Femmes etnumérique :iamixité enberne

Par Claudine SchmuckDirectrice associée Global Contact

Comment lutter contre lecyber sexisme, prévenirla reproduction destéréotypes sexistes dansles outils de l'intelligenceartificielle, identifier desleviers pour renforcer lamixité dans les formationset métiers du numérique ?

I l était une fois le secteur informatique... Ilétait une fois des formations, des métiers

qui attiraient une proportion croissante de

femmes. Tout ceci se passait en France,dans les années 1980. De 1972 à 1 98 0la féminisation des formations informatiqueschez les ingénieurs a plus que doublé,

passant de 9 % à près de 20 % ! Maisdepuis 1995, la proportion de femmes dansces formations a diminué, elles représententdésormais moins de 15 % des effectifsdes écoles d'ingénieurs spécialisées, notait

Véronique di Benedetto, présidente deFemmes du Numérique pour le Syntec. Etceci a un impact direct sur la mixité dansles métiers du numérique. Aujourd'hui lesfemmes ne représentent que 2 7 % des

salariés de l'informatique. D'après le Syntecnumérique, en 2 01 7 la proportion defemmes dans les fonctions techniques restemodeste, elles ne représentent que 1 1 %des effectifs travaillant dans le domaine de

la cybersécurité, 9 % des dirigeants de startup, et 2 0 % des effectifs de DSI...Alors oui, c'est un choc. Car on l'oublie tropsouvent cette absence de mixité dans lenumérique a un coût. Une étude produite

par l'Union européenne l'a mise en évidence,la sous-représentation des femmes dansce secteur représente un manque à gagnerde 9 milliards d'euros ! En juin 2 0 1 6 nousavions lancé un appel à agir 1 pour la mixité

dans le numérique. Cet appel relayé par denombreuses associations et réseaux fémininsa été entendu. D'abord par Vivatech,manifestation phare réunissant des startup et des grandes entreprises du monde

entier. Puis par l'État, en janvier 20 1 7 a

été présenté le premier plan interministérielsectoriel mixité dans le numérique

2. De tous

les plans sectoriels mis en place depuis20 14 , c'est celui qui a pris appui sur lamobilisation la plus large d'acteurs du secteur

public, privé et de la société civile.Mais les chiffres alarmants ont continué de

s'accumuler, et prouvé que des dispositifscomplémentaires devaient être mis enplace. Comme l'a établi le rapport sur la4 e révolution industrielle et les métiers

du futur présenté à Davos en 2 0 1 8 .L'enquête conduite auprès de 3 7 1 groupesmondiaux a révélé que, faute d'actions en2 0 2 0, les femmes ne représenteraient que3 4 % des recrutements dans le numérique.

Alors comment faire ? Comment impulserles changements nécessaires ? L'une desinitiatives les plus remarquables engagées en2 01 8 a été le déploiement de la FondationF e m m e s @ n um é r i qu e 3 par le Syntec

numérique et le Cigref. Avec le soutien dusecrétariat d'État au Numérique, la Fondation

a réussi à mobiliser plus de 4 0 groupeset réunir des associations afin de soutenirle changement d'échelle d'actions bienidentifiées pour en renforcer l'impact. Ce

type de démarche est nécessaire, les acteursde la société civile (associations, entreprises,citoyens) doivent unir leurs efforts au côtéde l'État pour parvenir à déclencher laprogression voulue.

Mais cela ne suffit pas, car les études 4, etles faits 5 le confirment, le sexisme constitueun des freins essentiels à la présence desfemmes dans le numérique. C'est dans

cette perspective que le collectif Ensemblecontre le sexisme s'est mobilisé à l'occasiondes 2e rencontres nationales du 2 4 janvier2019, afin d'identifier et conduire des actionscomplémentaires à celles déjà engagées.

Chacun des ateliers traite donc d'un deséléments de la problématique : commentlutter contre le cyber sexisme, prévenir lareproduction de stéréotypes sexistes dans

1 - « Il esturgentderenforcerla présencedesfemmesdans latech», LesEchos,30/6/2016,CatherineLadousse,ThaimaSamman,ClaudineSchmuckavecuncollectifde28 associations.2-https://www.economie.gouv.fr/filesAiles/PDF/plan_mixite_numerique_vf.pdf3- Pourensavoirplus : https://femmes-numerique.fr/4 - Exemple: « Sexismedans les formationstechaunumérique», SocialBuilder,Novembre2017.5- Exemple: témoignagedeSusanFowlerchezUber.

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JOURNALISTE : Claudine Schmuck

1 janvier 2019 - N°NC

les outils de l'intelligence artificielle, identifier

des leviers pour renforcer la mixité dansles formations et métiers du numérique.Notre méthode est simple : partager unconstat, identifier des leviers pour établirdes propositions de plan d'action qui seront

ensuite partagés avec le secrétariat d'État auNumérique, les ministères compétents et laFondation Femme@numérique.Aujourd'hui les comportements sexistes etle harcèlement se manifestent parfois de

façon extrêmement violente sur Internet etles réseaux sociaux. Résultat ? Un nombrecroissant de femmes se détournent ducyberespace. Le centre Hubertine Auclert 6 ,observatoire francilien de l'égalité femmes-

hommes développe des solutions et des outilspour répondre à cette menace. Julie Muret ducentre Hubertine Auclert prend appui sur letémoignage de Marie Laguerre, l'interventionde Claire Guiraud secrétaire générale du Haut

conseil à l'égalité femmes-hommes et AurélieLatourés. Cela permet d'évoquer certainesdes solutions développées : notamment leguide de protection au numérique mis en

ligne en décembre 2018.Parallèlement les technologies de l'intelligenceartificielle qui irriguent un nombre croissantde services et logiciels constituent une autremenace. Ainsi l'IA développée par Amazon

pour simplifier les recrutements discrimineles candidatures féminines. Google Translatede son côté reproduit les stéréotypes dansles traductions, réservant le masculin à latraduction de docteur, et féminin à celui

d'infirmière. L'atelier animé par MathildeGroazil de Social Builder

7, et Fatima El

Ouasdi de Politiquelles 8 prend appui sur lesinterventions d'Isabelle Collet spécialiste desquestions de genre à l'université de Genève,

Hugo Ruggieri juriste de Doctrine.fr (moteurde recherche juridique) et Frédéric Bardolledu collectif Algo Transparency & data forgood pour identifier des solutions et unefeuille de route.

La diminution des femmes dans les formationsau numérique est un problème que cherchentà résoudre un nombre important d'acteurs :instituts publics ou privés de formations,associations, entreprises, services publics...

mais jusqu'à présent les résultats n'ont pasété concluants. C'est un sujet clé que laFondation Femmes@numérique a placéà juste titre au cœur de son premier Appelà manifestation d'intérêt, puisque 3 des 4

appels portent sur le déploiement de kit pour

l'école, le collège et le lycée. Pour compléter

cette démarche les solutions suivantes sontévoquées.- Les résultats d'une expérimentation pilote

conduite en décembre 2018 dans les Hautsde France par la Direction régionale aux

droits des femmes et à l'égalité (DRDFE) 9

avec Science Factor 10 et le Cigref 11 sontévoqués. Cette expérimentation a permisd'établir une première cartographie desinitiatives engagées dans la région pour

attirer les femmes vers les formationsau numérique. Pour Caroline Plesnage,directrice de la DRDFE, cette initiative« part du constat que de nombreusesactions existent localement, mais qu'elles

sont peu connues et surtout qu'elles sonttrès ponctuelles. Une cartographie, quipermet de comprendre autour de quelspublics, avec quelles méthodes, moyenset mesures d'impact se déploient ces

opérations est importante. Cela permettrade renforcer les plus significatives et mieuxcoordonner l'ensemble sur le territoire ».

- Numériqu'Elles, action de mobilisationdes collégiennes et lycéennes déployéedans les Hauts de France par le Corif,IBM, l'éducation nationale, des entreprises

et centres de formation, le conseildépartemental, la région, la DRDFE etl'association Femmes ingénieurs 12 (Fi) estune bonne pratique remarquable présentée

par Isabelle Boullery de l'associationFi. L'action engagée est d'autant plusexemplaire qu'elle prend appui sur unepluralité d'acteurs du secteur public,privé et associatif, ce qui a permis de

développer une approche novatrice enlien avec l'Onisep avec qui des supportspédagogiques ont été développés pourles élèves.

- La mixité dans les formations au numériquede l'enseignement supérieur diminue enFrance, Corinne Cuisinier de Jump 1 3

et de Grande écoles au féminin (Gef) 14

coordonne l'intervention de Chantai Morleyprofesseure à l'Institut Mine Télécom,Emmanuel Carli directeur générald'Epitech, Corinne Vigreux fondatrice d'uneécole informatique au Pays-Bas et Fatiha

Gas vice-présidente du club XXIe

siècle.L'atelier permet d'évoquer les conditionsnécessaires à rassembler pour réussir àrenforcer et maintenir la mixité dans lesformations au numérique, en prenant appui

sur l'analyse des solutions développées par

la Norwegian University of Science andTechnology et Carnegie Mellon.

Enfin, il est un autre sujet qui est encore peu

évoqué en France, alors que Harvard et leMassachusets Institute of Technology y ontconsacré d'importants travaux ces dernièresannées c'est celui de la proportion de femmes

qui diplômées des formations scientifiqueset techniques quittent ces métiers. En effet,les études conduites aux États-Unis durantplusieurs années auprès d'élèves ayant suivices formations établissent que près de 40 %

des femmes quittent leurs fonctions... L'étudeGender Scan 2 0 1 6 de Global Contact

15

indique une proportion identique pour lesfemmes en Europe et en France. D'aprèsle centre Anita B.org, centre de recherche

réputé aux États-Unis sur ces sujets, cephénomène est encore accentué dans lenumérique, où il atteint 56 %. Plus de lamoitié des femmes formées au numériquele quitte après quelques années. Avec Gaelle

Mangeon de Femmes ingénieurs16

, dessolutions sont présentées prenant appuisur le déploiement d'outils d'analyse plusfins dans Gender Scan 20 1 9 permettantde mieux comprendre ce qui motive ces

départs. Par ailleurs des bonnes pratiquesefficacement déployées sont évoquées parplusieurs entreprises : Orange par ElianeBombrun, Sopra Steria par ConsueloBénicourt, Lenovo par Catherine Ladousse

et Keyrus par Soumia Malinbaum.L'actualité nous le rappelle chaque jourdavantage. Nous avons face à nous des défisd'une ampleur inégalée à relever, à la foiséconomiques, sociaux et environnementaux.

Plus que jamais nous avons besoin de toutesles énergies, de toutes les volontés, detoutes les forces pour inventer des solutionsnouvelles. Plus que jamais nous avons besoin

d'une implication égale des femmes et deshommes pour les imaginer. Ces travauxatteindront leur objectif si ils contribuent àdéclencher les changements nécessaires auservice d'une vision partagée. •

6- CentreHubertineAuclert: https://www.centre-hubertine-auctert.fr/7- SocialBuilder: https://socialbuilder.org/8 - Politiquelles: https://politiquelles.org/9 - DRDFEHautsdeFrance: http://www.prefectures-regions.gouv.fr/hauts-de-france/Region-et-institutions/Organisation-administrative-de-la-region/les-services-de-l-Etat-en-region/La-DRDFE/La-DRDFE-Hauts-de-France10- ScienceFactor:https://sciencefactor.tr/#111- Cigref: https://www.cigret.tr/12- FemmesIngénieurs: https://www.femmes-ingenieurs.org/13-Jump: http://jump.eu.com/14- GEF: http://www.grandesecolesauteminin.fr/15- http://www.global-contact.net16- FemmesIngénieurs: https://www.femmes-ingenieurs.org/

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