Fermina Marquez

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primeras páginas de la obra de Larbaud

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  • FERMINA MARQUEZ

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  • UVRES DE VALERY LARBAUD

    (Le Pauwre Chemisier Posies Journal intime)AMANTS, HEUREUX AMANTS

    Domaine anglais Domaine franaisJAUNE, BLEU, BLANC

    SOUS L'INVOCATION DE SAINT jnoME

    LA VIE ET L'HABITUDE AINSI VA TOUTE CHAIRNOUVEAUX VOYAGES EN EREWHON

    TSf

    FERMINA MARQUEZENFANTINES

    A. O. BARNABOOTH

    prcd deBeaut, mon beau Souci

    et suivi de

    Mon plus secret ConseilCE VICE IMPUNI, LA LECTURE

    ALLEN

    DEUX ARTISTES LYRIQUESAUX COULEURS DE ROME

    Traductions

    SAMUEL BUTLER

    EREWHON

    CARNETS

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  • VALERY LARBAUD

    FERMINA

    MARQUEZroman

    ruf

    GALLIMARD

    5, rue Sbastien-Bottin, Paris VII

    Vingt-cinquime dition

  • Il a t tir de la prsente dition, aprs impositionsspciales, cent neuf exemplaires de luxe in-quarto tel-lire, sur papier verg pur fil La fuma-Navarre, dontneu f hors commerce marqus de A i, et cent destinsaux Bibliophiles de la Nouvelle Revue Franaise,numrots de1 c, et trois cent quarante-quatre exem-plaires ;,n-octavo couronne sur vlin pur fil Lafunta-Navarre, dont quatorze hors commerce marqus de a n,trois cents numrols de1. 300, et trente exemplairesd'auteur, hors commerce, numiotet de 301 u 330,

    Tous droits de reproduction, de traduction et d'adap-tation rservs pour tous les pays, y compris la Russie.

    Copyright by librairie Gallimard, 1V26,

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  • Illam, qw'dqwd agit, qiwquo vestigia movii,Coinpu/at furlim subsequiturque Dcor.

    (TlBUULE, IV, 2.)

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  • Le reflet de la porte vitre du parloirpassa brusquement sur le sable de la cour, nos pieds. Santos leva la tte, et dit

    Des jeunes filles. Alors, nous emes tous les yeux fixs sur

    le perron, o se tenaient, en effet, ct duprfet des tudes, deux jeunes filles en bleu,et aussi une grosse dame en noir. Tousquatre descendirent les quelques marcheset, suivant l'alle qui longeait la cour, se di-rigrent vers le fond du parc, vers la ter-rasse d'o l'on voyait la valle de la Seine,et Paris, au loin. Le prfet des tudes mon-trait ainsi aux parents des nouveaux lves,

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  • FERMINA MARQUEZune fois pour toutes, les beauts de son col-lge.

    Comme les jeunes filles passaient le longde la grande cour ovale, o les lves detoutes les classes taient runis, chacun denous les dvisagea son aise.

    Nous tions une bande d'effronts, dejeunes rous (entre seize et dix-neuf ans) quimettions notre honneur tout oser en fait

    d'indiscipline et d'insolence. Nous n'tionspas levs la franaise, et, du reste, nousFranais, nous n'tions qu'une bien faibleminorit dans le collge tel point, que lalangue en usage entre lves tait l'espa-gnol. Le ton dominant de l'institution taitla drision de toute sensiblerie et l'exalta-

    tion des plus rudes vertus. Bref, c'tait unlieu o l'on entendait cent fois par jour,prononcs avec un accent hroque, cesmots Nous autres Amricains.

    Ceux qui disaient cela (Santos et lesautres) formaient une lite dont tous leslves exotiques (Orientaux, Persans, Sia-

  • FERM1NA MARQUEZmois) taient exclus, une lite dans laquelle,pourtant, nous Franais tions admis,d'abord parce que nous tions chez nous,dans notre propre pays, et ensuite parceque, comme nation, historiquement nousvalions presque la race au sang bleu, lagent de raison. C'est l un sentiment quiparat perdu, aujourd'hui, chez nous ondirait que nous sommes des btards quivitons de parler de nos pres. Ces fils desarmateurs de Montevideo, des marchandsde guano du Callao, ou des fabricants dechapeaux de l'Equateur, se sentaient, danstoute leur personne et tous les instants deleur vie, les descendants des Conquistadors.Le respect qu'ils avaient pour le sang espa-,gnol, mme lorsque ce sang tait, commechez la plupart d'entre eux, un peu mlangde sang indien, tait si grand, que toutorgueil nobiliaire, que tout fanatisme decaste semble mesquin, compar ce senti-ment-l, la certitude d'avoir pour anctresdes paysans de la Castille ou des Asturies.

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    C'tait une belle et bonne chose, aprs tout,que de vivre parmi des gens qui avaient cerespect d'eux-mmes (et ce n'taient que degrands enfants). Je suis sr que le petitnombre d'anciens lves rests en France se

    rappellent aujourd'hui avec reconnaissancenotre vieux collge, plus cosmopolite qu'uneexposition universelle, cet illustre collgeSaint-Augustin, maintenant abandonn,ferm depuis quinze ans dj.

    C'est parmi les souvenirs d'une des plusglorieuses nations de la terre que nous yavons grandi le monde castillan fut notreseconde patrie, et nous avons, des annes,considr le Nouveau Monde et l'Espagnecomme d'autres Terres Saintes o Dieu, parl'entremise d'une race de hros, avait d-ploy ses prodiges. Oui, l'esprit qui do-minait chez nous tait un esprit d'entrepriseet d'hrosme nous nous efforcions de res-

    sembler aux plus gs d'entre nous, quenous admirions Santos, par exemple son frre cadet Pablo navement nous imi-

  • FERMINA MARQUEZtions leurs manires et jusqu'au son de leurvoix, et nous avions, les imiter ainsi, unplaisir extrme. Voil pourquoi nous noustenions tous, ce moment, prs de la haiede myrtes qui sparait la cour de la grandealle du parc, domptant notre timidit pouradmirer, avec un impudence voulue, lestrangres.

    De leur ct, les jeunes filles soutinrenthardiment tous les regards. L'ane sur-tout elle passa lentement devant nous,nous regarda tous, et ses paupires ne bat-tirent pas une seule fois. Quand elles eurentpass, Pablo dit trs haute voix Jo-lies filles c'tait ce que nous pensionstous.

    Puis, chacun, parlant courtement, donnason opinion. En gnral, la plus jeune desdeux soeurs, celle qui avait sur le dos unepaisse queue de cheveux noirs noue en pa-pillon d'un large ruban bleu, la petite ,fut juge insignifiante, ou du moins tropjeune (douze, treize ans, peut-tre) pour

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  • FERM1NA MARQUEZtre digne de notre attention nous tionsde tels hommes1

    Mais l'ane nous ne trouvions pas demots pour exprimer sa beaut ou plutt,nous ne trouvions que des paroles banalesqui n'exprimaient rien du tout des vers demadrigaux yeux de velours, rameau fleuri,etc., etc. Sa taille de seize ans avait, la

    fois, tant de souplesse et de fermet et seshanches, au bas de cette taille, n'taient-elles pas comparables une guirlande triom-phaleEt cette dmarche assure, caden-ce, montrait que cette crature blouis-sante avait conscience d'orner le monde o

    elle marchait. Vraiment, elle faisait penser tous les bonheurs de la vie.

    Et elle est chausse, habille et coiffe la dernire mode , conclut Demoisl, ungrand ngre de dix-huit ans, une brute, quiavait coutume d'affirmer, sans vouloir s'ex-pliquer mieux, que sa propre mre tait Pahisienne de Pahis et la reine du bon

    ton Port-au-Prince.

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  • Maintenant il nous fallait des renseigne-ments prcis nous n'allions certes pasnous asseoir l'cart, en coliers bien sages,et regarder dans notre cur. D'abord, ilfallait savoir qui elle tait.

    Ortega tait, parmi nous, le seul Espa-gnol originaire de la mtropole, et, pourcette raison, nous le traitions avec df-rence. Santos, en cela encore, nous donnaitl'exemple. Il tenait bien montrer au jeuneCastillan qu'il n'avait rien, lui, SantosIturria, de Monterrey, absolument rien d'unvulgaire et grossier parvenu amricain, d'un cachupin . Lui,, qui dominait par la force

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  • FERM1NA MARQUEZ

    et la parole notre petit monde, il cdait lepas, volontairement, en bien des choses, ce faible, indolent, taciturne Ortega. C'estainsi que, dans cette circonstance, il lui de-manda tout d'abord son avis. Ortega ob-servait la vie du collge, les petits vne-ments quotidiens, les alles et venues desmatres et des lves. Il rpondit qu'il pen-sait que ces jeunes filles taient les surs deMarquez, un nouveau, entr en cinquimedepuis peu de jours. Il avait devin juste.

    En lui tordant longtemps le poignet, De-moisel arracha au petit Marquez d'abord leprnom de sa plus jeune soeur, Pilar puis,en serrant un peu plus, il sut le prnom del'ane Fermina. Nous tions l, regardantcette scne de torture le ngre vocifrantdans la figure de l'enfant, l'enfant le regar-dant bien en face et sans rien dire, deslarmes coulant sur ses joues. Ce courage-ls'accorde mal avec le mensonge Marquezne nous trompait pas. Nous avions donc unmot maintenant, un nom nous rpter

  • FERMINA MARQUEZtout bas, le nom entre tous les noms, qui ladsignait Fermina, Ferminita. des lettresdans un certain ordre, un groupe de syl-labes, une chose immatrielle et qui pour-tant porte en soi une image et des souve-nirs, enfin quelque chose d'elle on dit cemot voix haute, et, si elle est l, vous avezfait retourner cette belle jeune fille. Oui, unprnom crire sur nos cahiers, en marge

    des brouillons de thmes grecs, pour l'y re-trouver aprs des annes, et prononcer, enle retrouvant, gravement, avec une motionprofonde, de stupides paroles de romance.

    Santos dit Demoisel C'est assez debrutalit comme cela lche-le, va. Lche-ledonc1 Le ngre obit contre-oceur. L-dessus, le petit Marquez, se mettant parler

    de bon gr, nous apprmes que la grossedame qui accompagnait Pilar et Ferminatait, non leur mre, leur mre taitmorte, mais leur tante, une sur du preMarquez. Le pre Marquez tait un desgrands banquiers de la Colombie. N'ayant

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    pu accompagner ses enfants en Europe, illes avait confis cette sur qu'on appelaitfamilirement Marna Dolor. C'tait une

    crole de quarante ans environ, qui avait tbelle, et qui avait encore, dans un visageaux traits empts, de grands yeux humides,aux regards trop ardents, pathtiques. Lestrois enfants et leur tante resteraient en

    France pendant quatre ans, puis iraient pas-ser deux annes Madrid au bout desquellesils rentreraient tous Bogota. Mais il y eutquelque chose qui nous plut, surtoutMarna Dolor et ses deux nices viendraient

    passer toutes les aprs-midi Saint-Augus-tin, jusqu' ce que Marquez ft habitu la vie de collge, et n'et plus besoin, pourlutter contre le dsespoir, de sentir sa fa-mille tout prs de lui.

    Ainsi, nous allions voir, tous les jourspendant les deux longues rcrations ddl'aprs-midi, Fermina Marquez passer dansles alles du parc. Nous n'avions jamais eupeur de quitter la cour, en dpit des rgle-

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