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POURQUOI S’INTÉRESSERAUX MYCOTOXINES EN MILIEU
DE TRAVAIL ?Le risque représenté par la présence demycotoxines en milieu de travail reste malconnu. De ce fait, les mesures de préventionen milieu professionnel sont peu dévelop-pées contrairement aux dispositions prisesen santé publique vis-à-vis du risque parvoie alimentaire.
Les risques liés à une exposition aux myco-toxines par voies respiratoire et cutanée ontété documentés par des études chez l’animal,avec des effets cutanés, hépatiques, respira-toires… De plus, certaines mycotoxines sontdes cancérogènes avérés pour l’homme(mélanges naturels d’aflatoxines) ou cancé-rogènes possibles (ochratoxine A…).
Il ne paraît donc pas raisonnable d’attendredes arguments scientifiques indiscutables
pour prendre des mesures de prévention vis-à-vis des mycotoxines dans certaines situa-tions professionnelles particulières.
QU’EST CE QU’UNE MYCOTOXINE ?Les mycotoxines sont des substancestoxiques sécrétées par certaines moisis-sures, telles que des Aspergillus, desFusarium, des Penicillium… Une fois sécré-tées, les mycotoxines peuvent persister
FICHE AGENTS BIOLOGIQUES
Mycotoxines en milieu de travail
Juillet 2011
ED 4411
Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles30, rue Olivier-Noyer 75680 Paris cedex 14 • Tél. 01 40 44 30 00 • Fax 01 40 44 30 99 • Internet : www.inrs.fr • e-mail : [email protected]
4 FICHE AGENTS BIOLOGIQUES ED 4411
non spécifiques des poussières (surcharge,irritation, inflammation…) que pour limiterles effets spécifiques des mycotoxines oud’autres constituants.Les possibilités de projection ou de disper-sion dans l’air de particules de substratcontaminé, de spores, de fragments de moi-sissures doivent être repérées et réduitesautant que possible.Des précautions particulières sont à mettreen œuvre lors de la manipulation de céréales,de paille, de fourrage ou de tout autre sub-strat moisi : organisation du travail permet-tant de limiter la durée de l’exposition, miseen marche et maintien d’une ventilation…
Sur le plan individuel, outre les mesuresd’hygiène, les équipements de protectiondoivent comporter une tenue de travail, une
1re édition • juillet 2011 • 2 000 ex. • réalisation : Atelier F. Causse
Auteurs : Gita Brochard et Colette Le Bâcle, INRS Contact e-mail : [email protected]
protection respiratoire et/ou cutanée adaptéeà la situation de travail, si les mesures deprotection collective, qui doivent toujoursêtre privilégiées, ne permettent pas uneprotection suffisante.
Des précautions similaires sont recomman-dées pour des interventions sur des maté-riaux de construction envahis par desmoisissures, à compléter parfois par desmesures de restriction d’accès voire deconfinement du chantier.
Prévention en laboratoire
Certaines tâches en laboratoire peuvententraîner une exposition à des mycotoxines :préparation des échantillons de céréales etdes solutions étalons, mise en culture et
identification de moisissures toxinogènes,analyse de substrats contaminés en con-trôle qualité dans l’agroalimentaire. Toute activité pouvant entraîner une expo-sition à des mycotoxines nécessite donc lerespect des bonnes pratiques de laboratoirevis-à-vis des génotoxiques.
Information et formation
L’information et la formation des tra-vailleurs doivent permettre d’obtenir leuradhésion à des procédures d’interventionparfois contraignantes et le respect desmesures d’hygiène individuelle (change-ment de tenue de travail aussi souvent quenécessaire, douche en fin de poste…).
Elles doivent concerner tous les interve-nants, y compris les travailleurs intérimaireset ceux des entreprises extérieures.
CONCLUSION
L’obligation réglementaire d’évaluation desrisques biologiques et de mise en place demesures de prévention ne se limite pas auxseuls risques infectieux mais concerne également les risques de type immuno-allergiques et toxiniques liés aux agentsbiologiques.
L’évaluation du risque lié aux mycotoxinesfait donc partie de ces obligations. Pourl’instant, il n’existe pas de valeur limite d’ex-position et les possibilités de métrologiesont très limitées. Il n’en demeure pasmoins que des mesures de prévention sontd’ores et déjà possibles, en particulier vis-à-vis de la prolifération des moisissures et vis-à-vis de l’empoussièrement des ambiancesde travail à risque.
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OÙ PUIS-JE TROUVER PLUS D’INFORMATION ?
- Sur le site www.inrs.fr.
- Les risques biologiques en milieu professionnel, INRS, ED 6034.
- G. Brochard et C. Le Bâcle, Mycotoxines en milieu de travail. I. Origine et propriétéstoxiques des principales mycotoxines et II. Exposition, risques, prévention, TC 128, 2009et TC 131, 2010 (documents tirés de la revue Documents pour le médecin du travail,disponibles uniquement en pdf sur le site www.inrs.fr).
- Manipulation des substances génotoxiques utilisées au laboratoire, INRS, ED 769.
- MétroPol : base de données INRS disponible sur www.inrs.fr.
- Évaluation des risques liés à la présence de mycotoxines dans les chaînes alimentaireshumaine et animale. Rapport synthétique, AFSSA, 2006 : www.anses.fr/Documents/RCP-Ra-Mycotoxines.pdf.
- Liste alphabétique du IARC (en anglais seulement) : http://monographs.iarc.fr/ENG/ Classification/ClassificationsAlphaOrder.pdf.
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ED 4411 FICHE AGENTS BIOLOGIQUES 3
taire… Certaines mycotoxines sont recon-nues ou suspectées cancérogènes et figu-rent dans la classification des agentscancérogènes établie par le Centre interna-tional de recherche sur le cancer (CIRC).
Les aflatoxines, en mélanges naturels, sontconnues pour provoquer un cancer du foie.Elles sont classées par le CIRC dans legroupe 1 des cancérogènes avérés pourl’homme. L’aflatoxine B1 est considéréecomme l’un des plus puissants cancéro-gènes d’origine naturelle.
L’ochratoxine A est suspecte d’être respon-sable d’une maladie rénale chronique évo-luant vers l’insuffisance rénale et de jouerun rôle dans le développement de cancersdes voies urinaires (groupe 2B du CIRC :agents peut-être cancérogènes).
Les fumonisines sont suspectes de jouer unrôle dans le développement du cancer del’œsophage chez l’homme. Les fumonisinesB1 et B2 sont classées dans le groupe 2B duCIRC.
Les trichothécènes sont toxiques pour lesystème immunitaire et les cellules san-guines. Sur la peau, ils peuvent provoquerdes lésions inflammatoires. Certains sontdans le groupe 3 du CIRC : agents inclas-sables quant à leur cancérogénicité.
La zéaralénone est une substance qui res-semble aux œstrogènes, hormones sexuellesféminines. Chez l’animal, en particulier leporc, cette mycotoxine perturbe le fonction-nement hormonal mâle et femelle. Elle vientaussi altérer les défenses immunitaires(baisse de la réponse vaccinale par exemple).Chez l’homme, ces effets sont suspectés etdoivent encore être confirmés (groupe 3 duCIRC).
2 FICHE AGENTS BIOLOGIQUES ED 4411
longtemps après la disparition des moisis-sures.
Certaines d’entre elles sont connues commepouvant provoquer des intoxications chezl'animal et l'homme. Le dossier des myco-toxines est complexe :– toutes les moisissures ne sécrètent pas des
mycotoxines, et, à l’intérieur d’une mêmeespèce, seulement certaines souches sontcapables de sécréter des mycotoxines ;
– une espèce de moisissures peut sécréterdifférentes mycotoxines et une myco-toxine peut être sécrétée par des espècesde moisissures différentes.
Des conditions particulières (une certainetempérature, une humidité élevée…) sontnécessaires à la sécrétion des mycotoxinespar les moisissures.
QUELLES SONT LES MYCOTOXINESQUI POSENT LE PLUS DE PROBLÈMES ?Environ 300 à 400 mycotoxines sontconnues. Certaines ont été plus particulière-ment identifiées comme à l’origine depathologies, tant en santé animale qu’ensanté humaine :– les aflatoxines, en particulier l’aflatoxine
B1 ;– l’ochratoxine A ou OTA ;– les trichothécènes (le déoxynivalénol ou
DON, la toxine T-2…) ;– les fumonisines ;– la zéaralénone ;– la patuline.
OÙ TROUVE-T-ONLES MYCOTOXINES ?
Denrées alimentaires
Les mycotoxines sont des contaminantsnaturels des denrées alimentaires brutes outransformées. Le développement des moi-sissures sur les denrées alimentaires et laproduction de leurs toxines peuvent avoirlieu pendant la croissance des matières pre-mières (par exemple, sur les céréales auchamp), pendant leur transport (café vert engrains par exemple) et/ou pendant leurstockage. Par ailleurs, certaines mycotoxinespeuvent être retrouvées dans la viande et lelait des animaux consommateurs d'ali-ments contaminés.
Les aflatoxinesLes aflatoxines sont sécrétées sur certainesdenrées alimentaires par certaines moisissu-res du genre Aspergillus, principalement dansles pays chauds et humides. Elles peuventcontaminer non seulement les arachides,pistaches, amandes, mais aussi les grainesde coton, de tournesol, ainsi que certainescéréales (maïs, blé, sorgho…), les épices
(paprika, chili, poivre…), les fruits secs, lesgraines oléagineuses, le tabac…
L’ochratoxine A L’ochratoxine A est sécrétée par des moisis-sures des genres Aspergillus et Penicillium.Les Penicillium sont particulièrement pré-sents dans nos régions européennes à cli-mat tempéré et humide. Ils peuvent doncinfester des cultures céréalières telles quel’orge, le blé, l’avoine ou le seigle, ainsi queles légumineuses, sur pied ou lors du stoc-kage des grains. De plus, cette mycotoxine peut contaminernotamment le café, le cacao, les cacahuè-tes, les épices et les fruits secs. Sa présencea été notée dans la bière, le jus de raisin etle vin.
Les trichothécènesLes trichothécènes sont sécrétés par cer-taines espèces de Fusarium, en premier lieudans les champs sur les épis de céréales (blé,orge, maïs, avoine) dans certaines condi-tions atmosphériques propices à la crois-sance de ces Fusarium (printemps ou étéfroid et humide).
Les fumonisinesLes fumonisines sont produites par cer-taines espèces de Fusarium, au champ, sur lemaïs et le sorgho, surtout lors de tempéra-tures estivales élevées.
La zéaralénoneLa zéaralénone est une mycotoxine produitepar de nombreuses espèces de Fusarium quise développent sur les céréales au champ(maïs, orge, blé, riz, avoine…) lorsque lesconditions climatiques sont mauvaises(intempéries) dans les régions tempérées, etégalement au cours du stockage (maïs) etdu maltage (orge).
La patulineLa patuline est produite par certaines moisissures des genres Aspergillus etPenicillium. C’est un contaminant natureldes fruits, notamment de la pomme.
Matériaux de construction
Des mycotoxines peuvent également êtreretrouvées sur des matériaux de construc-tion (plâtre, papiers peints…) dans des condi-tions d’humidité très élevée, notammentaprès un dégât des eaux. Leur présence a étémise en évidence dans des locaux nonindustriels (habitations, bureaux…) humideset contaminés par des moisissures.
Différentes espèces d’Aspergillus et dePenicillium ont été retrouvées, ainsi queStachybotrys chartarum. Il s’agit d’une moi-sissure formant des colonies noir-verdâtre,notamment sur des matériaux riches en cellulose et très humides. Elle sécrète diffé-
rentes mycotoxines, en particulier des tricho-técènes.
Atmosphères de travail
Différentes mycotoxines ont été retrouvéesdans la poussière sédimentée et/ou la poussière en suspension dans l’air lors desactivités professionnelles impliquant lamanipulation des substrats contaminés.
COMMENT PEUT-ON ÊTRE EXPOSÉÀ DES MYCOTOXINES ?
Par voie alimentaire
Les effets toxiques des mycotoxines ont étédécrits suite aux observations chez l’animalet l’homme, après consommation d’alimentscontaminés. Les mycotoxines peuvent êtreprésentes alors que les moisissures ont déjàdisparu.
Les mycotoxines sont des composés résis-tants à la chaleur. Elles ne peuvent pas êtrecomplètement éliminées des denrées ali-mentaires par la cuisson ni par d’autres trai-tements, sans détruire l’aliment lui-même. Ilest à noter que l’exposition alimentaire à l’ochratoxine A est largement répanduedans certains pays européens.
Dans de nombreux pays, dont l’Union euro-péenne, il existe une réglementation quidétermine les concentrations maximalesautorisées pour les principales mycotoxinesdans les denrées alimentaires destinées àl’alimentation humaine et/ou animale.
Par voie respiratoire et/ou cutanée
Les mycotoxines en elles-mêmes ne sontpas volatiles mais une exposition respira-toire peut se produire lors de l’inhalation departicules de moisissures (spores, micro-fragments de moisissures…) contenant desmycotoxines ou l’inhalation de poussières desubstrat contaminé (poussières de céréales,poussières d’arachides…).
De nombreuses études expérimentales surles animaux ont montré que les mycoto-xines inhalées ou appliquées sur la peaupeuvent avoir des effets toxiques localement(poumons, peau…) ou à distance (foie, rein…).
QUELS SONT LES PRINCIPAUX EFFETSDES MYCOTOXINES POUR
LA SANTÉ HUMAINE ?
Les effets toxiques des différentes mycoto-xines sont principalement connus suite auxobservations faites chez l’homme et les ani-maux exposés par voie alimentaire.
Certaines sont toxiques pour le foie, d’autrespour le rein, plusieurs sont toxiques pour lesystème nerveux et le système immuni-
Groupe 1
L’agent est cancérogène
pour l’homme.
Aflatoxines*
Aflatoxine M1
Depuis :
1987
1993
Groupe 2 B
L’agent est peut-être
cancérogène pour l’homme.
Fumonisine B1
Fumonisine B2
Ochratoxine A
Depuis :
2002
1993
1993
Groupe 3
L’agent est inclassable
quant à sa cancérogénicité
pour l’homme.
Déoxynivalénol, nivalénol
Patuline
Zéaralénone
Depuis :
1993
1987
1993
* Une nouvelle monographie sur les aflatoxines est en cours de rédaction.
Classement des principales mycotoxines par le Centre de recherche international contre le cancer (CIRC ou IARC pour International Agency for Research on Cancer)
La patuline a une toxicité pour le systèmenerveux central et le système immunitairedes animaux. Ses effets chez l’homme sontmal connus. Elle est classée dans le groupe 3du CIRC.
Chez l’homme, les effets d’une expositionen milieu professionnel par voie respiratoireou cutanée sont peu étudiés. Toutefois, ilexiste des études mettant en cause ce moded’exposition à des mycotoxines dans l’appa-rition de certains problèmes de santé chezl’homme (développement d’un cancer dufoie, d’une maladie rénale évoluant vers l’insuffisance rénale…). Ces effets doiventencore être précisés. Les concentrations demycotoxines dans l’air à partir desquellesdes effets sur la santé peuvent être observéschez l’homme ne sont pas connues à ce jour.
QUELLES SONT LES ACTIVITÉSPROFESSIONNELLES AU COURS
DESQUELLES IL EST POSSIBLE D’ÊTREEXPOSÉ À DES MYCOTOXINES ?
Selon les données de la littérature, les per-sonnes peuvent potentiellement se trouverexposées à des mycotoxines essentielle-ment dans les secteurs suivants :– secteur agricole (fermes, silos, moulins à
grains, élevages d’animaux) ;– fabrication d’aliments pour animaux
(tourteaux…) ;– transformation de denrées alimentaires
(café vert, épices, céréales…) ;– compostage de déchets verts ;– interventions sur des bâtiments endom-
magés par l’eau ;– laboratoires d’analyse, de recherche et de
contrôle dans les industries agroalimen-taires essentiellement.
EST-IL POSSIBLE DE MESURERLES CONCENTRATIONS
DES MYCOTOXINES DANS L’AIROU DANS LES LIQUIDES BIOLOGIQUES
(SANG, URINES) ?
Le mesurage des concentrations de myco-toxines dans l’air est actuellement réa-lisé seulement dans le cadre des études expérimentales. Il en est de même pour lesmesures de mycotoxines dans le sang et lesurines.
L’INRS travaille sur le développement deméthodes de mesure des mycotoxines dansl’air des lieux de travail. Des fiches MétroPolsont en cours de validation et sont peu à peuintroduites dans la base MétroPol (voir pagesuivante).
QUELLES SONT LES MESURESDE PRÉVENTION POSSIBLES
EN MILIEU DE TRAVAIL ?
Lutter contre la prolifération des moisissures
Même si leur présence n’est pas certaine, ilfaut considérer qu’une exposition auxmycotoxines est possible chaque fois quedes moisissures peuvent être présentes. Ilfaut donc assainir l’atmosphère des lieux detravail par tout moyen adapté à la situation :– amélioration de la ventilation des locaux
où les activités nécessitent ou entraînentune grande humidité ;
– maintenance régulière des systèmes d’aé-ration/ventilation/climatisation ;
– intervention rapide après dégâts des eaux ;– retrait des matériaux moisis (cloison,
papiers peints, moquette…), nettoyagesuivi ou non d’une désinfection des surfa-ces contaminées…
En milieu agricole, une lutte raisonnéecontre la prolifération des moisissures (luttecontre les insectes ravageurs, traitementsfongicides…) prévient les ravages faits auxcéréales au champ et permet la réductionde l’exposition lors des manipulations ulté-rieures. Le respect des bonnes pratiquespour la récolte et le stockage des céréales et des fourrages permet ensuite de prévenirou de limiter le développement de ces moisissures.
Lutter contre l’exposition aux poussières contaminées
Certaines études ont montré que le niveaudes concentrations de mycotoxines dansl’air pourrait être corrélé au niveau d’em-poussièrement. La réduction de l’empous-sièrement reste donc essentielle dans lessecteurs manipulant des produits potentielle-ment contaminés par les mycotoxines, tantpour limiter les effets broncho-pulmonaires
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taire… Certaines mycotoxines sont recon-nues ou suspectées cancérogènes et figu-rent dans la classification des agentscancérogènes établie par le Centre interna-tional de recherche sur le cancer (CIRC).
Les aflatoxines, en mélanges naturels, sontconnues pour provoquer un cancer du foie.Elles sont classées par le CIRC dans legroupe 1 des cancérogènes avérés pourl’homme. L’aflatoxine B1 est considéréecomme l’un des plus puissants cancéro-gènes d’origine naturelle.
L’ochratoxine A est suspecte d’être respon-sable d’une maladie rénale chronique évo-luant vers l’insuffisance rénale et de jouerun rôle dans le développement de cancersdes voies urinaires (groupe 2B du CIRC :agents peut-être cancérogènes).
Les fumonisines sont suspectes de jouer unrôle dans le développement du cancer del’œsophage chez l’homme. Les fumonisinesB1 et B2 sont classées dans le groupe 2B duCIRC.
Les trichothécènes sont toxiques pour lesystème immunitaire et les cellules san-guines. Sur la peau, ils peuvent provoquerdes lésions inflammatoires. Certains sontdans le groupe 3 du CIRC : agents inclas-sables quant à leur cancérogénicité.
La zéaralénone est une substance qui res-semble aux œstrogènes, hormones sexuellesféminines. Chez l’animal, en particulier leporc, cette mycotoxine perturbe le fonction-nement hormonal mâle et femelle. Elle vientaussi altérer les défenses immunitaires(baisse de la réponse vaccinale par exemple).Chez l’homme, ces effets sont suspectés etdoivent encore être confirmés (groupe 3 duCIRC).
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longtemps après la disparition des moisis-sures.
Certaines d’entre elles sont connues commepouvant provoquer des intoxications chezl'animal et l'homme. Le dossier des myco-toxines est complexe :– toutes les moisissures ne sécrètent pas des
mycotoxines, et, à l’intérieur d’une mêmeespèce, seulement certaines souches sontcapables de sécréter des mycotoxines ;
– une espèce de moisissures peut sécréterdifférentes mycotoxines et une myco-toxine peut être sécrétée par des espècesde moisissures différentes.
Des conditions particulières (une certainetempérature, une humidité élevée…) sontnécessaires à la sécrétion des mycotoxinespar les moisissures.
QUELLES SONT LES MYCOTOXINESQUI POSENT LE PLUS DE PROBLÈMES ?Environ 300 à 400 mycotoxines sontconnues. Certaines ont été plus particulière-ment identifiées comme à l’origine depathologies, tant en santé animale qu’ensanté humaine :– les aflatoxines, en particulier l’aflatoxine
B1 ;– l’ochratoxine A ou OTA ;– les trichothécènes (le déoxynivalénol ou
DON, la toxine T-2…) ;– les fumonisines ;– la zéaralénone ;– la patuline.
OÙ TROUVE-T-ONLES MYCOTOXINES ?
Denrées alimentaires
Les mycotoxines sont des contaminantsnaturels des denrées alimentaires brutes outransformées. Le développement des moi-sissures sur les denrées alimentaires et laproduction de leurs toxines peuvent avoirlieu pendant la croissance des matières pre-mières (par exemple, sur les céréales auchamp), pendant leur transport (café vert engrains par exemple) et/ou pendant leurstockage. Par ailleurs, certaines mycotoxinespeuvent être retrouvées dans la viande et lelait des animaux consommateurs d'ali-ments contaminés.
Les aflatoxinesLes aflatoxines sont sécrétées sur certainesdenrées alimentaires par certaines moisissu-res du genre Aspergillus, principalement dansles pays chauds et humides. Elles peuventcontaminer non seulement les arachides,pistaches, amandes, mais aussi les grainesde coton, de tournesol, ainsi que certainescéréales (maïs, blé, sorgho…), les épices
(paprika, chili, poivre…), les fruits secs, lesgraines oléagineuses, le tabac…
L’ochratoxine A L’ochratoxine A est sécrétée par des moisis-sures des genres Aspergillus et Penicillium.Les Penicillium sont particulièrement pré-sents dans nos régions européennes à cli-mat tempéré et humide. Ils peuvent doncinfester des cultures céréalières telles quel’orge, le blé, l’avoine ou le seigle, ainsi queles légumineuses, sur pied ou lors du stoc-kage des grains. De plus, cette mycotoxine peut contaminernotamment le café, le cacao, les cacahuè-tes, les épices et les fruits secs. Sa présencea été notée dans la bière, le jus de raisin etle vin.
Les trichothécènesLes trichothécènes sont sécrétés par cer-taines espèces de Fusarium, en premier lieudans les champs sur les épis de céréales (blé,orge, maïs, avoine) dans certaines condi-tions atmosphériques propices à la crois-sance de ces Fusarium (printemps ou étéfroid et humide).
Les fumonisinesLes fumonisines sont produites par cer-taines espèces de Fusarium, au champ, sur lemaïs et le sorgho, surtout lors de tempéra-tures estivales élevées.
La zéaralénoneLa zéaralénone est une mycotoxine produitepar de nombreuses espèces de Fusarium quise développent sur les céréales au champ(maïs, orge, blé, riz, avoine…) lorsque lesconditions climatiques sont mauvaises(intempéries) dans les régions tempérées, etégalement au cours du stockage (maïs) etdu maltage (orge).
La patulineLa patuline est produite par certaines moisissures des genres Aspergillus etPenicillium. C’est un contaminant natureldes fruits, notamment de la pomme.
Matériaux de construction
Des mycotoxines peuvent également êtreretrouvées sur des matériaux de construc-tion (plâtre, papiers peints…) dans des condi-tions d’humidité très élevée, notammentaprès un dégât des eaux. Leur présence a étémise en évidence dans des locaux nonindustriels (habitations, bureaux…) humideset contaminés par des moisissures.
Différentes espèces d’Aspergillus et dePenicillium ont été retrouvées, ainsi queStachybotrys chartarum. Il s’agit d’une moi-sissure formant des colonies noir-verdâtre,notamment sur des matériaux riches en cellulose et très humides. Elle sécrète diffé-
rentes mycotoxines, en particulier des tricho-técènes.
Atmosphères de travail
Différentes mycotoxines ont été retrouvéesdans la poussière sédimentée et/ou la poussière en suspension dans l’air lors desactivités professionnelles impliquant lamanipulation des substrats contaminés.
COMMENT PEUT-ON ÊTRE EXPOSÉÀ DES MYCOTOXINES ?
Par voie alimentaire
Les effets toxiques des mycotoxines ont étédécrits suite aux observations chez l’animalet l’homme, après consommation d’alimentscontaminés. Les mycotoxines peuvent êtreprésentes alors que les moisissures ont déjàdisparu.
Les mycotoxines sont des composés résis-tants à la chaleur. Elles ne peuvent pas êtrecomplètement éliminées des denrées ali-mentaires par la cuisson ni par d’autres trai-tements, sans détruire l’aliment lui-même. Ilest à noter que l’exposition alimentaire à l’ochratoxine A est largement répanduedans certains pays européens.
Dans de nombreux pays, dont l’Union euro-péenne, il existe une réglementation quidétermine les concentrations maximalesautorisées pour les principales mycotoxinesdans les denrées alimentaires destinées àl’alimentation humaine et/ou animale.
Par voie respiratoire et/ou cutanée
Les mycotoxines en elles-mêmes ne sontpas volatiles mais une exposition respira-toire peut se produire lors de l’inhalation departicules de moisissures (spores, micro-fragments de moisissures…) contenant desmycotoxines ou l’inhalation de poussières desubstrat contaminé (poussières de céréales,poussières d’arachides…).
De nombreuses études expérimentales surles animaux ont montré que les mycoto-xines inhalées ou appliquées sur la peaupeuvent avoir des effets toxiques localement(poumons, peau…) ou à distance (foie, rein…).
QUELS SONT LES PRINCIPAUX EFFETSDES MYCOTOXINES POUR
LA SANTÉ HUMAINE ?
Les effets toxiques des différentes mycoto-xines sont principalement connus suite auxobservations faites chez l’homme et les ani-maux exposés par voie alimentaire.
Certaines sont toxiques pour le foie, d’autrespour le rein, plusieurs sont toxiques pour lesystème nerveux et le système immuni-
Groupe 1
L’agent est cancérogène
pour l’homme.
Aflatoxines*
Aflatoxine M1
Depuis :
1987
1993
Groupe 2 B
L’agent est peut-être
cancérogène pour l’homme.
Fumonisine B1
Fumonisine B2
Ochratoxine A
Depuis :
2002
1993
1993
Groupe 3
L’agent est inclassable
quant à sa cancérogénicité
pour l’homme.
Déoxynivalénol, nivalénol
Patuline
Zéaralénone
Depuis :
1993
1987
1993
* Une nouvelle monographie sur les aflatoxines est en cours de rédaction.
Classement des principales mycotoxines par le Centre de recherche international contre le cancer (CIRC ou IARC pour International Agency for Research on Cancer)
La patuline a une toxicité pour le systèmenerveux central et le système immunitairedes animaux. Ses effets chez l’homme sontmal connus. Elle est classée dans le groupe 3du CIRC.
Chez l’homme, les effets d’une expositionen milieu professionnel par voie respiratoireou cutanée sont peu étudiés. Toutefois, ilexiste des études mettant en cause ce moded’exposition à des mycotoxines dans l’appa-rition de certains problèmes de santé chezl’homme (développement d’un cancer dufoie, d’une maladie rénale évoluant vers l’insuffisance rénale…). Ces effets doiventencore être précisés. Les concentrations demycotoxines dans l’air à partir desquellesdes effets sur la santé peuvent être observéschez l’homme ne sont pas connues à ce jour.
QUELLES SONT LES ACTIVITÉSPROFESSIONNELLES AU COURS
DESQUELLES IL EST POSSIBLE D’ÊTREEXPOSÉ À DES MYCOTOXINES ?
Selon les données de la littérature, les per-sonnes peuvent potentiellement se trouverexposées à des mycotoxines essentielle-ment dans les secteurs suivants :– secteur agricole (fermes, silos, moulins à
grains, élevages d’animaux) ;– fabrication d’aliments pour animaux
(tourteaux…) ;– transformation de denrées alimentaires
(café vert, épices, céréales…) ;– compostage de déchets verts ;– interventions sur des bâtiments endom-
magés par l’eau ;– laboratoires d’analyse, de recherche et de
contrôle dans les industries agroalimen-taires essentiellement.
EST-IL POSSIBLE DE MESURERLES CONCENTRATIONS
DES MYCOTOXINES DANS L’AIROU DANS LES LIQUIDES BIOLOGIQUES
(SANG, URINES) ?
Le mesurage des concentrations de myco-toxines dans l’air est actuellement réa-lisé seulement dans le cadre des études expérimentales. Il en est de même pour lesmesures de mycotoxines dans le sang et lesurines.
L’INRS travaille sur le développement deméthodes de mesure des mycotoxines dansl’air des lieux de travail. Des fiches MétroPolsont en cours de validation et sont peu à peuintroduites dans la base MétroPol (voir pagesuivante).
QUELLES SONT LES MESURESDE PRÉVENTION POSSIBLES
EN MILIEU DE TRAVAIL ?
Lutter contre la prolifération des moisissures
Même si leur présence n’est pas certaine, ilfaut considérer qu’une exposition auxmycotoxines est possible chaque fois quedes moisissures peuvent être présentes. Ilfaut donc assainir l’atmosphère des lieux detravail par tout moyen adapté à la situation :– amélioration de la ventilation des locaux
où les activités nécessitent ou entraînentune grande humidité ;
– maintenance régulière des systèmes d’aé-ration/ventilation/climatisation ;
– intervention rapide après dégâts des eaux ;– retrait des matériaux moisis (cloison,
papiers peints, moquette…), nettoyagesuivi ou non d’une désinfection des surfa-ces contaminées…
En milieu agricole, une lutte raisonnéecontre la prolifération des moisissures (luttecontre les insectes ravageurs, traitementsfongicides…) prévient les ravages faits auxcéréales au champ et permet la réductionde l’exposition lors des manipulations ulté-rieures. Le respect des bonnes pratiquespour la récolte et le stockage des céréales et des fourrages permet ensuite de prévenirou de limiter le développement de ces moisissures.
Lutter contre l’exposition aux poussières contaminées
Certaines études ont montré que le niveaudes concentrations de mycotoxines dansl’air pourrait être corrélé au niveau d’em-poussièrement. La réduction de l’empous-sièrement reste donc essentielle dans lessecteurs manipulant des produits potentielle-ment contaminés par les mycotoxines, tantpour limiter les effets broncho-pulmonaires
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POURQUOI S’INTÉRESSERAUX MYCOTOXINES EN MILIEU
DE TRAVAIL ?Le risque représenté par la présence demycotoxines en milieu de travail reste malconnu. De ce fait, les mesures de préventionen milieu professionnel sont peu dévelop-pées contrairement aux dispositions prisesen santé publique vis-à-vis du risque parvoie alimentaire.
Les risques liés à une exposition aux myco-toxines par voies respiratoire et cutanée ontété documentés par des études chez l’animal,avec des effets cutanés, hépatiques, respira-toires… De plus, certaines mycotoxines sontdes cancérogènes avérés pour l’homme(mélanges naturels d’aflatoxines) ou cancé-rogènes possibles (ochratoxine A…).
Il ne paraît donc pas raisonnable d’attendredes arguments scientifiques indiscutables
pour prendre des mesures de prévention vis-à-vis des mycotoxines dans certaines situa-tions professionnelles particulières.
QU’EST CE QU’UNE MYCOTOXINE ?Les mycotoxines sont des substancestoxiques sécrétées par certaines moisis-sures, telles que des Aspergillus, desFusarium, des Penicillium… Une fois sécré-tées, les mycotoxines peuvent persister
FICHE AGENTS BIOLOGIQUES
Mycotoxines en milieu de travail
Juillet 2011
ED 4411
Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles30, rue Olivier-Noyer 75680 Paris cedex 14 • Tél. 01 40 44 30 00 • Fax 01 40 44 30 99 • Internet : www.inrs.fr • e-mail : [email protected]
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non spécifiques des poussières (surcharge,irritation, inflammation…) que pour limiterles effets spécifiques des mycotoxines oud’autres constituants.Les possibilités de projection ou de disper-sion dans l’air de particules de substratcontaminé, de spores, de fragments de moi-sissures doivent être repérées et réduitesautant que possible.Des précautions particulières sont à mettreen œuvre lors de la manipulation de céréales,de paille, de fourrage ou de tout autre sub-strat moisi : organisation du travail permet-tant de limiter la durée de l’exposition, miseen marche et maintien d’une ventilation…
Sur le plan individuel, outre les mesuresd’hygiène, les équipements de protectiondoivent comporter une tenue de travail, une
1re édition • juillet 2011 • 2 000 ex. • réalisation : Atelier F. Causse
Auteurs : Gita Brochard et Colette Le Bâcle, INRS Contact e-mail : [email protected]
protection respiratoire et/ou cutanée adaptéeà la situation de travail, si les mesures deprotection collective, qui doivent toujoursêtre privilégiées, ne permettent pas uneprotection suffisante.
Des précautions similaires sont recomman-dées pour des interventions sur des maté-riaux de construction envahis par desmoisissures, à compléter parfois par desmesures de restriction d’accès voire deconfinement du chantier.
Prévention en laboratoire
Certaines tâches en laboratoire peuvententraîner une exposition à des mycotoxines :préparation des échantillons de céréales etdes solutions étalons, mise en culture et
identification de moisissures toxinogènes,analyse de substrats contaminés en con-trôle qualité dans l’agroalimentaire. Toute activité pouvant entraîner une expo-sition à des mycotoxines nécessite donc lerespect des bonnes pratiques de laboratoirevis-à-vis des génotoxiques.
Information et formation
L’information et la formation des tra-vailleurs doivent permettre d’obtenir leuradhésion à des procédures d’interventionparfois contraignantes et le respect desmesures d’hygiène individuelle (change-ment de tenue de travail aussi souvent quenécessaire, douche en fin de poste…).
Elles doivent concerner tous les interve-nants, y compris les travailleurs intérimaireset ceux des entreprises extérieures.
CONCLUSION
L’obligation réglementaire d’évaluation desrisques biologiques et de mise en place demesures de prévention ne se limite pas auxseuls risques infectieux mais concerne également les risques de type immuno-allergiques et toxiniques liés aux agentsbiologiques.
L’évaluation du risque lié aux mycotoxinesfait donc partie de ces obligations. Pourl’instant, il n’existe pas de valeur limite d’ex-position et les possibilités de métrologiesont très limitées. Il n’en demeure pasmoins que des mesures de prévention sontd’ores et déjà possibles, en particulier vis-à-vis de la prolifération des moisissures et vis-à-vis de l’empoussièrement des ambiancesde travail à risque.
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OÙ PUIS-JE TROUVER PLUS D’INFORMATION ?
- Sur le site www.inrs.fr.
- Les risques biologiques en milieu professionnel, INRS, ED 6034.
- G. Brochard et C. Le Bâcle, Mycotoxines en milieu de travail. I. Origine et propriétéstoxiques des principales mycotoxines et II. Exposition, risques, prévention, TC 128, 2009et TC 131, 2010 (documents tirés de la revue Documents pour le médecin du travail,disponibles uniquement en pdf sur le site www.inrs.fr).
- Manipulation des substances génotoxiques utilisées au laboratoire, INRS, ED 769.
- MétroPol : base de données INRS disponible sur www.inrs.fr.
- Évaluation des risques liés à la présence de mycotoxines dans les chaînes alimentaireshumaine et animale. Rapport synthétique, AFSSA, 2006 : www.anses.fr/Documents/RCP-Ra-Mycotoxines.pdf.
- Liste alphabétique du IARC (en anglais seulement) : http://monographs.iarc.fr/ENG/ Classification/ClassificationsAlphaOrder.pdf.
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