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1 Ferdinand FILLOD (1891-1956) (Karine THILLEUL, titulaire du diplôme d’architecte DPLG, docteur en histoire de l’architecture ; maître- assistant associé et chercheur au LHAC, École nationale supérieure d'architecture de Nancy ; mars 2016) Dans l’entre-deux-guerres, les recherches concernant les maisons industrialisées restent marginales : seuls quelques architectes et constructeurs d’avant-garde s’essaient à cet exercice qui deviendra bien plus courant avec la Reconstruction d’après la Seconde Guerre mondiale. Parmi eux, Ferdinand Fillod (1891-1956), constructeur, n’a laissé que peu de traces dans l’historiographie, et son nom reste relativement inconnu ; cependant, sa démarche originale et sa production prolifique sont dignes d’intérêt et riches en enseignement. Ferdinand Fillod est né le 10 août 1891 à Saint-Amour, petite ville du sud du Jura. En 1908, il obtient son diplôme d’apprenti chaudronnier à Bourg-en-Bresse. En 1912, il est appelé pour son service militaire, durant lequel il poursuit dans la voie du travail du fer, acquérant les C.A.P. de chaudronnier en fer, en cuivre et de soudeur au chalumeau et à l’arc électrique. 1 Au début de la Première Guerre mondiale, il occupe le modeste poste de quartier-maître mécanicien. Durant la guerre, Ferdinand Fillod, incorporé dans la marine, a l’occasion d’acquérir un savoir-faire nouveau : la soudure autogène 2 , qui commence alors à peine à se développer 3 ; ces connaissances seront d’une grande importance pour la suite de sa carrière. Il est libéré de ses obligations en 1919 : il aura accompli au total sept années de service militaire. Les débuts de l’entreprise Fillod à Saint-Amour Fort de ses nouvelles compétences, de retour de la guerre en juin 1919 à Saint-Amour, Ferdinand Fillod ouvre un petit atelier, livrant ses produits lui-même à motocyclette 4 . Ce premier local devient rapidement trop petit, et lorsqu’en 1922 5 , son épouse hérite d’un hôtel, situé à quelques rues de là, il décide d’utiliser les dépendances disponibles pour son activité ; ces locaux deviennent l’«Usine du Grand Saint-Michel », nom hérité de celui de l’hôtel. Fort de son savoir-faire de chaudronnier, Ferdinand Fillod décide de fabriquer des abreuvoirs et des buanderies, sortes de chaudrons destinés à cuire les aliments destinés au bétail, en acier soudé. Ce matériel représente une innovation par rapport à celui utilisé habituellement dans les fermes, en fonte et en ciment, très lourd : il rencontre donc rapidement un certain succès dans le domaine du matériel agricole. 1 Ces renseignement concernant les différents diplômes de Ferdinand Fillod proviennent d’un article de GREBOT Michel, époux d’une nièce de Ferdinand Fillod, intitulé « Un grand patron » et publié en 1956 en hommage au constructeur peu de temps après sa mort (revue non identifiée, collection personnelle Alain Heyer). 2 Il s’agit de soudage oxyacétylénique. Inventaire régional de Franche-Comté, POUPARD Laurent, Dossier d'Inventaire : ensemble de construction mécanique dit ensemble de la Manufacture de Tôlerie F. Fillod FSA, Besançon : Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, Service régional de l'Inventaire général, 1993. 3 Entretien avec Jean-Paul Fillod, neveu de Ferdinand Fillod, Saint-Amour, le 7 juillet 2011. 4 GREBOT Michel, « L’usine Fillod… La fin d’une certaine époque… », L’écho du patrimoine de Saint-Amour, n°1, janvier 1998. 5 Curriculum vitae de Ferdinand Fillod, Inventaire régional de Franche-Comté, POUPARD Laurent, Dossier d'Inventaire : ensemble de construction mécanique dit ensemble de la Manufacture de Tôlerie F. Fillod FSA, Besançon : Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, Service régional de l'Inventaire général, 1993.

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Ferdinand FILLOD (1891-1956)

(Karine THILLEUL, titulaire du diplôme d’architecte DPLG, docteur en histoire de l’architecture ; maître-assistant associé et chercheur au LHAC, École nationale supérieure d'architecture de Nancy ; mars 2016)

Dans l’entre-deux-guerres, les recherches concernant les maisons industrialisées restent marginales : seuls quelques architectes et constructeurs d’avant-garde s’essaient à cet exercice qui deviendra bien plus courant avec la Reconstruction d’après la Seconde Guerre mondiale. Parmi eux, Ferdinand Fillod (1891-1956), constructeur, n’a laissé que peu de traces dans l’historiographie, et son nom reste relativement inconnu ; cependant, sa démarche originale et sa production prolifique sont dignes d’intérêt et riches en enseignement.

Ferdinand Fillod est né le 10 août 1891 à Saint-Amour, petite ville du sud du Jura. En 1908, il obtient son diplôme d’apprenti chaudronnier à Bourg-en-Bresse. En 1912, il est appelé pour son service militaire, durant lequel il poursuit dans la voie du travail du fer, acquérant les C.A.P. de chaudronnier en fer, en cuivre et de soudeur au chalumeau et à l’arc électrique.1 Au début de la Première Guerre mondiale, il occupe le modeste poste de quartier-maître mécanicien. Durant la guerre, Ferdinand Fillod, incorporé dans la marine, a l’occasion d’acquérir un savoir-faire nouveau : la soudure autogène2, qui commence alors à peine à se développer3 ; ces connaissances seront d’une grande importance pour la suite de sa carrière. Il est libéré de ses obligations en 1919 : il aura accompli au total sept années de service militaire.

Les débuts de l’entreprise Fillod à Saint-Amour

Fort de ses nouvelles compétences, de retour de la guerre en juin 1919 à Saint-Amour, Ferdinand Fillod ouvre un petit atelier, livrant ses produits lui-même à motocyclette4.

Ce premier local devient rapidement trop petit, et lorsqu’en 19225, son épouse hérite d’un hôtel, situé à quelques rues de là, il décide d’utiliser les dépendances disponibles pour son activité ; ces locaux deviennent l’«Usine du Grand Saint-Michel », nom hérité de celui de l’hôtel. Fort de son savoir-faire de chaudronnier, Ferdinand Fillod décide de fabriquer des abreuvoirs et des buanderies, sortes de chaudrons destinés à cuire les aliments destinés au bétail, en acier soudé. Ce matériel représente une innovation par rapport à celui utilisé habituellement dans les fermes, en fonte et en ciment, très lourd : il rencontre donc rapidement un certain succès dans le domaine du matériel agricole.

1 Ces renseignement concernant les différents diplômes de Ferdinand Fillod proviennent d’un article de GREBOT Michel, époux d’une nièce de Ferdinand Fillod, intitulé « Un grand patron » et publié en 1956 en hommage au constructeur peu de temps après sa mort (revue non identifiée, collection personnelle Alain Heyer). 2 Il s’agit de soudage oxyacétylénique. Inventaire régional de Franche-Comté, POUPARD Laurent, Dossier d'Inventaire : ensemble de construction mécanique dit ensemble de la Manufacture de Tôlerie F. Fillod FSA, Besançon : Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, Service régional de l'Inventaire général, 1993. 3 Entretien avec Jean-Paul Fillod, neveu de Ferdinand Fillod, Saint-Amour, le 7 juillet 2011. 4 GREBOT Michel, « L’usine Fillod… La fin d’une certaine époque… », L’écho du patrimoine de Saint-Amour, n°1, janvier 1998. 5 Curriculum vitae de Ferdinand Fillod, Inventaire régional de Franche-Comté, POUPARD Laurent, Dossier d'Inventaire : ensemble de construction mécanique dit ensemble de la Manufacture de Tôlerie F. Fillod FSA, Besançon : Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, Service régional de l'Inventaire général, 1993.

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Mais Ferdinand Fillod ne se contente pas de cette économie de fonctionnement. Il procède à de nombreuses recherches concernant la construction industrialisée, et élabore un projet de maison en acier, composée d’éléments préfabriqués. En 1927 ou 19286, il construit, dans une rue toute proche de son usine, au 23 rue d’Allonal, un prototype destiné à valider les principes imaginés. Après avoir éprouvé le potentiel de son invention grâce au prototype, Ferdinand Fillod lui apporte quelques améliorations, et dépose en 1928 un brevet qui lui sera accordé en 1929.

Après l’obtention du brevet, Ferdinand Fillod s’associe avec de grands patrons, les maîtres de forge mosellans De Wendel, lesquels étaient alors à la recherche de débouchés potentiels pour la production d’acier. A cette période, la consommation de cette matière première est en baisse ; la demande, très forte durant la Première Guerre mondiale et la première Reconstruction, a tendance à décroître. A la suite de premiers contacts, décision est donc prise d’ouvrir une usine au plus près des sources de matière première, à Florange en Moselle, qui sera administrée par Ferdinand Fillod, avec le soutien des De Wendel, probablement en contrepartie de l’achat des aciers nécessaires à la production des maisons. Cela s’accomplira rapidement, dès 1929. Tout en s’implantant solidement en Lorraine, Fillod continue à vivre à Saint-Amour, maintient la production de son usine locale dans les domaines du matériel agricole et des petits abris (garage, remise, abri d’autobus). Il s’implique dans la vie politique locale, devenant maire de la commune en 1935 ; il le restera jusqu’en 1943, année où il est destitué par le gouvernement de Vichy. Il est réélu en 1944, s’étant illustré par ses activités de résistance face à l’occupant allemand, et il conserve ses fonctions jusqu’en 1947.

Le passage des deux portes à Saint-Amour (Jura), site du premier atelier de Ferdinand Fillod, photographie K. Thilleul, juillet 2011.

6 Inventaire régional de Franche-Comté, POUPARD Laurent, Dossier d'Inventaire : ensemble de construction mécanique dit ensemble de la Manufacture de Tôlerie F. Fillod FSA, Besançon : Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, Service régional de l'Inventaire général, 1993.

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L’usine de Florange

L’usine est florissante dans les années 1930, jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. Par ce paragraphe introductif, un article du « Républicain Lorrain » rend hommage en 1959 à la capacité des Constructions Métalliques Fillod (C.M.F.) à s’intégrer dans le paysage sidérurgique de la région :

Le 4 septembre 1929, l’usine Fillod ouvrait ses portes. […] A partir d’un brevet de M. Fillod, concernant le raidissement de la tôle par plissage, nervurage et agrafage des éléments les uns aux autres, bases d’une technique nouvelle très astucieuse, l’usine florangeoise [a] su s’intégrer et […] occuper une place de choix dans le complexe sidérurgique de la vallée de la Fensch, en orientant sa production vers la construction de maisons métalliques.7

Après la fondation de l’usine de Florange, au début des années 1930, la production consiste essentiellement en maisons et en écoles, sur la base du système constructif établi en 1928. Une église totalement métallique est également conçue et réalisée pour la ville de Crusnes, en collaboration avec les architectes Claude Robbe et Alphonse Fenaux. En 1938, l’usine est appelée à répondre aux besoins militaires, ce qui aboutira à la conception, en collaboration avec la direction centrale du Génie, d’un nouveau type de bâtiments à parois inclinées. « Tous les mois, cent bâtiments étaient livrés aux services du Génie militaire » affirme le même article du Républicain Lorrain.8 L’entreprise employait, jusqu’à la guerre, 550 ouvriers à l’usine et 400 sur les chantiers.9

En 1940, après l’invasion et l’annexion par l’Allemagne de l’Alsace et de la Moselle, l’usine ferme ses portes ; elle sera occupée à partir de l’année suivante par les Allemands, qui procèdent peu à peu à un démantèlement systématique. Ils rééquipent ensuite l’usine pour la fabrication de douilles d’obus. A la Libération, les Alliés reprennent possession des lieux, et transforment le site en un vaste dépôt.10 Un rapport du conseil d’administration donne les précisions suivantes :

L’usine de Florange, qui n’avait pas subi de dommages importants lors des évènements de juin 1940, a d’abord été utilisée par les Allemands pour la fabrication d’éléments complémentaires leur permettant l’emploi des stocks que nous avions laissés. A partir de 1942, le matériel et l’outillage n’a subi aucun entretien ni aucune surveillance et les Allemands ont équipé l’usine pour le découpage de flans destinés à la fabrication de douilles d’obus en acier. La région de Hayange-Florange a été libérée de l’occupation allemande le 11 septembre 1944. La libération s’est effectuée sans les grosses destructions que l’on aurait pu craindre. Néanmoins, la gare

7 « 4 septembre 1929… 4 septembre 1959. Aujourd’hui, l’usine florangeoise Fillod fête son trentenaire », Le Républicain Lorrain, 4 septembre 1959. 8 Idem. 9 Curriculum vitae de Ferdinand Fillod, s.d. Collection particulière Michel Grebot, Inventaire régional de Franche-Comté, POUPARD Laurent, Dossier d'Inventaire : ensemble de construction mécanique dit ensemble de la Manufacture de Tôlerie F. Fillod FSA, Besançon : Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, Service régional de l'Inventaire général, 1993. 10 Idem.

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de triage de Florange où se trouvait un train de munitions, ayant été bombardée par avions, notre usine a subi des dégâts, particulièrement aux toitures.11

Ce rapport établit également que le chiffrage des dégâts est une opération complexe, et que le montant total des destructions résultant des faits de guerre, de l’occupation allemande puis de la réquisition américaine ne pourra être connu qu’une fois les travaux de réparation effectués. Cependant, l’état français a déjà versé à la société un acompte correspondant aux stocks disparus. Le site que retrouve Fillod en 1945 doit donc être remis en état, rééquipé, les ouvriers réembauchés ; plusieurs années seront nécessaires pour retrouver le niveau de production d’avant-guerre.

Le type de maisons à cadres métalliques, basé sur le système constructif établi en 1928 et qui représentait l’une des principales productions d’avant-guerre ne sera pas reconduit après-guerre.12 En effet, à la suite du conflit mondial, les prix de l’acier ont remarquablement augmenté, ce qui rend cette maison autrefois très économique beaucoup plus coûteuse. Un nouveau système constructif dans lequel la part de l’acier est proportionnellement plus faible est alors inventé pour le remplacer.

Florange (Moselle), site de l’ancienne usine Fillod, photographie K. Thilleul, juin 2011.

11 Rapport du conseil d’administration sur l’exercice social 1939/1946, assemblée générale ordinaire du 23 septembre 1946. Fonds Constructions Métalliques Fillod, Espace Archives Arcelor-Mittal, Florange. 12 D’après la consultation des archives du fonds Constructions Métalliques Fillod, Espace Archives Arcelor, Florange.

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Ferdinand Fillod semble s’être désengagé de cette usine vers la fin de sa vie, puisqu’en 1954, il ne figure plus parmi les administrateurs des C.M.F.13 Selon Laurent Poupard, il quitte tout poste de responsabilité (il était directeur technique et administrateur) le 31 décembre 1949.14

Lors de son décès, en 1956, les articles de journaux tenant lieu de faire-part ont été conservés, et sont toujours présents dans les archives, signe qui semble marquer l’attention et le respect dont les administrateurs des C.M.F. continueront à faire preuve envers le fondateur de l’entreprise jusqu’après sa mort.

Après le décès de Ferdinand Fillod, en 1956, l’usine continue sa production, mais elle s’oriente de plus en plus sérieusement vers la production d’éléments de construction métallique et en particulier de panneaux de façade préfabriqués en acier, au détriment de celle de bâtiments entiers. Les murs-rideaux réalisés à base de Stelvetite (tôle d’acier galvanisée plastifiée) viendront équiper de nombreux bâtiments de la région : citons, entre autres, le laboratoire sidérurgique et le collège d’enseignement secondaire de Florange, un laboratoire métallurgique à Thionville, présentés dans une publicité. 15

Une maison représentative de la production de l’usine de Florange dans les années 1930, établie dans la cité ouvrière que Ferdinand Fillod fit édifier pour les ouvriers de son usine à

Florange (Moselle). Photographie Karine Thilleul, juin 2011.

13 Extrait des inscriptions portées au registre du commerce (Kbis), greffe du tribunal de commerce de la Seine, le 27 septembre 1960. Fonds Constructions Métalliques Fillod, Espace Archives Arcelor-Mittal, Florange. 14 Inventaire régional de Franche-Comté, POUPARD Laurent, Dossier d'Inventaire : ensemble de construction mécanique dit ensemble de la Manufacture de Tôlerie F. Fillod FSA, Besançon : Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, Service régional de l'Inventaire général, 1993. 15 Publicité « Murs rideaux et bardages Fillod, Stelvetite tôle d’acier galvanisée plastifiée », s.d. Fonds Constructions Métalliques Fillod, Espace Archives Arcelor-Mittal, Florange.

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A partir des années 1950, l’entreprise C.M.F. fait par ailleurs face à un nouveau contexte de répartition économique de l’activité sidérurgique, puisque c’est à cette époque qu’émerge un groupe important, la SOLLAC, grâce au plan Marshall américain. Les sociétés sidérurgiques françaises subissent différentes fusions, jusqu’à ce que deux principaux groupes émergent : Usinor pour le Nord de la France, et Sacilor pour l’Est. Le groupe Fillod s’y trouvera progressivement incorporé, la date officielle retenue pour son affiliation à Sacilor étant l’année 1973.

Sacilor présente ainsi les réalisations de C.M.F., avec celles d’autres sociétés du groupe, dans une plaquette publicitaire intitulée « Acier à tous les étages ».16 On y apprend que « l’entreprise Fillod » fonctionne en tant qu’entreprise générale, chargée de la coordination des travaux sur les chantiers. Sa compétence couvre tous les types de bâtiments métalliques : constructions scolaires, universitaires, sportives, bâtiments socio-éducatifs, hospitaliers, restaurants, usines, bureaux, logements… Il est par ailleurs précisé que la société réalise une grande partie de son chiffre d’affaires à l’étranger, et a réalisé des hôtels de 700 chambres au Caire et à Alexandrie (Egypte), un hôtel de 340 chambre au Nigéria pour la chaîne Sheraton, 28 000 m² de bureaux dans un complexe pétrochimique à Rostock (R.D.A.),l’aérogare de Bagdad, un complexe à Jeddah (Arabie Saoudite)… Par ailleurs, la société réalise également des constructions industrialisées sur la base d’unités mobiles, comme le « Fillod Bloc » ou le « Logobloc ».17

La société des Constructions Métalliques Fillod (C.M.F.), après avoir employé jusqu’à 900 salariés, poursuit ainsi son activité jusqu’en 1986, trente ans après le décès de son créateur.18 Sa fermeture se fait dans le contexte de la grave crise qui touche le secteur sidérurgique à cette époque.

Les dernières années de Ferdinand Fillod, l’héritage et la reconnaissance

A la fin de sa vie, Ferdinand Fillod reçoit de nombreuses distinctions : le 7 février 1953, il est fait Chevalier de la Légion d’honneur19 ; en 1955, il devient Chevalier de l’Ordre de l’économie nationale, et en 1956, il est nommé « Commandant » de l’Ordre national du mérite pour la recherche et l’invention.

En effet, on dénombre au total plus d’une cinquantaine de brevets et additions déposés par Ferdinand Fillod et ses sociétés, entre 1928 et 1960.20 Certains ne concernent pas le domaine de la construction : ainsi, le 13 mai 1939, il dépose un brevet concernant un râtelier d’arme individuel21 ; un certain nombre d’autres brevets appartiennent au domaine du matériel agricole, du mobilier22, des éléments de second œuvre (parquet, radiateur, robinet…), ou des éléments d’équipements (machine à laver, essoreuse…).

16 Publicité « Acier à tous les étages », s.d. Fonds Constructions Métalliques Fillod, Espace Archives Arcelor-Mittal, Florange. 17 Idem. 18 AMIAUX Florence, LEMOINE Bertrand (préface), L’industrialisation selon Fernand Fillod [exposition réalisée à la demande d’ARCELOR par le CAUE de la Moselle, Metz, 2002], Metz : CAUE de la Moselle, 2002. 19 MICHEL Jean-Daniel, Ferdinand Fillod, notes biographiques, d’après les archives communales de Saint-Amour. « Notre cité lui doit notamment la création du Centre d’apprentissage masculin et féminin. », La Croix jurassienne, 2 juillet 1953. 20 Inventaire régional de Franche-Comté, POUPARD Laurent, Dossier d'Inventaire : ensemble de construction mécanique dit ensemble de la Manufacture de Tôlerie F. Fillod FSA, Besançon : Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, Service régional de l'Inventaire général, 1993. 21 Brevet n°854.705, déposé le 13 mai 1939 par Ferdinand Fillod. Institut National de la Propriété Intellectuelle, Paris. 22 Par exemple, le brevet de perfectionnement aux armoires métalliques individuelles et analogues, n°977.902, déposé le 21 décembre 1948 (armoire avec tabouret escamotable) par C.M.F. Institut National de la Propriété Intellectuelle, Paris.

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Le décès de Ferdinand Fillod survint d’une manière relativement brutale, le 15 septembre 1956, et ses funérailles furent à l’image de ce qu’avait été l’homme, dévoué à l’industrie et à ses usines. Conformément à ses vœux, la veillée funèbre eut lieu dans l’usine de Saint-Amour, son cercueil reposant sur de simples tréteaux.

Les usines de Florange et de Saint-Amour lui ont survécu durant une trentaine d’années, et à partir des années 1990-2000, des chercheurs, des ingénieurs, des constructeurs et des architectes se sont intéressés à ses réalisations, à la suite des travaux précurseurs de Laurent Poupard (Inventaire régional de Franche-Comté) puis du CAUE de la Moselle. Dans un contexte marqué par la montée de la notoriété de Jean Prouvé, avec lequel le parcours de Fillod présente des similitudes, et par un regain d’intérêt pour l’architecture industrielle, les qualificatifs les plus élogieux viennent à lui être attribués ; Bertrand Lemoine le qualifie ainsi de « visionnaire » :

Fillod mériterait sans doute de siéger au panthéon des inventeurs-constructeurs aux côtés d’un Jean Prouvé, avec qui il partageait l’amour de la « tôle » et surtout la vision que l’avenir de la construction passait par l’industrialisation. « Il faut des maisons usinées » disait Prouvé en 1946. Fillod les a réalisées.23

Cité Fillod de Fameck, août 2011. Maison Fillod en paroi Alfi à gauche, abri de jardin Fillod à

droite, et immeuble à ossature métallique Fillod à l’arrière-plan.

23 Amiaux, Florence, op.cit., p. 3.