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FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE FERNAND LEGER LE BEAU EST PARTOUT 20.05.2017 > 30.10.2017

FERNAND LEGER2DD 07 06 17 - Centre Pompidou Metz · peintre de la ville et de la vie moderne qui célébra les profondes mutations de son époque. ... LETTRE ET POÉSIE : LA DYNAMIQUE

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FERNAND LEGER

LE BEAU EST PARTOUT 20.05.2017 > 30.10.2017

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SOMMAIRE

1. PRESENTATION GENERALE DE L’EXPOSITION……………....P.3

2. PLAN DE LA GALERIE 1……………………………….P.5

3. PARCOURS………………………………………....P.7

4. LE BEAU………………………………………….. P.36

5. FERNAND LÉGER ET LE CORBUSIER. VISIONS POLYCHROMES ... P.39

6. PISTES PÉDAGOGIQUES……………………………... P.53

7. DOCUMENTATION…………………………………... P.62

8. INFORMATIONS PRATIQUES………………………….... P.64

9. ATELIERS JEUNE PUBLIC……………………………... P.66

10. PROGRAMMATION ASSOCIÉE………………………….. P.68 En couverture : Fernand Léger, Les constructeurs (état définitif), 1950 Biot, musée national Fernand Léger Photo © RMN-Grand Palais (musée Fernand Léger) / Gérard Blot © ADAGP, PARIS, 2017

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1. PRESENTATION GENERALE DE L’EXPOSITION  

FERNAND LEGER. LE BEAU EST PARTOUT 20 mai 2017 ! 30 octobre 2017 Galerie 1 Commissariat : Ariane Coulondre, Conservateur, Chef du service des collections au Centre Pompidou Témoin passionné d’un siècle foisonnant, Fernand Léger (1881 – 1955) est sans doute l’un des artistes modernes les plus célèbres. Généreux, curieux de tout et grand voyageur, il s’est intéressé tout au long de sa carrière à de nombreux domaines : la poésie, le cinéma, le cirque, la danse, l’architecture et l’urbanisme, etc. Attaché à créer des oeuvres à la fois modernes et populaires, il s’est beaucoup engagé en faveur du progrès social. Cette exposition exceptionnelle présente toutes les facettes de ce géant du XXème siècle. Le Centre Pompidou-Metz rend hommage à la personnalité exceptionnelle de Fernand Léger, peintre de la ville et de la vie moderne qui célébra les profondes mutations de son époque. L’exposition rétrospective Fernand Léger. Le beau est partout retrace le parcours du peintre sous un angle inédit, dressant le portrait d’un artiste curieux, fasciné par son temps et ouvert aux autres disciplines. Réunissant une centaine d’oeuvres majeures, cette manifestation explore les liens qu’entretient, tout au long de sa carrière, sa peinture avec la poésie, le cinéma, mais aussi l’architecture et le spectacle vivant, à travers ses multiples collaborations artistiques. Grâce aux prêts exceptionnels du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, et de grandes institutions, privées et publiques, françaises et étrangères, ce parcours thématique met en lumière sa recherche inlassable pour réinventer la peinture en la faisant sortir du cadre. Il souligne également le caractère toujours actuel de l’art de Fernand Léger, cherchant à concilier l’exigence d’un nouveau langage plastique à une dimension véritablement populaire. S’appuyant sur de nombreux documents d’archives, l’exposition révèle les différentes facettes de son travail et montre ainsi l’homme qu’il fut : le théoricien de la peinture, l’infatigable enseignant dans l’atelier duquel se formeront de nombreux artistes, le voyageur doué d’un sens peu commun de l’observation, l’artiste engagé en faveur du progrès social et de la démocratisation culturelle.

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Fernand  Léger,  Le  mécanicien,  1918  Huile  sur  toile,  65  x  54  cm  Donation  de  Geneviève  et  Jean  Masurel  en  1979  Dépôt  du  Musée  national  d'art  moderne  /  Centre  de  création  industrielle  LaM,  Lille  Métropole  musée  d'art  moderne  d'art  contemporain  et  d'art  brut,  Villeneuve  d'Ascq  Copyright  photographique  :  Philip  Bernard  ©  Adagp,  Paris  2017  

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2. PLAN DE LA GALERIE 1

SORTIEENTRÉE

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1. LA CONCURRENCE DE LA VIE MODERNE

2. LETTRE ET POÉSIE : LA DYNAMIQUE DE L’ÉCRITURE

3. CINÉMA : L’IMAGE MOBILE ET LE GROS PLAN

4. DESSIN ET PHOTOGRAPHIE

5. CIRQUE ET DANSE : L’APOGÉE DU SPECTACLE POPULAIRE

6. MUR ET ARCHITECTURE : UN NOUVEL ESPACE POUR LE PEINTRE

7. PEINTRE, PROFESSEUR, VOYAGEUR

8. FERNAND LÉGER ET L’ENGAGEMENT POLITIQUE

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 Fernand  Léger,  La  Fleur  polychrome,  [1952]  Ciment  et  plâtre  peints,  165  x  132  x  47  cm  Achat  de  l’État,  1954  Attribution,  1955  numéro  d’inventaire  :  AM  977  S  Collection  Centre  Pompidou,  Paris  Musée  national  d’art  moderne  -­‐  Centre  de  création  industrielle  ©  Centre  Pompidou,  MNAM-­‐CCI/Philippe  Migeat/Dist.  RMN-­‐GP  ©  Adagp,  Paris,  2017

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3. PARCOURS Ce document reprend certains textes de salle, notamment pour les œuvres citées. Des rubriques « EN SAVOIR PLUS » aident les enseignants à approfondir leurs recherches.

PREAMBULE : LA CONCURRENCE DE LA VIE MODERNE « L’existence des hommes créateurs modernes est beaucoup plus condensée et beaucoup plus compliquée que celle des gens des siècles précédents. La chose imagée reste moins fixe, l’objet en lui-même s’expose moins que précédemment. Un paysage traversé et rompu par une auto ou un rapide perd sa valeur descriptive mais gagne en valeur synthétique [...] L’homme moderne enregistre cent fois plus d’impressions que l’artiste du XVIIIe siècle ; par exemple, à tel point que notre langage est plein de diminutifs et d’abréviations. » Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, Les réalisations picturales actuelles, 1914, p.40 SOUS-PARTIES CONTRASTE ET FRAGMENTATION, LES ANNEES CUBISTES ŒUVRES-CLES La couseuse, 1909 La Noce, 1911-1912 Les toits de Paris, 1912 MÉCANIQUE DE LA GUERRE ŒUVRES-CLES La Partie de cartes, 1917 Dessins de guerre ESTHÉTIQUE DE LA MACHINE ŒUVRES-CLES Les hélices, 1918 Le pot à tisane, 1918 La roue rouge, 1920 Elément mécanique, 1924 Fernand Léger fait très tôt le constat de l’état de contraste et d’intensité que représente la vie moderne : le spectacle du paysage urbain en pleine mutation, le bruit et la vitesse des machines et des automobiles, la couleur des réclames sur les murs, les produits manufacturés qui envahissent les vitrines, etc. Cette démultiplication des sensations représente par sa puissance esthétique une concurrence directe pour les artistes. Marquée d’abord par l’esthétique cubiste, la peinture de Fernand Léger rompt avec les conventions artistiques et cherche à transcrire ce morcellement de la vision et le rythme syncopé d’une société en plein essor. Se renouvelant tout au long de sa carrière, elle répond à la saturation des images, par une recherche d’efficacité visuelle et d’audace colorée, guidée par l’esthétique du contraste maximal.

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 Fernand  Léger,  Contraste  de  formes,  1913  Huile  sur  toile,  100  x  81  cm  Donation  de  M.  et  Mme  André  Lefèvre  en  1952  numéro  d’inventaire  :  AM  3304  P  Collection  Centre  Pompidou,  Paris  Musée  national  d’art  moderne  -­‐  Centre  de  création  industrielle  ©  Centre  Pompidou,  MNAM-­‐CCI/Jacques  Faujour/Dist.  RMN-­‐GP  ©  Adagp,  Paris,  2017  

Contraste de formes « En cherchant l’état d’intensité plastique, j’applique la loi des contrastes […]. J’organise l’opposition des valeurs, des lignes et des couleurs contraires… » Dans cet ensemble d’une quarantaine d’œuvres réalisées entre 1913 et 1914, les sujets traditionnels - personnages, paysages, natures mortes - sont brutalement décomposés en volumes géométriques, jusqu’à l’abstraction. L’impression de fragmentation et de rythme se ressent dans l’exécution rapide de la peinture, qui laisse visible le grain de la toile. D’AUTRES ŒUVRES La Noce Avec La Noce, présentée au Salon des Indépendants en 1912 où elle fait sensation, le jeune peintre affirme sa propre version du cubisme. Son format exceptionnel pour l’époque et son traitement radical en font une œuvre-manifeste. Un cortège nuptial défile verticalement autour d’un couple de mariés, dans un espace brouillé par des formes vaporeuses. La fragmentation des formes et la multiplication des points de vue font voler en éclats la perspective classique. La scène se distingue des grilles monochromes de Georges Braque et Pablo Picasso en conservant la puissance du volume et de la couleur. Dessins de guerre Mobilisé dès août 1914, Fernand Léger est retenu loin de ses pinceaux pendant trois ans. Les dessins qu’il réalise sur des supports de fortune à proximité immédiate du front rendent compte de son quotidien. L’artiste ne cherche pas à dépeindre la violence absurde des combats, dont il est témoin en tant que brancardier, mais plutôt à croquer les activités des soldats à Verdun. Certains de ces dessins, consacrés aux hommes jouant aux cartes ou aux éléments mécaniques, annoncent les sujets que Léger reprendra par la suite.

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La Partie de cartes Fernand Léger peint cette œuvre exceptionnelle des années de guerre lors de sa convalescence dans un hôpital à Paris, à la fin de l’année 1917. Elle inaugure son retour à la peinture et à la vie civile, après trois années terribles passées au front. Réminiscence de la vie quotidienne dans les tranchées, cette scène rend hommage par son thème et son traitement géométrique à Paul Cézanne. Cette image d’une humanité robotisée marque l’aboutissement de ses recherches cubistes et les débuts de la période dite mécanique, qui dure jusqu’au milieu des années 1920. Les Hélices À son retour à la vie civile, Léger réalise de petites toiles éclatantes de couleur, à partir d’objets transformés en mécaniques joyeuses. Le motif de l’hélice, qui apparait déjà dans certains dessins de guerre, rappelle la fascination de l’avant-garde devant cette forme mécanique parfaite. Lors de sa visite au Salon de l’Aviation, accompagné par Constantin Brancusi et Marcel Duchamp ce dernier ne constate-t-il pas : « C'est fini la peinture. Qui fera mieux que cette hélice ? » Elément mécanique « J’aime les formes imposées par l’industrie moderne, je m’en sers, les aciers aux mille reflets colorés plus subtils et plus fermes que les sujets dits classiques », écrit Léger à son marchand Léonce Rosenberg. Jouant des effets de frontalité, de contraste et de dynamisme, l’engrenage composé d’un montage de lignes et de courbes se déploie verticalement, comme une figure puissante sur un fond uni. Version définitive d’un thème exploré longuement, cette grande toile est emblématique de sa période dite mécanique, entre 1917 et 1925. EN SAVOIR PLUS FERNAND LEGER ET LA GUERRE1 « Il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-là qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l’envoie aux quatre points cardinaux. » Fernand Léger, Lettre à Jeanne, 28 mars 1915 Dès 1914, Fernand Léger participe à la première guerre mondiale qui, malgré les espoirs d’en finir avec un vieux monde à bout de souffle, restera une période extrêmement meurtrière, avec neuf millions de soldats morts sur le front. L’injustice planant entre les artistes préservés comme Pablo Picasso ou Juan Gris et les autres, jeunes peintres, poètes, écrivains, français ou étrangers, mobilisés pour la guerre, ce drame humain sans précédent influencera à tout jamais leur démarche artistique et leur rapport à l’humanité. En 1914, Fernand léger obtient un ordre de mobilisation générale en qualité de sapeur réserviste. Il sera envoyé dans le sud de la France, puis sur le front de la Marne où il exercera la fonction de brancardier. En 1915, Fernand Léger est blessé et obtient une permission de six jours. Il reviendra avec du matériel de dessin. C’est à cette date qu’il recommence à dessiner. La même année son ami Cendrars est gravement blessé, subissant une amputation de la main droite. En 1916, dès le mois de janvier Fernand Léger rentre à Paris lors de sa seconde permission. Il apprend que Guillaume Apollinaire est blessé à son tour. Fernand Léger quitte l’Argonne pour se retrouver près de Bar-le Duc. D’octobre à décembre, il participe à la grande « Noria » de Verdun, bataille qui durera 300 jours et 300 nuits, la plus sanglante des batailles. La « Noria » sur la Voie Sacrée sert à acheminer 2,5 millions de soldats français. En 1917, Fernand Léger est envoyé au front en Champagne, secteur moins exposé. Il obtient sa cinquième permission en juillet qui se prolonge par un séjour à l’hôpital de Villepinte, souffrant d’une asphyxie lors d’un bombardement. Le marchand d’art Léonce Rosenberg cherche à le

                                                                                                               1  Source : Fernand Léger. Un correspondant de guerre à Louis Poughon, 1914-1918, Cahier du Musée National d’Art Moderne, Editions Centre Pompidou, 1990, p.6

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rencontrer, ils signent un contrat dès le mois de décembre. Il réalise cette même année, sa très célèbre toile La partie de cartes. En 1918, au mois de mars, il obtient son retour à la vie civile. Le 11 novembre est signé l’Armistice, Guillaume Apollinaire est inhumé le même mois au cimetière du Père Lachaise. En février 1919, une exposition est consacrée à Fernand Léger à la galerie « L’effort moderne » chez Léonce Rosenberg. Extrait d’une lettre écrite à son ami Louis Proughon, avocat de formation, ami d’enfance et exempté de service militaire lors de la mobilisation.2 VERDUN 14-12-16 « Mon cher ami, (…)On quitte Verdun demain matin 5 heures pour aller au repos, on espère un mois. C’est les grandes vacances. Je pense aussi être à Paris dans peu de temps pour 8 jours. Je quitte Verdun avec plaisir tout de même. J’avoue que c’est peut-être là que j’ai encaissé les plus fortes émotions de ma vie. J’y ai fait des dessins je crois intéressants. (…). J’ai plus de résistance que je n’aurais cru. Je suis en parfaite santé malgré une hygiène de vie plutôt déplorable et des fatigues auxquelles rien ne m’avait préparé. Je me décerne le qualificatif de costaud. Tu permets ?(…) Verdun, ça c’est vraiment la guerre, c’est maximum quand je revois tout cela, surtout les premiers jours. Je me demande comment j’ai pu réaliser ce tour de force de rester 2 mois : c’est le moral qui m’a soutenu(…). Au revoir, mon cher Louis, au plaisir de te revoir et de causer de tout cela devant une bonne table. Ton vieil ami. F.Léger. » La lettre est le seul moyen de communication entre les soldats et leur famille, amis, compagne, épouse, durant la première guerre mondiale. Certaines sont écrites au front, d’autres au cantonnement. Une moyenne de mille lettres par soldat a été recensée, certains en écrivaient plusieurs par jour pour garder le contact avec leurs proches.

                                                                                                               2  Source : Fernand Léger. Un correspondant de guerre à Louis Poughon, 1914-1918, Cahier du Musée National d’Art Moderne, Editions Centre Pompidou, 1990, p. 74-75  

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PARTIE 1 : LETTRE ET POÉSIE, LA DYNAMIQUE DE L’ÉCRITURE « Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventure policières Portraits des grands hommes et mille titres divers » Guillaume Apollinaire, Zone, 1913 « Les exemples de rupture et de changement survenus dans l’enregistrement visuel sont innombrables. Je prendrai les plus frappants comme exemple. Le panneau-réclame imposé par les nécessités commerciales modernes, coupant brutalement un paysage, est une des choses qui ont fait le plus tempêter les gens dits…de bons goût. Il a même fait naitre cette stupéfiante et ridicule société qui s’intitule pompeusement La Société de protection des payages. » Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, Les réalisations picturales actuelles, 1914, p.41 « Sur les boulevards deux hommes transportent dans une voiture à bras d’immenses lettres dorées ; l’effet est tellement inattendu que tout le monde s’arrête et regarde. Là est l’origine du spectacle moderne. » Fernand Léger, Le spectacle, lumière, image, objet-spectacle, juillet 1924 SOUS-PARTIES TYPOGRAPHIE ŒUVRES-CLES Nature morte, 1914 Le Typographe, 1919 POÉSIE URBAINE ŒUVRES-CLES Le Disque, 1918 Les Disques dans la ville, 1920 Le Pont du remorqueur, 1920 Nature morte ABC, 1917 Signaux, lettres, pictogrammes, autant de reflets de cette nouvelle poésie de la ville moderne, ponctuent les peintures de Fernand Léger dès les années 1920. L’artiste partage avec les poètes de l’avant-garde une même fascination pour le renouvellement des formes de la communication visuelle qu’apportent la publicité et la typographie. De Guillaume Apollinaire à Blaise Cendrars, de Vladimir Maïakovski à Paul Éluard, Fernand Léger entretient tout au long de sa vie des liens d’amitié avec de nombreux poètes. De là, naîtront des ouvrages conçus en collaboration, où le texte se mue en rébus, la lettre en matériau plastique. Lui-même doté d’un grand talent d’écriture, Léger n’hésitera pas à prendre la parole, publiant des textes variés, articles théoriques, récits de voyages ou écrits poétiques.

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Fernand  Léger,  Le  Cirque  Médrano,  1918

Huile  sur  toile,  58  x  94,5  cm  Legs  de  la  Baronne  Eva  Gourgaud,  1965  numéro  d’inventaire  :  AM  4316  P  Collection  Centre  Pompidou,  Paris  Musée  national  d’art  moderne  -­‐  Centre  de  création  industrielle  ©  Centre  Pompidou,  MNAM-­‐CCI/Jacques  Faujour/Dist.  RMN-­‐GP  ©  Adagp,  Paris,  2017  

  Le Cirque Medrano Léger exprime sa passion pour l’ambiance colorée des spectacles du cirque Médrano, fréquenté alors par les peintres et les poètes. Fragments urbains, acrobates et animaux sont saisis entre deux demi-disques, dans un mouvement circulaire rythmé par les contrastes de formes et de couleurs. Parmi de multiples signaux abstraits apparait l’affiche du spectacle, « MEDRA » pour Medrano, et « 8h1/2 », l’heure de la représentation. D’AUTRES ŒUVRES Nature morte Unique dans l’œuvre de Léger, cette étonnante composition est considérée comme le premier exemple d’un usage artistique du tampon encreur. Le peintre détourne cinq tampons administratifs pour créer une nature morte avec bouteille et verre. Il n’est pas indifférent qu’elle soit réalisée sur une feuille à en-tête de la revue Les Soirées de Paris, dirigée par Guillaume Apollinaire. Provenant de la collection du poète, défenseur du cubisme et inventeur des poèmes visuels (Calligrammes), elle montre le plaisir qu’a Léger à dessiner avec des lettres, même si ce « jeu de mots » se révèle plus pictural que littéraire. La Fin du monde filmée par l’ange N. D. Illustré de 22 dessins de Léger, cet ouvrage conçu comme un scénario signe l’une de ses collaborations majeures avec son ami, le poète Blaise Cendrars. Ces compositions tourbillonnantes jouent sur la typographie, l’esthétique publicitaire et déclinent la lettre sous toutes ses formes, en caractères d’imprimerie, au pochoir ou plus librement pour former des images. Se trouve ici pour

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la première fois la dissociation de la couleur et du dessin que Léger explorera plus tard dans ses peintures. Le Typographe Travaillant à l’édition de La Fin du Monde filmée par l’ange N. D., Fernand Léger fréquente les ateliers d’imprimerie, qui lui inspirent la série du Typographe. Un artisan est ici assis à sa table de travail devant des caractères rouges et blancs. Léger considère que la révolution typographique a transformé la perception humaine, devenue plus précise et plus rapide. La lettre « R » évoque surtout les caractères de la rue, construits sur le principe du pochoir. Transformés en motifs plastiques, les fragments de lettres, aplats colorés et formes abstraites s’entrechoquent gaiement. Nature morte ABC Les trois premières lettres de l'alphabet deviennent ici le sujet même du tableau. Référence au nom d'un music-hall parisien fréquenté par les artistes, ABC peut aussi être lu comme une dédicace « A Blaise Cendrars ». Dans son recueil L'ABC du cinéma (1926), le poète ami de Léger fait l'éloge de la publicité « la plus belle expression de son époque, la plus grande nouveauté du jour, un Art ». Le peintre, qui partage cet engouement, imagine une typographie spécifique dans laquelle les trois lettres monumentales s’imbriquent dans une composition géométrique abstraite. Les Disques dans la ville Cette peinture majeure mêle dans une même image deux thèmes chers à Fernand Léger, la machine et le paysage urbain. Elle s’inspire des panneaux publicitaires de la place de Clichy, que le peintre admire lors de ses promenades dans la capitale avec Blaise Cendrars et Darius Milhaud. Les formes circulaires, évoquant les rouages mécaniques ou la pellicule de cinéma, sont associées à des éléments d’architecture ou de signalétique urbaine, des poutrelles métalliques et des lettres isolées qui créent un instantané dynamique de la grande ville moderne par effet de contraste. La Ville En 1952, l’éditeur Tériade sollicite Blaise Cendrars et Fernand Léger pour réaliser un livre illustré sur Paris. Dans les lithographies réalisées par le peintre, les lettres rythment le paysage urbain. Aux clins d’œil autobiographiques à son quartier – Léger dépeint la Ruche, la Coupole et Montparnasse – s’ajoutent les références aux motifs qui ont marqué sa peinture. La collaboration est interrompue par la mort de Léger en 1955. Les illustrations ne seront finalement publiées aux côtés du texte de Cendrars qu’en 1987. EN SAVOIR PLUS LA POÉSIE AU DÉBUT DU XXème SIECLE Fernand Léger sera proche de poètes tels que Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, Yvan Goll, René Char, Paul Eluard, Vladimir Maïakovski. Au début du XXème siècle, deux grandes tendances ou périodes se distinguent.3 Tout d’abord l’Esprit Nouveau avec un renouvellement de la forme insufflé par Guillaume Apollinaire et Blaise Cendrars. Le poète prend toutes les libertés, recherche une écriture nouvelle : il peut explorer le calligramme selon Guillaume Apollinaire (poème dont l’écriture représente un dessin), abandonner la ponctuation, imaginer des vers libres. Les thèmes abordés

                                                                                                               3SOURCE :  Le surréalisme en poésie http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/surréalisme/95026

 

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sont la ville, la modernité, le quotidien, etc. Il existe une véritable porosité entre ce renouveau poétique et les avancées de la peinture (début du cubisme). Puis apparaît la Poésie surréaliste, la poésie étant le genre littéraire privilégié des Surréalistes, sous l’impulsion d’André Breton. Ce mouvement, né en 1924 en réaction à la première guerre mondiale, dénonce la condition de l’homme en perte de repère dans un monde qui n’a plus de sens. Les recherches de Freud sur la psychanalyse influenceront les Surréalistes qui tentent d’atteindre l’inconscient. En lien avec le rêve, l’écriture automatique, l’association d’idées, l’opposition d’images (« la terre est bleue comme une orange », Paul Eluard) sont autant de procédés d’écritures utilisés par les poètes Surréalistes. Les thèmes de l’amour, la femme, l’engagement seront chers à Paul Eluard, Louis Aragon ou André Breton. Liberté de Paul Eluard, poème très engagé sera diffusé par avion aux résistants.4 BLAISE CENDRARS5 Blaise Cendrars ou Frédéric-Louis Sauser, est un écrivain, poète et journaliste, né en septembre 1887 à La Chaux-de-Fond en Suisse (lieu de naissance de Le Corbusier). Blaise Cendrars est un pseudonyme choisi pour la métaphore entre l’écriture et l’incandescence. « Ecrire c’est brûler vif, mais aussi renaitre de ses cendres » Blaise Cendrars. D’autres pseudonymes seront sa signature : Freddy Sausey, Frédéric Sausey, Jack Lee, Diogène. Blaise Cendrars publie ses premiers poèmes dès 1912 avec Les Pâques puis La Prose du Transsibérien après un grand voyage en Transsibérien, train reliant la Russie à la Chine. Toute sa vie sera sous le signe du voyage, de la découverte, de l’altérité, de l’itinérance. Dès la première guerre mondiale, il souhaite s’engager comme volontaire dans la Légion Etrangère, bien que de nationalité suisse, pour participer à ce conflit sans précédent. En 1915, perdant le bras droit dans un tir de mitraillettes, lors de la bataille de Champagne, il se retire du front et séjourne à l’hôpital. Démobilisé, il obtient la naturalisation française en 1916. « Que faire, que dire quand on était un écrivain qui commençait tout juste à se faire connaître, qui s’était forgé une place dans le milieu de l’avant-garde européenne et qui est menacé de ne plus être qu’un ancien combattant ? »6 Blaise Cendrars fréquente à Paris des artistes tels que Sonia et Robert Delaunay, Marc Chagall, Alexander Archipenko, Amedeo Modigliani, Guillaume Apollinaire, Fernand Léger. En 1918, n’en pouvant plus de ses souvenirs destructeurs de guerre, il écrit J’ai tué, premier livre illustré par Fernand Léger. Dans Dix-neufs poèmes élastiques, de 1919, il rend hommage à Marc Chagall et à Léger. Ce handicap le tourne progressivement vers le cinéma. Il devient l’assistant d’Abel Gance pour J’accuse et La Roue. Son ami Fernand Léger collaborera à ce dernier film pour la réalisation d’une affiche. En 1921, Blaise Cendrars passe à la réalisation mais sans grand succès. Passionné par l’Afrique, il écrit Anthologie nègre, dont la Création du monde sera adapté par les ballets suédois, avec des décors et des costumes de Fernand Léger. En 1926, son roman L’Or devient un succès international, confirmé par Moravagine, roman d’aventure. Dès 1930, il devient journaliste, grand reporter, correspondant de guerre en 1939. À partir de 1943, il revient sur ses souvenirs obsédants de guerre avec des récits autobiographiques tels que L’homme foudroyé, La main coupée. Il décède à Paris le 21 janvier 1961. LA MODERNITÉ POUR BLAISE CENDRARS ET FERNAND LEGER À partir de 1918, débute une grande amitié et une belle collaboration artistique entre Blaise Cendrars et Fernand Léger. Leur point de rencontre, comme l’écrit Anne Valley dans son article sur la Modernité, dans le catalogue de l’exposition7, est d’avoir connu la guerre, d’avoir rencontré

                                                                                                               4  https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/poetes/paul-eluard/ 5  http://www.bnf.fr/documents/biblio_cendrars.pdf  6  1917, Catalogue de l’exposition, sous la direction de Claire Garnier et de Laurent Le Bon, 2012, article de Michèle Touret, p.106  7  Fernand Léger, Catalogue de l’exposition, sous la direction de Ariane Coulondre, 2017, article d’Anne Valley, p.39  

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« le peuple de France ». Ces deux hommes sont très proches, pour eux, être moderne, c’est explorer le tissu urbain d’après-guerre où tout se « précipite violemment ». Ils partagent ensemble le goût de l’itinérance : « Aller flâner, sous prétexte, d’aller au peuple » disait Baise Cendrars. Leur zone de prédilection est le quartier Kremlin-Bicêtre, là où s’éveille la nuit, une population hétérogène, étrangère et marginale, une manière pour eux de s’encanailler, de faire un voyage dans les marges urbaines. L’authenticité de la vie moderne se trouve là, entre réalité et spectacle. Comme le souligne Anne Valley, cette immersion dans les zones populaires était, déjà au XIXème siècle, pour Victor Hugo ou pour Charles Baudelaire, une expérience sensorielle et inspirante. LES ANNÉES 1920 : OUVERTURE À D’AUTRES CHAMPS DE CRÉATION De 1908 à 1910, Fernand Léger, peintre associé à la mouvance cubiste, s’installe à La Ruche8, une cité d'artistes située dans le quinzième arrondissement de Paris, où il fait la connaissance des sculpteurs Ossip Zadkine, Alexander Archipenko, Jacques Lipchitz, et se lie d’amitié avec le peintre Robert Delaunay et les écrivains Blaise Cendrars, Guillaume Apollinaire. Fernand Léger n’est pas un solitaire et ce brassage de rencontres et d’échanges se poursuit après la guerre, dans la frénésie des « années folles » et de ses créations collectives. Il partage avec ses contemporains un besoin de distraction, dans les années d’après-guerre. Passionné de spectacles, il va fréquemment au bal populaire, au cinéma ou au cirque avec Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars ou Max Jacob. Pour Fernand Léger, le music-hall est un lieu de créativité, d’invention, et de synthèse des arts dans lequel il retrouve ses idées. Bien plus qu’un lieu de divertissement, c’est une matière première où puiser son inspiration. Il mène une réflexion similaire à propos du cirque, lieu de la prise de risque, de l’excitation et de la peur, avec ses couleurs en liberté et ses numéros qui se succèdent : le cirque comme métaphore du monde moderne. Dans les années 1920, période propice au bouleversement de l’ordre établi, à la négation du « goût bourgeois » et à l’abolition des frontières entre les arts, il approche des personnalités d’horizons différents : l’architecte Le Corbusier, le compositieur Darius Milhaud ou Arthur Honegger, le danseur Jean Börlin, le directeur de compagnie Rolf de Maré, le cinéaste Marcel L’Herbier. Conscient de la dimension restrictive de la peinture de chevalet pour exprimer une vision globale du monde moderne, il utilise les techniques et les supports les plus divers et multiplie les collaborations. Dès 1921 et jusqu’en 1950, impliqué dans un réseau d'amitiés artistiques, il participe à une dizaine de créations, en concevant des affiches, des décors et des costumes pour la scène (ballets, cirques, opéras) et le cinéma, en participant à des expériences cinématographiques ou en réalisant lui même un film : le Ballet mécanique. En se confrontant à d’autres champs artistiques et en nourrissant son art de ce dialogue, Fernand Léger relève le défi de la peinture au XXème siècle : la rendre aussi puissante que la vie moderne.

                                                                                                               8 La Ruche, baptisée ainsi pour évoquer l'activité intense des artistes qui y vivent et y établissent leur atelier, est née en 1900 de la générosité du sculpteur Alfred Boucher (1850-1934) qui achète aux enchères le pavillon des vins de Gironde conçu par Gustave Eiffel pour l’Exposition Universelle de 1900, et l’installe 2, passage Dantzig, dans le quinzième arrondissement de Paris, au cœur du quartier Montparnasse.  

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PARTIE 2 : CINÉMA, L’IMAGE MOBILE ET LE GROS PLAN « Le cinéma et l’aviation vont bras dessus bras dessous dans la vie, ils sont nés le même jour…La Vitesse est la loi du monde. Le Cinéma est gagnant parce qu’il est vite et rapide. Il est gagnant parce qu’il fait sauter des tas de chiffons à retardement comme le programme et le rideau. Le drame ou la comédie s’avalent d’un seul coup, sans fermer l’œil, il s’encadre dans le rythme actuel tout naturellement. » Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, A propos du cinéma (1930-1931), p.163 « Le cinéma, c’est l’âge de la machine. Le théâtre, c’est l’âge du cheval.» Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, A propos du cinéma (1930-1931), p.165 « La raison d’être du cinéma, la seule, c’est l’image projetée. Cette image qui, colorée, mais immobile, captive toujours les enfants et les hommes, voilà qu’elle remue. On a suscité l’image mobile, le monde entier est à genoux devant cette merveilleuse image qui bouge. » Fernand Léger, 1922 « Le cinéma personnalise « le fragment », il l’encadre et c’est un « nouveau réalisme » dont les conséquences peuvent être incaculables. Un bouton de faux col, placé sous le projecteur et grossi cent fois, devient une planète irradiante. Un lyrisme tout neuf de l’objet transformé vient au monde, une plastique va s’échafauder sur ces faits nouveaux, sur cette nouvelle vérité. » Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, A propos du cinéma (1930-1931), p.168 SOUS-PARTIES LA RÉVÉLATION CHARLOT ŒUVRE-CLE Charlot cubiste, 1924 LES EXPÉRIENCES FILMIQUES DE LÉGER ŒUVRES-CLES La roue, Abel Gance, 1922 L’Inhumaine, Marcel L’Herbier, 1924 Le Ballet mécanique, 1924 LE RÈGNE DE L’OBJET ŒUVRES-CLES Composition à la main et aux chapeaux, 1927 Nature morte au masque de plâtre, 1927 Le miroir, 1925 Nature morte (Le mouvement à billes), 1926 Feuilles et fruits, 1927 Fasciné par le personnage mécanique de Charlie Chaplin qu’il a découvert pendant la guerre, Léger oppose l’art neuf du cinéma à l’ancien modèle théâtral. Conscient du caractère populaire du septième art, il voit dans le film la possibilité d’une représentation dynamique, transfigurée par le rythme du montage et les effets de cadrage. Le peintre compose les affiches et décors de plusieurs films d’Abel Gance et de Marcel L’Herbier, avant de coréaliser en 1924 le Ballet mécanique, premier film sans scénario. Les potentialités infinies du gros plan et des angles de vues inédits sont exploitées en retour dans ses peintures, qui font des objets de la vie courante les nouveaux acteurs des intérieurs contemporains.

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           Fernand  Léger,  Charlot  cubiste,  [1924]  Éléments  en  bois  peints,  cloués  sur  contreplaqué,  73,6  x  33,4  x  6  cm  Dation  en  1985  numéro  d’inventaire  :  AM  1985-­‐402  Collection  Centre  Pompidou,  Paris  Musée  national  d’art  moderne  -­‐  Centre  de  création  industrielle  ©  Centre  Pompidou,  MNAM-­‐CCI/Georges  Meguerditchian/Dist.  RMN-­‐GP  ©  Adagp,  Paris,  2017  

Charlot cubiste « Homme-image » né avec le cinéma, Charlot revient à plusieurs reprises dans l'œuvre de Léger sous la forme d’un arlequin désarticulé. Au début des années 1920, le peintre écrit le scénario d’un dessin animé, Charlot cubiste. Plusieurs versions tridimensionnelles du Charlot ont été conçues, sans doute pour ce film d’animation resté inachevé. L’assemblage modulable des planches de bois peintes permettait de décomposer et recomposer le corps-puzzle de la marionnette, qui revient, sous forme de clin d’œil, en 1924 dans le générique du Ballet mécanique. D’AUTRES ŒUVRES L'Inhumaine, extraits du film Marcel L’Herbier offre pour la première fois à Fernand Léger l’occasion de créer en trois dimensions, en lui confiant la réalisation de décors pour son film L’Inhumaine, vitrine de la modernité artistique. Dans la séquence finale du film, où le laboratoire futuriste imaginé par le peintre est en ébullition pour ressusciter l’héroïne, le réalisateur joue des éléments du décor grâce aux éclairages contrastés, à un montage heurté de plus en plus rapide. Le générique du film, qui reprend une composition peinte par Léger en 1918, met également en mouvement ses motifs mécaniques. La Ligne générale Arrivé à Paris en 1929, Serguei Eisenstein dit son admiration pour le Ballet mécanique, « jamais surpassé ». Des échos aux trouvailles de Léger se retrouvent dans La Ligne générale du cinéaste russe, qui reprend par exemple l’usage des lettres et des chiffres. Leur amitié réciproque résonne

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également sur le plan des convictions politiques, comme le révèle leur correspondance entre 1931 et 1935. Composition à la main et aux chapeaux Réponse du peintre aux moyens du cinéma, cette grande composition met en scène les personnages principaux de son film : la découpe d’un profil féminin, quatre cuillères, trois panamas, deux bouteilles, une machine à écrire, etc. Les successions verticales ou horizontales d’objets, qui scandent la composition, renvoient non seulement au montage des plans cinématographiques, mais aussi à la répétition des photogrammes sur la pellicule du film. Dreams that money can buy Réalisé en exil aux Etats-Unis, Dreams that money can buy rassemble sept séquences oniriques que le cinéaste allemand Hans Richter confie à des artistes, dont Fernand Léger. Avec une fantaisie proche du surréalisme, le peintre emploie, à la place des acteurs, des mannequins de vitrines. Son tableau La Grande Julie, représentation d’une jeune mariée dansant et faisant du vélo, semble s’animer sur les paroles d’une chanson populaire. Cet intérêt pour la mise en mouvement des objets et le dynamisme de la roue renouent avec les thèmes du Ballet mécanique. EN SAVOIR PLUS CHARLIE CHAPLIN9 « La force des « mimes » comme Charlot et B.Keaton, c’est leur admirable ignorance et leur puissance d’instinct. Ils ont senti qu’ouvrir la bouche est stupide du moment qu’elle ne parle pas, et par cela ils sont devenus plus populaires. » Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, A propos du cinéma (1930-1931), p.167 Charles Spencer Chaplin, né en 1889 à Londres, est acteur, réalisateur, scénariste, producteur, compositeur. Ses parents qui se séparent alors qu’il a à peine deux ans, sont des artistes issus du music-hall. Il connait une enfance difficile. Habitué à la pauvreté, il fréquente des foyers d’accueil avec son demi-frère Sydney. Dès l’âge de 10 ans, Charles se tourne vers une troupe de danseurs de claquettes pour enfants. Plus tard, il intègre la troupe Le Casey’s Club et devient un virtuose en matière d’imitation. Puis la Compagnie Karno le repère et l’embauche pour ses talents exceptionnels de comique. À 24 ans, il connaît Hollywood, engagé par la Keystone Comedy Company. Cette même année, il crée son personnage de Charlot, ses costumes, son maquillage, sa démarche. 1918 est l’année de la consécration. Connu dans le monde entier, il ouvre son propre studio et devient un an plus tard co-fondateur de la United Artists, maison de distribution indépendante. Les films tels que l’Emigrant (1917), Charlot soldat (1918), le Kid (1921), la Ruée vers l’or (1925), affirmeront son style et apporteront une nouvelle dimension créative au burlesque. Les progrès cinématographiques évoluent très rapidement. Bien que la technique des films sonorisés apparaisse, Charlie Chaplin souhaite conserver l’identité du cinéma muet et son langage universel, qui lui donnent une notoriété internationale. Les Temps modernes (1936) ne connaissent qu’un accompagnement musical. Sa première expérience de dialogues sonorisés apparaît en 1940 avec le Dictateur qui obtient un grand succès. Le film s’affirme plus politique, parodiant Hitler et Mussolini. Mais la popularité de Charlie Chaplin connaît quelques écueils en raison de ses liaisons avec des femmes très jeunes et des problèmes de reconnaissance de paternité. De plus, les autorités américaines voient en lui un ennemi, l’accusant de sympathiser avec le régime communiste. En 1952, alors qu’il doit se rentre à Londres pour présenter Les Feux de la Rampe, le gouvernement américain le menace de lui retirer son visa. Suite à ces tensions et accusations, il décide de s’établir en Suisse et, tout en poursuivant une                                                                                                                9  http://www.charliechaplin.com/fr/articles/22-Biographie  

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activité professionnelle et artistique toujours très dense, il abandonnera définitivement le personnage de Charlot. Il décède en 1977.

FERNAND LÉGER ET LE CINÉMA10 Après la guerre de 1914-1918, Fernand Léger, grand admirateur de Chaplin et d’Eisenstein, noue des liens étroits avec le cinéma. En 1918, il illustre le livre de Blaise Cendrars La Fin du monde filmée par l'Ange N.D, conçu comme une suite de plans cinématographiques, et renoue avec le groupe de la revue Montjoie! 11 fondée en 1913 par l’intellectuel et critique italien Ricciotto Canudo. Ce dernier publie en janvier 1923, le Manifeste des sept arts, dans lequel il proclame : « Nous avons besoin du Cinéma pour créer l’art total vers lequel tous les autres, depuis toujours, ont tendu ». Fernand Léger est persuadé que le septième art (terme inventé par Canudo) peut devenir un art social moderne grâce à la fascination du public pour le mouvement des images projetées. La Roue, Abel Gance, 1922 Réalisateur : Abel Gance Assistant-réalisateur : Blaise Cendrars Scénariste : Abel Gance Directeurs de la photographie Léonce-Henri Burel, Marc Bujard, Maurice Duverger Compositeur de la musique originale : Arthur Honegger En 1921, Fernand Léger entre en contact avec Abel Gance, grâce à Blaise Cendrars, assistant réalisateur sur le film La Roue, et propose plusieurs projets d’affiches. Arthur Honegger compose la musique de la première version du film (d’une durée de presque neuf heures) dont l’un des morceaux est resté connu sous le nom de Pacific 231.

                                                                                                               10 SOURCES Exposition Léger et le spectacle, du 1er juillet au 2 octobre 1995, Musée national Fernand Léger, Biot : http://www.grandpalais.fr/fr/system/files/field_press_file/dp_leger_et_le_spectacle.pdf Fernand Léger, Fonctions de la peinture, 1965, Éditions Denoël-Gonthier. Édition revue et augmentée, établie, présentée et annotée par Sylvie Forestier, Éditions Gallimard Paris, 2004. Site du Musée national Fernand Léger à Biot : http://musees-nationaux-alpesmaritimes.fr/fleger/l-le-musee-national-fernand-leger Laurent Véray « Un cinéma d'artistes », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 26 mars 2017. URL : http://www.histoire-image.org/etudes/cinema-artistes La Cinémathèque Française, Ballet Mécanique : www.cinematheque.fr/catalogues/restaurations-tirages/film.php?id=62284#restauration La Cinémathèque Française, Ciné-ressources-Fiches personnalisées, Marcel L’Herbier : http://cinema.encyclopedie.personnalites.bifi.fr/index.php?pk=13914 La Cinémathèque Française , Ciné-ressources-Fiches personnalisées, Abel Gance : http://cinema.encyclopedie.personnalites.bifi.fr/index.php?pk=9114 Centre Pompidou Paris. Dossier documentaire, Le mouvement des images : http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-mouvement_images/ENS-mouvement-images.htm Centre Pompidou Paris. Dossier documentaire, Fernand Léger : http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-Leger/ENS-leger.html Centre Pompidou-Metz. Dossier Découverte, Hans Richter : http://www.centrepompidou-metz.fr/sites/default/files/images/dossiers/2014.05-RICHTER.pdf Catalogue de l'exposition Fernand Léger, Le beau est partout, du 20 mai au 30 octobre 2017, Centre Pompidou-Metz. Textes : La Roue, Dreams that Money Can Buy, Ballet mécanique, de François Albera. Composition à la main et aux chapeaux,1927, de Ariane Coulondre.

 11 La revue Monjoie ! fondée en 1913 par Ricciotto Canudo (1878-1923), « organe de l'Impérialisme artistique français, gazette bi-mensuelle illustrée » est une revue ouverte aux écrivains (Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, Léon-Paul Fargue, Jacques Dyssord) mais de nombreux créateurs vont y contribuer, comme Fernand Léger, Igor Stravinsky, Albert Gleizes, Raymond Duchamp-Villon. Dans les locaux de la revue, Canudo organise les « Lundis de Montjoie! », temps d'échanges littéraires, artistiques et poétiques, qui réunissent notamment Robert Delaunay, André Dunoyer de Segonzac, Erik Satie, Fernand Léger, Blaise Cendrars, André Salmon, Marc Chagall, etc.

 

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Dès sa sortie, le film frappe les esprits par son caractère novateur. Il s’agit d’un mélodrame psychologique, très réaliste dans sa description de la vie des cheminots, et tourné majoritairement en extérieur. Mais Fernand Léger admire surtout le travail du cinéaste qui a su imposer la machine, en l'occurrence la locomotive, comme personnage principal du film.12 Les innovations sont également plastiques. Abel Gance multiplie les effets visuels pour présenter cet « acteur-objet » : gros plans, fragments mécaniques fixes ou mobiles, surimpressions, et adoption d’un montage extrêmement rythmé. Plus que tout autre, ce film symbolise l’avant-garde du début du XXème siècle et sa fascination pour les objets manufacturés. Abel Gance (1889-1981) Abel Gance, après des études de droit, s'oriente vers le théâtre puis fonde avec quelques amis la société Films Français en 1911, la même année que La digue, son premier film. De 1911 à 1917, il exploite les possibilités techniques qu'offr le cinéma en réalisant une quinzaine de films qui le font connaître du public français. Au sortir de la Première Guerre Mondiale, c’est avec son plaidoyer pacifiste, J'accuse (1919), que les caractéristiques de l'œuvre d’Abel Gance se dessinent, en particulier son goût pour la démesure et la grandiloquence. La Roue (1922) son film sur la vie des cheminots, multiplie les inventions au service de ses ambitions : la surimpression (collage de fonds type « carte postale », pour remplacer un décor naturel), l'écran panoramique, la stéréophonie. En 1925, il crée un film à grand spectacle considéré comme son chef-d’œuvre, Napoléon, fresque historico-lyrique mettant en scène des milliers de figurants mais interrompu faute de financement. L'arrivée du cinéma parlant freine considérablement la carrière d'Abel Gance. Il réalise son dernier film en 1962, Cyrano et d'Artagnan, avant de se tourner vers la télévision.

L’Inhumaine, Marcel L’Herbier, 1924 Deux ans avant l’Exposition des Arts décoratifs qui se tient à Paris en 1925, Marcel L’Herbier, jeune cinéaste d’avant-garde, réunit pour son film L’Inhumaine, les nouvelles tendances artistiques françaises, en une « synthèse des arts » et en écho aux théories du critique d’art et scénariste Ricciotto Canudo.

La distribution est un véritable « manifeste des Arts déco » : Décors extérieurs, architecture : Robert Mallet-Stevens (1886-1945) Le laboratoire de l’ingénieur Norsen,: Fernand Leger (1881-1955) Décors intérieurs : Alberto Cavalcanti (1897-1982) Le jardin d’hiver : Claude Autant-Lara (1901-2000) Le mobilier : Pierre Chareau (1883-1950), Michel Dufet (1888-1985) et Jean Lurçat (1892-1966) Sculptures : Joseph Csaky (1888-1971) Costumes : robes signées Paul Poiret (1879-1944). Verrerie : René Lalique (1860-1945), Jean Luce (1895-1964) Orfèvrerie : Jean Puiforcat (1897-1945) Danse : Les Ballets Suédois de Rolf de Maré (1888-1964), avec en vedette Jean Börlin (1893-1930) Musique : Darius Milhaud (1892-1974) Aucun décor n’est peint en deux dimensions dans le film, les effets de volume étant privilégiés. La maison de l’ingénieur a été dessinée par Robert Mallet-Stevens, Fernand Léger conçoit et fabrique l’intérieur du laboratoire du jeune savant Einer Norsen, joué par Jaque Catelain. La table de la salle à manger, créée par Alberto Cavalcanti, est entourée d’eau où barbotent des cygnes. L’Inhumaine est à la fois un conte, un film d’avant-garde et d’anticipation : l’histoire et celle d’une célèbre cantatrice, Claire Lescot, ayant de nombreux admirateurs parmi lesquels un jeune ingénieur. Il se meurt d’amour pour elle, sans l’émouvoir.

L’Inhumaine est projeté sur le pavis du Centre Pompidou-Metz, le 5 juillet 2017 à 22:30

                                                                                                               12 Fernand Léger, article « La Roue, sa valeur plastique », 1922

 

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Le projet d’affiche pour L’Inhumaine, de Fernand Léger Il s’agit d’une esquisse en noir et blanc de 1923, une composition faite de formes géométriques assemblées, de signes plastiques renvoyant à la mécanisation et aux machines de l’ingénieur Norsen. Le titre du film, comme réalisé au pochoir, apparait en surimpression sur des éléments de rouages et de leviers, avec des lettres dont la taille diminue dans le sens de la lecture. L’affiche renvoie aussi à la fragmentation et au rythme des images tournées par Marcel L’Herbier. Le projet de Fernand Léger n’a pas été retenu par le distributeur qui a préféré les propositions de Djo Bourgeois et Erik Aaes.

L’Inhumaine, le décor, le laboratoire de l’ingénieur En contribuant au décor de L’Inhumaine, Fernand Léger passe pour la première fois à la troisième dimension. Arrivé avec six aquarelles représentant des formes abstraites, et sans donner davantage d’explication, c’est en ouvrier qu’il revient le lendemain pour construire lui même les pièces de bois de son décor, transposant dans l’espace les compositions mécaniques et les motifs que l’on voit dans ses tableaux. Il ne s’agit pas d’un décor illusionniste, mais d’une succession de plans étagés dans la profondeur, avec des éléments peints en aplats puis mis en mouvement. De la même manière, le générique du film reprend une composition peinte par Léger en 1918, avec là aussi, ses formes mécaniques en mouvement. Marcel L’Herbier (1888-1979) Marcel L’Herbier, issu d'une famille d'architectes, intéressé par la littérature, la danse et la musique, découvre sa vocation de réalisateur au service cinématographique de l’armée, lorsqu’il s’engage en 1916. Conscient du potentiel de ce nouveau médium, il multiplie les expérimentations et crée une esthétique nouvelle qui fait de lui un des chefs de file du cinéma français d'avant-garde des années 1920 (il est le premier a utilisé le flou artistique en 1917, s’intéresse au travail sur la lumière et les ombres, les anamorphoses et les surimpressions). Avec les cinéastes Louis Delluc et Germaine Dulac, il constitue une école impressionniste s'opposant à l'Expressionnisme allemand. Après ses premiers films sous l’égide de la Gaumont (premier long métrage, Rose-France, 1919) il crée sa propre société de production, Cinégraphic, en 1923. C’est donc en toute indépendance qu’il réalise Don Juan et Faust (1922), L'Inhumaine (1923), et L'Argent (1928), adapté de l'œuvre d'Emile Zola. Avec l’arrivée du cinéma parlant, Marcel L’Herbier abandonne ses recherches formelles pour des œuvres plus « classiques » : des films policiers en 1930 puis du cinéma d’évasion et des comédies sous l’occupation. En 1936, il participe à la création de la Cinémathèque Française puis fonde l'Institut Des Hautes Etudes Cinématographiques (IDHEC) en 1943. En 1953, il délaisse le grand écran pour la télévision et réalise de nombreuses émissions culturelles sur le cinéma. Le Ballet mécanique, Fernand Léger, 1923-1924 Film cinématographique 35 mm, noir et blanc, muet (noir et blanc coloré, sonore, dans la version Moritz) Durée : 16' Réalisation : Fernand Léger Co-réalisation : Dudley Murphy Photographies : Man Ray et Dudley Murphy Musique : George Anthiel Avec la participation de Kiki de Montparnasse et Katherine Murphy Entre 1922 et 1925, de sa participation au tournage de La Roue d’Abel Gance à son travail de décorateur sur L’Inhumaine de Marcel L’Herbier, Fernand Léger mène une réflexion en direction du cinéma. Il consacre au film d’Abel Gance, un article dans la revue Comédia, dont le titre a valeur de manifeste : Essai critique sur la valeur plastique du film d’Abel Gance, La Roue, 1922. C’est donc bien l’aspect plastique qui retient l’attention de Fernand Léger et qui l'amène à s’intéresser au cinéma, comme un moyen de renouveler la peinture en la confrontant à la modernité de son époque. Dans un entretien avec Dora Vallier en 1954, il confie : « En 1923, je fréquentais des copains qui étaient dans le cinéma et j’ai été tellement pris par le cinéma que j’ai

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failli lâcher la peinture. Cela a commencé quand j’ai vu les gros plans dans la « La Roue » d’Abel Gance. C’est le gros plan qui m’a fait tourner la tête. Alors à tout prix j’ai voulu faire un film et j’ai fait Ballet mécanique ».13 Ballet mécanique se prépare entre l’automne de 1923 et celui de 1924, Fernand Léger travaillant sur L’Inhumaine de Marcel L’Herbier à cette même période. Réalisé en collaboration avec le cinéaste américain Dudley Murphy, spécialisé dans la synchronisation entre images et musique, et avec la participation de Man Ray, il s’agit d’un film expérimental, le « premier film sans scénario ». Léger revendique cette particularité et s’en explique en 1925 par une formule résumant la parfaite cohérence entre son œuvre de peintre et son travail de cinéaste : « L’erreur picturale, c'est le sujet. L’erreur du cinéma, c’est le scénario ».14 En se démarquant du cinéma narratif, son film est conçu comme une pure expérience visuelle. Fernand Léger ne s’intéresse pas plus aux acteurs qu’au scénario. En faisant de l’objet usuel le sujet central de son œuvre, il évite la narration sans être abstrait. En libérant l’objet de sa signification courante, anecdotique ou symbolique, il met en avant sa valeur plastique. Fernand Léger va donc faire de son film une œuvre « manifeste », y investissant ses problématiques picturales tout en explorant d’autres voies, liées au médium cinématographique. C’est en effet après avoir travaillé les contrastes dans sa peinture que Fernand Léger réalise ce film. La règle du contraste plastique est le principe organisateur de toute son œuvre, car pour lui, il définit la vie moderne. Dès 1913, il recherche une opposition systématique des éléments picturaux, que ce soit les valeurs, les lignes, les formes ou les couleurs. En 1924, il utilise le même principe au cinéma, en déclinant les différents types d’opposition possibles (plan fixe pour filmer des objets animés, en mouvement pour donner vie aux objets inanimés, des passages lents et rapides, des repos et des intensités, des ombres et de la lumière, etc). Interpelé par le film La Roue, d’Abel Gance, Fernand Léger préconise l‘utilisation du cadrage en gros plan qui est, pour lui, «la seule invention cinématographique».15 En isolant un fragment de l’objet, un détail, on métamorphose alors l’objet familier. En 1925, il écrit : « le cinéma personnalise le fragment, il l’encadre et c’est un nouveau réalisme dont les conséquences peuvent être incalculables ».16 Le montage du film ne s’appuie pas sur une logique narrative, mais sur une succession d’éléments hétéroclites : éléments vestimentaires (canotiers, souliers), ustensiles ménagers (casseroles, batteurs), machines (pistons, engrenages), personnages (lavandière, Kiki de Montparnasse, jeune femme au bouquet), figures géométriques (cercles, triangles), chiffres et mots. Le tout est entraîné dans des rythmes calculés au nombre de photogrammes, des variations de vitesse, et des insertions brusques d’éléments qui disparaissent aussi rapidement qu’ils sont apparus. La répétition obsessionnelle de certains motifs est utilisée pour « étonner le public, puis lentement l'inquiéter et puis pousser l'aventure jusqu’à l’exaspération ».17 Léger teste sur un échantillon de spectateurs, les effets de ces montages répétitifs qui rapprochent le corps humain de la machine. D’autres exploitations des possibilités optiques du cinéma sont expérimentées, comme l’utilisation d’un prisme placé devant l’objectif, ce qui aboutit à une division kaléidoscopique de l’image et amène à voir autrement un monde bien réel. Le générique se termine comme il a commencé, par quelques secondes d’animation de la marionnette «cubiste» de Charlot, cette fois-ci, désarticulée.

                                                                                                               13 Dora Vallier, La Vie dans l’œuvre de Léger, entretien avec Fernand Léger, Cahiers d’Art, II, 1954 p.160. Dans une émission radio de la RTF du 14 avril 1954, Léger redit qu’« à ce moment-là, [il a] failli lâcher tout car [il était] très emballé par l’histoire de La Roue »

 14 Fernand Léger, Peinture et cinéma, Les Cahiers du mois, n°16/17, « Cinéma », Paris, 1925, p.107 15 Fernand Léger, article Autour du Ballet mécanique (1924-1925), repris de FdP, Éditions Gallimard Paris, 2004 p. 137 16 Léger, « À propos du cinéma », Plans n° 1, 1931, p.84 ; repris de FdP, p. 168  17 Fernand Léger, article Autour du Ballet mécanique (1924-1925), repris de FdP, Éditions Gallimard Paris, 2004 p. 138

 

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Le film ne connait pas de succès commercial, mais Léger ne manque pas une occasion pour le présenter au public et n’hésite pas à le « retoucher » comme il le ferait d’une de ses toiles : modifications du montage, insertion de reproductions de certains de ses tableaux, colorisation. Ballet mécanique a été considéré par Léger comme une « œuvre ouverte », et plusieurs versions du film existent. Les innovations de ce film ont très vite influencé le travail des cinéastes avant-gardistes, en particulier Serguei Eisenstein qui reprend le jeu sur les objets dans Octobre, 1927, et l’usage des chiffres et des lettres dans La Ligne générale, en 1929. Il témoigne que « Léger, dont le métier est la peinture, a néanmoins compris ce qu’il y avait d’essentiel dans le cinéma, le point de vue formel ».18 Après la période des contrastes de formes, le nouveau réalisme constitue un engagement décisif dans l’évolution picturale de Fernand Léger. Ses expériences cinématographiques l’amènent à transférer la force plastique des objets et le principe du cadrage en gros plan dans ses peintures, comme on peut le voir dans Composition à la main et au chapeau de 1927, une toile qui multiplie les références au film Ballet mécanique. Dreams that Money Can Buy, Hans Richter, 1948 Film 16 mm couleur, sonore Co-producteur : Kenneth Macpherson Assistant directeur : Miriam Raeburn Photographie : Arnold Eagle Direction musicale : Louis Appelbaum Compositeurs : John Cage, Darius Milhaud, Paul Bowles Hans Richter, peintre, sculpteur et cinéaste d’origine allemande, contraint de quitter l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, s’installe aux États Unis en 1941 pour y enseigner et se consacrer au cinéma. Avec des amis proches, européens exilés comme lui - Fernand Léger, Marcel Duchamp, Max Ernst - ou des américains installés en Europe - Alexander Calder, Man Ray - il réalise Dreams that Money Can Buy (Rêves à vendre), un film à séquences s'articulant autour d’une trame narrative. Mêlant des influences surréalistes et dadaïstes, le fil conducteur du scénario est l’exploration de l’inconscient à travers le rêve. Les sept histoires successives répondent chacune à une logique différente, en lien avec l’univers de son metteur en scène. Ce film est un film sur l’art, avec des oeuvres d’art : les artistes y introduisent leurs œuvres (peintures, sculptures, photographies) qui sont tantôt des accessoires, tantôt de véritables acteurs de leur scénario, parfois montrées dans un but symbolique, d’autres fois pour elles-mêmes. C’est ainsi que Max Ernst réalise Desire inspiré d’un de ses collages (Une semaine de bonté,1934) où l’artiste apparaî lui-même dans « son rêve ». Pour The Girl with the Prefabricated Heart, Fernand Léger s’appuie sur un de ses projets de film non abouti, une histoire d’amour insatisfait entre deux mannequins dans une vitrine. On y retrouve les références à la mécanisation de la vie moderne qui sont récurrentes chez Fernand Léger, et en particulier dans Ballet mécanique que Hans Richter admire. Une œuvre de Léger (Julie, la belle cycliste, 1945) fait également partie du décor du bureau de Joe, le personnage central. Le script de Man Ray, Ruth, Roses and Revolvers, vient d’une histoire qu’il publie dans View en 1944 et qu’il accompagne dans la séquence d’une photographie éponyme. Une œuvre de l’artiste figure également dans le bureau de Joe : un autoportrait de l’œil de Man Ray. Discs de Marcel Duchamp est un montage alterné de ses « rotoreliefs » et de l’image d’une femme nue descendant un escalier, en référence à une autre de ses oeuvres. Avec Ballet et Circus d’Alexander Calder, le cinéma capte le mouvement de ses mobiles et les animations de son cirque. Il est important de souligner la place conséquente faite à la bande son dans le film. Chaque séquence est mise en musique par un compositeur majeur : John Cage pour Discs, Darius Milhaud pour Ruth, Roses and Revolvers ou encore Paul Bowles pour Desire et Ballet.

                                                                                                               18 Maurice Henry, Eisenstein est passé à Paris, Mon Ciné, vol.9, n° 423, 27 mars 1930, p.6.

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Réalisé grâce à la contribution financière de Peggy Guggenheim, qui sollicite Hans Richter pour faire de ce film une anthologie du cinéma d’avant-garde, Dreams that Money Can Buy remporte un prix à la biennale de Venise en 1947. Estimé économiquement peu viable, il peinera à être diffusé en salle. LE CINÉMA D’AVANT-GARDE Selon Dominique Païni, c'est Germaine Dulac (1882-1942) réalisatrice, productrice et scénariste française qui, en 1932, définit l'expérimentation avant-gardiste au cinéma en des termes proches de ce qui se crée et s'invente encore aujourd'hui au nom de l'expérimental. (Le mot avant-garde a donc été remplacé dans le texte ci-dessous par expérimental). « On peut qualifier d'expérimental tout film dont la technique utilisée, en vue d'une expression renouvelée de l'image et du son, rompt avec les traditions établies pour chercher dans le domaine strictement visuel et auditif des accords pathétiques et inédits. Le film expérimental ne s'adresse pas au simple plaisir de la foule. Il est à la fois plus égoïste et plus altruiste. Egoïste, puisque manifestation personnelle d'une pensée pure ; altruiste, puisque dégagé de tout souci autre que le progrès. Le film expérimental d'inspiration sincère a cette qualité primordiale de contenir en germe, sous une apparence parfois inaccessible, les découvertes susceptibles d'acheminer les films vers la forme cinématographique des temps futurs. L'expérimentation naît à la fois de la critique du présent et de la prescience de l'avenir ». Dominique Païni, le temps exposé ou le cinéma de la salle au musée, Cahiers du Cinéma-essais 2002 p.5

FOCUS Dessin et photographie « Une photographie, c’est le même principe que le tableau. Il faut composer et chercher un équilibre stable. […] Le résultat doit être objectif, précis et saisissant de netteté, la clarté et l’incisif. Le Beau est partout autour de nous, il fourmille, mais “il faut le voir”, l’isoler, l’encadrer par l’objectif. » Préface pour Paris, 80 photographies de Moï Ver 1931 Assistant photographe à son arrivée à Paris, Fernand Léger cultive toute sa vie une curiosité pour la photographie. À la fin des années 1920, des élèves du Bauhaus qui fréquentent son académie – tel Moï Ver - lui révèlent les recherches photographiques menées en Allemagne. En 1930, le peintre se lie d’amitié avec la designeuse Charlotte Perriand. Les clichés pris par Perriand des objets qu’ils ramassent à l’occasion de promenades en forêt ou sur les plages normandes sont contemporains d’une série de dessins que Léger expose en 1934. Attentifs à la poésie des objets les plus modestes, leurs regards convergent sur les mêmes motifs, scrutés par l’objectif, la plume ou le crayon. Monumentaux et dépouillés, ces objets équivoques témoignent d’une sensibilité nouvelle aux formes naturelles, loin de l’esthétique de la machine.

CHARLOTTE PERRIAND, UNE ARTISTE MAJEURE DU XXème SIECLE19 Après des études à l'Union Centrale des Arts Décoratifs de Paris, Charlotte Perriand (1903-1999) se fait remarquer au Salon d’automne de 1927 en exposant un ensemble de mobilier en acier chromé et aluminium anodisé, intitulé «Bar sous le toit», qu’elle crée pour son appartement-atelier de la place Saint-Sulpice. La même année, elle sollicite un entretien pour un apprentissage à l’atelier de Le Corbusier et de son cousin, Pierre Jeanneret. Accueillie par « Ici on ne brode pas de coussins »20, elle débute une collaboration de dix ans avec les deux architectes, qui aboutira à des projets très innovants dans le domaine de l’équipement de la maison. Avec Le Corbusier, elle propose une nouvelle approche de l’habitat, rationnelle, ouverte, flexible, toujours en rapport harmonieux avec l’homme et son milieu. Dans l'aménagement d'intérieur, elle

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Sources Centre Pompidou Paris.Dossier documentaire, Charlotte Perriand du 7 décembre 2005 au 27 mars 2006 : http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-perriand/ENS-perriand.htm Exposition Charlotte Perriand, 1903-1999, De la photographie au design, Du 07 avril 2011 au 18 septembre 2011, Petit Palais http://www.petitpalais.paris.fr/expositions/charlotte-perriand-1903-1999 Beaux Arts Magazine N°322, avril 2011 Exposition Charlotte Perriand, Fernand Léger : une connivence, 29 mai au 27 septembre 1999, Musée national Fernad Léger http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/charlotte-perriand-fernand-leger-une-connivence 20 In Charlotte Perriand, Une vie de création, Editions Odile Jacob, 1998

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poursuit l’expérimentation de matériaux modernes, industriels, comme les nouveaux bois contreplaqués et le tube d'acier. En 1930, elle rencontre Fernand Léger et une relation d’amitié de 25 ans s’instaure, une connivence21 qui s’éteindra à la mort du peintre, en 1955. Avec celui qu’elle surnomme « le grand ours de Normandie »22 les collaborations sont régulières, notamment au sein de l’Union des Artistes Modernes (UAM). Présidée par l’architecte Robert Mallet Stevens, la première exposition collective de l’UAM a lieu en juin 1930 au Musée des Arts Décoratifs, à Paris. Ses membres, en s’éloignant de la conservatrice Société des Artistes Décorateurs, issue d’une tradition française plus ornementale, proposent un esprit moderniste et fonctionnaliste, dans un style sobre et épuré. Ils revendiquent une filiation avec toutes les avant-gardes qui, depuis la fin du XIXème siècle, défendent une collaboration de l’art, de l’industrie et du travail manuel (Arts and Craft en Grande Bretagne, De Stijl en Hollande, Deutscher Verkbund puis le Bauhaus en Allemagne). Abolissant la différence entre arts majeurs et arts mineurs, artistes et artisans, tous les métiers artistiques sont représentés : le textile avec Sonia Delaunay, l’ameublement avec Charlotte Perriand, Eileen Gray, la reliure avec Rose Adler, Pierre Legrain, la peinture avec Fernand Léger, Etienne Cournault, l’architecture avec Pierre Chareau, Le Corbusier, Robert Mallet Stevens, Jean Prouvé, René Herbst, etc. Les collaborations entre membres du l’UAM sont nombreuses, en particulier dans le domaine de l'aménagement intérieur, réalisant ainsi une véritable synthèse des arts. Pour Charlotte Perriand l’UAM comme les CIAM (Congrès Internationaux d'Architecture Moderne)23 sont des mouvements de combat pour une réflexion commune sur un nouvel art de vivre. L'utilisation de matériaux modernes issus de l'industrialisation est une façon de rendre le progrès accessible au plus grand nombre. Les théories novatrices des CIAM, en particulier celles énoncées dans la Charte d’Athènes de 1933 pour un style dit « international », apportent le principe de modularité et la préfabrication des éléments. Jusqu’au début des années 1930, les créations de Charlotte Perriand renvoient donc à une esthétique industrielle traduisant « l’esprit moderne », malgré la crise boursière de 1929 qui touche la France et voit son activité économique chuter et le taux de chômage s’accroître. Aux formes géométriques succèdent alors des formes libres et douces. Un retour à la nature que Charlotte Perriand partage avec son ami Fernand Léger, avec qui, elle parcourt les côtes françaises, à la recherche de toutes sortes d'objets « ennoblis par la mer »24, une glane d'objets à caractère poétique qu’elle qualifie « d’art brut »25. Elle poursuit sa quête de formes inattendues avec Pierre Jeanneret, en privilégiant cette fois les sites marqués par le désenchantement de la société industrielle : décharges, zones d’entrepôts, etc. Elle, qui encourage « d’avoir l’oeil en éventail »26, attentif à tout, aux êtres et aux choses, elle fixe ses rencontres à l’aide de la photographie, se constituant ainsi un véritable répertoire de formes pour ses créations de mobilier. La photographie devient aussi un outil de militantisme, lorsqu’en 1936, invitée à participer à l’Exposition de l’habitation, Charlotte Perriand, membre de l’Association des artistes et écrivains révolutionnaires ( l’AEAR27 ) propose un photomontage de seize mètres de long sur le thème : « La grande misère de Paris » . Désirant interpeller l’opinion et les pouvoirs publics, elle collecte des clichés auprès des photographes membres de l’AEAR - François Kollar, André Kertész, Henri Cartier Bresson, etc -

                                                                                                               21  Charlotte Perriand, Fernand Léger : une connivence est le titre de l’exposition qui s’est tenue au musée Fernand Léger de Biot, du 29 Mai 1999 au 27 Septembre 1999. Charlotte Perriand y rend hommage à son ami et artiste, avec qui elle aima travailler « dans un flot de couleur et d’humour ».  22  In Charlotte Perriand, Une vie de création, Editions Odile Jacob, 1998  23  A partir de 1928, une trentaine d'architectes européens se rassemblent sous l'appellation CIAM (Congrès Internationaux d'Architecture Moderne) afin de promouvoir une architecture et un urbanisme fonctionnels et d’apporter une réponse au développement hasardeux des villes. Les figures les plus emblématiques en sont, autour de Le Corbusier, Pierre Jeanneret, André Lurçat, Walter Gropius, Gerrit Rietveld, Ludwig Mies van der Rohe, José Luis Sert, Alvar Aalto, etc.  24  In Charlotte Perriand, Une vie de création, Editions Odile Jacob, 1998  25  In Charlotte Perriand, Une vie de création, Editions Odile Jacob, 1998  26  In Charlotte Perriand, Une vie de création, Editions Odile Jacob, 1998  27  L'Association des Ecrivains et des Artistes Révolutionnaires (AEAR) est créée en 1932 sous l'impulsion de Paul Vaillant-Couturier, rédacteur en chef de l'Humanité. Elle rassemble de nombreux intellectuels et artistes proches du parti communiste et représentatifs de « la littérature et de l'art non-conformiste » comme Louis Aragon, Henri Barbusse, Andre Breton, Robert Capa, Robert Desnos, Max Ernst, Paul Eluard, André Malraux, etc.  

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sur lesquels beaux quartiers, immeubles de banlieue et insalubrité se côtoient, montrant ainsi le développement anarchique de la capitale. En 1940, alors que Fernand Léger part pour les États-Unis, Charlotte Perriand est invitée par le ministère impérial du commerce et de l’industrie japonais comme conseillère en art industriel. Lors de ce premier séjour, elle s'imprègne de la philosophie et de l'art de vivre japonais. Avec l'entrée du pays dans le conflit mondial, elle quitte le Japon dans l'urgence. Elle y revient en 1953 pour organiser une exposition collective avec Fernand Léger et Le Corbusier intitulée Synthèse des Arts, association des arts plastiques avec l'équipement intérieur de l'habitation.

Après avoir fait le tour du monde, Charlotte Perriand effectue de nombreux voyages au Brésil, entre 1962 et 1969. Elle y découvre des formes inédites et des nouveaux matériaux auprès des architectes Oscar Niemeyer et Lucio Costa. Elle fréquente l'intelligentsia brésilienne : Jorge Amado, Burle Marx, etc.

Originaire de Savoie, passionnée par la montagne, elle met ses recherches sur l'habitat collectif et l'aménagement d’intérieur au service de la création de complexes de sports d’hiver, coordonnant une équipe d'architectes, d'urbanistes, d'ingénieurs et de graphistes. Lorsqu’elle arrête cette collaboration de vingt ans (1969-1989), elle a quatre-vingt- six ans. « Ni architecte, ni décoratrice, ni designer : en fait, je suis une marginale, je me sens en dehors »28 c’est ainsi que se présente celle qui a révolutionné l’architecture d'intérieur. Afin de répondre aux besoins des occupants, tout en permettant à chacun d’être le concepteur de son lieu de vie, en toute liberté, elle propose un mobilier conçu pour être utilisé indépendamment de la fonction initiale des espaces : invention du meuble en kit, adaptable par le client, du concept de cuisine intégrée, ouverte sur le séjour (qu’elle expérimente pour la Cité Radieuse de Marseille, construite par Le Corbusier de 1947 à 1952), normalisation d’éléments de rangement, invention de la salle de bain préfabriquée, de WC suspendus, etc. Si certaines de ses idées ne remportent pas toujours le succès escompté, sans doute trop novatrices pour leur temps, elles sont aujourd’hui d’une confondante actualité.

                                                                                                               28  In Charlotte Perriand, Une vie de création, Editions Odile Jacob, 1998  

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PARTIE 3 : CIRQUE ET DANSE, L’APOGÉE DU SPECTACLE POPULAIRE « Allez au cirque. Rien n'est aussi rond que le cirque. C'est une énorme cuvette dans laquelle sedéveloppent des formes circulaires. Ça n'arrête pas tout s'enchaîne. La piste domine, commande, absorbe. Le public est le décor mobile, il bouge avec l'action sur la piste. Les figures s'élèvent, s'abaissent, crient, rient. […] Vous quittez vos rectangles, vos fenêtres géométriques, et vous allez au pays des cercles en action... » Fernand Léger, Le cirque, 1949 SOUS-PARTIES LES BALLETS SUÉDOIS ŒUVRES-CLES Skating ring, 1922 La création du monde, 1923 Les trois musiciens, 1930 LE CORPS EN MOUVEMENT ŒUVRES-CLES La danse, 1929 Composition aux trois figures, 1932 Les danseuses aux clés, 1930 Les Grands Plongeurs noirs, 1944 LE CIRQUE, AU « PAYS DES CERCLES EN ACTION » ŒUVRE-CLE Cirque, 1950 Passionné de spectacles, Léger collabore avec des metteurs en scène, chorégraphes, compositeurs. Tout au long de sa vie, il participe à une dizaine de créations, conçoit des décors et des costumes pour des ballets et des opéras et rêve de créer un espace scénique en mouvement. C’est au cirque en particulier que le peintre puise son inspiration. Ami des Fratellini, il est un spectateur assidu du cirque Médrano tout autant que du music-hall et des revues de cabaret. Léger trouve dans ces loisirs populaires la métaphore de la vie moderne, où le corps humain est intégré dans un spectacle total de couleurs et d’émotions.

 Danseuses,  projet  de  rideau  pour  Skating  Rink,  1924  Crayon,  gouache,  et  encre  noire  sur  papier  contrecollé  sur  carton    22,5X30,5  cm  Collection  Adrien  Maeght  

En 1922, Fernand Léger réalise les décors et costumes de Skating Rink, spectacle des Ballets suédois créé au Théâtre des Champs Elysées sur un argument du poète Ricciotto Canudo. Les danseurs, ménés par Jean Börlin forment des éléments constitutifs et mobiles du décor, devant un grand rideau coloré. Dès cette première expérience de la scène, Léger pose les grands principes implicites de sa collaboration avec les chorégraphes : c’est sa peinture qui, avant la danse, traduit le mouvement.

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D’AUTRES ŒUVRES La Création du Monde La Création du monde, créé au Théâtre des Champs-Élysées en 1923, est la seconde collaboration de Fernand Léger avec la compagnie des Ballets suédois. Inspiré de l’Anthologie nègre (1921) de Blaise Cendrars, l’argument évoque l’histoire des origines de l’humanité. Léger affirme la primauté de son univers plastique. Trois figures de divinités monumentales forment des décors mobiles. Les corps des danseurs sont masqués par le dispositif scénique inventé par le peintre, au profit des costumes conçus comme des sculptures. La Danse, 1929 À la fin des années 1920, le thème de la danseuse devient récurrent dans la peinture de Léger. L’apparition de ces figures souples accompagne un adoucissement très net de ses recherches picturales, qui s’éloignent de la géométrie du monde industriel. Précédée de nombreuses études, La Danse forme l’aboutissement le plus classique de cette recherche. Léger reprendra ce motif l’année suivante sur un mode plus abstrait dans Composition I, un projet de décoration qu’il réalise à Lausanne pour un collectionneur privé. La Danse, 1942 Reflet de son intérêt constant pour l’univers chorégraphique, La Danse signe l’aboutissement des recherches plastique de Léger au tournant des années 1940. Les personnages opèrent une progressive schématisation tandis que la couleur s’autonomise vis-à-vis du motif perdant sa fonction descriptive et illustrative. L’utilisation libre d’aplats de couleurs que lui inspire la vision des enseignes clignotantes sur les passants à New York souligne le mouvement cadencé des danseurs. Les Grands Plongeurs noirs Dans les années 1940, la vue de plongeurs dans le port de Marseille et dans une piscine de New York inspire à Fernand Léger des représentations dynamiques de corps affranchis de la gravité. Les grands plongeurs noirs, peint en exil aux États-Unis, décline le sujet de manière abstraite, à travers un assemblage de silhouettes planes aux tons purs. La proximité entre le thème des acrobates et celui des plongeurs suggère l'influence directe de l'esthétique du cirque. Cirque, 1950 Imaginé au début des années 1920, le livre Cirque ne voit le jour qu’en 1950, écrit et illustré par Fernand Léger lui-même. Associant des planches aux couleurs vives à de puissants dessins en noir et blanc, ce livre-testament fait revivre avec spontanéité les souvenirs d'enfance du peintre à Argentan et du cirque Medrano à Paris. Métaphore de l’existence pour Léger, le cirque condense en un spectacle total l’esthétique moderne, alliant le risque, la vitesse et la couleur.

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PARTIE 4 : MUR ET ARCHITECTURE, UN NOUVEL ESPACE POUR LE PEINTRE Espace et couleur : « Comment créer un sentiment d'espace, de rupture des limites ? Tout simplement par la couleur, par des murs de différentes couleurs. L'appartement que j'appellerai "rectangle habitable" va se transformer en "rectangle élastique" [...] La couleur est un puissant moyen d'action, elle peut détruire un mur, elle peut l'orner, elle peut le faire reculer ou avancer, elle crée ce nouvel espace.» Fernand Léger, 1933 A propos de la peinture murale : « Chez les peintres primitifs, les artistes de la Renaissance , l’œuvre était liée au mur. Les temps modernes ont abandonné le mur pour l’œuvre d’art mobile. Un tableau moderne est un objet valable en soi, absolument indépendant du milieu où il fut créé. Un tableau réalisé à Paris orne un mur de Tokyo. Demain, il sera vendu et partira peut-être à Lisbonne. Cet art moderne est d’essence spéculative et voyageuse. Peut-on revenir à l’art mural ? Peut-on entrevoir dans l’avenir un architecte chef d’orchestre édifiant le monument nouveau, expression de nos besoins et de nos désirs ? (…) Cela demanderait à l’architecte moderne un sens de l’équilibre et de la mesure jamais réalisé ; il devra lui-même indiqué au peintre l’endroit où il doit agir dynamiquement ou statiquement, au sculpteur de même. Ce sera un chef conscient des nécessités plastiques qu’exige la création de ce monument. » Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, L’architecture moderne et la couleur, ou la création d’un nouvel espace vital (1946), p. 244-245

SOUS-PARTIES LE DÉCOR AU PREMIER PLAN ŒUVRES-CLES Sous les arbres, 1921 L’arbre, 1921 LES COMPOSITIONS MURALES DES ANNÉES 1920 ŒUVRES-CLES Le Balustre, 1925 Peinture murale, 1924 Paysage animé, 1924 VERS LE MONUMENTAL, L’EXPOSITION INTERNATIONALE DE 1937 ŒUVRES-CLES Le transport des forces, 1937 Projet de camouflage pour la Tour Eiffel, 1937 LA PEINTURE DANS L’ESPACE ŒUVRES-CLES Projet décoratif pour un centre d’aviation populaire, 1940 Série de 10 gouaches, Maquettes de vitraux pour l’église d’Audincourt, 1946 La Fleur polychrome, 1950 Fleur et chandelier, 1951 Apprenti-architecte en Normandie avant de devenir peintre, Léger entretient un rapport particulier avec l’architecture. Dès les années 1920, il cherche à intégrer ses compositions peintes dans l’espace architectural. Il réalise des « Compositions murales » abstraites et conçoit des peintures pour le Pavillon de l’Esprit Nouveau de Le Corbusier et pour l’ambassade française de Robert Mallet-Stevens de l’Exposition internationale des Arts décoratifs. Le peintre est mu par le désir de faire entrer la couleur dans la vie, en s’affranchissant du cadre. Fernand Léger collabore à plusieurs reprises avec des architectes (Le Corbusier, Charlotte Perriand, Robert Mallet-Stevens, Paul Nelson) cherchant à créer un art mural collectif et populaire. Après-guerre, il imagine des projets d’architecture polychrome. Dès les années 1930, sa peinture de chevalet évolue elle-même vers des dimensions monumentales, exprimant une nouvelle vision de l’espace.

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Fernand  Léger,  Le  Transport  des  forces,  1937  Huile  sur  toile,  491  x  870  cm  FNAC  2015-­‐0477  Centre  national  des  arts  plastiques  ©  Adagp,  Paris,  2017  /  CNAP  /  photographe  :  Yves  Chenot  

 

Le Transport des forces Le Transport des forces est emblématique des grandes commandes passées par l’État aux artistes modernes pour l’Exposition internationale des Arts et Techniques dans la vie moderne de 1937. Par ses dimensions exceptionnelles, ce panorama industriel juxtapose dans un grand collage visuel des poteaux électriques, un arc-en-ciel, une cascade et une usine. Célébration du progrès technique, il décore le hall du Palais de la Découverte, nouvellement créé. L’immense composition, exécutée d’après une gouache de Léger par trois de ses élèves (Elie Grekoff, Asger Jorn et Pierre Wemaëre), témoigne également du rôle accordé à son atelier pour ses projets monumentaux. D’AUTRES ŒUVRES Paysage animé Réalisé à son retour d’un voyage en Italie en 1924, Paysage animé représente deux personnages – parfois vus comme Léger et son marchand d’art Léonce Rosenberg – dans un paysage urbain évoquant l’architecture italienne traditionnelle. Défiant les principes de la perspective classique, dont il récuse l’imitation servile, Léger explore les qualités découvertes dans l’art de la Pré-Renaissance : géométrie rationnelle et clarté des motifs. Le Pont Le Pont illustre l'origine architecturale du répertoire de formes abstraites et géométriques qui prédomine dans la peinture de Fernand Léger au début des années 1920. Réduits à des formes simples et des aplats colorés, les éléments constructifs s'organisent suivant un étagement vertical. Le cadre urbain moderne, à travers des motifs de colonnes, fenêtres, murs et dallages, s’oppose au modelé des collines ondoyantes. Cette recherche de contraste maximal se double d’une ambiguïté spatiale, suggérant le passage continu entre intérieur et extérieur. Le Balustre / Composition Invité en 1925 par Le Corbusier dans le Pavillon de l’Esprit nouveau construit pour l’Exposition des arts décoratifs, Fernand Léger accroche d’abord une toile abstraite, Composition (1924). Puis il la remplace par Le Balustre, dans laquelle le vocabulaire de l’architecture classique est isolé et transformé en motif monumental. Suivant l'esthétique puriste, les lignes géométriques de la colonne sur fond de rectangles de couleurs pures font directement écho au langage architectural moderniste que Le Corbusier élabore au même moment.

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Projet de décoration pour un centre d’aviation populaire En 1939, le ministère de l’Education nationale confie à Léger le projet de décoration d’un centre d’aviation populaire dans le bassin de Briey, qui reste inabouti en raison du contexte politique. Soucieux d’élaborer un art mural, l’artiste mêle dans ses esquisses couleurs vives et formes abstraites. Les éléments courbes, souvenirs de ses expérimentations biomorphiques des années 1930, s’opposent selon la loi des contrastes chère à Léger, aux motifs géométriques verticaux et à celui du cercle, évoquant la cocarde tricolore, insigne de l’aviation française. EN SAVOIR PLUS FERNAND LÉGER ET LE CORBUSIER (VOIR CHAPITRE 5) ROBERT MALLET-STEVENS (1886-1945) Robert Mallet-Stevens fait ses études à l‘École spéciale d’architecture où, influencé par les réalisations de Joseph Hoffman et de la Sécession viennoise, il défend une vision rationnelle et sans ornement de l’architecture, anticipant le style dit « international ». Dans les années 1920, il dessine des vitrines et des magasins en tentant des expériences novatrices en matière d’éclairage, la lumière traitée comme un matériau à part entière. L’exposition internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes de Paris en 1925, avec la réalisation collaborative de pavillons et d’aménagements (au côté de Fernand Léger, Robert Delaunay, les frères Martel) marque un tournant dans la carrière de Mallet-Stevens. Ses premières commandes architecturales sont des villas bourgeoises : un projet inachevé pour le couturier Paul Poiret en 1922, puis la villa de Noailles à Hyères en 1923-1928 pour laquelle le Comte et la Comtesse de Noailles s’adressent à Robert Mallet-Stevens, après avoir consulté Mies Van der Rohe et Le Corbusier.

L’Inauguration en 1927 d’un ensemble d'habitations pour la rue qui porte aujourd’hui son nom, dans le XVIème arrondissement de Paris, met en avant les principes simples qui unissent les six bâtiments de l’impasse, véritable manifeste d’architecture définit ainsi par Mallet Stevens : « surfaces unies, arrêtes vives, courbes nettes, matières polies, angles droits, clarté, ordre. C’est ma maison logique et géométrique de demain ». Passionné par le septième art, Mallet-Stevens, qui participe à une vingtaine de films, révolutionne la conception du décor, enrichissant son vocabulaire formel constitué de lignes pures et géométriques, de la sublimation du noir et du blanc, de superposition de cubes et décrochements. En dépit de l'importance de sa contribution à la construction d'une pensée architecturale moderne, le travail de Mallet-Stevens tombe peu à peu dans l'oubli après sa disparition en 1945. FOCUS Peintre, professeur, voyageur De ses nombreux voyages, Léger publie de formidables récits. Résidant à Paris dès le début du siècle, il se ressource régulièrement dans sa Normandie natale et visite les régions françaises. Soucieux de développer son réseau artistique à l’étranger, l’artiste parcourt très tôt l’Europe, de la Scandinavie au bassin méditerranéen (Italie, Espagne, Grèce). Il se rend à plusieurs reprises aux États-Unis mais échoue à se rendre en Union soviétique. Sa longue activité de professeur lui apporte également des attaches artistiques internationales. Dès 1924, Léger enseigne la peinture, avant d’ouvrir en 1934 sa propre école, l’Académie de l’art contemporain, assisté par Nadia Khodossievitch, qui deviendra sa seconde épouse, et par Georges Bauquier, son bras droit. Pendant trois décennies, son atelier demeure un lieu cosmopolite, accueillant des artistes aux profils variés, dont beaucoup de femmes. Parmi les centaines d’élèves s’y croisent dans les années 1920 Tarsila do Amaral, Florence Henri ou Maria-Elena Vieira da Silva ; dans les années 1930, Louise Bourgeois, Nicolas de Staël, Asger Jorn, Pierre Wemaëre ; dans les années 1940-1950, Aurélie Nemours, Sam Francis, William Klein, Bernard Lassus ou encore Serge Gainsbourg. Un Ipad dans l’exposition permet de lire les témoignages d’élèves de Fernand Léger

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EPILOGUE : FERNAND LÉGER ET L’ENGAGEMENT POLITIQUE

« Je veux parler des loisirs – l’organisation, la création des loisirs pour les travailleurs – c’est, je crois, le point le plus capital de cette causerie. Tout en dépend. A aucune époque de notre monde, les travailleurs n’ont pu accéder à la beauté plastique pour ces mêmes raisons qu’ils n’ont jamais eu le temps nécessaire ni la liberté d’esprit suffisante. Libérer les masses populaires, leur donner une possibilité de penser, de voir, de se cultiver et nous sommes tranquilles, elles pourront à leur tour, jouir pleinement des nouveautés plastiques que leur offre l’art moderne. » Fernand Léger, « Le nouveau réalisme continue », 29 mai 1936 (2e débat) « À aucune époque de notre monde les travailleurs n'ont pu accéder à la beauté plastique pour ces mêmes raisons qu'ils n'ont jamais eu le temps nécessaire ni la liberté d'esprit suffisante. Libérer les masses populaires, leur donner une possibilité de penser, de voir, de se cultiver et nous sommes tranquilles, elles pourront à leur tour, jouir pleinement des nouveautés plastiques que leur offre l'art moderne. La classe ouvrière a droit à tout cela. Elle a droit, sur ses murs, à des peintures murales signées des meilleurs artistes modernes, et si on lui donne le temps et les loisirs, elle saura s'y installer et y vivre elle aussi et les aimer. » Fernand Léger, 1936 ŒUVRES-CLES Les constructeurs, 1950 La Partie de campagne (deuxième état), 1953 Liberté, 1953 Le goût de l’artiste pour les spectacles de la rue ou le monde industriel s’inscrit dans une profonde empathie pour les milieux populaires, leurs loisirs et leurs conditions de vie. La prise de conscience politique de Fernand Léger, parfois qualifié de « paysan de l’avant-garde », est progressive, issue de l’expérience de fraternité qu’il vit dans les tranchées pendant la guerre. Dès l’époque du Front populaire, son engagement se manifeste à travers des conférences en faveur du progrès social et de l'éducation où il exprime également son refus de la propagande et de l'art officiel. Exilé aux États-Unis, il envoie en 1945 sa demande d'adhésion au Parti communiste depuis New York. Les dernières années de sa carrière sont marquées par des prises de position engagées et de grandes séries de tableaux alliant un vocabulaire moderne à des sujets populaires, tels que la partie de campagne ou les travailleurs.

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Fernand  Léger,  Liberté,  1953  Encre,  gouache  et  graphite  sur  papier,  33,6  x  16  cm  Donation  Louise  et  Michel  Leiris,  1984  numéro  d’inventaire  :  AM  1984-­‐589  Collection  Centre  Pompidou,  Paris  Musée  national  d’art  moderne  -­‐  Centre  de  création  industrielle  ©  Centre  Pompidou,  MNAM-­‐CCI/Service  de  la  documentation  photographique  du  MNAM/Dist.  RMN-­‐GP  ©  Adagp,  Paris,  2017  

Liberté J'écris ton nom Quelques mois après la mort de Paul Éluard en 1952, Fernand Léger lui rend hommage en illustrant son poème Liberté (1942), devenu le symbole de la Résistance. Il conçoit un livre-objet et décline en plusieurs exemplaires sur toile une composition où des plages de tons purs s’immiscent librement entre les strophes du poème imprimé. Plusieurs études du portrait du poète montrent les hésitations de Léger concernant l ’emplacement des bandes colorées, indépendantes du dessin. La première présente un portrait non stylisé du poète qui semble davantage obéir aux canons du réalisme socialiste. D’AUTRES ŒUVRES Les Loisirs « J’ai voulu marquer un retour à la simplicité par un art direct, compréhensible pour tous, sans subtilité », affirme Fernand Léger à son retour d’exil après la guerre. La série des « Loisirs » répond au défi du réalisme, alors au cœur des débats artistiques. À partir d’un motif développé aux États-Unis dès 1943, elle mêle ses souvenirs des jeunes Américaines aux maillots colorés, à l’iconographie du cirque et à l’imaginaire nostalgique du Front populaire. Comme sur une photographie de famille, un groupe d’acrobates et de cyclistes prend la pose sur un fond azur uni, composant une image idéale du peuple pour le peuple. La Partie de campagne Image emblématique du « dernier Léger », La Partie de campagne reprend un thème classique de la peinture tout en évoquant l’atmosphère des photographies d’Henri Cartier-Bresson, ou du film de Jean Renoir, sorti en 1946. Le peintre, âgé de soixante-douze ans, y exalte une société fraternelle et apaisée où l’homme s’intègre avec simplicité et harmonie dans la nature. Le paysage bucolique, ponctué de motifs-signes (un arbre, un rocher, des collines et des nuages) et traité en aplats vifs, reste marqué par l’esthétique du constraste, loin de tout sentimentalisme.

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Les Constructeurs Les Constructeurs (état définitif) marque l’aboutissement d’une série consacrée à la classe ouvrière travaillant sur les chantiers. La composition emprunte classicisme et monumentalité à la peinture d’histoire tout en s’inscrivant dans la société contemporaine, l’immédiat après-guerre de la reconstruction. L’œuvre rappelle le souhait du peintre de redonner à l’art une fonction sociale en créant une image compréhensible par tous. Pour autant, la liberté formelle de cette puissante composition révèle la distance prise avec le réalisme socialiste. Exposée en 1951 à la Maison de la pensée française, liée au parti communiste, la toile connait une réception mitigée. Elle suscite des critiques positives dans la presse de gauche, mais sera refusée par la CGT, à laquelle le peintre souhaitait en faire don, au nom de l’incompréhension des militants et des ouvriers. EN SAVOIR PLUS FERNAND LEGER DANS UN CONTEXTE SOCIAL EN PLEINE EVOLUTION29 Fernand Léger est un artiste engagé sensible à la condition des classes ouvrières. Son ambition est de faire un art accessible à tous et notamment aux ouvriers qui n’ont pas le temps de se divertir au musée. Il expose ses Constructeurs dans la cantine des usines Renault avec la volonté d’amener l’art aux travailleurs. L’artiste a beaucoup de respect pour le travail moderne, se considérant lui aussi comme un peintre-ouvrier (grands thèmes des Loisirs et des Constructeurs) L’avènement du Front Populaire. La période de 1934 à 1936 est marquée par la formation de l’Union de gauche. En effet, l’extrême droite connaît une montée importante suite à un scandale financier et organise une manifestation à Paris contre le gouvernement Daladier. Les partis de gauche prenant conscience d’un danger fasciste, déjà visible en Italie et en Allemagne, décident de se rassembler. Malgré certaines réticences des communistes, le PCF et la SFIO signent le 27 juillet 1934 un pacte d’unité d’action contre le fascisme. Un rassemblement populaire de grande envergure est organisé le 14 juillet 1935 à Paris, 500 000 manifestants défilent de Bastille à Nation, regroupant 99 organisations et partis de gauche. L’union de la gauche a un projet électoral très clair : battre la droite aux élections de 1936. Un programme est publié le 12 janvier 1936 aux revendications modérées aux yeux des communistes : respect du droit syndical, prolongation de la scolarité obligatoire, mesures en faveur des chômeurs, agriculteurs, petits commerçants, retraités, réduction du temps de travail sans réduction de salaire. Aux élections de 1936, la France connaît la victoire du Front Populaire. Pour la première fois de son histoire la France porte au pouvoir un gouvernement socialiste. Léon Blum devient président et fait voter les accords de Matignon, face à la tension ouvriers/patronat : création d’une convention collective de travail, augmentation des salaires, reconnaissance de la liberté syndicale, nominations de délégués ouvriers. La naissance des congés payés Léon Blum, dans un climat économique et social complexe, fait passer une loi considérée comme une grande avancée sociale de l’histoire du XXème siècle : la semaine de travail passe de 48h à 40h et les salariés disposent de deux semaines de congés payés. Dans un souci d’organisation des loisirs, il crée le sous-secrétariat aux sports et aux loisirs et met en place un organisme de tourisme populaire favorisant le développement d’expérience éducative. En 1937, Léon Blum engage ces réformes mais est contraint de démissionner, subissant une pression sociale et économique de plus en plus délétère. 1938 est l’année de la rupture du Front Populaire, qui, malgré ses difficultés aura participé à l’émancipation des classes ouvrières et sera à l’origine d’acquis sociaux définitifs (convention collective, semaine de travail hebdomadaire réduite, congés payés).

                                                                                                               29  Source : site Larousse/encyclopédie http:/wwwlarousse.fr/encyclopédie/divers/Front_populaire/120463

 

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Dès 1936, près de 600 000 ouvriers peuvent profiter de ces congés.30 La destination la plus attractive est le bord de mer et d’importantes vagues migratoires ont lieu en France, pendant la période estivale, impulsée par les congés payés. Les stations balnéaires étaient jusqu’alors réservées à la bourgeoisie et aux familles aisées. D’année en année, les semaines de congés ont augmenté : à partir de 1955, une troisième semaine est concédée aux travailleurs, puis la quatrième en 1962, une cinquième dans les années 1980.

                                                                                                               30  A noter que employés de banques, de commerces et de bureau bénéficiaient déjà des congés payés, seuls les ouvriers n’y avaient pas droit.  

 

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4. LE BEAU Le terme beau vient du latin bellus signifiant joli, élégant, aimable. Il a une valeur esthétique. Trois aspects de son emploi sont définis dans Vocabulaire de l’Esthétique de Etienne Souriau31. Dans un premier temps, il désigne une appréciation esthétique générique, très favorable, immédiate et intense. Il s’adresse à tout ce qui suscite l’admiration, même si cette appréciation n’est pas spécifiée comme esthétique (une belle voiture, une belle maison, un bel homme, etc). Il peut apparaître dans le registre technique ou logique : une belle technique, une belle expérience. Le terme beau dans ces cas précis est d’une acceptation courante et populaire, une sorte de documentation sur la sensibilité esthétique commune et peu évoluée. Dans une seconde étape, le terme beau peut avoir une valeur esthétique plus élaborée. Les mots beau et joli s’opposent donnant une valeur plus puissante, plus noble, plus intense à beau et une valeur plus séduisante, plus superficielle ou encore aimable à joli. Kant a opposé également les termes beau et sublime. Le premier évoquant davantage l’équilibre et l’harmonie, le second la démesure, un conflit douloureux. Une troisième fonction du terme, liée à la recherche d’un critère, l’inscrit dans la norme d’un idéal esthétique. Le beau est ici caractérisé par une proposition ou par un canon. Pour Baudelaire, « le beau est toujours bizarre ». Platon, lui, conceptualise le Beau par l’Idée du beau. Il existe de nombreux critères normatifs du beau : ce qui donne du plaisir, ce qui fait illusion, ce qui est l’œuvre du génie, etc. Fernand Léger. Le beau est partout Dans cette partie, une sélection de citations de Fernand Léger est proposée, autour de la notion de « Beau ». Citations extraites de Fonctions de la peinture, Editions Folio essais 2009. Cette édition revue et augmentée de Fonctions de la peinture parue en 1965 sous une présentation thématique reprend ici les textes de Fernand Léger dans leur ordre chronologique, corrigés selon les manuscrits originaux. Beauté (des objets ; plastique ; sentiment de ; plan de ; besoin de) Dans notes sur la vie plastique actuelle, 1923 « Il y a un besoin de beauté épars parmi le monde, c’est une question de quantité et de demande. Il s’agit d’y satisfaire » p.62 « Si un objet, un sujet est beau, il n’est plus matière première, il est valeur plastique, donc inutilisable ; on n’a plus qu’à regarder et admirer, il n’est même pas copiable » p.65-66 A propos de l’élément mécanique : « Il est infiniment rare que les éléments utiles s’associent dans un rapport tel qu’ils entrent en concurrence d’état de Beauté avec ma volonté d’organisation par contraste » p.84 Dans l’esthétique de la machine, l’objet fabriqué, l’artisan et l’artiste, 1923-1924 « Je considère que la beauté plastique, en général, est totalement indépendante des valeurs sentimentales, descriptives et imitatives [ ]. Nombre d’individus seraient sensibles à la beauté

                                                                                                               31  Editions Presses Universitaires de France, publié sous la direction de Anne Souriau, 1990, p. 234, 235, 236

 

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(objet visuel) sans intention si l’idée préconçue de l’objet d’art ,’était un bandeau sur les yeux » p.87 « Si le but des architectures monumentales précédentes étaient le Beau prédominant sur l’utile, il est indéniable que, dans l’ordre mécanique, le but dominant est utile [ ]. La poussée à l’utile n’empêche donc pas l’avènement d’un état de beauté » p.89 « Cette constatation entre le rapport beau et utile de l’auto ne déduit pas que la perfection utile doit amener la perfection beau, je le nie jusqu’à preuve du contraire » p.90 « Allez voir le salon de l’Automobile, de l’Aviation, la Foire de Paris, qui sont les plus beaux spectacles du monde » p.99 Dans l’esthétique de la machine, l’ordre géométrique et le vrai, 1924 « L’objet fabriqué est là, absolu, polychrome, net et précis, beau en soi ; et c’est la concurrence la plus terrible que jamais artiste ait subie » p.103 « J’essaie, avec des éléments mécaniques, de créer un bel objet. Créer le bel objet en peinture, c’est rompre avec la peinture sentimentale » p.104 « Tout objet crée peut comporter lui-même une beauté intrinsèque, comme tous les phénomènes d’ordre naturel, admirés par le monde de toute éternité. Il n’y a pas le beau catalogué, hiérarchisé. Le beau est partout, dans l’ordre d’une batterie de casseroles sur le mur blanc d’une cuisine, aussi bien que dans un musée » p.105-106 Une seule chance reste à l’artiste : « s’élever au plan de beauté en considérant tout ce qui l’entoure comme matière première » p.114 1924 « La Tour Eiffel et la Grande Roue, ces deux énormes « objets-spectacles », qui dominent Paris, sont aussi admirées que les belles façades gothiques [ ]. Nous vivons entourés de beaux objets qui, lentement, se dévoilent et que l’homme aperçoit ; ils prennent de plus en plus une place importante autour de nous, dans notre vie intérieure et extérieure » p.127-128 A propos du cinéma et du mouvement donné aux objets pour les rendre plastiques, autour du Ballet mécanique : « il y a aussi le fait de réaliser un évènement plastique beau en lui-même sans être obligé de chercher ce qu’il représente » p.134 A propos de New-York, 1931 « La beauté de New-York, le soir, est faite de ces innombrables points lumineux et du jeu infini de la publicité mobile [ ]. Le plus beau spectacle « in the world » n’est pas le fait d’un artiste. New-York a une beauté naturelle, comme les éléments de la nature, comme les arbres, les montagnes, les fleurs. » p.153-154 Dans Un nouveau réalisme, la couleur pure et l’objet, 1935 « La Beauté est partout, dans l’objet, le fragment, dans les formes purement inventées. Mais ce qu’il faut c’est développer sa sensibilité pour pouvoir discerner ce qui est beau de ce qui n’est pas beau. » p.191 « On a compris la beauté des objets en eux-mêmes et l’inutilité de les décorer ou de les peindre. Cela est très moderne et très nouveau. » p.192 « Ce qui est certain c’est qu’il n’y a pas une époque de beau typique, de beauté supérieure qui pourrait servir de critérium, de base, de point de comparaison. » p.195 « Ce sentiment de beauté, l’homme du peuple l’a dans la peau en venant au monde [ ]. Tous les hommes, même les plus frustres, ont en eux une possibilité d’aller vers le beau. » p.201

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Dans Couleur dans le monde, 1937 « Le peuple vit dans l’atmosphère poétique continuelle. Il vit au milieu d’objets modernes qu’il juge beaux, jolis, magnifiques : autos, avions, machines [ ]. Pourquoi ne serait-il pas apte un jour à comprendre l’art moderne ? Pourquoi son besoin de beauté n’irait-il pas jusque là ? » p.215 « L’œuvre belle ne s’explique pas. Elle ne veut rien prouver ; elle ne s’adresse pas à l’intelligence mais à la sensibilité. Il s’agit avant tout d’aimer l’art et non de le comprendre. » p.224 « (…) à l’artiste de faire aussi beau que la nature, mais pas en imitant la nature. » p.225 Dans A propos du corps humain comme objet, 1945 « L’ascension du peuple aux belles œuvres d’art, à la Beauté, ce sera le signe des temps nouveaux. » p.233 Esthétique (Beau) Dans l’esthétique de la machine, l’objet fabriqué, l’artisan et l’artiste, 1923-1924 « Les hommes ont peur du libre arbitre qui est, pourtant, le seul état d’esprit possible pour l’enregistrement du beau (…). Mon but est d’essayer d’imposer ceci : qu’il n’y a pas de Beau catalogué, hiérarchisé ; que c’est l’erreur la plus lourde qui soit. » p.88 « Comment le public juge-t-il l’objet ainsi présenté ? Juge-t-il beau d’abord ou utile ? Quel est l’ordre de son jugement ? » p.92 « La Renaissance a pris le moyen pour le but, a cru de plus au beau sujet ; elle a donc additionné deux erreurs capitales, l’esprit d’imitation et la copie du beau sujet [ ]. Si un sujet est beau, une forme est belle, c’est une valeur absolue en soi, rigoureuse, intangible. » p.96 « La vie plastique est terriblement dangereuse, l’équivoque y est perpétuelle. Aucun critérium n’est possible, aucun tribunal d’arbitrage n’existe pour trancher le différend du Beau. » p.101 En 1924, autour du spectacle, de la lumière, de la couleur, et de la vie au quotidien : « Nos yeux, fermés pendant des siècles au véritable Beau réaliste, aux phénomènes objectifs qui nous entourent, commencent à s’ouvrir : (…) apparaît une possibilité certaine, celle du culte du Beau (…) la demande du Beau est partout, journalièrement, obsédante et indiscutable. » p.128 Dans Le mur, l’architecte, le peintre, 1933 Fernand Léger constate que personne ni savant ni intellectuel n’a encore pu expliquer « le pourquoi du Beau » et heureusement car « il détruirait cette merveille qu’est le Beau, qui surclasse la mêlée de la vie tumultueuse et mortelle. » p.172 « Michel-Ange sculpteur est le prototype de l’erreur la plus grossière en cherchant le Beau dans la copie de l’ordre musculaire humain. » p174 Dans Couleur dans le monde, 1937 A propos de l’architecture, monument moderne : « On peut concevoir l’intérieur dans le sens beau, tranquille et équilibré, résultat qui à part certaines époques primitives, n’a jamais pu être réalisé. » p.212 « Il faut toujours laisser une route libre pour les artistes. Cette route est celle qui conduit vers le Beau, vers l’œuvre d’art au-dessus des batailles sociales et économiques. » p.223

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5. FERNAND LEGER ET LE CORBUSIER. VISIONS POLYCHROMES

Le  Corbusier,  La  Cité  Radieuse,  Briey-­‐en-­‐Forêt  ©  photographe  Pascal  Volpez©  F.I.C  /  ADAGP,  Paris,  2017  

5.1. INTRODUCTION HORS LES MURS À Briey en Forêt 20 Mai > 24 Septembre 2017 À 36 mn de Metz Distance : 41 km

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Commissariat Elia Biezunski, chargée de mission auprès de la Directrice au Centre Pompidou-Metz Anne Horvath, chargée de coordination et de recherches au Centre Pompidou-Metz  Après avoir découvert la Lorraine sur le front de Verdun pendant la Première Guerre mondiale, c’est à Briey, en 1940, que Fernand Léger imagina le décor d’un centre d’aviation populaire. Ce projet de démocratisation de l’aéronautique, interrompu par la guerre, trouve un écho tout particulier dans la passion de Le Corbusier pour ce qu’il nommait les machines à voler. Quelques années plus tard, c’est au tour de l’architecte d’explorer la région, en expérimentant la polychromie dans la construction de la manufacture de Saint-Dié, avant d’ériger son Unité d’habitation à Briey dans les années 1950. En dialogue avec la rétrospective Fernand Léger. Le Beau est partout au Centre Pompidou-Metz, l’exposition Le Corbusier et Léger. Visions polychromes, présentée à la Cité radieuse de Briey, invite à redécouvrir le bâtiment iconique de Le Corbusier situé à 40 minutes de Metz. L’exposition, conçue en partenariat avec l’association La Première Rue et le Val de Briey, relie la pensée de l’architecte à celle du peintre, révélant leur longue amitié marquée par une célébration commune de la couleur.

Léger et Le Corbusier se rencontrent au café de La Rotonde à Montparnasse en 1920, année fondatrice pour la revue de l’Esprit Nouveau, initiée par l’architecte avec le peintre Amédée Ozenfant et ouverte à un large spectre d’intérêts, énumérés en première de couverture : « architecture, peinture, musique, sciences pures et appliquées, esthétique expérimentale, esthétique de l’ingénieur, urbanisme, philosophie, sociologie économique, sciences morales et politiques, vie moderne, théâtre, spectacle, sports, faits ». Fernand Léger participe de façon sporadique à la publication ; dans une émission consacrée au peintre, Le Corbusier se souvient de ce moment charnière : « Nous sommes devenus bons amis. De [Charles-Edouard] Jeanneret je suis devenu Le Corbusier et on s’est dit tu. » En 1925, il invite Léger à accrocher une toile dans son Pavillon de l’Esprit Nouveau à l’occasion de l’Exposition internationale des Arts décoratifs. Lors de l’Exposition internationale des arts et techniques modernes en 1937, Léger contribue au Pavillon des Temps Nouveaux de Le Corbusier avec la réalisation d’un photomontage monumental.

S’ils ne collaborent qu’à quelques reprises, leurs échanges influencent de manière décisive le rôle qu’ils accordent à la polychromie dans leurs réalisations respectives. Fernand Léger, apprenti dès 16 ans dans un cabinet d’architecture, nourrit un intérêt précoce pour ce domaine. Convaincu de l’interdisciplinarité des arts, il milite en faveur d’une "entente à trois" entre le mur, l’architecte et le peintre. « Comment créer un sentiment d’espace, de rupture des limites ? Tout simplement par la couleur, par des murs de différentes couleurs. (...) La couleur est un puissant moyen d’action, elle peut détruire un mur, elle peut l’orner, elle peut le faire reculer ou avancer, elle crée ce nouvel espace. » affirmait-il. Animé d’un même désir pour la couleur, Le Corbusier estime pour sa part dans son Almanach d’architecture moderne, qu’ « entièrement blanche, la maison serait un pot à crème. »

À travers un riche ensemble de documents d’archives – revues, films, photographies, correspondance, etc. – nombre de leurs projets liant architecture et peinture, parfois méconnus, sont mis en lumière. L’exposition s’ouvre également aux réflexions contemporaines interrogeant la place de l’artiste et de la couleur dans la cité. Le film Dammi i colori, réalisé en 2003 par Anri Sala, entre fortement en résonnance avec les projets polychromes présentés dans l’exposition. Il offre un parcours critique à travers un Tirana multicolore, fruit du désir artistique et politique d’Edi Rama, artiste et ancien maire de la capitale albanaise, « de redonner un sens à la beauté, l’harmonie, au plaisir de vivre ensemble ». Plus de trente étudiants de l'Ecole Supérieure d'Art de Lorraine, dirigés par les professeurs et artistes Agnès Geoffray et Marco Godinho, interagissent avec le parcours et réactivent les idéaux de ces deux maîtres de la modernité. Ils revisitent leurs échanges épistolaires et s’immiscent dans la Cité radieuse pour y infiltrer des gestes artistiques en devenir.

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5.2. LA CITÉ RADIEUSE « Donjon isolé dominant la forêt, vision insolite dans les vues à grande distance, plantée dans les bois de Napatant, l’unité de Briey, une fois inscrite dans le processus de l’approche, perd son étrangeté. A proximité, plusieurs équipements, l’hôpital, un lycée, qui font un quartier, au dessin un peu lâche. L’édifice revient de loin : il est la seule unité à connaître la fermeture complète et de l’absence totale des habitants. Cet épisode se prolonge cinq années durant et la tension culmine au moment de la célébration du centenaire de Le Corbusier. Depuis 1987, et grâce à la pugnacité de quelques-uns, dont le maire de Briey, le sauvetage de l’unité, avec des solutions durables, est acquis. Dans les années 1950, l’arrondissement de Briey connaît le plein emploi ; les mines de fer et les entreprises sidérurgiques sont le moteur d’une croissance forte. La construction de nouvelles usines attire une nombreuse main d’œuvre de techniciens qualifiés et de cadres qui, en raison de la durée des chantiers souhaitent mener sur place leur vie de famille. Cette importante population flottante, bien rémunérée qui s’ajoute à la population de souche et aux jeunes ménages, crée une tension très vive sur le marché du logement locatif, en particulier à Briey même, petite sous-préfecture de cinq mille habitants. C’est pour venir à bout de cette tension que nait en mars 1953 entre Le Corbusier, Georges Henri Pingusson et André Wogenscky, l’idée d’une Cité Radieuse, qui règlerait la question du logements d’un coup. Le promoteur de cette idée lumineuse est un ex-secrétaire d’Etat au Travail du gouvernement de Léon Blum, Philippe Serre, ancien député de Briey et conseiller général qui a commencé sa carrière politique contre François de Wendel aux législatives de 1932, dans la circonscription de Briey, sous la bannière du mouvement Jeune République, où il côtoie, parmi les militants parisiens, Eugène petit, le futur Claudius Petit (B.Prouveau 1999). Est-ce à celui-ci que Serre doit d’être devenu un fervent des idées nouvelles de Le Corbusier ? »32

5.3. L’ASSOCIATION LA PREMIÈRE RUE

L'association La Première Rue est née en 1989 du parrainage international d'une trentaine d'architectes et d'artistes désireux de contribuer à la protection et à la valorisation de cette œuvre majeure du patrimoine architectural moderne : l'Unité d'habitation de Briey-en-Forêt, conçue par Le Corbusier et inaugurée en 1961.

L'association contribue, par des expositions, spectacles, conférences et visites guidées des lieux, au rayonnement de l'architecture moderne à une échelle locale et internationale. Elle permet également aux publics scolaires, étudiants, architectes, chercheurs comme au grand public de s'immerger dans l'œuvre de Le Corbusier et d'y approfondir leurs connaissances.

Chaque année, La Première Rue organise dans sa Galerie Blanche plusieurs expositions temporaires consacrées à l’histoire de l'architecture moderne et contemporaine et aux arts visuels.

                                                                                                               32  Guy Vattier, L’architecte et le militant, Edition de l’ingénu, 2015, p.23

 

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Le  Corbusier,  La  rue  intérieure  du  premier  étage  de  l’unité  d'habitation  de  Briey-­‐en-­‐Forêt  ©  photographe  Pascal  Volpez    ©  Association  La  Première  Rue©  Adagp  2017  

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5.4. CHRONOLOGIE  

FERNAND LÉGER DATES CUMMUNES OU MISES EN PARALLÈLE

LE CORBUSIER

1881 Fernand Léger naît à Argentan en Normandie.

1900 A dix-neuf ans, Léger s’installe à Paris où il suit des cours de peinture, après une courte formation en architecture. Jeanneret commence une formation de graveur ciseleur.

1907

Léger expose pour la première fois au Salon d’automne tandis que

Jeanneret voyage en Italie et en Autriche.

1909

Léger s’installe à la Ruche et y rencontre Robert Delaunay, Alexander

Archipenko, Chaïm Soutine, Marc Chagall, Blaise Cendrars…

De son côté, Jeanneret construit les villas Stotzer et Jaquemet à La

Chaux-de-Fonds.

1911 Léger fréquente les théoriciens du

cubisme, Albert Gleizes et Jean Metzinger, et les frères Duchamp.

Ensemble, ils forment le groupe de la Section d’or.

Jeanneret effectue de nombreux voyages au cours desquels il dessine

et photographie.

1912 Les expositions de Léger se multiplient à Paris comme à

l’étranger. Jeanneret réalise la villa Jeanneret-Perret à La Chaux-de-

Fonds.

1913 Léger participe à l’Armory Show à

New York et signe un contrat avec la galerie parisienne Kahnweiler.

Jeanneret expose pour la première fois dix aquarelles, Le langage des

Pierres, au Salon d'Automne à Paris.

1887 Charles-Edouard Jeanneret Gris (dit Le Corbusier) naît à La Chaux-de-

Fonds en Suisse.

1904 Jeanneret entre au cours supérieur de

décoration puis s’oriente vers l'architecture.

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FERNAND LÉGER DATES CUMMUNES OU MISES EN PARALLÈLE

LE CORBUSIER

1914-1916 Mobilisé en 1914, Léger passe dix-

huit mois au front en forêt d’Argonne puis trois mois à Verdun.

Jeanneret entreprend un voyage à Cologne, produit ses premières études

sur la maison « Dom-Ino », rédige son manuscrit « La construction des

villes » et construit la villa Schwob et le cinéma La Scala à La Chaux-de-

Fonds.

1917 Léger est hospitalisé à Paris puis à

Villepinte. Il signe un contrat avec la Galerie de l’Effort moderne de Léonce

Rosenberg qui le représentera pendant dix ans.

De son côté, Jeanneret ouvre son premier atelier d'architecture à Paris.

1918

Léger est réformé et collabore avec Blaise Cendrars pour l’illustration d’

ouvrages. Jeanneret rencontre Georges Braque,

Pablo Picasso ainsi que Amédée Ozenfant avec qui il organise une

exposition puriste à la Galerie Thomas à Paris.

1920

Léger et Jeanneret se rencontrent au café de La Rotonde à Montparnasse.

Jeanneret et Ozenfant fondent la revue L’Esprit Nouveau. Jeanneret

adopte le pseudonyme « Le Corbusier ».

1922

Le Corbusier présente le plan de la Ville contemporaine de trois millions

d'habitants et construit la villa Besnus à Vaucresson ainsi que la maison-atelier Ozenfant à Paris.

Léger crée des décors et costumes pour les Ballets suédois et pour le

film de Marcel L’Herbier L’Inhumaine. Il réalise un projet de couverture pour

la revue L’Esprit Nouveau.

1923 Le Corbusier construit les maisons La

Roche-Jeanneret à Paris. L’architecte et le peintre visitent

l’exposition des architectes du groupe De Stijl à la galerie de l’Effort

moderne.

1924 Léger réalise avec le cinéaste Dudley Murphy le film sans scénario Ballet

mécanique et ouvre L’Académie moderne où Ozenfant enseigne.

Le Corbusier initie le projet de la Cité Frugès à Pessac.

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FERNAND LÉGER DATES CUMMUNES OU MISES EN PARALLÈLE

LE CORBUSIER

1931

Léger voyage pour la première fois aux Etats-Unis.

1935 Léger collabore avec Charlotte

Perriand pour l’Exposition internationale qui se tient à

Bruxelles. Il assiste à la rétrospective de ses œuvres au Museum of Modern

Art à New York.

1925 Léger contribue à la revue L’Esprit

Nouveau. Lors de l’Exposition internationale des Arts décoratifs, il

participe au Pavillon de l’Esprit Nouveau conçu par Le Corbusier et au

hall de l’ambassade française dessinée par Robert Mallet-Stevens.

1930

Le Corbusier obtient la nationalité française et se marie avec Yvonne

Gallis. Il entreprend ensuite un voyage à travers l'Espagne avec Fernand Léger, Pierre et Albert

Jeanneret.

1933 En compagnie de Le Corbusier, Léger participe au CIAM IV à Athènes où il déclame son célèbre discours Le mur,

l’architecte et le peintre, plaidoyer pour une synthèse des arts majeurs.

1936 Léger et Le Corbusier réalisent

chacun une fresque murale chez Jean Badovici à Vézelay.

1937

Dans le cadre de l’Exposition internationale des arts et des

techniques de la vie moderne à Paris, Le Corbusier construit le Pavillon des Temps Nouveaux pour lequel Léger

réalise l’immense photomontage Travailler. Le peintre contribue

également à plusieurs projets au Palais de la Découverte, au Pavillon de l’Union des Artistes Modernes, au

Pavillon de la solidarité pour la Confédération Générale du Travail et au Centre rural pour le Ministère de

l’Agriculture.

1938 Léger voyage aux Etats-Unis où il

fréquente Nelson Rockefeller, dont il décore l’un des appartements.

Le Corbusier publie « Des canons, des munitions ?

Merci ! Des logis s.v.p. » Il peint un ensemble de fresques dans la villa E.1027 d’Eileen Gray et Jean Badovici et prononce la conférence Les relations entre architecture et

peinture.

1928 Le Corbusier fonde les CIAM (Congrès

Internationaux d’Architecture Moderne).

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FERNAND LÉGER DATES CUMMUNES OU MISES EN PARALLÈLE

LE CORBUSIER

1949 Le Musée national d’art moderne à

Paris organise une exposition rétrospective des œuvres de Léger.

1953

Léger colorise les plans du Village polychrome dessiné par l’architecte André Bruyère, projet qui n’aboutira

pas.

1954 En collaboration avec l’architecte

américain Paul Nelson, Léger propose un projet de polychromie pour

l’hôpital de Saint-Lô qui ne sera pas accepté. Il réalise néanmoins deux

décors en mosaïque.

1955 Léger meurt le 17 août.

1960 Construit sur une propriété qu’il avait acquise pour sa villégiature, le Musée national Fernand Léger est inauguré

à Biot.

1940 Léger imagine les décors du futur centre populaire d’aviation à Briey, qui ne verra jamais le jour compte tenu des événements politiques. Il

embarque alors pour New York où il séjourne durant les années de guerre. Le Corbusier quitte aussi Paris pour

Ozon dans les Pyrénées avec sa femme Yvonne et Pierre Jeanneret.

1945 A son retour en France, Léger réalise plusieurs commandes d’art sacré, la mosaïque de la façade de l’église d’Assy puis les vitraux de l’église

d’Audincourt l’année suivante. Le Corbusier visite New York pour la

première fois.

1939-1940

Le Corbusier et Raoul Simon rénovent un centre de réadaptation pour jeunes

chômeurs rue le Bua à Paris qu’ils revêtent d’une « fanfare de

couleurs ».

1941-1942 Le Corbusier effectue un long séjour à

Vichy avant de revenir à Paris en 1942.

1946 Le Corbusier construit la manufacture

de Saint-Dié.

1947 Le Corbusier pose la première pierre

de l'Unité d'habitation de la Cité radieuse à Marseille.

1952

Le Corbusier est Commandeur de la Légion d'Honneur et inaugure l'Unité

d'habitation de Marseille.

1957 Le Corbusier commence la

construction des Cités radieuses de Berlin et Briey.

1962 Le Musée national d'art moderne

organise une exposition rétrospective des œuvres de Le Corbusier.

1965

Le Corbusier meurt le 27 août au Cap Martin au cours d'une baignade dans

la Méditerranée.

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5.5. LE PARCOURS DE L’EXPOSITION PARTIE 1 : LA COULEUR COORDONÉE À LA FORME « La polychromie architecturale s’empare du mur entier, et le qualifie avec la puissance du sang, ou la fraîcheur de la prairie, ou l’éclat du soleil, ou la profondeur du ciel et de la mer. Quelles forces disponibles ! » Le Corbusier, conférence à Rome, 1936

« Un mur nu est une surface morte. Un mur coloré devient une surface vivante. » Fernand Léger, L’architecture moderne et la couleur, 1951

À L’ORIGINE Visitée par Le Corbusier et Léger, l’exposition des architectes du groupe De Stijl à la Galerie de l’Effort Moderne de Léonce Rosenberg en 1923 marque un tournant dans leur réflexion sur la polychromie architecturale. Les maquettes – notamment celle de la Maison particulière de Cornelis van Eesteren – qu’ils y découvrent, régissent l’espace selon des rapports de plans et de couleurs autour d’un axe central. ÉMERGENCE D’UNE THÉORIE Le Corbusier lance alors la polémique en affirmant que la couleur ne peut s’appliquer qu’en plans monochromes et non scander l’espace d’un même mur par différentes teintes. Par la suite, l’architecte et le peintre théorisent le pouvoir de chaque couleur : tandis qu’un mur bleu clair recule, un mur noir avance et un mur jaune disparaît. Léger qualifie alors la transformation du « rectangle habitable » en « rectangle élastique ». LA MAISON LA ROCHE Commande du collectionneur Raoul La Roche en 1923, cette construction dévoile les « cinq points d’une architecture nouvelle » théorisés par Le Corbusier quatre ans plus tard : les pilotis, la fenêtre en longueur, le toit jardin, le plan libre et la façade libre. C’est également l’un des premiers exemples d’expérimentation de polychromie intérieure chez Le Corbusier, qui rythme la balade architecturale, du grand hall à la galerie de tableaux : « pour que le blanc soit appréciable, il faut la présence d'une polychromie bien réglée : les murs en pénombre seront bleus, ceux en pleine lumière seront rouges ; on fait disparaître un corps de bâtisse en le peignant en terre d'ombre naturelle pure et ainsi de suite. 33»

 Le  Corbusier  Maison  La  Roche,  croquis  d’étude,  perspective  intérieure    1923,  reproduction  Crayon  noir,  encre  de  Chine  et  gouache  de  couleur    Dimensions  originales  :  56,9  x  58,8  cm  ©  Fondation  Le  Corbusier,  Paris  ©  Adagp  2017  

                                                                                                               33 Le Corbusier, Œuvre complète, volume 1, 1910-1929, Ed. Willy Boesiger et Oscar Stonorov

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LA CITÉ FRUGÈS Portant le nom du riche industriel qui confia à Le Corbusier la mission de proposer une solution à l’habitat à bon marché, la Cité Frugès incarne les rêves d’un urbanisme moderne. La méthode employée est simple : la standardisation des éléments de construction pensés comme des modules et l’emploi du ciment armé. Constatant le caractère serré du lotissement, Le Corbusier déploie pour la première fois une polychromie neuve et rationnelle sur les façades, autant envisagée pour son pouvoir physiologique que pour ses capacités de construction. « Considérer la couleur comme apporteuse d'espace. Voici comment nous avons établi des points fixes : certaines façades peintes en terre de sienne brûlée pure. Nous avons fait fuir au loin des lignées de maisons : bleu outremer clair. 34»

                                                                                                               34 Le Corbusier, Œuvre complète, volume 1, 1910-1929, Ed. Willy Boesiger et Oscar Stonorov

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PARTIE 2 : LA COULEUR EN LIBERTÉ

« (…) ces grands décors muraux en couleurs libres dont l’emploi peut détruire la morne sobriété de certaines architectures : gares, grands espaces publics, usines, pourquoi pas ? » Fernand Léger, De la couleur au mur, 1952

« J’admets la fresque non pas pour mettre en valeur un mur mais au contraire comme un moyen de détruire tumultueusement le mur, lui enlever toute notion de

stabilité, de poids. » Le Corbusier, Lettre à Victor Nekrassov, Paris, le 20 décembre 1932

VERS UNE AUTONOMIE DE LA COULEUR Alors que les premières architectures polychromes de Le Corbusier subordonnaient la peinture à l’architecture, la couleur gagne peu à peu en autonomie dès le début des années 1930. L’architecte diversifie sa gamme de tonalités et son emploi, s’autorisant des assemblages de couleurs parfois indépendants du plan du bâtiment et de son orientation géographique. LES CLAVIERS DE COULEURS (1931 et 1959) Le Corbusier développe des « claviers de couleurs » dès 1931, en collaboration avec l’entreprise de papiers peints Salubra, offrant aux habitants la possibilité de combiner harmonieusement 43 tons selon leur propre sensibilité. Ces « peintures à l’huile vendues en rouleaux » sont ainsi utilisées selon des choix individuels dans l’Immeuble Clarté, construit à Genève entre 1930 et 1932. À la même période, ces répertoires de couleurs introduisent une totale diversité dans les 50 chambres, pourtant construites à l’identique, du Pavillon Suisse de la Cité Universitaire à Paris. Le Corbusier y combine plusieurs couleurs sur un même mur, indépendamment du plan et aux dépens de la doctrine puriste appliquée jusqu’alors. Ces assemblages de couleurs apparaissent également dans l’usine Claude et Duval de Saint-Dié en 1946 dont Le Corbusier signale les « couleurs saisissantes, poussées à la plus puissante intensité 35». LA FRESQUE : OUVERTURE VERS UN ESPACE LIBRE Léger et Le Corbusier exploitent la force des couleurs pour lutter contre l’uniformité, insuffler vie et émotion dans l’architecture. Lorsqu’elles s’étendent à la dimension de la fresque, elles acquièrent la capacité d’oblitérer le mur, ouvrant un nouvel espace totalement libre, au-delà de l’architecture. LES FRESQUES DANS LA MAISON DE JEAN BADOVICI À VÉZELAY En 1936, Jean Badovici invite Fernand Léger et Le Corbusier à réaliser des fresques pour sa maison de Vézelay, en Bourgogne, à quelques mois d’intervalle. Dans la revue L’Architecture d’Aujourd’hui, Jean Badovici témoigne l’année suivante : « Dans la cour, Le Corbusier, Fernand Léger et moi. [ ] Devant le mur, la discussion se dépouille, et – battant neuf – une idée nous vient à tous : CELLE DE LA DESTRUCTION DES MURS PAR LA PEINTURE complétant par excellence, l’architecture à venir. [ ] Dans la fresque réalisée en Bourgogne et qui est un départ, Léger a rompu le mur en le multipliant. (…) Léger est tout glorieux de s’être mis LE MUR à dos. »

                                                                                                               35 Le Corbusier, Œuvre complète, volume 5, 1946-1952, Ed. Willy Boesiger

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PARTIE 3 : COULEUR UTOPIE « Paris tout blanc » et le soir, des avions et projecteurs inondant la ville de couleurs vives et mobiles. Pourquoi pas ? » Fernand Léger, Un nouvel espace en architecture, 1949 « Voilà ce qui donne à nos rêves de la hardiesse : ils peuvent être réalisés » Le Corbusier, Urbanisme, 1925 LE POUVOIR PSYCHOLOGIQUE ET POLITIQUE DE LA COULEUR Fernand Léger et Le Corbusier, comme de nombreux artistes de leur temps, rêvent d’un monde nouveau et voient en la couleur une voie possible pour insuffler joie et bien-être dans la cité. « Cette action lumière-couleur n’a pas seulement une valeur extérieure, soutient Fernand Léger en 1946, elle peut, en se développant rationnellement, transformer une société. 36» Le peintre et l’architecte prêtent à la couleur des vertus psychologiques, curatives et spirituelles. Au-delà du pouvoir qu’elle exerce sur l’individu, ils considèrent que son action peut prendre une dimension politique et sociale et s’étendre à l’urbanisme. Fernand Léger imagine des rues polychromes pour Moscou, tente de répondre à la démesure de Manhattan par la mise en mouvement de l’architecture et élabore des études pour un projet de village polychrome conçu par André Bruyère à Biot. En 1925, Le Corbusier appelle quant à lui chaque citoyen à « remplacer ses tentures, ses damas, ses papiers peints, ses pochoirs, par une couche pure de ripolin blanc » pour répandre « la joie de vivre, la joie d'agir. 37» Dans le contexte de la reconstruction d’après guerre, il construit des cités et villes radieuses, « machines à habiter » rationnelles, standardisées qu’il perçoit comme idéales. DES PROJETS INACHEVÉS L’HÔPITAL SAINT-LÔ « A une renaissance de vitalité correspond une action directe de la couleur 38» déclare Le Corbusier. Léger recommande quant à lui pour les hôpitaux des « salles reposantes, vertes ou bleues pour les nerveux, d’autres salles, jaunes et rouges pour les anémiés. » Ce dernier met en pratique ses convictions à travers un projet de polychromie pour l’hôpital-mémorial de Saint-Lô, en collaboration avec l’architecte Paul Nelson. Le projet de polychromie extérieure, basé sur de larges aplats de couleurs indépendants des volumes architecturaux, jugé disgracieux et en contradiction avec la forme architecturale, sera finalement abandonné. Seule la polychromie des claustra et la mosaïque extérieure seront réalisées à partir des dessins de Fernand Léger. LES PEINTURES MURALES CINÉMATOGRAPHIQUES Dans un entretien avec Dora Vallier en 1954, Léger évoque sa fascination pour le dynamisme coloré des grandes métropoles : « Quand j’étais à New York, j’ai été frappé par les projections publicitaires de Broadway qui balayent les rues. Vous êtes là, vous parlez avec quelqu’un et tout à coup, il devient bleu. Puis la couleur passe, une autre arrive et il devient rouge, jaune. Cette couleur là, la couleur du projecteur est libre : elle est dans l’espace. 39» En 1938, Léger propose à Nelson Rockefeller d’immenses peintures murales cinématographiques pour décorer le Radio City Hall à New York. Léger imagine sept

                                                                                                               36 Fernand Léger, L’architecture moderne et la couleur, ou la création d’un nouvel espace vital, 1946 in Fonctions de la peinture, Ed. Folio essais, 1997 37 Le Corbusier, L’art décoratif d’aujourd’hui, 1925, Ed. G. Crès 38 Le Corbusier, Polychromie architecturale, 1931 39 Fernand Léger cité par Dora Vallier dans l’article La vie dans l’œuvre de Léger in Cahiers d’art n°1, 1954

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dessins dont les couleurs seraient projetées sur les murs en marbre. Le projet est refusé par le père de Nelson Rockefeller.

Le  Corbusier,  Plafond  de  l’usine  Claude  et  Duval  de  Saint-­‐Dié-­‐des-­‐Vosges,  1946  Paris,  Fondation  Le  Corbusier  ©  photographe  Olivier  Martin  Gambier,  2005  ©  Adagp,2017

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MISE EN PERSPECTIVE CONTEMPORAINE DAMMI I COLORI D’ANRI SALA (2003) Le film Dammi i colori [Donne-moi les couleurs] d’Anri Sala capte la transformation chromatique opérée par l’artiste et ancien maire de Tirana Edi Rama, épaulé par des artistes locaux et de renommée internationale. Il interroge l’héritage des visions polychromes portées par les idéaux modernistes dans l’espoir de ranimer la ville. Dans un entretien mené par Jean-Roch Bouiller, Anri Sala nuance cependant ce parallèle : « même s’il est séduisant de ranger cette action dans le contexte plus large des utopies d’autrefois et d’autres lieux, je suis convaincu que l’intervention des couleurs à Tirana était avant tout une réponse concrète, même si elle fût surprenante et inattendue, répondant aux urgences de l’ « ici et maintenant ». C’était une action incitée par le désir perdu pour le bien collectif et pour l’espace public. Il faut rappeler qu’après cinquante ans de régime communiste et des décennies de transition sans fin, l’idée même de l’utopie continue de provoquer un sentiment de rejet chez la plupart des Albanais. » PROJET PÉDAGOGIQUE PROPOSITIONS DES ÉTUDIANTS DE L’ÉCOLE SUPÉRIEURE D’ART DE LORRAINE DE METZ Vingt-six étudiants ont collecté, sous l’impulsion d’Agnès Geoffray, artiste et professeur, des fragments issus des lettres, cartes postales et télégrammes échangés entre Léger et Le Corbusier, pour les mêler à leurs propres mots. Entre colorisations, découpes et palimpsestes, leurs créations – un ensemble de cartes postales – interrogent le rapport texte-image, où l’écriture, le dessin et la photographie interfèrent sans cesse pour mieux se réinventer. En imaginant cette nouvelle correspondance, ils repensent tout à la fois la plasticité de l'écriture comme des images, pour faire de ces missives des objets à part entière. Un second groupe, composé de treize étudiants, interroge avec Marco Godinho, artiste et professeur, l’engagement social de l’artiste dans la cité, revendiqué par Fernand Léger et Le Corbusier. Après être allés à la rencontre des habitants de la Cité radieuse, les étudiants proposent des œuvres protocolaires, comme autant de suggestions à réactiver, seul ou en groupe. Les protocoles ont vocation à susciter des actions, des interventions, des performances, des gestes simples qui questionnent notre lien à l’autre et aux espaces partagés. Ces modes d’emploi insolites sont réunis dans une édition/portfolio, projet nomade et éphémère dont l’économie de moyens appelle à un intense dialogue social, politique et poétique.

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6. PISTES PÉDAGOGIQUES

Citations extraites de Fonctions de la peinture. Editions Folio essais 2009. Cette édition revue et augmentée de Fonctions de la peinture parue en 1965 sous une présentation thématique reprend les textes de Fernand Léger dans leur ordre chronologique, corrigés selon les manuscrits originaux. Cette approche théorique permet d’éclairer sa production artistique tout au long de sa vie. Nous vous proposons d’aborder ces textes au travers de 17 notions qui constituent son vocabulaire plastique et sa démarche de création, et mettent en évidence ses questionnements, présents dans toute son œuvre.

VOCABULAIRE PLASTIQUE

Abstraction 1923 : « L’œuvre plastique c’est « l’état d’équivoque » de ces deux valeurs, le réel et l’imaginé. Trouver l’équilibre entre ces deux pôles-là, là est la difficulté [ ]. Faire de l’abstrait pur ou de l’imitation, c’est vraiment trop facile et c’est éviter le problème dans son total. » p.65 « Nous vivons dans un monde géométrique, c’est indéniable et aussi dans un état fréquemment contrasté.» p.84 1931 : « L’abstraction pure, poussée dans ce nouvel esprit à ses limites, est une partie dangereuse qu’il fallait jouer » p148 et à propos de New York et de son architecture : « Une élégance inconnue, pas voulue se dégage de cette abstraction géométrique. Serrés dans deux angles en métal, ce sont des chiffres, des nombres qui montent, rigides, vers le ciel, domptés par la perspective déformante [ ]. » p.152 1935 : « Ce que l’on appelle tableau abstrait n’existe pas. Il n’y a pas d’abstrait, ni de concret. Il y a un beau tableau et un mauvais tableau. Il y a le tableau qui vous émeut et celui qui vous laisse indifférent. » p.190 1950 : « On a beaucoup critiqué l’Art pour l’Art (c’est-à-dire sans sujet), et l’Art abstrait ( c’est-à-dire sans objet ) mais il semble bien que leur temps va finir. » p.279 1954 : « Pour moi, l’application de l’art abstrait me convient absolument pour les grands décors muraux. » p.300 « Toute toile, même non représentative, qui procède des rapports harmonieux des trois forces : couleur, valeur, dessin, est œuvre d’art [ ]. Quelquefois ces rapports ne sont que décoratifs lorsqu’ils sont abstraits. » p.316 Architecture 1924 : « J’aurais donc à causer d’un ordre architectural nouveau : l’architecture de la mécanique. Toute l’architecture ancienne et moderne procède elle aussi, des volontés géométriques. » p.88 « J’ai collaboré à des motifs architecturaux, je me contentais alors d’être ornemental, les volumes étant donnés par l’architecture et les personnages évoluant autour. » p.104

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A propos du cirque : « Je suis pris par cette architecture singulière de mâts colorés, de tubes métalliques, de fils qui se croisent et qui agissent sous l’effet de la lumière. » p.120 A propos de la ville : « Ce n’est ni plus ni moins créer de toutes pièces « l’architecture polychrome » englobant toutes les manifestations de publicité courante. » p.130 1931 : A propos de New York « Naturellement, le volume de l’architecture devait les tenter. Tout ce qui se voit, avant tout. L’architecture et la lumière sont les deux pôles de leur expression plastique ; dans le baroque, ils atteignent le monstrueux. » p.155 1933 : « Les architectures modernes ont mis l’individu « devant le mur », à tel point que les meubles rentrent eux-mêmes dans le mur. Il les avale et se referme ; la surface redevient lisse. » p.178 1937 : « Une architecture se compose de surfaces vives et de surfaces mortes. Les surfaces mortes sont les réserves de repos ; on n’y touchera pas ; les surfaces vives sont à disposer pour la forme, pour le peintre et pour le sculpteur. » p.210 1946 : « Donc c’est le problème de la couleur dans l’architecture et sa fonction dynamique ou statique, décorative ou destructive. » p.239 « A l’Exposition de 1925 un gros effort avait déjà été accompli. Vous vous rappelez les architectures très simplifiées dans lesquelles nous avons exposé nos tableaux de couleur pure ? L’architecture s’était entièrement nettoyée : ce fut une époque puriste. » p.254 1949 : « J’ai souvent rêvé d’architecture ronde, habiter des boules. Je ne vois pas pourquoi la mécanique ne nous fournirait pas cette possibilité. » p.266 1954 : « On ne doit pas prendre l’architecture comme un dispositif pour accrocher des tableaux : c’est une erreur ancienne. Il faut établir un état de collaboration. » p.301 Cercle (rond, roue, sphère) 1924 : « La roue lumineuse et colorée s’impose dans les fêtes foraines. Le cercle satisfait l’œil humain : c’est totalité, il n’y a pas de solution de continuité. La boule, la sphère, comme valeurs plastiques sont énormes. » p.127 1949 : Dans un texte sur le cirque « Puisque la terre est ronde, comment voulez-vous jouer carré ? Depuis la tête d’un homme et le corps d’une femme et la forme d’un arbre qui s’inscrivent dans un jeu de courbes, depuis le cerceau qui roule sur le trottoir et la roue que l’ouvrier tient sur son épaule et la tarte sur la tête du petit pâtissier, nous courons l’aventure fabuleuse du cercle gagnant à la loterie du coin » p.265 « Il y a une satisfaction visuelle tactile d’une forme ronde. C’est tellement évident que le cercle est plus agréable, il a cet avantage de se déplacer plus vite, ça roule. » p.266 « Allez au cirque. Rien n’est aussi rond que le cirque. C’est une énorme cuvette dans laquelle se développent des formes circulaires. Ca n’arrête pas, tout s’enchaîne [ ] et vous allez au pays des cercles en action [ ]. Le rond est libre, il n’a ni commencement ni fin. » p.267 Contraste (mise en, jeu de, ou loi du) 1913 : « Au divisionnisme de la couleur, aussi timide soit-il, mais qui existe chez les impressionnistes, succède non un contraste statique, mais une recherche semblable dans le divisionnisme de la forme et du dessin. » p.32

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« Les contrastes picturaux employés dans leur acception la plus pure (complémentaires de couleurs et de lignes, de formes) sont désormais les armatures des tableaux modernes. » p.33 « La composition par contraste multiplicatif, en employant tous les moyens picturaux, permet en plus d’une grande expérience réaliste une certitude de vérité ; [ ] vous composez un tableau de telle sorte que des groupes de formes similaires s’opposent à d’autres groupements contraires. [ ] Contraste = dissonances, par conséquent maximum dans l’effet d’expression. » p.48 1923 : « D’ailleurs je reconnais que la vie moderne est souvent en état de contraste et facilite le travail » p.64 « Pour cela, j’applique la loi des contrastes plastiques [ ] Je groupe des valeurs contraires, surfaces plates opposées à des surfaces modelées, personnages en volumes opposés à des façades plates de maisons, fumées en volumes modelés, opposées à des surfaces vives d’architecture, tons purs plats, opposés à des tons gris modelés ou inversement. » p.83 A propos de Ballet mécanique « Contraster les objets, des passages lents et rapides, des repos, des intensités, tout le film est construit là-dessus » p.137 1945 : « A ce moment-là, il lui est possible d’utiliser la loi des contrastes, qui est la loi constructive dans toute son ampleur. » p.227 « La loi des contrastes domine la vie humaine dans toutes ses manifestations sentimentales, spectaculaires ou dramatiques. » p.228 1952 ? : « Un dispositif mélodieux « accompagne le mur », un dispositif contrasté détruit le mur. » p.310 Couleurs 1913 : à propos de Cézanne « Il sentit la nécessité d’une forme et d’un dessin nouveaux, s’adaptant étroitement à une couleur nouvelle. » p.29 « Ce concept qui consiste à utiliser le contraste immédiat de deux tons pour éviter la surface morte est négatif dans la construction du grand tableau. » p.47 « Pour arriver à la construction par la couleur, il faut qu’au point de vue valeur, les deux tons s’équilibrent, autrement dit se neutralisent, si le plan coloré vert, par exemple, est plus important que le plan coloré rouge, il n’y a plus construction. » p.48 1923 : « L’exemple le plus fréquent c’est le panneau-réclame dur et sec, couleurs violentes, lettres typographiques, qui coupe un paysage mélodieux. » p.64 1924 : « Organisons la vie extérieure dans son domaine : forme, couleur, lumière. » p.130 « La couleur et la lumière fonction sociale, fonction nécessaire. [ ] Faisons entrer la couleur, nécessité vitale comme l’eau et le feu, dosons-la savamment, qu’elle soit une valeur agréable, une valeur psychologique, son influence morale peut être considérable. » p.131 1931 : « Mais le ton local reprend sa place. Le ton local a plus de force colorante. [ ] Trop de couleur, pas de couleur. Le ton local est donc en question. C’est lui qui s’impose dans l’œuvre des cubistes et des néo-plasticiens. » p.146

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1936 : « C’est l’impressionnisme qui a « rompu la ligne ». Cézanne en particulier ; les modernes ont suivi en accentuant la libération. Nous avons libéré la couleur et la forme géométrique. » p.196 1937 : « Son action n’est pas que décorative ; [ ] Liée à la lumière, elle devient intensité ; [ ] Le sentiment de joie, d’émulation, de force, d’action se trouve renforcé, élargi par la couleur. » p.205 « Je pense que l’on pourrait, si on le voulait, ordonner toute cette débauche colorée. Il y a un plan possible de distribution des couleurs dans une ville moderne : une rue rouge, une rue jaune, une place bleue, un boulevard blanc, quelques monuments polychromes. » p.208 « On va habiller les murs. [ ] par des apports colorés sans autre signification que la couleur elle-même, [ ] la couleur est en elle-même une réalité plastique. C’est un nouveau réalisme. » p.211 1946 : « C’est avec Robert Delaunay que nous avons mené la bataille, que nous avons travaillé pour libérer la couleur. Avant nous le vert, c’était un arbre, le bleu c’était le ciel, etc. Après nous, la couleur est devenue un objet en soi » p.253 Corps (figure humaine) 1952 : Comment je conçois la figure : « On aurait aussi bien pu changer ce titre et décider de celui-ci : « Le trousseau de clés dans l’œuvre de Léger », ou encore, « La bicyclette dans l’œuvre de Léger ». Cela veut dire que pour moi la figure humaine, le corps humain n’ont pas plus d’importance que des clés ou des vélos. C’est vrai. Ce sont pour moi des objets valables plastiquement et à disposer suivant mon choix. » p.285 Dessin 1913 : « C’est un acquis des peintres modernes d’avoir compris cela ; avant eux, un dessin avait une valeur en soi et une peinture en elle-même ; désormais on rassemble tout, pour pouvoir arriver à une variété nécessaire et à une puissance réaliste maximum. » 1935 : « Je vais m’intéresser à l’arbre seul, l’étudier et en sortir toutes les possibilités plastiques qu’il comporte : son écorce qui a un dessin souvent expressif, ses branches dont le mouvement est dynamique, ses feuilles qui peuvent valoir décorativement. » p.188 1937 : « Les dessins d’enfants sont généralement beaux et toujours inventés. Ils ne copient pas la nature. » p.216 Formes 1923 : « J’oppose des courbes à des droites, des surfaces plates à des formes modelées, des tons locaux purs à des gris nuancés. Ces formes initiales plastiques s’inscrivent sur des éléments objectifs ou non, c’est sans importance pour moi. Ce n’est qu’une question de variété. » p.63 1945 : « Nos tableaux, c’est notre argot ; on transpose des objets, des formes, des couleurs. » p.231 1952 : « La liberté de disposition des lignes, formes et couleurs permet de résoudre le problème architectural des couleurs d’accompagnement ou de destruction. » p.310

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« Ce n’est pas parce que ces artistes du XVIe siècle ont imité les formes humaines qu’ils sont supérieurs aux Hautes Epoques égyptienne, chaldéenne, indochinoise, romane, gothique qui, elles, interprétaient la forme, la stylisaient, mais ne l’imitaient pas. » p.315 Image (cinéma, gros plan, fragmentation) 1922 : « La raison d’être du cinéma, la seule, c’est l’image projetée. Cette image qui, colorée, mais immobile, captive toujours les enfants et les hommes, voilà qu’elle remue. On a suscité l’image mobile, le monde entier est à genoux devant cette merveilleuse image qui bouge. » p.57 « La fragmentation de l’objet, l’objet valeur plastique en soi, son équivalence picturale et poétique est depuis longtemps déjà du domaine des arts modernes. » p.56 « Gance va plus loin, puisque sa machine merveilleuse peut donner le fragment de l’objet. » p.59 1924 : « Leurs moyens sont pourtant infinis, illimités, ils ont cette possibilité étonnante de pouvoir personnifier et donner une vie totale à un fragment ; le gros plan c’est leur alphabet, ils peuvent identifier plastiquement un détail. » p.124 « J’invente des images de machines, comme d’autres font, d’imagination, des paysages. » p.103 « Dans un art comme celui-là où l’image doit être tout et où elle est sacrifiée à une anecdote romanesque, il y avait à se défendre et à prouver que les arts d’imagination, relégués aux accessoires, pouvaient, tout seuls, par leurs propres moyens, construire des films sans scénario en considérant l’image mobile comme personnage principal. » p.135 Lignes 1922 : « une figure fixe sur une machine qui bouge, une main modulée en contraste avec un amas géométrique, des disques, formes abstraites, jeux de courbes et de droites (contrastes de lignes) ; éblouissante, admirable, une géométrie mobile qui vous étonne. » p.58-59 1923 : « Le rapport des volumes, des lignes et des couleurs demande une orchestration et un ordre absolus. » p.62 « L’art grec a fait dominer les lignes horizontales. Il a influencé tout le XVIIe siècle français. Le Roman, les lignes verticales. Le Gothique a réalisé l’équilibre souvent parfait entre les jeux de courbes et de droites, [ ] c’est le jeu des lignes complémentaires qui agissent, étant opposées par contraste. » p.88 1933 : « Il est question d’une équivalence de la nature, [ ] et une harmonie créée par l’assemblage de lignes, de couleurs et de formes indépendamment de la représentation. » p.172 1949 : « Elle est ronde la ligne droite, et le plus court chemin d’un point à un autre. » p.266 Lumière 1923 : « Chaque objet-machine comporte deux qualités de matières, une souvent peinte et absorbant la lumière qui reste fixe (valeur architecturale) ; et une autre (métal blanc le plus souvent) qui renvoie la lumière et qui joue le rôle de la fantaisie illimitée

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(valeur peinture). La lumière est donc déterminante de la valeur variété dans l’objet-machine. » p.90 1924 : « C’est fini le brouillard, le clair-obscur, c’est l’avènement de l’état de lumière. Tant pis pour les yeux affaiblis. » p.108 1931 : « New York transparent, translucide, les étages bleus, rouges, jaunes ! Une féerie sans exemple, la lumière déchainée par Edison transperçant tout cela et pulvérisant les architectures. » p.159 1933 : à propos d’architecture « L’ombre même n’ose plus entrer, elle n’y trouve plus sa place. C’est un minotaure moderne, ivre de lumière et de clarté, qui se dresse devant le petit bonhomme moderne [ ]. » p.178 1949 : « Un vélo est un objet en action dans la lumière. [ ] Sous la lumière il perd sa forme et devient une magie colorée comme une culasse de 75 ouverte en plein soleil. » p.263-264 « La lumière est maitresse des formes, elle les découpe ou les silhouette, les mélange, les arrête. » p.269 Machine (mécanique ; élément ou milieu) 1914 : « Mais les locomotives, les automobiles, si vous y tenez, les panneaux-réclames, tout est bon à l’application d’une forme de mouvement ; toute cette recherche vient, comme je l’ai déjà dit, de l’ambiance moderne. » p.49 1923 : « L’élément mécanique n’est qu’un moyen et non un but. Je le considère simplement « matière première » plastique comme les éléments d’un paysage ou d’une nature morte. » p.61 « On peut affirmer ceci : une machine ou objet fabriqué peut être beau lorsque les rapports de lignes qu’inscrivent ces volumes sont équilibrés dans un ordre équivalent à celui des architectures précédentes. » p.89 « L’objet machine polychromée, c’est un recommencement, une espèce de renaissance de l’objet initial. La machine, je le sais, créé elle aussi des ornements ; mais étant, par sa fonction, condamnée à travailler dans l’ordre géométrique, je lui fais plus confiance qu’au monsieur à cheveux longs et à lavallière, ivre de sa personnalité et de sa fantaisie. » p.91-92 1924 : « La peinture est jugée au décimètre, alors que la mécanique l’est au dixième de millimètre. L’artiste met sa sensibilité au service d’un travail. » p.104 « La valeur-homme, la valeur-objet, la valeur-machine prennent leur hiérarchie naturelle, impitoyablement. » p.108 1931 : à propos de New York et de la vie américaine « La vie mécanique est là à son apogée. Elle a « touché le plafond », dépassé le but [ ] crise ! » p.154 1945 : « A ce moment, dans l’esprit de l’artiste moderne, un nuage, une machine, un arbre sont des éléments de même intérêt que les personnages ou les figures. » p.228 Mouvement (dynamisme, rythme, vitesse) 1913 : « La vie actuelle, plus fragmentée, plus rapide que les époques précédentes, devait subir comme moyen d’expression un art du divisionnisme dynamique [ ] » p.35

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1922 : « [ ] gros plans, fragment mécanique, fixe ou mobile, projetés à un rythme accéléré qui touche à l’état simultané et qui écrase, élimine l’objet humain, le réduit d’intérêt, le pulvérise. » p.56 1923 : « Comme je cherche, dans mes toiles, à donner l’impression du mouvement, j’oppose, aux surfaces planes, des volumes qui les font jouer. » p104 1924 : « La vitesse est la loi du monde moderne, l’œil doit « savoir choisir » dans la fraction de seconde où il joue son existence, soit au volant de la machine, soit dans la rue, soit derrière le microscope du savant. » p.111 1949 : « Tout bouge et s’échappe des limites traditionnelles. Les éléments fixes, immobiles, les points de repos, les situations assises sont rompus, abandonnés. » p.275 Mur 1924 : « Il n’est pas question, dans des œuvres de ce genre, d’hypnotiser par la couleur, mais de sublimer des surfaces, de donner au bâtiment, à la ville, une physionomie de joie. » p.105 1933 : « C’est une entente à trois qu’il faut réaliser : le mur – l’architecte -- le peintre. [ ] Je pense que l’évènement va se produire et que, bras dessus, bras dessous, le mur, vous et moi allons réaliser la grande œuvre moderne à faire. » p.182 1936 : « Vous trouvez comme ornement au mur, dans des bals musettes populaires, des hélices d’avions. Tout le monde trouve cela beau, et ces hélices d’avions sont très près de certaines sculptures modernes. » p.199 1945 : « L’art monumental peut et doit utiliser, en l’amplifiant, cette conception nouvelle. [ ] Les jeunes architectes qui vont reconstruire l’Europe détruite devraient regarder de ce côté. Cet art doit se placer dans de grandes architectures. Il est statique par son expression même, il respecte le mur à côté d’une conception dynamique qui, elle, détruit le mur. Il sera la mesure de l’équilibre. » p.234-235 1949 : « Le mur blanc était là, présent. Pourquoi pas ? Nous sommes en 1925, Exposition internationale. Mallet-Stevens, architecte, m’avait demandé de situer dans son projet d’ambassade un motif mural en couleurs pures à plat. [ ] Le mur blanc acceptait d’être détruit partiellement par des applications colorées ; naturellement, il y avait un choix de couleurs à établir. Ce fut fait et le rectangle fixe habitable devint un rectangle élastique. » p.258 1950 : « Je parle ici de deux orientations essentielles de la peinture : la peinture murale, c’est-à-dire qui s’adapte à l’architecture ; la peinture de chevalet, venue au monde avec la Renaissance italienne. » p.277 « J’ai travaillé à ce moment avec Le Corbusier à de grandes compositions murales sans sujet, en couleurs pures. L’idée est alors venue de trouver un nouvel espace en architecture. » p.279 Sujet 1913 : A propos des impressionnistes : « Leur recherche d’atmosphère réelle est déjà relative au sujet [ ] L’imitation du sujet que comporte encore leur œuvre n’est donc déjà plus qu’une raison de variété, un thème, et rien de plus [ ] Je pense que c’est à ce moment que les deux grands concepts picturaux, le réalisme visuel et le réalisme de conception, se rencontrent [ ] Le premier, je l’ai dit, comporte la nécessité de l’objet, du

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sujet, de moyens perspectifs qui sont considérés actuellement comme négatifs et antiréalistes. » p.28 1923 : « Tous ces évènements sont sujets à peindre. Je suis donc, je pense, très attaché à mon époque par mon procédé. Mais pourquoi ces cris dès que j’ai touché à l’élément mécanique, il y a quelques années ? [ ] L’art est subjectif, c’est entendu, mais une subjectivité contrôlée et qui s’appuie sur une matière première « objective », c’est mon opinion absolue. » p.64 « L’inquiétude du sujet à rendre a toujours gêné les artistes précédents. Beaucoup ont eu obscurément le sens de la valeur des contrastes plastiques. Aucun n’a pu dominer assez son sujet pour les appliquer intégralement, c’est-à-dire déformer s’il le faut le sujet pour le résultat plastique. » p.83 1937 : « Problème difficile et angoissant pour des peintres modernes, libérés du sujet représentatif, dont les tableaux sont compris par des élites possédant leurs œuvres et par les musées ; les artistes mêmes se trouvent actuellement devant l’invitation de s’exprimer et de travailler pour des collectivités nouvelles [ ] Que vont-ils faire ? » p.215 1945 : « Arrivons à notre époque. Le sujet n’étant plus personnage principal, l’objet, élément nouveau, le remplace. » p.228 1950 : « Le libre libère l’Art, et permet l’Art pour l’Art, une évasion de la réalité. L’imagination devient première et le sujet n’est plus qu’un moyen (renversement complet du début). » p.278 1952 : « De nouveaux sujets, envisagés avec l’apport de libertés que les recherches précédentes ont imposées, doivent sortir et s’établir sans aucune relation avec le sujet ancien, même les meilleurs soient-ils. » p.310 Tableau de chevalet 1933 : « Le tableau de chevalet né avec l’individualisme, et devenu la forme actuelle sous laquelle se réalisent la plupart des œuvres picturales, c’est l’avènement de l’individualisme qui nous a imposé cet ordre- là. Avoir à soi, chez soi, le tableau qui vous plaît, constituer des collections individuelles, nous en sommes là » p.175 1937 : « Le tableau de chevalet est son expression propre. C’est l’objet d’art qui vaut en soi, qui ne dépend ni d’une architecture ni d’une tendance sociale, quelles qu’elles soient. Il incarne la vie plastique organisée dans un cadre avec ses limites et son émotion contenue. » p.217 1946 : « Le tableau de chevalet consacre la rupture avec le peuple. » p.250 1952 : « Le tableau de chevalet continue sa course. Il est de création strictement individuelle, il perd sa valeur publique et il s’absorbe dans un appartement privé. » p.289 « Le nouveau sujet trouve sa place moyenne dans cet ordre nouveau, une place, je crois, première où la continuité des trouvailles intenses du tableau de chevalet ne doit pas être abandonnée – au contraire. » p.310

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Fernand  Léger,  Le  Pont,  1923  Huile  sur  toile,  92  x  60  cm  Provenance:  Colección  Carmen  Thyssen-­‐Bornemisza  en  depósito  en  el  Museo  Thyssen-­‐Bornemisza,  Madrid  Adagp,  Paris,  2017

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7. DOCUMENTATION

Un catalogue richement illustré, nouvel ouvrage de référence sur l’artiste, accompagne l’exposition. Les regards et analyses de spécialistes tels que Anna Vallye (« Léger et la modernité »), Véronique Sorano-Stedman (« La technique picturale de Léger »), Bénédicte Duvernay (« De l’air dans la mécanique : Léger, Delaunay, Cendras »), Victor Guégan (« Fernand Léger, la lettre et l’imprimerie »), François Albera (« Fernand Léger cinéaste »), Corinne Pencenat (« En quête d’un nouveau pacte imaginaire : une esthétique anti-spectaculaire »), Arnaud Dercelles et Remi Baudoui (« Fernand Léger et Le Corbusier ») ou encore Cécile Pichon-Bonin (« Fernand Léger et le Parti Communiste Français« ) nourrissent et approfondissent les thèmes abordés dans l’exposition. Outre ces essais, le catalogue comporte une biographie détaillée, une bibliographie, ainsi qu’une cartographie des voyages de Léger, une galerie de portraits de personnalités gravitant autour de l’artiste, une liste des élèves passés par son atelier et leurs témoignages. Un objet graphique et attractif conçu par Anette Lenz, jouant sur les gros plans et la typographie et revisitant les codes de la peinture de Léger. Ouvrage collectif sous la direction d’Ariane Coulondre 304 pages, 44 euros

TEXTES DE FERNAND LEGER

Recueils de textes - Fonctions de la peinture, nouvelle édition augmentée, présentée par Sylvie Forestier, Paris, Gallimard, « Folio », 1997 (ci-dessous abrégé FdP).

Correspondances éditées

- Albera François, « Léger en correspondances. Epstein-Eisenstein-Epstein », Cinémathèque, no 18, automne 2000, p. 39-60.

Articles et contributions à des ouvrages et catalogues d’exposition

- « Sur Charlie Chaplin », Les Chroniques du jour, numéro double consacré à Charlot, 7e année, nos 7-8, 31 décembre 1926, p. 243-244, repr. in Jean-Paul Morel, Lever de rideau sur Fernand Léger, cat. exp., Lausanne, Favre, 2007.

- « Une opinion. Avènement de l’objet », Le Mois, no 41, juin 1934, p. 217-224, repr. in Fernand Léger : la poésie de l’objet, 1928-1934, cat. exp., Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1981.

Entretiens et propos recueillis

- Darle Juliette, « L’enfant créateur », L’École et la Nation, no 40, juin 1955, p. 28-29, repr. in Jean-Paul Morel, Lever de rideau sur Fernand Léger, cat. exp., Lausanne, Favre, 2007.

- Charbonnier Georges, « Entretien avec Fernand Léger », Le Monologue du peintre, t. 2, Paris, Julliard, 1960.

- Verdet André, Entretiens, notes et écrits sur la peinture : Braque, Léger, Matisse, Picasso, Chagall, Nantes, Éditions du Petit Véhicule, 2000.

Livres illustrés par Fernand Léger

- Léger Fernand et Cendrars Blaise, Paris, ma ville, Paris, Bibliothèque des Arts, 1987.

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SUR FERNAND LEGER

Monographies

- Garaudy, Roger, Pour un réalisme du xxe siècle, dialogue posthume avec Fernand Léger, Paris, Grasset, 1968.

- Laugier Claude et Richet Michelle (dir.), Œuvres de Fernand Léger (1881-1955), Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1981.

- Diehl Gaston, F. Léger, Paris, Flammarion, 1985. - Bauquier Georges, Fernand Léger. Vivre dans le vrai, Paris, Adrien Maeght, 1987. - Fauchereau Serge, Fernand Léger, un peintre dans la cité, Paris, Albin Michel, 1994. - Monod-Fontaine Isabelle, Léger, Céline, deux Français à New York, Paris, L’Épure, 1997. - Pierre Arnauld, Fernand Léger. Peindre la vie moderne, Paris, Gallimard et Éditions du

Centre Pompidou, « Découvertes Gallimard », 1997.

Catalogues d’exposition

- Prat Jean-Louis, Fernand Léger : rétrospective, Saint-Paul-de-Vence, Fondation Maeght, 2 juillet-2 octobre 1988, Saint-Paul-de-Vence, Fondation Maeght, 1988.

- Lassalle Hélène et Pijaudier Joëlle, Fernand Léger, Milan, Palazzo Reale, novembre 1989 – février 1990, et Villeneuve-d’Ascq, Musée d’art moderne, 3 mars-17 juin 1990, Villeneuve-d’Ascq et Milan, Musée d’Art moderne et Mazzotta, 1990.

- Hedel-Samson Brigitte (dir.), Fernand Léger et le spectacle, Biot, Musée national Fernand-Léger, 30 juin-2 octobre 1995, Paris et Biot, RMN et Musée national Fernand-Léger, 1995.

- Charlotte Perriand, Fernand Léger, une connivence, Biot, musée national Fernand-Léger, 29 mai-27 septembre 1999, Paris, RMN, 1999.

- Abramovic Norman et Hergott Fabrice, La Création du monde : Fernand Léger et l’art africain dans les collections Barbier-Mueller, Genève, musée d’Art et d’Histoire, 25 octobre 2000 – 25 février 2001, Paris, Adam Biro, 2000.

- Ramond Sylvie (dir.), Fernand Léger, Lyon, musée des Beaux-Arts de Lyon, 1er juillet-20 septembre 2004, Lyon, Musée des Beaux-Arts et Fage, 2004.

- Bertrand Dorléac Laurence, Fernand Léger. Les Constructeurs, Biot, musée national Fernand-Léger, 11 octobre 2008 – 12 janvier 2009, Paris et Biot, RMN et Musée national Fernand-Léger, 2008.

- Fréchuret Maurice, Leroy Claude, Flückiger Jean-Carlo et al., Dis-moi Blaise. Léger, Chagall, Picasso et Blaise Cendrars, Biot, musée national Fernand-Léger, Nice, musée national Marc-Chagall, et Vallauris, musée national Pablo-Picasso, 27 juin-12 octobre 2009, Paris, Musées nationaux du xxe siècle des Alpes-Maritimes et RMN, 2009.

- Pierre Arnauld (dir.), Disques et sémaphores. Le langage du signal chez Léger et ses contemporains, Biot, musée national Fernand-Léger, 20 juin-11 octobre 2010, Paris, RMN, 2010.

- Fréchuret Maurice, Chavanne Blandine, Lebossé Claire et al., Fernand Léger, reconstruire le réel, Biot, musée national Fernand-Léger, 1er mars-2 juin 2014, Nantes, musée des Beaux-Arts, 19 juin-22 septembre 2014, Paris, RMN-Grand Palais, 2014.

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8. INFORMATIONS PRATIQUES OFFRES POUR LE PUBLIC SCOLAIRE Atelier-visite Les ateliers-visites sont spécifiquement adaptés aux 5-12 ans et se déroulent dans des espaces dédiés, ludiques et colorés et dans les lieux d’exposition (2h). Visite guidée La visite est animée par un médiateur Jeune Public qui crée une interaction ludique entre l’élève et l’œuvre : les thématiques des visites sont liées aux expositions en cours, ou à l'architecture du Centre Pompidou-Metz (1h30). Des visites autonomes sont possibles. Des outils de transmission sont mis à la disposition des professeurs pour préparer leur venue (dossiers découverte, livrets pour les élèves). ACCUEIL AU QUOTIDIEN Le Centre Pompidou-Metz accueille les groupes les lundi, mercredi, jeudi et vendredi. RÉSERVATIONS Période de réservation Ouverture des réservations le 19 juin 2017 pour la période du 18 septembre au 31 décembre 2017. Modes de réservation

- par Internet www.centrepompidou-metz.fr / Billetterie en ligne - par mél en écrivant à [email protected] - par téléphone au 03 87 15 17 17 du lundi au vendredi et hors jours fériés

Pour toute réservation à J-10, seul le mode de réservation par téléphone sera pris en compte. Pour les maternelles, les réservations se font uniquement par mél ou par téléphone. TARIFS

- Visite guidée d’une heure trente pour une classe de 35 élèves maximum, 70 € - Atelier/visite de deux heures pour une classe de 30 élèves maximum, 100 € - Visite en autonomie d’une heure pour une classe de 35 élèves maximum, gratuit

HORAIRES (HORS PERIODE DE VACANCES SCOLAIRES DE LA ZONE B) Les lundi, jeudi et vendredi, les horaires sont les suivants : Matin : créneaux avec Médiateurs Jeune Public entre 10h et 12h Après-midi : créneaux avec Médiateurs Jeune Public entre 13h et 16h

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En plus du public scolaire, le mercredi est réservé aux publics spécialisés, aux centres aérés. Pour toute information, nous sommes à votre disposition au 03 87 15 17 17. POUR ALLER PLUS LOIN LES WORKSHOPS

Depuis son ouverture, le Centre Pompidou-Metz développe des actions d’éducation artistique et culturelle de la maternelle à la terminale. Pour tout renseignement, envoyer un mél à Anne Oster, chargée des relations avec les établissements de l’enseignement : [email protected] / 03 87 15 39 84 RESSOURCES PROFESSEURS RELAIS

 Des formations personnalisées sont dispensées par les professeurs relais, sur rendez-vous les mercredis.

Pour tout renseignement s'adresser à [email protected]

OUTILS Le Centre Pompidou-Metz développe des outils de découverte, en étroite collaboration avec des professeurs missionnés par l'Education Nationale. Ces outils sont mis à disposition pour préparer ou approfondir la visite. Il est possible de les consulter sur le site : http://www.centrepompidou-metz.fr/dossiers ACCESSIBILITE  Pour un partenariat enseignement spécialisé et champ social avec accueil adapté, merci de contacter Jules Coly [email protected] (visites et ateliers gratuits sur signature d’une convention).

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9. ATELIERS JEUNE PUBLIC

©  Léonard  Martin  /  Victor  Vaysse  

ATELIERS 5-12 ANS Léonard Martin - Les mondes de Fernand Léger 8 juillet – 8 octobre 2017 Les machines mécaniques de l’artiste Léonard Martin s’invitent dans l’atelier 5-12 ans en lien avec l’exposition Fernand Léger. Explorant ces deux univers, les enfants se découvrent eux-mêmes petits constructeurs. Atelier Balai mécanique (5-7 ans) Moteur ! Ca tourne ! Sur la piste de Fernand Léger et de son célèbre Charlot cubiste, Balai mécanique invite à emboîter le pas à l’histoire du cinéma expérimental. L’atelier propose de réaliser une fresque en mouvement selon la méthode du cinéma image par image. Atelier Partie de campagne (8-12 ans) Les enfants partent sur à la recherche de motifs et de formes propre à Fernand Léger pour créer leur première peinture animée. Ils découvrent les ressorts du monde animé et explorent toutes les étapes du tournage image par image : l’écriture du scénario, la création des marionnettes et du décor, la prise de vue. TEMPS FORT FAMILLE les 8 et 9 juillet 2017

• L'atelier du Cirk'eole : SAM 08.07 10H30 : 5/7 ans 15H : 8/12 ans

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" À l’occasion du Temps Fort Famille, le Centre Pompidou-Metz et le Cirk’Eole collaborent pour proposer deux ateliers d’initiation à la pratique du cirque en lien avec l’exposition Fernand Léger. Le Beau est partout. Vincent Ehl, directeur du Cirk’Eole, sera présent au Centre Pompidou-Metz, le samedi 8 juillet 2017, de 10h30 à 16h30 pour des actions d’initiation au jonglage, boule et fil tendu pour les enfants de 5 à 12 ans."

• L'atelier d'Esther Kauffenstein : DIM 09.07 10:30+15:00 : 5/9 ans et leurs parents

« Dans son œuvre, Fernand Léger a joué sur la forme des lettres, transformé le texte en rébus et les lettres en formes abstraites. Esther Kauffenstein propose d’initier petits et grands à ce jeu cher à Fernand Léger en organisant une rencontre entre la lettre et sa forme, pour partir en voyage avec la mousse, le bois et les encres, sans oublier les mots et le papier. Enfants et parents pourront créer à leur tour leur propre lettre sous forme de tampon. »

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10. PROGRAMMATION ASSOCIÉE Pour aller plus loin dans la réflexion pluridisciplinaire, le Centre Pompidou-Metz propose aux enseignants et aux élèves, une programmation associée à l’exposition Fernand Léger. Bal, cirque, cinéma feront échos aux thématiques développées dans l’exposition. Le Centre Pompidou-Metz est gratuit pour les moins de 26 ans, les étudiants et les enseignants détenteurs du Pass Education ou d’une carte professionnelle en cours de validité.

     CINÉMA  EN  PLEIN  AIR  L’INHUMAINE  MARCEL  L’HERBIER  (1924)    Avec  L’Inhumaine,  Marcel  L’Herbier  souhaitait  concevoir  un  film  qui  soit  une  synthèse  des  arts  de  son  époque.  Il   réunit  des  artistes  de  premier  plan   :   Fernand  Léger  et   l’architecte  Robert  Mallet-­‐Stevens   signent  ainsi   les  décors,  Paul  Poiret  les  costumes.  Le  film  apparaît  bientôt  comme  une  œuvre  collective  magistrale,  splendeur  du  cinéma  muet  et  expression  du  génie  créatif  des  années  1920.    L’Inhumaine   raconte   l’histoire   d’une   cantatrice   admirée   par   de   nombreux   prétendants,   dont   elle   repousse  toujours   avec  mépris   les   avances.   L’un   d’eux,   un   jeune   savant,  met   au   point   un   stratagème   pour   lui   faire  prendre  conscience  de  son  inhumanité.    

 MER.  05.07  22:30  PARVIS  DU  CENTRE  POMPIDOU-­‐METZ  135’  -­‐  Entrée  libre  (dans  la  limite  des  places  disponibles)  Séance  annulée  en  cas  d’intempéries  

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NOTES

Ce document a été réalisé par le pôle des Publics et de l’Information du Centre Pompidou-Metz. Il est réservé exclusivement à une utilisation dans un cadre pédagogique