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Comment récrire une histoire littéraire mixte? L'exemple du théâtre des suffragettes Author(s): Stéphanie Janin Source: Nouvelles Questions Féministes, Vol. 22, No. 2, Féminisme et littérature (2003), pp. 42- 59 Published by: Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions Antipodes Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40619951 . Accessed: 15/06/2014 17:32 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions Antipodes are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Nouvelles Questions Féministes. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.108.199 on Sun, 15 Jun 2014 17:32:59 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Féminisme et littérature || Comment récrire une histoire littéraire mixte? L'exemple du théâtre des suffragettes

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Comment récrire une histoire littéraire mixte? L'exemple du théâtre des suffragettesAuthor(s): Stéphanie JaninSource: Nouvelles Questions Féministes, Vol. 22, No. 2, Féminisme et littérature (2003), pp. 42-59Published by: Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions AntipodesStable URL: http://www.jstor.org/stable/40619951 .

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Comment récrire une histoire littéraire mixte? L'exemple du théâtre des suffragettes Stéphanie Janin

Les historien-ne-s ne remettent plus en question l'impact provoqué sur la société par l'entrée des femmes sur la scène politique londonienne au début du XXe siècle1. La campagne pour le suffrage féminin a laissé un patrimoine visuel et argumentatif (photographies, affiches, discours, ouvrages théoriques, manifestations, actes symboliques) qui fait désor- mais partie des manuels d'histoire de tout-e écolier-ère en Grande-Bre- tagne (Tickner, 1988). Si la légitimité du mouvement suffragiste n'est plus à défendre sur le plan historique, les études littéraires, de leur côté, igno- rent souvent que plusieurs centaines d'autrices, animées par des positions politiques des plus diverses, ont écrit pour le théâtre anglais au moment où Ibsen passait pour être l'unique dramaturge de son époque à parler du rôle social des femmes. Sans chercher à justifier ce retard, je propose dans cet article d'aborder certaines des raisons qui expliquent la lenteur avec laquelle les études littéraires ont assimilé les contributions des femmes.

Il faut d'abord préciser que l'histoire du théâtre tient une place margi- nale au sein des études littéraires. Les praticiennes du théâtre ont souvent reproché aux littéraires d'analyser le théâtre uniquement sur la base d'une lecture, comme s'il s'agissait d'un poème ou d'un roman, sans tenir compte de la spécificité de l'art scénique ou des pratiques théâtrales. C'est pour cela que dans les pays anglo-saxons, les études théâtrales se sont affranchies des études littéraires au cours de ces trente dernières années pour former des chaires universitaires à part entière. Cependant, en ce qui concerne le théâtre de la période suffragiste, son histoire a été écrite à une époque où l'étude du théâtre était encore fortement tributaire de son héri- tage littéraire, et c'est la raison pour laquelle les études littéraires plutôt que théâtrales se trouvent au centre du propos.

1. En Grande-Bretagne, les premiers comités pour le suffrage féminin datent des années 1887-1888. La phase la plus militante de la campagne des suf- fragettes commence en 1905 avec la création de la branche londonienne de la WSPU (Union politique et sociale des femmes), dirigée par Emmeline Pankhurst. Après de multiples refus, la motion

présentée au Parlement est finalement acceptée en juin 1917 par la Chambre des Communes et en janvier 1918 par celle des Lords. Cependant, les femmes de condition modeste ou de moins de 30 ans devront attendre 1928 pour obtenir le droit de vote « universel » aux mêmes conditions que les hommes (Wandor, 1981 : 4).

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Édito ̂^^^^^^^3 Champ libre | Parcours | Comptes rendus | Collectifs Comment récrire une histoire littéraire mixte ? L'exemple du théâtre des suffragettes I Stéphanie Janin

Le théâtre nouveau et sa thématique de «la femme nouvelle»

Du point de vue de l'histoire littéraire, le début du XXe siècle est mar- qué par l'avènement d'une nouvelle tendance dramaturgique que les cri- tiques anglais-es appellent «New Drama». Le terme de théâtre nouveau, ou théâtre moderne, définit davantage une période dans l'histoire du théâtre qu'une théorie scénique particulière. Cette période, qui s'étend de 1880 à 1920, est marquée par l'émergence de nouvelles thématiques sociales et par une manière plus détaillée de représenter les relations que les individus entretiennent avec leur environnement social. Dans la foulée du natura- lisme littéraire de Zola ou de Dostoïevski, une nouvelle génération de dra- maturges européens se penchent sur les rapports sociaux entre les sexes et les classes. Ibsen, Chekhov et Strindberg en sont les instigateurs les plus célèbres, et des personnages dramatiques comme Nora, Hedda Gabler, Mademoiselle Julie ou Nina2 font alors leur apparition sur la scène nor- dique. Une des particularités du théâtre nouveau est de donner une place centrale à des figures féminines qui sont en rupture non seulement avec leur rôle social mais également avec des archétypes dramatiques antérieurs comme la femme de mauvaises mœurs, la brave mère, ou la jeune fille pure, telles qu'on peut les voir dans les mélodrames du XIXe siècle.

En Angleterre, le théâtre assimile à sa manière cette influence nor- dique en faisant du théâtre nouveau un théâtre de réflexion débattant de phénomènes sociaux. Plus discursif que naturaliste, le théâtre nouveau bri- tannique ne se contente pas de dépeindre les rapports sociaux de façon détaillée, mais se revendique alors comme une forme théâtrale intellec- tuelle, construite autour d'un raisonnement et impliquant, dans certains cas, un jugement. Les figures féminines en rupture du théâtre moderne ali- mentent sur la scène londonienne un nouveau débat de société, celui de l'émancipation de «la femme moderne»3. Des dramaturges tels Arthur Pinero et Henry Jones présentent une vision plutôt conservatrice du débat dans The Second Mrs. Tanqueray (1893), The Notorious Mrs. Ebbsmith (1895), The Case of Rebellious Susan (1894) ou Mrs. Dane's Defence (1900). Leurs protagonistes féminines finissent systématiquement désap- prouvées et rejetées par leur entourage pour avoir osé sortir des conven- tions sociales (suicide, retraite au couvent, abandon). D'autres dramaturges comme George Bernard Shaw et Harley Granville-Barker présentent une vision plus nuancée et moins moraliste du rôle social des femmes. Mrs. Warren's Profession (1893), Waste (1909, non publiée) ou The Madras House (1910) laissent davantage de place à la remise en question des sché- mas sociaux.

2. Henrik Ibsen, La Maison de poupée (1879), Hedda Gabbler (1898); August Strindberg, Made- moiselle Julie (1888) ; Anton Chekhov, La Mouette (1896), Les Trois Sœurs (1901).

3. La femme moderne ou «the New Woman» est l'un des thèmes de prédilection du théâtre nou- veau, qui se préoccupe essentiellement de la moralité, du statut social ou légal et de la psycho- logie de la femme.

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Ce qui frappe dans l'histoire du théâtre moderne anglais et européen telle qu'on peut la lire dans la plupart des manuels et des anthologies des trois premiers quarts du XXe siècle4, c'est l'absence ou le peu de considé- ration pour les productions de femmes autrices. Et ce manque est d'autant plus étonnant que le théâtre nouveau met justement en lumière les limites des rôles sociaux pesant sur ses protagonistes féminines dans la société moderne. On pourrait donc s'attendre à ce que l'histoire du théâtre nou- veau révèle plus d'une autrice ayant contribué à ce mouvement drama- tique, inspirée par le traitement scénique des problématiques de genre et par leur cortège de protagonistes féminines émancipées. Bien que ces femmes aient existé, l'histoire littéraire du XXe siècle en fait cependant rarement mention. Pourtant un simple coup d'œil au registre de l'Office du Lord Chamberlain5 suffit à montrer que les femmes, aussi peu nom- breuses soient-elles par rapport aux hommes, étaient présentes au début du XXe siècle dans le théâtre professionnel anglais. On les trouve égale- ment dans les nombreuses sociétés privées de théâtre qui s'organisaient à cette époque de manière à contourner la censure publique. Comment la critique moderne a-t-elle donc pu ignorer pendant près d'un siècle la quasi-totalité des productions de plus de quatre cents autrices ayant écrit pour la scène anglaise de l'époque edwardienne (Holledge, 1981 : 3)? La question n'est donc plus de savoir pourquoi les femmes n'écrivent pas pour le théâtre, mais bien pourquoi leur travail reste encore et toujours grandement ignoré.

L'héritage des études féministes dans le domaine littéraire, aussi jeune soit-il, a heureusement permis de combler une partie des lacunes de l'his- toire du théâtre nouveau. Voilà une vingtaine d'années que les études féministes, les études genre et les études théâtrales anglophones portent un grand intérêt à l'histoire fragmentée des praticiennes de la scène. En Angleterre, cet intérêt a d'abord été suscité par l'étude de Julie Holledge (1981) sur les femmes travaillant dans le théâtre à l'époque edwardienne, bientôt suivie par une série d'ouvrages historiques, d'anthologies et d'études théoriques: Wandor (1981), Spender et Hayman (1985); Case (1988), Gardner et Fitzsimmons (1991), Morgan (1994), Aston (1995), Kelly (1996), Scullion (1996). C'est grâce à ces recherches sur la produc- tion artistique des femmes que l'on doit la redécouverte et la prise en compte de textes dramatiques trop rapidement écartés de l'histoire du théâtre anglais. C'est le cas, par exemple, de Votes for Women! (1909), écrite par la comédienne et romancière Elizabeth Robins; de Diana of Dob son's (1925) de la comédienne et pamphlétaire de la Ligue suffragiste des écrivaines Cicely Hamilton; ou encore de Chains (1911) d'Elizabeth Baker, pour ne citer que quelques exemples parmi bien d'autres. Le sort de

4. Archer (1912); Clark (1928); Nicoll (1973); Clarke (1989) ; Dietrich (1989) ; Innés (1992). 5. L'Office du Lord Chamberlain est un organe de censure auquel étaient envoyés tous les scripts

susceptibles d'être produits sur une scène du Royaume-Uni, ceci jusqu'à l'abolition de la cen- sure théâtrale en 1968.

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I Stéphanie Janin

ces pièces est d'autant plus intéressant qu'elles furent toutes trois produites à Londres par des figures eminentes du théâtre edwardien, telles que Har- ley Granville-Barker ou Lena Ashwell, respectivement au Court Theatre en 1907, au Kingsway en 1908, et au Duke of York en 1910. Leur popularité ne s'est donc pas cantonnée au cercle des activistes du mouvement suffra- giste, mais semble avoir touché, enthousiasmé ou intrigué un public hété- rogène (Stowell, 1992). Leur format conventionnel (entre trois et quatre actes), leur ton enjoué et provocateur, ainsi que leur contenu débattant aussi bien de la question du vote que de celles de l'avortement, de la maternité, du mariage ou du statut économique des femmes ont d'ailleurs contribué à attirer un public qui n'était pas forcément engagé dans la lutte pour le suffrage féminin.

Si l'on cherche à comprendre pourquoi de telles pièces n'ont pas retenu l'attention des critiques littéraires du théâtre nouveau, leurs condi- tions de production révèlent qu'on ne peut en aucun cas imputer ce manque de reconnaissance au fait qu'elles seraient restées cantonnées à des cercles marginaux de théâtre privé. À l'inverse, il est vrai que l'argu- ment de leur visibilité sur la scène londonienne n'est pas nécessairement un critère de passage à la postérité. On sait, par exemple, qu'en Angleterre les pièces d'Ibsen ont été produites originellement en marge du grand public par des sociétés de théâtre privées et avant-gardistes. Par contre, il est intéressant de souligner que ces pièces suffragistes ont justement été produites par ces mêmes cercles de praticien-ne-s du théâtre nouveau qui ont promu les œuvres d'Ibsen. Ainsi, les pièces de Robins, Hamilton et Baker ont été défendues par certains de leurs contemporains masculins, comme G. B. Shaw, et deux d'entre elles ont même été intégrées à part entière lors de la première saison du théâtre nouveau de 1909 dirigée par Granville-Barker au Court Theatre. L'ironie est que malgré leur position au sein des cercles avant-gardistes les plus reconnus de leur époque, et malgré leur propos centré sur le thème de « la femme nouvelle » si chère aux dra- maturges modernes, ces pièces suffragistes ont été exclues du canon du théâtre nouveau pendant près d'un siècle.

Un canon qui résiste Connaissant l'attrait que ces pièces ont pu exercer sur des figures

renommées du théâtre nouveau comme G. B. Shaw et Granville-Barker, on est en droit de se demander si leur absence des ouvrages consacrés au New Drama ne relèverait pas d'une sélection délibérée plutôt que d'une simple inattention de la part des critiques littéraires. Si sélection il y a eu, elle nous oblige à prendre en considération les critères des historien-ne-s de la littérature. En effet, s'il s'agissait d'une simple omission ne remettant aucunement en question les critères esthétiques de l'histoire du théâtre nouveau, le débat pourrait s'arrêter ici. La critique féministe des années 80 aurait simplement permis de retrouver les contributions des autrices lais- sées de côté par inadvertance, et l'histoire du théâtre, qui jusque-là était

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écrite au masculin, pourrait devenir mixte. Or, on constate que l'assimila- tion de ces pièces dans les anthologies de textes dramatiques se fait avec beaucoup de lenteur. Et c'est justement la lenteur de ce procédé qui nous force à nous interroger d'une part sur les préjugés qui affectent encore ces productions écrites par des femmes et, d'autre part, sur la méthodologie de l'histoire du théâtre et de la formation du canon dramaturgique 6.

Couramment employée dans les études de genre anglo-saxonnes, la notion de canon a une fonction encore très actuelle dans le contexte des études théâtrales. Vu la forme relativement brève du théâtre moderne (deux à trois actes peuvent figurer sur une cinquantaine de pages), le théâtre est souvent publié sous forme d'anthologies. Ces nombreux recueils de textes dramatiques jouent alors un rôle très important dans la façon dont une époque ou un courant théâtral s'inscrit dans l'histoire du théâtre. D'un point de vue méthodologique, les anthologies sont un indi- cateur des normes esthétiques du canon. La conception d'une anthologie autour d'un thème, d'une esthétique, d'une décennie ou d'une identité culturelle particulière passe forcément par des critères de sélection. Cette sélection se fait souvent sur la base du discours critique formulé par l'his- toire du théâtre et par l'étude des développements formels dans ce domaine. À l'heure des théories postmodernes, la notion de canon peut sembler un peu dépassée et surtout limitante. Mais dans une perspective historique, la réécriture du canon reste encore une stratégie efficace pour affirmer une continuité dans l'histoire fragmentée de la production théâ- trale des femmes et pour rendre visibles et faire connaître leurs textes.

La démarche qui a conduit l'histoire du théâtre du XXe siècle à mar- ginaliser les productions féminines a parfois été justifiée en fonction de critères formels. Même si la plupart des critiques du théâtre moderne ont rarement pris en considération les pièces suffragistes et féministes, leurs propos concernant les productions de femmes en général sont révélateurs de leurs préjugés. Dans la préface à son anthologie internationale du théâtre moderne écrit par des femmes, Katherine Kelly évoque comme principal reproche formulé à rencontre de ces autrices leur manque de rigueur intellectuelle. Elle cite, par exemple, Brander Matthews faisant observer que les femmes n'ont pas accès à des « ressources illimitées d'in- formations sur la vie qui est le propre des hommes» (Kelly, 1996 : 2). Pour cette raison, selon lui, les femmes ont eu davantage de succès dans l'écri- ture des romans domestiques et des contes, genres dans lesquels la rigueur intellectuelle serait moins nécessaire. L'intérêt de la remarque du critique américain se situe davantage dans sa formulation explicite de l'idéologie qui sous-tend l'exigence esthétique du canon de l'époque que dans son évaluation des capacités rédactionnelles des femmes. Votes for Women /,

6. Le terme fait référence aux critères de sélection des anthologies de pièces de théâtre et aux normes esthétiques formulées par l'histoire du théâtre.

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Diana of Dobson's ou Chains servent justement de parfaits contre- exemples à l'hypothèse de Matthews. En effet, ces pièces dépeignent de façon détaillée et fidèle aussi bien les conditions de travail des vendeuses de grands magasins ou des femmes se livrant à la prostitution que celles des employés de bureau, que la carrière politique des parlementaires ou du mode de vie de la haute bourgeoisie. Leur théâtre est axé précisément sur le contraste entre divers milieux sociaux qui cherchent à s'ignorer mais se découvrent liés les uns aux autres. La vision critique et sociologique que dénote leurs pièces résulte de l'expérience directe de la diversité et de l'âpreté des réalités économiques que les autrices ont connues au fil de leur engagement politique et des multiples emplois alimentaires qu'elles ont exercé pour assurer leur subsistance.

La modernité au masculin

L'ampleur des préjugés des critiques dramatiques à l'égard des femmes qui écrivent peut se mesurer dans la remarque de l'historien Barrett H. Clark selon laquelle une bonne écriture dramatique équivaut à suppri- mer «la touche féminine», à écrire comme un homme (Kelly, 1996: 2). Mais encore faudrait-il savoir comment un homme écrit. L'analyse de Katherine Kelly a mis en lumière les critères de sélection des critiques qui ont élaboré le canon du théâtre nouveau. Elle remarque que l'esthétique de la modernité au théâtre s'appuie sur une notion de la culture métropoli- taine perçue comme une norme universelle. Elle explique :

«Le cosmopolitisme est apparu vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe comme nouvelle forme du mythe de la culture exportable, capable de traverser les frontières nationales qui définissent le goût et la pratique artistique. [...] Le cosmopolitisme, soi-disant humaniste, affirmait la supériorité culturelle de ce qui est semblable sur ce qui est différent, du global sur le local, et pouvait ainsi être utilisé [...] pour reléguer récriture dramatique des femmes dans la catégorie des productions culturelles indigènes, sous-qualifiées pour la scène profession- nelle, pour la traduction ou V exportation au-delà des frontières nationales.» (1996:4)

Cette analyse de l'idéologie qui sous-tend la critique du théâtre moderne explique la marginalisation qu'ont pu subir certaines productions du théâtre suffragiste. En effet, face aux normes du cosmopolitisme moderne, la position économique des femmes, leur rapport au mariage ou à la procréation n'avaient que peu de chances d'être perçus autrement que comme des particularismes donnant lieu à des propos différencialistes et n'ayant pas valeur d'universel. Aussi aberrant que cela puisse paraître, une pièce comme Diana of Dobson's, qui dénonce de façon subtile, comique et pertinente le fait que le mariage est une nécessité économique dans un contexte où un travail féminin rémunéré à plein temps ne garantit pas à une femme l'indépendance financière, une telle pièce, donc, a pu être trai- tée comme ayant une thématique de second ordre dénotant une touche

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typiquement féminine! Les autriees se trouvent ainsi dans un cercle vicieux. À l'époque où le théâtre moderne est à l'affût non plus d'un savoir-faire formel et scénographique comme dans le mélodrame, mais d'une vision autoriale capable de transmettre à travers l'espace scénique son rapport au monde, les voilà suspectes si elles cherchent à communi- quer leur expérience authentique, alors même que le théâtre nouveau donne une place centrale à des personnages féminins. Exclues d'emblée du débat politique parce que privées de droits civiques, on pouvait bien leur reprocher de manquer de ressources d'informations sur la vie propre aux hommes, pour reprendre la formule de Matthews. Cependant, une autrice comme Elizabeth Robins, qui tente de rejoindre ses collègues mas- culins sur leur propre terrain en développant la thématique de la femme nouvelle et dont la pièce a précisément pour objet la vie politique, passe alors pour être trop partisane et son travail n'est guère plus prisé.

Paradoxalement, chez cette dernière, l'idéologie politique passe pour être un excès de sentiment ! Samuel Hynes, par exemple, lit la pièce d'Eli- zabeth Robins comme étant «visiblement mélodramatique» et explique que:

«Votes for Women ! est peut-être un échec dramaturgique dans le sens où T. S. Eliot considérait Hamlet comme un échec dramaturgique - c'est-à-dire une pièce dominée par des émotions excessives par rapport aux faits avancés. » (1968: 203)

Même si la comparaison avec Shakespeare peut sembler flatteuse, il faut préciser que Hynes construit son jugement un demi-siècle après la production de Votes for Women ! sur la base de sa propre lecture de la pièce et de sa propre capacité à en imaginer le contenu émotionnel. Sa méthodologie étant très personnelle et subjective, on est en droit de se demander de quel côté provient l'excès émotionnel. Cependant l'intérêt de la remarque de l'historien réside dans ce qu'elle nous révèle des critères d'analyse : à savoir l'équilibre entre l'idéologie politique et le développe- ment dramaturgique. Si le «Fabianisme» de George Bernard Shaw, les sympathies socialistes d'Harley Granville-Barker ou d'Henrik Ibsen pas- sent pour avoir largement inspiré, nourri et développé leur travail théâ- tral, il n'en va pas de même pour le féminisme de leurs consœurs. Les his- toriens du théâtre anglais tels Hynes (1968), Nicoll (1973) et Innés (1992) semblent avoir plus facilement pardonné à John Galsworthy ses affinités travaillistes dans une pièce comme Strife (1909) qu'à Elizabeth Robins son féminisme dans Votes for Women! Ceci est d'autant plus frappant que leur démarche est similaire, et également représentative du théâtre avant-gar- diste engagé de l'époque. Hynes reproche à Robins de ne pas avoir suffi- samment dissimulé un discours politique qui somme toute le dérange, soit parce qu'il touche à des problématiques spécifiques aux femmes et que, dans ces conditions, l'intérêt que leur porte Fautrice lui paraît excessif, soit parce que d'ordinaire les allusions aux courants politiques auxquels il adhère lui-même retiennent moins son attention critique.

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La question de la présence d'un discours politique dans les formes artistiques est une préoccupation majeure des critiques de la première moi- tié du XXe siècle. L'idée que l'art puisse s'affranchir du contexte politique ou social dans lequel il prend racine et le transcender découle également du courant cosmopolite moderne et surtout d'une tradition dite «bour- geoise» de l'art largement répandue dans l'Angleterre edwardienne. Le XIXe siècle a été celui de l'émancipation de la culture et des valeurs bour- geoises dans les arts. Cette culture est marquée à partir de 1860 par le mythe de l'intégration sociale, c'est-à-dire la capacité d'absorber des valeurs culturelles en dépit des origines et des appartenances sociales. Ce principe est le reflet même du développement de la bourgeoisie qui, par le biais des affaires et du commerce, finit par assimiler et transformer la culture de l'aristocratie. Comme l'a montré Raymond Williams, c'est à cette époque que naissent les termes de «respectable» et de «populaire» pour différencier les goûts et les aspirations culturelles de la haute bourgeoisie de la culture des classes ouvrières et de la petite bourgeoisie (1977 : 210). Le paradigme de l'hégémonie bourgeoise est encore dominant au début du XXe siècle, à l'époque où la royauté anglaise, et en particulier le roi Edward VII (1901-1910), défend et adopte les valeurs bourgeoises, ceci jusque dans son code vestimentaire (pantalon et redingote). Une des prin- cipales caractéristiques du mythe de l'assimilation sociale était d'effacer les différences entre la culture et l'identité aristocratiques d'un côté et la culture et l'identité bourgeoises impérialistes de l'autre, en évitant toute allusion aux divergences d'intérêts entre ces deux groupes sociaux. Pour faciliter cette cohésion sociale, le mythe de l'hégémonie bourgeoise pro- mouvait l'idée que le bon goût était une esthétique universelle, atemporelle et nullement tributaire d'une appartenance sociale, et ne remplissait aucune fonction idéologique ou politique. L'art de qualité se devait d'être «a-politique», non pas dans le sens qu'il ne devait pas comporter de réfé- rence au monde de la politique, mais qu'il ne devait pas promouvoir une vision du monde ou des enjeux sociaux contraires à l'hégémonie bour- geoise, sous peine d'être perçu comme inabouti ou populiste.

Le critique de théâtre William Archer, ami intime et collaborateur d'Elizabeth Robins, fut l'un des champions de cette vision bourgeoise de l'esthétique. Pour lui, le théâtre à thèse, qu'il s'agisse de l'idéologie capita- liste, travailliste ou suffragiste, commet l'erreur systématique de sacrifier l'illusion au profit de la revendication et l'humanité au profit de l'idéologie (Archer, 1912 : 16-17). Cependant, en contradiction avec sa propre théorie, il reproche à Votes for Women ! non pas sa célèbre reconstitution du ras- semblement suffragiste à Trafalgar Square (une scène qui a enthousiasmé le public de l'époque et qui consiste en une série de discours politiques prononcés par des figures archétypiques du mouvement pour le suffrage féminin), mais les moments dans lesquels la vision politique se mêle aux rapports personnels entre les protagonistes. Le rapport entre le politique et le personnel, qui varie subtilement en fonction des personnages, est pour- tant au cœur de cette pièce. La dimension politique finit par apporter, par exemple, un élément constructif dans la relation entre les deux protago-

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nistes féminines, alors qu'elle demeure un instrument de pression dans le conflit personnel qui oppose Vida à Geoffrey. En contradiction avec sa propre conception du réalisme, Archer reproche le manque d'intérêt de ces scènes dans lesquelles l'humanité n'est justement pas sacrifiée au profit de l'idéologie ou de la revendication - mais où, par exemple, Vida parvient à faire pression sur la ligne politique de Geoffrey en évoquant la tragédie personnelle qu'a représenté pour tous deux l'avortement qu'elle a subi. Selon le critique, l'effet de réalisme et la crédibilité de ces scènes ne fonc- tionnent plus, comme s'il ne reconnaissait pas la dimension humaine de la relation entre les deux protagonistes, ni la légitimité de leurs sentiments (1912 : 20). De plus, s'il est vrai que le fait de mettre en scène deux femmes ayant eu le même homme pour amant sans que le dénouement dramatique ne débouche sur un acte de vengeance était une première dans le théâtre de l'époque, il semble exagéré de la part d'Archer de déni- grer entièrement la réalité du propos de la pièce sur la base de cette inno- vation formelle. Une fois encore, le point de vue masculin fonctionne ici de manière normative, projetant des préjugés thématiques ou idéologiques qui conditionnent l'appréciation critique.

Une double marginalisation Du point de vue des études féministes, il ne fait aucun doute que

l'histoire du théâtre a été conditionnée par des critères esthétiques aussi limitants que subjectifs qui ont eu pour effet d'empêcher les critiques de percevoir le discours commun, occulté par les particularités stylistiques du théâtre suffragiste qui monopolisaient leur attention, et qui les ont aveu- glés sur la valeur des contributions des autrices suffragistes au New Drama. Qu'on leur reproche de manquer de rigueur intellectuelle, de se cantonner dans des propos d'intérêt secondaire ou d'être trop partisanes, leurs pièces ont été exclues des anthologies de textes dramatiques à double titre : en tant que productions féminines et en tant que production politique. Cette double marginalisation démontre bien que l'insertion dans le canon de ces productions de femmes doit nécessairement entraîner une révision critique des critères formels imposés par l'histoire du théâtre. Transmettre un héritage littéraire qui tienne davantage compte de la vision artistique et de l'expérience sociale des femmes ne signifie donc pas uniquement rétablir les omissions de la critique littéraire, mais égale- ment repenser les critères esthétiques d'une période donnée, seule façon de recomposer un canon mixte. Comme le remarque Tracy C. Davis, les études littéraires dans leur ensemble bénéficient nécessairement de la sti- mulation intellectuelle engendrée par un tel exercice :

«En définissant un nouveau domaine de réflexion historique, les études fémi- nistes peuvent indiquer de nouvelles sources à explorer, élargir les fondements intellectuels et porter à la lumière des éléments jusqu'alors ignorés ou sous-esti- més ou permettre de réexaminer ce qui est familier. Comme V affirme Lynda Nead, <le féminisme redéfinit les objets et les buts des études... et transforme la

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disciplino. Pour atteindre ce but, tout ce qui touche au fonctionnement de la différence de genre et de la sexualité au théâtre est pertinent et mérite de parti- ciper à cet effort. » (Davis, 1991 : 77)

Récrire autrement?

À force de voir les contributions des femmes systématiquement tenues à l'écart du canon littéraire et de l'histoire du théâtre, les études féministes et les études genre se sont mises, à partir des années 90, à produire leurs propres anthologies de textes dramatiques, comme celles de Spender et Hayman (1985), de Gardner et Fitzsimmons (1991), de Morgan (1994), de Scullion (1996) et de Kelly (1996). Dans le cas du théâtre nouveau, ces recueils forment une sorte de canon alternatif. Ils sont composés de textes dramatiques écrits pour la plupart par des autrices engagées dans le mouve- ment suffragiste. Ces pièces révèlent des positions idéologiques variées: certaines partagent une vision matérialiste, mettant l'accent sur des facteurs économiques ; d'autres dépeignent les relations entre hommes et femmes de manière différencialiste, mettant l'accent sur les différences physiologiques et psychologiques; d'autres encore rendent compte des constructions sociales et de leur impact sur les choix personnels des protagonistes. Il faut cependant remarquer que ces pièces ont été réunies dans deux anthologies distinctes. How the Vote Was Won and Other Suffrage Plays (Spender et Hayman, 1985) est un recueil de pièces dites «de propagande», centrées sur la campagne pour le suffrage féminin, tandis que New Woman Plays (Gard- ner et Fitzsimmons, 1991) réunit des pièces traitant de problématiques sociales dépassant le cadre des droits civiques. En plus de leur division thé- matique, leurs formes présentent des différences : l'anthologie de Spender et Hayman rassemble, à l'exception de Votes for Women!, des levers de rideaux et des sketches produits dans le cadre de rassemblements politiques ou de manifestations pour récolter des fonds pour le mouvement. De son côté, celle de Gardner et Fitzsimmons est composée de pièces en plusieurs actes, de durée standard, et produites dans le cadre de saisons théâtrales. Si leurs conditions de production divergent et justifient le fait de les publier dans deux anthologies distinctes, ce choix reproduit aussi à sa manière la distinction élaborée par William Archer entre un théâtre politique, affir- mant son discours idéologique sous diverses formes, et un théâtre artistique dont les qualités formelles sont censées camoufler l'idéologie.

La remise en question des a priori est donc également nécessaire au sein même des études féministes et des études genre pour éviter de repro- duire les mêmes préjugés. Le danger inhérent à une récriture du canon qui sépare les contributions du théâtre suffragiste en deux catégories, entre les pièces de propagande et celles dont la forme est plus conventionnelle, est que la première catégorie est apparentée à des tracts sans intérêt d'un point de vue formel. Inversement, la seconde catégorie risque de n'être appréciée qu'en termes stylistiques. Dans les deux cas, si l'on ne prend pas en compte précisément la relation entre le travail formel et l'intention politique,

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l'analyse purement stylistique ou strictement idéologique perd de vue une bonne partie du sens et des enjeux de la pièce. Ces pièces risquent alors d'apparaître comme dépourvues d'innovation ou d'intérêt artistique.

C'est, par exemple, ce qui ressort de la remarque de Samuel Hynes lorsqu'il reproche à Elizabeth Robins de souligner la charge émotionnelle avec laquelle les protagonistes expriment leurs opinions politiques, et qui l'amène à qualifier son traitement du sujet de «visiblement mélodrama- tique». L'intérêt d'une pièce comme Votes for Women! est justement de montrer comment la dimension personnelle et affective des personnages agit sur leur parcours politique et social. Sous-estimer le rôle de l'expé- rience militante de l'autrice dans son projet dramatique, tout comme sépa- rer les pièces «de propagande» des pièces plus «littéraires», c'est risquer, comme Hynes, de passer à côté du propos de la pièce.

Comme le rappelle Stowell (1992 : 27), une des scènes qui a marqué le public de l'époque est la reconstitution très fidèle d'un rassemblement suf- fragiste à Trafalgar Square, conçue dans la plus pure tradition du théâtre réaliste. D'après les photographies de la production et les commentaires des critiques, il apparaît clairement que la mise en scène de Granville-Barker au Court Theatre a particulièrement bien su appuyer formellement l'intention dramatique de l'autrice. Granville-Barker disposa la tribune des oratrices à l'arrière-scène, face au public, plutôt que de l'agencer de façon latérale, ce qui aurait placé les oratrices et la foule d'un côté et de l'autre de la scène, à équidistance du public. De cette façon, la foule qui se pressait devant l'es- trade se retrouvait sur l'avant-scène, dos au public. La disposition frontale donnait aux spectateurs et aux spectatrices l'impression que la foule (dont on ne voyait qu'une succession de dos les uns derrière les autres) était un prolongement du public assis dans la salle, et que le public du Court Theatre faisait partie de la foule de Trafalgar Square. Cette scène était d'autant plus forte qu'elle se situe à ce moment clé de la pièce où le personnage de Bea- trice, qui, dans un premier temps, s'est identifiée à un niveau individuel au parcours de Vida Levering, découvre soudain l'enjeu social et la dimension politique de son intérêt pour la suffragette et décide de devenir elle-même active dans le mouvement. Si le metteur en scène avait ignoré l'expérience militante de l'autrice et sa volonté de révéler la dimension collective de la relation entre les deux femmes, il n'aurait peut-être pas su exprimer la conversion de Beatrice par un jeu de miroir où le face à face entre les deux femmes est amplifié de façon aussi saisissante par le face à face du public entier avec l'oratrice. Ce type de stratégie dramaturgique constitue une innovation esthétique susceptible d'intéresser aussi bien l'histoire du mou- vement du théâtre nouveau que la critique féministe.

Miroir de l'égalité Un autre exemple d'innovation formelle s'appuyant sur l'idéologie

politique de l'autrice est celui de Diana of Dobson's. Cette pièce, qui traite

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des diverses fonctions sociales que peut revêtir le mariage pour les femmes (sécurité matérielle ou affective, statut social ou intérêt purement écono- mique) sur le ton de la comédie, n'en est pas moins politique dans son pro- pos. La structure du drame, tout comme Votes for Women ! et Chains, est construite sur un jeu de symétries entre deux personnages, Tun féminin, l'autre masculin. Diana est une vendeuse hargneuse travaillant dans un magasin de textile et Victor est un jeune et charmant rentier infantile. Tous deux vont se retrouver plongés au cours de la pièce dans des conditions économiques étrangères à leur condition sociale. Diana est sur le point de perdre son travail à la suite d'une altercation avec sa supérieure hiérar- chique au sujet d'une augmentation de salaire, lorsqu'elle hérite de façon inattendue de trois cents livres sterling léguées par un lointain parent. Plu- tôt que de les investir de façon prévoyante, elle se donne un mois pour dépenser cette somme en menant un train de vie dépensier à l'image de la haute bourgeoisie. Elle s'offre ainsi des vacances dans les Alpes suisses et, tout en se faisant passer pour une jeune veuve, se retrouve dans une posi- tion de pouvoir, faisant l'objet des égards et de la concupiscence d'un milieu social qui porte beaucoup d'intérêt à son revenu mensuel et à son état civil de femme à marier. Victor, qui croit trouver en elle une com- pagne à la hauteur de ses besoins matériels, est bien emprunté lorsqu'elle finit par lui dévoiler sa situation économique.

La forme dramatique joue constamment sur les rapports de pouvoir et sur les retournements de situations. Ainsi, après avoir considéré Diana comme une arriviste enrichie par son défunt mari, Victor admet finalement que c'est sa propre situation qu'il a projetée sur elle. Dans une scène où les deux protagonistes se lancent leurs quatre vérités au visage, Diana le défie de gagner sa propre vie, ne serait-ce qu'une semaine (Morgan : 49). Puis, ses propres ressources financières étant épuisées, Diana retourne à Londres. Un mois plus tard, sans travail ni domicile fixe, elle erre le long des berges de la Tamise en attendant la soupe populaire lorsqu'elle rencontre Victor dans un état pareil au sien. Elle le croit d'abord victime de sa passion pour le jeu et ruiné jusqu'à son dernier sou. Ce dernier lui apprend que, piqué dans son orgueil, il a décidé de relever son défi en vivant un mois sans toucher à sa fortune, et que cette expérience s'est soldée par un échec. Comme on peut s'y attendre, Victor, dont l'intérêt pour Diana a malgré tout toujours comporté une dimension affective, a pris comme une épreuve chevaleresque les reproches de la dame, et son dénuement matériel n'est que provisoire. La pièce se termine par une demande en mariage particu- lière, dans laquelle Diana répond à son prétendant que n'ayant pas mangé, ni dormi depuis des jours, elle n'est pas en mesure de refuser son offre ! (Morgan : 57-58). Outre sa parodie des formes romanesques et féeriques7 et le ton enjoué des dialogues, l'intérêt de la pièce réside dans la manière

7. Comme le suggère Stowell, Diana of Dobson's est une sorte d'adaptation du conte de Cendrillon à l'époque industrielle moderne, dans laquelle le

féerique est remplacé par les aléas de la propriété privée et de l'économie capitaliste. (Gardner et Rutherford 1992b: 179.)

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dont le parallélisme entre les deux protagonistes, féminin et masculin, sert à souligner les similarités de leur parcours tout en dénonçant leur inéga- lité sur le plan social.

Chains fonctionne également sur le principe de la symétrie. Elle met en parallèle le dilemme de deux personnages. Maggie doit choisir entre épouser un homme qu'elle n'aime pas et améliorer sa condition de vie, ou suivre Télan de son cœur libre et habiter chez ses parents en travaillant comme vendeuse pour un salaire de misère. Charley, son beau-frère, doit choisir entre son désir de changer d'horizon professionnel en emigrant et en risquant la sécurité économique de sa famille d'une part, et le sacrifice de ses ambitions personnelles afin de subvenir aux besoins des siens de l'autre. Maggie finit par choisir la liberté et la précarité matérielle, tandis que Charley, qui est sur le point de devenir père, fait le choix inverse. La symétrie entre le dilemme moral des deux protagonistes révèle que la pression sociale à laquelle ils doivent se mesurer est similaire, même si leurs résolutions sont finalement différentes. La symétrie suggère aussi que les contraintes qui pèsent sur eux sont l'expression de la construction sociale des sexes. Chains, comme la pièce d'Elizabeth Robins, joue sur le rapport d'identification entre Maggie et son beau-frère Charley, à ce détail près que, dans la pièce de Baker, l'identification implique également une subversion des rôles sociaux de sexe. L'autrice démontre la capacité de certaines femmes à défendre leurs ambitions personnelles, ainsi que celle des hommes à assumer leur rôle paternel en renonçant à leurs aspirations personnelles.

De même, dans Votes for Women /, la symétrie entre Vida, la suffra- gette, et Geoffrey, le parlementaire, qui tous deux se lancent tête baissée dans leur parcours politique à la suite de la rupture amoureuse causée par l'avortement de leur enfant, participent de la même démarche formelle. Le parallèle entre la carrière politique officielle de Geoffrey au sein du parti Tory et la carrière officieuse de Vida dans la frange socialiste du mouve- ment suffragiste sert d'un côté à affirmer un intérêt égalitaire pour leur expérience de vie et, de l'autre, à souligner la différence dans la manière dont leur drame personnel affecte leur rapport à la politique et aux valeurs sociales.

Ainsi, ces pièces suffragistes n'ont, pour la plupart, que peu d'élé- ments dramaturgiques communs avec l'étude psychologique détaillée du portrait de Nora par Ibsen ou avec le développement narratif linéaire de Pygmalion de Shaw, pièce dans laquelle la mobilité sociale du personnage féminin est unilatérale et entièrement due au pouvoir économique du pro- tagoniste masculin. Cependant, leurs jeux de symétrie et de dissymétrie n'en demeurent pas moins une innovation formelle dont l'intérêt a trop longtemps été ignoré par la critique littéraire, par l'histoire du théâtre moderne et du New Drama, ainsi que par la critique féministe. En effet, la caractéristique principale de ces pièces consiste à disposer côte à côte l'expérience d'un personnage féminin et celle d'un personnage masculin,

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de façon à susciter une comparaison et une évaluation entre les deux par- cours. Ce principe d'un jugement rendu possible par une juxtaposition de situations est fondamental dans l'esthétique réaliste. Comme le définit Lacey :

«Peut-être que la première chose à laquelle la plupart des gens pensent lors- qu'ils considèrent le terme de réalisme, est que la pièce < reflète >, ou recrée, à travers V éventail des possibilités des formes dramatiques et de la représentation théâtrale, un monde social identifiable de la façon la plus directe, et qu'elle demande d'être évaluée en relation avec lui. Ce rapport est compris dans le sens usuel de Γ adjectif (réaliste > qui à la fois décrit et évalue. » (1995 : 66)

En juxtaposant dans chaque cas l'expérience sociale d'un homme et d'une femme, la structure formelle de ces pièces encourage leur public à établir une comparaison entre les deux parcours. C'est un peu comme si ces autrices avaient déplacé le parallèle initial que l'esthétique réaliste éta- blit entre la nature, ou la réalité, et sa représentation artistique, pour le situer à l'intérieur de leur production artistique entre un personnage fémi- nin et un personnage masculin. Ainsi, le motif de la symétrie développé sous la forme d'un jeu de miroir sert à établir une certaine égalité entre les personnages dans Diana ofDobson's. Dans Chains, la même stratégie sert à évaluer les pressions sociales qui agissent sur Maggie et Charley, et révèle les similarités et les différences dans leurs parcours. Enfin, ce mécanisme agit comme révélateur des différences psychologiques entre les sexes dans Votes for Women ! Il apparaît donc de façon évidente que ce principe struc- turel ne fonctionne pas comme outil formel dans un but purement esthé- tique, mais plutôt que sa fonction esthétique participe d'une intention poli- tique précise. Le mimétisme entre l'art et la nature n'est plus le but premier de ces autrices lorsqu'elles empruntent au réalisme théâtral certains de ses aspects formels. Pour elles, l'enjeu artistique consiste à trouver une forme qui permette de juxtaposer deux réalités, l'une étant un parcours social masculin et l'autre féminin, afin de révéler les a priori du système des valeurs patriarcales, tout en laissant aux spectateurs et aux spectatrices le soin d'évaluer ces schémas sociaux et d'en tirer leurs propres conclusions. Il est donc primordial d'appréhender ces pièces dans le contexte de la cam- pagne pour le suffrage féminin, pour ne pas risquer de passer à côté du fait que le sens de leur construction formelle dépend justement de l'idéologie que leurs autrices défendent. Il est temps pour l'histoire du théâtre moderne d'assimiler le fait que la contribution de Robins, de Hamilton et de Baker est de transformer l'espace naturaliste d'Ibsen en un lieu scénique où se matérialisent simultanément leur vision de rapports égalitaires entre hommes et femmes ainsi que leur perception des inégalités entre les sexes. En d'autres termes, non seulement elles se servent de la scène dramatique autant que leurs contemporains masculins pour faire dialoguer la réalité et l'imaginaire social, mais elles participent également de façon authentique au renouvellement des formes dramaturgiques et à l'avènement de l'esthé- tique contemporaine du théâtre, dans laquelle la question de la représenta- tion et de son organisation formelle occupe une place centrale.

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En conclusion, la jeune discipline des études théâtrales profite immensément de l'apport historique et du discours critique des études féministes et des études genre. Ces dernières continuent de jouer un rôle essentiel pour la prise en compte des contributions des femmes à notre héritage de textes dramatiques. Leur discours peut permettre aux études littéraires de prendre conscience des implications idéologiques, souvent peu formulées, sur lesquelles s'est construite l'histoire des formes, et de les réévaluer. Ce type d'analyse ne profite pas uniquement à l'agenda des études féministes, mais à toute discipline qui cherche à comprendre les mécanismes culturels en profondeur et qui tente de cerner les limites de sa méthodologie et de les élargir. La réécriture du canon et de l'histoire des formes demeure essentielle pour la survie et la transmission d'un héritage qui lutte pour sa reconnaissance. Cependant, ce travail de redéfinition ne se fait que lentement, en fonction de la capacité de remise en question des disciplines et des domaines concernés. De leur côté, les études féministes et les études genre sont constamment amenées à revoir leurs stratégies pour éviter de demeurer dans une position marginale et à valoriser les courants esthétiques et les discours critiques susceptibles d'intégrer les contributions qui remettent en question les a priori culturels. Si l'on reproche aux anthologies des années 90 de récrire une histoire unique- ment au féminin, et de renforcer ainsi la marginalisation des productions de femmes, il ne faut pas oublier que le travail de compilation qui a per- mis de mettre au jour ces textes trop vite écartés de l'histoire littéraire ne s'est pas effectué en autarcie. En effet, c'est en identifiant les théories esthétiques perméables à la mixité et en se penchant sur les conditions historiques, sociales, idéologiques ou culturelles qui, dans le passé, ont permis aux femmes de cohabiter avec les hommes de manière créative ou de s'aménager un espace artistique propre que l'histoire fragmentée des contributions féminines est peu à peu reconstituée. Il faut donc espérer qu'au gré des rééditions et des anthologies, les historien-ne-s et critiques littéraires sauront assimiler l'héritage féministe et tirer parti de ses spécifi- cités pour lui faire prendre place dans une tradition mixte par l'esprit et par la forme. ■

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Page 19: Féminisme et littérature || Comment récrire une histoire littéraire mixte? L'exemple du théâtre des suffragettes

Édito ̂Q^Q^^Q Champ libre | Parcours | Comptes rendus | Collectifs Comment récrire une histoire littéraire mixte? L'exemple du théâtre des suffragettes Stéphanie Janin

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