantees (Quebec) Inc., J.E. 98- 176 (C.A.).5. Comité de révision de l’aide juridique c. Denis, 2007 QCCA 126, [2007] J.Q. no 630.6. Art. 270 C.p.c. (2014).7. Art. 282 C.p.c. (2014).

10. Déclaration antérieure – La possibilité de référer, lors d’un interrogatoire, à des déclarations antérieures d’un témoin peut également faire l’objet d’une demande de déci-sion anticipée. Si, en principe, l’interrogatoire préalable ne doit pas avoir pour seul but de reprocher un témoin1, il demeure permis de le questionner sur des déclarations antérieures incompatibles après avoir pris soin de poser des questions introductives d’usage.

Le tribunal doit cependant veiller à ce que les règles d’administration de la preuve soient respectées durant un interrogatoire préalable et donc s’assurer que l’usage de ces décla-rations antérieures est permis. Ainsi, dans la mesure où le Code des professions2 prévoit à son ar ticle 149 que le témoignage rendu par un professionnel devant le comité de disci-pline ne peut être retenu contre lui, il ne sera pas davantage permis d’introduire les notes sténographiques de cet interrogatoire lors d’un interrogatoire préalable3. La notion de déclaration antérieure est interprétée largement et pourra inclure la déclaration faite à un expert en sinistre, celle faite à un policier, le témoignage rendu dans une autre instance et même au cours d’une commission d’enquête.

Si la déclaration antérieure est utilisée, il appartiendra au juge du fond de déterminer la force probante qu’il accordera à celle-ci compte tenu de l’ensemble de la preuve administrée4.

1. Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Banque Royale du Canada, [1993] R.J.Q. 1072, [1993] J.Q. no 625 (C.A.).

2. RLRQ, c. C-26.3. Société Coopérative Agricole de Montmagny c. Cloutier, 2008 QCCS 1493, [2008]

J.Q. no 3070.4. Canada (Procureur général) c. Groupaction Marketing Inc., 2008 QCCS 216, [2008]

J.Q. no 488.

11. Demande de production d’un document ou d’interrogatoire sous pli cacheté – L’interrogatoire et les documents communiqués à l’occasion de celui-ci sont considérés comme confi dentiels tant et aussi longtemps que l’interrogatoire n’est pas produit par la partie qui y a procédé1. Les seules exceptions à ce principe sont celles énoncées aux ar ticles 2870 et suivants C.c.Q. La demande préalable d’une ordonnance visant à s’assurer qu’un interrogatoire ou un document communiqué lors d’un interrogatoire soit produit sous scellés, alors que l’interrogatoire n’a pas encore eu lieu, sera donc considérée comme

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prématurée2. Par ailleurs, des demandes d’ordonnance de confi dentialité pour protéger certains renseignements sensibles, tels le secret industriel ou une pathologie intime, peuvent être présentées avant le dépôt des notes sténographiques3. Cette question pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une demande de directive en vertu de l’ar ticle 228 C.p.c. (2014). L’ar ticle 16.1 C.p.c. (2014), qui s’inspire de l’ar ticle 815.4 C.p.c. (ancien), prévoit d’ailleurs certain types de document devant être produits sous pli cacheté.

1. Art. 227 C.p.c. (2014).2. Marois c. Taillon, 2008 QCCS 4473, [2008] J.Q. no 9295.3. Lamarre c. Trois- Rivières (Ville de), 2013 QCCS 1814.

12. Communication d’un document requis pour l’interrogatoire – L’ar ticle 228 C.p.c. (2014) pourra également servir à trancher à l’avance une objection à la communication d’un document dont une partie soutient avoir besoin pour les fi ns de préparer l’interrogatoire et d’interroger le témoin. Ainsi, dans l’affaire Dallaire c. Éli Lilly Canada Inc.1, la Cour supérieure, saisie d’une demande en vertu de l’ar ticle 396.3 C.p.c. (ancien), a permis de poser des questions relativement à l’état médical du témoin et, par le fait même, a ordonné que copie de son dossier médical soit communiquée à la partie qui désirait l’interroger. La même question a été soulevée relativement aux déclarations à un expert en sinistre2. Le tribunal pourrait également à cette occasion se prononcer à l’avance sur le caractère confi dentiel ou privilégié d’un document ou sur sa pertinence3. Les documents ainsi demandés devront être utiles, appropriés et susceptibles de faire progresser le débat pour être considérés pertinents4. Si une objection à la communication d’un document est jugée prématurée, elle pourra être soulevée de nouveau durant l’interrogatoire5.

1. Groupe Radio Astral Inc. c. Lavoie, J.E. 2002- 1400 (C.A.); Dallaire c. Eli Lilly Canada Inc., 2008 QCCS 1422, [2008] J.Q. no 2940.

2. L’Unique Compagnie d’Assurances Générales c. Osborne, J.E. 2004- 1837, [2004] J.Q. no 8217 (C.S.); Ouellette c. La Capitale Compagnie d’Assurances, [1998] R.R.A. 505, [1998] J.Q. no 5534 (C.S.); Boiler Inspection Insurance c. St- Louis de France, [1994] R.D.J. 95, [1993] J.Q. no 2022 (C.A.); Drouin c. Axa Assurances Inc., J.E. 2007- 1911, [2007] J.Q. no 10970 (C.Q.).

3. Evaporateurs Waterloo Inc. c. Intégra Environmental Inc., B.E. 2004BE- 732, no AZ- 50258732 (C.S.); Biomérieux Inc. c. Genohm Sciences Canada Inc., 2007 QCCA 77, [2007] J.Q. no 274.

4. Roy c. Bégin, 2013 QCCS 1858.5. Dunn c. Wightman, no AZ- 50185050 (C.S.).

2. En cours d’interrogatoire

a) À quel moment?

13. Importance de soulever les objections en temps opportun – Il est essentiel qu’une partie soulève en temps opportun les objections à la preuve qui semblent s’imposer. Sous réserve des dispositions particulières en matière de commission rogatoire dans lesquelles le législateur a spécifi quement prévu que le défaut de ce faire n’empêchera pas la partie de soulever l’objection ultérieurement lors de l’audition1, le défaut de soulever l’objection

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en temps utile pourrait être interprété comme une renonciation à soulever ce moyen ulté-rieurement2. De la même façon, une partie pourrait être présumée avoir renoncé implici-tement à la confi dentialité d’un document qu’elle a communiqué lors de l’interrogatoire3.

1. Art. 502 C.p.c. (2014)2. Caisse populaire Desjardins Centre- Est du Témiscamingue c. Viandes Abitémis, 2006

QCCS 6385, [2006] J.Q. no 15237.3. Biomérieux Inc. c. Genohm Sciences Canada Inc., 2007 QCCA 77, [2007] J.Q. no 274.

14. Objection prise sous réserve – Sous l’ancien Code, un témoin pouvait en principe refuser de répondre à une question lorsqu’une objection était soulevée à moins que les parties ne consentent à ce qu’il ne réponde sous réserve, étant entendu qu’elles pourraient soumettre la question à la cour ultérieurement si cela devenait pertinent1. Le législateur a choisi d’aller plus loin en adoptant l’ar ticle 228, al. 2 C.p.c. (2014) lequel prévoit spécifi -quement que, à moins que l’objection ne porte sur la contraignabilité du témoin, ou qu’elle soit relative aux droits fondamentaux ou à un intérêt légitime important, le témoin ne pourra refuser de répondre. L’interrogatoire se poursuivra alors normalement et l’objection sera éventuellement tranchée lors de l’instruction à moins qu’elle ne puisse être entendue sur le champ par le tribunal. En pratique, si l’interrogatoire n’est pas produit, la réponse à la question ayant fait l’objet de l’objection n’aura plus d’importance. Ce n’est donc que si l’interrogatoire est produit que le juge saisi du fond aura à déterminer la légalité et la pertinence de la question2. Notons que cette disposition est conforme à la pratique où les tribunaux rendaient d’offi ce des ordonnances au même effet3.

1. Art. 395 C.p.c. (ancien).2. Croteau c. Perreault Mathieu Cie, [1990] R.D.J. 217, [1990] J.Q. no 640 (C.A.).3. Banque HSBC Canada c. Khurana, 2012 QCCS 4108, no AZ- 50889973, (2012) J.Q. no 8152.

15. Soumettre l’objection pour adjudication – L’ar ticle 228 C.p.c. (2014) prévoit qu’une objection soulevée relativement à la contraignabilité du témoin, aux droits fondamentaux ou à un intérêt légitime important devra être soumise pour adjudication au tribunal dans les cinq jours pour qu’il en décide. Les autres objections seront, nous l’avons vu, soumises au juge qui présidera l’instruction lors de celle-ci à moins qu’elles ne puissent être enten-dues par le tribunal sur le champ. L’objectif poursuivi est clairement d’éviter des délais importants et le report d’interrogatoires en raison d’objections non fondamentales.

Ce souci d’effi cacité du législateur transparaît également à l’ar ticle 324 C.p.c. (2014) où il a pris soin de prévoir un délai de deux mois pour rendre un jugement en cours d’instance, mais qui réduit ce délai à un mois lorsque le tribunal est appelé à rendre jugement relati-vement à une objection à la preuve soulevée lors d’un interrogatoire au préalable portant sur la contraignabilité du témoin, sur les droits fondamentaux ou sur une question mettant en cause un intérêt légitime important.

b) Principales diffi cultés susceptibles de surgir en cours d’interrogatoire

16. Référence à un document lors de l’interrogatoire – Un témoin témoigne norma-lement de mémoire. La partie qui, au cours de son interrogatoire, se réfère à des notes

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personnelles ou à des écrits pour se rafraichir la mémoire doit en donner communication à la personne qui l’interroge1. Cela n’implique pas que le document sera nécessairement produit en preuve, mais confère à la partie adverse le droit d’en prendre connaissance. Ce droit ne se limite pas à la partie du document consultée par le témoin et pourra s’étendre à l’ensemble du document. Somme toute, en consultant un document en cours d’interro-gatoire, le témoin peut se trouver à renoncer à son caractère privilégié2.

Le fait de faire référence à un rapport d’enquête dans un affi davit n’implique pas néces-sairement renonciation implicite au caractère confi dentiel de ce rapport, car il ne faut pas présumer trop facilement qu’une partie a abandonné le bénéfi ce de la confi dentialité d’un document3. Par contre, s’il est allégué pour prouver la bonne foi de celui qui l’allègue, le rapport cesse de bénéfi cier de son privilège de confi dentialité4. Si le témoin a, à son dos-sier, des notes personnelles mais qu’il n’y réfère pas lors de son interrogatoire, il ne sera alors pas possible pour la partie adverse d’en forcer la production5.

1. Kansa General International Insurance Company Ltd. c. Ogilvy Renault, [1999] J.Q. no 819 (C.S.), j. Claude Guérin; Point Virgule communication Inc. c. Communications Québecor Inc., C.Q. Longueuil, no 505-22- 003302- 983, 28 mai 1999, j. Rémillard.

2. Commercial Union c. Nacan Products Limited, [1991] R.D.J. 394 (C.A.); Smith c. Équi pe-ment Fédéral Inc., no AZ- 50206224 (C.S.); Lessard c. Nappert, 2007 QCCS 5038, [2007] J.Q. no 14820.

3. CIBC Mellon Trust Company c. Stolzenberg, 2006 QCCA 10, [2006] J.Q. no 74; 3312402 Canada Inc. c. Accounts payable Chexs Inc., J.E. 2005- 1645, [2005] J.Q. no 12030 (C.S.).

4. Fortier Auto (Mont réal) Ltée c. Brizard, J.E. 2000- 177, [2000] J.Q. no 5 (C.A.).5. Système Internationale Gemnar c. Multidev Tehnologies Inc., 2009 QCCA 368, [2009]

J.Q. no 3757; Hamel c. Sainte- Anne-de- Beaupré (Ville de), B.E. 2005BE- 898, no AZ- 50327286 (C.S.).

17. Présence d’un expert lors de l’interrogatoire – Un avocat peut se faire assister par un expert lors du procès et, en principe, ce dernier pourra être présent lors des interroga-toires préalables. La cour a même reconnu à une partie le droit d’être accompagnée par un psychologue lors d’un tel interrogatoire afi n de lui permettre de mieux cibler ses questions. L’expert ne sera pas considéré comme un membre du public assistant à l’interrogatoire, mais comme un auxiliaire de l’avocat lié par le même secret professionnel1.

1. Duchesne c. Fondation Duchesne, 2006 QCCS 2779, [2006] J.Q. no 4876.

18. Pertinence – L’objection sur la pertinence n’a plus lieu d’être au stade de l’interro-gatoire préalable au procès compte tenu du texte clair de l’ar ticle 228 C.p.c. Il convient cependant de rappeler que cela n’implique pas que la partie qui interroge pourra sortir impunément du cadre raisonnable des procédures, le tribunal ayant toujours la possibilité, sur demande présentée en vertu de l’ar ticle 230 C.p.c. (2014), de mettre un terme ou de limiter un interrogatoire qu’il estime abusif ou inutile.

Au niveau pratique, le fait que de nombreuses objections soient ainsi prises sous réserve peut soulever certaines diffi cultés au niveau de la transcription de l’interrogatoire. Il serait sans doute souhaitable d’obtenir une transcription intégrale des notes sténographiques pour fi n de compréhension quitte à caviarder les passages pertinents suite aux décisions rendues

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III. Procédure contentieuse

sur les objections. Un cahier séparé pourrait également être préparé pour les questions sous objection qui devront être débattues ultérieurement.

19. Caractère confi dentiel d’un document – Une partie peut en principe choisir de caviar-der l’information de nature confi dentielle dans un document au stade de l’interrogatoire préalable. Ceci avait notamment été reconnu lorsque la divulgation de cette information aurait pour effet de procurer un avantage commercial indu à une partie1. Ainsi, l’informa-tion confi dentielle, si elle était pertinente, n’était pas communiquée au stade préliminaire, mais sa divulgation pouvait se faire devant le juge au moment de l’audition sur le fond du litige, le juge du fond étant alors davantage en mesure d’apprécier la preuve à la lumière des véritables enjeux du dossier2. Notons que le simple fait que le document puisse contenir des informations de nature confi dentielle n’empêchera pas automatiquement une partie d’en obtenir copie dans la mesure où celui-ci est pertinent au litige et où, le cas échéant, des mesures sont prises pour assurer la confi dentialité de l’information3.

Ainsi, certains documents, par leur nature, sont protégés contre une communication éven-tuelle. Ce sera le cas notamment d’un rapport ou autre document4 préparé pour l’usage des avocats en cas de poursuite, incluant un rapport qui n’est pas spécifi quement requis par le procureur, tel celui d’un enquêteur5 ou celui de l’expert en sinistre6. Ce privilège ne s’étend toutefois pas au rapport préparé par un employé et destiné à son employeur, alors que l’employé est un témoin personnel des faits7, à moins que le document ne soit également rédigé dans le but de préparer un litige. Les tribunaux considèrent qu’il y a lieu d’assurer la confi dentialité des documents lorsqu’un « objet important, l’objet principal ou le seul objet est la préparation du litige »8. Ainsi, s’il appert que le rapport aurait été préparé, peu importe qu’une poursuite ait été intentée ou non, dans le but d’informer les dirigeants de l’entreprise d’une situation, force est de conclure que le document avait une utilité propre avant même que la poursuite ne soit intentée et qu’il ne peut, dans ces circonstances, avoir un caractère privilégié9.

Le fait d’invoquer l’existence d’un règlement à l’amiable10 dans une procédure ou de faire état de certains échanges entre procureurs11 peut être interprété comme une renonciation implicite de la part de la partie justifi ant d’autoriser des questions à cet égard.

Cela étant dit, l’ar ticle 228 du Code est, selon nous, susceptible de modifi er la pratique à cet égard. En effet, le fait que le contenu d’un document ne soit pas pertinent au litige ne devrait pas justifi er le témoin de refuser de le produire dans son intégralité, l’objection soulevée quant à la pertinence du document étant soumise au juge du fond. La plupart des cas énumérés précédemment seront, selon nous, couverts par l’exception visant les droits fondamentaux et l’intérêt légitime important. Bien que cette dernière notion devra être défi nie par les tribunaux, nous pouvons croire que le secret commercial, le privilège relatif au litige, etc., seront visés par cette exception.

1. Système International Genmar c. Multidev Technologies Inc., 2009 QCCA 368, [2009] J.Q. no 3757; Instruments scientifiques Cleanearth Inc. c. V.W.R. Canlab, J.E. 2002- 1033 (C.A.).

2. Havana Club Holding, s.a. c. Bacardi & Co., J.E. 2001- 1884, [2001] J.Q. no 4513 (C.S.).

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3. Tate & Lyle North American Sugars c. Somavrac Inc., 2005 QCCA 458, [2005] J.Q. no 4997; Mapei c. Tri- Tex co Inc., 2006 QCCS 4612, [2006] J.Q. no 8321.

4. Allendale Mutual Insurance Company c. St- Georges (Ville de), J.E. 2004- 2229, [2004] J.Q. no 11106 (C.S.); Axor Construction Canada Inc. c. McCormick Rankin Corporation, REJB 2003- 45465 (C.S.); Québec (Procureur général) c. Roche ltée, groupe- conseil, 2012 QCCS 5844.

5. Société coopérative agricole de St- Damase c. Coopérative Fédérée, 2007 QCCS 317, [2007] J.Q. no 596; Champagne c. Scotia McLeod, [1992] R.D.J. 247, [1991] J.Q. no 2301 (C.A.); Lab Chrysotile c. Société Asbestos Ltée, [1993] R.D.J. 641, [1993] J.Q. no 1426 (C.A.); Mont réal c. Chubb du Canada, REJB 1998- 04956, [1998] J.Q. no 470 (C.A.); Biochem Pharma Inc. c. Pouliot, [1997] R.J.Q. 1, [1996] J.Q. no 3827 (C.A.); Ciment du St- Laurent c. Barette, REJB 1997- 01469, [1997] J.Q. no 2048 (C.A.).

6. Gerling Global Compagnie d’assurance générale c. Sanguinet, [1989] R.D.J. 93, [1989] J.Q. no 236 (C.A.).

7. Société coopérative agricole de St- Damase c. Coopérative Fédérée, 2007 QCCS 317, [2007] J.Q. no 596; Gerling Global Compagnie d’assurance générale c. Sanguinet, [1989] R.D.J. 93, [1989] J.Q. no 236 (C.A.).

8. Blank c. Canada (Ministre de la Justice), [2006] 2 R.C.S. 319; au même effet : Compagnie Mont réal Trust du Canada c. 2732- 1413 Québec Inc., J.E. 2000- 1938 (C.A.).

9. Société d’énergie de la Baie- James c. Lafarge Canada Inc., [1991] R.J.Q. 645 (C.A.); Société coopérative agricole de St- Damase c. Coopérative Fédérée, 2007 QCCS 317, [2007] J.Q. no 596.

10. Boisvert c. Corporation Planagex Ltée, J.E. 2000- 1062 (C.A.); Gillet c. Arthur, 2007 QCCS 2885, [2007] J.Q. no 6283; Marcotte c. Collège des médecins, 2006 QCCS 285, [2006] J.Q. no 455.

11. Pothier c. Raymond, 2008 QCCA 1931, [2008] J.Q. no 9993; Repentigny (Ville de) c. Carignan, J.E. 2003-72, [2002] J.Q. no 5289 (C.A.); St- Alban c. Récupération Portneuf Inc., [1999] R.J.Q. 2268, [1999] J.Q. no 3058 (C.A.).

20. Protection des sources – Un journaliste ou un animateur de radio ou de télévision ne sera pas tenu de révéler ses sources au stade d’un interrogatoire préalable1.

1. Grenier c. Arthur, J.E. 2001- 698, [2001] J.Q. no 1170 (C.S.); Landry c. Diffusion Métromédia C.M.R. Inc., REJB 1999- 12769, [1999] J.Q. no 2069 (C.S.); Tremblay c. Hamilton, [1995] R.J.Q. 2440, [1995] J.Q. no 2949 (C.S.).

21. Secret du délibéré – Les tribunaux reconnaissent que le décideur ne peut en principe être interrogé sur son délibéré1. La Cour d’appel a cependant considéré que ce privilège ne peut s’étendre à un organisme exerçant une fonction administrative2.

1. Québec (Commission des affaires sociales) c. Tremblay, [1992] 1 R.C.S. 952, [1992] A.C.S. no 20.

2. Autorité des marchés fi nanciers c. Assomption Compagnie d’assurance, 2007 QCCA 1062, [2007] J.Q. no 8263.

22. Droit de ne pas communiquer un moyen de preuve ou le nom de ses témoins – Il est de jurisprudence constante qu’une partie n’a pas à divulguer lors d’un interrogatoire préalable ses moyens de preuve ni le nom de ses témoins indépendants1. Il existe cependant certaines exceptions à ce principe. Ce sera notamment le cas en matière de diffamation, de personnes ayant participé aux faits en litige, ou de témoins à qui un aveu judiciaire aurait été fait2.

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III. Procédure contentieuse

Le texte de l’ar ticle 221 C.p.c. (2014) précise désormais qu’une personne pourra être inter-rogée sur tous les faits pertinents se rapportant au litige et sur les éléments de preuve qui les soutiennent. Cette référence aux éléments de preuve pourrait possiblement donner ouver-ture à certaines questions visant la divulgation des moyens de preuve quoique l’utilisation du terme « élément » semble viser davantage des documents ou des éléments matériels que le nom de témoins éventuels.

1. Farand c. Farand, 2008 QCCA 1131, [2008] J.Q. no 5172; McCallum Transport Québec Ltée c. Québec (Commission des accidents du travail), [1995] R.D.J. 190 (C.A.); Blaikie c. Québec (Commission des valeurs mobilières), [1990] R.D.J. 473, [1990] J.Q. no 457 (C.A.).

2. Nortech Fibronic Inc. c. Ingénierie Électro- Optique Exfo Inc., J.E. 97- 2015 (C.A.); Cogestion Léga- Ray Ltée c. Gosselin, J.E. 2001- 1238 (C.S.); Mont réal Tramways c. Brodeur, (1937) 62 B.R. 342; BMG Canada Inc. c. Gestion 3485 St- Laurent Inc., B.E. 2006BE- 281, no AZ- 50356639 (C.A.); Constructions Bé- con Inc. c. Québec, J.E. 2002- 1796 (C.A.).

C. Règles relatives à l’audition des témoins

23. Interrogatoire et contre- interrogatoire – Les règles pour l’interrogatoire et le contre- interrogatoire d’un témoin prévues aux ar ticles 276 et suivants C.p.c. (2014) s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux interrogatoires hors cour. Ainsi, lors d’un interro-gatoire préalable, une partie pourra poser des questions suggestives à la partie adverse et à un tiers si ce dernier a des intérêts opposés, cherche à éluder une question ou cherche à favoriser une autre partie1.

1. Art. 306 C.p.c.; Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Banque Royale du Canada, [1993] R.J.Q. 1072, [1993] J.Q. no 625 (C.A.); Valois c. Lafl eur, no AZ- 50159206 (C.S.).

24. Droit d’interroger son propre témoin lors d’un interrogatoire préalable – En prin-cipe, le procureur de la partie interrogée lors d’un interrogatoire préalable pourra interroger son témoin uniquement afi n de lui permettre de compléter, préciser ou expliquer certaines réponses données lors de son interrogatoire. Il ne pourra cependant aborder des sujets qui n’ont pas fait l’objet de l’interrogatoire principal1.

1. Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Banque Royale du Canada, [1993] R.J.Q. 1072, [1993] J.Q. no 625 (C.A.); Ridley c. Financière Manuvie, [2000] R.J.Q. 1880, [2000] J.Q. no 1854 (C.S.).

D. La conservation du témoignage

25. La conservation du témoignage – L’ar ticle 227 C.p.c. (2014) incorpore les dispositions des ar ticles 300 et suivants C.p.c. (2014) relativement à la prise de déposition des témoins. Généralement, les dépositions sont prises en sténographie ou enregistrées de toute autre manière autorisée par le gouvernement1.

1. Art. 300 C.p.c. (2014)

26. Propriété des notes sténographiques – L’ar ticle 227 C.p.c. (2014) réserve à la partie qui a procédé à l’interrogatoire préalable la faculté de produire ou non les notes sténo-

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graphiques de l’interrogatoire au dossier de la cour. Ce privilège se limite cependant à la décision de produire les notes et ne confère pas un droit exclusif de détenir le support matériel de l’interrogatoire1. La partie interrogée aura donc le loisir de soumettre les notes sténographiques de son interrogatoire à son expert, lequel pourra en faire mention dans son rapport, sous réserve de la valeur qui lui sera accordée en fonction de la preuve soumise2.

1. Blanchet c. Constructions Ferclau Inc., J.E. 2005- 1041, no AZ- 50310183, [2005] J.Q. no 4619 (C.S.); Castonguay c. Anctil, REJB 2002- 34846 (C.A.).

2. Garmaise c. Scotia Capital inc., 2012 QCCS 5946.

27. Vidéoconférence – L’utilisation de la vidéoconférence ou de tout autre mode de com-munication pour la tenue d’un interrogatoire préalable, d’un interrogatoire sur affi davit ou d’un interrogatoire hors cour était spécifi quement prévue à l’ar ticle 45.2 du Règlement de procédure civile de la Cour supérieure1 et a été incorporée à l’ar ticle 26 du Code qui invite à privilégier l’utilisation des moyens technologiques disponibles. La règle de la proportion-nalité2 peut justifi er d’autoriser la tenue d’un interrogatoire par vidéoconférence lorsque l’utilisation de ce moyen offre une solution à la fois pratique et économique3. À défaut d’entente entre les parties, une demande devra être soumise au tribunal qui décidera en tenant compte des circonstances de l’affaire, de la nature de l’interrogatoire, de la fi abilité du moyen proposé et des installations disponibles. L’utilisation de tels moyens technolo-giques semble d’ailleurs la règle en ce qui a trait aux témoins résidant dans d’autres pro-vinces qui seront interrogés à distance4.

1. Règlement de procédure civile, RLRQ, c. C-25, r. 11.2. Art. 18 C.p.c. (2014)3. Arsenault c. Turcotte, 2007 QCCS 454, [2007] J.Q. no 799; Maskatel Inc. c. Télécom

Québec Inc., 2006 QCCS 5403, [2006] J.Q. no 13491; Gameday Leadership Management Consultants Inc. c. Kirdy, 2012 QCCS 6211.

4. Art. 497 C.p.c. (2014).

E. Engagements souscrits lors d’un interrogatoire

1. Obligation du témoin

28. Principe – Il arrive fréquemment lors d’un interrogatoire que le témoin prenne l’en-gagement de valider certains éléments ou de fournir des documents requis par la partie adverse1. Le témoin devra alors donner suite à cette promesse sous peine des sanctions prévues par la loi.

L’engagement souscrit par une partie doit être respecté, et ce, même si l’engagement n’a pas été confi rmé par une ordonnance judiciaire. La Cour d’appel a d’ailleurs reconnu la force d’un tel engagement en concluant qu’une partie ne peut exiger d’une autre qu’elle procède conformément à la prochaine étape prévue dans l’entente sur le déroulement de l’instance si elle n’a pas respecté ses propres engagements2.

Le délai de production des engagements souscrits lors d’un interrogatoire préalable à l’ins-truction devrait être prévu au protocole de l’instance3.

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III. Procédure contentieuse

1. Structure Laferté Inc. c. Cosoltec Inc., 2009 QCCS 3326, [2009] J.Q. no 7413, appel accueilli aux seules fi ns de substituer une condamnation en dommages et intérêts à la sanction impo-sée par le juge de première instance, 2010 QCCA 1600, [2010] J.Q. no 8853.

2. Djoufo c. Isabelle, B.E. 2002BE- 912, no AZ- 02019161 (C.A.).3. Art. 148 C.p.c. (2014).

2. Défaut de donner suite

29. Avis de gestion pour forcer la production des engagements – Lorsqu’une partie tarde à fournir les engagements souscrits lors d’un interrogatoire, la partie à l’égard de qui cette promesse fut faite peut s’adresser au tribunal afi n d’obtenir une ordonnance visant à en forcer la communication.

30. Motifs pour refuser de fournir les engagements – La jurisprudence et la doctrine semblent reconnaitre que, bien qu’il eût été préférable que la partie refuse simplement de souscrire à un engagement, elle peut subséquemment refuser d’y donner suite si elle établit, à la satisfaction du tribunal, qu’elle subirait un préjudice en donnant accès au document. Ainsi, le tribunal a libéré une partie de son obligation de transmettre un plan d’affaires confi dentiel1. Il sera également possible pour une partie d’être libérée de ses obligations si elle démontre que ses engagements sont impossibles à tenir2. Nous retenons que le défaut ne doit pas résulter de l’insouciance ou du laxisme de la partie, ou de sa volonté de cacher un document à la partie adverse3.

1. Dimension DPR Inc. c. Promotions A.M. Inc., B.E. 99BE-92, no AZ- 99036045 (C.Q.).2. Pépin c. Banque Laurentienne du Canada, 2005 QCCA 621, [2005] J.Q. no 8198; Gicquel

c. Syndicat des copropriétaires de l’immeuble détenu en copropriété divise, [1996] R.J.Q. 584 (C.A.).

3. Ellesse International Trade c. Groupe Giroux Maçonnex Inc., B.E. 2004BE-60, no AZ- 04019014 (C.A.).

31. Sanction en cas de défaut – Soucieux d’assurer le respect de tels engagements, les tribunaux n’ont pas hésité à sanctionner la partie qui refusait de donner suite aux engage-ments souscrits par elle lors d’un interrogatoire. Dans la mesure où le délai pour fournir les engagements est prévu au protocole, nous présumons que la sanction serait celle résultant du défaut de respecter celui-ci. L’ar ticle 150 C.p.c. (2014) laisse une certaine discrétion au tribunal, mais prévoit, entre autres sanctions, la condamnation aux frais de justice1 enga-gés par l’autre partie. Sous l’ancien Code, les tribunaux avaient recours aux ar ticles 54.3 et 54.4 prévoyant les remèdes en cas d’abus de procédure pour sanctionner le défaut de la partie. Généralement cependant, la sanction était imposée principalement dans les situa-tions où une ordonnance avait déjà été obtenue afi n de contraindre la partie à respecter ses engagements2 et que cette dernière, malgré ce fait, négligeait de s’y conformer. Nous pouvons nous interroger à savoir si, désormais, une telle ordonnance serait nécessaire dans la mesure où le délai de production des engagements est prévu au protocole. En effet, en principe, l’ar ticle 150 du Code oblige les parties à respecter l’entente sous peine de sanction.

La réponse sera possiblement au niveau de la gradation des sanctions. La gravité de la sanction imposée dépendra de divers facteurs, notamment des motifs justifi ant le non-

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respect du protocole, le nombre d’engagements souscrits, la proportion d’engagements fournis par rapport aux engagements souscrits, etc.

1. Art. 339 et suiv. C.p.c. (2014).2. Société Robader Ltée c. Banque Nationale du Canada, [1997] R.J.Q. 2923, [1997]

J.Q. no 3480 (C.A.); Gicquel c. Syndicat des copropriétaires de l’immeuble détenu en copropriété divise, [1996] R.J.Q. 584 (C.A.).

II. INTERROGATOIRE PRÉALABLE À L’AUDITION (art. 221- 230 C.p.c. (2014 C.p.c.)

A. Conditions du droit d’interroger et limites

1. Montant en jeu ou nature du recours

32. Interdiction d’interroger dans des dossiers de moins de 30 000 $ – Lors des modi-fi cations apportées au Code de procédure civile en 2002, le législateur avait choisi d’inter-dire la tenue d’interrogatoires préalables dans des dossiers où la somme réclamée ou la valeur du bien réclamé était inférieure à 25 000 $1. L’ar ticle 229 du Code augmente le seuil monétaire de l’interdiction à 30 000 $. La terminologie employée par le législateur à l’ar-ticle 229 C.p.c. (2014) s’apparente à celle utilisée pour la détermination de la compétence des tribunaux. Il est donc toujours possible de référer à l’interprétation donnée à cet égard afi n de déterminer quels dossiers sont visés par la prohibition de l’ar ticle 229 C.p.c. (2014)2.

1. Art. 396.1 C.p.c. (ancien).2. 9134- 4291 Québec inc. c. Daharpro Construction inc., 2008 QCCA 1224, [2008] J.Q.

no 5772; Tremblay c. Bouchard, 2010 QCCQ 7545, [2010] J.Q. no 8874; Gagnon c. Futuroto inc., 2010 QCCQ 174, [2010] J.Q. no 302; Leblanc c. Allard, J.E. 2004- 1165, [2004] J.Q. no 5746 (C.Q.); Betty c. Re/Max Bois- Francs Inc., 2008 QCCQ 5061, [2008] J.Q. no 5501; Orfanos c. La Capitale, Assurance Générales, B.E. 2005BE- 897, no AZ- 50330049 (C.Q.).

33. Jonctions de plusieurs recours de moins de 30 000 $ – La jonction de plusieurs recours dont la valeur considérée individuellement était inférieure à 25 000 $, mais dont la valeur totale excédait ce montant avait, par le passé, soulevé certaines interrogations1. Nous retenons qu’en l’absence d’indication du législateur à cet effet, il convient toujours de considérer chacun des recours cumulés individuellement pour déterminer le seuil moné-taire pour les fi ns de l’application de l’ar ticle 229 C.p.c. (2014). Cette interprétation s’inscrit dans la logique adoptée par le législateur à l’ar ticle 67 C.p.c. (ancien) pour déterminer la compétence de la cour et reprise par l’ar ticle 35 C.p.c. (2014)2.

1. Crane c. Sécurité nationale, compagnie d’assurance, [2005] R.J.Q. 56, [2004] J.Q. no 13746 (C.A.).

2. Fréchette c. Fréchette, B.E. 2004BE- 1005, no AZ- 50277562 (C.Q.); Hamel c. Dubé, 2013 QCCQ 2363.

34. Amendement – Un amendement ayant pour unique effet de réduire la réclamation en deçà de la limite de 25 000 $ n’a pas été retenu comme un obstacle à la tenue de l’interro-

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III. Procédure contentieuse

gatoire au préalable1. Le même principe devrait s’appliquer à l’ar ticle 229 C.p.c. avec les adaptations nécessaires.

1. Talbot c. 9057- 2041 Québec inc., 2013 QCCS 5337.

35. La jonction d’actions – De la même façon, si le demandeur choisit de joindre deux réclamations distinctes de moins de 30 000 $, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit toujours de deux réclamations et il ne sera pas possible de procéder à des interrogatoires préalables sans contrevenir à l’ar ticle 229 C.p.c. (2014)1.

1. C.N.T. c. Kamal, REJB 2004- 62095 (C.Q.).

36. Demande reconventionnelle – La production d’une demande reconventionnelle supérieure à 30 000 $ aura pour effet d’écarter l’application de l’ar ticle 229 C.p.c. (2014) comme c’était le cas sous l’ancien Code1 permettant, par le fait même, la tenue d’interro-gatoires préalables. Comme c’était le cas antérieurement, une partie ne pourra s’arroger le droit d’interroger au préalable dans un dossier où la réclamation principale est inférieure à 30 000 $ en gonfl ant artifi ciellement une demande reconventionnelle à plus de 30 000 $ simplement pour justifi er sa demande d’interrogatoire2. Il ne sera pas davantage permis d’additionner les montants de la demande principale et ceux de la demande reconvention-nelle afi n d’autoriser la tenue d’un interrogatoire préalable3.

1. Ganin c. 2773821 Canada Inc., 2006 QCCQ 3566, [2006] J.Q. no 3908.2. Centre du Tapis Couture Inc. c. Dufault, J.E. 2004- 937, [2004] J.Q. no 3672 (C.Q.).3. Leblanc c. Allard, J.E. 2004- 1165, [2004] J.Q. no 5746 (C.Q.).

37. Conclusions en dommages accessoires à l’exercice d’un autre recours – Il arrive fréquemment que les conclusions en dommages ne soient en réalité qu’accessoires à l’exer-cice d’un autre recours. La règle est qu’une partie a le droit d’interroger au préalable sous réserve de l’interdiction prévue à l’ar ticle 229 C.p.c. (2014). Cette disposition doit être inter-prétée restrictivement. Ainsi, si la demande de dommages et intérêts s’ajoute à l’exercice d’un autre recours, il y a lieu de permettre la tenue de l’interrogatoire. Cette logique a été appliquée notamment en matière d’injonction1, de passation de titre2 et à des conclusions de nature déclaratoire3 sous l’ancien Code.

1. Syndicat de la copropriété Les Maisons de ville Lebourgneuf c. Royer, 2006 QCCS 2173, [2006] J.Q. no 3761.

2. Philibert c. Première Nation Malécite de Viger, 2007 QCCQ 10488, [2007] J.Q. no 10890.3. Michaud c. Industrielle Alliance, assurances et services fi nanciers Inc., 2008 QCCQ 11383,

[2008] J.Q. no 12823.

38. Impact des intérêts courus – L’expression « somme demandée » que l’on trouve à l’ar ticle 229 C.p.c. (2014) réfère au capital demandé et ne comprend pas les intérêts courus indéterminés, non liquidés ni cristallisés1, ce qui est d’ailleurs conforme à l’ar ticle 35 C.p.c. (2014) qui prévoit que la somme réclamée ne tient pas compte des intérêts.

1. Tremblay c. Bouchard, 2010 QCCQ 7545, [2010] J.Q. no 8874.

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39. Lois particulières – Un interrogatoire préalable pourra cependant être tenu s’il a lieu dans un litige découlant de l’application d’une loi particulière, et ce, même si la valeur réclamée est inférieure à 30 000 $. Ainsi, un tel interrogatoire a notamment été permis dans le cadre de la contestation d’un avis de cotisation intentée devant la Cour du Québec en vertu de la Loi sur le ministère du Revenu1.

1. Srougi c. Québec (Sous- Ministre du Revenu), 2008 QCCQ 2879, [2008] J.Q. no 3300.

40. Interrogatoire écrit – Sous l’ancien Code, les parties ont rapidement examiné la possibilité de recourir à d’autres moyens procéduraux afi n d’obtenir les informations addi-tionnelles sur les faits allégués dans une procédure. La jurisprudence avait reconnu que l’interdiction visée à l’ar ticle 396.1 C.p.c. (ancien) n’empêchait pas la tenue d’un interro-gatoire sur les faits se rapportant au litige en vertu des ar ticles 405 et suivants1.

Nous pouvons nous interroger sur la portée à donner au fait que l’ar ticle 229 du nouveau Code se retrouve dans le chapitre intitulé « Interrogatoire préalable à l’instruction » qui regroupe à la fois l’interrogatoire oral et l’interrogatoire écrit et à l’utilisation par le législa-teur des termes « aucun interrogatoire préalable à l’instruction ». Cette rédaction visait- elle à mettre un terme à la possibilité de procéder à un interrogatoire écrit dans les dossiers de moins de 30 000 $? Une telle conclusion pourrait s’inférer du fait que le législateur n’ait pas indiqué « aucun interrogatoire oral », mais une inférence contraire pourrait également être tirée du fait que l’ar ticle 229 du Code est situé non pas dans les dispositions géné-rales, mais dans la section portant sur l’interrogatoire oral. Il s’agira donc d’une question intéressante à débattre, le cas échéant.

Il est cependant utile de rappeler que l’objectif poursuivi par l’interrogatoire oral diffère considérablement de celui d’un interrogatoire sur les faits en litige, maintenant l’interro-gatoire écrit, le premier ayant un caractère davantage exploratoire alors que le second vise plutôt à obtenir des admissions2.

1. Robillard c. Pedneault, B.E. 2005BE- 999, no AZ- 50332528 (C.Q.).2. Comité paritaire du camionnage du district de Québec c. G. Gagné Transport Inc.,

J.E. 2004- 1384, [2004] J.Q. no 8241 (C.Q.).

41. Assignation en vertu des ar ticles 221 C.p.c. (2014) afi n d’obtenir communica-tion d’un écrit – Dans le cadre d’un litige où la somme demandée ou la valeur du bien réclamé est inférieure à 30 000 $, une partie ne pourrait davantage assigner l’autre partie afi n d’obtenir communication et laisser prendre copie de certains documents en vertu de l’ar ticle 221 C.p.c. (2014), cette disposition faisant partie de la section portant sur les inter-rogatoires préalables et non de celle sur la production de documents. Ainsi, l’ar ticle 229 du Code, comme c’était le cas sous l’ar ticle 396.1 C.p.c. (ancien), semble s’appliquer sans distinction à tout interrogatoire préalable1. Dans la même optique, un tribunal ne pour-rait ordonner la communication de documents demandés lors d’un interrogatoire tenu en contravention avec l’ar ticle 229 C.p.c. (2014)2.

1. Importations Avaco Canada Ltée c. Lisi, J.E. 2005- 1257, [2005] J.Q. no 7184 (C.Q.).2. Hamel c. Dubé, 2013 QCCQ 2363.

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III. Procédure contentieuse

42. Gestion de l’instance. – Compte tenu de la contrainte imposée par l’ar ticle 229 C.p.c. (2014) aux droits d’une partie d’interroger, il sera essentiel dans les dossiers de moins de 30 000 $ de faire bon usage des dispositions du Code en matière de gestion de l’instance1. Ainsi, bien que l’objectif poursuivi par certains moyens préliminaires telles les demandes de précisions2 ou en communication de documents diffèrent de celui de l’interrogatoire avant instruction, il s’agit de précieux instruments afi n d’obtenir d’une partie l’information nécessaire à la défense des droits d’une autre partie. Le protocole de l’instance permet, outre les moyens préliminaires, de prévoir les modalités et les délais de constitution et de communication de la preuve avant l’instruction.

1. Art. 148 C.p.c. (2014).2. Aubin c. Brissette, [1994] R.D.J. 13, [1993] J.Q. no 1201 (C.A.); Giroux c. Truchon, [1994]

R.D.J. 506, [1994] J.Q. no 728 (C.A.); Godin c. Association coopérative des taxis Québec, 2008 QCCS 893, [2008] J.Q. no 1714; Picard c. Hydro- Québec, 2006 QCCS 3806, [2006] J.Q. no 6967; Juneau c. Groupe Promutuel, B.E. 2001BE- 284 (C.S.); Gendron c. CGU Compagnie d’assurances, 2003 CanLII 48821, no AZ- 50179517 (C.Q.); Delisle c. Promutuel- Lévisienne, B.E. 2004BE- 1036, no AZ- 50280276 (C.Q.).

43. Absence de discrétion du tribunal – Comme c’était le cas sous l’ancien Code, le législateur n’a accordé aucune discrétion au tribunal afi n de permettre des interrogatoires dans des dossiers de moins de 30 000 $1.

1. Lavergne c. Lacoste, J.E. 2004- 691, [2004] J.Q. no 3408 (C.Q.); Bienstock c. Candappa, J.E. 2005- 1258, [2005] J.Q. no 6022 (C.Q.).

44. Protocole de l’instance – Le protocole de l’instance devant être soumis à l’approba-tion du tribunal, ce dernier devra normalement en retirer un interrogatoire dont les parties auraient convenu en contravention de l’ar ticle 229 C.p.c. (2014)1. Rappelons qu’il ne saurait y avoir de transaction entre les parties sur une question de procédure2.

1. Fréchette c. Fréchette, B.E. 2004BE- 1005, no AZ- 50277562 (C.Q.); Bienstock c. Candappa, J.E. 2005- 1258, [2005] J.Q. no 6022 (C.Q.).

2. Garage Ste- Sophie inc. c. Belley, [1995] R.D.J. 152, [1994] J.Q. no 2823 (C.Q.); Hamel c. Dubé, 2013 QCCQ 2363.

45. Retrait des notes – Le tribunal pourra également ordonner le retrait des notes sté-nographiques de l’interrogatoire tenu en contravention de l’ar ticle 229 C.p.c. (2014). En effet, permettre la production des notes sténographiques au dossier de la cour revien-drait à cautionner une entente entre les parties qui auraient, malgré l’interdiction de l’ar-ticle 229 C.p.c. (2014), procédé à un interrogatoire, et à les autoriser à faire indirectement ce que le législateur leur a interdit de faire directement1.

Dans la décision Grenier c. 2849- 8541 Québec Inc., le demandeur avait initialement intenté son recours pour une somme de 27 000 $. Il avait été interrogé par le défendeur et, par la suite, avait choisi de réduire sa réclamation à un montant inférieur à 25 000 $. Saisi d’une requête en rejet de la demande basée sur l’ar ticle 75.1 C.p.c. (ancien) au soutien de laquelle était déposée la transcription de l’interrogatoire du demandeur, le tribunal a rejeté la requête au motif qu’il ne pouvait permettre la production des notes sténographiques, lesquelles constituaient, compte tenu du montant du recours, un élément de preuve interdit par la loi.

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1. Bienstock c. Candappa, J.E. 2005- 1258, [2005] J.Q. no 6022 (C.Q.); Grenier c. 2849- 8541 Québec Inc., B.E. 2006BE- 305, no AZ- 50337127 (C.Q.); Québec (Commission des normes du travail) c. Centre de santé et de services sociaux du Lac St- Jean-Est, 2008 QCCQ 168, [2008] J.Q. no 129.

46. Impact du montant du recours et de la nature de celui-ci sur la durée de l’inter-rogatoire – Outre l’interdiction d’interroger dans les dossiers dont la valeur est de moins de 30 000 $, l’ar ticle 229 C.p.c. (2014) pose certaines limites en établissant des durées d’interrogatoire en fonction de la valeur du dossier ou de la nature du recours.

Ainsi, sous réserve de l’approbation du tribunal, un interrogatoire tenu dans un dossier dont la valeur en litige est inférieure à 100 000 $ ne pourra excéder trois heures. Les parties peuvent, en cours d’interrogatoire, convenir de prolonger la durée de trois à quatre heures. La même règle s’applique en matière familiale.

Dans les dossiers dont la valeur est supérieure à 100 000 $, la durée d’interrogatoire est limitée à cinq heures et peut, du consentement des parties pendant l’interrogatoire, être prolongée à sept heures. Toute prolongation au- delà de cette durée nécessitera l’autorisa-tion du tribunal.

Il sera donc important, comme nous le verrons plus loin, d’anticiper la durée de l’interro-gatoire au moment de convenir du protocole de l’instance afi n de solliciter dès ce moment l’autorisation d’interroger pour une durée additionnelle afi n d’éviter des diffi cultés lors de certains interrogatoires.

2. Protocole de l’instance

47. Contenu du protocole de l’instance – Les paramètres des interrogatoires préalables, qu’ils aient lieu avant ou après défense, devront être fi xés dans le cadre du protocole de l’instance. Celui-ci devra normalement indiquer les interrogatoires écrits et oraux à être tenus, leur nécessité, leur nombre et leur durée1. Le protocole devant être approuvé par les tribunaux2, nous présumons que ces derniers seront plus stricts à cet égard, obligeant les procureurs à faire preuve de rigueur lors de la négociation de l’entente.

Le protocole devra nécessairement tenir compte des durées limites prévues par le légis-lateur à l’ar ticle 229 du Code. Il sera donc important de requérir dès ce stade l’autori-sation du tribunal si les parties anticipent, en raison de la nature ou de la complexité du dossier, que les interrogatoires se poursuivront au- delà de la durée prescrite. Nous pouvons présumer que les principes directeurs prévus aux ar ticles 17 et suivants du Code guideront le tribunal dans sa décision d’autoriser des interrogatoires dont la durée excède celle prévue.

Le protocole devrait également indiquer clairement les tiers qui seront interrogés de consentement ou avec l’autorisation du tribunal.

1. Art. 221 et 148 C.p.c. (2014).2. Art. 150 C.p.c. (2014).

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III. Procédure contentieuse

48. Défaut de prévoir un interrogatoire au protocole – Il est parfois diffi cile au début d’un dossier de prévoir avec précision le déroulement de l’instance. Ainsi, si l’interrogatoire d’une partie ou d’un tiers n’a pas été spécifi quement prévu au protocole de l’instance, celui-ci devra être soit modifi é du consentement des parties ou, à défaut, avec l’autorisation du tribunal1. Cette autorisation sera requise si les délais anticipés pour l’interrogatoire excèdent ceux énoncés à l’ar ticle 229 du Code. À cet égard, la demande d’autorisation devra être examinée, comme c’était le cas sous l’ancien Code, à la lumière des principes directeurs, notamment ceux relatifs à la raisonnabilité et à la proportionnalité2. Comme c’était le cas pour le calendrier des échéances sous l’ancien Code, le protocole ne devrait pas être vu comme un « carcan rigide » qui aurait pour effet de faire perdre des droits à une partie3.

L’ar ticle 150 C.p.c. (2014) limite la possibilité pour les parties de modifi er le protocole de consentement aux délais convenus et aux éléments propres à faciliter le déroulement de l’instance. Elles doivent cependant, lorsqu’elles modifi ent le protocole, respecter les déci-sions spécifi ques du tribunal. Il est donc douteux que les parties pourraient de consentement modifi er le protocole afi n de prévoir un nouvel interrogatoire si le juge a limité le nombre d’interrogatoires en vertu des pouvoirs conférés à l’ar ticle 158(3) C.p.c. (2014).

1. Art. 150 C.p.c. (2014); Corporate Assets Inc. c. 9214- 6463, l.p., 2013 QCCA 673, no AZ- 50956278 (C.A.).

2. Art. 17 et suiv. C.p.c. (2014); Croteau c. Ferme Les Deux B. inc., 2011 QCCQ 15729, no AZ- 50818685, [2011] J.Q. no 19268; Staveris c. Kalipolidis, 2007 QCCS 557, [2007] J.Q. no 17857.

3. SSAB Hardox c. McCarthy, 2006 QCCA 152, [2006] J.Q. no 904.

49. Délai pour procéder à un interrogatoire préalable – L’ar ticle 221 C.p.c. (2014) ne fi xe aucun délai pour procéder à un interrogatoire préalable. L’interrogatoire après défense peut techniquement avoir lieu en tout temps avant l’émission du certifi cat d’état de cause1. Par contre, l’ar ticle 221 C.p.c. (2014) spécifi e que les interrogatoires doivent avoir lieu conformément aux conditions prévues au protocole de l’instance.

Ainsi, comme c’était le cas antérieurement, le défaut d’interroger avant le dépôt de l’inscrip-tion et donc à l’intérieur des délais prescrits par le protocole pourrait justifi er le tribunal à refuser l’autorisation d’interroger. Ainsi, le fait qu’un procureur n’avait pas en temps utile demandé de modifi er le protocole ou, à la rigueur, demandé de proroger le délai d’inscrip-tion pour permettre d’interroger, choisissant plutôt de demeurer silencieux, sans manifester son intention d’interroger jusqu’à un mois après l’attestation de dossier complet, a, sous l’ancien Code, mené au refus par le tribunal d’une demande visant à interroger un témoin au préalable2. A contrario, certaines décisions accordent à une partie, malgré son laxisme, le droit d’interroger après l’émission de l’attestation de dossier complet puisque cette auto-risation n’avait pas pour effet de retarder le dossier et que la partie avait manifesté son désir d’interroger dans l’entente sur le déroulement de l’instance même si l’interrogatoire n’avait pas eu lieu dans les délais prescrits3. Également, la substitution de procureurs après la mise en état du dossier a déjà justifi é l’autorisation d’interroger après la mise en état du dossier, d’autant plus que l’interrogatoire ne retardait pas indument la poursuite du dossier 4.

1. Banque Toronto- Dominion c. MacDonald, J.E. 93- 486, [1993] J.Q. no 80 (C.A.).2. Genest c. (Québec) Régie des rentes, J.E. 2005- 352, [2004] J.Q. no 13111 (C.S.).

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3. Rodrigue c. Simard, 2011 QCCS 5836, [2011] J.Q. no 16043; Empire Life Insurance Company c. Thibault, 2010 QCCS 4297, [2010] J.Q. no 9061; Côté c. Maltais, 2009 QCCS 5659, [2009] J.Q. no 15128; Dumont c. Bombardier Inc., B.E. 2005BE- 318, no AZ- 50291457 (C.S.).

4. Naud c. London Life, compagnie d’assurance- vie, 2013 QCCQ 4297, no AZ- 50964134 (C.Q.).

3. Défense orale

50. Interrogatoire au préalable – Comme c’était le cas sous l’ancien Code, il est possible de tenir des interrogatoires préalables à l’instruction quelle que soit la forme de la défense1.

1. Accurso c. Gravel, 2009 QCCS 6443; 9244- 5006 Québec inc. c. Shahak, 2013 QCCS 4916.

4. Règle de la proportionnalité

51. Application systématique – Le principe de proportionnalité édicté à l’ar ticle 18 C.p.c. (2014) doit guider le tribunal dans le cadre de la gestion d’un dossier, notamment en regard des questions soulevées en matière d’interrogatoires préalables. Les tribunaux devront appliquer cette règle de la proportionnalité de façon systématique et évaluer l’impact de leur décision à la lumière de ce principe. La règle de la proportionnalité permettra dans certains cas de limiter le nombre de représentants interrogés ou le nombre d’interrogatoires1 auxquels un témoin devra se soumettre2.

1. Comité de régime de retraite des employées et employés de la Ville de Sherbrooke c. Mercer Consultation en ressources humaines ltée (Mercer (Canada) ltée), 2011 QCCS 5403, [2011] J.Q. no 14789.

2. Québec (Procureur général) c. Couvertures Victo inc., 2010 QCCS 5722, [2010] J.Q. no 12196.

52. Les moyens fi nanciers des parties – Les enjeux de nature fi nancière sont souvent au centre des débats lorsqu’il est question de l’application du principe de la proportionnalité. Il ne s’agit cependant pas du seul critère. Que les parties aient des ressources extraordinaires ou qu’elles ne disposent pas de ressources suffi santes ne justifi e pas, dans un cas comme dans l’autre, le tribunal à faire abstraction de l’application du principe de proportionnalité1, et ce, même si l’ar ticle 18 C.p.c. (2014) tient compte des coûts pour évaluer la proportionnalité.

1. Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI- MacDonald Corp., 2006 QCCS 7251, [2006] J.Q. no 16727.

53. Utilisation des ressources judiciaires – Un autre critère considéré lors de l’applica-tion du principe de proportionnalité sera l’impact de la décision sur l’ensemble du système judiciaire et son accessibilité pour les justiciables1.

1. Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI- MacDonald Corp., 2006 QCCS 7251, [2006] J.Q. no 16727.

54. Possibilité pour le tribunal de mettre un terme à l’interrogatoire – Comme c’était le cas en vertu de l’ar ticle 396.4 C.p.c. (ancien), l’ar ticle 230 C.p.c. (2014) permet au tribunal de mettre un terme à un interrogatoire préalable s’il le juge à propos. Cette disposition est

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III. Procédure contentieuse

une illustration du principe de la proportionnalité. En effet, le simple fait de se voir conférer le droit d’interroger ne saurait justifi er des interrogatoires interminables entrainant délais, coûts et multiples objections, lesquelles devront ultimement être tranchées par le tribunal. L’interrogatoire doit viser à favoriser l’avancement du dossier et non à en retarder la bonne marche1. Ainsi, le tribunal pourra, sur demande, mettre fi n à un interrogatoire qui lui paraît abusif 2. Ce caractère abusif pourra notamment s’inférer de la durée de l’interrogatoire, du nombre d’objections soulevées, de la quantité d’engagements requis, etc. Dans l’affaire Parsons c. Communimed3, le tribunal n’a pas hésité à mettre un terme à l’interrogatoire, étant d’avis que la liste des documents requis était clairement hors proportion avec la nature du litige, que les questions posées étaient en grande majorité inutiles et abusives et qu’elles débordaient clairement du cadre du litige, suscitant de multiples objections. Soulignons que l’ar ticle 45.1 du Règlement de procédure civile de la Cour supérieure4 permet à un sténographe de suspendre un interrogatoire préalable pour obtenir des directives du juge s’il est d’avis qu’il y a non- respect du témoin.

1. Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI- MacDonald Corp., [2006] QCCS 7251, [2006] J.Q. no 16727.

2. Art. 396.4 C.p.c.; Érablière DP inc. c. Fédération des producteurs acéricoles du Québec, 2011 QCCS 4307, [2011] J.Q. no 10997.

3. Parsons c. Communimed Inc., J.E. 2005- 1042, [2005] J.Q. no 3944 (C.Q.).4. RLRQ, c. C-25, r. 8.

B. Convocation et formalités

1. Assignation

55. Assignation – L’ar ticle 226 C.p.c. (2014) prévoit que la partie qui entend procéder à un interrogatoire préalable à l’instruction doit informer le témoin au moins cinq jours à l’avance en lui précisant la raison de sa convocation ainsi que la nature, l’objet, le moment et le lieu de l’interrogatoire. Si l’interrogatoire ne peut être fi xé de consentement, le témoin devra alors être cité à comparaître, la citation devant être signifi ée au moins cinq jours avant la date prévue de l’interrogatoire. Rappelons qu’en vertu de l’ar ticle 273 C.p.c. (2014), la partie qui convoque une partie n’a plus à avancer les frais contrairement à la situation qui prévalait anciennement1.

1. Foh c. Sundang, (1992) R.D.J. 620, (1992) J. Q. no 1044 (C.A.).

56. Lieu – L’interrogatoire pourra avoir lieu au palais de justice ou au bureau de l’un des avocats.

C. Qui peut être interrogé?

1. Parties

57. Identifi cation du témoin – En principe, il appartient à la partie qui interroge d’iden-tifi er le témoin qu’elle souhaite interroger. En effet, comme le rappelait le juge Dalphond,

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« [l]’examen au préalable est une procédure à la disposition et sous le contrôle de la partie qui décide de s’en prévaloir et non de la partie adverse »1. Ce choix est cependant sujet à contestation par la partie adverse qui pourra soumettre la question au tribunal par voie de requête en cassation de subpoena2 ou en soulevant une objection à la tenue de l’interroga-toire3. Le désaccord des parties quant à l’identité du témoin à interroger pourrait à notre avis être tranché soit au stade de la négociation du protocole de l’instance, soit par le juge avant la tenue de l’interrogatoire en application de l’ar ticle 228 C.p.c. (2014).

1. Labarre c. Spiro Mega Inc., J.E. 2000- 319, [1999] J.Q. no 4690 (C.S.).2. Mitchell c. Future Electronics Inc., B.E. 2005BE- 896, no AZ- 50326759 (C.S.).3. Kowarsky c. Québec (Procureur général), [1984] R.D.J. 167 (C.S.).

58. Représentant de l’État – Lorsque l’État est impliqué dans un litige, un représen-tant pourra être soumis à un interrogatoire. Par contre, l’État a le privilège de désigner son représentant pour les fi ns de l’interrogatoire. Une partie insatisfaite du représentant ainsi désigné pourra s’adresser au tribunal si elle estime qu’une autre personne devrait être interrogée afi n d’éviter que son droit d’interroger soit lésé, notamment si la personne interrogée s’est avérée non informée ou incapable de s’informer1.

1. Olymel S.E.C. c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2013 QCCS 5275; Festival Canadien des Films du Monde c. Téléfilm Canada, J.E. 2006- 973, [2006] J.Q. no 2791 (C.S.).

59. Personne morale – Si la partie est une personne morale, ce sont normalement les administrateurs ou les dirigeants de l’entreprise qui seront interrogés1.

1. Labarre c. Spiro Mega Inc., J.E. 2000- 319, [1999] J.Q. no 4690 (C.A.).

60. Mineur ou majeur inapte – Un mineur pourra être contraignable pour les fi ns d’un interrogatoire sous réserve des dispositions des ar ticles 160, 290 et 291 C.p.c. (2014). Ainsi, le juge pourrait ordonner que le mineur soit représenté pour les fi ns de l’inter-rogatoire, que l’interrogatoire se tienne hors la présence des parties ou en présence du juge1. L’ar ticle 221 C.p.c. (2014) prévoit toutefois que dans le cas du mineur ainsi que dans celui du majeur inapte, l’autorisation du tribunal sera requise pour procéder à un tel interrogatoire.

1. King Ruel c. Centre de ski Le Relais (1988) Inc., [1994] R.D.J. 618, [1994] J.Q. no 897 (C.A.).

61. Recours en garantie ou l’intervenant – La notion de partie sera interprétée restric-tivement. Ainsi, la partie appelée en garantie dans un litige sera considérée comme un tiers par rapport au dossier principal et une demande d’interrogatoire ne sera autorisée que dans la mesure où elle respecte les principes établis par les tribunaux pour autoriser un tel interrogatoire1. Il en va autrement de la partie mise en cause dont les droits sont susceptibles d’être affectés par le recours principal2.

1. Hôtel Motel Du Pignon Inc. c. Saint- Apollinaire (Municipalité de), B.E. 2005BE- 548, no AZ- 50301395 (C.S.).

2. Girafe Santé Inc c. Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, 2011 QCCA 218; 3093- 9920 Québec inc. c. Métro Richelieu inc. 2014 QCCS 2183.

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III. Procédure contentieuse

62. Droit d’interroger le représentant – L’ar ticle 587 C.p.c. (2014) en matière d’action col-lective fait l’objet de commentaires dans un autre fascicule du JurisClasseur Québec1. Nous ne nous y attarderons pas si ce n’est que pour rappeler que cette disposition, comme c’était le cas sous l’ancien Code, restreint le droit des défendeurs d’interroger avant défense en permettant uniquement l’interrogatoire du représentant ou de l’intervenant, à moins d’une permission du tribunal. L’utilisation par le législateur du terme « interrogatoire préalable » vient étendre l’application de l’ar ticle 587 du Code tant à l’interrogatoire oral qu’à l’interrogatoire écrit.

1. Mathieu BOUCHARD, « Action collective – Avis, déroulement, jugement et mesures d’exécution », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Procédure civile II, 2e éd., fasc. 22, Mont réal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles.

63. Critère pour l’autorisation – Le tribunal autorisera l’interrogatoire d’un membre autre que le représentant ou l’intervenant s’il considère que cet interrogatoire sera utile à l’adjudication des questions de droit ou de fait traitées collectivement1. Ainsi, l’autorisation d’interroger certains membres du groupe sera refusée s’il appert que les témoins identi-fi és auraient un intérêt qui, en partie, serait opposé à celui des autres membres du groupe. Dans son évaluation de l’utilité de l’interrogatoire, la cour devra notamment s’assurer que l’interrogatoire requis pourra servir « à vérifi er la preuve des faits en possession de la partie adverse ou à obtenir des admissions pouvant éventuellement lier les demandeurs »2.

1. Art. 587 C.p.c. (2014).2. Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI- MacDonald Corp., 2006 QCCS 7251,

[2006] J.Q. no 16727; Pellemans c. Lacroix, 2008 QCCS 1967, [2008] J.Q. no 4054.

64. Absence d’interrogatoire préalable dans le contexte d’une demande en autorisa-tion – L’interrogatoire préalable prévu à l’ar ticle 221 C.p.c. (2014) s’applique en principe dans le contexte de l’instruction au fond d’une audience basée sur une demande introductive d’instance, ce qui n’est manifestement pas le cas d’une demande en autorisation. La pro-cédure d’autorisation n’étant pas substantiellement modifi ée par le Code, nous présumons que les tribunaux continueront à appliquer les mêmes principes. Or, il a été décidé que permettre un tel interrogatoire à ce stade des procédures irait à l’encontre de la volonté du législateur qui a choisi d’abolir l’exigence voulant que la requête en autorisation soit accompagnée d’un affi davit dans le but d’alléger son traitement. À défaut d’avoir un droit automatique à l’interrogatoire préalable en matière d’autorisation, il a toutefois été reconnu qu’il était possible de requérir la permission du juge pour interroger afi n de permettre la présentation d’une preuve appropriée au stade du recours collectif1.

1. Marcotte c. Banque de Mont réal, [2008] R.J.Q. 1735, [2008] J.Q. no 8216 (C.S.).

2. Représentant, agent ou employé

65. Interprétation de l’expression « agent ou employé » – La notion d’agent ou d’employé implique que cette personne a autorité ou, à tout le moins, la capacité « d’engendrer des relations légales entre tierces parties et la personne qui occupe la position de principal »1.

1. 9009- 1356 Québec Inc. c. Métivier, 2001 CanLII 9251, no AZ- 50102956 (C.S.); Hervé Houde Ltée c. Corporation de l’Hôpital St- François D’Assise, [1975] C.S. 362, [1975] J.Q. no 48.

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66. Conseiller municipal – Un conseiller municipal ne sera pas considéré comme l’em-ployé de la municipalité. À moins de consentement, il faudra donc demander la permission du tribunal pour interroger ce témoin1. Toutefois, le maire ou la mairesse sera considéré(e) comme l’« agent » de la municipalité2.

1. Girard c. Saguenay (Ville de), B.E. 2003BE- 473, no AZ- 50161872 (C.S.).2. Pascan Aviation inc. c. Développement de l’aéroport St- Hubert de Longueuil, 2011 QCCS

6032, no AZ- 50805311, [2011] J.Q. no 16647.

67. Ancien employé – Le droit d’interroger une partie sous l’ar ticle 221 C.p.c. (2014) est automatique dans la mesure où la personne citée pour l’interrogatoire en est une qui représente la partie adverse et qui est contraignable1. Or, dans certaines circonstances, la personne la mieux à même d’éclairer les parties sur les faits en litige est en réalité un ancien employé de l’entreprise. Les circonstances entourant le départ de l’employé peuvent subjectivement susciter certaines craintes de la part de l’ex- employeur relative-ment à cet interrogatoire. Malgré cela, le fait que la personne ne soit plus à son emploi ne saurait justifi er une partie à requérir la cassation d’une citation à comparaître. Par contre, s’il devient évident que le témoin tente de favoriser la partie qui l’interroge, il sera possible d’invoquer les dispositions des ar ticles 280 et suivants C.p.c. (2014). Conclure autrement reviendrait à présumer que l’ex- employé ne dira pas la vérité même s’il est sous serment2.

1. Consultants en taxes de vente Inc. (Les) c. Westburne Industrial Enterprises Ltd, 2003 CanLII 23241, no AZ- 50163741 (C.S.).

2. Gestion Charles Clément Ltée c. Betcon, B.E. 2002BE- 707, no AZ- 50136643 (C.S.).

68. Expert et expert en sinistre – L’expert mandaté par une partie pour les fi ns d’un dossier sera considéré comme un agent de la partie pour les fi ns de l’interrogatoire. Il ne sera donc pas nécessaire d’obtenir l’autorisation du tribunal pour encadrer la tenue de cet interrogatoire1 en l’absence de consentement. Le même raisonnement s’applique à l’inter-rogatoire d’un expert en sinistre2. Par contre, l’interrogatoire ne pourra porter que sur les constatations factuelles de l’expert et non sur ses conclusions3. Un employé de la partie qui a également un statut de professionnel, tel un ingénieur, pourra être interrogé4.

1. Royal & Sun Alliance du Canada c. Isolation C.T.L. Inc., 2007 QCCS 115, [2007] J.Q. no 262; La Mauricienne Société mutuelle d’assurance générale c. Gaston Brouillette Inc., REJB 1999- 11782 (C.S.).

2. Boiler Inspection and Insurance Co of Canada c. St- Louis de France, J.E. 93- 1869, [1993] J.Q. no 2022 (C.A.).

3. La Mauricienne, Société mutuelle d’assurance générale c. Gaston Brouillette Inc., REJB 1999- 11782 (C.S.); Prelco inc. c. 63362222 Canada inc. (Le Groupe Créatech), 2012 QCCS 5367, [2012] J.Q. no 11258.

4. Vachon c. Mont réal (Ville de), B.E. 99BE- 638, no AZ- 99026328 (C.S.).

3. Toute autre partie

69. Toute autre partie – Le législateur a prévu la possibilité, à l’ar ticle 221 C.p.c. (2014), d’interroger « les parties ». Cette expression permet notamment aux défendeurs de s’inter-

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III. Procédure contentieuse

roger mutuellement1. Par contre, il ne sera pas permis au demandeur d’interroger un inter-venant avec qui il a des intérêts communs2.

1. 862952 Ontario Ltd c. Gatineau (Ville de), 2008 QCCS 4034, [2008] J.Q. no 8494.2. Société d’énergie Foster Wheeler Ltée c. Société intermunicipale de gestion et d’élimina-

tion des déchets Inc., B.E. 2000BE- 445, no AZ- 00026214 (C.S.).

70. Recours en garantie – L’expression « les parties » réfère aux parties impliquées dans l’action principale et non celles dans un recours en garantie1. La mise en cause dont les droits sont susceptibles d’être affectés directement par le recours principal est assimilée à une partie2.

1. Hotel Motel du Pignon c. St- Apollinaire (Municipalité de), B.E. 2005BE 548, no AZ- 50301395 (C.S.); Banque Nationale c. Hamelin, J.E. 93- 8066 (C.S.).

2. Girafe Santé Inc c. Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, 2011 QCCA 218; 3093- 9920 Québec inc. c. Métro Richelieu inc. 2014 QCCS 2183.

4. Dans une action en responsabilité, la victime et toute personne impliquée dans la commission du fait générateur du préjudice

71. Qui est visé? – Conscient de la réalité de certains dossiers en responsabilité civile, le législateur a choisi de ne pas limiter le droit d’interroger aux seules parties. En guise d’exemple, la victime peut parfois ne pas être la partie demanderesse. Songeons à un recours en responsabilité intenté par un entrepreneur qui soutient avoir subi une perte à la suite de l’incendie dont fut victime un sous- traitant. Dans ce cas, l’interrogatoire du sous- traitant pourrait être permis. De plus, un simple témoin qui a pris part au fait préjudiciable pourrait être interrogé même s’il n’est pas l’auteur de la faute1. En principe, la participation active de ce témoin au fait fautif devrait être alléguée aux procédures2. Notons le remplace-ment de l’expression « commission du fait préjudiciable » que l’on retrouvait sous l’ancien Code par « fait générateur du préjudice ».

1. Fournier c. Clément, [2006] R.J.Q. 1351, [2006] J.Q. no 4865 (C.A.).2. Acadia Subaru c. Michaud, 2012 QCCS 5669, [2012] J.Q. no 12805; Groupe Enico inc. c.

Agence du revenu du Québec, 2012 QCCS 6987.

5. Personne au nom de qui une partie agit comme administrateur du bien d’autrui, prête- nom, à titre de subrogé ou de cessionnaire

72. Objectif – Cette disposition vise à étendre le droit d’interroger non seulement au demandeur lui- même, mais également à la personne au nom de qui le demandeur agit, laquelle est généralement celle qui est la plus au courant des faits du dossier. Songeons au seul actionnaire et administrateur d’une société faillie lorsqu’un recours est intenté par un syndic ou à l’assuré dans le cadre de l’exercice d’un recours subrogatoire par l’assureur1.

1. Merrill Lynch Canada Inc. c. Richter & associés Inc., [2000] J.Q. no 3754 (C.A.).

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Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction

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6. Tiers

73. Droit d’exception – Le droit d’interroger un tiers au préalable est un droit d’excep-tion puisque, rappelons-le, le principe veut qu’un témoin soit entendu devant le tribunal1. L’ar ticle 221 C.p.c. (2014) prévoit maintenant la possibilité d’interroger un tiers sans qu’il soit nécessaire d’obtenir la permission du tribunal lorsque le tiers et les autres parties y consentent. En l’absence de consentement, l’autorisation du tribunal demeure requise. Le tribunal jouit cependant d’une grande discrétion à cet égard.

1. Allstate Insurance c. Sarrieu, [1986] R.D.J. 457, [1986] J.Q. no 1213 (C.A.); Tessier c. Société Radio- Canada, B.E. 2001BE-5, no AZ- 01026005 (C.S.); Alumico Architectural inc. c. Hydro- Québec, 2011 QCCS 2892, [2011] J.Q. no 6911; Acadia Subaru c. Michaud, 2012 QCCS 5669, [2012] J.Q. no 12805.

74. Fardeau de la preuve – Même si les tribunaux interprètent largement les dispositions permettant d’interroger un tiers, il appartiendra à la partie qui demande la permission d’interroger de démontrer, à la satisfaction du tribunal, que le tiers peut fournir des ren-seignements utiles et pertinents et qu’il est nécessaire de l’interroger au préalable pour les obtenir1. Pour ce faire, il sera nécessaire d’alléguer les raisons justifi ant le tribunal d’exercer cette discrétion2. Une partie ne pourrait se limiter à alléguer que le tiers est au courant de certains faits et qu’elle a intérêt à l’interroger.

1. Pascan Aviation inc. c. Développement de l’aéroport de St- Hubert de Longueuil, 2011 QCCS 6032, [2011] J.Q. no 16647; Promutuel Haut St- Laurent, Société Mutuelle d’assu-rances générales c. Desjardins, 2011 QCCS 5534, [2011] J.Q. no 15218.

2. Steinberg Inc. c. Lamat Investment Inc., J.E. 89- 1620, [1989] J.Q. no 1879 (C.A.); Hôtel de la Grande- Allée Inc. c. Canada Permanent Trust Company, [1985] R.D.J. 608, [1985] J.Q. no 592 (C.A.); Atelier d’usinage G.D. Inc. c. Produits d’énergie du Canada Inc., [1994] R.D.J. 172, [1993] J.Q. no 2254 (C.A.); Couture c. Cantin, [1993] R.D.J. 229, [1992] J.Q. no 2002 (C.A.); National Bank of Greece c. Maris, 2007 QCCS 334, [2007] J.Q. no 651; Lazaro c. Parc six fl ags Mont réal Inc., 2006 QCCQ 6919, [2006] J.Q. no 7237; Valois c. Lafl eur, no AZ- 50159206 (C.S.); Investissements André et Yvon Dupuis Ltée c. General Accident compagnie d’assurance du Canada, J.E. 95- 1060, [1995] J.Q. no 3448 (C.S.); Raffi ani c. Mailhot, J.E. 85- 865, [1985] J.Q. no 614 (C.S.); 9149- 9442 Québec inc. c. 9252- 4396 Québec inc., 2013 QCCS 1079.

75. Nécessité d’obtenir l’autorisation du tribunal – La protection de la vie privée demeure l’une des pierres angulaires de notre système judiciaire. À moins d’y consentir, une personne ne pourra être contrainte de révéler des informations ou de communiquer des documents que si la loi l’exige ou si un tribunal l’ordonne. Ainsi, l’avocat ne pourra pas simplement procéder par subpoena pour contraindre un tiers à lui communiquer des documents sans avoir obtenu, a priori, son consentement ou l’autorisation du tribunal1. La partie qui souhaite interroger un tiers pour obtenir la communication de documents devra aussi, en l’absence de consentement du témoin et des autres parties, obtenir l’intervention préalable du tribunal pour que ce dernier s’assure que cette demande se limite à ce qui est pertinent et nécessaire.

1. Art. 221 in fi ne C.p.c. (2014), Migaszewski c. 9092- 98960 Québec Inc., 2008 QCCS 5008, [2008] J.Q. no 10658; McCue c. Younes, J.E. 2002- 2128, [2002] J.Q. no 9277 (C.S.).

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III. Procédure contentieuse

76. Contenu de la demande pour permission d’interroger – La partie qui requiert l’autorisation du tribunal afi n d’interroger un tiers hors cour se doit d’alléguer les motifs justifi ant de déroger au principe suivant lequel les témoins sont interrogés lors du procès. Ces motifs serviront d’appui au tribunal appelé à exercer sa discrétion afi n d’analyser l’utilité de l’interrogatoire et, plus particulièrement, en quoi il est nécessaire afi n d’obte-nir l’information recherchée1. En guise d’exemple, l’interrogatoire d’un témoin fut permis parce que la partie n’était pas en mesure de témoigner sur les circonstances de l’accident2.

1. Rousseau c. Optimum Assurances Agricole Inc., J.E. 2005- 1867, [2005] J.Q. no 5959 (C.S.); 9022- 9444 Québec Inc. c. Compagnie d’assurance Transamérica du Canada, [2000] R.R.A. 519, [2000] J.Q. no 7209 (C.S.).

2. Longpré c. Ferme A & A Lachance Enr., B.E. 2004BE- 575, REJB 2004- 61043, [2004] J.Q. no 4794 (C.S.).

77. Protocole de l’instance – L’interrogatoire du tiers doit normalement être prévu au protocole de l’instance. Si, nous l’avons vu, les parties peuvent convenir de modifi er le protocole de l’instance afi n de faciliter le déroulement de l’instance, nous ne croyons pas qu’une telle modifi cation puisse aller à l’encontre d’une décision spécifi que du tribunal rendue en vertu de l’ar ticle 158 du Code. Ainsi, si le juge a fi xé les conditions des interroga-toires préalables ou en a limité le nombre, nous sommes d’avis que les parties ne pourraient modifi er le protocole de l’instance pour prévoir l’interrogatoire d’un tiers. L’autorisation du tribunal serait alors requise conformément à l’ar ticle 150 C.p.c. (2014).

78. Avant la déclaration commune – À moins que la partie ne soit en mesure de justifi er son retard, la permission d’interroger un tiers ne sera pas accordée, en principe, si elle est présentée après la mise en état du dossier1.

1. Rousseau c. Optimum Assurances Agricole Inc., J.E. 2005- 1867, [2005] J.Q. no 5959 (C.S.); Thibault c. Turgeon, B.E. 98BE- 1038, no AZ- 98026543 (C.S.).

79. Critères pour obtenir l’autorisation – Le tribunal dispose d’une large discrétion pour examiner les motifs allégués afi n d’obtenir l’autorisation. Il devra être convaincu que la preuve des faits recherchés peut avoir un impact sur l’issue du dossier1.

Rappelons que l’objectif de l’interrogatoire préalable n’est pas de remplacer le procès2. Il faut également préciser que les faits allégués peuvent reposer sur le témoignage de per-sonnes autres que le demandeur lui- même. Cela ne justifi e cependant pas d’interroger au préalable tous ces témoins. Le tribunal n’hésitera donc pas à refuser une permission d’interroger un tiers si le but poursuivi de la demande est simplement d’obtenir un moyen de preuve plutôt que la découverte des faits3. La seule pertinence de l’information recher-chée n’est pas un élément suffi sant en soi pour justifi er la permission d’interroger. Encore faut-il que l’information ne puisse être obtenue directement des parties elles- mêmes4. La demande sera également refusée si le seul objectif consiste à attaquer la crédibilité d’une partie5. Par contre, il peut exister des circonstances où le rôle joué par le tiers est tellement important que cela justifi e qu’il soit interrogé avant la partie elle- même6.

1. Groupe Enico inc. c. Agence du revenu du Québec, 2012 QCCS 6987.2. Fillion c. Charbonneau, no AZ- 50177784, [2003] J.Q. no 6560 (C.S.).

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Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction

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3. 9022- 9444 Québec Inc. c. Compagnie d’assurance Transamérica du Canada, [2000] R.R.A. 519, [2000] J.Q. no 7209 (C.S.).

4. Brodeur c. Lévesque, 2013 QCCQ 11522.5. Tessier c. Société Radio- Canada, no AZ- 01026005 (C.S.); Mylonopoulos c. Stamatopoulos,

B.E. 2005BE- 504, no AZ- 50312746 (C.S.).6. Lessard c. Financière GMSL inc., 2011 QCCS 4470, [2011] J.Q. no 11305; Szpiro c. Gigante,

2012 QCCS 6081.

80. Conditions de l’interrogatoire – Le législateur a accordé à l’ar ticle 158(3) C.p.c. (2014) le pouvoir au tribunal de fi xer les conditions d’un interrogatoire. Les ar ticles 397 et 398 C.p.c. (ancien) prévoyaient également que le tribunal autorise l’interrogatoire d’un tiers « aux condi-tions qu’il détermine ». Bien que la notion de « conditions » puisse être interprétée comme permettant au tribunal de circonscrire les sujets abordés lors de l’interrogatoire du tiers, il ressort du contexte que les conditions sont essentiellement des conditions matérielles, tels le lieu, la durée, les frais, l’éloignement du témoin ou des circonstances d’ordre médical1.

1. Delisle c. Cossette, 2002 CanLII 23221, no AZ- 50148932 (C.S.).

81. Expert – Il est parfois utile de procéder à l’interrogatoire d’un expert qui n’est pas l’expert mandaté par une partie, mais un tiers qui, de par sa profession, a été amené à faire certaines constatations ou à préparer un rapport. Ainsi, un expert pourrait posséder des informations sur l’état d’un immeuble ou sur la nature de travaux réalisés. Tout comme l’expert de la partie, le tiers- expert sera contraignable pour témoigner sur les faits à sa connaissance personnelle ou pour donner communication des documents consultés pour fi ns de la préparation de son rapport1. Il ne pourra cependant être contraint de produire son rapport, de faire état des étapes de son enquête ou de donner son opinion2, l’objectif n’étant pas d’établir le bien- fondé de son opinion.

1. Compagnie d’assurance Allianz du Canada c. Bourdages, B.E. 2000BE- 219, no AZ- 00026094 (C.S.); Citadelle Compagnie d’Assurance c. Normand, J.E. 2003- 118, [2002] J.Q. no 5456 (C.S.).

2. Fulton c. Reinblatt, J.E. 2003- 1377, [2003] J.Q. no 5591 (C.S.); L’Ancienne- Lorette (Ville de) c. Drolet Zérounian, architectes s.e.n.c., J.E. 2002- 307, no AZ- 50110433 (C.S.).

82. Communication de documents – Il est possible de requérir d’un tiers la communi-cation de documents lors de son interrogatoire. Par contre, les tribunaux font preuve de réticence lorsqu’il est question d’exiger d’un tiers qu’il procède à un travail d’analyse ou à la confection d’un document qui n’existe pas ou à tout le moins pas dans la forme demandée1.

1. Commission scolaire des Affl uents c. Québec (Commission des droits de la personne), 2006 QCCA 81, [2006] J.Q. no 479; Mutuelle du Canada c. Compagnie d’Assurance- Vie Manufacturers, [1987] R.D.J. 192, [1987] J.Q. no 286 (C.A.).

83. Représentation du tiers lors de l’interrogatoire – Le tiers qui est interrogé pourra être assisté par un procureur. Ce dernier ne pourra toutefois pas représenter le témoin ou intervenir durant l’interrogatoire. Il ne pourra pas en principe s’objecter aux questions posées au témoin. La seule exception que semblent envisager les tribunaux serait celle où le témoin voudrait soulever un privilège prévu par la loi et qu’il ne peut le faire lui- même. Le procureur représentant le témoin ne pourra pas non plus poser de questions à

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III. Procédure contentieuse

son client1. Les problèmes de cette nature gagneraient également à être soumis à un juge avant le début de l’interrogatoire.

1. Landry c. Québec (Sous- ministre du Revenu), 2008 QCCQ 1159, [2008] J.Q. no 1572.

7. Possibilité de réinterroger un témoin qui a déjà été interrogé

84. Principe – L’autorisation du tribunal sera, à moins que les parties n’y consentent, requise pour pouvoir réinterroger un témoin qui a déjà été interrogé.

85. Production de nouvelles pièces – La production d’un rapport d’expertise supplémen-taire ou de nouvelles pièces constitue une preuve nouvelle pouvant justifi er la tenue d’un nouvel interrogatoire de la partie qui le produit1.

1. Lavoie c. Gaudreault, 2008 QCCS 3240, [2008] J.Q. no 6787.

8. Possibilité d’interroger plus d’une personne

86. Interrogatoire de plus d’un représentant d’une partie – Une partie peut interro-ger plus d’un représentant d’une partie si elle démontre que les faits sont connus par plus d’une personne et qu’elle établit la nécessité de procéder à un tel interrogatoire1. Ce sera notamment le cas lorsque plusieurs employés sont au courant des faits. Cette démarche n’est pas soumise à une autorisation préalable à moins que l’autre partie ne s’y objecte2. En principe, le fait que plus d’un témoin soit interrogé devrait être mentionné au protocole.

Si la demande d’interroger plus d’un représentant est contestée, le fardeau de la preuve reposera sur les épaules de celui qui réclame le droit d’interroger une autre personne. Il lui faudra établir la nécessité de procéder à un autre interrogatoire et alléguer les faits qui le justifi ent. La règle de la proportionnalité prévue à l’ar ticle 18 C.p.c. (2014) exige cependant de faire preuve de circonspection lorsqu’il est question d’interroger plus d’un représentant d’une partie3. Ainsi, il a été décidé que le fait qu’un témoin dont l’interrogatoire n’est pas terminé prend sa retraite ne justifi e pas d’interroger un autre représentant de la partie4.

Le juge de première instance dispose d’une grande discrétion lorsque vient le moment d’autoriser l’interrogatoire de plus d’un représentant d’une partie5. Ainsi, afi n d’éviter de déplacer inutilement un nombre important de témoins, les tribunaux peuvent permettre au représentant d’une partie qui est interrogé de témoigner sur certains faits qui ne sont pas à sa connaissance personnelle, mais sur lesquels d’autres employés pourraient témoigner. Songeons à un représentant d’un assureur qui ferait état des notes au dossier inscrites par d’autres employés6 ou aux notes du personnel infi rmier dans un dossier médical.

Nous pouvons également nous interroger relativement à l’impact du fait que plus d’un témoin représentant une partie soit interrogé sur la durée de l’interrogatoire de chacun. Le délai prévu à l’ar ticle 229 C.p.c. (2014) semble viser chaque interrogatoire individuelle-ment. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une question où le tribunal pourrait exercer le pouvoir de gestion conféré par l’ar ticle 158(3) du Code et autoriser l’interrogatoire de

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Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction

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plus d’un représentant en autant que le temps total d’interrogatoire n’excède pas le temps alloué par le législateur en fonction de la valeur du dossier.

1. Twelve- Fifty Company Ltd. c. Avogesco Inc., 2006 QCCS 5588, [2006] J.Q. no 18883; Gingras c. Centre hospitalier universitaire de Québec, B.E. 2000BE- 220, no AZ- 00026093 (C.S.); Comité du régime de retraite des employées et employés de la Ville de Sher brooke c. Mercer Consultation en ressources humaines ltée (Mercer (Canada) ltée), 2011 QCCS 5403, [2011] J.Q. no 14789; Prelco inc. c. 63362222 Canada inc. (Le Groupe Créatech), 2012 QCCS 5367, [2012] J.Q. no 11258.

2. 9055- 5947 Québec inc. c. Centre de réadaptation de l’Estrie inc., 2012 QCCS 2278, [2012] J.Q. no 4845.

3. National Bank of Greece c. Maris, 2007 QCCS 334, [2007] J.Q. no 651.4. Vennat c. Canada (Procureur général), 2006 QCCS 2691, [2006] J.Q. no 4708.5. Tardif c. Hyundai Motor America, 2005 QCCA 992, [2005] J.Q. no 15573; Rousseau Sauvé

Warren c. Régie des installations olympiques, J.E. 2004- 2041, [2004] J.Q. no 11006 (C.A.).6. Canadian Pacifi c Railway c. Blais, [1969] C.S. 466; Ares c. Venner, [1970] R.C.S. 608.

D. Qui peut interroger?

1. Parties principales

87. Les parties – L’ar ticle 221 C.p.c. ne fait plus la distinction entre l’interrogatoire avant et après défense. Les parties au litige pourront donc procéder à l’interrogatoire au moment prévu au protocole de l’instance. Autrefois, la portée de l’interrogatoire étant différente avant et après défense, la décision d’interroger le demandeur après défense plutôt qu’avant faisait partie de la stratégie du procureur. Puisque l’interrogatoire préalable porte mainte-nant sur tous les faits se rapportant au litige et les éléments de preuve qui le soutiennent, rien, si ce n’est des considérations pratiques, ne justifi erait le défendeur à reporter après défense son interrogatoire du demandeur.

88. Recours en garantie – L’ar ticle 221 C.p.c. (2014) donne le droit aux parties de procéder à des interrogatoires dans le cadre de l’instance. Étant donné que le recours en garantie est distinct de l’instance principale, le défendeur en garantie qui souhaite interroger le demandeur principal devrait en principe requérir l’autorisation du tribunal1. La possibi-lité d’interroger des tiers de consentement évitera en principe des débats à ce niveau, les parties consentant généralement à ce que l’interrogatoire se tienne conjointement dans les deux instances, surtout si celles-ci seront éventuellement réunies pour audition commune, et ce, afi n d’éviter la multiplication des déplacements et des coûts.

1. Stikeman c. Danol Holdings Inc., [1991] R.D.J. 360, [1991] J.Q. no 718 (C.A.); Banque Nationale du Canada c. Hamelin, J.E. 93- 806, [1993] J.Q. no 2557 (C.Q.); Plourde c. Promutuel Rivière-du- Loup, 2013 QCCS 5596.

2. Autres parties

89. Tiers impliqué dans une procédure incidente – L’interrogatoire préalable ne sera pas ouvert à un tiers qui désire contester une requête en cours d’instance, tel le

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III. Procédure contentieuse

saisissant qui souhaiterait contester la requête d’un tiers en opposition à une saisie avant jugement1.

1. A. Amyot et Fils Ltée c. Robillard, B.E. 2001BE- 443, no AZ- 50084783 (C.Q.).

E. Étendue et portée de l’interrogatoire

90. Objectif global – L’interrogatoire préalable vise à permettre à une partie d’obtenir du témoin les éléments nécessaires pour prendre position dans le dossier, limiter les points en litige, et ce, dans l’optique de faire progresser le dossier. Ainsi, l’interrogatoire vise à favoriser la divulgation de la preuve, à explorer la crédibilité des témoins et, potentielle-ment, à obtenir des aveux1.

1. Commercial Union c. Nacan Products Ltd., [1991] R.D.J. 399, [1991] J.Q. no 818 (C.A.).

91. Durée – L’intervention du législateur au niveau de la durée de l’interrogatoire préalable représente un changement important au niveau des interrogatoires préalables à l’instruction puisque antérieurement, la durée des interrogatoires était à la discrétion de la partie qui interrogeait. Les objections sur la pertinence et la possibilité de demander l’intervention du tribunal pour empêcher les abus venaient encadrer indirectement la durée.

L’ar ticle 229 du Code vient maintenant fi xer une durée limite aux interrogatoires, la durée ainsi imposée par le législateur ne pouvant être excédée sans l’autorisation du tribunal.

Ainsi, dans le cas des affaires où la valeur en litige est inférieure à 100 000 $ ou en matière familiale, les interrogatoires ne pourront excéder trois heures, les parties pouvant, en cours d’interrogatoire, prolonger la durée à quatre heures.

Le même principe s’applique aux dossiers où la valeur en litige est supérieure à 100 000 $. La durée d’interrogatoire maximale étant alors de cinq heures et pouvant être prolongée de consentement à sept heures.

Le tribunal pourra, en vertu des pouvoirs conférés à l’ar ticle 158 C.p.c., fi xer d’autres conditions pour les interrogatoires, mais ne devrait pas pouvoir réduire les durées allouées par le législateur.

1. Étendue

92. Portée élargie – Autrefois, l’interrogatoire tenu en vertu de l’ar ticle 397 C.p.c. (ancien) se limitait aux faits se rapportant à la demande1. Cette expression réfère aux faits contenus dans la requête introductive d’instance par opposition à des faits non allégués qui feront l’objet d’allégations éventuelles dans une défense2. Essentiellement, l’interrogatoire avant défense avait pour but de contrôler le bien- fondé de la requête introductive d’instance. Les questions posées devaient être en lien avec les allégations de la demande3. L’interrogatoire après défense portait, quant à lui, sur l’ensemble des faits en litige tels qu’allégués dans les procédures.

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Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction

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En adoptant l’ar ticle 221 C.p.c. (2014), le législateur a fait disparaître cette distinction en prévoyant désormais que l’interrogatoire écrit ou oral portera sur tous les faits pertinents se rapportant au litige et aux éléments de preuve qui les soutiennent. L’interrogatoire permettra également d’obtenir communication d’un document. Ce changement facilitera la gestion effi cace des dossiers, évitant multiples objections sur la portée de l’interro-gatoire.

1. Ramsay c. 9226- 7558 Québec inc., 2013 QCCS 1087.2. Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Banque Royale du Canada, [1993]

R.J.Q. 1072, [1993] J.Q. no 625 (C.A.); La Maritime Compagnie d’Assurance c. Centre du Camion et Ressorts Charland, J.E. 98- 0231, [1997] J.Q. no 4354 (C.A.); Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI- MacDonald Corp., 2006 QCCS 7251, [2006] J.Q. no 16727; Hyman Wienstein c. Swift Canadian Co. Ltd, [1976] C.A. 253, [1976] J.Q. no 173; Scarpelli c. Mont réal Trust, [1975] J.Q. no 25 (C.A.).

3. Sino Publishing House c. Tormont Publications Inc., B.E. 2004BE- 644, no AZ- 04019145 (C.A.).

93. Crédibilité du témoin – L’interrogatoire visera donc à renseigner la partie qui inter-roge sur les faits allégués et à obtenir communication de certains documents. En principe, l’interrogatoire préalable permettra également de vérifi er la crédibilité du témoin en le confrontant par exemple à des déclarations antérieures. Les questions relatives à la crédibi-lité devront cependant être pertinentes et viser une cause de reproche précise dont la partie soupçonne l’existence. Les questions ne pourront avoir pour but d’humilier le témoin1.

1. Fonds d’indemnisation des victimes d’accidents d’automobile c. Agnesi, J.E. 80- 993, no AZ- 80011164 (C.A.).

2. Confi dentialité

94. Confi dentialité d’un interrogatoire – Le caractère exploratoire de l’interrogatoire préalable présuppose un engagement de confi dentialité de la part de ceux qui y assistent. Ainsi, pour reprendre les propos du juge Binnie dans l’arrêt Juman c. Doucette1 :

L’idée générale est que métaphoriquement, tout ce qui est divulgué dans la pièce où se déroule l’interrogatoire préalable reste dans cette pièce, sauf si cela est fi nalement révélé en salle d’audience ou suite à une ordonnance judiciaire. À moins bien entendu que la partie use de sa prérogative lui permettant de produire l’interrogatoire au dossier de la Cour.

En principe, les parties au litige s’engagent donc à ne pas utiliser les documents ou les renseignements obtenus lors de l’interrogatoire à d’autres fi ns que celles de l’instance au cours de laquelle ils ont été recueillis, et ce, même si les informations ne sont pas en soi de nature confi dentielle. L’objectif est donc de limiter à ce stade des procédures l’atteinte à la vie privée en balisant celle-ci à ce qui est nécessaire aux fi ns de la préparation du procès. Rappelons que même si l’ar ticle 228 C.p.c. (2014) impose certaines contraintes au niveau des objections, le témoin pourra refuser de répondre à des questions qui porteraient atteinte à ses droits fondamentaux ou à un intérêt légitime important.

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III. Procédure contentieuse

L’interrogatoire préalable n’étant pas une audience, l’information obtenue lors de celui-ci ne doit pas être communiquée au public ou aux médias à moins que le tribunal n’en décide autrement2. Précisons cependant que cette règle de confi dentialité ne protège que l’information obtenue grâce à l’interrogatoire et non celle qui serait autrement disponible au public. La confi dentialité de l’interrogatoire au préalable empêchera également que son contenu soit utilisé dans une instance criminelle3. Il ne sera donc pas davantage possible, sauf exception, de référer à un interrogatoire tenu dans une autre instance et qui n’aurait pas été déposé4. La nature privée de l’interrogatoire préalable a même été interprétée comme pouvant empêcher le demandeur principal d’assister aux interrogatoires préalables dans l’instance en garantie et de recevoir les documents qui y sont échangés5.

1. Juman c. Doucette, [2008] 1 R.C.S. 157, [2008] A.C.S. no 8.2. Lac de l’Amiante du Québec Ltée c. 2858- 0702 Québec Inc., [2001] 2 R.C.S. 743, [2001]

A.C.S. no 49; Crane c. Sécurité Nationale Compagnie d’Assurance, [2005] R.J.Q. 56, [2004] J.Q. no 13746 (C.A.); Chabot c. Provident Compagnie d’Assurance- Vie, J.E. 2004- 1336, [2004] J.Q. no 6974 (C.S.); Garmaise c. Scotia Capital inc., 2012 QCCS 5946.

3. Bergeron c. Tremblay, 2012 QCCA 1301, no AZ- 50874425, [2012] J.Q. no 6889.4. Grenier c. Arthur, [2001] R.J.Q. 674, [2001] J.Q. no 1170 (C.S.).5. Brochu c. Société des loteries du Québec, 2008 QCCS 132, [2001] J.Q. no 1170.

95. Autorisation du tribunal – L’engagement de confi dentialité est en fait un engagement d’origine judiciaire1. Le tribunal pourra donc, lorsque les circonstances le justifi ent, relever une partie de cet engagement2.

1. Paysystems Corporation c. Pago Etransaction Services, 2008 QCCA 714, [2008] J.Q. no 2915.2. Girard c. Canadian Broadcasting Corp., [2005] R.J.Q. 2937, [2005] J.Q. no 16047 (C.S.).

96. Exclusion des témoins – Le corollaire de cet engagement de confi dentialité est que l’exclusion des témoins pendant l’interrogatoire semble justifi ée1. Une telle demande ne pourra bien entendu s’étendre aux parties2.

1. Immeubles Jutland Ltée c. Da Costa Charron, [1980] R.P. 291, [1980] J.Q. no 149 (C.A.); Poly- Mécanique Inc. c. Groupe Innovation 2000 Inc., J.E. 2003- 570, [2003] J.Q. no 352 (C.Q.).

2. De Stefano c. De Stefano, J.E. 2001- 657 (C.S.).

3. Demande de communication de documents

97. Expédition de pêche et communication d’écrits – L’interrogatoire préalable ne doit pas être vu comme une expédition de pêche1. Les écrits demandés en vertu de l’ar-ticle 221 C.p.c. (2014) devront être « utiles, appropriés et susceptibles de faire progresser le débat »2. La jurisprudence considérait que la demande de communication de documents présentée en vertu de l’ar ticle 398 C.p.c. (ancien) ne devait pas être interprétée comme per-mettant de forcer la partie adverse à dévoiler ses moyens de preuve ou le nom des témoins indépendants3. Ainsi, la liste des documents requis devra être circonscrite, l’objectif n’étant pas de conférer à une partie la possibilité de faire une vérifi cation interne dans les dos-siers de l’autre partie dans le seul but de bonifi er sa position4. Les critères utilisés par les

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tribunaux5 pour déterminer la pertinence d’une question ou d’une demande de documents pouvaient se résumer comme suit :

1) la demande doit se rapporter au litige;2) la divulgation de cette preuve est de nature à faire progresser le débat en mettant à

la portée de celui qui interroge des faits ou des écrits dont il n’a pas déjà connais-sance personnelle ou une possession actuelle;

3) les questions posées et les documents demandés doivent être suffi samment précis pour éviter que la recherche de la preuve ne dégénère en expédition de pêche;

4) dans le cas d’un écrit, qu’il fasse preuve en soi.

Quant à ce dernier critère, nous notons un certain assouplissement depuis l’adoption du Code civil du Québec en 1994 puisque, en guise d’exemple, des rapports contenant à la fois des faits et des analyses peuvent désormais être admis en preuve à certaines conditions6.

L’écrit dont la communication était requise ne devait pas nécessairement émaner du témoin mais devait se rapporter au litige7. Il sera également permis de demander à un témoin, incluant un témoin expert, une copie des documents en sa possession qui ont servi à la préparation d’un autre document8. La notion d’« écrit » est par ailleurs interprétée large-ment et peut même inclure la communication d’une vidéocassette9.

Nous pouvons nous interroger sur l’impact qu’aura l’adoption de l’ar ticle 221 du Code eu égard à la communication des documents. D’une part, l’ar ticle prévoit spécifi quement que le témoin peut être interrogé non seulement sur les faits en litige, mais également sur les moyens de preuve qui les soutiennent. Ce changement au texte pourrait donc permettre de distinguer les décisions qui permettaient de ne pas divulguer un moyen de preuve au stade de l’interrogatoire.

Le législateur a également choisi de parler de la communication d’un document sans reprendre la notion de « se rapportant au litige ». Nous pouvons nous interroger sur la portée de cette modifi cation qui semble inviter à une expédition de pêche dans un contexte où, au surplus, il n’est plus possible d’empêcher la communication d’un document en sou-levant une objection sur la pertinence. Reste à espérer que la durée limitée de certains interrogatoires et la possibilité de mettre un terme à un interrogatoire abusif permettront de contrôler les débordements sinon, les tribunaux risquent d’être rapidement submergés par des objections invoquant les droits fondamentaux ou un intérêt légitime important.

1. Prelco inc. c. 63362222 Canada inc. (Le Groupe Créatech), 2012 QCCS 5367, [2012] J.Q. no 11258; Unique (L’), assurances générales inc. c. Dussault, 2013 QCCS 5489.

2. Bal Global Finance Corporation c. Aliments Breton du Canada Inc., 2007 QCCS 610, [2007] J.Q. no 1029.

3. Poulin c. Vaillancourt, J.E. 88- 1382, [1988] J.Q. no 2040 (C.A.); Morin c. Axa, J.E. 2006- 280, [2005] J.Q. no 18743 (C.Q.).

4. Twelve- Fifty Company Ltd. c. Avogesco Inc., 2006 QCCS 5588, [2006] J.Q. no 18883; Honco c. Société Canadienne de transfert technologique (SCATT) Inc., 2006 QCCS 1624, [2006] J.Q. no 2757; Bombardier inc. c. Eagle Globe Management Ltd., 2011 QCCS 2737,

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III. Procédure contentieuse

[2011] J.Q. no 6473 (requêtes pour permission d’appeler rejetées, 2011 QCCA 1513, [2011] J.Q. no 10714).

5. Wise c. Paquin, J.E. 88- 617, [1988] J.Q. no 442; Westinghouse Canada Inc. c. Arkwright Boston Manufacturer, [1993] R.J.Q. 2735, [1993] J.Q. no 2020 (C.A.); Croteau c. Perreault Mathieu Cie Ltée, [1990] R.D.J. 217, [1990] J.Q. no 640 (C.A.); Bufete Alvarez Y Asociados c. Corporation Dexco, 2012 QCCQ 3983, [2012] J.Q. no 4902; Groupe Ledor inc., Mutuelle d’assurances (Division Lévisienne- Orléans) c. Équipements Berbour inc., 2011 QCCS 6277, no AZ- 50808229, [2011] J.Q. no 17389.

6. Industries GDS Inc. c. Cabothech Inc., 2005 QCCA 655, [2005] J.Q. no 8748; Société coopé-rative agricole de St- Damase c. Coopérative Fédérée, 2007 QCCS 317, [2007] J.Q. no 596.

7. Gerling Global c. Sainte- Foy (Ville de), REJB- 9810130 (C.S.), no AZ- 99026082 (C.S.).8. Gerling Global c. Sainte- Foy (Ville de), REJB- 9810130 (C.S.), no AZ- 99026082 (C.S.).9. Fabrikant c. Légaré, B.E. 2001BE- 777, no AZ- 01026346 (C.S.).

98. Document en possession du témoin – En principe, comme c’était le cas sous l’ancien Code, une demande de communication de documents sous l’ar ticle 221 C.p.c. (2014) ne permettra pas de forcer un témoin à produire un document qui n’est pas en sa possession, qui n’existe pas ou qu’il devrait constituer à partir d’autres documents pour satisfaire à la demande1. La partie qui requiert communication d’un document devra non seulement établir que les documents existent, mais également qu’ils sont en la possession du témoin ou, à tout le moins, de la partie2. Le témoin ne doit pas nécessairement être l’auteur du document3.

1. Construction Ondel Inc. c. Groupe Axor Inc., J.E. 2001- 1403, [2001] J.Q. no 3232 (C.S.).2. Industries GDS Inc. c. Cabothech Inc., 2005 QCCA 655, [2005] J.Q. no 8748.3. Syndicat les cascades St- Laurent c. Residev Monaco Inc., J.E. 2000- 360 (C.S.); Société en

commandite de Copenhague c. Corporation Corbec, 2011 QCCS 39, [2011] J.Q. no 116.

F. Utilisation

1. Qui peut introduire en preuve l’interrogatoire?

99. Partie qui a procédé à l’interrogatoire – L’ar ticle 227 C.p.c. (2014) réserve à la partie qui a procédé à un interrogatoire préalable le droit de décider si elle désire introduire cet interrogatoire en preuve. Le fait de conserver le contrôle d’un interrogatoire confère à la partie qui interroge une grande liberté puisqu’elle ne s’expose pas à ce que les réponses du témoin fassent preuve contre elle. La partie adverse ne pourra la contraindre à produire les notes sténographiques de l’interrogatoire, mais le témoin interrogé a tout de même droit d’obtenir une copie des notes1. Ainsi, la partie qui interroge peut sans crainte évaluer les forces et les faiblesses de son dossier2.

1. Rainville c. Nappert, 2011 QCCS 4263, [2011] J.Q. no 10722.2. Imperial Tobacco c. Proulx, J.E. 2002- 1596 (C.A.); Jolicoeur c. Hippodrome Blue Bonnets

Inc., [1989] R.D.J. 69, [1989] J.Q. no 692 (C.A.); Ridley c. Financière Manuvie, [2000] R.J.Q. 1880, [2000] J.Q. no 1854 (C.S.).

100. Déclaration antérieure d’un témoin – L’ar ticle 2871 C.c.Q. permet d’introduire en preuve une déclaration antérieure d’un témoin, non seulement pour porter atteinte à sa

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Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction

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crédibilité, mais également pour valoir comme preuve. Il pourra s’agir indifféremment d’une déclaration extrajudiciaire ou judiciaire. Cette possibilité est cependant modulée, comme c’était le cas en vertu de l’ar ticle 398.1 de l’ancien Code, par l’application de l’ar-ticle 227 C.p.c. (2014) en vertu duquel si la personne comparaît comme témoin, il ne sera pas permis de lui opposer des déclarations antérieures faites dans le cadre d’un interroga-toire préalable non déposé. En principe, seule la partie qui a interrogé un témoin qui est décédé avant le procès peut produire son interrogatoire1. Le seul tempérament à ce principe consisterait à obtenir la permission du tribunal afi n de produire les notes sténographiques d’un interrogatoire tenu par une autre partie au motif qu’il serait désormais impossible d’obtenir la comparution du témoin2.

1. Compagnie d’assurances Guardian du Canada c. Coméca, J.E. 94- 385, [1994] J.Q. no 2640 (C.S.).

2. Ridley c. Financière Manuvie, [2000] R.J.Q. 1880, [2000] J.Q. no 1854 (C.S.); Services de santé du Québec c. Manoir du Fleuve, REJB 2000- 19941 (C.A.).

101. Droit de la partie adverse – Le législateur a cependant réservé à la partie adverse la possibilité de réclamer de la partie ayant procédé à l’interrogatoire de produire l’intégralité de ce dernier ou, à tout le moins, des extraits indissociables. L’objectif poursuivi est clai-rement d’éviter que le dépôt fragmentaire des interrogatoires ait pour résultat de déformer les propos d’un témoin. Le critère de l’autorisation sera donc le caractère indissociable des extraits. Un extrait indissociable signifi e que :

L’extrait ne peut être relié comme étant apparenté à ce qui est sujet ou objet de la preuve. Cela veut dire que tout ce qui est admissible ou pertinent en preuve sur un sujet ouvert par l’interrogeant peut être ajouté aux extraits déposés.1

1. Bal Global Finance Canada Corporation c. Aliments Breton (Canada) inc., 2009 QCCS 4757, [2009] J.Q. no 11745; Lamontagne c. Régie intermunicipale des loisirs de Princeville, B.E. 2000BE- 1017, no AZ- 00026485 (C.S.); Jolicoeur c. Hippodrome Blue Bonnets Inc., [1989] R.D.J. 69, [1989] J.Q. no 692 (C.A.).

102. Appropriation des questions de l’autre partie – Il est maintenant d’usage que, lors d’un interrogatoire dans un dossier impliquant de multiples parties, les autres parties s’approprient les questions des autres interrogatoires pour les intégrer aux leurs. Certains voyaient dans cette pratique une limite implicite à leur liberté d’interroger. Or, les tri-bunaux ont reconnu que la gestion effi cace du dossier justifi e cette façon de procéder1. Dans certaines situations, les parties conviennent même à l’avance que les interrogatoires seront communs, permettant ainsi à chaque partie, sous réserve de la partie interrogée, de déposer la totalité ou une partie des interrogatoires tenus2. Malgré cette tendance, la Cour supérieure, dans Alumico Architectural inc. c. Hydro- Québec3, a affi rmé que le prin-cipe de proportionnalité ne suffi t pas pour faire échec au privilège de l’ar ticle 398.1 C.p.c. (maintenant 227 C.p.c.) à moins d’une autorisation du tribunal ou de l’accord des parties. Cette question est donc susceptible de faire encore l’objet de débats devant les tribunaux.

1. Pellemans c. Lacroix, J.E. 2008- 239, [2007] J.Q. no 14285 (C.S.); Jolicoeur c. Hippodrome Blue Bonnets Inc., [1989] R.D.J. 69, [1989] J.Q. no 692 (C.A.).

2. Pellemans c. Lacroix, J.E. 2008- 2249, [2008] J.Q. no 11104 (C.S.).

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III. Procédure contentieuse

3. 2011 QCCS 5390, [2011] J.Q. no 14622.

103. Force probante de l’interrogatoire – Une fois versé au dossier, l’interrogatoire fera partie de la preuve au même titre que si le témoin avait été interrogé lors de l’audience. Le témoin pourra cependant être réinterrogé lors du procès1. Notons que l’interrogatoire ne sera opposable qu’aux parties qui ont été convoquées à cet interrogatoire à moins qu’elles n’y consentent2. L’interrogatoire qui n’a pas été versé au dossier pourra quand même être utilisé comme déclaration antérieure afi n d’attaquer la crédibilité du témoin lors de l’audience3. Il appartiendra au tribunal d’en apprécier la crédibilité. Enfi n, la partie qui a produit un interrogatoire pourrait être forclose de s’objecter à certaines questions lors de l’audition si elle a elle- même interrogé sur des faits inadmissibles en preuve lors du procès4.

1. Art. 279 C.p.c. (2014).2. Pépin c. Grimard, [1964] B.R. 022.3. Art. 2071 C.c.Q.4. Iarrera c. Iarrera, [1987] R.D.J. 223, [1987] J.Q. no 831 (C.A.).

104. Interrogatoire tenu dans un dossier connexe – La production des notes sténogra-phiques d’un interrogatoire tenu dans un dossier connexe entre certaines parties iden-tiques peut être autorisée, sous réserve de permettre aux procureurs qui n’auraient pas eu la possibilité d’interroger le témoin dans le dossier connexe de lui poser des questions additionnelles afi n de compléter ledit interrogatoire1.

1. Constructions Lavacon inc. c. Hydro- Québec, 2011 QCCS 6793, [2011] J.Q. no 19222.

III. INTERROGATOIRE DES TÉMOINS HORS LA PRÉSENCE DU TRIBUNAL (art. 295 et 296 C.p.c. (2014))

105. Principe – En règle générale, l’ar ticle 279 C.p.c. (2014) prévoit que les témoins seront interrogés à l’audience, c’est-à-dire en présence du juge. Cela permet notamment au tri-bunal d’apprécier la crédibilité du témoin. Exceptionnellement, le législateur permettra que le témoignage soit recueilli hors cour. Ce sera notamment le cas lors d’interrogatoires préalables produits au dossier de la cour, de commissions rogatoires et d’interrogatoires hors cour.

A. Conditions du droit d’interroger et limites

1. À quel moment?

106. À quel moment? – L’interrogatoire des témoins hors la présence du tribunal peut se faire en tout état de cause. Le fait que les parties conviennent de la tenue d’un tel interro-gatoire dans le cadre du protocole de l’instance est suffi sant. Il ne sera donc pas nécessaire d’obtenir l’autorisation de la cour pour interroger un tiers à moins que cette demande ne soit contestée par l’autre partie1. L’interrogatoire d’un témoin hors la présence du tribunal pourrait même être décidé lors de l’instruction ou même après si un témoin n’a pu, pour des raisons de maladie ou autres, se présenter au procès2.

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Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction

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1. Cerisière c. Proulx, 2005 QCCA 690, [2005] J.Q. no 9930.2. Art. 287 C.p.c. (2014).

2. Convocation

107. Du consentement des parties – Les parties peuvent convenir qu’un témoin sera entendu hors cour, sauf en matière de recours collectif où l’autorisation de la cour est requise par l’ar ticle 587 C.p.c. (2014).

108. Avec l’autorisation du tribunal – À défaut d’entente, le tribunal pourra, à la demande d’une partie, permettre l’interrogatoire d’un témoin hors cour.

3. Motifs

109. Recours d’exception – Il convient de rappeler toutefois que l’ar ticle 296 C.p.c. (2014) déroge à la règle générale prévue à l’ar ticle 279 C.p.c. (2014) voulant qu’un témoin soit entendu devant le tribunal. Lorsque saisi d’une demande d’autorisation pour interroger un témoin hors cour, le tribunal devra donc s’assurer que les motifs justifi ant la demande d’interrogatoire sont sérieux et valables et que le fait d’autoriser l’interrogatoire n’aura pas pour conséquence d’imposer un fardeau plus onéreux à l’une des parties1. Il est en principe souhaitable pour une saine administration de la preuve que les témoins soient entendus devant le tribunal dans un ordre logique par rapport aux autres témoins et aux pièces. Le juge peut ainsi apprécier la crédibilité du témoin, trancher sur-le- champ les objections soulevées et poser les questions qu’il juge nécessaires au témoin.

Permettre l’interrogatoire hors cour du témoin soulève également le risque qu’une partie veuille reprocher ce témoin en se servant de certains éléments qui n’auront pas encore été mis en preuve, tous les témoins n’ayant pas été entendus et toutes les pièces n’étant pas encore produites offi ciellement au dossier de la cour. L’ensemble de ces préoccupations devront être pondérées par le tribunal au moment de déterminer s’il doit accorder ou non l’autorisation d’interroger. Il est donc permis d’affi rmer que l’autorisation recherchée est exceptionnelle2.

1. Robinson c. Weinberg, B.E. 2005BE- 764, no AZ- 50317616 (C.S.); Mathieu c. Marcotte, [1968] C.S. 233, [1968] J.Q. no 23.

2. National Bank of Greece c. Maris, 2007 QCCS 334, [2007] J.Q. no 651; Centre hospitalier Robert- Giffard c. Hôpital du Sacré- Cœur, J.E. 90- 461, [1990] J.Q. no 2598 (C.S.).

110. Motifs – Plusieurs raisons peuvent amener les parties à convenir d’interroger un témoin hors cour. Ainsi, parmi les plus fréquentes, l’état de santé du témoin1, sa non- disponibilité au moment du procès ou même parfois des considérations fi nancières peuvent justifi er cette décision. Les parties peuvent, par exemple, convenir de faire la preuve du quantum hors cour afi n de réduire le temps de présence des experts au procès, notamment dans les dossiers où la crédibilité de ces témoins n’est pas en cause. Il faut cependant retenir que si cette demande est contestée, il appartiendra alors à la partie qui requiert l’autorisa-tion de faire la démonstration devant le tribunal des motifs allégués.

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III. Procédure contentieuse

1. Droit de la famille – 13278, 2013 QCCS 495, no AZ- 50935791 (C.S.).

111. État de santé – Si le motif invoqué est l’état de santé d’un témoin, il sera nécessaire de soumettre une preuve médicale établissant la probabilité que l’état de santé du témoin se dégrade et ne lui permette pas d’être présent au procès. Dans le cas d’un interrogatoire ad futuram memoriam, il faudra démontrer qu’il existe une probabilité que le témoin décède avant que la cause ne procède. À cet égard, les tribunaux ont considéré qu’une simple appréhension hypothétique ne sera pas suffi sante1.

Précisons que le législateur a prévu des modalités particulières pour favoriser le témoi-gnage d’un témoin malade. Ainsi, l’ar ticle 296 C.p.c. (2014) prévoit que si le handicap ou la maladie d’un témoin l’empêche de se rendre à l’audition, le tribunal peut, même d’offi ce, ordonner que l’interrogatoire se tienne à distance par un moyen technologique ou nommer un commissaire pour recueillir son témoignage.

1. Robinson c. Weinberg, B.E. 2005BE- 764, no AZ- 50317616 (C.S.).

112. Âge – De la même façon, le simple fait qu’un témoin soit âgé et qu’une partie craigne qu’il ne soit pas disponible lors du procès ne sera pas en soi suffi sant pour justifi er un interrogatoire sous l’ar ticle art. 295 C.p.c. (2014) en l’absence d’une preuve médicale1.

L’interrogatoire d’un tiers a cependant été permis lorsque la preuve révélait que le témoin était âgé et que la tenue de l’enquête n’était pas envisageable avant un long délai2.

1. Hudon c. Lamontagne, J.E. 2001- 745 (C.S.).2. Isoco Construction c. Caplan (Municipalité de), B.E. 2000BE- 103, no AZ- 00026054 (C.S.);

Thibault c. Bussières, 2011 QCCS 4988, [2011] J.Q. no 13312.

113. Stress – Une partie qui, pour des raisons médicales, n’est pas en mesure de subir le stress d’un procès, pourrait également être interrogée hors cour. En effet, dans Laberge c. Laberge1, le juge a eu recours à l’ar ticle 404 de l’ancien Code (art. 295 C.p.c. (2014)) pour régler une impasse dans un dossier où la demanderesse demandait une remise du procès parce qu’elle ne pouvait supporter le stress de celui-ci. Or, permettre une remise pour ce motif plaçait le défendeur dans une situation intenable, retardant possiblement indéfi niment la tenue de l’audition. L’ar ticle 404 C.p.c. a donc permis d’offrir une alternative dans la mesure où la demanderesse ne souhaitait pas se désister de son recours.

1. Laberge c. Laberge, REJB 1999- 11227 (C.S.).

114- L’éloignement – L’éloignement du témoin pourrait en principe justifi er une demande d’interrogatoire hors la présence du tribunal. Or, l’ar ticle 296 C.p.c. (2014) prévoit que dans une telle situation, le tribunal peut ordonner, même d’offi ce, que le témoignage soit recueilli par un moyen technologique ou par un commissaire.

115- L’objet du témoignage – L’objet du témoignage peut également être considéré parmi les motifs justifi ant d’accorder ou non l’autorisation d’interroger un témoin hors la présence du tribunal. Ainsi, le tribunal a refusé d’autoriser l’interrogatoire hors cour d’un expert au motif que la partie qui l’avait assigné craignait qu’il ne soit pas disponible lors du procès en raison de son âge. Le juge a rappelé que la partie avait en toute connaissance de cause

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choisi de retenir les services d’un expert âgé de près de 80 ans. Or, contrairement à d’autres témoins, l’expert n’avait aucune connaissance personnelle des faits en litige. De plus, la preuve démontrait qu’il n’était pas le seul spécialiste dans le domaine et qu’il ne possédait pas de connaissances exclusives essentielles à la preuve de la partie demanderesse. Dans ces circonstances, advenant que l’expert n’eût pas été disponible lors du procès, la partie n’aurait pas été dans l’impossibilité de faire sa preuve et aurait toujours eu le loisir d’enga-ger un nouvel expert si cela devenait nécessaire1.

Il convient de rappeler que, dans ce cas particulier, les parties ne consentaient pas à la tenue d’un tel interrogatoire.

1. Hudon c. Lamontagne, J.E. 2001- 745 (C.S.).

116. Protection de la jeunesse – L’ar ticle 85 de la Loi sur la protection de la jeunesse prévoit spécifi quement qu’il est possible de référer à certaines dispositions du Code de pro-cédure civile dans la mesure où celles-ci ne sont pas incompatibles avec l’objet de la Loi1.

Or, si cette loi fait référence nommément à l’ar ticle 295 C.p.c. (2014) relativement à l’audi-tion des témoins devant le tribunal, force est de constater qu’elle ne fait aucunement état de la possibilité de tenir des interrogatoires préalables ou hors cour. Au contraire, l’ar-ticle 77 de la Loi interdit spécifi quement de recourir aux interrogatoires préalables, com-missions rogatoires ou interrogatoires hors cour en matière de protection de la jeunesse. Le législateur insiste sur le fait que tout interrogatoire doit se faire en présence du juge. De la même façon, il ne serait pas davantage possible de verser au dossier de la cour pour valoir comme témoignage les notes sténographiques d’un interrogatoire hors cour tenu en contravention de l’ar ticle 77 de la Loi2.

1. Loi sur la protection de la jeunesse, RLRQ, c. P-34.1, art. 85.2. M.A.K. (Dans l’affaire de), [2001] R.J.Q. 820 (C.Q.).

B. Convocation des témoins

1. Assignation du témoin

117. Assignation du témoin – Le témoin sera assigné pour témoigner conformément aux dispositions des ar ticles 269 et suivants C.p.c. (2014).

118. Avis aux autres parties – L’ar ticle 295 C.p.c. (2014) prévoit que toutes les parties doivent être appelées. En effet, l’interrogatoire hors cour remplace en réalité le témoignage de la personne lors du procès. Chaque partie doit donc avoir l’occasion d’interroger et de contre- interroger le témoin. Un avis d’interrogatoire devra donc être signifi é aux autres parties ou à leurs procureurs avant de procéder à l’interrogatoire.

119. District – L’interrogatoire hors cour faisant partie du déroulement de l’instance, ce dernier doit en principe se tenir dans le district où le recours a été intenté à moins qu’il n’en soit décidé autrement. En effet, l’interrogatoire dans un autre district ne sera alors possible que si des circonstances exceptionnelles sont démontrées1. L’interrogatoire, outre

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III. Procédure contentieuse

les cas spécifi quement prévus à l’ar ticle 296 C.p.c. (2014), pourra même avoir lieu à dis-tance, par l’utilisation d’un moyen technologique, s’il se déroule dans un cadre qui en assure l’intégrité2.

1. Desjardins c. Québec (Procureur général), B.E. 2004BE- 576, no AZ- 50233438 (C.S.).2. 117087 Canada inc. c. Québec (Sous- ministre du Revenu), 2010 QCCQ 9930, [2010]

J.Q. no 11888.

2. Consignation de la déposition

a) Par affi davit

120. Affi davit – L’ancien ar ticle 404 C.p.c. permettait de consigner l’interrogatoire hors cour sous forme d’affi davit suffi samment détaillé pour faire la preuve de tous les faits nécessaires au soutien des conclusions recherchées. La partie adverse avait alors le loisir d’interroger l’affi ant conformément aux dispositions de l’ar ticle 93 C.p.c. (ancien) ou de l’interroger de nouveau au procès.

Non seulement l’ar ticle 295 du Code ne fait-il plus référence à la possibilité d’obtenir des affi davits détaillés, mais l’emploi par le législateur des termes « la déposition du témoin sera entendue » et le fait que la déclaration soit enregistrée laissent sous- entendre qu’il n’est plus possible de consigner le témoignage sous forme d’affi davit.

b) Enregistrement

121. Enregistrement– Le législateur a prévu que le témoignage hors la présence du tri-bunal devra être enregistré, faisant ainsi référence à l’ar ticle 300 du Code. Outre la sténo-graphie, l’enregistrement pourra se faire par tout moyen permettant d’assurer l’intégrité de la déposition.

Bien que ce moyen ne soit pas spécifi quement prévu par le législateur, les tribunaux1 ont par le passé autorisé les parties à enregistrer sur bande vidéo une déposition ad futuram memoriam et à produire cette dernière au dossier de la cour conjointement avec les notes sténographiques de l’interrogatoire, l’objectif recherché étant de permettre au tribunal d’apprécier la crédibilité du témoin même si l’interrogatoire a été tenu hors la présence du juge du fond. Rappelons que la Cour suprême a considéré qu’une bande vidéo claire et de qualité, non trafi quée, parle d’elle- même2.

Cet enregistrement par bande vidéo semble se justifi er par le fait qu’il s’agit en réalité d’une mesure conservatoire d’une preuve, sans laquelle elle sera inexorablement perdue. Dans l’affaire Leblanc3, cette déposition était prise par un sténographe et fi lmée par le même sténographe.

1. Leblanc c. Keyserlingk, [1998] R.J.Q. 877 (C.S.); Cadieux c. Service de gaz naturel de Laval Inc., [1991] R.J.Q. 2490, [1991] J.Q. no 1636 (C.A.).

2. R. c. Nikolovski, [1996] 3 R.C.S. 1197.

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Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction

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3. Leblanc c. Keyserlingk, [1998] R.J.Q. 877 (C.S.).

122. Sténographe – Plus souvent qu’autrement, les parties se contenteront d’avoir recours au service d’un sténographe offi ciel afi n de consigner la teneur de l’interrogatoire et pou-voir le produire plus aisément au dossier de la cour.

C. Qui peut être interrogé?

1. Partie

123. Partie – Une partie peut évidemment être interrogée en vertu des ar ticles 295 et sui-vants C.p.c. (2014). Il ne s’agira toutefois pas de la solution idéale. Le juge du fond accorde une grande importance au fait de pouvoir entendre la partie lors de l’audition afi n d’appré-cier sa crédibilité. De son côté, le procureur de la partie souhaite également que son client soit présent et puisse entendre l’ensemble de la preuve présentée afi n d’avoir l’occasion d’y répondre en temps opportun, ce qui ne sera manifestement pas possible si le témoin a été interrogé hors cour. Dans ces circonstances, il sera généralement préférable de deman-der une remise de l’audition si la partie n’est pas disponible pour des raisons médicales ou autres lors du procès. Toutefois, l’interrogatoire hors cour sera favorisé lorsqu’il est à craindre que, pour des raisons médicales, la partie ne sera pas en mesure de participer au procès, même s’il devait être remis, ou ne sera plus en vie au moment où ce dernier sera tenu. Encore une fois, d’autres solutions pourraient être envisagées, telle la requête pour audition par préséance, si l’état d’avancement du dossier le justifi e. Dans l’éventualité où il est nécessaire de recourir à l’interrogatoire hors cour d’une partie, l’enregistrement sur bande vidéo pourrait également être favorisé afi n de permettre au juge d’apprécier la cré-dibilité du témoin.

2. Tiers

124. Témoin ordinaire – Le témoin ordinaire est également susceptible d’être interrogé hors cour. Les parties envisageront souvent cette solution lorsque le témoin n’est pas dis-ponible à la date du procès, que ce soit pour des raisons de santé ou autres. Le recours à l’interrogatoire hors cour dans de tels cas sera d’autant plus pertinent lorsque la crédibi-lité du témoin n’est pas en cause bien que son témoignage soit essentiel pour compléter la preuve. Le fait de procéder de cette façon permettra d’éviter une remise et de faire encourir aux parties des frais et des délais additionnels.

125. Expert – Le témoignage hors cour du témoin expert, bien que possible, est cepen-dant plus délicat. En effet, l’expert a souvent besoin, pour les fi ns de son témoignage, de tenir compte des faits qui seront prouvés lors de l’audience afi n d’asseoir son opinion sur la preuve présentée. Le fait d’interroger hors cour avant le procès présente un risque réel que le témoin expert soit interrogé sur des éléments de preuve qui ne seront possiblement jamais admis ou encore qu’il ne puisse tenir compte lors de son témoignage de certains éléments additionnels qui auraient pu être révélés lors de l’audition. La solution extrême

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III. Procédure contentieuse

serait alors d’interroger l’expert hors cour une fois l’enquête terminée. Cela n’est cependant pas sans inconvénients au niveau de l’administration de la justice.

L’interrogatoire hors cour des experts demeure néanmoins une avenue intéressante pour les parties lorsque leur crédibilité n’est pas en cause et que les faits à la base de leurs expertises sont essentiellement admis. Ainsi, les experts pourraient être interrogés sur certains éléments particuliers de leurs expertises, lesquels feront l’objet de plaidoiries ultérieurement. Cette solution peut notamment présenter un avantage quant aux coûts et à la disponibilité des experts. Nous pouvons songer en guise d’exemple à un différend entre les experts portant sur un aspect seulement du quantum. Dans ces circonstances, il serait préférable que les experts de toutes les parties sur le sujet soient entendus hors cour et témoignent l’un en présence de l’autre.

126. Matière familiale – Sous l’ancien Code, l’interrogatoire hors cour était permis s’il s’agissait d’une demande non contestée en séparation de corps ou en divorce1. Par contre, s’il s’agissait d’une demande en nullité de mariage ou d’union civile, même non contestée, ou d’une demande contestée en séparation de corps ou en divorce, la partie demanderesse devait témoigner à l’audience. Cette exception n’existe plus dans le nouveau Code.

1. Art. 196 C.p.c. (2014).

D. Qui peut interroger?

1. Toutes les parties

127. Comme à l’enquête – La partie qui fait entendre le témoin l’interroge en premier et les autres parties ont ensuite la possibilité de le contre- interroger.

2. Le commissaire

128. Le commissaire – L’ar ticle 296 C.p.c. (2014) permet à la cour, même d’office, lorsqu’une personne ne peut témoigner pour cause de maladie, de handicap ou en raison de l’éloignement, de charger un commissaire de recueillir le témoignage. C’est le tribunal qui, comme dans le cas d’une commission rogatoire, donnera au commissaire les instruc-tions nécessaires pour le guider dans l’exécution de sa charge.

Le juge déterminera le délai dans lequel l’interrogatoire devra avoir lieu et les frais qui devront être avancés.

L’interrogatoire sera enregistré ou consigné par le commissaire. Ce dernier pourra égale-ment prendre copies des pièces dont le témoin ne veut pas se départir. L’interrogatoire sera communiqué aux parties et au tribunal avec les pièces produites par le témoin.

Une partie peut être représentée lors de l’interrogatoire dans la mesure où elle avise le commissaire en temps utile et désigne son représentant.

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Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction

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E. Étendue et portée de l’interrogatoire

1. Comme si recueilli à l’audience

129. Comme à l’audience – L’interrogatoire hors cour se déroule comme s’il était tenu lors de l’audience et portera sur l’ensemble des faits soulevés dans les procédures1.

1. Simard (Succession de), 2011 QCCS 2, [2011] J.Q. no 9.

130. Contenu – Le témoin ordinaire pourra donc relater les faits à sa connaissance per-sonnelle, produire des documents ou autres pièces alors que l’expert pourra donner son opinion. L’interrogatoire portera sur l’ensemble des éléments sur lesquels le témoin aurait légalement pu témoigner lors de l’audience.

131. Objection – De la même façon qu’elles auraient pu le faire lors du procès, les parties peuvent, lors de l’interrogatoire hors la présence du tribunal, soulever des objections. Le témoin devra cependant répondre aux questions malgré l’objection à moins que cette dernière ne concerne une question de contraignabilité, de droits fondamentaux ou d’intérêt légitime important. Les objections seront soumises au tribunal dès que possible pour qu’il en décide1.

1. Art. 297 C.p.c. (2014).

F. Utilisation

1. Comme si le témoignage avait été recueilli à l’audience

132. Production obligatoire au dossier – L’interrogatoire hors la présence du tribunal faisant partie du dossier de la cour comme s’il avait été recueilli à l’audience, les notes sténographiques ou l’enregistrement devront nécessairement être produits au dossier de la cour. Cela signifi e également que, contrairement à la situation qui prévaut en matière d’interrogatoire préalable, l’interrogatoire n’est pas visé par l’obligation de confi dentialité.

IV. INTERROGATOIRE ÉCRIT (art. 223- 225 C.p.c. (2014))

A. Conditions du droit d’interroger et limites

1. À quel moment?

133 À tout moment – L’interrogatoire écrit étant traité comme un interrogatoire préalable au sens de l’ar ticle 221 C.p.c. (2014), il pourra se tenir à tout moment, soit avant ou après défense, contrairement à la situation qui prévalait sous l’ancien Code où l’interrogatoire sur les faits se rapportant au litige avait nécessairement lieu après défense ou après l’ins-cription pour défaut de comparaître ou de plaider1.

1. Art. 405 C.p.c. (2014).

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III. Procédure contentieuse

B. Convocation et formalités

1. Formalités

134. Protocole de l’instance – Normalement, la tenue d’un tel interrogatoire écrit, tout comme un interrogatoire au préalable, devra être prévue au protocole de l’instance et les modalités pourront être fi xées par le juge, le cas échéant, selon les pouvoirs conférés à l’ar ticle 158(3) du Code.

135. Absence d’autre formalité – Outre le fait de prévoir l’interrogatoire écrit au protocole de l’instance, aucune autre formalité ne semble avoir été imposée par le législateur. Il n’est plus nécessaire d’obtenir une ordonnance du greffi er comme c’était le cas antérieurement1.

1. Art. 406 C.p.c. (ancien).

2. Notifi cation

136. Notifi cation– La partie qui désire interroger par écrit doit notifi er l’interrogatoire écrit à la partie qu’elle désire interroger et la sommer de répondre dans le délai indiqué, lequel ne doit pas être inférieur à quinze jours ni supérieur à un mois. Dans le cas où la personne interrogée n’est pas la partie, celle qui désire interroger par écrit doit notifi er l’interrogatoire au témoin après en avoir informé l’autre partie1.

Notons que le législateur a choisi le procédé par notifi cation. Compte tenu de la présomption de véracité qui découle de l’absence de réponse à un interrogatoire écrit, nous présumons que le tribunal sera attentif aux efforts faits pour notifi er le témoin. Notons que l’ar ticle 225 du Code prévoit que le tribunal peut, pour raison valable, relever la partie ou le témoin de son défaut et lui permettre de répondre aux conditions qu’il juge à propos.

1. Art. 223 C.p.c. (2014).

C. Qui peut être interrogé?

137. Toute personne – L’ancien ar ticle 405 C.p.c. prévoyait clairement que seules les par-ties au litige pouvaient être soumises à un interrogatoire portant sur les faits se rapportant au litige, ce qui n’est plus le cas en vertu des nouvelles dispositions sur l’interrogatoire écrit. Toute personne peut maintenant être interrogée pourvu que l’autre partie en soit informée.

138. Personne physique – Le fait d’interroger par écrit une personne physique ne pose aucune diffi culté particulière outre possiblement celle de la notifi cation mentionnée pré-cédemment.

139. Personne morale – Il en va cependant autrement lorsque la partie impliquée est une personne morale. Dans ce cas, c’est la personne morale elle- même qui doit être assignée à comparaître et non un représentant identifi é par la partie adverse1. Cette dernière n’aura dans les faits aucun choix quant à l’identité du témoin qui répondra au

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Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction

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questionnaire. En effet, considérant l’impact pour la partie d’un tel interrogatoire, il est normal que cette dernière puisse décider elle- même si elle entend répondre à l’interro-gatoire et, le cas échéant, par qui et de quelle façon elle transmettra ses réponses. Une ordonnance visant à identifi er un représentant autre que la partie sera considérée comme irrégulière et illégale.

Par contre, lorsque l’interrogatoire vise une personne morale, une société en nom collectif ou en commandite ou encore une association au sens du Code civil ou un autre groupement sans personnalité juridique, le législateur prévoit désormais à l’ar ticle 224 du Code que la réponse pourra être donnée par un administrateur, un dirigeant ou un employé autorisé sans exiger, comme c’était le cas auparavant, que la personne qui répondra sous serment au nom de la personne morale soit porteuse d’une procuration générale ou spéciale lui permettant de ce faire2. La personne morale pourra également choisir d’arrêter ses réponses par une délibération spéciale, lesquelles seront par la suite versées au dossier par une personne dûment autorisée à cette fi n.

1. Fromagerie P’tit Plaisir Inc. c. Bergeron, J.E. 2005- 104, [2004] J.Q. no 13230 (C.Q.).2. Art. 409 C.p.c. (ancien); Corporation d’hébergement du Québec c. Decarel inc., 2012 QCCS

4444, [2012] J.Q. no 8972.

D. Qui peut interroger?

1. Partie ayant requis l’interrogatoire

140. Partie ayant requis l’interrogatoire – Il appartient à la partie ayant requis l’ordon-nance de transmettre les questions auxquelles elle souhaite obtenir une réponse. Ces ques-tions devront, nous le verrons, être conformes aux exigences posées par le législateur à l’ar ticle 223 C.p.c. (2014).

2. Tribunal

141. Tribunal – Autrefois, le témoin appelé à répondre à un interrogatoire sur les faits se rapportant au litige devait comparaître devant le juge ou le greffi er pour répondre aux questions posées. L’ar ticle 413 C.p.c. (ancien) prévoyait que la personne devant qui la partie avait été assignée pouvait poser certaines questions. Les questions devaient cependant être nécessaires et pertinentes. La partie était alors tenue de répondre à ces questions au même titre que si elles étaient contenues dans l’interrogatoire soumis, à défaut de quoi, les faits sur lesquels portent les questions étaient tenus pour avérés. Une exclusion était cependant prévue dans le cas d’une personne morale qui a choisi d’arrêter ses réponses lors d’une délibération spéciale.

Bien que le Code ne prévoit plus la comparution du témoin devant le greffi er ou le tribu-nal, l’ar ticle 225 C.p.c. (2014) qui permet de relever la personne de son défaut de répondre permet au tribunal de poser les questions jugées nécessaires et pertinentes au témoin à cette occasion. La personne interrogée devra alors répondre, sans quoi les faits sur lesquels

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III. Procédure contentieuse

portent les questions du tribunal seront tenus pour avérés. Notons que l’exception visant les personnes morales n’a pas été reprise.

E. Étendue et portée de l’interrogatoire

1. Quel type de litige?

142. Tout type de dossier – Le Code de procédure civile ne pose aucune restriction en ce qui concerne l’utilisation de l’interrogatoire écrit.

143. Dossier de moins de 30 000 $ – Le législateur, par l’adoption de l’ar ticle 229 C.p.c. (2014), est venu restreindre le droit des parties de procéder à des interrogatoires préalables dans les causes où la somme demandée ou la valeur du bien réclamé est inférieure à 30 000 $. Sous l’ancien Code, il avait été décidé que l’interdiction d’interroger dans les dossiers de moins de 25 000 $ prévue à l’ar ticle 396.1 ne s’appliquait pas aux interroga-toires sur les faits se rapportant au litige, lesquels étaient régis par une autre section du Code de procédure civile1.

La question risque de se soulever de nouveau puisque l’ar ticle 229 C.p.c. (2014) s’inscrit dans le chapitre intitulé « Interrogatoire préalable à l’instruction » qui regroupe à la fois l’interrogatoire oral et l’interrogatoire écrit et le législateur a utilisé les termes « aucun interrogatoire préalable à l’instruction » pour prohiber les interrogatoires dans les dossiers de moins de 30 000 $. Nous pourrions donc déduire qu’à défaut par le législateur d’indiquer « aucun interrogatoire oral », il souhaitait proscrire tout interrogatoire dans ces dossiers. Par contre, une inférence contraire pourrait être tirée du fait que l’ar ticle 229 du Code est situé non pas dans les dispositions générales, mais dans la section portant sur l’interroga-toire oral. Il s’agira donc d’une question intéressante à débattre, le cas échéant.

1. Robillard c. Pedneault, B.E. 2005BE- 999, no AZ- 50332528 (C.Q.); Comité paritaire du camionnage du district de Québec c. G. Gagné Transport Inc., J.E. 2004- 1384, [2004] J.Q. no 8241 (C.Q.).

144. Règle de la proportionnalité – Certains ont tenté de soutenir que la tenue d’un tel interrogatoire, notamment dans les dossiers où la valeur en litige est inférieure à 30 000 $, allait à l’encontre de la règle de la proportionnalité prévue à l’époque à l’ar ticle 4.2 C.p.c. (ancien). Les tribunaux n’ont pas hésité à écarter cette prétention et à conclure que la règle de la proportionnalité prêche au contraire en faveur d’interrogatoires sur les faits se rapportant au litige puisque, loin de retarder le déroulement de l’instance, un tel interro-gatoire pourrait avoir pour effet de faciliter la preuve et possiblement de réduire la durée d’audition1.

1. Robillard c. Pedneault, B.E. 2005BE- 999, no AZ- 50332528 (C.Q.); Comité paritaire du camionnage du district de Québec c. G. Gagné Transport Inc., J.E. 2004- 1384, [2004] J.Q. no 8241 (C.Q.); MS Vocal Inc. c. 6557562 Canada Inc., 2008 QCCQ 4458, [2008] J.Q. no 4825.

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Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction

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2. Étendue

145. Faits en litige – L’interrogatoire écrit pourra porter sur l’ensemble des faits se rap-portant au litige conformément à ce qui est indiqué à l’ar ticle 223 C.p.c. (2014).

146. Teneur des questions – La partie procédant à un interrogatoire écrit devra s’assurer que les questions posées soient claires et précises tel qu’exigé par l’ar ticle 223 C.p.c. (2014). Ces dernières ne doivent pas laisser place à ambigüité dans l’esprit de la personne qui devra y répondre, considérant les conséquences rattachées à la réponse ou à l’absence de réponse. Il sera possible pour une partie de demander le rejet d’une question non pertinente1 ou trop complexe2. À cet égard, les questions doivent pouvoir se répondre par « oui » ou « non »3 bien que les réponses tout en étant directes, catégoriques et précises, puissent être qualifi ées4. Rappelons qu’à la base, l’objet de l’interrogatoire sur les faits se rapportant au litige est d’obtenir de la partie un aveu ou un commencement de preuve.

1. Thurlow c. Wedell, [1969] B.R. 1115.2. Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI- MacDonald Corp., 2011 QCCS 2279,

[2011] J.Q. no 5033 (requête pour permission d’appeler rejetée, 2011 QCCA 1356, [2011] J.Q. no 9471).

3. Corporation d’hébergement du Québec c. Decarel inc., 2012 QCCS 4444, [2012] J.Q. no 8972.4. Norcan Hydraulic Turbine c. Sherbrooke (Ville de), 2011 QCCS 4292, [2011] J.Q. no 10907;

Lamothe c. Sklar, 2011 QCCQ 10483, [2011] J.Q. no 12609.

3. Effet de l’interrogatoire

147. Absence de réponse – L’absence de réponse à une question posée dans le cadre d’un interrogatoire écrit, que ce soit une question posée par écrit1 ou encore une question posée par le tribunal2, est lourde de conséquences. En effet, dans les deux cas, le législateur a prévu à l’ar ticle 224 C.p.c. (2014) que, contrairement à la règle habituelle selon laquelle le silence ne peut être considéré comme une admission, l’absence de réponse signifi e que les faits sur lesquels porte la question seront tenus pour avérés. C’est donc dire que, si la partie à qui l’interrogatoire a été légalement notifi é fait défaut d’y donner suite, l’ensemble des faits sur lesquels portait l’interrogatoire seront tenus pour avérés.

1. Art. 223 C.p.c. (2014).2. Art. 225 C.p.c. (2014).

148. Preuve supplémentaire – Sous l’ancien Code, le tribunal pouvait exiger de la partie qui a le fardeau de la preuve qu’elle procède à une preuve additionnelle lors de l’audition1 malgré l’absence de réponse du témoin. En effet, l’interrogatoire sur les faits du litige n’a pas pour but de favoriser une partie qui a des lacunes importantes dans sa preuve. Ainsi, dans l’affaire Sears Canada Inc. c. Lalancette2, le Tribunal a refusé de rendre jugement par défaut contre la partie qui avait omis de répondre à un interrogatoire en vertu de l’ar-ticle 405 C.p.c. (ancien), car la demanderesse avait négligé d’établir la base même de sa créance, soit la demande de carte de crédit dument signée par la défenderesse. Cette dispo-sition n’a pas été reprise comme telle dans le nouveau Code, mais l’ar ticle 225 C.p.c. (2014) permettra au juge de poser les questions supplémentaires dans certaines circonstances.

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III. Procédure contentieuse

1. Art. 411 C.p.c. (ancien).2. Sears Canada Inc. c. Lalancette, B.E. 2006BE- 121, no AZ- 50336652 (C.Q.).

149. Relever une partie de son défaut – L’ar ticle 225 C.p.c. (2014) permet également au tribunal de relever une partie qui a fait défaut de répondre à l’interrogatoire et ainsi lui per-mettre de répondre aux questions, aux conditions qu’il détermine. La rédaction de l’ar ticle suggère que le droit de poser des questions additionnelles sera par contre réservé au juge.

150. Nature de la réponse – En principe, une question claire et précise de la part de la partie qui procède à l’interrogatoire sur les faits et ar ticles devrait appeler une réponse directe, catégorique et précise du témoin. La réponse est consignée par écrit et les faits ainsi contenus dans la réponse font alors partie de la preuve1.

Il est essentiel que la personne soumise à l’interrogatoire s’assure qu’elle réponde réelle-ment, complètement et adéquatement à la question posée.

1. Art. 223 et 224 C.p.c. (2014).

151. Sanction en cas de réponse imprécise – La réponse imprécise pourrait être rejetée à la demande de la personne ayant procédé à l’interrogatoire. Si la réponse est ainsi rejetée, les faits sur lesquels portait la question seront tenus pour avérés. Notons toutefois que les tribunaux feront preuve d’une certaine retenue avant de rejeter une réponse fournie par une partie. Ainsi, répondre que la question posée n’est pas à notre connaissance person-nelle a été jugée admissible1.

1. Mathieu c. Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec, J.E. 2004- 740, [2004] J.Q. no 1342 (C.S.); The Century Insurance Company Ltd. c. G. Paquette, [1957] R.P. 150 (C.S.); Larry c. Sun Valley Farm Inc., [1964] R.P. 337 (C.S.).

BIBLIOGRAPHIE

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DUCHARME, L., L’administration de la preuve, 4e éd., Mont réal, Wilson & Lafl eur, 2010.

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ROYER, J.-C. et S. LAVALLÉE, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008.

TESSIER, P. et M. DUPUIS, « La preuve avant le procès », dans Collection de droit 2013- 2014, École du Barreau du Québec, vol. 2, Preuve et procédure, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013.

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