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Corentin Bialais Simon Ferey 1 DRT-6000 Droit de l'OMC – Hiver 2015 Le statut de Taïwan, Hong Kong et Macao au sein de l’OMC comme territoires douaniers : perspectives historiques et juridiques

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  • Corentin Bialais Simon Ferey

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    DRT-6000 Droit de l'OMC Hiver 2015

    Le statut de Tawan, Hong Kong et Macao au sein de lOMC comme territoires douaniers : perspectives historiques et juridiques

  • Corentin Bialais Simon Ferey

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    Table des matires Introduction : .............................................................................................................................. 3

    I Perspective historique ........................................................................................................... 4

    A Histoire gnrale des quatre territoires ........................................................................ 4

    B Les territoires dans le contexte du GATT et de lOMC .............................................. 6

    II Le statut particulier des territoires douaniers distincts ...................................................... 10

    A Comment devient-on Territoire douanier distinct ? .................................................. 10

    B Les implications du statut de Territoire douanier distinct ......................................... 13

    III La notion de territoire douanier distinct lOMC la lumire du Droit International

    Public ........................................................................................................................................ 16

    A Lgalit souveraine des Etats comme principe de base du Droit International Public

    .......................................................................................................................................... 16

    B Dautres organisation incluant des entits non souveraines ...................................... 18

    Conclusion ................................................................................................................................ 20

    Annexe 1 : chronologie (tir de Choukroune Lela. La Chine et l'OMC en dates. In:

    Perspectives chinoises. N69, 2002. pp. 78-80.) ...................................................................... 22

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    Introduction :

    [LOMC] sait faire uvre de pragmatisme propre la discipline du commerce dans

    lapplication des principes du droit international classique. []

    LOMC reste, il est vrai, un cadre intertatique. Mais, elle a su l aussi sadapter

    lvolution de la socit internationale et lmergence de nouveaux acteurs.

    Les Membres peuvent tre des territoires douaniers, ce qui a permis au Taipei chinois

    de rejoindre lOMC et Hong Kong de continuer participer comme Membre autonome

    aprs son retour la Chine.

    En Mai 2006, Pascal Lamy alors directeur gnral de lOrganisation mondiale du

    commerce employait lexemple de Hong-Kong et du Taipei Chinois (Taiwan) pour illustrer le

    pragmatisme et les capacits dadaptation de lOMC la ralit mondiale.1

    LOMC est rgulirement dcrite comme une organisation internationale innovante et efficace

    notamment grce sa procdure rapide de rglement des diffrends. Le fait quelle parvienne

    inclure des territoires souvent qualifi de quasi-tats ou dEtats de facto, qui posent souvent

    des problmes de reprsentation dlicat en droit international semble attester une nouvelle fois

    du caractre novateur de cette institution.

    En effet, ce nest pas une petite chose que de runir la Chine et Taiwan dans une organisation

    vocation universelle comme lOMC. Rgulirement, depuis les annes 90, certains pays

    demandent ce que la question de la reprsentation de Taiwan soit inscrite lordre du jour

    de lAssemble Gnrale des Nations-Unies.2 Ces demandes sont systmatiquement rejetes

    par la Chine qui y oppose son vto. Plus proche de nous, le ton est mont entre Pkin et Taipei

    depuis le dbut du mois de Mars 2015. En effet, la Chine a pris la dcision unilatrale

    dinstaurer une route arienne survolant le territoire Taiwanais. Taiwan nest pas membre de

    lOrganisation de lAviation Civile Internationale, le pays ne dispose donc daucun recours

    juridique face cette situation.3

    Dun autre ct, les territoires de Hong-Kong et Macao, bien quils appartiennent

    officiellement la Rpublique Populaire de Chine, jouissent dune certaine autonomie par

    rapport au gouvernement chinois, notamment en matire conomique. Pourtant ces entits ne

    sont pas non plus membre de lONU mais se retrouvent tout de mme dans une poigne

    dorganisations. Comment expliquer que la Chine qui dfend fermement la politique dune

    1 Pascal Lamy, La place et le rle (du droit) de l'OMC dans l'ordre juridique international, Intervention devant la

    Socit europenne de droit international, Paris, 19 mai 2006 2 Bob Jieffer, LOrganisation Mondiale du Commerce et lvolution du droit international public, Larcier, 2008 3 Yuan-Ming Chiao, M503 unrelated to ICAO bid: foreign minister, The China Post, March 17, 2015

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    seule Chine lONU et dans dautres organisations comme lOACI puisse se retrouver avec

    sa rivale dans lOMC ? De mme comment expliquer que lOMC reconnaisse Hong-Kong et

    Macao comme des membres part entire alors que ceux-ci appartiennent officiellement

    une entit tatique suprieure. Cette situation paradoxale est brillement rsum par le titre

    dun article sur le sujet intitul Une seule Chine, quatre membres lOMC .4

    Dans ce travail, nous nous efforcerons de comprendre par quels moyens lOMC parviens

    inclure ces entits quasi-tatiques et quels sont les implications de ce statut. Cette analyse se

    fera dun point de vue juridique et historique, par lanalyse des processus daccession de ces

    quatre territoires et notamment par lanalyse de la notion de territoire douanier distinct

    propre lOMC. Dans une premire partie, nous rappellerons lhistoire des relations difficiles

    entre ces quatre entits, et notamment leur interactions avec lOMC, nous verrons ensuite par

    quels moyens ils ont pu devenir des territoires douaniers distincts et ce quimplique ce statut

    sur leurs relations. Enfin nous tenterons de voir en quoi lOMC prsente une manire

    originale de rgler les problmes de reprsentations en droit international et quels sont ses

    limites.

    I Perspective historique A Histoire gnrale des quatre territoires

    Tawan, Hong Kong et Macao sont trois territoires d'Asie Pacifique dont l'histoire est

    indissociable de la Chine. D'un point de vue gographique et historique, ces trois territoires

    sont d'une grande proximit avec la Chine.

    La Rpublique populaire de Chine, est le plus grand pays d'Asie et se compose de vingt-deux

    provinces, cinq rgions autonomes, quatre municipalits et deux rgions administratives

    spciales : Hong Kong et Macao. La Rpublique de Chine est le nom officiel de Tawan,

    jusquau milieu du XXe sicle, la Rpublique de Chine contrlait galement la Chine

    continentale jusqu la prise de pouvoir par les forces communistes en 1949. Cest alors que

    le gouvernement nationaliste de Tchang Ka Sheck sest rfugi sur l'le. Cependant, la Chine,

    travers sa politique d'une seule Chine (One China policy), revendique le pays comme unifi,

    c'est dire quelle inclut Macao, Hong Kong, Tawan ou encore le Tibet. Cette position est

    4 ZENG Huaqun, One China, Four WTO Memberships": Legal Grounds, Relations and Significance, The

    Journal Of World Investment & Trade, 2007

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    accepte notamment par l'ONU qui a refus plusieurs reprises la reprsentation de Tawan

    au sein de l'organisation.

    Hong Kong et Macao se distinguent de Tawan dans leur histoire rcente. Ces deux cits ont

    aujourdhui le statut de Rgion administrative spciale (RAS) , c'est dire qu'elles font

    partie de la Chine tout en conservant leur autonomie dans une majorit de domaines dont

    l'conomie, c'est ce qu'on appelle le principe un pays, deux systmes . Nanmoins, Hong

    Kong et Macao n'ont pas d'autonomie dans le domaine de la dfense ni des affaires trangres

    qui sont dvolues la Chine. Les deux furent des colonies europennes dont la rtrocession

    eut lieu la fin du XXe sicle. Hong Kong a t rtrocd par la Grande Bretagne en 1997

    travers la signature du trait international intitul Dclaration commune sino-britannique sur

    la question de Hong Kong aprs plus d'un sicle et demi de prsence britannique, depuis le

    trait de Nankin de 1842. Quant Macao, dernier comptoir europen, il fut rtrocd par le

    Portugal la Chine en 1999 suite la signature du trait international intitul Dclaration

    commune sino-portugaise sur la question de Macao. Hong Kong et Macao ont t des

    carrefours entre l'Europe et l'Asie et des portes d'entres du continent asiatique. Leur

    dveloppement conomique a t plus rapide que dans le reste du continent. Leurs conomies

    sont spcialises et influences par le modle occidental. Hong Kong est une des principales

    places financire asiatiques et un des plus grands ports au monde. Macao est devenu une

    destination touristique majeure dans le domaine des jeux dargent.

    Tawan a un statut diffrent, malgr la revendication de l'le par la Chine comme 23e province

    chinoise, Taiwan est considr comme un Etat indpendant de facto . Officiellement

    dnomm Rpublique de Chine, l'le, anciennement appele Formose est un pays de 23

    millions d'habitants. Elle a reprsent officiellement la Chine dans les instances

    internationales, comme au Conseil de Scurit de l'ONU par exemple, jusqu'en 1971, date

    laquelle la Chine continentale la remplace. Son histoire rcente se caractrise par le

    peuplement des nationalistes du Kuomintang, venus en masse suite la dfaite contre les

    communistes en 1949. A l'instar de Hong Kong et Macao, Tawan sest dvelopp rapidement

    au cours de la seconde moiti du XXe sicle, on parle souvent ce sujet de miracle

    tawanais . Son conomie est actuellement oriente vers la haute technologie, dans des

    secteurs tels que la biotechnologie, les ordinateurs portables ou les nergies renouvelables, la

    Chine tant son principal partenaire conomique.

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    B Les territoires dans le contexte du GATT et de lOMC

    Lhistoire de ces quatre entits lOMC retranscrit lhistoire mouvemente que la

    rgion a connu au cours du XXme sicle. Nous verrons dans cette partie le parcours

    tumultueux qui les ont mens jusqu leur entre dans le GATT et lOMC. Une chronologie

    intitule la Chine et lOMC en date est jointe lannexe 1 et reprend les principaux

    vnements.

    Hong Kong et Macao dans le GATT et lOMC

    Hong Kong est rentr en tant que territoire douanier distinct par la volont du

    Royaume-Uni en 1986 qui a invoqu larticle XXVI:5 (c) du GATT qui permet de relcher un

    territoire douanier distinct de son territoire (nous reviendrons en dtail sur les diffrents

    moyens daccder au GATT en tant que territoire douanier distinct dans la section suivante).5

    Au mme moment la Chine met une communication expliquant que Hong Kong deviendra

    une Rgion Administrative Spciale (SAR) aprs la rtrocession de la cit tat et quelle

    gardera ainsi le contrle de sa politique commerciale et conomique. 6 Le territoire sera ce

    moment renomm Hong-Kong, Chine . Cette communication sappuie sur la dclaration

    commune Sino-Britannique qui organise le transfert de souverainet de la colonie

    britannique.7

    Aprs avoir une dizaine danne en tant que partie contractante au sein du GATT, Hong Kong

    devient un membre fondateur de lOMC en 1995. Le 1er Juillet 1997, la suite de la

    rtrocession, Hong Kong prend le nom de Hong Kong, Chine .

    Le sort de Macao est similaire celui de Hong-Kong. Le Portugal devient partie contractante

    du GATT en 1962. En 1991, le Portugal fait parvenir une communication prcisant quen

    vertu de larticle XXVI:5 (c) du GATT, Macao deviendra une partie contractante en tant que

    territoire douanier distinct.8 Macao devient galement un membre fondateur de lOMC en

    1995.

    Comme pour Hong Kong, la Chine fait la aussi parvenir une communication au secrtariat du

    GATT pour expliquer quaprs la rtrocession, Macao conservera son systme conomique et

    social actuel mais utilisera le nom de Macao, Chine lOMC.9

    5 L/5986 24 Avril 1986, reference tir de Chien-Huei Wu, WTO and the greater China, Economic Integration

    and Dispute Resolution, Martinus Nijhoff Publishers, 2012 6 L/5987, Admission of Hong Kong as a contracting party, Communication from the People's Republie of China,

    24 April 1986 7 Joint Declaration of the Governmenent of the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the Peoples Republic of Chine on the Question of Hong-Kong Section VI Annex 1 8 L/6806 Ibid note 5 9 L/6807 Admission of Macao as a contracting party, Communication from the People's Republic of China, 14

    January 1991

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    La Rpublique de Chine dans le GATT

    La Rpublique de Chine est une des parties contractantes originelles du GATT en

    1947, elle est mentionne dans la liste des pays au prambule du texte.10

    En 1950, un an aprs que le gouvernement de la Rpublique de Chine se soit rfugi

    Taiwan, celui-ci dcide de se retirer du GATT. Cette dcision est justifie par le fait que la

    majeure partie des marchandises pour lesquelles sappliquaient les concessions du GATT

    taient en provenance du continent, que le gouvernement de Tchang Ka Chek ntait plus en

    mesure de contrler.11

    La Rpublique de Chine obtient un statut dobservateur lOMC partir de 1965.12 En tant

    que signataire de la Charte de La Havane, le pays obtient le statut dobservateur sans que cela

    ne ncessite de vote en vertu de la rgle 8 des Rules of Procedure for Sessions of the

    CONTRACTING PARTIES .13

    A cette poque le problme de la reprsentation de la Chine dans les institutions

    internationales tait dj brulant. Le Secrtaire-gnral du Gatt14 avait cependant affirm que

    les parties contractantes, devaient [suivre] la politique exprim par larticle 86 de la Charte

    de la Havane, [et ainsi] viter de se prononcer sur des matires essentiellement politique et de

    suivre les dcisions des nations unies ce propos. 15

    Cest dans cette logique que les parties contractantes vont permettre la Rpublique de Chine

    dobtenir son statut dobservateur, mais cest galement ce mme principe qui va justifier plus

    tard son exclusion. En 1971, choisissant de suivre la rsolution 2758 (XXVI) de lONU qui

    reconnait le gouvernement de la Rpublique Populaire de Chine comme le seul gouvernement

    lgitime de Chine, la Rpublique de Chine est exclue du GATT.16 Cette dcision impulse par

    le secrtaire-gnral du GATT, est soumise au consensus. Curieusement, de nombreux Etats

    (ayant tous vots contre o stant abstenu lors du vote de la rsolution lAssemble

    gnrale de lONU) sindigneront de ce rsultat et refuserons dtre associ au consensus sans

    quaucun dentre-deux ne se soit oppos ce mme consensus. Les Etats-Unis, le Brsil ou le

    Zare ont fait part de leur protestation, sans toutefois sy tre oppos. A cette poque, ces pays

    10 Accord General sur les Tarifs Douaniers et le Commerce, Prambule 11 Chuo Hui-Wan, Legal Eligibility of Taiwans Accession to GATT/WTO, School of Law University of Maryland, 2000 p.4 12 Summary Record of Third Meeting, GATT SR.22/3, 16 March 1965 13 Ibid note 11, p.4 voir aussi GATT 1994, 1009 The Rules of Procedure for Sessions of the CONTRACTING

    PARTIES rule 8 14 Article XXV, Joint Action by the Contracting Parties, GATT Analytical Index, p.877 15 SR.22/3 16 SR.27/1, Summary Record Of The First Meeting, 19 November 1971

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    reconnaissaient encore le gouvernement de la Rpublique de Chine et entretenaient parfois

    des relations fortes, bien que les Etats-Unis aient commenc renverser leur stratgie en

    faveur dun rapprochement avec la Rpublique Populaire.17 La Rpublique de Chine conteste

    galement la dcision prise son encontre. Cependant le statut dobservateur te au pays la

    possibilit de faire chouer le consensus.

    Le nouveau gouvernement communiste, pour des raisons idologiques, nentreprend cette

    poque aucune dmarche pour succder la Rpublique de Chine au GATT.

    Les Demandes dadhsion de la Chine et de Taiwan au GATT et lOMC

    En 1986 la Rpublique Populaire de Chine en pleine libralisation conomique transmet une

    communication au directeur du GATT dans laquelle elle indique son souhait de retrouver son

    statut de partie contractante.18 La note ajoute que le gouvernement chinois est prt ngocier

    avec le GATT les termes de son adhsion.

    Bien quun groupe de travail soit mis en place ds 1987, le processus daccession de la Chine

    sera le plus long de lhistoire de lOMC jusqu aujourdhui. Les ngociations nayant pas t

    termin la fin du cycle dUruguay, la Rpublique Populaire de Chine nest pas parvenue

    devenir membre originel de lOMC, le groupe de travail du GATT sera renomm groupe de

    travail de lOMC aprs 1995.19

    Parmi les lments qui expliquent cette lente accession, reviennent les relations parfois

    tendues entre Pkin et certains membres ou parties contractantes cruciaux lors des

    ngociations. La rpression des opposants de la place Tian An Men en 1989 isole la Chine sur

    la scne internationale et va freiner les ngociations avec les pays occidentaux qui refusent de

    traiter avec Pkin. Dix ans plus tard, en mai 1999, le bombardement par larme amricaine

    de lambassade chinoise Belgrade entraine un nouveau refroidissement dans les relations

    entre les deux pays et la Chine interrompt provisoirement ses ngociations avec

    Washington.20 Malgr tout, la mme anne en novembre, la Chine et les Etats-Unis finissent

    par signer un accord bilatral sur laccession de la Chine lOMC.

    Un an plus tard, cest avec lUnion Europenne que la Chine signe un accord bilatral.

    17 Sur ce sujet voir par exemple: Samantha F. Ravich (1999) U.S. Policy toward the Taiwan Strait: A Historical

    Perspective, American Foreign Policy Interests: The Journal of the National Committee on American Foreign

    Policy 18 GATT L/6017 Communication from PRC 14 Juillet 1986 19 Chien-Huei Wu, WTO and the greater China, Economic Integration and Dispute Resolution, Martinus Nijhoff

    Publishers, 2012, p.10 20 Alexandroff, Alan S;Ostry, Sylvia;Gomez, Rafael, China and the Long March to Global Trade (Routledge,

    2003), p.22

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    Le rapport du groupe de travail est finalement dpos en Septembre 200121. Lors de la

    confrence ministrielle de Doha en novembre la dcision daccession est enfin prise par les

    membres, la Chine devient membre 30 jours aprs la ratification.22

    De son ct la Rpublique de Chine (Taiwan) prsente une candidature au GATT sous

    le nom de Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matzu souvent repris

    par labrviation Taipei Chinois en Janvier 1992. Un groupe de travail pour examiner

    cette candidature est form le 29 Septembre de la mme anne.23 Nous reviendrons plus en

    dtails dans le chapitre suivant sur le processus daccession qua travers Taiwan pour tre

    admis en tant que territoire douanier distinct.

    Dans une communication o le directeur gnral du GATT nonce les modalits de la

    formation du groupe de travail, il prcise que toutes les parties contractantes sentendent pour

    respecter la politique dune seule Chine et souligne la demande de plusieurs parties

    contractantes de faire accder le Taipei Chinois aprs la Chine comme cette dernire lexige.24

    Taiwan a sign des accords bilatraux concernant son accession avec les Etats unis et lUnion

    Europenne en 1998. Les ngociations se terminent ds 1999, mais lOMC suivra la

    procdure envisage plus tt dans le GATT et Taiwan ne sera admis lOMC quaprs la

    Chine. Le rapport du groupe de travail est formul le 5 octobre 200125 et la dcision

    daccepter laccession du Taipei Chinois est prise le lendemain de celle de laccession de la

    Chine, lors de la confrence de Doha. Finalement le Taipei Chinois accde lOMC en

    Janvier 2012 soit un mois aprs sa voisine chinoise.

    21 WT/ACC/CHN/49, Rapport du groupe de travail de l'accession de la Chine, 1er octobre 2001 22 WT/MIN(01)/DEC/1 Dclaration Ministrielle, confrence ministrielle de l'OMC, Doha, 2001 23 C/M/259, MINUTES OF MEETING Held in the Centre William Rappard on 29 September-1 October 1992 24 Ibid. 25 WT/ACC/TPKM/18, Rapport du groupe de travail de l'accession du territoire douanier distinct de Taiwan,

    Penghu, Kinmen et Matsu, 5 octobre 2001

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    II Le statut particulier des territoires douaniers distincts A Comment devient-on Territoire douanier distinct ?

    Bien que Hong-Kong, Macao et le Taipei Chinois soient tous les trois dsigns comme

    des territoires douaniers distincts, les voies suivis par ces entits pour atteindre ce statut

    divergent. Notamment parce que Hong-Kong et Macao ont accd au GATT alors que le

    Taipei Chinois a directement accd lOMC. Dans ce chapitre nous allons retracer le

    parcours vers laccession de ces trois entits.

    Hong Kong et Macao, laccession au GATT par larticle XXVI:5(c)

    Le terme territoire douanier est dfini larticle XXIV :2 du GATT comme :

    Tout territoire pour lequel un tarif douanier distinct ou d'autres rglementations commerciales distinctes sont

    appliqus pour une part substantielle de son commerce avec les autres territoires.

    Cest ensuite larticle XXXIII du GATT qui dfinit laccession en ces termes et louvre aux

    territoires douaniers distincts :

    Tout gouvernement qui n'est pas partie au prsent Accord ou tout gouvernement agissant

    au nom d'un territoire douanier distinct qui jouit d'une entire autonomie dans la conduite

    de ses relations commerciales extrieures et pour les autres questions traites dans le prsent

    Accord, pourra adhrer au prsent Accord, pour son compte ou pour le compte de ce

    territoire, des conditions fixer entre ce gouvernement et les PARTIES

    CONTRACTANTES.

    Ainsi laccession est dfinie comme ouverte des gouvernement . La terminologie est ici

    particulirement importante puisquelle ne rfre pas des Etats .26

    Ensuite il est ncessaire que ce gouvernement dispose dune entire autonomie dans ses

    relations commerciales extrieures . Ds 1947, le Royaume-Unis se prte cet exercice en

    dmontrant que ces colonies de Ceylan (actuel Sri Lanka), de Birmanie et de Rhodsie du Sud

    (actuel Zimbabwe) dtiennent effectivement cette autonomie.27 28

    Hong-Kong et Macao ont tous les deux t prsent aux GATT aux fins de leur accession.

    En effet, le GATT de 1947 permettait une procdure daccession originale, prvue par le

    larticle XXVI :5(a) et (c) :

    26 GATT, Guide to GATT Law and Practice: Analytical Index (6th Edition WTO, Geneva 1995), p.1017-1018 27 Pour ce faire, le Royaume-Uni a par exemple dmontr la capacit de ces colonies de signer des traits

    conomiques entre eux. Par exemple, entre la Rhodsie du Sud et lAfrique du Sud 28 E/PC/T/198, Second session of the preparatory committee of the United Nations conference on trade and

    employment, 15 September 1947, https://www.wto.org/gatt_docs/English/SULPDF/92290253.pdf

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    5. a) Chaque gouvernement qui accepte le prsent Accord l'accepte pour son territoire

    mtropolitain et pour les autres territoires qu'il reprsente sur le plan international,

    l'exception des territoires douaniers distincts qu'il indiquera au Secrtaire excutif(5) des

    PARTIES CONTRACTANTES au moment de sa propre acceptation.[]

    c) Si un territoire douanier pour lequel une partie contractante a accept le prsent

    Accord jouit d'une autonomie complte dans la conduite de ses relations commerciales

    extrieures et pour les autres questions qui font l'objet du prsent Accord, ou s'il acquiert

    cette autonomie, ce territoire sera rput partie contractante sur prsentation de la partie

    contractante responsable qui tablira les faits susviss par une dclaration.

    Bien que le paragraphe a) explique que le GATT en plus de sappliquer au territoire

    mtropolitain du membre sapplique aussi ceux quil reprsente sur le plan international,

    lindex analytique du GATT prcise que ce nest pas le cas pour la France, la Grande-

    Bretagne, les Pays-Bas et de la Belgique ou laccord sapplique uniquement au territoire

    mtropolitain. En effet, le Protocole dApplication Provisoire du GATT fait la liste des

    futures parties contractantes en prcisant bien, pour chacun des pays mentionns lexpression

    lgard de leur territoire mtropolitain .29 Le Paragraphe 2 du mme protocole prcise

    quil est possible que laccord sapplique pour ces territoires si le pays en fait la demande au

    secrtaire gnral des Nations-Unies.30

    Ainsi cest partir 1948 que laccord du GATT sapplique sur le territoire de Hong-Kong,

    aprs que le Royaume-Uni en ai fait la demande.31 A ce stade, laccord du GATT sapplique

    pour la colonie asiatique de la mme manire que pour le Royaume-Unis.

    Le paragraphe c) explique ensuite, qu la condition davoir une autonomie

    complte dans ses relations extrieures, un territoire peut acqurir le statut de partie

    contractante sur prsentation de la partie contractante qui en est responsable

    internationalement. Nous avons vu prcdemment que l autonomie est le fruit dune

    attestation donn par lEtat responsable internationalement du territoire, lindex analytique du

    GATT prcise que lEtat doit certifier que ce territoire a le droit de jure et/ou de facto dagir

    par lui-mme et de remplir ses obligations. 32 33

    LEtat responsable doit ensuite prsenter ce territoire douanier. La traduction anglaise

    sponsorship retranscrit peut tre mieux le sens de cette disposition. Par cette manire

    lEtat responsable atteste de lautonomie du pays sur ses relations conomiques et lui offre

    ainsi une admission automatique dans le GATT.

    29 Provisional application of the General Agreement 30 GATT, Guide to GATT Law and Practice: Analytical Index (6th Edition WTO, Geneva 1995) p.917 31 Chien-Huei Wu, WTO and the greater China, Economic Integration and Dispute Resolution, Martinus Nijhoff

    Publishers, 2012 p.5 32 EPCT/TAC/PV/22, p. 22 (traduction libre) 33 GATT, Guide to GATT Law and Practice: Analytical Index (6th Edition WTO, Geneva 1995) p.919

  • Corentin Bialais Simon Ferey

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    Au terme de cette procdure on parle souvent de succession plutt que daccession. En

    effet la plupart des Etats qui ont utiliss cette procdure lont fait aprs leur prise

    dindpendance de la mtropole. Cette procdure fut particulirement populaire puisque ce

    nest pas moins de 63 parties contractantes du GATT (sur un total de 128 en 1995) qui ont

    succd leur ancienne mtropole. Cette mthode tient sa popularit au fait quelle est

    automatique et ainsi ne demande pas de ngociation pralable. A linverse, la procdure

    classique qui utilise larticle XXXIII demande au candidat laccession de ngocier son

    entre avec les parties contractantes, souvent par des abaissements de tarifs douaniers, ce que

    certains auteurs appellent le entry ticket .

    Il existe quatre cas o larticle XXVI:5(c) a t utilis pour faire accder un territoire douanier

    lorganisation sans pour autant que celui-ci soit pralablement devenu indpendant, il sagit

    du Lesotho, du Liechtenstein et surtout de Hong-Kong et Macao.

    Ainsi en 1986, le Royaume-Uni va prsenter Hong-Kong, en dclarant que le territoire a

    acquis son autonomie sur les affaires commerciales34. Hong-Kong devient ainsi partie

    contractante du GATT. Une communication chinoise de 1986 prcise que la Rgion

    Administrative spciale de Hong-Kong restera un territoire douanier distinct aprs la

    rtrocession de 1997.35

    Laccession de Macao se fait dans des termes similaires. Le Portugal accde par larticle

    XXXIII au GATT en 1962. Ntant pas membre fondateur du GATT, le pays nest pas dans la

    liste des pays pour lequel laccord ne sapplique quau territoire de la mtropole comme prvu

    par le paragraphe 1 du protocole dapplication provisoire du GATT. Ainsi le GATT

    sapplique Macao comme dans le reste du Portugal, le protocole daccession portugais

    prcise bien que laccord sapplique lgard de tous ses territoires douaniers distincts 36.

    En 1991 le Portugal va prsenter Macao lOMC37 et la Chine va faire une

    communication similaire celle de Hong-Kong.

    34 L/5986, Admission of Hong Kong as a contracting party, Certification by the Director-General, 24 April 1986 35 L/5987, Admission of Hong Kong as a contracting party, Communication from the People's Republie of

    China, 24 April 1986 36 11S/20, Protocol for the Accession of Portugal to the GATT 37 L/6806, certification by the Director-General incorporating a communication by Portugal

  • Corentin Bialais Simon Ferey

    13

    Laccession de Taiwan lOMC et larticle XII de lOMC et XXXIII du GATT

    Depuis 1995 et la cration de lOMC, larticle XXVI:5 du GATT ne permet plus

    dchapper aux ngociations pour accder lOMC. En effet, cest prsent larticle XII de

    laccord instituant lOMC qui gouverne laccession :

    Tout Etat ou territoire douanier distinct jouissant d'une entire autonomie dans la

    conduite de ses relations commerciales extrieures et pour les autres questions traites

    dans le prsent accord et dans les Accords commerciaux multilatraux pourra accder

    au prsent accord des conditions convenir entre lui et l'OMC. Cette accession

    vaudra pour le prsent accord et pour les Accords commerciaux multilatraux qui y sont

    annexs.

    Les critres sont ici similaires ceux du GATT mais la phrase des conditions convenir

    entre lui et lOMC indiquent que laccession est maintenant conditionne par une

    ngociation avec les membres de lOMC.

    Nous lavons vu, la candidature de Taiwan au GATT prcde la cration de lOMC. Avant la

    cration de lOMC la candidature Taiwanaise tait gouverne par larticle XXXIII du GATT,

    qui prvoit le mode daccession rgulier, et non pas larticle XXVI:5. La Chine prtend que

    cette candidature est irrgulire puisque la candidature Taiwanaise aurait d tre gouvern par

    larticle XXVI:5 tant donn que Pkin considre lle comme tant lune de ces provinces.

    Le protocole daccession final de Taiwan prcise bien que le groupe de travail a t cr en

    1992 au titre de l'article XXIII prsente par le Territoire douanier distinct de Taiwan .

    Aucune mention de larticle XXXIII nest faite dans le document du groupe de travail.38

    Le mme document prcise galement que cest au moment de laccession en 2001, larticle

    XII de laccord instituant lOMC qui gouverne laccession du territoire.39

    B Les implications du statut de Territoire douanier distinct

    Accords entre les SAR et la Chine des accords nationaux ou internationaux sous l'gide de l'OMC?

    Quelles sont les consquences de cette situation dans laquelle Tawan, Hong Kong et Macao

    sont membres de l'OMC au mme titre que la Chine ? Qu'est-ce que cela implique en termes

    de relations conomiques entre eux ? La situation permet-elle une certaine harmonie, ou au

    contraire accentue-t-elle les tensions ?

    tant donn que Hong Kong, Macao et Tawan sont autonomes dans leur commerce extrieur,

    38WT/ACC/TPKM/18, rapport du groupe de travail de l'accession du territoire douanier distinct de Taiwan,

    Penghu, Kinmen et Matsu, 5 octobre 2001 39 WT/ACC/TPKM/18, rapport du groupe de travail de l'accession du territoire douanier distinct de Taiwan,

    Penghu, Kinmen et Matsu, 5 octobre 2001

  • Corentin Bialais Simon Ferey

    14

    ils agissent indpendamment de la Chine. En tant que membres de l'OMC, les territoires

    douaniers possdent une marge de manuvre dans la conduite de leurs relations

    commerciales.

    Mme si ces entits sont considres par l'empire du Milieu comme faisant partie du territoire

    chinois, leur indpendance en termes de politique commerciale favorise des partenariats

    conomiques et commerciaux. Et c'est travers leur appartenance commune l'OMC que

    Hong Kong et Macao tablissent des partenariats conomiques, l'instar de l'accord spcial

    intitul Closer Economic Partnership Arrangement40 (CEPA). Le CEPA est un accord

    sign dans le cadre de l'OMC entre la Chine et Hong Kong en 2003 qui concorde avec les

    objectifs de l'OMC, il prvoit notamment l'limination des tarifs douaniers ou la poursuite de

    la libralisation du commerce des services, en vue d'une prosprit commune de la Chine et

    de Hong Kong. Cet accord est original car il est la fois un volet national en tant quaccord

    rgissant diffrents territoires dun mme pays et quil est galement un trait international au

    sens de lOMC. Cela met en vidence que l'OMC joue un rle majeur dans le dveloppement

    des partenariats commerciaux entre la Chine et les territoires douaniers voisins. Un accord

    similaire a t instaur entre la Chine et Macao, dnomm Mainland and Macau Closer

    Economic Partnership Arrangement, dont les objectifs sont semblables, en vue d'une

    libralisation plus pousse des changes entre la Chine et Macao. Malgr l'appartenance

    administrative de Hong Kong et Macao la Chine, on constate que l'OMC favorise largement

    les relations conomiques entre la Chine et les territoires douaniers voisins. Bien qu'ils n'en

    aient pas le nom, ce sont des accords de libre-change41.

    Il existe galement un partenariat conomique entre la Chine et Tawan42, il s'agit de l'

    Economic Cooperation Framework Agreement (ECFA)43 tabli en 2010. C'est un partenariat

    strictement conomique44, qui vise au dveloppement des changes. Cet accord conomique a

    pu tre mis en place par le fait que Tawan est membre de l'OMC. En effet, dans le cadre de

    l'OMC, Tawan peut dcider de ses partenariats conomiques. Le partenariat, qui est considr

    comme le plus significatif depuis la guerre civile de 1949, vise la libralisation du

    commerce, le dveloppement des investissements, ou encore une coopration industrielle.

    40 Chien-Huei Wu WTO and the Greater China , Chapitre 8, Partie III 41 Chien-Huei Wu WTO and the Greater China , Chapitre 8, Introduction, p.233 42Chien-Huei Wu WTO and the Greater China , Chapitre 7 43Chinese mainland, Taiwan sign landmark economic pact, Xinhua Net, 2010,

    http://news.xinhuanet.com/english2010/china/2010-06/29/c_13375203.htm 44Taiwan and China sign landmark trade agreement, BBC News, 29 June 2010

    http://www.bbc.com/news/10442557

  • Corentin Bialais Simon Ferey

    15

    On retrouve dans ce contexte le rle majeur qui a vu la cration de l'OMC : celui d'tre un

    forum de discussion en faveur de la libralisation de l'conomie. On retrouve cet objectif qui

    est poursuivi l'chelle de la Chine et des territoires douaniers.

    Rglement des diffrends entre la Chine continentale et Tawan

    tre membre de l'OMC implique la possibilit d'allguer d'autres membres de l'OMC, mais

    aussi accepter une plainte d'un membre de l'OMC sur un diffrend, un sujet de dsaccord dans

    le domaine des changes commerciaux. Les tensions politiques qui existent depuis plusieurs

    dcennies entre la Chine et Tawan se refltent-elles dans le cadre du rglement des diffrends

    de l'OMC ?

    A premire vue, on peut penser que les tensions politiques n'ont pas de rpercussions sur les

    relations conomiques car la Chine n'a pas de diffrend officiel contre Taipei chinois, ni en

    tant que plaignant ni en tant que dfendeur45. Toutefois, mme si la Chine et Tawan ne se sont

    encore jamais attaqus directement devant lorgane de rglement des diffrends, ils sont tierce

    parties dans diffrentes affaires dans lesquelles ils sont concerns. Par exemple, l'affaire Chine

    - Terres rares46 dont le rapport a t adopt en aot 2014, oppose la Chine (dfendeur)

    l'Union Europenne (plaignant). Dans cette affaire, Taipei chinois a jou le rle de tierce

    partie. On peut donc penser que malgr l'absence de confrontation directe, la Chine et Tawan

    s'opposent parfois travers des intermdiaires. Leur statut de membre de l'OMC leur

    permettrait nanmoins d'utiliser le rglement des diffrends de l'OMC comme plate-forme

    pour apporter des solutions en cas de litige, comme par exemple la mise en place d'un systme

    de protection contre les investissements chinois Tawan.

    Leur statut de membre de l'OMC implique galement de respecter les principes de l'OMC sur

    la libralisation des changes, et favorise les changes entre la Chine et les territoires

    douaniers. Un territoire douanier, au mme titre qu'un tat se doit de suivre les acquis de

    l'OMC et donne des responsabilits aux territoires douaniers qui vont dans le sens d'une plus

    grande coopration conomique avec la Chine. En conclusion, le fait que la Chine ait

    quatre membres l'OMC lui est favorable car cela permet de concentrer ses relations avec

    les territoires douaniers dans le domaine conomique, en outrepassant les tensions politiques.

    45 On peut par exemple consulter cette infographie propos par le site official de lOMC pour sen render compte

    https://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/dispu_maps_f.htm?country_selected=CHN&sense=e 46Le nom entier est : Chine Mesures relatives l'exportation de terres rares, de tungstne et de molybdne

  • Corentin Bialais Simon Ferey

    16

    III La notion de territoire douanier distinct lOMC la lumire du

    Droit International Public A Lgalit souveraine des Etats comme principe de base du Droit International

    Public

    Le principe dgalit souveraine trouve ses sources dans larticle 2 alina 1 de la

    charte des Nations Unies qui indique que : L'Organisation est fonde sur le principe de

    l'galit souveraine de tous ses Membres. .47 Elle est galement reprise par la dclaration

    relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopration

    entre les Etats conformment la Charte des Nations Unies 48 qui la dfinit en ces termes :

    Tous les Etats jouissent de l'galit souveraine. Ils ont des droits et des devoirs gaux et

    sont des membres gaux de la communaut internationale

    On retrouve ce concept dans le droit de lOMC larticle IX de lOMC qui prvoit au

    paragraphe 1 quen cas dimpossibilit datteindre le consensus, les dcisions seront prises

    la majorit des voix. Il est prcis que chaque membre dispose dune voix lexception des

    communauts europennes qui dispose du nombre de voix de ses Etats membres. Lancien

    directeur de lOMC, Pascal Lamy, dclarait lui-mme dans une confrence sur la relation

    entre le droit de lOMC et le droit international :

    Lgalit souveraine des Etats exige une galit formelle entre Etats de taille ou de

    puissance diffrente. Ce principe est parfaitement respect lOMC.49

    LOMC est-elle galitaire?

    LOMC sinscrit dans lhritage du GATT ou la pratique du consensus tait courante.

    A larticle IX de laccord instituant lOMC, le consensus est affirm comme tant le mode

    privilgi pour la prise de dcision.

    Le principe dgalit souveraine nest pas compatible avec celui du vote majoritaire qui a

    pour rsultat de mettre en minorit certains membres, cest pourquoi lunanimit est

    considre comme le meilleur instrument pour respecter ce principe. Cependant en raison de

    la difficult dappliquer ce principe les institutions internationales ont souvent recours

    47 Charte des Nations Unies, 26 juin 1945, 15 CNUCIO (RT Can 1945 n7) 48 Dclaration Relative aux principes du Droit International touchant les Relations Amicales et la Coopration

    entre les Etats conformment la Charte des Nations Unies, Res. AG 2625 (XXV), Doc off AG NU, 25me sess.

    Doc NU A/8082 (1970) 49 Pascal Lamy, La place et le rle (du droit) de l'OMC dans l'ordre juridique international, Intervention devant

    la Socit europenne de droit international, Sorbonne, Paris, 19 mai 2006

  • Corentin Bialais Simon Ferey

    17

    dautres mthodes pour la prise de dcision dont le consensus50 qui semble davantage

    respecter le principe dgalit que le vote.

    Cependant larticle IX prvoit galement le recours au vote en cas dimpossibilit datteindre

    le consensus. Il faut maintenant examiner le critre de la souverainet.

    Le problme de souverainet des territoires douanier distinct

    Les territoires douaniers distincts de lOMC disposent dun droit de vote comme tout

    autre membre. Il y a pourtant l une contradiction avec le principe dgalit souveraine qui

    repose galement sur le principe de souverainet.

    La question de la souverainet de Taiwan pose de nombreuses questions en droit

    international, son caractre tatique est sujet un long dbat, Taiwan est cependant

    gnralement considr comme un Etat de facto qui il manque une reconnaissance

    internationale. Le fait que Taiwan puisse sengager internationalement est dj une premire

    preuve de sa souverainet, puisque dans laffaire du vapeur Wimbledon la Cour permanente

    de Justice internationale admet que la facult de contracter des engagements est [] un

    attribut de la souverainet de lEtat .

    En revanche quelle que soit la dfinition, il est difficile de considrer Hong-Kong et Macao

    comme des Etats souverains. Dans sa dfinition classique, la souverainet est dfinie comme

    le pouvoir suprme dun Etat sur son territoire et ses habitants 51. Hong-Kong et Macao,

    bien quils puissent sengager internationalement sur les questions dconomie et de culture,

    ne sont pas responsables des questions de scurit ni de politiques trangres et ne

    sinscrivent pas, en consquence, dans cette dfinition de la souverainet. Dans son ouvrage

    lOrganisation Mondiale du Commerce et lvolution du droit international public, Bob

    Kieffer pose ce constat pour remettre en cause la pertinence du concept dentire

    autonomie de ces territoires douaniers distincts et va mme jusqu qualifier les deux cits

    dentits infra-tatiques .52

    Ainsi ces entits infra-tatique, comparable des Etats fdrs auxquels on aurait permis

    lentre dans les institutions internationales auraient-elles rellement lautonomie ncessaire

    pour pouvoir exprimer un vote indpendant du gouvernement central chinois ?

    50 Maurice Arbour, Genevive Parent, Droit International, 6me Edition, Yvon Blais, 2012 51 M. ST. Korowicz, La souverainet des Etats et lavenir du droit international, Paris, Pedone, 1945, tir de Maurice Arbour, Genevive Parent, Droit International, 6me Edition, Yvon Blais, 2012 p.322 52 Bob Kieffer, lOrganisation Mondiale du Commerce et lvolution du droit international public, Larcier, 2008

  • Corentin Bialais Simon Ferey

    18

    Pour illustrer le problme, lauteur rappelle la situation qui prvalaient jusquen 1990 aux

    Nations-Unies o lURSS disposait de 3 voix (URSS, Bilorussie et Ukraine) alors que la

    charte elle-mme consacrait le principe dun Etat, une voix. Cette situation tait le rsultat

    dune ngociation entre les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale et pas de justification

    juridique.

    B Dautres organisation incluant des entits non souveraines

    L'Organisation Mondiale du Commerce respecte le principe d'galit souveraine de ses

    Membres, qui dans le cadre de l'OMC ne sont pas toujours des tats. On retrouve l'OMC,

    parmi les membres qui ne sont pas des tats, les trois territoires sur lesquels nous nous

    intressons (Tawan, Hong Kong, Macao), mais aussi une entit qui regroupe plusieurs tats

    souverains : l'Union Europenne. L'Union Europenne est reconnue comme membre part

    entire ; ainsi, la Commission Europenne est en mesure de parler au nom de l'ensemble de

    ses membres, actuellement au nombre de 28 lors des sommets et runions de l'OMC.

    Comment expliquer cette diffrenciation quant au statut de l'Union Europenne, de Tawan,

    Hong Kong, Macao, ou toute autre entit n'tant pas un tat selon les organisations

    internationales ?

    L'ONU, l'organisation internationale majeure qui sert de plate-forme dans de nombreux

    domaines pour la rencontre et la coordination des politiques dans tats du monde, ne

    reconnat par exemple pas Tawan, ni Macao ou Hong Kong, alors que l'Union Europenne

    possde quant elle un statut d' observateur avanc , qui lui permet par exemple de

    s'adresser devant l'Assemble gnrale.

    Cette nuance quant aux membres, qui parfois peut tre la source de polmiques car elles ont

    une dimension politique, est possible car le domaine de comptence de l'OMC est strictement

    conomique. En effet, l'OMC a une vocation purement conomique, comme prvu dans

    l'article II de l'OMC o son champ d'action est prcis.

    L'OMC servira de cadre institutionnel commun pour la conduite des relations

    commerciales entre ses Membres en ce qui concerne les questions lies aux accords et

    instruments juridiques connexes repris dans les Annexes du prsent accord.

    Les considrations autres qu'conomiques n'entrent en ligne de compte dans les critres

    d'accession. A cet gard, on retrouve cette dimension purement conomique dans la

    jurisprudence de l'OMC (comme Etats-Unis, Crevettes), qui ne s'attarde pas sur des domaines

    qui interfrent sur l'conomie, tels que lenvironnement, lorsqu'il s'agit pour le juge de l'OMC

  • Corentin Bialais Simon Ferey

    19

    d'arbitrer sur un diffrend.

    Ce sont donc bien des critres conomiques, tels qu'indiqus l'article XXXIII du GATT, qui

    justifient l'accession d'un membre l'organisation, la condition premire tant de disposer

    d'une entire autonomie dans la conduite de sa politique commerciale .

    Dans le domaine des Relations Internationales, les organisations internationales ont pour la

    plupart un mandat dans un domaine de comptences bien particulier, l'conomie et relations

    commerciales pour l'OMC, la condition des enfants l'UNICEF, l'nergie atomique pour

    l'AIEA, le travail l'OIT, la sant l'OMS, etc...

    Ainsi, dans chaque organisation, des critres diffrents s'appliquent. Il n'est alors pas tonnant

    de constater que certaines entits sont reprsentes et donc reconnues dans certaines

    organisations mais pas l'ONU. Par exemple, l'Organisation internationale de la

    Francophonie met l'accent sur le critre linguistique dans la slection de ses Membres, prcis

    lgalement dans Statuts et Modalits d'adhsion 53, adopt lors du IXe Sommet de la

    Francophonie de 2006 Bucarest. L'entit, qu'elle soit un pays ou non, qui se porte candidate

    doit en effet respecter un nombre important de critres linguistiques, tels que la prsence de la

    langue franaise dans l'espace pdagogique, dans l'espace culturel ou encore dans l'espace de

    communication. On comprend ds lors que c'est le domaine de comptences de l'organisation

    internationale qui dtermine les critres de slection et la pertinence ou non d'y inclure des

    membres qui ne sont pas des tats au sens politique.

    De ce fait, le Qubec et le Nouveau Brunswick sont membres de l'OIF, au mme titre que le

    Canada, bien que ce soient des provinces, entits fdres. C'est aussi le cas de la fdration

    Wallonie-Bruxelles, reprsente au mme titre que la Belgique.

    Dans le domaine du sport, un autre exemple dmontre la ncessit de s'adapter au domaine

    concern. Le Comit international Olympique, qui organise les Jeux Olympiques se donne

    pour mission que tous les sportifs de haut niveau puissent y participer, il existe ainsi un

    groupe d'athltes apatrides pour les individus n'ayant aucune nationalit.54 A titre d'exemple,

    lors des derniers Jeux Olympiques, un athlte de l'le de Curaao, dont l'indpendance n'est

    pas reconnue a couru sous les couleurs de l'IOA (International Olympic Athletes).

    Ce pragmatisme permet une meilleure reprsentation de la ralit dans un domaine donn, et

    permet de justifier la prsence de Tawan, Hong Kong et Macao comme membres de l'OMC.

    53 Statuts et modalits dadhsion la Confrence des chefs dtat et de gouvernement ayant le franais en

    partage - http://www.francophonie.org/IMG/pdf/adhesion_bucarest_2006-2-2.pdf 54http://www.20minutes.fr/sport/979703-20120731-londres-2012-moi-reginald-windt-athlete-apatride

  • Corentin Bialais Simon Ferey

    20

    En effet, ces trois entits ont une conomie forte, et des changes commerciaux de grande

    ampleur, notamment en termes d'exportations. Tawan et Hong Kong sont parmi les quatre

    dragons asiatiques qui ont merg il y a dj plusieurs dcennies, et Macao possde une

    conomie touristique, dont ses casinos qui en fait un territoire riche.

    Les critres conomiques, tels que le PIB ou les changes commerciaux et le fait que leurs

    conomies sont tournes vers l'extrieur sont la justification majeure de la prsence de

    Tawan, Hong Kong et Macao comme membres de l'OMC.

    Conclusion Lhistoire conflictuelle de la Chine pose encore aujourdhui des difficults juridiques

    et politiques importantes quant la reprsentation de Taiwan, Hong-Kong ou Macao dans les

    organisations internationales. Cette difficult provient de la relation souvent rigide

    quentretiennent ces organisations, en premier lieu les Nations-Unis, avec la dfinition de la

    souverainet.

    En proposant une formule daccession souple et qui dpasse le concept de souverainet,

    lOMC fait figure dexception dans le systme mondial et parvient intgrer ces quatre

    entits avec succs. Encore mieux, en incluant ces nouveaux membres, lOMC a donn une

    plateforme efficace ses pays pour ngocier leurs accords rgionaux.

    Pourtant, cette situation nest pas sans poser de nouveau problmes. Les difficults

    diplomatiques entre Taiwan et la Chine semble les inhiber dutiliser directement lorgane de

    rglement des diffrends pour rgler lun contre lautre, de mme pour Hong-Kong et Macao.

    Du ct de lorganisation, laccession des trois territoires douaniers distincts, si elle permet de

    passer outre les barrires de la souverainet, ne permet pas en revanche de dpasser les

    questionnements sur lquit de la reprsentation au sein de lorganisation.

    LOMC en ayant accept ces trois entits au statut juridique encore incertain en droit

    international sera confront tt ou tard lvolution de leurs situations respectives. Dabord,

    si rien ne change, en 2047 et en 2049 lorsque la priode de transition de Hong-Kong et Macao

    sera achev, ces territoires deviendront des entits rgulires au sein de la Rpublique

    Populaire et perdront ainsi leur autonomie. De mme, bien quil soit envisageable que le statu

    quo entre Taiwan et la Chine soit encore maintenu longtemps, de nombreuses forces, dans la

    socit Taiwanaise ou dans les couloirs de la diplomatie chinoise pressent la runification des

    deux rives du dtroit de Taiwan. A contrario, lindpendance de Taiwan est encore un sujet

  • Corentin Bialais Simon Ferey

    21

    dactualit et notamment dfendu par le principal parti dopposition Taipei. LOMC sera

    ainsi confronte des questions politiques majeures au moins long terme. Sera-t-il possible

    dexclure des membres qui ont perdu toute autonomie ? A linverse est-il possible de

    transformer un territoire douanier distinct en membre rgulier ? Sur ces questions, lONU qui

    ne reconnait aucune de ces entits ne pourra pas apporter de rponse et lOMC sera donc bien

    oblig de traiter une question dordre essentiellement politique contrairement son

    souhait de se prserver de ces questions.

    Certains auteurs nhsitent pas parler de menace de politisation de lOMC avec

    laccession de Taiwan et de la Chine. A titre dexemple, la Chine a longtemps critiqu le fait

    que la dlgation Taiwanaise lOMC porte le nom de Mission Permanente comme les

    autres Etats alors que Hong Kong et Macao ont une dlgation dsign par lexpression

    Bureau de commerce . LOrganisation a finalement cd aux pressions chinoises et le

    Blue Book de lOMC qui comprend les coordonnes de chaque dlgation Genve ne

    fait plus de mention de Mission Permanente pour Taiwan.55

    55 Arie Reich, The Threat of Politicization of the WTO, University of Pennsylvania journal of international

    economic law, Vol. 26 (4), 779814 (2005)

  • Corentin Bialais Simon Ferey

    22

    Annexe 1 : chronologie (tir de Choukroune Lela. La Chine et l'OMC

    en dates. In: Perspectives chinoises. N69, 2002. pp. 78-80.)

  • Corentin Bialais Simon Ferey

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  • Corentin Bialais Simon Ferey

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