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32 Géomètre n° 2121 janvier 2015 Le dossier du mois RÉALISÉ PAR L ’UNGE PHOTO PHOVOIR Faut-il avoir peur du BIM ? Le BIM, tête de proue de la numérisation des professions du cadre de vie, et en particulier du géomètre-expert, est un vrai challenge. Certes, ce « monstre numérique » tentaculaire, qui change la notion même d’immeuble – puisqu’il en fait un avatar manipulable, partageable, échan- geable... –, peut susciter des craintes et des inter- rogations aux yeux de certains, car il bouleverse la façon de travailler, il change même notre métier à certains égards. Il faudra être de plus en plus en réseau, raisonner en mode collaboratif. Pourtant, le BIM n’est finalement que l’aboutisse- ment, la manifestation poussée à l’extrême d’une évolution que nous connaissons depuis plusieurs années : la numérisation. Elle a déjà beaucoup changé la donne ; la valeur ajoutée du géomètre- expert se déplace, de la mesure qui a tendance à se démocratiser jusqu’à se faire presque automa- tiquement, vers l’analyse et le conseil. N’ayons pas peur de ce bouleversement. Car il est tout acquis à notre cause. Ce glissement du métier nous mène naturellement vers des prestations plus « stratégiques », où notre double compétence technique et juridique trouve sa pleine mesure. Quant au BIM en lui-même, c’est une chance pour la profession : les acteurs du cadre de vie identi- fient le géomètre-expert, par ses compétences pour les relevés et l’analyse des mesures et son exper- tise réglementaire, comme étant au centre de cette révolution.

Faut-il avoir peur du BIM? - UNGE

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32 • Géomètre n° 2121 • janvier 2015

Le dossier du moisRÉALISÉ PAR L’UNGE

PHOTO PHOVOIR

Faut-il avoirpeur du BIM?

Le BIM, tête de proue de la numérisation desprofessions du cadre de vie, et en particulier dugéomètre-expert, est un vrai challenge. Certes, ce «monstre numérique» tentaculaire, quichange la notion même d’immeuble –puisqu’ilen fait un avatar manipulable, partageable, échan-geable... –, peut susciter des craintes et des inter-rogations aux yeux de certains, car il bouleversela façon de travailler, il change même notre métierà certains égards. Il faudra être de plus en plus enréseau, raisonner en mode collaboratif. Pourtant, le BIM n’est finalement que l’aboutisse-ment, la manifestation poussée à l’extrême d’uneévolution que nous connaissons depuis plusieursannées : la numérisation. Elle a déjà beaucoupchangé la donne ; la valeur ajoutée du géomètre-expert se déplace, de la mesure qui a tendance àse démocratiser jusqu’à se faire presque automa-tiquement, vers l’analyse et le conseil. N’ayons pas peur de ce bouleversement. Car il esttout acquis à notre cause. Ce glissement du métiernous mène naturellement vers des prestations plus« stratégiques», où notre double compétencetechnique et juridique trouve sa pleine mesure.Quant au BIM en lui-même, c’est une chance pourla profession : les acteurs du cadre de vie identi-fient le géomètre-expert, par ses compétences pourles relevés et l’analyse des mesures et son exper-tise réglementaire, comme étant au centre de cetterévolution.

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Géomètre n° 2121 • janvier 2015 • 33

Clône dynamique de

l’immeuble

BIM

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BIM ou « maquette numérique », nuages depoints, 3D, 4D et même au-delà... Et plus géné-ralement traitement numérique des relevés et dela mesure... Une nouvelle évolution est enmarche pour les acteurs du cadre de vie.

MICHEL FANTIN

Une chaufferie collectiveà Athis-Mons ; des im -meubles de bureaux à

Vélizy-Villacoublay ; le projet«Active3D» de gestion tech-nique de patrimoine en mode«open BIM» sur l’ensemble dela région Bourgogne ; quaranteet un logements à Pantin ouencore le futur centre aquatiquede Saint-Nazaire (prévu pour2017)... De nombreux projetsde construction en version«BIM» voient déjà le jour enFrance !Tous ces projets sont le fleurondes dernières technologies deconception et de suivi d’un bâti -ment fondées sur la numérisa-tion : le «Building InformationModeling», que certains tradui-sent en France par «bâtimentset informations modélisées». Eneffet, le BIM est un ensemble denormes, de méthodes, d’outils etde moyens collaboratifs pourcréer un avatar informatique del’immeuble, une maquette nu -mérique représentant non seule-ment toutes ses mesures et sesdonnées de géopositionnement

permettant de le visualiser en 3Det de le «manipuler», mais ras -semblant aussi ses nombreux«attributs» : planification, quan -tification, coûts, environnement,exploitation et même réglemen-tation. Avantages : gains de temps, dequalité... Et gains financiers.Avec au passage la nécessité decollaborer de façon plus activeentre professions connexes... Cequi n’est pas pour déplaire augéomètre-expert.

Démocratiser l’œuvrede grands groupes

Pour l’instant, ces projets enFrance sont essentiellementl’œuvre des trois géants de laconstruction (Bouygues, Eiffageet Vinci Construction) ou réaliséssous l’égide d’importants cabi -nets d’architecture. Ils ont lemérite d’installer le BIM dansl’Hexagone. Mais il reste à ledémocratiser. Et les obstaclessont nombreux, que ce soit dansles technologies, la formation,

BIM

O. R

OC

HA

RD

Modélisationaux multiplesdimensionsLe traitement numérique de lachaîne de la construction esten pleine évolution. Il y abien longtemps que lesgéomètres-experts utilisent lestechnologies de pointe enmatière, bien évidemment dedématérialisation, mais ausside traitement des données en3D. Même si l’utilisation duplan classique en 2D restedemandée par de nombreuxacteurs de la chaîne de laconstruction, et pas forcé-ment des moindres, l’évolu-tion va vers la maquettenumérique (le futur bâtimententièrement modélisé en 3D),qui ne devient elle-mêmequ’un élément du BIM(Building InformationModeling), un concept quiajoute au modèle 3D de basede nombreuses autresdonnées (temporelles, finan-cières, architecturales,matériaux...). Pour l’heureuniquement utilisé par les«majors» du BTP, ce conceptde BIM devrait prendre del’importance dans les annéesà venir. Les géomètres-expertsen sont partie prenante sansdifficulté, et s’impliquentfortement dans les réflexionsen cours. Mais ils insistent surla nécessité de la précision dela mesure intégrée dans cesdifférentes strates, précisionsans laquelle l’utilisation de la3D et même du BIM devien-drait problématique.

Page 4: Faut-il avoir peur du BIM? - UNGE

ou même la culture des diffé-rentes professions qui doiventapprendre à mieux travaillerensemble autour d’une notionde « fichier unique».Car, si le BIM est assez anciendans le monde anglo-saxon(vingt ans), et vraiment répandude façon concrète depuis dix ansdans les pays nordiques commela Norvège, la Finlande ou laSuède, ce n’est qu’en 2006qu’on a vu fleurir en France lespremières initiatives autour duBIM, avec le «Projet Expert»(aujourd’hui terminé) et la notionde «maquette numéri que» quiavaient pour but de créer uneinitiative forte, en particulierautour du CSTB (Centre scienti-fique et technique du bâtiment). Pourtant, sur le plan conceptuel,

de par sa présence très activedans des projets de rechercheeuropéens depuis une vingtained’années, la France a été unprécurseur ; mais, sur le planpratique, il y a un vrai retardderrière les pays nordiques, lesEtats-Unis... Et même Singapour.La Grande-Bretagne, quant àelle, a prévu la commandepublique à la norme BIM dès2016...Cécile Duflot, lorsqu’elle étaitministre du Logement et del’Egalité des territoires, a mis uncoup d’accélérateur : elle arendu le BIM obligatoire pourles marchés publics à partir de2017... L’Europe n’est pas enreste : à compter de 2016, lescommandes publiques devronttoutes être au standard BIM.

Aujourd’hui, les groupes detravail, associations telles queMediaconstruct (1), initiatives etincitations fleurissent, et lanomination d’un « MonsieurBIM» (lire notre entretien page46) est un symbole fort de lavolonté de l’Etat d’insuffler unedynamique afin que l’ensembledes professions concernéespassent elles-mêmes au BIM:constructeurs bien sûr, maisaussi architectes, bureaux d’étu -des, économis tes... Et géomètresexperts.Pour tous, l’objectif est clair.Sylvia Pinel, fraîchement nom -mée ministre du Logement,déclarait le 25 septembre 2014,lors des récompenses du pre -mier trophée BIM, « l’impor-tance pour les profession- ➤➤

Selon l’étude McKinsey

(lire page 38), la

maquette numérique

procure à tous les acteurs

d’un chantier « une visibilité en temps réelsur le respect des coûtset des délais. Elle éviteaussi d’avoir à saisir lesmêmes informations à demultiples reprises, ce quiest source de surcoûts etd’erreurs».

Géomètre n° 2121 • janvier 2015 • 35

BIM

Page 5: Faut-il avoir peur du BIM? - UNGE

nels du bâtiment de s’en -gager dans cette évolutionnumérique, afin de moderniserles procédés de construction». Ainsi, le BIM, spectaculaire ettrès médiatisé, est bien une« révolution numérique» dansles professions de la construc-tion et du cadre de vie. Maisc’est aussi la partie émergéed’une révolution plus sourde quitouche ces métiers : la générali-sation des nouvelles technolo-gies démocratise la mesure, lenuage de points, la 3D, 4D etplus... Une «numérisation à tousles étages» qui revalorise le géo -mètre-expert dans ses missionsà valeur ajoutée, comme l’ana-lyse et le conseil.

La France «bimisée» ?

Le géomètre-expert a un vrairôle à jouer, alors qu’il intervienten amont de la conception et enaval de la construction, dans ladynamique de promotion et demise en œuvre du BIM. «Lavaleur ajoutée des géomètres-experts dans le BIM est leurcapacité à mesurer avec préci-sion et à savoir juridiquement cequi est mesuré », rappelaitrécemment Alain Pape, prési-dent d’honneur de l’Unionnationale des géomètres-experts(UNGE), responsable du groupeR&D du syndicat, très impliquédans les réflexions autour duBIM.En sachant qu’on est seulementau début du BIM. L’immeubleétant «vivant» au sein d’unréseau, il y aura probablementà terme, au dessus du BIM dubâtiment, le BIM du quartier,celui de la ville... Il n’est mêmepas interdit d’imaginer un jourla France entière «bimisée»...Ce qui laisse des perspectives dedéveloppement.

(1) Association représentant Building-

Smart en France, pour l’usage de la

maquette numérique (BIM) dans une

logique d’interopérabilité.

BIM

36 • Géomètre n° 2121 • janvier 2015

➤➤

Page 6: Faut-il avoir peur du BIM? - UNGE

Le BIM (Building Information Modeling) peut êtredécrit comme «un fichier numérique qui con centrel’ensemble de l’information technique et régle-mentaire de l’ouvrage». Une façon révolutionnairede décrire le bâtiment.

Le BIM contient chaque objet composant le bâtiment(murs, dalles, fenêtres, portes, ouvertures, escaliers,poteaux, poutres, équipements...) et ses caractéristiques.

Les objets de la maquette sont localisés relativement à unearborescence spatiale (site-bâtiment-étage-espace). Il a étéprécédé en France par la «maquette numérique», déjà bienconnue des géomètres-experts, et qui a évolué pour intégrerle BIM.Pierre Mit, président de l’Untec (Union nationale des écono-mistes de la construction), et très actif sur le sujet via l’asso-ciation Mediaconstruct, chapitre français du BuildingSmart,résume le BIM comme un «avatar d’un bâtiment» au sensinformatique. Techniquement, il s’agit d’un ensemble denormes, d’outils, de méthodologies et de plateformes colla-boratives employé pour créer cet avatar. Le dialogue entre lesoutils et les interlocuteurs se fait à l’aide d’IFC (Industry Founda-tion Classes), un langage informatique à la norme ISO16739commun à l’en semble des logiciels métiers concernés, unoutil de structuration et d’échange de données techniques.De nombreuses relations entre les objets peuvent ainsi êtredécrites : jonction de murs, percement d’un mur par uneouverture, remplissage d’une ouverture par une fenêtre, etc.On parle de «maquette numérique» et non de «maquettevirtuelle», car « la modélisation dépasse les caractéristiquespurement géométriques en intégrant la notion d’objet».Concrètement, de la phase de l’idée à la maintenance etl’exploitation une fois le bâtiment réalisé, chaque profes-sionnel va saisir, dans un fichier unique qu’il pourra partager,les données relatives à son intervention (par exem ple, pourle géomètre-expert, des données issues de relevés 3D qu’ilaura traitées avec des outils numériques) en allant puiserd’autres données si nécessaire dans des bibliothèques deproduits elles-mêmes au format BIM (par exemple, l’écono-miste de la construction pourra planifier les travaux directe-ment à partir de la maquette, et faire un chiffrage dynamiqueet de façon quasi-automatique). Cette «maquette numérique» se cons truit au fur et à mesuredu projet, ce qui permet de constater visuellement l’avance-ment et les modifications. Toute modification apportée estautomatiquement répercutée sur l’ensemble, les nomencla-tures, les coupes, les plans et les rendus. «Ce concept de

modélisation des données architecturales s’im pose commel’alter ego de système d’information technique en vigueur dansd’autres secteurs industriels (aéronautique, aérospatial) ». Etcela change beaucoup de choses ! «Le BIM doit permettrede construire et rénover mieux, plus vite et pour moins cher»,explique Bertrand Delcambre, longtemps directeur généralpuis président du CSTB (Centre scientifique et technique dubâtiment) avant d’être nommé récemment le «MonsieurBIM» en France par la ministre Sylvia Pinel. Le CSTB avait,du reste, pendant plusieurs années, œuvré à convaincre lespouvoirs publics pour prendre une véritable initiativenumérique. Le BIM a ainsi été «poussé» par Cécile Duflot,dans le cadre de la démarche «objectif 500000» lancéealors par l’ancienne ministre.«C’est une rupture positive pour le monde du bâtiment»,insiste Bertrand Delcambre. C’est aussi une vraie rupturetechnologique. Sur ce point, l’«ambassadeur du numériquepour le bâtiment» (c’est son titre exact) rejoint l’avis destechniciens, comme Nicolas Fagart, directeur technique chezSteria et spécialisé dans les SIG (systèmes d’informationgéographique), pour qui « le plan est dépassé ! Les architecteset les géomètres, par exemple, travaillent à la transition duplan DAO vers la maquette numérique BIM, intégrant, grâceaux SIG, bien plus que des plans mais aussi les donnéesarchitecturales voire de construction associées».En France, des associations comme Mediaconstruct œuvrentà la diffusion du BIM. L’Europe n’est pas en reste. Et l’Afnortravaille de son côté au «PPBIM», à savoir un dictionnaireproduits dont la nomenclature est à la norme IFC.

Construire et rénover mieux,plus vite et moins cher

Géomètre n° 2121 • janvier 2015 • 37

BIM

Le futur centre aquatique de Saint-Nazaire, conçu à la norme BIM.

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Page 7: Faut-il avoir peur du BIM? - UNGE

Le secteur a besoin dunumé rique !» C’est leconstat sans appel de

l’étude «Accélérer la mutationnumérique des entreprises»,qui passe au scanner le degréde numérisation des différentssecteurs de l’économie françai-se, réalisée en septembre 2014par McKinsey & Com pany,cabinet de conseil auprès desdirections générales. Alors que le secteur pèse plusde 6% du PIB hexagonal, lecontexte n’est pas simple pourla diffusion du numérique dansla construction, domaine com -posé à 94% de TPE (moins de

dix salariés). De même, laprofession de géomètre-expertest, elle aussi, organisée enune majorité de TPE et depetits cabinets...Pourtant, le rapport est catégo-rique : «Afin de préserver leurcompétitivité et de mieuxrépon dre tant aux attentes desclients qu’à la réglementation,les acteurs de la constructionvont devoir investir dans leurtransformation numérique, à lafois en capitaux, en temps, encom pétences et en attentionmana gériale au plus hautniveau». C’est vrai pour lesgrands et pour les moinsgrands, pour le bâtiment aussibien que pour les professionsde services ou con nexes,comme les géo mètres-experts.L’impact du numérique sur cesecteur va revêtir des formes

multiples et très diverses, enraison justement de la diversitédes acteurs concernés et de lavariété des projets. Ainsi, tou jours selon le rapportMcKinsey, les acteurs «del’amont» intervenant dans lesétudes et la conception(comme le géomè tre-expert)doivent surtout pren dre encompte l’évolution de lademande. Un exemple : « lesclients attendent de plus enplus que les nouveauxlogements soient “connectés”et “ intelligents ” de manière àoptimiser les coûts defonctionnement (énergie, eau,etc.) ».Dans la partie étude etconception d’une construction,il doit y avoir «une intégration

BIM

38 • Géomètre n° 2121 • janvier 2015

Le numérique : indispensabledans la constructionSelon une étude américaine, le BIM permet-trait d’économiser jusqu’à 10% de la valeurdes contrats. Plus largement, le numériqueimpacte radicalement le monde du bâtiment,et aussi plus largement celui du cadre de vie.Le géomètre-expert n’échappe pas à la règle.

«

Le BIM, en numérisant

l’ensemble des données

d’un immeuble sous for-

me d’avatar mais aussi

ses « attributs », permet

d’inscrire celui-ci dans un

réseau plus vaste où

toutes les professions qui

contribuent à sa concep-

tion, sa fabrication mais

aussi son exploitation

vont dialoguer à partir

d’un fichier unique.

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Page 8: Faut-il avoir peur du BIM? - UNGE

du mon de physique et desdonnées numériques». Ainsion va pou voir «améliorer laconception grâce aunumérique»... Compte tenu de l’impact desprojets de bâtiments ou d’infra-structures sur la qualité de viede leurs occupants et usagers,« les maîtres d’ouvrage et lesconcepteurs ont intérêt àprofiter de toutes les possibi-lités offertes par le numériquepour mieux cerner les besoinset attentes de ceux-ci». Dansla phase de conception, lenumérique per met de mieuxcomprendre les exigences desusagers, d’adapter le designaux usages attendus.

39% des constructeursdisent utiliser le BIM

Outre l’amont, les acteurs dela construction et de l’exploita-tion se trouvent quant à euxen première ligne pour lesaspects touchant à la producti-vité : « le recours plus systéma-tique aux maquettesnumériques du bâti ment, parexemple, leur permettrait deréduire leurs coûts et degagner en efficacité. Pour tousles acteurs, la consolidationdes très nombreuses données àgérer en simultané, avec ungrand nombre d’interfaces,représente un défi majeur,auquel le numé rique peutapporter des répon ses»,explique l’étude.Par ailleurs, toujours seloncette étude et malgré l’atomi-sation du secteur, sur le fond,le contexte est favorable àl’innovation. «Plusieursfacteurs se conjuguent pourpousser les acteurs des étudeset de la conception à innovergrâce aux outils numériques,parmi lesquels la réglementa-tion joue un rôle essentiel.Avec l’entrée en vi gueur denouveaux règlements, les“ smart buildings” sont appe lés

à devenir la norme.» A titred’exemple, la future réglemen-tation thermique 2020(RT2020) devrait avoir commeobjectif la maison à énergiepositive. Les constructeurs sontincités à offrir des bâtiments etdes infrastructures respectueuxdes principes du développe-ment durable dans leurconception, et toujours plussobres en énergie et en eaudans leur fonctionnement. «Cequi exige entre autres derenforcer leur composantetechnologique et numérique»,expliquent les auteurs.Concernant le BIM précisé-ment, le cabinet d’étudesn’hésite pas à parler de« révolution pour le secteur dela construction» : « la MNBprocure ainsi à tous les acteursd’un chantier –constructeur,architecte, concepteurs etétudes amont, pouvoirs publicslocaux et maître d’ouvrage–une visibilité en temps réel surle respect des coûts et desdélais. Elle évite aussi d’avoir àsaisir les mêmes informations àde multiples reprises, ce quiest sour ce de surcoûts etd’erreurs».En France, le BIM apparaît pro -gressivement dans le paysage :39% des constructeurs décla-raient en 2013 qu’ils y avaientsouvent ou très souventrecours. Cependant, ces tauxd’usage apparaissent encore enretrait par rapport à ceux envigueur dans les pays où leurutilisation a été promue par laréglementation. Les paysscandinaves notammentfigurent en tête : la Finlande amis en place un cadre régle-mentaire incitatif dès 2002, etla Norvège l’a fait en 2005. LeRoyaume-Uni leur a emboîtéle pas en 2012 et a évalué àdeux milliards d’euros les éco -nomies déjà réalisées depuis. «Les bénéfices sont tangibles :les constructeurs qui les utili-sent peuvent par exemplegénérer une estimation des

coûts cinq fois plus rapide-ment qu’avec les méthodestraditionnelles, et la marged’erreur se trouve réduite àmoins de 3%.» Le BIMamène aussi à réduire de 7%la durée moyenne deschantiers, et abaisse de 40%les dépassements de budget.Au total, le BIM permettraitselon McKinsey d’économiserjusqu’à 10% de la valeur descontrats. Par ailleurs, l’utilisa-tion du BIM sur toute lachaîne de valeur offre unemeilleure communication del’ensemble des parties pre -nantes, de la conceptionjusqu’à la réalisation. La transformation numériquedevient donc un enjeu majeur.Mais on est en retard. Aujour-d’hui, «une grande part desplans ne sont pas numé risés»,note le rapport McKinsey ; lesprocessus restent encore large-ment dominés par le papier etle traitement manuel. «Unprojet type nécessite de croiserdes informations de naturesdifférentes (normes-DTU, PLU,plans, etc.) avec des dizainesd’interfaces, souvent en simul-tané»...Dans ce contexte, les géomè -tres-experts sont aux premièresloges, et il est vrai que tousn’ont pas attendu le BIM pouradopter les nouvelles technolo-gies et la numérisation (lirepage 40).

Géomètre n° 2121 • janvier 2015 • 39

BIM

LE BIM SELONLA DÉFINITIONDE MCKINSEY

«La maquette numérique

du bâtiment, ou BIM

pour BuildingInformation Modeling,

est un format de données

informatiques partagé

entre différents acteurs

intervenant autour d’un

chantier : architectes,

entreprises de construc-

tion, exploitant, etc. En

sus des trois dimensions

spatiales de la concep-

tion assistée par ordina-

teur (CAO), la MNB ou

BIM intègre une 4e

dimension temporelle

(les évolutions du bâti-

ment dans la durée), une

5e dimension financière

(les coûts de construction

et de fonctionnement) et

une 6e de gestion du

cycle de vie du produit

(PLM, pour ProductLifecyle Management). »Extrait de «Accélérer la

mutation numérique des

entreprises ».

Page 9: Faut-il avoir peur du BIM? - UNGE

Longtemps, les outils infor-matiques mis en placepour les échanges de don-

nées ont eu du mal à trouverleur place dans l’univers de laconstruction. Le fait de pouvoirutiliser le même support infor-matique, de la conception à ladéconstruction d’un ouvrage,par le biais du format BIM viaIFC, est une idée séduisante...Mais une idée qui a du mal àmobiliser la filière», déplorePierre Mit, économiste de laconstruction et président del’Untec (Union nationale deséconomistes de la construction)et vice-président deMediaconstruct (1).

Les majors du bâtiment et destravaux publics (BTP) ou del’ingénierie ont pourtant biencompris l’intérêt du BIM: celaleur permet de maîtriser lafilière dans son entier ou engrande partie. «Très vite, lesgéomètres-experts impliquésdans les projets immobiliers oud’aménagement vont devoir semettre au BIM», avertit AlainPape, président d’honneur del’UNGE.

Un «hub immobilier »au service du BIM

«L’approche doit porter sur lesecteur diffus de la maîtrised’œuvre “éclatée” telle qu’elleest en réalité pratiquée surnotre territoire. Bon nombre deprojets sont issus des étudesréalisées par une équipe demaîtrise d’œuvre (architecte,BET et économiste) et réaliséspar des PME aux spécificitésdiverses, d’où une multitude

d’intervenants : c’est avec cesacteurs qu’il faut démontrer lebien-fondé de l’utilisation desIFC (lire page 37)», ajoutePierre Mit. Les cabinets de géomètres-experts font partie de ces PMEet TPE. De par leur doublecompétence technique etjuridique (le règlementairepèse de plus en plus lourd,) ilsvont par conséquent se trouveraux premières loges dans lagénéralisation du BIM. La miseen place de la 3D au formatIFC (format de fichier utilisépar l’industrie du bâtiment) trèsen amont dans la conceptionest, pour le concepteur au senslarge ou celui qui réalise lesétudes amont, donc pour legéomètre-expert, un investisse-ment. Un investissementbénéfique sur le long terme :«on peut imaginer que, dansle cadre d’un diagnostic avantdéconstruction, ce dernier serafacilité du fait du format utilisélors de la conception et de la

BIM

40 • Géomètre n° 2121 • janvier 2015

Le géomètre-expert en chef d’orchestre de l’immobilier

Pour être un succès, la mise en œuvre du BIM nécessitede disposer de compétences à tous les niveaux. En formation initiale, il faudra intégrer et adapter lenumérique dans les cursus de techniciens, d’ingénieurs etd’architectes. En formation continue, il est nécessaire dequalifier les métiers liés au BIM, de clarifier les compé-tences à acquérir et surtout de mettre au point des offresnouvelles : stages dédiés, compagnonnage, e-learning,Mooc (Massive Open Online Course), Spoc (Small PrivateOpen Course)... Ce n’est pas simple. D’autant que les besoins sont très diver-sifiés. Citons tout de même les initiatives d’initiation en

régions comme la plateforme Domolandes, sur le parcd’activités Atlantisud à Saint-Geours-de- Maremne (Landes),dédiée aux professionnels et donc aussi aux géomètres-experts, ou le mastère spécialisé de l’ENPC-ESTP ouvertentre autres aux étudiants voulant devenir géomètre-expertet dont la vocation est de « former et réunir les acteurs dela construction autour de la maquette numérique pourconcevoir de façon intégrée et manager des projets deconstruction et d’exploitation de bâtiments neufs, existants,ou en rénovation».Les écoles d’architecture commencent à intégrer des cursus,et l’Education nationale s’y intéresse, à travers des Bac Pro.On espère l’intégration prochaine du BIM dans les BTSgéomètres et topographes...

Le BIM et les techniques de nu mérisationchangent le métier. Le glissement de la valeurajoutée du géomètre-expert est inexorable :moins de mesure «brute», plus de conseil ;moins de travail individuel et plus de colla-boratif. Quelle est sa place dans le BIM?Quelle évolution du métier avec et par le BIM?

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Page 10: Faut-il avoir peur du BIM? - UNGE

maintenance de l’ouvrage»,insiste Pierre Mit.Au niveau du bâti, legéomètre-expert peut aider àintégrer toutes ces informationsdans le BIM, car il est enquelque sorte un «hub» dansle domaine de l’immobilier :« il est un chef d’orchestreconnaissant les partitions detous les acteurs concernés–maire, avocat, notaire,promoteur, architecte– sans lesremplacer, et capable de lesmettre en musique. Legéomètre-expert peut à monsens favoriser l’interopérabilité,et c’est l’un des objectifs duBIM», assure Alain Pape.

De plus, le BIM, qui toucheaujourd’hui essentiellementaux projets neufs, va aussi setourner vers la rénovation duparc ancien... Le géomètre-expert va être indispensable àla «bimisation» de l’acquis. Lechantier est colossal : la miseau format BIM des plans pourrénovation passe par lanumérisation du parc. «Legéomètre-expert ne peutqu’être un acteur du BIM»,appuie Pierre Mit.

(1) Association représentant Building-

Smart en France, pour l’usage de la

maquette numérique (BIM) dans une

logique d’interopérabilité.

Géomètre n° 2121 • janvier 2015 • 41

BIM

«Plus seulement la mesure, mais son

exploitation»

Trois questions à AlainPape, pilote du groupede travail « rechercheet développement »de l’UNGE.

Le géomètre-expert est-ilconcerné directement parle BIM?Le géomètre-expert estplacé en amont dans laconstruction d’un bâti -ment. C’est un des princi-paux pourvoyeurs d’informations au service de lafilière. Dès la phase étude d’un projet, il peutproduire des informations en 3D. Dans l’absolu,c’est donc le géomètre-expert qui va créer lepremier modèle numérique qui pourra ensuite êtrerepris et complété par les autres acteurs. La profes-sion souhaite donc s’impliquer davantage dans lamise en œuvre du BIM.

Où se place-t-il dans la chaîne du BIM?La valeur ajoutée du géomètre-expert dans le BIMest sa capacité à mesurer avec précision et à savoirjuridiquement ce qui est mesuré. Dans un systèmeoù l’on doit intégrer des informations une fois quel’on dispose des plans, le géomètre-expert a doncun rôle important à jouer. Par exemple, le géomètre-expert, qui réalise des calculs de surface, est capablede qualifier toute une série d’informations pour lesplacer dans le BIM, afin que les maîtres d’ouvragespuissent en disposer (comme le bail d’un localcommercial, les charges, la surface louée, etc.) enles lisant dans un modèle numérique accessible.Avec sa double compétence technique et juridique,le géomètre-expert est le seul acteur de la filièrecapable de vérifier des informations juridiques pourles intégrer sur un plan (3D).

Le géomètre-expert est-il prêt ?Le géomètre-expert dispose déjà d’outils 3D. Sonmétier n’est plus seulement la mesure, mais surtoutson exploitation. Nous sommes à un virage techno-logique. Le géomètre-expert est prêt. Sachant qu’onva donc passer de l’interprofessionnalité à la notionplus large et globale d’interopérabilité entresystèmes mais aussi entre métiers...

P. G

ON

ZALV

ES

Page 11: Faut-il avoir peur du BIM? - UNGE

Dans le contexte de numérisationinéluctable, et malgré la taillemodeste de leurs structures, lesgéo mètres-experts exploitent lesnouvelles technologies depuis denombreuses années. Des con -naissances qui ouvrent la voie àl’adoption rapide du BIM.

Parmi les techniques de mesure etde relevés, les nuages de points etla 3D, déjà très largement utilisés,

servent de base pour réaliser les modéli-sations provenant de divers systèmes demesure. Les géomètres-experts sont àl’aise depuis très longtemps dans cedomaine, et en outre les évolutions tech-nologiques récentes leur ont beaucoupfacilité le travail, mais il est réjouissant deconstater que les domaines de l’archi-tecture et de la construction, tradition-nellement usagers du 2.5D (séparantplanimétrie et altimétrie), commencentà se servir aussi de la vraie 3D, avectoutes les possibilités qui en découlent.Un nuage de points est un ensemble depoints sous formes de données dans unsystème de coordonnées à trois dimen-sions. Les points se définissent par leurscoordonnées x, y et z, et ces points ser-vent à représenter une surface quel-conque, une façade par exemple. Sur leterrain, à l’aide d’un numériseur, on vabalayer une surface dans ses troisdimensions pour en générer un nuagede points. Le numériseur prend desmesures d’un grand nombre de pointsd’une façon automatique pour en pro-duire un nuage sous forme de fichier dedonnées. Deux technologies sont prin-cipalement utilisables : la photogram-métrie et les scanners laser. Les scanners laser 3D sont actuellementassez répandus, ils sont onéreux maistrès rapides, jusqu’à un million depoints par seconde, avec une précision

de l’ordre de quelques millimètres, etd’une très grande facilité d’emploi. Lesméthodes issues de la photogrammé-trie, désormais entièrement automati-sée, font actuellement un retour en for-ce grâce aux puissances disponiblesdans les ordinateurs courants. Elles pro-duisent aussi des nuages de points, cettefois à partir d’images stéréoscopiquestrès faciles et peu coûteuses à acquérir,mais au prix d’un post-traitement quiconsomme beaucoup de puissance decalcul, pour lequel toutes sortes de solu-tions, tant commerciales qu’en OpenSource, sont disponibles. Il faut noter enoutre que l’acquisition d’images a faitdes progrès décisifs récemment, avec lavenue sur le marché de drones très bienautomatisés et n’exigeant aucune tech-nicité pointue en matière de pilotage :un professionnel peut, en une heure deterrain, photographier un immeublesous toutes les coutures, faire un petitnombre de mesures topographiquesd’appui, et livrer toutes ces données àune chaîne entièrement automatique ;quelques heures après, il pourra obtenir

un modèle 3D et l’habiller avec lesimages les plus appropriées.Car les nuages de points peuvent êtreassociés à des images acquises par lesmêmes moyens, ce qui permet de lesdraper sur les modèles 3D obtenus etd’obtenir une copie conforme, parfaite-ment réaliste, et permettant en outretoutes sortes de mesures ultérieures,d’un immeuble ou de n’importe quelobjet mesuré.Les mesures sont ensuite exploitées àl’aide d’un logiciel de traitement desnuages de points obtenus, spécialisédans le maillage 3D, la reconstructionde surfaces ou la comparaison tridi-mensionnelle. Là encore, les outils logi-ciels nécessaires viennent, soit desconstructeurs (scanners laser et photo-grammétrie), soit du monde de l’OpenSource. On a ainsi la possibilité de pro-duire des semis de points sur toutessortes de surfaces, même les plus com-plexes, avec une précision pouvant per-mettre de décrire de manière quasi-par-faite des façades, mais aussi des voûtesde cathédrales, voire des statues ou de

Nuages de points, 3D... La profession maîtrise dèjà

BIM

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Un exemple d’interface avec le logiciel 3DReshaper, en trois parties : le menu (1), l’arborescence pour

manipuler les différents objets (2), la zone graphique (3) avec le mode multivue (seize sous-vues maxi-

mum) et la possibilité de passer d’une vue orthographique (à gauche) en vue perspective (à droite).

1

2 3

TEC

HN

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IGIT

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petits objets. Et les logiciels permettentbien évidemment une aide très pousséeà la gestion de ces quantités astrono-miques de données 3D, par exemplepour extraire automatiquement des sur-faces planes (mur, plancher, plafond).On y trouvera aussi une aide majeurepour faciliter des interventions de diverscorps de métiers, par exemple en iden-tifiant les surfaces cylindriques (et ontrouve ainsi toutes les tuyauteries).Résultat : des relevés plus précis, géné -rant des plans en 3D ou des modélisa-tions, de façon fortement automatisée. Les nuages de points 3D qui servent debase pour réaliser les modélisationspeuvent provenir d’une grande variétéde sys tèmes de mesure ou de techno-logies : scanners 3D, digitaliseurs, MMT(machine à mesurer tridimensionnelle),laser point ou laser plan (triangulationlaser), laser temps de vol (lasergram-métrie), laser trackers, pho togrammétrieou stéréophotogrammétrie, laseromé-trie, GPS, théodolite, etc. «Ces techno-logie atteignent aujourd’hui leur stadede maturité et permettent une qualité

accrue au niveau de la définition, de laprécision et de l’exhaustivité des me -sures effectuées. C’est un relevé hautedensité», expliquent des spécialistes dumatériel topographique. Tout ceci afinde retranscrire précisément la scènemesurée à une date donnée. Un scannerpermet même de coloriser le nuage depoints à l’aide d’un appareil photoembarqué coaxial avec le laser...Les logiciels de traitement des relevésoffrent, de leur côté, une grande variétéde fonctionnalités couvrant le traitementdes nuages de points, la modélisationpolygonale, l’extraction de profils et deformes géométriques, et la comparaison3D. Les modèles générés par exem plepar le logiciel 3DReshaper (de la sociétéTechnodigit), pour ne citer que celui-là,peuvent être utilisés directement pour leprototypage rapide, la génération dechemins d’outils, l’animation, la simula-tion, le calcul aux éléments finis, lecontrôle et l’inspection, etc.L’avantage du nuage de points estdouble : d’une part, l’automatisation desprises de mesu res, doublées d’une

grande précision et, d’autre part, lanumérisation qui permet une exploita-tion efficace et continue dans unenvironnement logiciel.La technique est très courante, très aupoint et fortement répandue chez lesgéomètres-experts. Elle peut aussi bienêtre employée pour des relevés deterrains que des relevés d’extérieur, oumême des relevés BIM. L’offre aussi bienmatérielle que logicielle (3DReshaper,de Technodigit, PDMS, SmartPlant 3D...)est large.Nous pourrions citer aussi le GPS quisonne la fin de la triangulation. A vraidire, tous ces nouveaux outils démocra-tisent la mesure. Ils ont changé la façonde travailler du géomètre-expert, quipeut déléguer de plus en plus des tâchesmoins « stratégiques », que ce typed’outils rend plus simple et mêmeautomatise, pour se focaliser sur l’étude,l’analyse et le conseil. Ces outils ont aussi permis de généra-liser la numérisation, ont ouvert la voieà la maquette numérique et font latransition avec le BIM.

Géomètre n° 2121 • janvier 2015 • 43

BIM

BIM 2DQue vient faire la 2D dansle BIM? Les plans papieront encore quelquesannées devant eux. Denombreuses entreprises

travailleront encore en 2Dpour les années à venir etil faudra bien échangeravec elles.

BIM 3DCe sont les trois dimen-sions géométriques x, y, z.Sans elles, pas de BIM!Elles permettent les visuali-sations, les détectionsd’interférence, la préfabri-cation, les relevés de l’exis-tant, le calcul desquantités, la mise à jourautomatique des coupes etdétails, etc.

BIM 4DCette dimension ajoute unedonnée « temps» aux troisdimensions géométriques.Elle permet de lier leséléments géométriques

avec l’information tempo-relle ou un planning deconstruction, ce qui vapermettre aux différentsacteurs d’un projet devisualiser la durée d’unévénement ou la progres-sion d’une phase deconstruction.

BIM 5DLa 5D permet de lier leséléments géométriques etla contrainte « temps» à un«coût» et ainsi d’estimerles prix de construction oud’obtenir un aperçu de lasituation financière d’unprojet à un momentdonné.

BIM 6DLa sixième dimension traitede tout ce qui concerne le

développement durabled’un bâtiment, parexemple les analysesénergétiques.

BIM 7DLa septième dimension lieles éléments du projet àtous les aspects de ladurée de vie du bâtiment.Généralement délivré à lafin de la construction, lemodèle 7D contient toutesles informations néces-saires pour l’utilisation etla maintenance dubâtiment.

BIM XD«X» représente ici toutesles données additionnellesimaginables qui pourraientencore venir s’ajouter auxautres dimensions.

Le BIM dans toutes ses dimensions

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Bertrand Delcambre, ambassadeurdu numérique dans le bâtiment(lire notre entretien page 46), a

remis le 2 décembre 2014 à SylviaPinel, ministre du Logement, del’Egalité des territoires et de la Ruralité,son « rapport sur le numérique dans lebâtiment», dans le cadre de la missionqui lui a été confiée en juin de la mêmeannée.Ce rapport définit les perspectives degains liés à l’usage du numérique dansle bâtiment, en matière : d’économiespour les travaux de construction, d’en -tretien, de maintenance et d’exploita-tion des bâtiments ; de productivitésliées à une meilleure maîtrise de l’infor-mation ; de création d’emploi.« Je tiens à saluer le travail exemplairemené par Bertrand Delcambre, qui faitdes propositions efficaces et pragma-tiques afin de favoriser l’utilisation desoutils numériques par les acteurs dusecteur du bâtiment. Elles permettent derépondre aux besoins d’équipement, degestion et de formation des entreprises,notamment des petites structures, pouraccompagner la montée en compé-tence de la filière sur le numérique. Cespropositions visent également à déve -lopper et à élargir la gamme des outilsnumériques, et notamment les logiciels,pour qu’ils soient mieux adaptés auxbesoins des PME, TPE et entreprisesartisanales», a déclaré Sylvia Pinel.Bertrand Delcampe a réuni quatre-vingtscontributions venant de profession-nels (1) et mené cent trente entretiens.

Ce rapport détaille les enjeux et lesacteurs du BIM dans le bâtiment, propo-sant «un plan ambitieux porté parl’Etat » et s’articule autour de quatregrands axes : convaincre et donner envieà tous les acteurs, notamment les maîtresd’ou vrage ; répondre aux besoinsd’équipement et de montée des compé-tences numé riques des acteurs, notam-ment des TPE et PME; développer desoutils adaptés à la taille des projets ;installer la confiance dans l’écosystèmenumérique français (ENF).En outre, le rapport Delcambre proposeune « task force» interministérielle, avecun comité de pilotage et un calendrierpour les mesures à prendre (voir ci-contre).

(1) Les contributions sont disponibles sur le site :

http://missionnumerique-batiment.fr/

Des freins à la collaboration

Quatre axes pour un rapport

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«Maîtriser et partager les informa-tions sont des enjeux essentielspour le secteur du BTP qui doitaujourd’hui faire face aux évolu-tions majeures du métier, tels quela complexification des projets, ledéveloppement de l’écoconcep-tion et des nouveaux types departenariats entre les acteurs (PPP,concessions), l’obligation demaîtriser les risques (anticipation,identification, évaluation, réparti-tion) ou encore le développementdu BIM», expliquent sur le siteminnd.fr les responsables duprojet MINnd...Le premier enjeu du BIM, maisplus largement de la modélisation«durable» des bâtiments, c’estdonc bien de «passer à l’élémentplus fin qu’est l’information en sedotant d’une structuration et d’unstandard d’échange des informa-tions (reconnus sur le plan interna-tional) et d’outils adaptés quiseront, soit transversaux comme lamaquette numérique, soit spécia-lisés comme les outils développésactuellement par chaque acteur».C’est dans ce contexte qu’a étélancé en mars 2014 le projetnational MINnD de recherche etde développement collaboratifsoutenu par le ministère de l’Eco-logie, du Développement durableet de l’Energie. Il se déroule surcinq ans, avec un budget globalde quatre millions d’euros.MINnD est structuré autour dequatre thèmes : mise en perspec-tive des pratiques ; cas d’usage etexpérimentation ; structuration desinformations ; proposition d’adap-tation des règlements. L’objectif, outre la structuration desinformations, est de faire évoluerles cultures et les mentalités dansune démarche plus collaborative.

Le géomètre-expert : décrire et garantirLa maquette sera le support de la conception, de l’aménagement, de la rénova-tion sur un bien foncier grevé de servitudes de droit public et privé, qu’il convientd’identifier précisément au regard de la densification urbaine et du caractère invio-lable du droit de propriété. Elle servira également de base pour la création debiens fonciers, parcelles, lots de copropriété, volumes, que le géomètre-expertdevra décrire et garantir, si possible en tant qu’acteur du BIM.

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BIM

Face aux nouveaux besoins desacteurs du cadre de vie, leslogiciels de conception 3D semultiplient et deviennent de plusen plus sophistiqués en intégrantprogressivement un nombrecroissant de fonctionnalités etdes «vues métiers». Toutefois,des progrès restent à faire... Unpoint de vigilance très sensibleconcerne l’interopérabilité et lanécessité de faire émerger desstandards de données et decommunication entre logiciels. Un standard international faitl’objet d’une norme Iso : les IFC(Industry Foundation Classes, lirepage 37) ; la plupart des éditeursde logiciels présents sur lemarché français ont adopté cestandard, dont la promotion est

portée par l’association Media-construct. Mais, à ce jour, lagestion de l’import et de l’exportdes IFC d’une application àl’autre n’est pas complètementsatisfaisante. En effet, le modèle

IFC est permissif, ce qui rend sonexploitation automatique diffi-cile. Un travail de spécificationdes parties du modèle néces-saires pour chacune des étapesdu projet est encore à réaliser.

Le calendrier proposéJuillet 2015

La mise en place d’un «portail du bâtiment numérique»L’analyse des expériences numériques en cours et évaluation des bénéfices (coûts, délais, qualité...)La définition et le lancement d’un label de «qualiténumérique» des projetsLa mise en place et l’animation d’un «Réseau nationaldes initiatives locales» La mise en place d’un plan de communication L’identification du terrain d’expérimentation du permisde construire numériqueL’organisation et le soutien de la représentation françaiseau sein des instances de normalisation traitant du numérique aux niveaux européen (CEN) et internationalL’expérimentation de la norme NF XP P07-150 concernant la description des produits

Octobre 2015

L’organisation, à l’échelle nationale, d’une compétitionannuelle des projets les plus aboutis dans l’usage dunumérique

Fin 2015

L’élaboration des guides d’implémentation et du protocole BIM pour lancer les premières opérations sousMOA publique et l’accompagnement de l’Etat exemplaire, pour la construction et rénovation de bâtiments publicsLe lancement d’une ingénierie de la formation adaptéeà l’usage des Mooc dans le bâtimentLa finalisation de conventions avec les écoles d’ingénieurs et les écoles d’architectureLa mise au point des spécifications des kits BIM pour lesartisans et les TPE-PME du bâtimentLa mise au point des spécifications du DCE et des DOE-DIUO numériquesL’élaboration de guides et recommandations adaptés àl’archivage des opérations et à la traçabilité des interventions sur des bâtiments constitutifs du patrimoine publicLa définition du contenu du «carnet numérique de suiviet d’entretien du logement» prévu par la loi sur la transition énergétique pour la croissance verteLa définition de la stratégie de certification des logicielset des acteursLa définition de la stratégie concernant les plateformescollaboratives de gestion des données numériques enphase d’exploitationLa définition d’une stratégie adaptée à la promotiond’une offre logicielle française basée sur la maquettenumérique

Un appel aux fabricants de logiciels

L’exposition attenante

au dernier congrès des

géomètres-experts,

en septembre 2014 à

Montpellier, a accueilli

de nombreux fabricants

de logiciels 3D.

M. R

UA

UD

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Ancien président du conseil d’administration duCSTB (Centre scientifique et technique dubâtiment), Bertrand Delcambre a été nommé enjuin 2014 au poste d’ambassadeur du numériquedans le bâtiment par la ministre du Logement etde l’Egalité des territoires, Sylvia Pinel. Entretienavec «Monsieur BIM», véritable spécialiste de laconstruction durable.

Pourquoi un «Monsieur BIM»?L’échéance de 2017 (1) impose une feuille de route auprès detous les acteurs, dont les géomètres-experts, pour conduire ledéploiement massif du BIM. Certes, le BIM est déjà implantédans les grands groupes, mais n’oublions pas que 98% desentreprises du secteur comptent moins de vingt salariés. C’estle cas des géomètres-experts, qui sont aussi plutôt de petitesstructures. Je m’attache donc à créer l’adhésion la plus largepossible au BIM. J’ai pu constater qu’il y a une vraie attentepartagée par les acteurs.

Qui va être touché par le BIM? Et comment?Tout le monde! Dans la construction neuve, où le BIM estun outil de communication, de partage de l’information etde dialogue, où le BIM permet précision et maîtrise complètede l’information tout au long de l’acte de construire, et enfinoù le BIM entraîne une ingénierie concourante et collabora-tive. Mais aussi dans la rénovation de l’existant, où lediagnostic pourra se faire à partir d’une maquette numériqueet où le BIM crée des outils d’aide à la décision et à laconduite de chantiers complexes. Il y a une stratégie ambitieuse, portée par les pouvoirs publics,pour accompagner la modernisation de la filière avec commegrands objectifs une amélioration significative de la producti-vité (délais, coûts), une augmentation sensible de la qualitéde la construction et de la gestion patrimoniale... Et en perspec-tive une diminution de l’em preinte environnementale desbâtiments.

Y a-t-il des barrières?C’est encore une affaire d’initiés. Et il y a une question demoyens : nous sommes en présence d’acteurs qui n’ont pasforcément été formés au numérique. Ce n’est pas le cas desgéomètres-experts. Mais il faudra une formation continue BIMet il faudrait même lancer une formation en ligne ouverte àtous. Saluons la création du mastère spécialisé BIM par l’ENPC(Ecole nationale des ponts et chaussées), l’ESTP (Ecole spécialedes travaux publics) et leurs partenaires...

Il y aussi un vrai problème d’équipement : un poste de travail(PC de base) peut nécessiter un investissement de l’ordre de10000 euros, matériel et logiciels, pour manipuler desmaquettes numériques. La mutualisation est une solution quej’encourage, et on voit fleurir en régions des initiatives visant,comme dans les Landes avec Domolandes (2), à favoriser l’ini-tiation aux plateformes BIM.L’interopérabilité est aussi une clé : la norme ISO IFC sert àdécrire les nouveaux «objets» des bâtiments. Elle entreprogressivement chez les éditeurs, mais il est indispensablede rassembler, dans des univers numériques de travailcommuns, des informations venant de tous les horizons, avecnotamment des catalogues électroniques de produits norma-lisés. Information technique, mais aussi règlementaire etnormative : tout cela doit être rattaché à la maquettenumérique.

Quelle est la place du géomètre-expert dans le BIM?Il a clairement un rôle à jouer : compte tenu de la numéri-sation généralisée de la mesure, et sachant que la rénovationest un enjeu du BIM, avec son expertise du relevé et de l’ana-lyse des donnés 3D, le géomètre-expert sera aux premièresloges. Les échanges que j’ai eus notamment avec l’UNGE etl’Ordre des géomètres-experts font d’ailleurs état d’un grandintérêt et d’un vrai dynamisme sur le sujet.

(1) La directive dénommée «Bâtiment 2.0» prévoit qu’à échéance 2017,

tous les marchés publics d’Etat devront être gérés en BIM, tel que recom-

mandé par la Commission européenne.

(2) Un pôle entièrement consacré à la construction durable et dédié aux

entreprises de la filière du bâtiment.

J’ai constaté une vraie attentepartagée par les acteurs

D.R

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