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1976-03-09 Intervention après l’exposé de J. Aubert sur J. Joyce d’Ornicar ?), 1977, n° 4, pp. 16-18. Extraits de la discussion qui eut lieu après l’exposé de Jacques Aubert : « Galerie pour un portrait » aux « Conférences du Champ freudien ». Jacques-Alain Miller – À vous suivre, et c’était déjà le cas lors de votre intervention au Séminaire du D r Lacan, on touche du doigt que la dimension du symptôme est manifeste chez Joyce, parce que celle du fantasme Interventions lors des Conférences du « Champ freudien ». Analytica 4 (supplément au n° 9 n’y vient pas faire écran. Sade par exemple impose l’évidence du fantasme, de son fantasme. Ici au contraire, il ne s’agit certainement pas du fantasme de Joyce, ni même d’un symptôme qui lui serait attribuable. Il répète, il effectue la structure du symptôme, et rien ne le montre mieux que l’effet de son texte sur le lecteur, qu’il met dans la position d’avoir à déchiffrer interminablement, à dévider une interprétation infinie qui ne comporte aucun principe d’arrêt. Vous dites « en guise de conclusion », mais vous ne pouvez rien conclure. Jacques Aubert – J’avais oublié de mentionner une chose qui était pourtant… Jacques-Alain Miller – Il est nécessaire que vous ayez oublié quelque chose. Jacques Aubert – Oui, oui ! Vous allez voir ce que c’est. Si j’ai parlé d’analyse c’est qu’entre autre choses il inscrit dans le Journal, à la fin, des transcriptions de rêves, qui figuraient dans les fameuses et curieuses épiphanies qu’il a soigneusement sélectionnées, laissant tomber ce qui n’était pas problématique, les notations réalistes, sociales, ne retenant que celles qui sont de l’ordre du rêve. Lorsque j’ai prononcé tout à l’heure le mot de fantasme, c’était à propos d’un rêve qui commençait d’une manière suffisamment non-réaliste pour qu’on puisse, au début, s’y laisser prendre. 1

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d’Ornicar ?), 1977, n° 4, pp. 16-18. Extraits de la discussion qui eut lieu après l’exposé de Jacques Aubert : « Galerie pour un portrait » aux « Conférences du Champ freudien ».

Jacques-Alain Miller – À vous suivre, et c’était déjà le cas lors de votre intervention au Séminaire du Dr Lacan, on touche du doigt que la dimension du symptôme est manifeste chez Joyce, parce que celle du fantasme Interventions lors des Conférences du « Champ freudien ». Analytica 4 (supplément au n° 9 n’y vient pas faire écran. Sade par exemple impose l’évidence du fantasme, de son fantasme. Ici au contraire, il ne s’agit certainement pas du fantasme de Joyce, ni même d’un symptôme qui lui serait attribuable. Il répète, il effectue la structure du symptôme, et rien ne le montre mieux que l’effet de son texte sur le lecteur, qu’il met dans la position d’avoir à déchiffrer interminablement, à dévider une interprétation infinie qui ne comporte aucun principe d’arrêt. Vous dites « en guise de conclusion », mais vous ne pouvez rien conclure.

Jacques Aubert – J’avais oublié de mentionner une chose qui était pourtant…

Jacques-Alain Miller – Il est nécessaire que vous ayez oublié quelque chose.

Jacques Aubert – Oui, oui ! Vous allez voir ce que c’est. Si j’ai parlé d’analyse c’est qu’entre autre choses il inscrit dans le Journal, à la fin, des transcriptions de rêves, qui figuraient dans les fameuses et curieuses épiphanies qu’il a soigneusement sélectionnées, laissant tomber ce qui n’était pas problématique, les notations réalistes, sociales, ne retenant que celles qui sont de l’ordre du rêve. Lorsque j’ai prononcé tout à l’heure le mot de fantasme, c’était à propos d’un rêve qui commençait d’une manière suffisamment non-réaliste pour qu’on puisse, au début, s’y laisser prendre.

Jacques-Alain Miller – La façon même dont vous abordez le texte de Joyce montre à quel point celui-ci ne spécule pas sur le fantasme, mais plutôt qu’il le défie. Que cela le conduise à défier la grammaire, c’est dans l’ordre. Il me paraît qu’une littérature qui spécule sur le symptôme, qui l’imite, est tout autrement constituée que celle qui se fonde sur le fantasme. Il est clair qu’à prendre les choses comme vous le dîtes, vous dépassez la question qui embarrasse tous ces critiques dont les articles sont recueillis dans l’édition que vous avez recommandée : dans quelle mesure Joyce adhère-t-il au personnage de Stephen ? On a d’abord tout pris pour argent comptant et puis on s’est dit que non, qu’il devait marquer beaucoup d’ironie à l’égard du personnage, qu’il ne le donnait pas en exemple. Mais on reste incertain : Joyce est-il sérieux ou pas ? La théorie de l’art qu’il expose est-elle la sienne ? Est-ce bien ce prétentieux personnage qu’il propose pour modèle ? Cette problématique est trop psychologique, mais

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enfin quelle est votre position à propos de cet embarras de la critique anglo-saxonne ? Quelle est la fonction de Stephen dans l’économie subjective de Joyce ?

Jacques Aubert – Vous avez prononcé le terme d’ironie. Je ne suis pas sûr qu’il n’y ait que de l’ironie. La position de surplomb, de domination par rapport au texte que suppose l’ironie, n’est pas celle de Joyce, il y a plutôt humour. Il fait fonctionner le texte dans sa logique. Il l’accompagne, ou plutôt est accompagné par lui comme par son énigme. Ce que, comme vous l’avez dit, Joyce essaye de déchiffrer, c’est son énigme.

Jacques Lacan – Je vais vous dire la réflexion qu’en vous écoutant je me suis faite, à propos de la confesse, et de tout ce qui s’ensuit – à quelle prodigieuse végétation cela aboutit, avec Alphonse de Liguori, Suarez, le probabilisme ! Je pensais à un de mes analysants qui est un vrai catholique, mûri dans la saumure catholique, à un point qui n’est certainement égalé par personne ici, sans cela personne n’y serait. En somme, un catholique vraiment formé dans le catholicisme est inanalysable. Il n’y a aucun moyen de l’attraper par le bout de quelque oreille.

Jacques Alain Miller – Vous avez déjà exclu les Japonais de l’analyse…

Jacques Lacan – J’ai déjà exclu les Japonais, bien sûr, mais c’était pour d’autres raisons. Les vrais catholiques sont inanalysables parce qu’ils sont déjà formés par un système auquel on a essayé de survivre avec l’analyse de Freud. C’est en cela que Freud est un catholique timide, prudent. Il a fait passer là un courant d’air frais, mais en fin de compte son apport est du même principe, comme on le voit dans Malaise dans la civilisation : il retourne tout bonnement au fait qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Il est quand même curieux, pour user d’un mot que vous avez employé, curious, que l’analyse soit la forme de survie dans le catholicisme. On verra peut-être un jour un pape qui s’en apercevra et invitera tout le monde à se faire psychanalyser. Mais pour les gens qui sont déjà formés, l’analyse, c’est sans espoir. Peut-être, avec le temps, cela arrivera-t-il a s’évaporer. Je voudrais soulever une autre question qui est celle de la traduction anglaise du Ich des Allemands par ego. Nous avons donné à cela un poids plus raisonnable en traduisant par le moi. C’est là que je retrouve la question tout à fait pressante qu’a soulevée Jacques-Alain Miller, des rapports de Stephen avec James Joyce. Stephen Dedalus, n’est-ce pas ce qu’on appelle communément l’ego ? Je serais assez porté à y pointer un imaginaire redoublé, un imaginaire de sécurité si l’on peut dire. Est-ce que Stephen Dedalus ne joue pas par rapport à James Joyce le rôle d’un point d’accrochage, d’un ego ? Est-ce un ego fort comme disent les Américains, ou est-ce un ego faible ? Je crois que c’est un ego fort, d’autant plus fort qu’il est entièrement fabriqué. C’est faire retour à la question d’où je partais : quelle est la fonction de l’ego dans la formation catholique ? Est-ce que la formation catholique n’accentue pas ce caractère en quelque sorte détachable de l’ego ? Il est très frappant que les anglais n’aient pas traduit le Ich par I. Il faut

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que quelque chose les en ait empêchés, parce que cela semble aller de soi, quelque chose qui tient à la langue anglaise.

Philippe Sollers – En anglais, ils ont aussi gardé le latin pour le ça et le surmoi.

Jacques Aubert – Cela tient peut-être à la tradition théologique anglaise, qui, pour l’essentiel n’est pas catholique.

Philippe Sollers – En anglais, le I s’écrit toujours avec une majuscule même à l’intérieur d’une phrase.

Jacques Lacan – Oui, mais ce n’est pas une explication, puisque les Anglais écrivent aussi ego un E majuscule.

Jacques-Alain Miller – En tout cas, je voudrais souligner qu’il n’y a pas d’ambiguïté sur le type de moi que Joyce se construit (« se construire » figure dans le Portrait) : un moi qui se construit, le moi classique des romans d’éducation, est un moi obsessionnel.

Jacques Lacan – C’est ça. D’ailleurs, le Français marque bien que le moi est en fin de compte déterminé, qu’on le choisit. C’est une sorte d’objet. Pichon a fait là-dessus des remarques qui ne sont pas idiotes.

Jacques-Alain Miller – Or, il ne me semble pas qu’il était obsessionnel, Joyce. S’il se construit un moi obsessionnel, c’est un moi qui n’a rien à faire avec sa structure. Sa personne ténue, pour reprendre les termes de Pichon, et sa personne étoffée ne coïncident pas du tout.

Jacques Aubert – Je me demande si cela n’est pas en partie fabriqué par l’éducation catholique, à base d’Imitation de Jésus-Christ.

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1976-03-10 Lettre à Pierre Soury et Michel Thomé

<fac-similé absent>

Pneumatique envoyé au 5 rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Chers S. et T.

J’aimerai vous entendre.

Appelez quand vous voulez

Votre

J. L naturellement :

soucieux

Ce 10 III 76

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1976-03-21 Intervention sur l’exposé de P. Kaufmann

Intervention sur l’exposé de P. Kaufmann : : « Note préliminaire sur le concept d’inhibition chez Freud. L’impasse de la contradictio. 9e Congrès de l’École freudienne de Paris : « Inhibition et acting-out ». Palais des Congrès de Strasbourg, Lettres de l’École freudienne, 1976, n° 19, p. 48.

Groupe de discussion improvisé sur les thèmes développés par Pierre Kaufmann

J. Lacan – Qu’est-ce qu’il y a encore dans Épictète ?

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1976-03-24 « Inhibition et acting out » Clôture du congrès.

Neuvième congrès de l’École freudienne de Paris, Palais des congrès de Strasbourg, Lettres de l’École freudienne, 1976, n°19, pp. 555-559.

(555)J. Lacan – Comme je me le suis fait confirmer par Solange Faladé, c’est bien moi qui ai choisi pour un congrès qui à ce moment-là n’était pas pour demain, ces deux thèmes, l’inhibition et l’acting out. Il est certain que c’était faire confiance aux Strasbourgeois, et votre présence ici dans cet amphithéâtre magnifique est la confirmation du soin qu’ont mis les Strasbourgeois à faire ce congrès, c’est-à-dire ce qui pour nous (je parle de l’analyste idéal) est un frotti-frotta, enfin quand même ce frotti-frotta répond à un besoin de se chauffer entre soi ; mais ce n’était pas seulement pour ça que j’ai préféré ces deux thèmes. Je les proférais aussi en écho à Strasbourg ; je veux dire que de même que, dit-on (métaphore comme d’habitude !) Strasbourg, c’est une extrémité de ce lopin de terre qu’on appelle la France, de même ça m’avait porté à proférer inhibition et acting out comme étant les confins de l’analyse.

Le comble du comble, c’est que je suis comblé ; je veux dire qu’à entendre les divers orateurs, j’ai eu ce sentiment d’être comblé. L’ennuyeux – mais c’est uniquement pour moi, car je pense que tout le monde l’a été, comblé ; on a été comblé d’un certain nombre de thèmes dont je me demande pourquoi je les ai frayés ; ça veut dire que comblé, comblé par tous ceux qui ont parlé de cette place et des différentes autres salles, ça ne m’a pas satisfait ; ça m’a même perturbé quant à l’utilité de ce que je fais.

C’est certain que cette question, ce n’est pas la première fois que je me la formule. Le manque me manque. Quand le manque manque à quelqu’un, il ne se sent pas bien. C’est une affaire comme ça que j’essaye de réduire au fait que je suis de l’espèce de cet hommâle dont j’ai parlé comme d’une hommelle, voire d’une hommelette. L’hommâle en a trop, mais ça ne l’empêche pas d’être sensible au manque. Pourquoi est-il si sensible au besoin de manque, si je puis m’exprimer ainsi ? Je ne vois absolument pas d’autre raison à en donner, sinon qu’il a des habitudes. Il a l’habitude de manquer. Et ses habitudes, il en fait un principe qui, dans l’analyse, a été intitulé – d’ailleurs on n’a jamais entendu parler que de ça – le principe du plaisir.

Le principe du plaisir a été repéré depuis toujours ; c’est même bien ça qui nous écrase, et qui m’écrase, moi aussi ; heureusement, j’ai un honorable précédent, c’est Freud. Lui aussi, il a fallu qu’il tombe là-dedans, dans le principe du plaisir. Le principe du plaisir, il l’a défini évidemment un peu autrement que ne le définissaient les Grecs, qui prenaient ça au pied de la lettre, lui, quand même, (Freud), a dit que c’était le moindre déplaisir, en d’autres termes que la vie, ça ne pouvait se supporter qu’à condition de la tamponner un peu sérieusement.

(556)C’est évidemment nouveau, et ça n’est pas très encourageant. Pourquoi, puisque j’ai parlé de l’hommêle, pourquoi celle que j’appellerai dans l’occasion la femmeuse ou l’affameuse, celle qui n’est pas toute, au point que de la dire la, j’ai mis ça en suspicion, en suspension, pourquoi est-ce qu’elle, de ce manque, elle s’en fout bien, c’est le cas de le dire ?

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Je suggère en réponse que c’est elles – elles au pluriel quoique j’ai parlé de la d’abord – c’est elles, au pluriel, qui sont, si tant est qu’on puisse employer le mot être, qui sont l’inconscient. La femmeuse dont je parlais n’est pas toute ; si elle n’est pas toute, en fin de compte, je ne sais pas bien si c’est comme le réel, ou si j’ai été introduit à formuler que le réel n’est pas tout à cause d’elles (comme vous voudrez l’écrire, au singulier ou au pluriel). Tout ce que je peux avancer dans l’occasion, c’est que si elle n’est pas toute comme le réel, elle n’en sait rien. Le réel non plus d’ailleurs, puisqu’il n’est pas question d’un savoir quelconque pour le réel.

J’avance en somme que le réel, quoique discordant, il se trouve – c’est un fait que nous constatons – que ça marche. La façon dont nous nous cassons la tête pour faire quelque chose qui marche comme lui (quoique discordant) a abouti à la fabrication des automates. Il est évident qu’il y a là quelque chose de faussé dans l’automate : l’idée que ça marche par soi, que ça marche tout seul a l’air plutôt de dire le contraire ; mais l’idée d’ « auto » en question, à savoir qu’il y aurait un soi, est bien ce que l’analyse au dernier terme met en question.

Ce que j’avance, ce que j’avance au dernier terme, c’est que, dans la mesure où le réel fonctionne pour l’homme, je parle de cette chose malgré tout tout à fait stupéfiante que l’homme, on ne sait pas pourquoi, est arrivé à catégoriser le réel comme tel, eh bien le réel en tout cas n’atteint le dit homme que de sa discordance, et c’est bien pour ça qu’on est stupéfait qu’il se soit élevé jusqu’à une conception du réel dont moi, timidement, j’ai avancé qu’elle ne saurait s’ébaucher, contrairement aux monomanies humaines, qu’elle ne saurait s’ébaucher, cette conception du réel, que comme d’un réel éclaté.

Voilà. J’ai entendu ici des échos de ça, qui est la pointe de ce que j’ai essayé d’énoncer, des échos de ce qu’on peut appeler mon bavardage. Dans le train, quelqu’un qui, je crois, était la personne qui est là en face, trimballait avec elle un torchon qui s’appelle Le Nouvel Obs comme on dit, dans lequel deux crétines disaient que ce siècle était lacanien ! (Rires) C’est naturellement pour dire qu’il faut que ça finisse. L’ennuyeux simplement, pour moi, c’est que ça ait commencé, aux dires des types en question.

En réalité, si ça a commencé dans ce siècle, comme on dit, on peut dire qu’il y a mis le temps ! Ça m’est venu sur le tard, cette espèce de poussée, comme ça, si tant est qu’elle existe. Mais enfin ça n’en a pas moins l’effet que je ne peux plus me souffrir. Voilà. Je voudrais bien limiter les dégâts que j’ai fait – malgré tout on n’est pas un très grand nombre ; dans les 800 ; ça ne suffit pas à dire que le siècle est lacanien ! – Je voudrais bien limiter les dégâts que j’ai fait en somme dans ce champ limité, ce petit bout de réel.

L’ennui – l’ennui pour moi – c’est que je n’y peux rien. Une fois qu’on est entré dans la voie de certains choix, c’est fait. Il faut quand même qu’on sache ça. On ne sait pas pourquoi on choisit quelque chose. Le plus souvent on commence comme ça au hasard. Et puis après ça a des suites.

(557)Naturellement, je ne suis pas le seul à être dans le cas que ça m’embête. Les dégâts que j’ai fait ne sont plus en mon pouvoir. Alors comme tout le monde, parce que c’est comme ça que ça se passe pour ce qu’on appelle tout le monde – bien sûr, là aussi c’est un résidu – je ne vois

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qu’une issue, c’est, puisque le choix est fait, de le pousser au moins jusqu’à ses dernières conséquences.

J’ai imaginé l’inconscient comme participant à ce réel mitigé qui ne se réduit pas à des bouts, à savoir qui s’imagine comme faisant partie de quelque chose qui tourne rond. C’est pour ça que je dis que j’ai imaginé l’inconscient comme participant du réel. À ce titre, je l’ai sûrement raté. Mais pas plus que tout ce qui s’imagine. Ce ratage étant au principe de ce peu que j’ai de réalité, on peut dire que, comme tout ratage, c’est une ré-ussite, je veux dire que c’est la réussite d’une réalité qui se trouve, comme ça, être mise sous mon chef, mais se caractérise d’un autre côté de communiquer avec une réalité commune.

Bien sûr, comme tout le monde, ma réalité est faite de ceci qu’elle est ponctuelle, par rapport à ce dont on fait mémoire monumentale sous le nom d’histoire. Comme pour chacun, chacun de ceux qui sont ici et chacun de ceux qui sont aussi dehors. Il n’y a pas de ce que j’appellerai l’Histoire avec un grand H, la grande Histoire. Il n’y a que des historioles. J’ai été pris dans une historiole qui n’est pas de moi, l’historiole freudienne, et simplement parce que j’y ai glissé. Mais il n’y a absolument rien de commun entre l’historiole freudienne et toutes celles qui l’ont précédée. Ce n’est pas parce qu’un certain nombre de gens, Herbart, Hartmann, Du Bois-Reymond, n’importe qui, ce n’est pas parce que Freud a fait ses choux gras d’un certain nombre d’épaves qui restaient des précédentes historioles que son historiole, à lui, les continue. C’est bien pour ça que la seule chose qui pourrait me faire abandonner mon enseignement, c’est la logique que j’en ai engendrée, logique qui ne vaut pas mieux que les précédentes, qui vaut en fait tout aussi peu.

C’est une façon de faire un aveu. Oui. L’aveu, c’est ceci : c’est qu’une analyse fait avouer quiconque s’y risque, chacun dans l’analyse s’avoue-rité, si je puis dire, pour faire équivoque avec sa vérité ; mais chacune de ces vérités, il faut le dire. C’est très difficile de savoir ce qu’elle a de commun avec les autres. Il n’y a que des vérités particulières, et c’est bien ça qui m’a frappé dans ce congrès. Il est certain que j’avais tendu un piège en essayant d’encadrer ce qui concerne l’analyse avec ces frontières que sont l’inhibition et l’acting out. Alors le résultat – c’est le cas de le dire, je l’ai déjà dit – m’est revenu dans la figure, parce que combler quelqu’un, c’est quand même ça. Ce n’est pas tellement que l’aveu ait été la caractéristique de ce qui m’a été rapporté, mais comme c’était aux frontières que je m’étais porté, avec l’équivoque d’un congrès aux frontières, c’est évidemment aussi des frontières que j’ai reçu la réponse, à savoir la réponse de ce qui a le plus manqué dans ce congrès, mis à part quelques petits points que chacun reconnaîtra facilement, à ce repérage par exemple que je suis étonné qu’on n’ait pas plus parlé de la phobie, mais quelqu’un l’a fait quand même.

La phobie, c’était résonner au cœur même de ce problème que j’ai évoqué à propos du comble, du manque, de l’insatisfaction, de l’insatisfaction qui était la mienne. Ce qu’on n’a pas assez senti, ce qui aurait pu se faire, en réaction à cette indication de l’inhibition et de l’acting out, c’est que quelque chose témoigne plus de l’expérience de ce que j’appellerai l’analyse – pour ne pas parler de l’analyste, parce que je vais commencer quand même à déballer mon truc : si j’ai institué la passe, c’est quand même pour voir s’il y a des analystes, et pas seulement des gens qui à ça ne s’autorisent, comme je l’ai dit, que d’eux-mêmes. Évidemment, qui ne s’autorise pas de (558)soi-même ! Le soi-même, il y en a à la pelle. Qu’on s’autorise d’être

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analyste, c’est à la portée de bien du monde pourvu qu’on en ait pratiqué une certaine expérience. Mais ce n’est pas pour rien que j’ai laissé pointer ceci : c’est que quant à moi, j’en suis encore réduit à faire l’analysant. Ce qu’il y a de merveilleux, c’est que j’ai trouvé pour ça un alibi : je fais de l’enseignement.

Puisque je suis sur la voie des confidences, je vais quand même vous en dire un petit bout de plus : je suis le seul névrosé à avoir compris qu’il n’y a d’ego que du névrosé. Bien sûr, c’est ça qui fait poids. Alors comment moi j’ai réussi à le faire flotter, cet ego, je vous dirai ça la prochaine fois, à mon séminaire, parce que je ne vois pas pourquoi, une fois sur cette pente, je m’arrêterais.

Je peux tout de même vous en donner un petit bout : je ne fais pas d’alliance (parce que c’est ça qu’ils ont découvert, les ego-psychologists, c’est qu’on fait des alliances avec ce qu’on considère comme la partie saine. Qu’est-ce que ça veut dire ! L’ego est un chancre ! Il n’y a pas de partie saine de l’ego. Il y a des ego qui s’agglutinent. Ça n’en fait pas moins un chancre toujours – je ne fais pas d’alliance avec d’autres ego. Ce n’est pas comme ça que je les attrape, ceux qui ont la folie de se confier à moi. Mais enfin c’est un fait que, justement parce que c’est une folie, ça a comme résultat de faire que, dans un congrès comme ici par exemple, on ne déconne pas trop, ou on déconne d’une façon qui est pour moi reconnaissable, qui est sensible.

J’engendre – j’en ai posé la question à quelqu’un qui est dans ma familiarité – j’engendre assez souvent un bafouillage. Mais, comme j’ai pu le constater heureusement chez la plupart de ceux qui se sont risqués à cette tribune, c’est un bafouillage plutôt astucieux. Ça n’empêche pas que ça m’accable. Mon sentiment, comme ça, à la clôture de ce congrès, est vraiment plutôt celui de ma responsabilité.

Ne vous frappez pas ! Ça ne me déprime pas pour autant. Je ne me console qu’avec cette histoire du bout de réel ; et ce bout de réel, il faut quand même tâcher d’un tout petit peu l’incarner. Ce bout de réel, qu’est-ce que ça veut dire, en somme ? Quand on prend celui qui est le plus, si je puis dire, à la portée de notre main, s’il y a quelque chose qui témoigne que de réel il n’y a que des bouts, c’est bien ce qu’on appelle communément la résistance, et ce qu’on appelle également la castration.

On arrivera bien, bien sûr, à me faire lâcher cette résistance ; on arrivera bien à me châtrer, puisque c’est le sort commun des pères. Voilà. Ce que Freud ne dit pas, sauf comme ça, en oblique, par équivoque, c’est que les vrais de vrais, les vrais de pères, c’est ça le secret du prétendu meurtre, c’est qu’il faut les tuer pour ça, pour qu’ils lâchent le bout de réel.

Voilà. C’est le principe de ce mystère que soi-disant la civilisation en somme ne se transmettrait pas s’il n’y avait pas le meurtre du père. Tout ça est lié à cette petite affaire du bout de réel en question, ce bout de réel dont je voudrais bien pouvoir en trouver un autre pour vous en parler. Je vous ai laissé entendre que je ne désespère pas. Je ne dis pas que j’espère. Mais enfin qu’il pourrait bien arriver que je trouve quelque chose qui montrerait bien que le réel, ce n’est pas si simple que ça, ce n’est pas si simple qu’on le dit, que la simplicité n’est nullement le témoignage qu’on est dans le vrai. Mais à ça vous reconnaîtrez que je n’ai

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pas le sentiment du beau ; les deux se tiennent, le vrai et le beau, et quelqu’un a dit ce matin sur le beau une réflexion fort pertinente.

(559)Il est quatre heures. Je m’en tiendrai là, à charge pour vous de rétorquer ce qui vous conviendra.

Qui a à sussurer quelque chose ? … Personne ? Alors, j’en ai assez dit. J’ai conclu le congrès. Je renouvelle mes remerciements aux Strasbourgeois.

(Applaudissements)

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1976-03-29 L’assassin musicien

Publié dans le Nouvel Observateur, dans la rubrique « opinion » page 594. En-tête de l’article : « L’auteur des Écrits parle rarement de cinéma. Le film de Benoît Jacquot, que Jean-Louis Bory analyse ci-dessus, lui a donné envie de le faire ».

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Ce que j’admire, c’est de ne même pas avoir envie de relire le récit dont ce film se fonde : un roman inachevé de Dostoïevski dont c’est de la lecture de Safouan que Benoît Jacquot a pris l’idée. Pourtant j’irais à l’historiette, que tout le monde sait : à savoir que Dostoïevski c’est de la petite fille qu’il se tracassait je passe sur ce la sans discussion, puisque pour lui c’est un fantasme et même érotique.

Érotique d’habitude en effet, le fantasme fonde le vraisemblable, l’apparentement à la vérité. Benoît Jacquot ayant du talent en fait le vrai tout court. Car c’est en cela que consiste le talent : faire mouche.

Où que ce soit : ici le cinéma.

Son coup d’essai se distingue d’être coup de maître. Je n’ai pas besoin pour dire cela d’une compétence « technique ». (Je m’en remets pour cela à d’autres dont je ne manque pas).

Que je sois touché par ce film, je suis capable de le savoir. Moi, le vulgaire, je suis juge. Sans appel.

On dit qu’un art est fait pour plaire : c’est sa définition, mais ça ne suffit pas au cinéma : il y faut être convaincant. En quoi il relaie le drame.

Ce pour quoi l’économie des moyens s’impose : des moyens de convaincre.

Qu’on me pardonne de faire le critique (que je ne suis pas). C’est comme public que je tranche sur les chipotages.

Benoît Jacquot a gagné.

Ce qui ne se fait pas tout seul.

D’abord il a fait le scénario.

Et puis il a choisi d’autres personnes dont le nom se lit sur le « générique » du film : il a su les choisir.

Anna Karina allait de soi. Mais il y en a d’autres : Gunnar Larsen, Joël Bion qui joue le héros lui doivent quelque chose.

Bien d’autres acteurs dont un certain chef d’orchestre que j’ai trouvé inoubliable. Que me pardonnent ceux que je ne nomme pas.

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1976-03-29 L’assassin musicien

Je ne veux que rendre compte du travail de Benoît Jacquot tel que je l’ai apprécié.

Il a trouvé la petite fille qu’il fallait : à lui de révéler comment. Mais il me l’a dit. Il l’a trouvée convaincante pour lui, la meilleure façon d’opérer pour ce qui convaincra tout le monde – quand on est doué.

Il faut dire que quand on est une petite fille, on « joue », sans se forcer, ce qu’on est fait pour jouer : la passion. Mais pour que ça passe, il faut être douée. Douée sur douée, cela nécessite une rencontre.

Tout ça ne suffit pas à faire un film.

Comme « composition » de la musique et des images, je le tiens, ce film fait, pour un chef-d’œuvre.

D’abord le cadrage des prises de vues : formidable. Même quand ça dure. C’est même ça le plus formidable : ça dure juste le temps qu’il faut. Faites-en l’expérience.

Je vais trahir quelque chose : y eût-il un acteur à lire son rôle, il n’y a que ma femme à s’en être aperçu. Elle en connaît un bout. Je donne là occasion d’une recherche. Mais c’est si convaincant que vous oublierez de la faire.

Pour la musique Haydn et Mozart sont là vivants. Mais c’est le cubage de tout et sa vigueur qui vous frapperont.

Pour le jaspinage, le style de l’œuvre impose qu’on parle d’argent de la bonne façon, des boutiquiers comme il convient. Occasion de voir que ce qui tourmente l’artiste c’est de devenir boutiquier. Au point que c’est mieux qu’il le rate : ce à quoi le héros réussit.

Mais Benoît Jacquot brouille si bien la trace qui serait suspecte de psychanalytisme que vous ne vous apercevrez pas que le héros est tordu de là. C’est le comble du convaincant que de ne pas permettre l’interprétation. Le musicien enfin n’assassine que lui-même : mais ça vous échappera .

Comment Benoît Jacquot arrivera-t-il à ce que son film prochain tienne le coup de celui-ci, je me le demande.

J. L.

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1976-05-17 Préface à l’édition anglaise du séminaire XI

Ornicar ?, 1977, n° 12/13, pp. 124-126.

(124)Quand l’esp d’un laps, soit puisque je n’écris qu’en français : l’espace d’un lapsus, n’a plus aucune portée de sens (ou interprétation), alors seulement on est sûr qu’on est dans l’inconscient. On le sait, soi.

Mais il suffit que s’y fasse attention pour qu’on en sorte. Pas d’amitié n’est là qui cet inconscient le supporte.

Resterait que je dise une vérité. Ce n’est pas le cas : je la rate. Il n’y a pas de vérité qui, à passer par l’attention, ne mente.

Ce qui n’empêche pas qu’on courre après.

Il y a une certaine façon de balancer stembrouille qui est satisfaisante pour d’autres raisons que formelles (symétrie par exemple). Comme satisfaction, elle ne s’atteint qu’à l’usage, à l’usage d’un particulier. Celui qu’on appelle dans le cas d’une psychanalyse (psych =, soit fiction d’-) analysant. Question de pur fait : des analysants, il y en a dans nos contrées. Fait de réalité humaine, ce que l’homme appelle réalité.

Notons que la psychanalyse a, depuis qu’elle ex-siste, changé. Inventée par un solitaire, théoricien incontestable de l’inconscient (qui n’est ce qu’on croit, je dis : l’inconscient, soit réel, qu’à m’en croire), elle se pratique maintenant en couple. Soyons exact, le solitaire en a donné l’exemple. Non sans abus pour ses disciples (car disciples, ils n’étaient que du fait que lui, ne sût pas ce qu’il faisait).

Ce que traduit l’idée qu’il en avait : peste, mais anodine là où il croyait la porter, le public s’en arrange.

Maintenant, soit sur le tard, j’y mets mon grain de sel : fait d’hystoire, autant dire d’hystérie : celle de mes collègues en l’occasion, cas infime, mais où je me trouvais pris d’aventure pour m’être intéressé à quelqu’un qui m’a fait glisser jusqu’à eux de m’avoir imposé Freud, l’Aimée de mathèse.

(125)J’eusse préféré oublier ça : mais on n’oublie pas ce que le public vous rappelle.

Donc il y a l’analyste à compter dans la cure. Il ne compterait pas, j’imagine, socialement, s’il n’y avait Freud à lui avoir frayé la voie. Freud, dis-je, pour le nommer lui. Car nommer quelqu’un analyste, personne ne peut le faire et Freud n’en a nommé aucun. Donner des bagues aux initiés, n’est pas nommer. D’où ma proposition que l’analyste ne s’hystorise que de lui-même : fait patent. Et même s’il se fait confirmer d’une hiérarchie.

Quelle hiérarchie pourrait lui confirmer d’être analyste, lui en donner le tampon ? Ce qu’un Cht me disait, c’est que je l’étais, né. Je répudie ce certificat : je ne suis pas un poète, mais un poème. Et qui s’écrit, malgré qu’il ait l’air d’ être sujet.

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1976-05-17 Préface à l’édition anglaise du séminaire XI

La question reste de ce qui peut pousser quiconque, surtout après une analyse, à s’hystoriser de lui-même.

Ça ne saurait être son propre mouvement puisque sur l’analyste, il en sait long, maintenant qu’il a liquidé, comme on dit, son transfert-pour. Comment peut-il lui venir l’idée de prendre le relais de cette fonction ?

Autrement dit y a-t-il des cas où une autre raison vous pousse à être analyste que de s’installer, c’est-à-dire de recevoir ce qu’on appelle couramment du fric, pour subvenir aux besoins de vos à-charge, au premier rang desquels vous vous trouvez vous-même, - selon la morale juive (celle où Freud en restait pour cette affaire).

Il faut avouer que la question (la question d’une autre raison) est exigible pour supporter le statut d’une profession, nouvelle-venue dans l’hystoire. Hystoire que nous ne disons pas éternelle parce que son aetas n’est sérieux qu’à se rapporter au nombre réel, c’est-à-dire au sériel de la limite.

Pourquoi dès lors ne pas soumettre cette profession à l’épreuve de cette vérité dont rêve la fonction dite inconscient, avec quoi elle tripote ? Le mirage de la vérité, dont seul le mensonge est à attendre (c’est ce qu’on appelle la résistance en termes polis) n’a d’autre terme que la satisfaction qui marque la fin de l’analyse.

Donner cette satisfaction étant l’urgence à quoi préside l’analyse, interrogeons comment quelqu’un peut se vouer à satisfaire ces cas d’urgence.

(126)Voilà un aspect singulier de cet amour du prochain mis en exergue par la tradition judaïque. Même à l’interpréter chrétiennement, c’est-à-dire comme jean-f. trerie hellénique, ce qui se présente à l’analyste est autre chose que le prochain : c’est le tout-venant d’une demande qui n’a rien à voir avec la rencontre (d’une personne de Samarie propre à dicter le devoir christique). L’offre est antérieure à la requête d’une urgence qu’on n’est pas sûr de satisfaire, sauf à l’avoir pesée.

D’où j’ai désigné de la passe cette mise à l’épreuve de l’hystorisation de l’analyse, en me gardant cette passe, de l’imposer à tous parce qu’il n’y a pas de tous en l’occasion, mais des épars désassortis. Je l’ai laissée à la disposition de ceux qui se risquent à témoigner au mieux de la vérité menteuse.

Je l’ai fait d’avoir produit la seule idée concevable de l’objet, celle de la cause du désir, soit de ce qui manque.

Le manque du manque fait le réel, qui ne sort que là, bouchon. Ce bouchon que supporte le terme de l’impossible, dont le peu que nous savons en matière de réel, montre l’antinomie à toute vraisemblance.

Je ne parlerai de Joyce où j’en suis cette année, que pour dire qu’il est la conséquence la plus simple d’un refus combien mental d’une psychanalyse, d’où est résulté que dans son œuvre, il l’illustre. Mais je n’ai fait encore qu’effleurer ça, vu mon embarras quant à l’art, où Freud se baignait non sans malheur.

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1976-05-17 Préface à l’édition anglaise du séminaire XI

Je signale que comme toujours les cas d’urgence m’empêtraient pendant que j’écrivais ça.

J’écris pourtant, dans la mesure où je crois le devoir, pour être au pair avec ces cas, faire avec eux la paire.

Paris, ce 17.V.76.

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1976-08-09 Lettre à Pierre Soury et Michel Thomé

<fac-similé absent>

Lettre envoyée de Paris avec mention Urgent. Collection privée.

<fac-similé absent>

Lacan

479-12-11

Chers Soury et Thomé

Je deviens enragé à cause des textes que vous m’avez eu la bonté de me remettre.

Appelez-moi, je vous prie, à ce numéro à ma maison dite de campagne.

Naturellement vous n’êtes pas là ou je vous écris à tout hasard.

Votre

J.Lacan

Ce 9 Août 76

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1976-08-30 Pneumatique à Pierre Soury

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5 rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

<fac-similé absent>

<fac-similé absent>

Bien cher Soury

Je vous accorde votre compte 51 façons de disposer les sous-groupes (ou sous ensembles) pour 5

Tableau I

Me permettez-vous de vous suggérer qu’il n’en est pas de même pour un ensemble de 6 ? 17

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1976-08-30 Pneumatique à Pierre Soury

Je trouve en effet dans ce cas 6 (5+1), 15 (4+2), 15 (4+1+1), voire 10 (3.3) mais comme on peut choisir sur les deux dix qui s’opposent trois à trois la moitié dont on fera 1.1.1 cela double le chiffre du (3.3), soit le 10 et n’en fait donc que 20. Ce que vous entériniez correctement. De même y a-il bien 3 façons, ces 3 sous groupes à une unité de les associer.

Ce qui donne pour (3.2.1) le chiffre de 60 que vous donnez vous-même.

Mais comment vous arrangez-vous pour compter 15 arrangements de (2.2.2) ?

Je n’en vois moi que quatorze qui pour les mettre à plat sont les suivants :

Figure I

Plus les six différents disposés ainsi. Faites tourner la chose : il y en a six différents

Figure II

Trois différents, que voici, auxquels s’ajoutent les trois suivant

Figure III

Ce qui fait bien quatorze et, me semble t-il, pas un de plus.

Comme on peut choisir chacun des deux

Deux, deux indifféremment qu’on brisera pour ce faire un, un, c’est de 3 fois quatorze qu’il s’agit dès lors, soit 42

De même la répartition sera t-elle identique à briser non pas un mais deux. deux

Cela donnera de même 42 sous groupes différents

Figure IV

deux deux rejetés trois fois

[et le groupe un un un un un un reste unique ]

Total des dispositions de sous ensembles

Tableau II

Jusqu’ici d’accord

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1976-08-30 Pneumatique à Pierre Soury

Il est bien clair que je peux me tromper. Tellement l’affaire fait bordel.

Je vous prie de m’en rendre compte si c’est le cas à Paris 5 rue de Lille 75007. ou encore : 260 72-93

J’y serai mercredi matin.

J. L.

Ce 29 VIII 76

Je vous rappelle votre comptage à vous

Tableau III

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1976-08-30 LETTRE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Lettre envoyé 5 rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

<fac-similé absent>

Ma précédente connerie, j’espère que vous en direz l’inanité.

Voici pour 7

D’accord pour les 3 premiers chiffres

6. 1 7

5.2 21

5.11 21

mais cette fois, à partir de 3.4

Je ne suis pas d’accord. Je note 63 (21x 3) ce qui implique (comme chez vous) 3 fois plus pour 4. 2.1 soit 189 et avec 4 . 1 . 1 . 1 Je reviens à 63

3.3.1 me paraît faire non 70 mais 252

3.2.2. non 105 mais 189

3.2.1.1 non 210 mais 378

20

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1976-08-30 LETTRE À PIERRE SOURY

3.1.1.1.1 fait 63 et non 35 (voir + haut)

2.2.2.2.1, selon le principe de mon compte pour 6, fait pour 1 en bas et à droite.

Figure II

Soit 6 pour 1 et donc 7 : 42

Qui se transforme selon la l’égalité précédente en 126 pour 2.2.1.1.1

2. 11111 fait 21 à mon gré (non 35

et 1111111 . un naturellement

Le total fait 1456 façon d’arrangement des sous ensembles

Avec un maximum pour 3.2.1.1 qui est 378

Autre connerie sans doute

Votre

J. L

Ce 30 VIII 76 en avion d’où mon flottement d’écriture. Pardon

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1976-09-01 PNEUMATIQUE À P. SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5 rue du Dahomey. Collection privée.

<fac-similé absent>

Soury

Chapeau : je m’y attendais

Reste que vous allez recevoir 7, où j’ai aussi quelques objections

Sans doute pas toutes valables

Votre

J.Lacan

Ce 1er septembre 76

Et la corde à 4 ? En avez-vous repéré la « structure » (!) ?

Le « 7 » doit vous arriver de Menton donc en retard

J. L

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1976-09-05 LETTRE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5 rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Cher Soury

J’objecte (encore) à votre compte pour 7 éléments que 105 étant tenu pour le nombre de fois que 2.2.2.1 s’y partitionne

Il ne peut se faire qu’il n’y ait un choix entre les 3 (2) pour rompre le couple

D’où il résulte qu’il y a 315 groupements 2.2.1.1.1

Soit 210 groupements de + dans le compte général.

876 + 210 = 1086

Pour le reste je suis d’accord

Pensez-y Votre

J. Lacan

Ce 5-09-76

Je recopie la + récente version du 7

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1976-09-05 LETTRE À PIERRE SOURY

Tableau I

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1976-09-14 LETTRE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Lettre envoyée 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

En somme pour la chaîne borroméenne il n’y a pas de différence entre la chaîne tétraédrique et la chaîne faite de ronds.

Puisqu’elles sont univoques dans une certaine mise a plat.

Dès lors peut-on dire qu’il n’y a que deux dimensions : celles de l’écrit ?

Votre

J.L

Ce 14.IX.76

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1976-10-11 NOTE LIMINAIRE À LA PRÉSENTATION DE « LA SCISSION DE 1953 »

Parue dans La scission de 1953 (supplément à Ornicar ?) 1976, n° 7, p.3.

(3)J’ai gagné sans doute. Puisque j’ai fait entendre ce que je pensais de l’inconscient, principe de la pratique.

Je ne vais pas le dire là. Parce que tout ce qui est publié ici, notamment de ma plume, me fait horreur.

Au point que j’ai cru l’avoir oublié, ce dont celui qui m’édite témoignera.

Ne plus vouloir y penser n’est pas l’oubli, hélas.

Le débile, soumis à la psychanalyse, devient toujours une canaille. Qu’on le sache.

Jacques Lacan

Ce 11.X. 76

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1976-10-31/11-02. INTERVENTION APRÈS L’EXPOSÉ DE J.PETITOT

Intervention après l’exposé de J. Petitot : « Quantificateur et opérateur de Hilbert ». Journées de l’École freudienne de Paris : « Les mathèmes de la psychanalyse ». Paru dans les Lettres de l’École, 1977, n° 21, p. 129.

Exposé de Jean Petitot […]

(127)Discussion […]

(129)Jacques Lacan – Je voudrais remercier Petitot de la peine qu’il s’est donné d’éclairer mes

formules en Φ ( x ) .

Je voudrais quand même dire qu’il n’y a pas le moindre progrès dans cette définition de l’universel par rapport à ce que bafouillaient les Anciens. Ça tourne en rond, c’est toujours le même bafouillage. Alors on s’accroche à des choses. Et ce sur quoi je crois, sans en être sûr parce que ce n’est évidemment pas du tout reflété dans le titre interminable que vous verrez paraître sur les prochaines affiches, c’est sans rapport avec ce titre, c’est une question que je voudrais poser comme une semence de façon qu’on n’en soit pas surpris quand probablement j’aurai à me servir aussi de figures, c’est : qu’est-ce qu’un trou ? Je pense que c’est la fonction essentielle de la topologie de partir de là ; mais de quoi est-ce qu’on parle quand on parle de trou ? C’est ça que j’ai voulu dire à cet instant même, pour qu’à l’occasion on s’en pose en dehors de moi la question.

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1976-10-31/11-02 INTERVENTION SUR L’EXPOSÉ DE M. RITTER

Intervention de M. Ritter sur : « À propos de l’angoisse dans la cure », Journées de l’École freudienne de Paris : « Les mathèmes de la psychanalyse », dans les Lettres de l’École, 1977, n° 21, p. 89.

Exposé de M. Ritter […]

(89)Discussion :

[…]

Jacques Lacan – Puisque c’est sur l’angoisse que vous avez centré votre énoncé, l’angoisse a très spécialement à faire avec la fonction phallique, et ce n’est qu’à ce titre qu’un objet a peut y être impliqué.

[…]

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1976-10-31 OUVERTURE DES JOURNÉES « LES MATHÈMES DE LA PSYCHANALYSE ».

Paru dans les Lettres de l’École, 1977, n° 21, p. 7.

[…]

J. Lacan – J’ouvre ces journées, et je donne la parole à Claude Conté.

[…]

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1976-10-31/11-02 RÉPONSES DE JACQUES LACAN À DES QUESTIONS SUR LES NŒUDS ET L’INCONSCIENT.

Journées de l’École freudienne de Paris : « Les mathèmes de la psychanalyse ». Paru dans les Lettres de l’École, 1977, n° 21, pp. 471-475.

(471)Quelques questions sont posées à J. Lacan. […]

(472)Jacques lacan – Je ne peux pas me plaindre de n’avoir pas de réponse, au sens où le mot « réponse » veut dire foisonnement. Je ne peux pas m’en plaindre, je dirai même plus – j’en gémis. Mais un gémissement n’est pas forcément une plainte.

(473)On s’imagine que le refoulement originaire ça doit être un trou. Mais c’est purement imaginaire.

Ce qui fait trou n’est pas le refoulement, c’est ce qui est tout autour, et que je me suis permis d’appeler le symbolique – non sans réserve, une réserve à part moi.

Je me suis précipité pour lui donner corps dans la linguistique. On ne peut pas dire que cette linguistique m’encourage. Il est très singulier que quelqu’un comme Roman Jakobson fasse tant de réserves sur Frege. Frege s’est employé à expliquer comment tous les bavardages, le bla-bla de la parole, arrivent à quelque chose qui peut prendre corps, et dans le réel.

Pour que ça prenne corps dans le réel, Frege est amené à faire un jeu d’écritures, dont le statut est encore en suspens. Pourquoi toutes les sottises vraiment sans limite de ce qui s’énonce, pourquoi ça donnerait-il accès au réel ?

Néanmoins, le fait est que, sans qu’on puisse savoir comment ça fait avènement, le langage sait compter. Ou faut-il que les gens savent compter grâce au langage ? Ce n’est pas encore tranché. Mais il est frappant que l’écriture n’éclaire pas la fonction du nombre, si ce n’est par ce que j’ai appelé – l’ayant découvert dans Freud – le trait unaire. Et pourtant cette fonction du nombre est bien ce qui donne accès, non pas directement, au réel.

Ce réel, j’ai essayé de l’articuler dans la chaîne borroméenne.

La chaîne borroméenne n’est pas, contrairement à ce qui s’énonce, un nœud. C’est à proprement parler une chaîne, une chaîne qui a seulement cette propriété que, si on enlève un quelconque de ses éléments, chacun des autres éléments est de ce fait même libéré de tous les autres. Si le trou était une autre affaire, cela se concevrait difficilement.

Si j’ai posé tout à l’heure la question de qu’est-ce qu’un trou ? C’est bien que j’espère cette année en tirer parti, mais ce n’est pas du tout-cuit.

Ce qui me stupéfie, c’est que ce que j’ai pu faire jusqu’à présent vous a suffi. Il faut croire que la place n’était pas remplie d’un certain bavardage – puisqu’en fin de compte, tout ça, ce ne sont que des bavardages, je le redoute – même s’il y a quelques petits éléments qui me font penser que j’arrive quand même à éviter de faire de la philosophie, qui me mettent moi-même à l’abri.

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La philosophie, il n’y en a qu’une, qui est toujours théologique, comme dans mon aire tout le monde s’en aperçoit – encore tout à l’heure quelqu’un écrivait au tableau « théologie-philosophie ». Se sortir de la philosophie, et du même coup de la théologie, n’est pas facile, et nécessite un incroyable criblage dont on peut dire que la psychanalyse soit quelque chose qui se tienne. Elle est perpétuellement mise à l’épreuve, elle donne certains résultats, mais ce que je pense, c’est qu’il n’y a pas de progrès, qu’il n’y a même pas de progrès concevable, qu’il n’y a aucune espèce d’espoir de progrès. Voilà ce que je me permets de mettre au centre de tout ce que nous élucubrons, de façon à ce que nous ne nous imaginions pas avoir tranché des montagnes.

Ce que nous cogitons ne va pas loin. Pour ma part, j’ai essayé, de ce qui a été pensé par Freud – je suis un épigone –, de manifester la cohérence, la consistance. C’est une œuvre de commentateur.

(474)Freud est quelqu’un de tellement nouveau – nouveau dans l’histoire si tant est qu’il y ait une histoire, mises à part ces sortes d’émergences – Freud est quelqu’un de tellement nouveau qu’il faut encore s’apercevoir de l’abrupt de ce qu’il a cogité. C’est cet abrupt que je me suis employé à frotter, à astiquer, à faire briller. Opération dont je suis étonné que personne à part moi ne s’y voit employé, si ce n’est pour le répéter de façon insipide – « insipide » veut dire sans goût.

Les pichenettes dont Freud a animé un certain nombre de personnes sont évidemment frappantes quant à ce qui concerne les femmes.

Les femmes analystes sont les seules qui semblent avoir été un tant soit peu chatouillées par les dites pichenettes. Si tant est qu’il y ait une vague bascule entre ce qu’on appelle la préhistoire et l’histoire, c’est bien du côté des femmes que nous la trouvons. Il est singulier que Freud, à partir d’une incompréhension vraiment totale de ce qu’était non pas la femme, puisque je dis qu’elle n’existe pas, mais les femmes, ait réussi à les émouvoir, au point de leur arracher – c’est bien le comble de la psychanalyse – quelques bouts de ce quelque chose dont elles n’ont pas la moindre idée, je parle d’une idée saisie, à savoir de la façon dont elles se sentent. C’est là un effet notable qu’il soit arrivé que des femmes disent quelque chose qui ressemble à une vérité sur ça. Nous avons grâce à Freud quelques confidences de femmes. Il arrive même que des femmes se risquent dans la psychanalyse, j’ai dit ce que j’en pensais, à savoir ce que cette espèce de provocation freudienne a tiré d’elles leur donne un titre tout à fait exceptionnel à tirer d’autres, d’un certain nombre de bébés appelés hommes, quelque chose qui ressemble à une vérité.

D’un certain nombre de choses qu’on appelle « mathèmes », et que j’appelle aussi de ce même nom, j’ai essayé de marquer des places et d’en définir quatre discours. J’ai appris à ces journées que j’en avais défini plus de quatre. Moi, je n’en ai retenu que quatre.

On a évoqué aujourd’hui que j’aurais parlé du discours du philosophe. Ça m’étonnerait, mais peut-être que si je vois les choses reproduites par Jacques-Alain Miller de ce que j’ai pu énoncer là-dessus, je serai bien forcé de l’en croire. Ces quatre discours, je me suis vraiment cassé la tête pendant les vacances qui ont suivi pour essayer d’en tirer d’autres, je n’y suis pas

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arrivé, et c’est en ça que je pense que ces discours ne constituent pas en eux-mêmes des matières, mais des rapports entre un certain nombre de places.

Je sais bien que les places, on l’a rappelé tout à l’heure, ont une fonction dans la théorie des ensembles. Mais il n’est pas sûr que la théorie des ensembles rende raison de quoi que ce soit dans la psychanalyse. Il n’y a pas d’ensemble du symbolique, de l’imaginaire et du réel. Il y a quelque chose qui est fondé sur une hétérogénéité radicale, et pourtant qui, grâce à l’existence de cet ustensile qu’est l’homme, se trouve réaliser ce qu’on appelle un nœud, et qui n’est pas un nœud, mais une chaîne.

Que l’homme soit effectivement par cette chaîne enchaîné, c’est ce qui ne fait pas de doute. Il est curieux que cette chaîne permette la constitution de faux-trous, constitués chacun par le pliage d’un trou sur un autre. Cette notion de faux-trou me conduit évidemment à poser la question de savoir ce que c’est qu’un trou qui serait vraiment un trou. Deux vrais trous font un faux trou. C’est bien en quoi le deux est un personnage si suspect, et qu’il faut en arriver au trois pour que ça tienne.

Voilà ce que je crois pouvoir répondre aux questions qu’on m’a posées.

J’essaierai cette année de dire quelque chose qui soit un peu plus aventuré que ce que j’ai fait jusqu’à présent.

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Journées de l’École freudienne de Paris : « Les mathèmes de la psychanalyse » Paru dans les Lettres de l’École, 1977, n° 21, pp. 506-509.

[…]

(506)J. Lacan – Je m’en vais clore maintenant, parce que ça a assez duré !

Le principal bénéfice que l’on puisse tirer d’un tel rassemblement – ce n’est pas pour rien qu’on appelle ça quelque chose comme congrès, on tempère bien sûr, on dit « journées », c’est quand même un congrès – le principal bénéfice qu’on puisse en tirer (je parle de tout un chacun) c’est de s’instruire en somme, c’est de s’apercevoir qu’il n’y a pas que sa petite façon à soi de tourner la salade.

Alors vu le bénéfice que j’en ai tiré quant à moi, dont je ne peux pas vous faire le bilan, je dois quand même faire quelque chose, très exactement remercier ceux qui se sont donné la peine de rassembler tout ce monde, à savoir Solange Faladé, ici présente, et Jacques-Alain Miller.

Solange a fait plus en somme que de me rassembler tout ce monde, dont après tout disons que je me passe fort bien ; je m’en passe parce que, pour vous dire la vérité, j’ai assez de gens qui viennent me voir chez moi pour que je m’instruise auprès d’eux ; alors c’est avec eux que je m’instruis plus qu’avec ce qui peut se produire dans les assemblées. Ceci explique certainement que je ne sois pas très amateur de congrès. Mais Solange a fait plus que de rassembler tout ce monde ; elle s’est risquée, elle a construit un mathème de la perversion, et je dois dire qu’à la vérité (je ne vois pas pourquoi je ne me permettrais pas de dire la vérité comme tout le monde) je nage dans ce mathème de la perversion ; je nage non sans avoir des objections à y faire ; je ne sais plus très bien où elle fourre le S1, qui veut dire signifiant indice 1, non pas le signifiant qui prime mais le signifiant au nom duquel quelqu’un se manifeste, je veux dire un sujet, et c’est bien pour ça que j’ai dit que le (507)fondement d’un sujet, ce n’était rien d’autre que ce qui arrivait de ce qu’un signifiant se présente à un autre signifiant. Ça, évidemment, c’est bien embêtant, c’est le savoir ; c’est le savoir dont après tout c’est bien l’essence de la psychanalyse que de s’apercevoir que rien n’y marche si on n’a pas d’une certaine façon décanté, isolé cette fonction du signifiant.

On ne voit pas du tout en quoi on peut détacher cette fonction du savoir de quelque chose qui en dernière analyse se décante de n’être que du – parce que ce n’est rien du tout, le signifiant, c’est une habitude comme ça, la seule chose intéressante, c’est le signifié, c’est avec du signifié que l’analyste pousse ses pions, c’est avec ça qu’il signifie lui-même quelque chose. Le truc, c’est de s’apercevoir de ce qui peut avoir de la portée, de la portée de signification pour celui qui vient là en position de demande ; il demande qu’on lui donne quelque chose à se mettre sous la dent qui ait du sens.

Ce qui est important à voir, c’est que ce sens n’aurait pas de portée si ça ne l’affectait pas. Je n’aime pas beaucoup l’usage peu traditionnel dans la langue du mot « affect ». Je pense qu’affecter, c’est un verbe, c’est une action, c’est une intervention, c’est une suggestion,

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pourquoi pas. Mais il est troublant que ce soit avec des signifiants que l’analyse affecte. Ces signifiants bien sûr ne sont pas étroitement liés à la linguistique. Le ton a aussi quelque chose à faire dans l’affaire, et aussi bien ce qu’on appelle le style. Il y a quelqu’un qui a avancé tout à l’heure le terme du style de chacun. Le style de chacun, ce n’est certainement pas le mathème qui le rend possible. Et à cet égard, je remercie, je remercie même beaucoup Petitot d’avoir fait cette remarque qui est celle que j’aurais pu lui faire après son intervention d’hier que j’ai écoutée avec beaucoup d’attention. J’aurais pu lui faire cette remarque qu’en fin de compte, le mathème, c’est cet élément en fin de compte tiers, c’est bien pour ça que je l’ai isolé dans ce qui jusqu’à présent était le balancement de la psychanalyse, balancement entre le corps propre et d’un autre côté ce quelque chose qui, ce corps, l’encombre ; ce n’est pas naturellement tout à fait ce qu’on croit, c’est la fonction phallique, c’est-à-dire en fin de compte quelque chose comme son prolongement, à ceci près que ce prolongement lui est tout à fait étranger et senti comme autre.

Je ne vois pas pourquoi je me suis risqué à écrire ce S(A) ; ce n’est pas un mathème, c’est une chose tout à fait de mon style ; enfin j’ai dit ça comme j’ai pu, en imitation si l’on peut dire de mathème. Mais on a bien vu, précisément en écoutant Petitot, que le mathème, ce n’est pas ça. Ça ne veut pas dire quand même que je ne suis pas responsable d’un certain nombre d’issues de lettres qui ressemblent fort à des mathèmes, et c’est bien ce qui les justifie que je l’aie mis en somme en débat au cours de ces journées que, comme je viens de le dire, on a eu la bonté d’organiser pour moi.

Je crois quand même qu’il y a un point – et c’est là ce que personne n’a dit – où moi aussi, j’ai fait de vrais mathèmes. Seulement comme personne ne l’a dit, je ferai ça à la prochaine occasion puisque je reprends hélas mon séminaire pas plus tard que le 16 novembre. Je me suis réservé le 16 novembre, non pas qu’il n’y ait pas un 9 où j’aurais pu commencer, mais parce que cette année, je suis vraiment poussé (c’est moi qui me pousse, bien sûr) dans le coin, je veux dire que ce que j’essaie, c’est tout de même de me rendre compte si l’inconscient, c’est bien ce qu’a dit Freud.

(508)Il est certain que… je vais commencer : l’Unbewusst qu’il appelle ça ! Il a ramassé ça dans le cours d’un nommé Hartmann qui ne savait absolument pas ce qu’il disait, et ça l’a mordu, l’Unbewusst.

Et alors comment est-ce que je traduis ça ? Je traduis ça comme ça par une sorte d’homophonie. C’est très bizarre que je me le permette ; c’est une méthode de traduire après tout comme un autre ! Supposez que quelqu’un entende le mot Unbewusst répété 66 fois et qu’il ait ce qu’on appelle une oreille française. Si ça lui est seriné bien sûr, pas avant, il traduira ça par Une bévue. D’où mon titre, où je me sers du « du » partitif, et je dis qu’il y a de l’une bévue là-dedans.

Une bévue, ce n’est pas du tout une chose une, puisque pour qu’il puisse y avoir bévue, il faut qu’il y en ait au moins deux. Et je crois que c’est très difficile d’éviter de faire de l’une bévue quelque chose qui soit marqué de ce que j’appellerai – ce n’est pas moi qui ai trouvé ça tout seul, j’ai consulté, parce que de temps en temps j’essaie de me mathématiser, alors je vais voir un mathématicien ; et ce mathématicien, je lui ai demandé qu’est-ce qui faisait qu’il y avait de

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l’un ? Ça fait longtemps que je me suis aperçu qu’il y avait de l’un mais je me suis aussi aperçu que l’un, ça n’a rien à faire avec l’inconscient, puisque pourquoi est-ce qu’on dit une bévue ? Elle n’est pas une, elle consiste justement à glisser, à déraper de quelque chose dont on a l’intention dans quelque chose qui se présente comme exactement ce que je viens de dire, comme un dérapage. Alors comment exprimer mathématiquement ce défaut d’unitude, puisque c’est le terme que m’a suggéré le mathématicien que je vais voir de temps en temps, le nommé Guilbaud, unitude, ça veut dire ce qui en somme fait rond ; on retrouve là mes histoires de ronds, de ronds de ficelle notamment, ces ronds de ficelle débouchent sur bien d’autres questions, nommément sur qu’est-ce qui le fait rond ? Est-ce que c’est le trou ? C’est bien pour ça que je n’ai pas pu m’empêcher de poser la question, pour le cas où quelqu’un en aurait une petite idée et m’apporterait quelque chose qui ressemblerait à une réponse à la question « Qu’est-ce qu’un trou ? » Je crois que j’en ai fait confidence à la fin de l’exposé de Petitot.

Qu’est-ce qu’un trou ? Ce serait curieux quand même que ça ait rapport avec la fonction phallique. Ce n’est certainement pas en tout cas un signifiant de première main. Évidemment que le mot trou est un signifiant, mais justement c’est un signifiant dont personne ne sait ce qu’il peut vouloir dire. Il faudrait peut-être pousser un peu les choses là-dessus.

Je voudrais aussi, puisque j’ai remercié Solange Faladé et que je lui ai avoué que le S1 à la place où elle le mettait n’était pas quelque chose qui me paraissait convaincant quand au mathème de la perversion, je voudrais aussi remercier Jacques-Alain Miller, parce que lui a fait un autre truc : il m’a photographié en train de faire cette fameuse présentation de malades que je ne me laisse pas seulement reprocher, que je suis très gêné de faire moi-même ; mais enfin même les personnes qui me le reprochent me disent que c’est de l’ordre de la fâcheuse habitude, que j’ai été très mal élevé et que c’est à cause de ça que je me permets de présenter des malades. Je ne me le permets pas sans certainement un vif sentiment de culpabilité. C’est même pour ça que j’essaie de limiter les dégâts et que je n’y laisse pas entrer n’importe qui ; il y a un certain nombre de gens familiers que je laisse entrer parce (509)je crois savoir qu’eux me le pardonneront. Si Maud Mannoni par exemple voulait y venir, peut-être qu’elle s’en ferait une autre idée, mais naturellement c’est la seule que je n’y attirerai jamais, c’est certain. Bon. Je le regrette. Je l’invite publiquement. Elle sait qu’elle pourrait même, si ça l’amusait, glapir pendant que je suis en train de présenter comme on dit mon malade, et même on a parlé à ce propos de bilinguisme, à savoir qu’il ne parle pas la même langue, ce malade, que celle que je parle. C’est absolument vrai, je suis absolument d’accord. C’est même pour ça que je cherche un mathème, parce que le mathème, lui, n’est pas bilingue.

Voilà ce qui me paraît dans cette affaire le plus sérieux. Je voudrais bien trouver le mathème qui par sa nature évite tout à fait ce bilinguisme. Alors que Jacques-Alain Miller ait si bien – sans du tout mettre de côté ce sur quoi on pourrait m’agresser, bien loin de là, je dirai même que jusqu’à un certain point, il l’a mis en valeur, mais il l’a mis en valeur exactement comme c’est ; c’est comme ça que j’opère, que je me débrouille avec cette fameuse présentation ; cette présentation bien sûr est faite pour quelqu’un ; quand on présente, il faut toujours être au moins trois pour présenter quelque chose ; naturellement j’essaie le plus possible de tamponner les dégâts, à savoir de faire que les personnes qui m’entendent ne soient pas trop bouchées, et c’est ce qui nécessite que je fasse un tout petit peu attention.

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Là-dessus, je clos les journées.

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Préface à l’ouvrage de Robert Georgin, Cahiers Cistre, 1977, Lacan, 2me édition, Paris, l’Age d’homme, coll. « Cistre-essai », 1984, pp. 9-17.

(9)C’est à la lecture de Freud que reste actuellement suspendue la question de savoir si la psychanalyse est une science – ou soyons modestes, peut apporter à la science une contribution – ou bien si sa praxis n’a aucun des privilèges de rigueur dont elle se targue pour prétendre lever la mauvaise note d’empirisme qui a déconsidéré de toujours les données comme les résultats des psychothérapies. Pour justifier aussi le très lourd appareil qu’elle emploie, au défi semble-t-il parfois, et de son aveu même, du rendement mesurable.

On peut assurément de ce point de vue considérer comme incroyable la faveur qu’elle conserve, si justement ce n’était là ce qui sans doute traduit qu’elle est à juger d’une autre balance. Encore faudrait-il que ses praticiens eux-mêmes sachent de laquelle il s’agit, faute de quoi ils ne peuvent manquer de subir le sort destiné à tout privilège abusif. Si la question n’est pas déjà tranchée, c’est qu’effectivement le domaine qu’ils indiquent, ces praticiens, est celui du véritable ressort des effets dits psychiques, qui n’est aucunement celui auquel restent attachés un enseignement académique et un monde de préjugés. Le terme de psychologie nous parait le plus propice à cumuler tous ces mirages. La psychanalyse survit de contenir encore la promesse d’en consigner la fin.

Ce que préserve la praxis psychanalytique, ce qu’elle comporte de nature à changer les fondements de ce qui est mis au titre de l’universel, c’est l’inconscient. Cet inconscient dont on parle sans faire plus que de se fier à une imagerie aussi antique que grossière, mais qui par Freud a surgi pour désigner quelque chose de jamais dit jusqu’à lui. Ce qu’il convient d’en articuler comme étant sa structure, c’est le langage. C’est là le cœur de ce que j’enseigne. C’est là aussi, sous sa forme la plus tempérée, que je maintiens de cette voix basse où Freud signale le ton de la raison, ce que j’ai (10)trouvé au départ de ce retour à Freud. Il suffit d’ouvrir Freud à n’importe quelle page pour être saisi du fait qu’il ne s’agit que de langage dans ce qu’il nous découvre de l’inconscient. Il faut partir de là pour réviser tout ce qu’il avance dans le progrès d’une expérience dont il ne peut, c’est un signe, rendre compte que dans un discours marqué d’une véritable stylistique, c’est-à-dire tous les registres plus ou moins malmenés et rabaissés dans le compte de ce que le psychanalyste se rend à lui-même de sa pratique, sa théorie des résistances ou du transfert. Il s’en engendre des conséquences incalculables, qui vont de l’éthique à la politique, de la théorie de la science à la logique qui la soutient.

Si les psychanalystes se montrent si inégaux à cette problématique où pourtant les voies se tracent comme d’elles-mêmes, il semble que ce soit pour ce qu’ils ont sur leur terrain fort à faire. Il est remarquable que là-dessus, Freud ait fait preuve d’un manque de naïveté fort remarquable chez un savant. L’inconscient, d’avoir été forcé par nous, annonça-t-il, ne va pas tarder à se refermer. Il voulait dire là quelque chose de tout à fait précis et qui a fait bientôt tout le souci des psychanalystes. L’inconscient ne se laisse plus faire comme au temps de Freud et c’est là le grand tournant, la révision déchirante à quoi, dans les années trente, a dû s’astreindre leur technique. Qu’est-ce que cela veut dire ? Ce serait un jeu d’évoquer ici un de ces retours que nous connaissons dans des domaines différents, qu’on pense aux

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antibiotiques. Mais il est évident que ce serait se contenter de cette sorte de recours sommaire à un équilibre immanent qui est au principe de tout obscurantisme. Manifestement Freud, à y penser, n’y trouve nul prétexte à se rendormir. Rappelons que le style des interprétations de Freud, dans les cures qu’il nous rapporte, éblouit. Ce qu’elles contiennent reste la matière qui pour le psychanalyste, en quelque sorte atteste ce à quoi il a affaire vraiment, ce qui anime d’être devenu presque familier est comme perfusé dans la conscience commune, mais qui aussi bien masque pour lui l’impensable de ce qu’il vise. Qu’il y ait un rapport entre la neuve résistance qu’il rencontre et le fait que le patient dont il a la charge vient à lui proposer lui-même les clés qui courent maintenant dans le domaine public, il n’en doute pas. Dès lors qu’il n’essaie plus d’imiter Freud, il a raison. Et même raisin, raisin qui est trop vert, mais non pas raison suffisante à siffler d’entre ses dents agacées « psychanalyse sauvage ». Car il est peu conforme à l’inégalité de ce qu’il faut appeler l’information au sens vulgaire chez ceux qu’il va trop vite, dans cette voie, réobjectiver, qu’il doive s’obliger à convertir uniformément sa position vers l’analyse dite des résistances.

(11)J’indique dans mes Écrits ce que signifie ce propos et dans les termes où certains psychanalystes, qui le font d’ailleurs en sachant ce qu’ils font, le proclament réintégration de la psychanalyse dans les catégories de la psychologie générale. Mais devant le virage en entier d’un champ d’observation, la question se posera partout où règne la méthode dite expérimentale de se mettre à l’abri de ce qu’on appelle erreur subjective. C’est qu’aussi bien cette expression aurait ici une tout autre valeur. Nul n’ignore qu’il faut être en règle avec son propre inconscient pour pouvoir ne pas se tromper à le repérer opérant dans la trame de ce que le patient fournit dans l’artifice analytique. II se pourrait que le psychanalyste ne soit si inégal au chemin qu’il a pris de concentrer ses feux sur les résistances que pour méconnaître qu’il ne suffit pas de s’acquitter à l’endroit de cette exigence par une psychanalyse didactique, que la résistance majeure se manifeste peut-être dans son refus de pousser l’examen de la question de l’inconscient au-delà de ce qu’on éclaire de la caverne à y laisser choir une torche. Ce n’est pas cela qui vous apprend la géologie. Or il y a dans Freud tout ce qu’il faut pour s’apercevoir que ce dont il parle réellement, ce sont des murs de la caverne, il suffit de ne pas en rester au niveau descriptif. C’est d’autant plus facile qu’ici la structure s’intègre de la description même puisque ce que celle-ci sert, ce sont des effets de structure en tant que ces effets ressortissent au langage. Bref, pour Freud, comme pour tous ceux qui eurent dans la pensée une fonction de fondateurs, sa lecture par elle-même a valeur de formation. La résistance qui a fait que les psychanalystes se sont refusés jusqu’à moi à entrevoir cette voie, qui pourtant colle en quelque sorte à la peau de son texte, est suffisamment indiquée dans la colère que cette voie provoque depuis qu’on ne peut ignorer que certains y sont entrés. De l’ostracisme porté sur ce qui sans doute requiert un effort nouveau, mais un effort aussi combien rénovant, la paresse ni la sclérose mentales ne suffisent pas à rendre compte. La psychanalyse en France a préféré se rompre en plusieurs tronçons que de saisir sa chance dans un enseignement qui, vu certaines exigences du polissage philosophique que l’instruction classique y distribue aux écoliers, a sûrement permis dans ce pays à la psychanalyse de respirer. Un trait détecte qu’il s’agit bien là de quelque chose de lié au refus de l’inconscient, c’est que la parenté didactique, si je puis dire, le didacticien qui a formé le psychanalyste, reste là perceptible.

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La grave dégradation théorique qui marque l’ensemble du mouvement psychanalytique, pour qu’on la sache, l’institution est très utile, l’institution psychanalytique s’entend. Il s’agit là de sa fonction d’expression. Sans les moyens dont elle dispose, l’institution, on ne pourrait pas savoir jusqu’où ça va. Les comptes rendus des (12)congrès internationaux de psychanalyse, lisez cela, je vous en prie. Vous vous rendrez compte en lisant ce qu’on y communique sur Freud, par exemple. C’est ce que j’appelle l’anafreudisme, ou freudisme à l’usage d’Anna. Vous savez ce que c’est que des anas, des petites histoires qu’un nom propre groupe. Pour le profane, c’est ce qui lui donnera au plus près le niveau où est prise aussi la pratique. Disons qu’elle ne manifeste dans l’institution aucun signe inquiétant de progrès. Mes élèves sont bien gentils, ils en rient sous cape. Mais ils se réconfortent à témoigner du caractère très ouvert de l’entretien qu’ils ont eu, avec tel ou tel – entretien privé naturellement. J’engendre des esprits bienveillants.

S’il ne s’agissait de l’association internationale qu’au sens où elle grouperait aussi bien des gastro-entérologistes ou des psychologues, la question ne se poserait même pas. La question de l’institution se pose à une autre échelle, qui n’est pas celle de la foire, mais plutôt de l’arbre généalogique. Et là, ça ne se joue, pas sur la scène du monde, mais au sein de groupuscules faits des nœuds où s’entrecroisent les branches de cet arbre. Il s’agit de la transmission de la psychanalyse elle-même, d’un psychanalyste qui l’est, psychanalyste, à un autre, qui le devient ou s’introduit à l’être. Ces groupes dits encore « sociétés », qui foisonnent dans le monde, ont ce caractère en commun de prétendre assurer cette transmission et de montrer la carence la plus patente à définir cette psychanalyse dite didactique quant aux remaniements qu’on en attend pour le sujet. On sait que Freud a posé cette psychanalyse comme nécessaire, mais pour en dire le résultat, on piétine. Pour le psychanalyste didacticien, au sens d’autorisé à faire des didactiques, il est inutile même d’espérer savoir ce qui le qualifie. Je dis tout haut ces choses, maintenant que j’y ai apporté des solutions à pied d’œuvre pour qu’elles changent. C’est par respect pour cette misère cachée que j’ai mis tant d’obstination à retarder la sortie de mes travaux, jusqu’à ce que le rassemblement en fût suffisant. Peut-être est-ce encore trop présumer de ce qui de mon enseignement est passé dans le domaine commun. Mais quoi, c’est à ce qu’il ne s’y noie pas que j’ai voué toute ma patience. Il me faut bien faire quelquefois un si long effort. Un groupe éprouvé – c’est le mot – m’assiste maintenant. Le prix que j’ai payé pour cela m’est léger, ce qui ne veut pas dire que je l’aie pris à la légère. Simplement, j’ai payé les notes les plus extravagantes pour ne pas me laisser distraire par les péripéties que l’on voulait bien intentionnellement me faire vivre – disons du côté de l’anafreudisme. Ces péripéties, je les ai laissées à ceux qu’elles distrayaient. Prenez ce mot au sens lourd, où il veut dire qu’ils avaient besoin de s’y distraire, de s’y distraire de ce qu’ils étaient appelés à faire par moi. J’apporterai peut-être un jour (13)là-dessus mon témoignage, non tant pour l’histoire, à qui je me fie pour son passé, que pour ce que l’historiole, comme dit Spinoza, a d’instructif sur la trame où elle a pu se broder. Sur les sortes de trous à quoi cette action entre toutes qui s’appelle la psychanalyse prédestine ceux qui la pratiquent. Jeu de l’oie, si on peut dire, où s’appuie une sorte d’exploitation qui, d’être ordinaire à tous les groupes en prend ici une règle particulière. Je m’aperçois, c’est curieux, à vous en parler, que je commencerais par une évocation d’odeur, par ce qui échappe à l’analyse, vous voyez, car bien entendu, ça existe, les jupes de l’anafreudisme. À moins que je n’écrive de l’homme qui avait un rat à la place de tête – car j’ai vu ça, et pas moi tout seul, à Stockholm.

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Quelque chose manque à la cité analytique. Elle n’a pas reconstitué l’ordre des vertus que nécessiterait le statut du sujet qu’elle installe à sa base. Freud a voulu la faire sur le modèle de l’église, mais le résultat est que chacun y est maintenu dans l’état où la sculpture chrétienne nous présente la synagogue, un bandeau sur les yeux. Ce qui, bien entendu, est encore une perspective ecclésiastique. On ne peut viser à refaire la structure sans en rester embarrassé pour y fonder un collectif, puisque c’est là ce qui la cache au commun des mortels.

La structure, oui, dont la psychanalyse impose la reconnaissance, est l’inconscient. Ça a l’air bête de le rappeler, mais ça l’est beaucoup moins, quand on s’aperçoit que personne ne sait ce que c’est. Ceci n’est pas pour nous arrêter. Nous ne savons rien non plus de ce que c’est que la nature, ce qui ne nous empêche pas d’avoir une physique, et d’une portée sans précédent, car elle s’appelle la science. Une chance pourtant qui s’offre à nous pour ce qui est de l’inconscient, c’est que la science dont il relève est certainement la linguistique, premier fait de structure. Disons plutôt qu’il est structuré parce qu’il est fait comme un langage, qu’il se déploie dans les effets du langage. Inutile de lui demander pourquoi, car il vous répondra : c’est pour te faire parler. Tout comme il arrive qu’on en use avec les enfants, en se logeant à son enseigne, mais sans savoir jusqu’où va la portée de ce qu’on croit n’être qu’un tour tout juste bon pour se tirer d’affaire. Car on oublie que la parole n’est pas le langage et que le langage fait drôlement parler l’être qui dès lors se spécifie de ce partage. Il est évident que ma chienne peut parler et même que ce faisant, elle s’adresse à moi. Mais que lui manquant le langage, ceci change tout. Autrement dit, que le langage n’est pas réductible à la communication.

On peut partir sans doute de ce qu’il faille être un sujet pour faire usage du langage. Mais c’est franchir d’abord ce qui complique la chose, à savoir que le sujet ne peut malgré Descartes être (14)pensé, si ce n’est comme structuré par le langage. Descartes déduit justement que le sujet est, du seul fait qu’il pense, mais il omet que de penser est une opération logique dont il n’arrive nullement à purifier les termes seulement pour en avoir évacué toute idée de savoir. Il élide, que ce qui est comme sujet, c’est ce qui pense, ouvrez les guillemets « donc je suis ». Mais il arrive que ça pense là où il est impossible que le sujet en articule ce « donc je suis ». Parce que là est exclu structuralement qu’il accède à ce qui depuis Descartes est devenu son statut sous le terme de conscience de soi. Quel est le statut du sujet là où ça pense sans savoir, non seulement ce que ça pense mais même que ça pense ? Entendez sans pouvoir jamais le savoir. Ce que cela suggère à tout le monde, c’est que là, ça est encore plus fortement, à condition que quelqu’un d’autre puisse en savoir quelque chose. Et comme c’est fait depuis Freud, puisque c’est ça l’inconscient, tout le monde en est bien content. Il n’y a qu’une chose qui cloche, c’est que ça ne peut dire d’aucune façon « donc je suis », c’est-à-dire se nommer comme étant ce qui parle. Un amoureux sur le retour de la philosophie – du moins s’annonce-t-il comme tel – nous ramène l’intuition de l’être, sans trouver mieux maintenant que de l’attribuer à Bergson, qui se serait seulement trompé d’enseigne, et non pas de porte – comme le même pourtant le lui avait signifié autrefois. Ne nous croyons pas au bout avec l’intuition de l’être, ce n’est jamais son dernier couac. Nous établissons seulement ici, d’un ton qui n’est pas le nôtre, mais de celui qui évoque un Docteur Pantalon dans l’avatar qui nous retient, tout le cortège d’impasses manifestes qui s’en développent, avec une cohérence, il faut le dire, conservée. On en fera le compte à s’y reporter. Cette comédie pour nous recouvre simplement

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l’absence encore dans la logique d’une négation adéquate. J’entends de celles qui seraient propres à ordonner un vel, je choisis vel et non pas aut en latin, d’un vel à poser la structure en ces termes : ou je ne suis pas, ou je ne pense pas – dont le cogito cartésien donnerait l’intersection. Je pense que des logiciens m’entendent et l’équivoque du mot « ou » en français est seule propice à brocher là la structure de cette indication topologique : je pense où, là où je ne puis dire que je suis. Où, là où il me faut poser dans toute énoncé le sujet de l’énonciation comme séparé de l’être par une barre. Plus que jamais, évidemment, ressurgit là non l’intuition, mais 1’exigence de l’être. Et c’est ce dont se contentent ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.

L’inconscient reste le cœur de l’être pour les uns, et d’autres croiront me suivre à en faire l’autre de la réalité. La seule façon de s’en sortir, c’est de poser qu’il est le réel, ce qui ne veut dire aucune réalité, le réel en tant qu’impossible à dire, c’est-à-dire en tant que (15)le réel c’est l’impossible, tout simplement. Mais impossible qu’on ne se trompe encore à ce que je dis ici. Peut-il se constituer dans la psychanalyse la science de l’impossible comme telle ? C’est en ces termes que la question vaut d’être posée, puisque dès son origine, Freud n’a pas défini la psychanalyse autrement. C’est aussi pourquoi après quinze ans pour adapter cette question à une audience certes ingrate, mais de ce fait bien méritante, j’arrive à l’articuler par la fonction du signifiant dans l’inconscient. Ce que je fais a pourtant la prétention d’opposer un barrage, non pas au Pacifique, mais au guano qui ne peut manquer de recouvrir à bref délai, comme il se fit toujours, l’écriture fulgurante où la vérité s’origine dans sa structure de fiction. Je dis qu’à l’être succède la lettre, qui nous explique beaucoup plus de choses, mais que ça ne durera pas bien longtemps, si nous n’y prenons garde. J’abrège beaucoup en de tels mots, on le sent.

Mes derniers mots me serviront de court-circuit pour centrer ma réponse sur la critique littéraire, car il se motive que comme telle, cette critique soit intéressée dans la promotion de la structure du langage, telle qu’elle se joue en ce temps dans la science. Mais nulle chance qu’elle en profite si elle ne se met pas à l’école de cette logique étirable que j’essaie de fonder. Logique telle qu’elle puisse recouvrir ce sujet neuf à se produire, non pas en tant qu’il serait dédoublé comme étant – un double sujet ne vaut pas mieux que le sujet qui se croit un de pouvoir répondre à tout, c’est aussi bête et aussi trompeur – mais en tant que sujet divisé dans son être. La critique, comme aussi bien la littérature, trouvera l’occasion d’y achopper dans la structure elle-même. C’est parce que l’inconscient nécessite la primauté d’une écriture que les critiques glisseront à traiter l’œuvre écrite comme se traite l’inconscient. Il est impossible que l’œuvre écrite n’offre pas à tout instant de quoi l’interpréter, au sens psychanalytique. Mais s’y prêter si peu que ce soit est la supposer l’acte d’un faussaire, puisqu’en tant qu’elle est écrite, elle n’imite pas l’effet de l’inconscient. Elle en pose l’équivalent, pas moins réel que lui, de le forger dans sa courbure. Et pour l’œuvre est aussi faussaire celui qui la fabrique, de l’acte même de la comprendre en train de se faire, tel Valéry à l’adresse des nouveaux cultivés de l’entre-deux-guerres. Traiter le symptôme comme un palimpseste, c’est dans la psychanalyse une condition d’efficacité. Mais ceci ne dit pas que le signifiant qui manque pour donner le trait de vérité ait été effacé, puisque nous parlons quand nous savons ce que dit Freud, de ce qu’il a été refoulé et que c’est là le point d’appel du flux inépuisable de significations qui se précipite dans le trou qu’il produit. Interpréter consiste certes, ce trou, à le clore. Mais l’interprétation n’a (16)pas plus à être vraie que fausse. Elle a à être juste, ce qui en dernier

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1977-00-00 C’EST À LA LECTURE DE FREUD

ressort va à tarir cet appel de sens, contre l’apparence où il semble fouetté au contraire. Je l’ai dit tout à l’heure, l’œuvre littéraire réussit ou échoue, mais ce n’est pas à imiter les effets de la structure. Elle n’existe que dans la courbure qui est celle même de la structure. Ce n’est pas là une analogie. La courbure en question n’est pas plus une métaphore de la structure que la structure n’est la métaphore de la réalité de l’inconscient. Elle en est le réel et c’est en ce sens que l’œuvre n’imite, rien. Elle est, en tant que fiction, structure véridique. Qu’on lise ce que je mets en tête de mon volume sur La lettre volée d’Edgar Poe. Éclairons-nous de ce que j’y articule de l’effet qu’une lettre doit à son seul trajet de faire virer à son ombre la figure même de ses détenteurs. Ceci sans que personne, peut-on dire, n’ait l’idée de ce qu’elle enveloppe de sens, puisque personne ne s’en soucie. La personne même à qui elle a été dérobée n’ayant pas eu le temps de la lire, comme c’est indiqué pour probable. Qu’ajouterait au conte d’en imaginer la teneur ? Qu’on se souvienne aussi de la façon dont j’ai désigné dans mon analyse de la première scène d’Athalie ce qui est resté acquis dans mon école sous le terme du point de capiton. La ligne de mon analyse n’allait pas à chercher les replis du cœur d’Abner, ou de Joad, non plus que de Racine, mais à démontrer les effets de discours par où un résistant, qui connaît sa politique, parvient à hameçonner un collaborateur en veine de se dédouaner, jusqu’à l’amener à faire tomber lui-même sa grande patronne dans la trappe, avec en somme exactement le même effet sur l’assistance sans doute que la pièce où Sartre faisait gicler jusqu’au portrait de Pétain les insultes de ses propres miliciens, devant une assistance qui bénissait le sus-dit encore par devers soi de lui avoir épargné le spectacle de ces choses pendant qu’elles se passaient. Il s’agit là bien sûr de la tragédie moderne qui joue de la même purge de l’horreur et de la pitié que l’ancienne, bien sûr, mais à les détourner de la victime sur le bourreau – autant dire d’assurer le sommeil des justes. Ceci pour dire que Racine comme Sartre sont dépassés sans doute dans leur intention, mais de ce qui la dépasse, ils n’ont pas à répondre, mais seulement ce genre qui s’appelle le théâtre, et est fort véridique en ce qu’il démontre à l’assistance, et fort crûment, comment on la joue. Moi aussi sans doute, je suis dépassé par mon intention quand j’écris. Mais s’il est légitime de m’interroger comme analyste, quand on est en analyse avec moi, sur mon effort d’enseignement dont tous tant (16)qu’ils sont se grattent la tête, il n’est pour aucun critique aucun mode d’abord légitime de mes énoncés ni de mon style, que de situer s’ils sont dans le genre dont ils relèvent. Peut-être à m’entendre y gagneraient-ils quelque rigueur – avec ma considération.

Jacques Lacan

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Ce texte est paru dans Ornicar ?, n° 9, 1977, pp 7-14.

(7)Qu’est-ce que la clinique psychanalytique ? Ce n’est pas compliqué. Elle a une base – C’est ce qu’on dit dans une psychanalyse.

En principe, on se propose de dire n’importe quoi, mais pas de n’importe où – de ce que j’appellerai pour ce soir le dire-vent analytique. Ce vent a bien sa valeur – quand on vanne, Il y a des choses qui s’envolent. On peut aussi se vanter, se vanter de la liberté d’association, ainsi nommée.

Qu’est-ce que ça veut dire, la liberté d’association ? – alors qu’on spécule au contraire sur ceci, que l’association n’est absolument pas libre. Certes, elle a un petit jeu, mais on aurait tort de vouloir l’étendre jusqu’au fait qu’on soit libre. Qu’est-ce que veut dire l’inconscient, sinon que les associations sont nécessaires ? Le dit ne se socie pas à l’aventure. Ce sur quoi nous comptons, c’est que le dit se socie – chaque fois qu’il ne se dissocie pas, ce qui après tout est concevable, mais ce n’est certainement pas d’être dissocié qu’il est libre. Rien de plus nécessaire que l’état de dissociation quand on se l’imagine régir ce qu’on appelle le rapport à l’extérieur.

J’ai dit l’extérieur. On veut que cet extérieur soit un monde. Or la présupposition du monde n’est pas tout à fait fondée, le monde est plus émondé qu’on ne pense. Il est cosmographié.

Le mot cosmos a bien son sens. Il l’a conservé, Il porte sa trace dans divers modes dont nous parlons du cosmos, on parle de cosmétiques… Le cosmos, c’est ce qui est beau. C’est ce qui est fait beau – par quoi ? en principe par ce que nous appelons la raison. Mais la raison n’a rien à faire dans le « faire beau » qui est une affaire liée à l’idée de corps glorieux, laquelle s’imagine du symbolique rabattu sur l’imaginaire. Mais c’est un court-circuit. Il faut Erwin Rhode pour se rendre compte de cette sorte de débilité mentale d’où naissent ces mômeries. C’est avec ça qu’on fait les momies. Preuve que cette incroyable croyance que le corps dure toujours sous forme d’âme, est enracinée depuis très longtemps.

(8)Tout ça est très contemporain de ce que nous appelons le savoir. C’est de l’inconscient qu’il s’agit. Et ça n’est pas brillant – il faut faire un effort pour ne pas croire qu’on est immortel. Voyez ce que j’ai radiophoné là-dessus dans Scilicet, où je me suis rhodé.

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Alors, il faut cliniquer. C’est-à-dire, se coucher. La clinique est toujours liée au lit – on va voir quelqu’un couché. Et on n’a rien trouvé de mieux que de faire se coucher ceux qui s’offrent à la psychanalyse, dans l’espoir d’en tirer un bienfait, lequel n’est pas couru d’avance, il faut le dire. Il est certain que l’homme ne pense pas de la même façon couché ou debout, ne serait-ce que du fait que c’est en position couchée qu’il fait bien des choses, l’amour en particulier, et l’amour l’entraîne à toutes sortes de déclarations. Dans la position couchée, l’homme a l’illusion de dire quelque chose qui soit du dire, c’est-à-dire qui importe dans le réel.

La clinique psychanalytique consiste dans le discernement de choses qui importent et qui seront massives dès qu’on en aura pris conscience. L’inconscience où on en est quant à ces choses qui importent, n’a absolument rien à faire avec l’inconscient, qu’avec le temps j’ai cru devoir désigner de l’une-bévue. Il ne suffit pas du tout que l’on ait soupçon de son inconscient pour qu’il recule – ce serait trop facile. Ça ne veut pas dire que l’inconscient nous guide bien.

Une bévue a-t-elle besoin d’être expliquée ? Certainement pas. Simplement, la psychanalyse suppose que nous sommes avertis du fait qu’une bévue est toujours d’ordre signifiant. Il y a une bévue quand on se trompe de signifiant. Un signifiant est toujours d’un ordre plus compliqué qu’un simple signe. Ce n’est pas parce qu’un signifiant s’écrit en signe que c’est moins vrai. Une flèche par exemple désignant l’orientation, c’est un signe, mais ce n’est pas un signifiant. En s’écrivant, un signifiant se réduit dans la portée de ce qu’il signifie. Ce qu’il signifie a en effet à peu près n’importe quel sens dans une langue donnée. Pour mesurer l’affaire, prenez par exemple le sens du mot devoir en français – doit et avoir, le devoir entendu au sens des mœurs, le dû,… Quel sens donner à ce que Freud a avancé dans sa Traumdeutung, où il l’a mijoté son inconscient ? – sinon qu’il y a des mots qui là se représentent comme ils peuvent ?

Je dois dire que, bien qu’on ait voulu nous faire de Freud un écrivain, la Traumdeutung est excessivement confuse. C’est même tellement confus qu’on ne peut pas dire que ça soit lisible. J’aimerais savoir si quelqu’un l’a vraiment lue de bout en bout. Moi, par devoir, je m’y suis obligé. En tout cas, traduit en français, ça n’a pas les mêmes qualités qu’en allemand. En Allemand (9)ça se tient, mais ça ne rend pas pour autant plus claire la notion d’inconscient, de l’Unbewusst.

Vous connaissez le schéma. Il y a la Wahrnehmung au début – c’est ce qui sert en allemand à désigner la perception – et puis quelque chose passe, fait des progrès, il y a différentes couches de Wahrnehmung, à la suite de quoi Il y a l’UBW, l’inconscient, et après ça, le Vorbewusst, le préconscient, et de là, ça passe à la conscience, Bewusstsein. Eh bien, je dirai que, jusqu’à un certain point, j’ai remis sur pied ce que dit Freud. Si j’ai parlé de « retour à

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Freud », c’est pour qu’on se convainque d’à quel point c’est boiteux. Et il me semble que l’idée de signifiant explique tout de même comment ça marche.

Le signifiant ne signifie absolument rien. C’est comme ça que de Saussure a exprimé la chose – il a parlé d’arbitraire, et en effet il n’y a aucune espèce de lien entre un signifiant et un signifié, il y a seulement une sorte de dépôt, de cristallisation qui se fait, et qu’on peut aussi bien qualifier d’arbitraire que de nécessaire, au sens ou Benveniste agitait ce mot. Ce qui est nécessaire, c’est que le mot ait un usage, et que cet usage soit cristallisé, cristallisé par ce brassage qu’est la naissance d’une nouvelle langue. Il se trouve que, on ne sait pas comment, il y a un certain nombre de gens qui à la fin en font usage. Qu’est-ce qui détermine l’usage qu’on fait d’une langue ?

C’est un fait qu’il y a cette chose que, reprenant un terme de Freud, j’appelle condensation. Ce qui est curieux, c’est que la condensation laisse la place au déplacement. Ce qui est contigu n’élimine pas la glissade, c’est-à-dire la continuité. La Traumdeutung ce n’est pas du tout ce qu’on s’imagine. On a traduit ça La Science des Rêves ; depuis, une dame a corrigé Meyerson, et a appelé ça L’interprétation des Rêves. Mais en réalité, ce dont il s’agit, c’est de la Deutung, bedeuten ne fait là que redoubler la bévue, et en effet, pour ce qui est de la référence, on sait bien que la bévue est coutumière. Deuten veut dire le sens, c’est ce qui de-veut-dire. Ces petits jeux entre le français et l’allemand servent à élasticiser le bavardage, mais le bavardage garde toute sa colle.

La langue, à peu près quelle qu’elle soit, c’est du chewing-gum. L’inouï, c’est qu’elle garde ses trucs. Ils sont rendus indéfinissables du fait de ce qu’on appelle le langage, et c’est pourquoi je me suis permis de dire que l’inconscient était structuré comme un langage. La linguistique – l’ex-sistence du signifiant dans la linguistique – un psychanalyste ne peut pas ne pas en tenir compte, mais elle laisse échapper comment la vérité se maintient à ce (10)qu’il faut bien dire être sa place, sa place topologique – raison pourquoi je me suis permis de parler de tores, dans un temps.

L’inconscient donc n’est pas de Freud, il faut bien que je le dise, il est de Lacan. Ça n’empêche pas que le champ, lui, soit freudien.

Le rêve diffère, différeud, de différencier de façon non manifeste certes, et tout à fait énigmatique – il suffit de voir la peine que Freud se donne – ce qu’il faut bien appeler une demande et un désir. Le rêve demande des choses, mais là encore, la langue allemande ne sert pas Freud, car il ne trouve pas d’autre moyen de la désigner que de l’appeler un souhait, Wunsch qui est en somme entre demande et désir.

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Pour chacun, on ne sait par quelle voie, quelque chose chemine de ces premiers propos entendus, qui fait que chacun a son inconscient. Freud avait donc raison, mais on ne peut pas dire que l’inconscient soit par lui vraiment isolé, isolé comme je le fais par la fonction que j’ai appelée du symbolique, et qui est pointée dans la notion de signifiant.

Supposer que la clinique psychanalytique, c’est ça, indique une direction à ceux qui s’y consacrent. Il faut trancher -l’inconscient, est-ce oui ou non ce que j’ai appelé à l’occasion du bla-bla ? Il est difficile de nier que Freud, tout au long de La Science des Rêves, ne parle que de mots, de mots qui se traduisent. Il n’y a que du langage dans cette élucubration de l’inconscient. Il fait de la linguistique sans le savoir, sans en avoir la moindre idée. Il va même à se demander si le rêve a une façon d’exprimer la négation. Il dit d’abord que non, s’agissant des relations logiques, et il dit après que le rêve trouve quand même un truc pour désigner la négation. Le non dans le rêve existe-t-il ? Question que Freud laisse en suspens, sur laquelle il se contredit, c’est certain. Cela ne suffit pas pour que nous le chopions là-dessus, mais il reste très frappant que la clinique psychanalytique ne soit pas plus assurée. Pourquoi ne demande-t-on pas raison au psychanalyste de la façon dont il se dirige dans ce champ freudien ?

Évidemment, je ne suis pas chaud-chaud ce soir pour dire que quand on fait de la psychanalyse, on sait où on va. La psychanalyse, comme toutes les autres activités humaines, participe incontestablement de l’abus. On fait comme si on savait quelque chose. Il n’est pourtant pas si sûr que ça que l’hypothèse de l’inconscient ait plus de poids que l’existence du langage.

Voilà ce que je voulais dire ce soir.

Je propose que la section qui s’intitule à Vincennes « de (11)la clinique psychanalytique » soit une façon d’interroger le psychanalyste, de le presser de déclarer ses raisons.

Que ceux qui trouvent un bout à dire sur ce que j’ai avancé ce soir le déclarent.

QUESTIONS ET RÉPONSES

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Marcel Czermak – Dans le petit papier que vous avez rédigé à destination de cette Section clinique, vous écrivez que la clinique « est le réel en tant qu’il est l’impossible à supporter ».

Jacques Lacan – J’ai écrit ça, et je ne renie pas les choses que j’ai écrites. Ça m’entraînerait à des complications.

M. C. – Mais elle est également prise dans une dialectique de parole, et ce n’est pas sans relation avec la vérité.

J. L. – Le plus stupéfiant est que Freud n’y croit jamais, que quiconque lui dise la vérité. Il suffit de lire la Traumdeutung pour s’apercevoir que la vérité, il ne croit jamais qu’il puisse l’atteindre. Dire que la vérité est liée à ces sortes de nœuds, à ces chaînes que je fais, explique précisément le côté éperdu de cette recherche dans la Traumdeutung de ce qui est vraiment la vérité. La vérité n’est pas sans rapport avec ce que j’ai appelé le réel, mais c’est un rapport lâche. La façon la plus claire dont se manifeste la vérité, c’est le mensonge – il n’y a pas un analysant qui ne mente à jet continu, jusque dans sa bonne volonté de tomber juste dans les carreaux que Freud a dessinés. C’est bien pourquoi la clinique psychanalytique consiste à réinterroger tout ce que Freud a dit. C’est comme ça que je l’entends, et que dans mon bla-bla à moi, je le mets en pratique.

M. C. – D’un côté, le registre symbolique est dénombrable, d’un autre côté…

J. L. – Il y a un certain nombre de mots dans le dictionnaire, mais qui ne suffisent pas à rendre compte de l’usage de la langue.

M. C. – D’un autre coté, le réel est plutôt difficilement dénombrable. Comment la clinique peut-elle être alors l’objet d’une transmission ?

(12)J.L. – D’accord. Une des choses que j’ai manqué à mettre en valeur, c’est qu’il y a un champ que j’ai désigné par le nom de la jouissance de l’Autre qui est à représenter pour ce qu’elle est, c’est-à-dire comme inexistante. Ce qu’il faudrait, c’est donner corps – c’est le cas de la dire – à cette jouissance de l’autre absente, et faire un petit schéma, où l’imaginaire serait en

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continuité avec le réel. L’imaginaire fait évidemment partie du réel, le fait qu’il y ait des corps fait partie du réel. Sur le fait qu’il y a de la vie, nous pouvons éperdument cogiter et même élucubrer – ce n’est pas plus mauvais qu’autre chose, l’ADN et sa double hélice – il n’en reste pas moins que c’est à partir de là qu’est concevable qu’il y ait des corps qui se reproduisent. Les corps, ça fait donc partie du réel. Par rapport à cette réalité du corps qui rêve et qui ne sait faire que ça, par rapport à cette réalité, c’est-à-dire à sa continuité avec le réel, le symbolique est providentiellement la seule chose qui à cette affaire donne son nœud, qui, de tout cela, fait un nœud borroméen.

Jacques-Alain Miller – La clinique des névroses et la clinique des psychoses nécessitent-elles les mêmes catégories, les mêmes signes ? Une clinique des psychoses peut-elle, selon vous, prendre son départ d’une proposition comme : « le signifiant représente le sujet pour un autre signifiant », avec ce qui s’en suit de l’objet a ? S, a, S1, S2, ces termes sont-ils appropriés à la clinique du psychotique ?

J. L. – La paranoïa, je veux dire la psychose, est pour Freud absolument fondamentale. La psychose, c’est ce devant quoi un analyste, ne doit reculer en aucun cas.

J.-A. M. – Est-ce que dans la paranoïa, le signifiant représente le sujet pour un autre signifiant ?

J. L. – Dans la paranoïa, le signifiant représente un sujet pour un autre signifiant.

J.-A. M. – Et vous pouvez y situer « fading », objet a… ?

J. L. – Exactement.

J.-A. M. – Ce serait à montrer.

J. L. – Ce serait sûrement à montrer, c’est vrai, mais je ne le montrerai pas ce soir.

(13)Solange Faladé – Que faut-il penser de la fin d’une analyse chez un paranoïaque, si cette fin est l’identification au symptôme ?

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J. L. – Il est bien certain que le paranoïaque, non seulement il s’identifie au symptôme, mais que l’analyste s’y identifie également. La psychanalyse est une pratique délirante, mais c’est ce qu’on a de mieux actuellement pour faire prendre patience à cette situation incommode d’être homme. C’est en tout cas ce que Freud a trouvé de mieux. Et il a maintenu que le psychanalyste ne doit jamais hésiter à délirer.

Un participant – Vous avez même dit un jour que vous étiez psychotique.

J. L. – Oui, enfin, j’essaie de l’être le moins possible ! Mais je ne peux pas dire que ça me serve. Si j’étais plus psychotique, je serais probablement meilleur analyste. Ce que Freud a fait de mieux, c’est l’histoire du Président Schreber. Il est là comme un poisson dans l’eau.

J.-A. M. – Là, Il n’est pas allé auprès d’un lit, il a pris un texte.

J. L. – C’est tout à fait vrai. Il n’est pas allé faire bavarder le Président Schreber. Il n’en reste pas moins qu’il n’est jamais plus heureux qu’avec un texte.

J.-.A. M. – J’ai encore une chose à vous demander, qui concerne la pratique de la psychothérapie, dont nous aurons à parler dans cette Section clinique. Vous avez naguère lâché cette formule sans fard : « la psychothérapie ramène au pire ». Ça devrait impliquer qu’on ne peut à la fois se dire « lacanien » et « psychothérapeute ». Je me demande jusqu’à quel point on prend ça au sérieux, et, à dire vrai, jusqu’à quel point vous prenez au sérieux ce que vous avez dit.

J. L. – J’ai dit ça avec sérieux.

J.-A. M. – Les psychothérapies, ça n’est pas la peine ?

J. L. – C’est certain, ce n’est pas la peine de thérapier le psychique. Freud aussi pensait ça. Il pensait qu’il ne fallait pas se presser de guérir. Il ne s’agit pas de suggérer, ni de convaincre.

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1977-01-05 OUVERTURE DE LA SECTION CLINIQUE.

J.-A. M. – Et en plus, il pensait que pour le psychotique, ce n’était pas possible, purement et simplement.

(14)J. L. – Exactement. Personne n’a quelque chose d’autre à mettre comme grain de sel ? La clinique psychanalytique doit consister non seulement à interroger l’analyse, mais à interroger les analystes, afin qu’ils rendent compte de ce que leur pratique a de hasardeux, qui justifie Freud d’avoir existé. La clinique psychanalytique doit nous aider à relativer l’expérience freudienne. C’est une élucubration de Freud. J’y ai collaboré, ce n’est pas une raison pour que j’y tienne. Il faut tout de même se rendre compte que la psychanalyse n’est pas une science, n’est pas une science exacte.

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1977-02-10 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Ce 10 II 77

Cher Soury,

Dans le cas du tétraède (où vous distinguez 4, distincts d’être seulement coloriés)

Me faut-il en conclure : que de même que dans le nœud borroméen simple, soit circulaire, il y en a deux à partir du moment où ils ne sont pas seulement coloriés, mais orientés,

de même y a t-il huit tétraèdres (sphéroïdaux) distincts à partir du moment où en plus d’être colorés, ils sont orientés (l’affaire vaut d’être analysée)

Est-ce plus où moins ?

Votre

J. Lacan

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1977-02-11 PNEUMATIQUE DE J.LACAN À P.SOURY.

Pneumatique avec mention Pli urgent adressé au 5, rue du Dahomey, Paris.

<fac-similé absent>

Ce 11.02.77

Cher Soury.

Merci. Merci

Là-dessus appelez-moi demain samedi matin, à 9h 30 ?

Si vous voulez pour que je vous demande

Quelle est la difficulté et la nuance « subreptice » dans l’énoncé des recensements soit : que la correspondance entre l’usage du singulier et du pluriel et l’usage des nombres (je le pense aussi) ne soit pas évidente …je le pense aussi mais le pensons nous de la même façon

Vôtre

J.Lacan

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1977-02-17/25 MESSAGE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Message, sans doute envoyé entre le 17 et 25 Février 1977.

<fac-similé absent>

<fac-similé absent>

Figure I

Voilà la solution que je propose.

Pourquoi faut-il que ce soit si « coton » ?

Il y a un passage entre cordes rouges et cordes bleues : Du même ordre que ce passage : Figure II

Simplement 6 cordes bleues d’un côté

Le cordon rouge de l’autre.

Ils ne se nouent ces 2 qu’apparemment : c’est-à-dire se dénouent.

Si je comprends bien l’espace est torique plus que sphérique

Je parle de l’espace à trois dimensions (! ! !).

Pendant ce week-end,(seulement samedi soir), je suis au 479 12 11, numéro que vous connaissez)

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1977-02-17 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé 5, rue de Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Ce 17 II 77

Les 4 tétraèdres « toriques » sont sur le modèle de ce qui se passe pour les cercles

Figure I Est-il possible d’enchaîner 2 tétraèdres comme ces 2 cercles ; je n’en sais rien. Je suppose que quelque chose

Figure II

comme cela « qui est en perspective » serait nouable à une autre tétraèdre. Mais ce n’est pas d’être nouable qui suffit : il faut que ce soit dénouable, les deux tétraèdres en question.

Y voyez-vous plus clair ? J’enrage

Ce d’autant plus que je me casse la tête sur cette question : l’écriture réelle du Je sais

est-elle concevable ? ou n’y a t-il que du Il sait ou du « Maneine sait »

Bref l’écriture réelle est-elle toujours un symptôme ?

Je ne suis pas brillant

Votre

Lacan

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1977-02-17 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

[En travers, à gauche de la lettre, se trouve le texte suivant] : « Pouvez-vous me prendre le Jeudi 3 mars ? J’ai peur à cette heure là de ne pas avoir de taxi à la bonne heure.

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1977-02-25 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique avec mention Pli urgent adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Où en êtes-vous ?

Votre

J. Lacan

25.2.77

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1977-02-26 PROPOS SUR L’HYSTÉRIE

Intervention de Jacques Lacan à Bruxelles, publiée dans Quarto (Supplément belge à La lettre mensuelle de l’École de la cause freudienne), 1981, n° 2.

<Image Absente>

« … Un savoir qui se contente de toujours commencer, ça n’arrive à rien. C’est bien pour ça que quand je suis allé à Bruxelles, je n’ai pas parlé de psychanalyse dans les meilleurs termes.

Commencer à savoir pour n’y pas arriver va somme toute assez bien avec mon manque d’espoir. Mais ça implique aussi un terme qu’il me reste à vous laisser deviner. Les personnes belges qui m’ont entendu le dire, et que je reconnais ici, sont libres de vous en faire part ou pas1.

Qu’est-ce que ça veut dire de comprendre, surtout quand on fait un métier qu’un jour, chez quelqu’un qui est là, qui s’appelle Thibault, j’ai qualifié d’escroquerie2 ».

Le 26 Février 1977, Jacques Lacan parle à Bruxelles3.

(5)… Ou sont-elles passées les hystériques de jadis, ces femmes merveilleuses, les Anna 0., les Emmy von N… ? Elles jouaient non seulement un certain rôle, un rôle social certain, mais quand Freud se mit à les écouter, ce furent elles qui permirent la naissance de la psychanalyse. C’est de leur écoute que Freud a inauguré un mode entièrement nouveau de la relation humaine. Qu’est-ce qui remplace ces symptômes hystériques d’autrefois ? L’hystérie ne s’est-elle pas déplacée dans le champ social ? La loufoquerie psychanalytique ne l’aurait-elle pas remplacée ?

Que Freud fut affecté par ce que les hystériques lui racontaient, ceci nous paraît maintenant certain. L’inconscient s’origine du fait que l’hystérique ne sait pas ce qu’elle dit, quand elle dit bel et bien quelque chose par les mots qui lui manquent. L’inconscient est un sédiment de langage.

Le réel est à l’opposé extrême de notre pratique. C’est une idée une idée limite de ce qui n’a pas de sens. Le sens est ce par quoi nous opérons dans notre pratique : l’interprétation. Le réel est ce point de fuite comme l’objet de la science (et non de la connaissance qui elle est plus que critiquable) le réel c’est l’objet de la science.

1. J. Lacan, séminaire du 8 mars 1977, transcription dans Ornicar ?, 16, p. 13.2. J. Lacan, conclusion des journées de Lille, transcription dans Lettres de l’EFP, 22, p. 499.3. Le texte inédit de cette conférence a été transcrit par J. Cornet au départ de ses propres et plus fidèles notes manuscrites ainsi que de celles d’I. Gilson.

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Notre pratique est une escroquerie, du moins considérée à partir du moment où nous partons de ce point de fuite. Notre pratique est une escroquerie : bluffer faire ciller les gens, les éblouir avec des mots qui sont du chiqué, c’est quand même ce qu’on appelle d’habitude du chiqué – à savoir ce que Joyce désignait par ces mots plus ou moins gonflés – d’où nous vient tout le mal. Tout de mêmes, ce que je dis là est au cœur du problème de ce que nous portons (je parle dans le tissu social). C’est pour cela que tout à 1’heure, j’ai quand même suggéré qu’il y avait quelque – (6)chose qui remplaçait cette soufflure qu’est le symptôme hystérique. C’est curieux, un symptôme hystérique : ça se tire d’affaire à partir du moment où la personne, qui vraiment ne sait pas ce qu’elle dit, commence à blablater …. (et l’hystérique mâle ? on n’en trouve pas un qui ne soit une femelle).

Cet inconscient auquel Freud ne comprenait strictement rien, ce sont des représentations inconscientes. Qu’est-ce que ça peut bien être que des représentations inconscientes ? Il y a là une contradiction dans les termes : unbewusste Vorstellungen. J’ai essayé d’expliquer cela, de fomenter cela pour l’instituer au niveau du symbolique. Ça n’a rien à faire avec des représentations, ce symbolique, ce sont des mots et à la limite, on peut concevoir que des mots sont inconscients. On ne raconte même que cela à la pelle : dans l’ensemble, ils parlent sans absolument savoir ce qu’ils disent. C’est bien en quoi l’inconscient n’a de corps que de mots.

Je suis embarrassé de me donner en cette occasion un rôle, mais pour oser le dire, j’ai mis un pavé dans le champ de Freud, je n’en suis pas autrement fier, je dirais même plus, je ne suis pas fier d’avoir été aspiré dans cette pratique que j’ai continuée, que j’ai poursuivie comme ça, comme j’ai pu, dont après tout il n’est pas sûr que je la soutienne jusqu’à crevaison. Mais il est clair que je suis le seul à avoir donné son poids à ce vers quoi Freud était aspiré par cette notion d’inconscient. Tout ça comporte certaines conséquences. Que la psychanalyse ne soit pas une science, cela va de soi, c’est même exactement le contraire. Cela va de soi si nous pensons qu’une science ça ne se développe qu’avec de petites mécaniques qui sont les mécaniques réelles, et il faut quand même savoir les construire. C’est bien en quoi la science a tout un côté artistique, c’est un fruit de l’industrie humaine, il faut savoir y faire. Mais ce savoir y faire, débouche sur le plan du chiqué. Le chiqué, c’est ce qu’on appelle d’habitude le Beau.

Q. – Le chiqué, n’est-ce pas l’artifice ? L’artifice vise au beau, mais ce qui est beau, c’est la démonstration ; prenons le chiffre 4 dans les propositions non démontrables, on en dit : élégant ! belle démonstration !

Dans cette géométrie que j’élucubre et que j’appelle géométrie de sacs et de cordes, géométrie du tissage (qui n’a rien à faire avec la géométrie grecque qui n’est faite que d’abstractions), ce que j’essaye d’articuler, c’est une géométrie qui résiste, une géométrie qui est à la portée de ce que je pourrais appeler toutes les femmes si les femmes ne se caractérisaient pas justement de n’être pas tout : c’est pour ça que les femmes n’ont pas

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réussi à faire cette géométrie à laquelle je m’accroche, c’est pourtant elles qui en avaient le matériel, les fils. Peut-être la science prendrait-elle une autre tournure si on en faisait une trame, c’est-à-dire quelque chose qui se résolve en fils.

Enfin on ne sait pas si tout ça aura la moindre fécondité parce que, s’il est certain qu’une démonstration puisse être appelée belle, on perd tout à fait les pédales au moment où il s’agit non pas d’une démonstration mais de ce quelque chose qui est très très paradoxal, que j’essaie d’appeler comme je peux : monstration. Il est curieux de s’apercevoir qu’il y a dans cet entrecroisement de fils quelque chose qui s’impose comme étant du réel, comme un autre noyau de réel, et qui fait que, quand on y pense…

(7)ça, j’en ai bien l’expérience… parce qu’on ne peut pas s’imaginer à quel point ça me tracasse ces histoires que j’ai appelées en un temps « ronds de ficelles »… ce n’est pas rien de les appeler ronds de ficelles… ces histoires de ronds de ficelles me donnent beaucoup de tracas quand je suis tout seul, je vous prie de vous y essayer, vous verrez comme c’est irreprésentable, on perd les pédales tout de suite.

Le nœud borroméen, on arrive encore à se le représenter, mais il y faut de l’exercice. On peut aussi très bien en donner des représentations noir sur blanc, des représentations mises à plat où on ne s’y retrouve pas : on ne le reconnaît pas. Ceci est un nœud borroméen parce que si l’on rompt une de ces ficelles, les deux autres se libèrent.

Ce n’est pas un hasard si j’en suis venu à m’étouffer avec ces représentations nodales – là, ça vraiment ce sont celles qui me tracassent.

Si j’ai continué la pratique, si, conduit, guidé comme par une rampe, j’ai continué ce blabla qu’est la psychanalyse, c’est quand même frappant que, par rapport à Freud, ça m’ait mené là (parce qu’il n’y a pas trace dans Freud du nœud borroméen). Et pourtant je considère que, de façon tout à fait précise, j’étais guidé par les hystériques, je ne m’en tenais pas moins à l’hystérique, à ce qu’on a encore à portée de la main comme hystérique (je suis fâché d’employer le « je » parce que dire « le moi », confondre la conscience avec le moi, ce n’est pas sérieux et pourtant c’est facile de glisser de l’un à l’autre). (…)

C’est quand même renversant de penser que nous employons le mot de caractère aussi à tort et à travers. Qu’est-ce qu’un caractère et aussi une analyse de caractère, comme s’exprime Reich ? C’est tout de même bizarre que nous glissions comme ça si facilement. Nous ne nous intéressons facilement qu’à des symptômes, et ce qui nous intéresse, c’est de savoir comment avec du blabla, avec notre propre blabla, c’est-à-dire l’usage de certains mots, nous arrivons…

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C’est ce qui frappe dans les Studien über Hysterie, c’est que Freud arrive presque, et même tout à fait, à (dégueuler) que c’est avec des mots que ça se résoud et que c’est avec les mots de la patiente même que l’affect s’évapore.

Il y a un type qui a passé son existence à rappeler l’existence de l’affect. La question est de savoir si oui ou non l’affect s’aère avec des mots ; quelque chose souffle avec ces mots, qui rend l’affect inoffensif c’est-à-dire non engendrant de symptôme. L’affect n’engendre plus de symptôme quand l’hystérique a commencé à raconter cette chose à propos de quoi elle s’est effrayée. Le fait de dire : « elle s’est effrayée » a tout son poids. S’il faut un terme réfléchi pour le dire, c’est qu’on se fait peur à soi-même. Nous sommes là dans le circuit de ce qui est délibéré, de ce qui est conscient.

L’enseignement ? On essaie de provoquer chez les autres le savoir y faire, et c’est-à-dire se débrouiller dans ce monde qui n’est pas (8)du tout un monde de représentations mais un monde de l’escroquerie.

Q.– Lacan est freudien mais Freud n’est pas lacanien ?

Tout à fait vrai. Freud n’avait pas la moindre idée de ce que Lacan s’est trouvé jaspiner autour de cette chose dont nous avons l’idée… Je peux parler de moi à la troisième personne. L’idée de représentation inconsciente est une idée totalement vide. Freud tapait tout à fait à côté de l’inconscient. D’abord, c’est une abstraction. On ne peut suggérer l’idée de représentation qu’en ôtant au réel tout son poids concret. L’idée de représentation inconsciente est une chose folle ; or, c’est comme ça que Freud l’aborde. Il y en a des traces très tard dans ses écrits.

L’inconscient ? Je propose de lui donner un autre corps parce qu’il est pensable qu’on pense les choses sans les peser, il y suffit des mots ; les mots font corps, ça ne veut pas dire du tout qu’on y comprenne quoi que ce soit. C’est ça l’inconscient, on est guidé par des mots auxquels on ne comprend rien. On a quand même l’amorce de cela quand les gens parlent à tort et à travers, il est tout à fait clair qu’ils ne donnent pas aux mots leur poids de sens. Entre l’usage de signifiant et le poids de signification, la façon dont opère un signifiant, il y a un monde. C’est là qu’est notre pratique : c’est approcher comment des mots opèrent. L’essentiel de ce qu’a dit Freud, c’est qu’il y a le plus grand rapport entre cet usage des mots dans une espèce qui a des mots à sa disposition et la sexualité qui règne dans cette espèce. La sexualité est entièrement prise dans ces mots, c’est là le pas essentiel qu’il a fait. C’est bien plus important que de savoir ce que veut dire ou ne veut pas dire l’inconscient. Freud a mis l’accent sur ce fait. Tout cela, c’est l’hystérie elle-même. Ce n’est pas un mauvais usage d’employer l’hystérie dans un emploi métaphysique ; la métaphysique, c’est l’hystérie.

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1977-02-26 PROPOS SUR L’HYSTÉRIE

Q. – Escroquerie et prôton pseudos.

Escroquerie et prôton pseudos, c’est la même chose. Freud dit la même chose que ce que j’appelle d’un nom français, il ne pouvait quand même pas dire qu’il éduquait un certain nombre d’escrocs. Du point de vue éthique, c’est intenable notre profession, c’est bien d’ailleurs pour ça que j’en suis malade, parce que j’ai un surmoi, comme tout le monde.

Nous ne savons pas comment les autres animaux jouissent, mais nous savons que pour nous la jouissance est la castration. Tout le monde le sait, parce que c’est tout à fait évident : après ce que nous appelons inconsidérément l’acte sexuel (comme s’il y avait un acte !), après l’acte sexuel, on ne rebande plus. La question est de savoir : j’ai employé le mot « la » castration, comme si c’était univoque, mais il y a incontestablement plusieurs sortes de castration ; toutes les castrations ne sont pas auto-morphes. L’automorphisme, contrairement à ce qu’on peut croire, – morphè-forma – ce n’est pas du tout une question de forme, comme je l’ai fait remarquer dans mon jaspinage séminariste. Ce n’est pas la même chose la forme et la structure. J’ai essayé d’en donner des représentations sensibles, ce n’était pas des représentations mais des monstrations. Quand on retourne un tore cela donne quelque chose de complètement différent au point de vue de la forme. Il faut faire la différence entre forme et structure.

(9)Q. – Avec quoi l’escroquerie ferait-elle bon ménage avec la forme ? avec la structure ?

Je ne poursuis cette notion de structure que dans l’espoir d’échapper à l’escroquerie. Je file cette notion de structure, qui a quand même un corps des plus évidents en mathématiques, dans l’espoir d’atteindre le réel. On met la structure du côté de la Gestalt et de la psychologie, c’est certain. Si on dit qu’il y a un inconscient, c’est là que la psychologie est une futilité et que la Gestalt est ce quelque chose dont nous avons le modèle. La Gestalt, c’est évidemment la bulle, et le propre de la bulle, c’est de s’évanouir. C’est parce que chacun nous sommes foutus comme une bulle que nous ne pouvons avoir le soupçon qu’il y a autre chose que la bulle.

Il s’agit de savoir si oui ou non Freud est un événement historique. Freud n’est pas un événement historique. Je crois qu’il a raté son coup, tout comme moi ; dans très peu de temps, tout le monde s’en foutra de la psychanalyse. Il s’est démontré là quelque chose : il est clair que l’homme passe son temps à rêver, qu’il ne se réveille jamais. Nous le savons quand même, nous autres psychanalystes, à voir ce que nous fournissent les patients (nous sommes tout aussi patients qu’eux dans cette occasion) : ils ne nous fournissent que leurs rêves.

Q. – sur la difficulté à faire passer la catégorie du réel.

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1977-02-26 PROPOS SUR L’HYSTÉRIE

C’est tout à fait vrai que ce n’est pas facile d’en parler. C’est là que mon discours a commencé. C’est une notion très commune, et qui implique l’évacuation complète du sens, et donc de nous comme interprétant.

Q. – sur la castration.

La castration n’est pas unique, l’usage de 1’article défini n’est pas sain, ou bien il faut toujours l’employer au pluriel : il y a toujours des castrations. Pour que l’article défini s’applique, il faudrait qu’il s’agisse d’une fonction non pas automorphe mais autostructurée, je veux dire qui ait la même structure. « Auto » ne voulant rien dire d’autre que structuré comme soi, foutu de la même façon, nouée de la même façon (il y en a des exemples à la pelle dans la topologie). L’emploi de « le, la, les » est toujours suspect parce qu’il y a des choses qui sont de structure complètement différente et qu’on ne peut désigner par l’article défini, parce qu’on n’a pas vu comment c’est foutu.

C’est pour ça que j’ai élucubré la notion d’objet a. L’objet a n’est pas automorphe : le sujet ne se laisse pas pénétrer toujours par le même objet, il lui arrive de temps en temps de se tromper. La notion d’objet a, c’est ça que ça veut dire : ça veut dire qu’on se trompe d’objet a. On se trompe toujours à ses dépens. À quoi servirait de se tromper si ce n’était pas fâcheux. C’est pour ça qu’on a construit la notion de phallus. Le phallus, ça ne veut rien dire d’autre que cela, un objet privilégié sur quoi on ne trompe pas.

On ne peut dire « la castration » que quand il y a identité de structure alors qu’il y a 36 structures différentes, non automorphes. (10)Est-ce là ce qu’on appelle la jouissance de l’Autre, une rencontre d’identité de structure ? Ce que je veux dire, c’est que la jouissance de l’Autre n’existe pas, parce qu’on ne peut la désigner par « la ». La jouissance de l’Autre est diverse, elle n’est pas automorphe.

Q. – Sur le pourquoi des nœuds.

Mes nœuds me servent comme ce que j’ai trouvé de plus près de la catégorie de structure. Je me suis donné un peu de mal pour arriver à cribler ce qui pouvait en approcher le

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réel. L’anatomie chez l’animal ou la plante (ça, c’est du même tabac), c’est des points triples, c’est des choses qui se divisent, c’est le y qui est un upsilon, ça a servi depuis toujours à supporter des formes, à savoir quelque chose qui a du sens. Il y a quelque chose dont on part et qui se divise, à droite le bien, à gauche le mal. Qu’est-ce qui était avant la distinction bien-mal, avant la division entre le vrai et l’escroquerie ? Il y avait là déjà quelque chose avant que Hercule oscille à la croisée des chemins entre bien et mal, il suivait déjà un chemin. Qu’est-ce qui se passe quand on change de sens, quand on oriente la chose autrement ? On a, à partir du bien, une bifurcation entre le mal et le neutre. Un point triple, c’est réel même si c’est abstrait. Qu’est-ce que la neutralité de l’analyste si ce n’est justement ça, cette subversion du sens, à savoir cette espèce d’aspiration non pas vers le réel mais par le réel.

Q. – sur la psychose qui échapperait à l’escroquerie.

La psychose, c’est dommage… dommage pour le psychotique, car enfin ce n’est pas ce qu’on peut souhaiter de plus normal. Et pourtant on sait les efforts des psychanalystes pour leur ressembler. Déjà Freud parlait de paranoïa réussie.

… More geometrico… à cause de la forme, l’individu se présente comme il est foutu, comme un corps. Un corps, ça se reproduit par une forme. Le corps parlant ne peut réussir à se reproduire que par un ratage, c’est-à-dire grâce a un malentendu de sa jouissance.

… Ce que notre pratique révèle, nous révèle, c’est que le savoir, savoir inconscient a un rapport avec l’amour.

… Structure… Quand on suit la structure, on se persuade de l’effet du langage. L’affect est fait de l’effet de la structure, de ce qui est dit quelque part.

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1977-03-08 PNEUMATIQUE À MICHEL THOMÉ

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé à Thomé. Collection privée.

<fac-similé absent>

Cher Thomé

Téléphonez-moi demain matin le nom de votre avocat commis d’office et le numéro où je peux l’appeler dès demain (chez l’avocat Leclerc)

Votre

J. Lacan

Ce 8 III 77

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1977-03-14 LETTRE DE J. LACAN À É. ROUDINESCO

Il s’agit d’une lettre, adressée à Élisabeth Roudinesco, qu’elle publie partiellement dans Histoire de la psychanalyse en France, Tome 2, 1925-1985, Paris, Seuil, 1986, p. 638. Lacan répond à une lettre ouverte qu’elle lui a envoyée faisant référence au débat suscité par le suicide de Juliette Labin quelque temps après qu’elle ait reçu une réponse négative à la passe qu’elle avait tentée.

Lacan – « J’ai énoncé que le psychanalyste ne s’autorise que de lui-même. C’est incontestable, mais comporte un risque. J’ajoute que ce risque, dans la passe, il n’est pas obligé de le courir. Il s’y offre délibérément ».

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1977-09-25 CLÔTURE DES JOURNÉES DE L’ÉCOLE FREUDIENNE DE PARIS.

Jacques Lacan conclut ces journées qui se sont passées à Lille. La publication a été faite dans les Lettres de l’École, 1978, n °22, pp. 499-501.

(499)Jacques Lacan – J’ai pris ce matin quelques notes. J’espère que j’en décollerai.

Naturellement, je me trompe puisque ce que j’ai entendu, d’Alain Didier-Weill, c’est que j’ai tout compris.

Qu’est-ce que ça veut dire de comprendre, surtout quand on fait un métier qu’un jour, chez quelqu’un qui est là, qui s’appelle Dominique Thibault, j’ai qualifié d’escroquerie.

J’ai tout compris donc, et paraît-il La Lettre volée de Poe que j’ai placée en tête de mes Écrits, comme ça, par hasard, en témoigne puisque c’est ce qu’on appelle le sujet dont Alain Didier-Weill a bien voulu s’occuper – enfin « s’occuper », il y a pris appui.

C’est bien ce que je m’efforce de dénoncer, ce « tout », « tout compris ». Non seulement le « pas tout » est là à sa place, mais il est sûr que l’équivoque que j’ai pris soin d’éviter dans mon séminaire – si je l’ai évitée, ce n’est pas sûr – c’est : tout (et là je passe d’une langue à l’autre), puisque c’est du que j’ai admis concernant la fumelle d’homme, ce concernant la négation de l’universel, que je me suis fondé, ce que j’appelle (il faut quand même que j’écrive) stock-occasion.

Vous voyez quand même la résistance qu’a l’orthog, que je qualifie de raphe.

Il faut interroger l’équivoque, dont j’énonce que c’est de là que se fondent toutes les formations, les formations de l’inconscient.

C’est un type affreud qui a imaginé ça. À partir de quoi l’a-t-il imaginé, cet inconscient, à quoi il a rapporté un certain nombre de formations ? Ce n’est pas commode à imaginer. Mais quand même, l’orthog doit y jouer un certain rôle.

Ce qu’il a dit, Freud, l’affreud, c’est qu’il n’y a pas du su-je. Rien ne supporte le su-je. Autrement dit, au jeu du je se substitue – c’est ce que je tente d’énoncer aujourd’hui – le baffouille-à-je.

Une bafouille, qu’on dit, c’est une lettre. Et ce qu’il faut voir, c’est que, comme l’a réévoqué –, je ne sais pourquoi parce que ça ne valait pas tant d’honneur, le genre en français, comme je l’écris, ex-siste à tout. Le plus ou moins d’ex-sistence, voilà ce qui règle l’affaire des langues, autrement dit la linguistique.

(500)Ce n’est pas étonnant, ça ne m’étonne plus que je me sois référé à la linguistique, parce que la linguistique – je ne voudrais pas forcer la note – est aussi une escroquerie.

Je voudrais vous dire quand même que la distance de la logique à la langue, c’est là ce que je voudrais – « je voudrais », en réalité je n’en ai pas la moindre envie, j’ai énoncé un certain nombre de bafouillages, et peut-être, si on veut bien, que je ferai mon séminaire encore une

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1977-09-25 CLÔTURE DES JOURNÉES DE L’ÉCOLE FREUDIENNE DE PARIS.

année. Mais tout ce que je souhaite, c’est de ne pas le faire. On me comblera, pour tout dire, à ce que je ne le fasse pas. C’est moi qui en jugerai, mais enfin, parce que je suis las.

Mais il y a quelque chose qui quand même est intéressant, c’est l’affaire qui s’est déclarée quand Newton a parlé de la gravitation. Il a dit que les corps – les corps c’est-à-dire la matière – gravitaient entre eux selon la masse d’autres corps. Ça n’est pas passé tout seul au temps de Newton parce que les gens de son temps se sont creusé la tête sur le fait que dans la formule de Newton, il y a une question de distance, et cette distance, les gens du temps de Newton se sont interrogés pour savoir comment chaque corps pouvait bien le savoir, cette distance.

C’est bien la même question qui se pose à nous sur le sujet de savoir la distance où est la langue de la logique. La langue ex-siste à la logique, mais comment l’inconscient le sait-il ? Comment s’oriente-t-il là en fonction du réel, réel dont la distance fait partie ? Pas d’autre définition – j’ai hasardé ça – du réel que l’impossible. C’est de l’ordre de la définition, et la définition, ça n’a rien à voir avec la vérité. La vérité, je me suis permis d’avancer qu’on ne peut pas la dire. C’est quand même drôle qu’il y ait des gens dénommés analystes qui s’efforcent de faire dire à ce qu’on appelle leurs analysants – (c’est comme ça tout au moins que je les désignais) qui s’efforcent de leur faire dire la vérité. La vérité est strictement impossible à dire. Disons qu’elle ne peut se dire qu’à moitié. J’ai parlé, et Alain DidierWeill y a fait allusion, de mi-dire, et le mi-dire, c’est comme chacun le voit un pur et simple ratage de la vérité.

Comment est-ce concevable que des personnes, comme ça, tordues s’efforcent de reconstruire ce que j’ai appelé l’ex-sistence de la langue à la logique ? De deux choses l’une : ou l’inconscient sait d’avance tout ce qui se construira dans l’histoire, ce qu’on appelle, j’ai appelé ça l’histoire, c’est l’hystérie ; ou il sait déjà la distance où il est de la logique, ou l’élucubration dont j’ai essayé de fournir à Freud, à l’affreux Freud, le soutien, n’a aucune espèce de sens. Qu’est-ce que c’est qu’une névrose ? Ça m’a amené à élucubrer cette histoire de nœud, que j’ai appelé borroméen. Ce nœud est un symbole pour manifester – la manifestation, c’est une métaphore, et l’enchaînement dont il s’agit, c’est désignable de cette métaphore qu’est l’usage du mot métonymie.

Il faudrait explorer ce que la signification, l’usage des mots en d’autres termes, représente pour chacun. Nous voilà ramenés à la linguistique. To glance a nose, c’est comme ça que ça se dit en anglais, jeter un regard sur un nez ; grâce à quoi quelqu’un qui avait parlé l’anglais dans son enfance avait une trouille particulière de voir je ne sais quel brillant auf der Nase, c’est comme ça que ça se dit en allemand.

(501)Tout ce qui marque la distance de la langue à la logique (et là c’est un abîme) mérite d’être exploré. Autant dire que l’irrationnel, ce qu’on sait, met en colère, ira. Le Ça ira est en effet le chant de la colère.

Voilà ce que, si je continue mon bafouillage, j’ai le projet de jaspiner ; de jaspiner comme je pourrais, parce que le su-je, ce dont se supporte le je, ça semble être à la portée de la main ; chacun se promène avec un je ; tout au moins énonce-t-il ce je à tort et à travers.

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1977-09-25 CLÔTURE DES JOURNÉES DE L’ÉCOLE FREUDIENNE DE PARIS.

J’en ai assez dit pour aujourd’hui. Si je réussis à persévérer dans ce que j’appellerai la suite, je vous y donne rendez-vous.

68

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1977-11-30 LETTRE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Message envoyé le 30-11-1977. Collecton privée.

<fac-similé absent>

Cher S,

Merci de votre envoi d’hier, je le trouve passionnant.

Voulez-vous m’appeler à 14 heures

Votre

J. Lacan

Ce 30 XI 77

69

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1977-12-02 PNEUMATIQUE À P SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé 5, rue de Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

à Soury

Cher Soury,

Un triple tore n’est pas un nœud borroméen, quoique un n.b soit un triple tore.

Comment un n.b à 4 se décompose t-il en 2 n.b à 3 ?

(Vous vous souvenez sûrement de : comment vous schématisez un triple tore)

Êtes-vous là ce week-end ?

Je vous rappelle mon numéro à Guitrancourt (où je ne serais pas avant Samedi après midi vers 17 heures : 479 12 11)

Votre

J. Lacan

Ce 2 12 77

70

Page 71: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1977-12-15 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

<fac-similé absent>

Figure I

Cher Soury, veuillez me dire de combien de façon un de ces six tores (ainsi disposés) se retourne.

Il y a deux autres cas : celui que j’ai appelé à la queue-leu-leu et le circulaire.

Figure II et III

Figure IV

Appelez moi demain matin à 11 heures si vous le pouvez.

71

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1978-00-00 TEXTE POUR LE CATALOGUE DE L’EXPOSITION FRANÇOIS ROUAN

Paru dans le Catalogue de l’exposition François Rouan, Marseille, Musée Cantini, 1978. La partie 1 est la reproduction des pages du catalogue, la partie 2 est la dactylographie de la partie 1.

Partie 1.<fac-similé absent>

Partie 2

François Rouan peint sur bandes.

Si j’osais, je lui conseillerais de modifier ça et de peindre sur tresses.

La tresse à trois vaut d’être relevée.

Aucun rapport entre trois et tresse. C’est là mon étonnement ce que m’affirme le Bloch et von Wartburg, dictionnaire étymologique auquel je me réfère. On y trouve au contraire une évocation de évocateur de la natte qui est la matière habituelle de la tresse à trois.

Je ferai retour à la peinture sur bandes : cette nouveauté – frappante – qu’introduit François Rouan.

Voici comment je la schématise

<Cf. Figure I>

Les petits trous n’existent pas. Ils sont conjoints. Néanmoins je crois devoir les mettre en évidence et même souligner qu’il y a des lévogyres que je rejoins de lignes obliques. Le dextrogyre central serait aussi porté par des lignes analogues (= obliques).

Venons-en à la tresse

<Cf. Figure II>

Le bâti du tableau le prend en haut et en bas, nul besoin de fixer ce qui est latéral :

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1978-00-00 TEXTE POUR LE CATALOGUE DE L’EXPOSITION FRANÇOIS ROUAN

Il y a d’autres propriétés de cette tresse nommément la propriété dite borroméenne qui tient à ce qu’après six mouvements (de nattage), ces bandes peuvent être mises en cercle et qu’une étant coupée, libère les deux autres : je veux dire qu’elle les rend indépendantes l’une de l’autre.

Ceci se renouvelle après 12, 18, 24, 38 mouvements… Comme le montre la figure suivante :

<Cf. Figure III> Ce qu’on achève circulairement de la façon suivante.

Laquelle tresse se transforme par rabattement du 2.

<Cf. Figure IV>

Après quoi le rabattement de 2 complète la question et il saute aux yeux que la section d’un quelconque de ces cercles laisse les deux autres superposés, c’est-à-dire non noués en chaîne.

<Cf. Figure V>

À remarquer que, plongé dans l’espace, les trois cercles se croisent également. Ils ont pourtant moins de croisements. Alors que, mis à plat, ils ont six croisements.

La figure VI (en perspective) montre que dans l’espace ils n’en n’ont que quatre.

<Cf. Figure VI>

De même il y a une tresse à quatre et à cinq, à six, voire à ce qu’on appelle infini, c’est-à-dire impossible à nombrer. Telle est la figure VII dont on voit le principe : un cercle étant coupé, n’importe lequel des autres est indépendant, c’est-à-dire n’est pas en chaîne : c’est une chaîne mais réduite à ses éléments.

<Cf. Figure VII>

Pour le concevoir je vais la (la chaîne borroméenne) représenter en perspective. Voici une chaîne à quatre, c’est facile, à partir de là de l’imaginer à cinq, à six, voire sans limite.

<Cf. Figure VIII>

Il est toujours vrai que la rupture (ou la coupure) d’un seul des cercles libère tous les autres. Cette représentation, (figure IX) est dans l’espace à trois dimension (d’où notre terme de perspective).

Comment la présentation de la figure II se fait-elle pour la chaîne à quatre ?

Elle se présente ainsi :

<Cf. Figure IX>

Il est frappant que la mise à plat suffise à maintenir le même nombre de croisement, c’est-à-dire 14, alors que dans l’espace il n’y en a que huit (voir figure IX où ils sont inscrits).

<Cf. Figure X>

73

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1978-00-00 TEXTE POUR LE CATALOGUE DE L’EXPOSITION FRANÇOIS ROUAN

À partir de ces trois cercles il y a quatre positions qui permettent de les nouer.

4 passe sur 1

sous 3

sur 2

Le résultat est dans l’espace Figure XI

<Cf. Figure XII>

Ceci s’étage dans l’espace selon

<Cf. Figure XIII>

Les deux suivant sont :

<Cf. Figure XIV>

<Cf. Figure XV>

Et après

<Cf. Figure XVI>

<Cf. Figure XVII>

Je laisse ceci à la méditation du public qui ira voir les tableaux de François Rouan.

74

Page 75: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-01-07 PRÉSENTATION DE L’EXPOSÉ DE M. SAFOUAN 

Présentation de l’exposé de M. Safouan : « La proposition d’octobre 1967, dix ans après », Assises de l’École freudienne de Paris : « L’expérience de la passe », Deauville. Paru dans les Lettres de l’École, 1978, n° 23, p. 7.

Jacques Lacan – Je donne la parole à Safouan.

75

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1978-01-07 INTERVENTION SUR L’EXPOSÉ DE M. SAFOUAN 

Intervention sur l’exposé de Safouan : « La proposition d’octobre 1967, dix ans après », Assises de l’École freudienne de Paris : « L’expérience de la passe », Deauville. Parue dans les Lettres de l’École, 1978, n° 23, pp. 19-20.

Discussion […]

(19)Jacques Lacan – Est-ce que l’assemblée va répondre à Safouan ? Ce serait mieux quand même qu’il y ait une ombre de discussion !

[…]

(20)Jacques Lacan – Un peu plus sur quoi ? Sur le fait que j’ai occupé cette place ?

[…]

Jacques Lacan – J’aurais bien aimé qu’on me relaie, c’est tout ce que je puis dire.

[…]

76

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1978-01-07 INTRODUCTION DE L’EXPOSÉ DE C. CONTÉ

Introduction de l’exposé de C. Conté : : « La demande dans la passe », Assises de l’École freudienne de Paris : « L’expérience de la passe », Deauville. Paru dans les Lettres de l’École, 1978, n° 23, p. 35.

Jacques Lacan – Conté va parler maintenant, étant donné que ce qu’il a à dire est parent de ce que vient de dire Ginette Raimbault.

77

Page 78: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-01-07 INTERVENTION APRÈS L’EXPOSÉ DE CLAUDE CONTÉ

Intervention après l’exposé de Claude Conté : « La demande dans la passe », Assises de l’École freudienne de Paris : « L’expérience de la passe », Deauville. Paru dans les Lettres de l’École, 1978, n° 23, p. 42.

Jacques Lacan – Nous nous réunissons à trois heures.

78

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1978-01-07 PRÉSENTATION DE L’EXPOSÉ DE C.-B. ARRIGHI

Présentation de l’exposé de C.-B. Arrighi : « Passe et tiercité », Assises de l’École freudienne de Paris : « L’expérience de la passe », Deauville. Paru dans les Lettres de l’École, 1978, n° 23, p. 43.

Jacques Lacan – La séance est ouverte, je passe la parole à Arrighi, au titre de son expérience de passeur.

[…]

79

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1978-01-07 PRÉSENTATION DE L’EXPOSÉ DE F. WILDER

Présentation de l’exposé de F. Wilder : « Expérience de passeur », Assises de l’École freudienne de Paris : « L’expérience de la passe », Deauville. Paru dans les Lettres de l’École, 1978, n° 23, p. 62.

Jacques Lacan – Je donne la parole à Françoise Wilder.

[…]

80

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1978-01-07 INTERVENTION SUR L’EXPOSÉ DE J. GUEY

Intervention sur l’exposé de J. Guey : « Passe à l’analyse infinie », Assises de l’École freudienne de Paris : « L’expérience de la passe », Deauville. Paru dans les Lettres de l’École, 1978, n° 23, p. 94.

Exposé […]

Jacques Lacan – Merci de nous avoir rafraîchi la mémoire et rappelé que la psychanalyse, c’est pas du billard !

81

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1978-01-08 INTERVENTION CONCLUSIVE AUX ASSISES DE L’E.F.P. À DEAUVILLE

Assises de l’École freudienne de Paris : « L’expérience de la passe », Deauville. Parue dans les Lettres de l’École, 1978, n° 23, pp. 180-181.

[…]

(180)Jacques Lacan – Il n’y a pas besoin d’être A.E. pour être passeur.

C’est une idée folle de dire qu’il n’y a que les A.E. qui pouvaient désigner les passeurs.

C’est en quelque sorte une garantie ; je me suis dit que quand même, les A.E. devaient savoir ce qu’ils faisaient.

La seule chose importante, c’est le passant, et le passant, c’est la question que je pose, à savoir qu’est-ce qui peut venir dans la boule de quelqu’un pour s’autoriser d’être analyste ?

(181)J’ai voulu avoir des témoignages, naturellement je n’en ai eu aucun, des témoignages de comment ça se produisait.

Bien entendu c’est un échec complet, cette passe.

Mais il faut dire que pour se constituer comme analyste il faut être drôlement mordu ; mordu par Freud principalement, c’est-à-dire croire à cette chose absolument folle qu’on appelle l’inconscient et que j’ai essayé de traduire par le « sujet supposé savoir. »

Il n’y a rien qui m’ennuie comme les congrès, mais pas celui-ci parce que chacun a apporté sa pauvre petite pierre à l’idée de la passe, et que le résultat n’est pas plus éclairant dans un congrès que quand on voit des passants qui sont toujours ou bien déjà engagés dans cette profession d’analyste, – c’est pour ça que l’A.M.E. ça ne m’intéresse pas spécialement que l’A.M.E. vienne témoigner, l’A.M.E. fait ça par habitude, – car c’est quand même ça qu’il faut voir : comment est-ce qu’il y a des gens qui croient aux analystes, qui viennent leur demander quelque chose ? C’est une histoire absolument folle.

Pourquoi viendrait-on demander à un analyste le tempérament de ses symptômes ? Tout le monde en a étant donné que tout le monde est névrosé, c’est pour ça qu’on appelle le symptôme, à l’occasion, névrotique, et quand il n’est pas névrotique les gens ont la sagesse de ne pas venir demander à un analyste de s’en occuper, ce qui prouve quand même que ne franchit ça, à savoir venir demander à l’analyste d’arranger ça, que ce qu’il faut bien appeler le psychotique.

Et tout est là, il faudrait que l’analyste sache un peu la limite de ses moyens, c’est là-dessus que, en somme, nous attendons le témoignage de gens qui sont depuis peu de temps analystes : qu’est-ce qui peut bien leur venir à l’idée – c’est là que je pose la question – de s’autoriser d’être analystes.

Parce que, comme l’a dit Leclaire, il y a des sujets non identifiés et c’est précisément de ça qu’il s’agit ; les sujets non identifiés nous ne nous en occupons pas, les sujets non identifiés, c’est bien ce qui est en question comme Leclaire nous l’a expliqué.

82

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1978-01-08 INTERVENTION CONCLUSIVE AUX ASSISES DE L’E.F.P. À DEAUVILLE

Le sujet non identifié tient beaucoup à son unité ; il faudrait quand même qu’on le lui explique qu’il n’est pas un, et c’est en ça que l’analyste pourrait servir à quelque chose.

83

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1978-01-12 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé à Soury. Les deux lignes que nous avons incorporées sous l’icône à la suite des enveloppes sont de Soury. Collection privée.

<fac-similé absent>

Figure I

Figure II

Ces deux à quatre ne sont pas la même chose. Comment les distinguer au niveau du dessin suivant ? (voir figure II)

Votre

J. Lacan

Ce 12.1.78

84

Page 85: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-01-17 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collecton privée.

<fac-similé absent>

À Soury

Ce n’est pas […]* qui […]*

Figure I

C’est un emboitage : je veux dire un truc comme ça.

Figure II

Votre

J. Lacan

Ce 17 I 78

*

** Le déchiffrage est impossible.85

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1978-01-26 PNEUMATIQUE DE J.LACAN À P.SOURY

Pneumatique adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée. <fac-similé absent>

<fac-similé absent>

26.I.78

C’est à 15 heures ce 29 dimanche que je vous avais donné rendez-vous.

Votre

J. Lacan

(Je ne comprends donc rien à ce papier où vous me dites que vous êtes venu à 10h30).

Je n’aurai jamais cru que de venir chez vous Samedi vous avertir du rendez-vous, aurait eu cet effet. Appelez-moi demain ou mardi s’il vous plait.

86

Page 87: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-02-10 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5 rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Cher Soury

C’est samedi que je vous attends à 21 heures :

Je vous le rappelle parce qu’il vous arrive de faire erreur.

Votre

J. Lacan

Ce 10.II.78

87

Page 88: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-02-21 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé 5, rue du Dahomey, Paris, avec mention Pli urgent. Collection privée.

<fac-similé absent>

21 février 78

de Lacan

à Soury

Je suis venu vous voir ce matin. 21 février 78 pour essayer de mettre debout quelque chose.

Vous n’étiez pas là. Du moins l’ai-je supposé : car j’ai longuement cogné à votre porte.

Je suis enragé par cette histoire.

Votre

J. Lacan

88

Page 89: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-03-01 LETTRE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Lettre adressée au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Cher Soury

Comme d’habitude je ne comprends rien à ce que dans votre bonté vous proposez à mes réflexions.

Votre

J. Lacan

Peut-être pourriez-vous m’appeler vendredi à partir de 14 heures.

Ce 1er mars 78.

89

Page 90: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-03-14 LETTRE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Lettre adressée au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée. 

<fac-similé absent>

Ce 14 III 78

Soury,

Je vous remercie de ce que vous avez fait : pour moi.

Tâchez de me rendre quand vous pourrez les 5 tores.

Voulez-vous que ce soit vendredi ? je vous dis cela parce que je pense à jeudi et à votre cours.

Dans ce cas vendredi soir : vous risqueriez de ne pas me trouver le matin.

Votre

J. Lacan

90

Page 91: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-03-21 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

À Soury

Je vous remercie pour ce matin encore.

J’espère que vous m’appellerez demain matin (mercredi) ou vendredi. S’il vous plaît.

Votre.

J. Lacan.

Ce 21.III. 78

91

Page 92: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-03-28 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Cher Soury

Méfiez-vous du changement d’heure qui a lieu samedi. Je ne sais pas à quelle heure.

Votre

J. Lacan

Ce 28.III.78.

92

Page 93: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-04-03 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Soury

Enlacement nul : je traduit ça par pas d’enlacement : ce que contredisent les exemples donnés.

De même enlacement non nul je traduit par « il existe » : les exemples ne le contredisent pas moins.

Veuillez venir m’expliquer.

Votre

J. Lacan

Ce 3. IV. 78.

93

Page 94: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-04-27 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique avec mention Pli urgent, au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

À Soury

Merci, merci de vos papiers. Voulez-vous venir samedi matin à 9 heures du matin.

Votre

J. Lacan

Ce 27.IV. 78

94

Page 95: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-05-01 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

À Pierre Soury

Appelez-moi je vous en prie le plus tôt que vous pouvez : car j’ai oublié quand je vous ai donné rendez-vous.

Votre

J. Lacan

Ce 1er mai 78.

95

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1978-05-07 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique avec mention Pli urgent au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

À Pierre Soury

Peut-être voudrez-vous m’appeler avant 19H. 30 ?

Pour me donner le Shepherd, c’est-à-dire l’histoire du borroméen qui s’annule.

Figure I

Je vous donnerai rendez-vous pour que nous dînions ensemble.

Votre

J.Lacan

Ce 7 mai 78.

96

Page 97: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-05-11 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique avec mention Pli urgent adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Ce 11 mai 1978

À Soury

J’essaye. Dans la reproduction que vous donnez du tour de Slade (reportez-vous y),

la figure 28 montre que 1 et 2 ne sont pas pareils.

Que faut-il en penser ?

5 ne correspond évidemment pas à ce qui constitue la tresse qui est au-dessus (j’entends à côté de la bande triple).

Venez demain, demain, 12 mai s’il vous plait à 19 heures pour m’expliquer ça. Merci.

J. Lacan

97

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1978-05-22 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique avec mention Pli urgent adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

À Soury

Cher

Quel est le « rapport » entre la tresse borroméenne et le nombre de coups qu’il faut tresser pour la faire telle.

À 3 c’est 6, c’est-à-dire un demi (1/2)

À 4 c’est 14, c’est-à-dire 1/3,5 (un sur 3 et demi).

Comment peut-on le prévoir pour 40 par exemple. Y a-il une formule ? Je vous serais reconnaissant de me la donner.

Votre

J. Lacan.

Ce 22 V 78.

98

Page 99: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-05-22 LETTRE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique avec mention Pli urgent adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

À Pierre Soury

Je suis enragé par un dessin que vous m’avez donné.

Venez m’en parler et pour cela appelez-moi

Votre

J.Lacan

Ce 22 V 78

99

Page 100: final 1977 1981 LACAN LULU 66666666 6

1978-06-01 LE REVE D’ARISTOTE

Conférence à l’Unesco. Colloque pour le 23e centenaire d’Aristote. Publication par Unesco Sycomore, 1978, pp. 23-24.

(23)Jacques Lacan – On met une différence entre l’objet et la représentation. On sait cela, pour se le représenter mentalement. Il suffit de mots qui, comme on dit, « évoquent », soit « appellent », la représentation.

Comment Aristote conçoit-il la représentation ? Nous ne le savons que par ce qui a retenu un certain nombre d’élèves de son temps. Les élèves répètent ce que dit le maître. Mais c’est à condition que le maître sache ce qu’il dit. Qui en juge sinon les élèves ? Donc ce sont eux qui savent. Malheureusement – c’est là que je dois témoigner en tant que psychanalyste – ils rêvent aussi.

Aristote rêvait, comme tout le monde. Est-ce lui qui s’est cru en devoir d’interpréter le rêve d’Alexandre assiégeant Tyr ? Satyros – Tyr est à toi. Interprétation-jeu qui est typique.

Le syllogisme – Aristote s’y est exercé, – le syllogisme procède-t-il du rêve ? Il faut bien dire que le syllogisme est toujours boiteux – en principe triple, mais en réalité application au particulier de l’universel. « Tous les hommes sont mortels », donc un d’entre eux l’est aussi. Freud là-dessus arrive, et dit que l’homme le désire.

Ce qui le prouve, c’est le rêve. Il n’y a rien d’affreux comme de rêver qu’on est condamné à vivre à répétition. D’où l’idée de la pulsion de mort. Les freudo-aristotéliciens, mettant la pulsion de mort en tête, supposent Aristote articulant l’universel et le particulier, c’est-à-dire le font quelque chose comme psychanalyste.

Le psychanalysant syllogise à l’occasion, c’est-à-dire aristotélise. Ainsi Aristote perpétue sa maîtrise. Ce qui ne veut pas dire qu’il vive – il survit dans ses rêves. Dans tout psychanalysant, il y a un élève d’Aristote. Mais il faut dire que l’universel se réalise à l’occasion dans le bafouillage.

Que l’homme bafouille, c’est certain. Il y met de la complaisance. Comme il se voit dans le fait que le psychanalysant revient à heure fixée chez le psychanalyste. Il croit à l’universel, on ne sait pas pourquoi, puisque c’est comme individu particulier qu’il se livre aux soins de ce qu’on appelle un psychanalyste.

C’est en tant que le psychanalysant rêve que le psychanalyste a à intervenir. S’agirait-il de réveiller le psychanalysant ? Mais celui-ci ne le veut en aucun cas – il rêve, c’est-à-dire tient à la particularité de son symptôme.

Le Peri psuchès n’a pas le moindre soupçon de cette vérité, qui constitue la résistance à la psychanalyse. C’est pourquoi Freud contredit Aristote, lequel, dans cette affaire de l’âme, ne dit rien de bon – si tant est que ce qui reste écrit soit un dire fidèle.

La discrimination du « to ti esti » et du « to ti en einai », qu’on traduit par « essence »et par « substance » en tant que bornée – « to horismon » – reflète une distinction dans le réel, celle

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1978-06-01 LE REVE D’ARISTOTE

du verbal et du réel qui en est affecté. Ce que j’ai moi-même distingué comme symbolique et comme réel.

S’il est vrai, comme je l’ai énoncé, qu’il n’y a pas de rapport sexuel, à savoir que dans l’espèce humaine il n’y a pas d’universel féminin, qu’il n’y a pas de « toutes les femmes » il en résulte qu’il y a toujours, entre le psychanalyste et le psychanalysant, quelqu’un en plus. Il y a ce que j’énoncerai non pas comme représentation, mais comme présentation de l’objet. Cette présentation est ce que j’appelle à l’occasion l’objet a. Il est d’une extrême complexité.

Aristote néglige cela, parce qu’il croit qu’il y a représentation, et cela entraîne que Freud l’écrit. Aristote pense – il n’en conclut pas qu’il soit pour autant – il pense le monde, en quoi il rêve comme ce qu’on appelle tout le monde, c’est-à-dire les gens. Le monde qu’il pense, il le rêve, comme tous ceux qui parlent. Le résultat c’est – je l’ai dit – que c’est le monde qui pense. La première sphère est ce qu’il nomme le « nous ».

On ne peut savoir à quel point le philosophe délire toujours. Freud bien sûr, délire aussi. Il délire, mais il note qu’il parle de nombres et de surfaces. Aristote eût pu supposer la topologie, mais il n’y en a pas trace.

J’ai parlé du réveil. Il se trouve que j’ai rêvé récemment que le réveil sonnait. Freud dit qu’on rêve du réveil quand on ne veut en aucun cas se réveiller.

À l’occasion, le psychanalysant cite Aristote. Cela fait partie de son matériel. Il y a donc toujours quatre personnes entre le psychanalyste et le psychanalysant. À l’occasion, le psychanalysant fournit Aristote. Mais le psychanalyste a derrière lui son inconscient dont il se sert à l’occasion pour donner une interprétation.

C’est tout ce que je peux dire. Que j’hallucine dans mon rêve le réveil sonnant, je considère cela comme un bon signe, puisque, contrairement à ce que dit Freud, il se trouve, moi, que je me réveille. Au moins me suis-je, dans ce cas, réveillé.

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1978-07-09 CONCLUSIONS – CONGRÈS DE L’ÉCOLE FREUDIENNE DE PARIS

9e Congrès de l’École Freudienne de Paris sur « La transmission » . Parues dans les Lettres de l’École, 1979, n° 25, vol. II, pp. 219-220.

(219)Jacques Lacan – Je dois conclure ce Congrès. C’est tout au moins ce qui a été prévu.

Freud s’est vivement préoccupé de la transmission de la psychanalyse. Le comité qu’il avait chargé d’y veiller s’est transformé dans l’institution psychanalytique internationale, l’I.P.A. Je dois dire que l’I.P.A., si nous en croyons notre ami Stuart Schneiderman, qui a parlé hier, pour l’instant n’est pas vaillante. Il est certain que ce Congrès représente, avec cette salle pleine, quelque chose qui équilibre l’I.P.A.

Freud, désignant ce qu’il appelait sa « bande », sans qu’on sache très bien si « sa bande », ça doit s’écrire « ç-a », Freud a inventé cette histoire, il faut bien le dire assez loufoque, qu’on appelle l’inconscient ; et l’inconscient est peut-être un délire freudien. L’inconscient, ça explique tout mais, comme l’a bien articulé un nommé Karl Popper, ça explique trop. C’est une conjecture qui ne peut pas avoir de réfutation.

On nous a parlé de sexe sans sujet. Est-ce que ça veut dire pour autant qu’il y aurait un rapport sexuel qui ne comporterait pas de sujet ? Ce serait aller loin ; et le rapport sexuel, dont j’ai dit qu’il n’y en avait pas, est censé expliquer ce qu’on appelle les névroses. C’est ce pourquoi je me suis enquis de ce que c’était que les névroses. J’ai essayé de l’expliquer dans ce qu’on appelle un enseignement. Il faut croire que quand même cet enseignement a eu un certain poids puisque j’ai réussi à avoir toute cette assistance.

Cette assistance, je dois dire, ne m’assiste pas. Je me sens au milieu de cette assistance particulièrement seul. Je me sens particulièrement seul parce que les gens à qui j’ai affaire comme analyste, ceux qu’on appelle mes analysants ont avec moi un tout autre rapport que cette assistance. Ils essaient de me dire ce qui chez eux ne va pas. Et les névroses, ça existe. Je veux dire qu’il n’est pas très sûr que la névrose hystérique existe toujours, mais il y a sûrement une névrose qui existe, c’est ce qu’on appelle la névrose obsessionnelle.

Ces gens qui viennent me voir pour essayer de me dire quelque chose, il faut bien dire que je ne leur réponds pas toujours. J’essaie que ça se passe ; du moins je le souhaite. Je souhaite que ça se passe, et il faut bien dire que beaucoup de psychanalystes en sont réduits là. C’est pour ça que j’ai essayé d’avoir quelque témoignage sur la façon dont on devient psychanalyste : qu’est-ce qui fait qu’après avoir été analysant, on devienne psychanalyste ?

Je me suis, je dois dire, là-dessus enquis, et c’est pour ça que j’ai fait ma Proposition, celle qui instaure ce qu’on appelle la passe, en quoi j’ai fait confiance à quelque chose qui s’appellerait transmission s’il y avait une transmission de la psychanalyse.

Tel que maintenant j’en arrive à le penser, la psychanalyse est intransmissible. C’est bien ennuyeux. C’est bien ennuyeux que chaque psychanalyste soit forcé – puisqu’il faut bien qu’il y soit forcé – de réinventer la psychanalyse.

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1978-07-09 CONCLUSIONS – CONGRÈS DE L’ÉCOLE FREUDIENNE DE PARIS

Si j’ai dit à Lille que la passe m’avait déçu, c’est bien pour ça, pour le fait qu’il faille que chaque psychanalyste réinvente, d’après ce qu’il a réussi à retirer du fait d’avoir été un temps psychanalysant, que chaque analyste réinvente la façon dont la psychanalyse peut durer.

J’ai quand même essayé de donner à cela un peu plus de corps ; et c’est pour ça que j’ai inventé un certain nombre d’écritures, telles que le S barrant le A, c’est-à-dire ce que j’appelle le grand Autre, car c’est le S, dont je désigne le signifiant qui, ce grand A, le barre ; je veux dire que ce que j’ai énoncé à l’occasion, à savoir que le signifiant a pour fonction de représenter le sujet, mais et seulement pour un autre signifiant – c’est tout au moins ce que j’ai dit, et il est un fait que je l’ai dit – qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que dans le grand Autre, il n’y a pas d’autre signifiant. Comme je l’ai énoncé à l’occasion, il n’y a qu’un monologue.

Alors comment se fait-il que, par l’opération du signifiant, il y ait des gens qui guérissent ? Car c’est bien de ça qu’il s’agit. C’est un fait qu’il y a des gens qui guérissent. Freud a bien souligné qu’il ne fallait pas que l’analyste soit possédé du désir de guérir ; mais c’est un fait qu’il y a des gens qui guérissent, et qui guérissent de leur névrose, voire de leur perversion.

Comment est-ce que ça est possible ? Malgré tout ce que j’en ai dit à l’occasion, je n’en sais rien. C’est une question de truquage. Comment est-ce qu’on susurre au sujet qui vous vient en analyse quelque chose qui a pour effet de le guérir, c’est là une question d’expérience dans laquelle joue un rôle ce que j’ai appelé le sujet supposé savoir. Un sujet supposé, c’est un redoublement. Le sujet supposé savoir, c’est quelqu’un qui sait. Il sait le truc, puisque j’ai parlé de truquage à l’occasion ; il sait le truc, la façon dont on guérit une névrose.

Je dois dire que dans la passe, rien n’annonce ça ; je dois dire que dans la passe, rien ne témoigne que le sujet sait guérir une névrose. J’attends toujours que quelque chose m’éclaire là-dessus. J’aimerais bien savoir par quelqu’un qui en témoignerait dans la passe qu’un sujet – puisque c’est d’un sujet qu’il s’agit – est capable de faire plus que ce que j’appellerai le bavardage ordinaire ; car c’est de cela qu’il s’agit. Si l’analyste ne fait que bavarder, on peut être assuré qu’il rate son coup, le coup qui est d’effectivement lever le résultat, c’est-à-dire ce qu’on appelle le symptôme.

J’ai essayé d’en dire un peu plus long sur le symptôme. Je l’ai même écrit de son ancienne orthographe. Pourquoi est-ce que je l’ai choisie ? s-i-n-t-h-o-m-e, ce serait évidemment un peu long à vous expliquer. J’ai choisi cette façon d’écrire pour supporter le nom symptôme, qui se prononce actuellement, on ne sait pas trop pourquoi « symptôme », c’est-à-dire quelque chose qui évoque la chute de quelque chose, « ptoma » voulant dire chute.

Ce qui choit ensemble est quelque chose qui n’a rien à faire avec l’ensemble. Un sinthome n’est pas une chute, quoique ça en ait l’air. C’est au point que je considère que vous là tous tant que vous êtes, vous avez comme sinthome chacun sa chacune. Il y a un sinthome il et un sinthome elle. C’est tout ce qui reste de ce qu’on appelle le rapport sexuel. Le rapport sexuel est un rapport intersinthomatique. C’est bien pour ça que le signifiant, qui est aussi de l’ordre du sinthome, c’est bien pour ça que le signifiant opère. C’est bien pour ça que nous avons le soupçon de la façon dont il peut opérer : c’est par l’intermédiaire du sinthome.

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1978-07-09 CONCLUSIONS – CONGRÈS DE L’ÉCOLE FREUDIENNE DE PARIS

Comment donc communiquer le virus de ce sinthome sous la forme du signifiant ? C’est ce que je me suis essayé à expliquer tout au long de mes séminaires. Je crois que je ne peux pas aujourd’hui en dire plus.

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1978-10-22 LACAN POUR VINCENNES !

Ornicar ?, n°17/18,1979, pp. 278.

TRANSFERT À SAINT DENIS ?

JOURNAL d’Ornicar ?

LACAN pour Vincennes !

Il y a quatre discours. Chacun se prend pour la vérité. Seul le discours analytique fait exception. Il vaudrait mieux qu’il domine en conclura-t-on, mais justement ce discours exclu la domination, autrement dit il n’enseigne rien. Il n’a rien d’universel : c’est bien en quoi il n’est pas matière d’enseignement.

Comment faire pour enseigner ce qui ne s’enseigne pas ? Voilà ce dans quoi Freud a cheminé. Il a considéré que rien n’est que rêve, et que tout le monde (si l’on peut dire une pareille expression), tout le monde est fou c’est-à-dire délirant.

C’est bien ce qui se démontre au premier pas vers l’enseignement.

Mais reste à le démontrer : pour cela n’importe quel objet est bon, il se présente toujours mal. C’est-à-dire qu’il faut le corriger.

Les mathématiques servent à cela : corriger l’objet. C’est un fait que les mathématiques corrigent et que ce qu’elles corrigent est l’objet même.

D’où ma réduction de la psychanalyse à la théorie des ensembles.

L’antipathie des discours, l’universitaire et l’analytique, serait-elle, à Vincennes, surmontée ? Certainement pas. Elle y est exploitée, au moins depuis quatre ans, où j’y veille. Qu’à se confronter à son impossible l’enseignement se renouvelle, se constate.

J’énumère ce que quatre années ont fait surgir au Département de Psychanalyse :

– une revue, Ornicar ?, qui tranche sur ce qui se publie partout sous l’enseigne de la psychanalyse ;

– un « troisième cycle », dit du Champ freudien, où c’est à la psychanalyse de corriger ce qu’on lui propose comme affine ;

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1978-10-22 LACAN POUR VINCENNES !

– une Section clinique, qui à l’Hôpital Henri-Rousselle joue son rôle, d’orienter les jeunes psychiatres.

Bilan : positif. L’expérience se poursuivra donc. À Vincennes, tant que la liberté lui en sera laissée. Si on l’y réduit, hors de l’Université.

Jacques Lacan

Ce 22-X-78

En fait, j’espère qu’Edgar Faure fera ce qu’il faut pour que, Vincennes, soit Paris VIII, sa création, subsiste.

J. L.

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1978-10-30 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique avec mention Pli urgent, adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Figure I Pourquoi les 4 demi-torsions dans votre papier ne sont-elles pas figurées comme cela ?

Figure II Ou comme cela

Appelez-moi le plus tôt possible à mon numéro ? si vous le pouvez.

Votre

J.Lacan

Ce 30.8.78

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1978-11-06 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5, rue du Dahomey. Collection privée.

<fac-similé absent>

Cher

Je vous appelle au secours.

Appelez-moi demain mardi, s’il vous plait au 260 72 93

Votre

J.Lacan

Ce 6.11.78

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1978-11-10 CONFÉRENCE CHEZ LE PROFESSEUR DENIKER

La « Conférence chez le Professeur Deniker – Hôpital Sainte-Anne » (transcription d’un enregistrement sur bande magnétique) fut publiée dans le Bulletin de l’Association freudienne n° 7, juin 1984, pp. 3-4.

(3)… déblayé avec mon discours…

à la vérité j’ai articulé les choses pendant dix ans ; ce premier déblayage portait bien sûr sur l’inconscient et j’avais déjà, dans ce que j’avais fait chez moi, commencé, ce freudisme, à le présenter.

J’ai présenté quelque chose qui concernait Dora et puis le petit Hans ; le mot de présentation est tout à fait essentiel.

J’ai été amené progressivement à une présentation de l’inconscient qui est de l’ordre, d’un ordre mathématique. Ça n’est qu’une présentation.

J’ai présenté les choses sous la forme qui était déjà engagée du nœud borroméen.

Ce que j’appelle nœud borroméen : j’avais déjà annoncé les choses avant 1953 par une conférence que j’avais faite en ce même endroit. Pourquoi ces cercles dits borroméens, car chacun tient par l’autre, est relié à l’autre par le troisième ? Ici l’Imaginaire est ce qui lie le Réel et le Symbolique.

C’est de là que je suis parti pour énoncer sous la forme qui assure la prédominance du Symbolique sur le Réel, que c’était l’Imaginaire qui les liait.

L’Imaginaire, c’est très précisément ce que réalise le raisonnement mathématique.

Le raisonnement mathématique a une consistance à proprement parler imaginaire ; ce qui sous le nom de topologie donne sa consistance au raisonnement mathématique fait partie du lien où le Symbolique et le Réel dépendent l’un de l’autre.

C’est bien pourquoi j’avais noué le Symbolique, l’Imaginaire et le Réel d’une certaine façon.

L’Imaginaire soutient ce qu’on appelle le Réel et c’est en cela que la topologie s’articule.

Le Symbolique par rapport au Réel, le Symbolique, c’est-à-dire le langage, est bien ce qui énonce, ce qui peut être énoncé sous le nom d’inconscient.

C’est bien en cela que le Réel c’est l’inconscient.

C’est l’inconscient, ça veut dire quelque chose que j’ai défini comme l’impossible.

L’inconscient c’est l’impossible, à savoir que c’est ce qu’on construit avec le langage ; en d’autres termes, une escroquerie.

l’association d’idées c’est la remise au petit bonheur ; c’est par la voie du petit bonheur qu’on procède pour libérer quelqu’un de ce qu’on appelle le symptôme.

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1978-11-10 CONFÉRENCE CHEZ LE PROFESSEUR DENIKER

Je me demande quelquefois si je n’aurais pas mieux fait de jouer sur ce qu’on appelle le psychologique. La chose qui m’en a dispensé c’est ce qu’on appelle la structure.

Il y a des structures qui sont, bien sûr, psychologiques mais qui ne se définissent pas par rapport à la relative position du Symbolique, de l’Imaginaire et du Réel.

Car, ce nœud borroméen, dans ce nœud borroméen, le Réel qui est là est commandé par l’Imaginaire et c’est en cela que j’ai choisi d’énoncer le raisonnement mathématique comme premier.

C’est en ce qu’on imagine du nœud borroméen que réside ce qui fait que le Réel est dépendant de l’Imaginaire.

L’inconscient c’est le Symbolique et c’est en cela qu’il tient au Réel. Il tient au Réel et même il le commande. C’est en cela que le langage régit le Réel.

(4)C’est bien pour ça que j’énonce que le Réel c’est l’impossible : il est tout à fait impossible que le langage régisse le Réel.

Il est également impossible que quelque chose se présente comme non orientable ; c’est ce qui m’a entraîné à symboliser par ce qu’on appelle une bande de Moebius ce qu’il en est de l’inconscient.

Dans l’inconscient on est désorienté.

Cette prééminence du Symbolique sur le Réel, c’est ce qui constitue à proprement parler l’inconscient.

Qu’il y ait dans tout cela des incidences psychologiques, est ce qui m’a écarté de le reconnaître comme tel.

L’inconscient c’est ce qui impose sa loi au Réel.

Entre le raisonnement mathématique et l’inconscient il y a toute la différence d’un lien qui impose sa loi au Réel.

C’est bien pour cela que le Réel est là en rôle d’intermédiaire.

C’est aussi pour cela que j’ai essayé avec la topologie, c’est-à-dire ce qu’on peut considérer comme ce qu’il y a de plus avancé dans le raisonnement mathématique.

C’est aussi pour cela que j’ai essayé de comprendre, de présenter ce qu’il en était de l’inconscient.

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1978-11-14 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5, rue Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Cher Soury,

Appelez-moi au numéro suscrit. Si vous le pouvez.

Votre

J.Lacan

Le 14.11.78

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1978-11-20 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique avec mention Pli urgent adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Ayez la bonté, cher Soury de me faire la bande de Moebius – que nous appelons triple : celle qui se figure comme cela.

Figure I

Et de m’en faire la doublure : celle à quoi vous mettez un intérieur et un extérieur.

Figure II

S’il vous plait. Merci

J. Lacan

Ce 20 XI. 78

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1978-12-05 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique, avec mention Pli urgent, adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Il y a un nommé Vappereau qui est un de vos élèves

qui me taquine avec des choses.

Appelez-moi demain j’ai besoin de vous.

Votre.

J. Lacan

Ce 5 décembre 78.

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1978-12-12 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Pourquoi diable m’avez-vous dit qu’il y en avait 35 à trois sur six ? (borro. géné.)

Vappereau…Je sais ce que j’en pense

Votre

J.Lacan

Je savais qu’il y en avait 20. C’est même vous qui en êtes responsable.

Votre. Ce 12.XII.78.

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1978-12-18 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

N’empêche que vous m’avez mis – noir sur blanc ; je tiens le document à votre disposition –

Le borroméen généralisé. 6.3

à savoir 3 sur 6 – à 35

.généralisé

Votre

J.Lacan

De même vous notez le 6.2 généralisé à 60 alors que c’est à 15

(comme d’ailleurs le 6.4)

Ce 18 XII 78

(Le 6.3 – est non à 35 mais à 20)

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1979-01-29 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5, rue de Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Appelez-moi ce soir 29 après 21 heures… si vous le pouvez. Votre

J. Lacan

Ce 29.I.79.

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1979-02-07 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique adressé au 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Cher Soury

Appelez-moi demain 8 février si vous le pouvez (à 16 heures)

Sinon le 9 c’est-à-dire vendredi à 15 heures.

Votre

J. Lacan

Ce 7 février 79, soit mercredi.

6 h. 30

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1979-03-02 PNEUMATIQUE À PIERRE SOURY

<fac-similé absent>

Pneumatique avec mention Pli urgent adressé 5, rue du Dahomey, Paris. Collection privée.

<fac-similé absent>

Cher Soury

J’aimerais vous voir demain matin Samedi à 10 heures du matin. Téléphonez-moi pour accepter s’il vous plaît.

Votre

J. Lacan

Ce 2. III. 79

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1979-04-21 OUVERTURE DU CONGRÈS

Journées d’Avril 1979 sur « Les Psychoses ». Maison de la chimie, Paris. Lettres de l’École, 1979, n° 27, p. 9.

Jacques Lacan – J’ouvre le Congrès et je passe la parole à Solange Faladé.

[…]

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1980-01-05 LETTRE DE DISSOLUTION

Lettre de dissolution de l’E.F.P. adressée aux membres de l’E.F.P., aux membres correspondants et à quelques autres, sur papier sans en-tête.

Je parle sans le moindre espoir – de me faire entendre notamment.

Je sais que je le fais – à y ajouter ce que cela comporte d’inconscient.

C’est là mon avantage sur l’homme qui pense et ne s’aperçoit pas que d’abord il parle. Avantage que je ne dois qu’à mon expérience.

Car dans l’intervalle de la parole qu’il méconnaît à ce qu’il croit faire pensée, l’homme se prend les pieds, ce qui ne l’encourage pas.

De sorte que l’homme pense débile, d’autant plus débile qu’il enrage… justement de se prendre les pieds.

Il y a un problème de l’École. Ce n’est pas une énigme. Aussi, je m’y oriente, point trop tôt.

Ce problème se démontre tel, d’avoir une solution : c’est la dis – la dissolution.

À entendre comme de l’Association qui, à cette École, donne statut juridique.

Qu’il suffise d’un qui s’en aille pour que tous soient libres, c’est, dans mon nœud, vrai de chacun, il faut que ce soit moi dans mon École.

Je m’y résous pour ce qu’elle fonctionnerait, si je ne me mettais en travers, à rebours de ce pour quoi je l’ai fondée.

Soit pour un travail, je l’ai dit – qui, dans le champ que Freud a ouvert, restaure le soc tranchant de sa vérité – qui ramène la praxis originale qu’il a instituée sous le nom de psychanalyse dans le devoir qui lui revient en notre monde – qui, par une critique assidue, y dénonce les déviations et les compromissions qui amortissent son progrès en dégradant son emploi. Objectif que je maintiens.

C’est pourquoi je dissous. Et ne me plains pas des dits « membres de l’École freudienne » – plutôt les remercié-je, pour avoir été par eux enseigné, d’où moi, j’ai échoué – c’est-à-dire me suis pris les pieds.

Cet enseignement m’est précieux. Je le mets à profit.

Autrement dit, je persévère.

Et appelle à s’associer derechef ceux qui, ce Janvier 1980, veulent poursuivre avec Lacan.

Que l’écrit d’une candidature les fasse aussitôt connaître de moi. Dans les 10 jours, pour couper court à la débilité ambiante, je publierai les adhésions premières que j’aurai agréées, comme engagements de « critique assidue » de ce qu’en matière de « déviations et compromissions » l’EFP a nourri.

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1980-01-05 LETTRE DE DISSOLUTION

Démontrant en acte que ce n’est pas de leur fait que mon École serait Institution, effet de groupe consolidé, aux dépens de l’effet de discours attendu de l’expérience, quand elle est freudienne. On sait ce qu’il en a coûté, que Freud ait permis que le groupe psychanalytique l’emporte sur le discours, devienne Église.

L’Internationale, puisque c’est son nom, se réduit au symptôme qu’elle est de ce que Freud en attendait. Mais ce n’est pas elle qui fait poids. C’est l’Église, la vraie, qui soutient le marxisme de ce qu’il lui redonne sang nouveau… d’un sens renouvelé. Pourquoi pas la psychanalyse, quand elle vire au sens ?

Je ne dis pas ça pour un vain persiflage.

La stabilité de la religion vient de ce que le sens est toujours religieux.

D’où mon obstination dans ma voie de mathèmes – qui n’empêche rien, mais témoigne de ce qu’il faudrait pour, l’analyste, le mettre au pas de sa fonction.

Si je père-sévère, c’est que l’expérience faite appelle contre-expérience qui compense.

Je n’ai pas besoin de beaucoup de monde. Et il y a du monde dont je n’ai pas besoin.

Je les laisse en plan afin qu’ils me montrent ce qu’ils savent faire, hormis m’encombrer, et tourner en eau de boudin un enseignement où tout est pesé.

Ceux que j’admettrai avec moi font-ils mieux ? Au moins pourront-ils se prévaloir de ce que je leur en laisse la chance.

Le directoire de l’EFP, tel que je l’ai composé, expédiera ce qui se traîne d’affaires dites courantes, jusqu’à ce qu’une Assemblée extraordinaire, d’être la dernière, convoquée en temps voulu conformément à la loi, procède à la dévolution de ses biens, qu’auront estimés les trésoriers, René Bailly et Solange Faladé.

Jacques LACAN

Guitrancourt, ce 5 janvier 1980

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1980-01-24 LETTRE AU JOURNAL LE MONDE

Parue dans le journal Le Monde du 26 janvier 1980, sous le titre « Après la dissolution de l’École freudienne de Paris » et accompagnant la publication du séminaire du 15 janvier 1980.

Je remets au Monde le texte de cette lettre, avec mon séminaire du 15, s’il veut bien le publier entier.

Afin qu’il se sache que nul n’a auprès de moi appris rien, de s’en faire valoir.

Oui, le psychanalyste a horreur de son acte. C’est au point qu’il le nie, et dénie, et renie - et qu’il maudit celui qui le lui rappelle, Lacan Jacques, pour ne pas le nommer, voire clame haro sur Jacques-Alain Miller, odieux de se démontrer l’au-moins-un à le lire. Sans plus d’égards qu’il faut, aux « analystes » établis.

Ma passe les saisit-elle trop tard, que je n’en aie rien qui vaille ? Ou est-ce d’en avoir confié le soin à qui témoigne n’avoir rien aperçu de la structure qui la motive ?

Que les psychanalystes ne pleurent pas ce dont je les allège. L’expérience, je ne la laisse pas en plan. L’acte, je leur donne chance d’y faire face.

Le 24 janvier 1980

Jacques Lacan.

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1980-02-21 CARTON AUX MILLE

Adressé aux mille qui lui ont écrit à la suite de la lettre de dissolution du 5 janvier 1980 et annonçant la fondation de « La Cause freudienne ».

Aux mille

Dont une lettre atteste

Le vœu de poursuivre avec lui,

Jacques Lacan

Répond

Qu’il fonde, ce 21 février 1980,

LA CAUSE FREUDIENNE.

Un courrier prochain fera connaître

Le travail qu’il demande

À qui se met sous cette égide.

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1980-02-21 DÉCLARATION À LA PRÉFECTURE DE « LA CAUSE FREUDIENNE »

Ci-dessous le texte de la lettre de déclaration de l’Association « La Cause freudienne, accompagnant le dépôt des statuts. La lettre est signée de J. Lacan et G. Gonzalez. Sur cette lettre, à l’en-tête de J. Lacan est porté le tampon de la Préfecture de police.

Paris, le 21 février 1980

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de procéder à la déclaration de l’Association de 1901 dite « La Cause freudienne », dont le siège est à Paris, 5, rue de Lille, 7e.

Cette Association a pour objet la psychanalyse, et pour but d’en transmettre le savoir, et de fonder la qualification du psychanalyste.

Les personnes chargées de sa direction et de son administration sont :

Directeur : LACAN Jacques, né à Paris le 13 avril 1901, de nationalité française, domicilié à Paris, 5, rue de Lille, médecin.

Secrétariat : GONZALEZ Gloria, épouse YERODIA, née le 12 avril 1929, à Santullano, Espagne, domiciliée à Paris, 31, rue de la Sablière, secrétaire, de nationalité française.

Ci-joint deux exemplaires, certifiés conformes par mes soins, ainsi que le registre réglementaire.

Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’assurance de ma considération distinguée.

J. Lacan

Gloria Gonzalez

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1980-03-10 LETTRE AUX MEMBRES DE L’ÉCOLE FREUDIENNE DE PARIS

Lettre adressée aux membres de l’E.F.P. avec en-tête au 5, rue de Lille, publiée dans Delenda, n° 1, et dans le journal Le Monde du 15.03.1980.

Delenda est. J’ai fait le pas de le dire, dès lors irréversible.

Comme le démontre qu’à y revenir on ne trouve qu’à s’engluer – où j’ai moins fait École… que colle.

Dissoute, elle l’est, du fait de mon dit. Reste à ce qu’elle le soit du vôtre aussi.

Faute de quoi le sigle que vous tenez de moi – E.F.P. – tombe aux mains de faussaires avérés.

Déjouer la manœuvre revient à ceux de l’École que je réunis ce samedi 15.

Qu’on m’en croie, je n’admettrai personne à s’ébattre dans la Cause freudienne, que sérieusement d’écolé. »

Paris, ce 10 mars 1980.

J. Lacan

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1980-03-15. ALLOCUTION PRONONCÉE PAR LACAN AU P.L.M. SAINT JACQUES

Parue dans Le Matin, 18 mars 1980. Jacques Lacan avait annoncé dans une lettre, le 5 janvier, la dissolution de l’École freudienne. Voici l’allocution de bienvenue qu’il a prononcée à l’ouverture de la réunion convoquée par lui, le samedi 15 mars, au PLM Saint-Jacques. Lacan revient sur les effets produits par l’annonce de la dissolution de son école.

« Bonjour, mes bons amis, vous voilà au rendez-vous. L’École achève sa course, vous êtes encore là avec moi. Je suis parti de ceci : qu’elle était morte et qu’elle ne 1e savait pas. Ceci veut dire qu’elle la refoulait, moyennant quoi elle avait l’air vivante. D’où lui venait, cet air ? De cette « vie » précisément – je mets des guillemets à vie –, de cette vie dont chez un sujet reste animé le refoulé. Ceci du moins jusqu’à ce qu’il soit réduit par l’analyse à l’Urverdgrängt4.

C’est ce que, dans le rêve, Freud désigne comme ombilic. C’est ce qui ne s’obtient pas moins du lapsus. C’est enfin ce que cerne le mot d’esprit – il le cerne parce que, plus, il ne peut faire. L’interprétation analytique doit être un mot d’esprit. Eh bien, j’en ai fait un – quand j’ai dit : solution ! C’était mon Urêka à moi5. Après, ça s’est mis à dégringoler de partout. C’est ce qui s’appelle une interprétation efficace.

Il a fallu que je vous l’écrive. J’ai fait ça le 5 Janvier. Et c’était quoi ? Une lettre d’amour. Personne ne s’en est aperçu, malgré ce que j’ai poussé de chansonnette là autour.

Je ne suis pas en train de vous dire que j’opère sur votre inconscient écollectif, mais que l’École, oui, était symptôme – ce qui n’est pas mal. Symptôme, mais pas le bon. Sym-ptôme6, remarquez-le, ce dit par antiphrase, puisque s’y désigne ce qui ne tombe pas d’accord. Dans cette école, on ne tombe d’accord que sur ça : on m’aime. Tellement qu’on voudrait que l’éternité se dépêche de me changer en moi-même. Moi, je ne suis pas pressé, je ne m’aime pas au point de vouloir être moi-même.

Évidemment, je suis devenu un signifiant – en deux mots. Le signifiant que je suis devenu, ça se dit paraît-il : label Lacan. Ce truc m’encombre depuis longtemps. La belle Lacan ne peut donner que ce qu’elle a. Maintenant, il y a des débiles qui voudraient effacer mon nom. Je voudrais bien aussi, ça me reposerait. Mais je suis prévenu où ce désir a conduit cet autre débile de marquis de Sade. Il est devenu insubmersible. Et moi aussi, à ce qu’il paraît, puisqu’ils n’arrivent pas à me faire plouf.

Pourquoi est-ce qu’ils veulent, comme ça, que mon nom s’efface ? C’est parce qu’ils croient que c’est le signifiant maître, celui à qui j’ai mis, il y a longtemps, l’indice 1. Eh bien, Ils se trompent, ce n’est pas l’un, c’est l’autre7.

4. Urverdgrängt est le terme allemand dont se sert Freud pour désigner le refoulement originaire, celui qui ne peut jamais être levé. 5. Urêka et non pas Euréka : jeu de mots avec. le Ur allemand, qui renvoie à tout ce qui est originaire.6. Jeu de mots sur l’étymologie du terme « Symptôme » : sym en grec, signifie « avec » ; ptôme vient de la racine grecque « poser ». Symptôme : ce qui pose avec, ce qui tombe d’accord. 7. Dans sa formalisation mathématique, qui est l’un des traités marquants de sa théorie, Lacan utilise les lettres SI et S2 pour désigner, avec S1 le signifiant propre à chacun, et avec S2 le signifiant qui renvoie au savoir refoulé, toujours la même, originaire. La notion de signifiant, empruntée pour partie à la linguistique, renvoie aux jeux de langage qui font l’essentiel du travail de la cure. Cf. la phrase de Lacan : « L’inconscient est structuré comme un langage ».

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1980-03-15. ALLOCUTION PRONONCÉE PAR LACAN AU P.L.M. SAINT JACQUES

Il faut dire que je n’ai pas à me plaindre de cette école pour ce qui est de la mise en circulation de mes signifiants. Mais cette circulation a des effets, d’ailleurs purement statistiques, qui en tamponnent la virulence. La virulence, sans doute est-ce là ce dont j’appète pour relancer l’expérience qui ne peut plus être celle de l’école. L’effet de groupe est contraire à l’effet de sujet, lequel ne vaut pour nous que par la désubjectivation nécessaire à l’analyste. Le groupe se définit d’être une unité synchrone dont les éléments sont les individus. Mais un sujet n’est pas un individu.

Ce que je vais faire de nouveau, je l’ai appelé la cause freudienne, à entendre de ce que j’ai dit de sa fonction, comme étant de sa nature non seulement méconnue, mais cause de ce qui cloche.

Ça cloche dans le groupe analytique, précisément de ce qu’il ne puisse pas être synchrone, main symptôme. Mais ça ne cloche pas dans l’écrit où je serre la question.

Le groupe est impossible – impossible à dissoudre. Aussi n’y songé-je pas. Mais l’école n’est plus ce qui convient pour abriter cet impossible.

Ce que je vais faire de nouveau, c’est toujours la même chose, bien entendu, mais autrement.

Je ne vais pas vous en parler maintenant. À vous de vous dépêtrer de l’école pour me rejoindre.

Je ne vais pas vous expliquer pourquoi je dissous. Ce qui m’est venu hier soir sous la forme de ce papier temporaire me rassure sur le fait qu’il y en a qui pigent » .

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1980-03-19 LETTRE AUX MEMBRES DE L’ÉCOLE FREUDIENNE DE PARIS

Diffusion interne à l’E.F.P.

Le 27 avril est la date où s’élira le Conseil d’Administration.

16 sont choisis par moi pour y porter mes couleurs.

Ceux que j’ai dit être des… avérés, se désigneront d’eux-mêmes, à candidater sans mon aveu : dès lors contre moi.

Paris, ce 19 mars 1980

J. Lacan

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1980-03-24 LETTRE AUX MEMBRES DE L’ÉCOLE FREUDIENNE DE PARIS

Liste de Lacan pour l’élection du conseil d’administration à l’assemblée générale ordinaire du 27 avril 1980. Diffusion interne à l’E.F.P.

Ma liste est attendue.

J’y porte, avec le mien, les 16 noms qui suivent :

René Bailly, Pierre Bastin, Jean Pierre Bauer, Louis Beirnaert, Claude Bruere-Dawson, Claude ContÉ, Michel Demangeat, Claude Dorgeuille, Solange FaladÉ, Jean-Jacques Kress, Éric Laurent, Robert Lefort, Pierre Martin, Charles Melman, Marcel Ritter, Serge Zlatine.

Conseil à élire ce 27 avril, homogène d’être de mon choix.

Ceci n’est pas tout.

Jean Clavreul, Aleth Gorges, Jean-Paul Hiltenbrand, Jacques-Alain Miller, Jacques Nassif et Christian Simatos,

auxquels je joins, du Jury d’accueil,

Claude DumÉzil, Lucien IsraËl et Thérèse Parisot,

formeront avec moi un Comité dit de dissolution – n’excluant pas qu’il y en ait d’autres, aux mêmes fins, qui sont de travail.

Paris, ce 24 mars 1980.

J. Lacan

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1980-04-27 INTERVENTION AU C.A. DE L’E.F.P.

Intervention transcrite dans le Procès-Verbal du Conseil d’Administration, daté du 28-04-80.

Le Conseil d’administration de l’E.F.P a été réuni, le dimanche 27 avril 1980 au soir, par le Dr

Lacan, qui a ouvert la séance en ces termes :

Ce Conseil, qui est le mien, est confirmé d’être celui de l’École.

L’année de mon séminaire dit de l’Identification, d’autres soucis que celui de mon enseignement occupaient une part importante de mes auditeurs : soit de me « vider », entre autres, ce qui sans doute les faisait peu aptes à entendre ce que je disais – voire à en prendre note.

Je dirai même que sans Solange Faladé, l’enregistrement en eût été abandonné.

Tellement est vif l’intérêt que l’analyse prend à se situer.

C’est ce dont on m’a témoigné aujourd’hui.

[…]

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1980-06-16 LETTRE AUX MEMBRES DE L’E.F.P.

Diffusion interne à l’École freudienne de Paris. Lettre à en-tête du 5, rue de Lille.

Il est notoire que j’ai dissous l’École freudienne de Paris.

C’est de l’histoire – tout le monde le dit – ancienne (six mois le 5 juillet).

D’où le réchauffé de la jointe.

C’est la Cause qui occupe, là où on est à la page (à la page… de son Annuaire). Aux Amériques par exemple, où me propulse le souci de la dite Cause, dès le dix.

2 sur 3 feront-ils avec moi le pas – ou pas ? Vaux-je point ça ? Et qui sait, 3 sur 3 ? Sot qui le préjuge.

Nul « duel », de mon fait. Mais du binaire, oui.

Jacques Lacan.

Ce 16 VI 80

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1980-06-29 LETTRE DANS LE N° 1 DU COURRIER DE « LA CAUSE FREUDIENNE »

Lettre adressée dans le Courrier de la Cause freudienne, à ceux qui ont reçu le carton du 21 et aux membres de l’E.F.P.

Courrier de juillet 1980

J’inaugure de mon dernier séminaire le Courrier premier de la Cause freudienne, attendu de mille et plus.

Que ce soit à la veille de ce temps dit de vacances chez nous ne m’arrête pas, puisqu’il sera pseudo pour moi, comme à mon habitude.

Et que c’est ce qu’à me suivre, vous pouvez faire de mieux : des efforts en somme. Ce sont des cartels que je veux dire.

Quant à l’Ef., je précise qu’elle n’aura point de P. que j’en sois venu à bout.

Jacques Lacan

Ce 29/VI/80

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1980-06-29 LETTRE DANS LE N° 1 DU COURRIER DE « LA CAUSE FREUDIENNE »

Le n° 1 du Courrier de la Cause est, sauf erreur ou changements d’adresse, envoyé à tous ceux qui ont reçu le carton du 21 février. Le Dr Lacan a demandé que ce Courrier soit adressé aux membres de l’EFP dans leur ensemble. Prière de renvoyer le bulletin d’inscription par retour de courrier, au secrétariat du 5, rue de Lille.

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1980-07-05 INTERVENTION DE J. LACAN AVANT LE VOTE DU 5 JUILLET 1980

Intervention avant le vote de la dissolution par l’Assemblée générale de l’E.F.P., transcription d’après des notes.

Bonjour,

C’est gentil à vous d’être venus. Je vais vous expliquer mon vote. Je vais voter pour la dissolution de l’école.

Je vote pour et j’aimerai que vous fassiez comme moi.

Les psychanalystes sont des sujets spéciaux, ce sont des sujets spécialement sensibilisés à la tromperie, cela tient à leur pratique, de ce fait ils se classent selon leur éthique.

C’est là une épreuve rude. C’est une épreuve décisive en certains effets du groupe analytique. La réaction de masse du groupe, Freud l’a prédite, c’est de trouver refuge dans un idéal, l’idéal de l’infaillible. L’idéal une fois installé, tout est bien, on échange des courbettes, moi ne prétends nullement incarner cet infaillible, je ne fais pas non plus des courbettes.

J’en témoigne par cette dissolution.

Alors il faut me pardonner de ne pas être infaillible.

Ceux qui me pardonneront voteront comme moi, et j’ajoute pour moi.

Voilà.

Il convient maintenant que chacun dise son mot.

5 Juillet 1980.

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1980-07-12 OUVERTURE DE LA RENCONTRE DE CARACAS

Cette intervention de Lacan ouvrant la Rencontre internationale de Caracas du 12 juillet 1980, a été publiée dans le n° 1 de L’Âne, magazine issu de la dissolution, mars-avril 1981. Elle fut en 1986, reprise dans l’Almanach de la dissolution, Paris, Navarin éditeur, 1986. Elle est désignée dans ces publications sous l’intitulé : « Le séminaire de Caracas ».

Je n’ai pas la bougeotte.

La preuve en est que j’ai attendu ma quatre-vingtième année pour venir au Venezuela.

J’y suis venu parce qu’on m’a dit que c’était le lieu propice pour que j’y convoque mes élèves d’Amérique latine.

Est-ce que vous êtes mes élèves ? Je ne le préjuge pas. Parce que mes élèves, j’ai l’habitude de les élever moi-même.

Ça ne donne pas toujours des résultats merveilleux.

Vous n’êtes pas sans savoir le problème que j’ai eu avec mon École de Paris. Je l’ai résolu comme il faut – en le prenant à la racine. Je veux dire – en déracinant ma pseudo-École.

Tout ce que j’en ai depuis obtenu me confirme que j’ai bien fait. Mais c’est déjà de l’histoire ancienne.

À Paris, j’ai coutume de parler à un auditoire où beaucoup de têtes me sont connues pour être venues me visiter chez moi, 5 rue de Lille, où est ma pratique.

Vous, vous êtes paraît-il, de mes lecteurs. Vous l’êtes d’autant plus que je ne vous ai jamais vus m’entendre.

Alors, évidemment, je suis curieux de ce qui peut me venir de vous.

C’est pourquoi je vous dis : Merci, merci d’avoir répondu à mon invitation.

Vous y avez du mérite, puisque plus d’un s’est mis en travers du chemin de Caracas. Il y a apparence, en effet, que cette Rencontre embête beaucoup de gens, et en particulier ceux qui font profession de me représenter sans me demander mon avis. Alors quand je me présente forcément, ils en perdent les pédales.

Il faut par contre que je remercie ceux qui ont eu l’idée de cette Rencontre, et nommément Diana Rabinovich. Je lui associe volontiers Carmen Otero et son mari Miguel, à qui j’ai fait confiance pour tout ce qui va avec un tel Congrès. C’est grâce à eux que je me sens ici chez moi.

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1980-07-12 OUVERTURE DE LA RENCONTRE DE CARACAS

Je viens ici avant de lancer ma Cause freudienne. Vous voyez que je tiens à cet adjectif. C’est à vous d’être lacaniens, si vous voulez. Moi, je suis freudien.

C’est pourquoi je crois bienvenu de vous dire quelques mots du débat que je soutiens avec Freud, et pas d’aujourd’hui.

Voilà : mes trois ne sont pas les siens. Mes trois sont le réel, le symbolique et l’imaginaire. J’en suis venu à les situer d’une topologie, celle du nœud, dit borroméen. Le nœud borroméen met en évidence la fonction de l’au-moins-trois. C’est celui qui noue les deux autres dénoués.

J’ai donné ça aux miens. Je leur ai donné ça pour qu’ils se retrouvent dans la pratique. Mais s’y retrouvent-ils mieux que de la topique léguée par Freud aux siens ?

Il faut le dire : ce que Freud a dessiné de sa topique, dite seconde, n’est pas sans maladresse. J’imagine que c’était pour se faire entendre sans doute des bornes de son temps.

Mais ne pouvons-nous pas plutôt tirer profit de ce qui figure là l’approche de mon nœud ?

Qu’on considère le sac flasque à se produire comme lien du Ça dans son article à se dire : Das Ich und das Es.

Ce sac, ce serait le contenant des pulsions. Quelle idée saugrenue que de croquer ça ainsi ! Cela ne s’explique qu’à considérer les pulsions comme des billes, à expulser sans doute des orifices du corps, après en avoir fait ingestion.

Là-dessus se broche un Ego, où semble préparé le pointillé de colonnes à en faire le compte. Mais cela n’en laisse pas moins embarrassé à ce que le même se coiffe d’un bizarre œil perceptif, où pour beaucoup se lit aussi bien la tache germinale d’un embryon sur le vitellus.

Ce n’est pas tout encore. La boîte enregistreuse de quelque appareil à la Marey est ici de complément. Cela en dit long sur la difficulté de la référence au réel.

Enfin deux barres hachurent de leur joint la relation de cet ensemble baroque au sac de billes lui-même. Voilà qui est désigné du refoulé.

Cela laisse perplexe. Disons que ce n’est pas ce que Freud a fait de mieux. Il faut même avouer que ce n’est pas en faveur de la pertinence de la pensée que cela prétend traduire.

Quel contraste avec la définition que Freud donne des pulsions, comme liées aux orifices du corps. C’est là une formule lumineuse, qui impose une autre figuration que cette bouteille. Quelqu’en puisse être le bouchon.

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1980-07-12 OUVERTURE DE LA RENCONTRE DE CARACAS

N’est-ce pas plutôt, comme il m’est arrivé de le dire, bouteille de Klein, sans dedans ni dehors ? Ou encore, seulement, pourquoi pas, le tore ?

Je me contente de noter que le silence attribué au Ça comme tel, suppose la parlotte. La parlotte à quoi s’attend l’oreille, celle du « désir indestructible » à s’en traduire.

Déroutante est la figure freudienne, à osciller ainsi du champ lui-même au symbolique de ce qui l’ausculte.

Il est remarquable pourtant que ce brouillage n’ait pas empêché Freud de revenir après ça aux indications les plus frappantes sur la pratique de l’analyse, et nommément ses constructions.

Dois-je m’encourager à me souvenir qu’à mon âge Freud n’était pas mort ?

Bien sûr, mon nœud ne dit pas tout. Sans quoi je n’aurais même pas la chance de me répéter dans ce qu’il y a : puisqu’il n’y a, dis-je, pas-tout. Pas-tout sûrement dans le réel, que j’aborde de ma pratique.

Remarquez que dans mon nœud, le réel reste constamment figuré de la droite infinie, soit du cercle non-fermé qu’elle suppose. C’est ce dont se maintient qu’il ne puisse être admis que comme pas-tout.

Le surprenant est que le nombre nous soit fourni dans lalangue même. Avec ce qu’il véhicule du réel.

Pourquoi ne pas admettre que la paix sexuelle des animaux, à m’en prendre à celui qu’on dit être leur roi, le lion, tient à ce que le nombre ne s’introduit pas dans leur langage, quelqu’il soit. Sans doute le dressage peut-il en donner apparence. Mais rien que ça.

La paix sexuelle veut dire qu’on sait quoi faire du corps de l’Autre. Mais qui sait que faire d’un corps de parlêtre ? – hormis le serrer de plus ou moins près ?

Qu’est-ce que l’Autre trouve à dire, et encore quand il veut bien ? Il dit : « Serre moi fort ».

Bête comme chou pour la copulation.

N’importe qui sait y faire mieux. Je dis n’importe qui – une grenouille par exemple.

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1980-07-12 OUVERTURE DE LA RENCONTRE DE CARACAS

Il y a une peinture qui me trotte dans la tête depuis longtemps. J’ai retrouvé le nom propre de son auteur, non sans les difficultés propres à mon âge. Elle est de Bramantino.

Eh bien, cette peinture est bien faite pour témoigner de la nostalgie qu’une femme ne soit pas une grenouille, qui est mise là sur le dos, au premier plan du tableau.

Ce qui m’a frappé le plus dans ce tableau, c’est que la Vierge, la Vierge à l’enfant, y a quelque chose comme l’ombre d’une barbe. Moyennant quoi, elle ressemble à son fils, tel qu’il se peint adulte.

La relation figurée de la Madone est plus complexe qu’on ne pense. Elle est d’ailleurs mal supportée.

Ça me tracasse. Mais reste que je m’en situe, je crois, mieux que Freud, dans le réel intéressé à qu’il en est de l’inconscient.

Car la jouissance du corps fait point à l’encontre de l’inconscient.

D’où mes mathèmes, qui procèdent de ce que le symbolique soit le lieu de l’Autre, mais qu’il n’y ait pas d’Autre de l’Autre.

Il s’ensuit que ce que lalangue peut faire de mieux, c’est de se démontrer au service de l’instinct de mort.

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1980-07-12 OUVERTURE DE LA RENCONTRE DE CARACAS

C’est là une idée de Freud. C’est une idée géniale. Ça veut dire aussi que c’est une idée grotesque.

Le plus fort, c’est que c’est une idée qui se confirme de ceci, que lalangue n’est efficace que de passer à l’écrit.

C’est ce qui m’a inspiré mes mathèmes – pour autant qu’on puisse parler d’inspiration pour un travail qui m’a coûté des veilles où pas une muse que je sache ne m’a visité – mais il faut croire que ça m’amuse.

Freud a l’idée que l’instinct de mort s’explique par le déplacement au plus bas du seuil toléré de tension par le corps. C’est ce que Freud nomme d’un au-delà du principe du plaisir – c’est-à-dire du plaisir du corps.

Il faut bien dire que c’est tout de même chez Freud l’indice d’une pensée plus délirante qu’aucune de celles dont j’ai jamais fait part.

Car, bien entendu, je ne vous dis pas tout. C’est là mon mérite.

Voilà.

Je déclare ouverte cette Rencontre, qui porte sur ce que j’ai enseigné.

C’est vous, par votre présence, qui faites que j’ai enseigné quelque chose.

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1980-07-15 CLÔTURE CARACAS

Intervention conclusive sur la Rencontre de Caracas, parue dans le Courrier de la Cause freudienne, n° 2, septembre 1980.

Eh bien, il faut tout de même que je donne mon avis sur tout ça : je suis pour que ça continue, c’est-à-dire que ça recommence.

Évidemment, je ne vais pas refaire le voyage. Alors je vous invite. Je vous invite chez moi, à Paris.

Il faut m’organiser tout ça. Mettons ça à dans deux ans, en 1982. Disons en Février.

Je serai là comme aujourd’hui pour vous dire : Merci.

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1980-10-22 LETTRE À LA PRÉFECTURE

Lettre à en-tête de La Cause freudienne, 5, rue de Lille, pour la modification des statuts.

N° d’ordre : 80-340

Paris, le 22 octobre 1980

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de déclarer les modifications apportées par l’Assemblée du 19 octobre 1980 aux statuts annexés à la déclaration de l’Association « La Cause freudienne » en date du 21 février 1980.

Vous trouverez ci-joints deux exemplaires, approuvés par mes soins, des nouveaux statuts.

Les modifications ne portant ni sur le titre, ni sur l’objet ou le siège, il n’y a pas lieu à publication au Journal Officiel.

Par ailleurs, vous trouverez ci-après la liste des personnes chargés de l’administration et de la direction de l’Association (toutes ces personnes sont de nationalité française).

Directoire (ou Comité de gestion).

Directeur : CONTÉ Claude, médecin, demeurant à Paris 15e, 10, villa Hersent, né le 23 juillet 1931 à Paris.

Secrétaire du Directoire : MILLER Jacques-Alain, professeur, demeurant à Paris 6e, 74, rue d’Assas, né le 14 février 1944, à Châteauroux (Indre).

Secrétaire aux Échanges : RITTER Marcel, médecin, demeurant à Strasbourg, 18, rue des Orphelins, né le 27 janvier 1935 à Strasbourg.

Secrétaire aux Cartels : LAURENT Éric, psychologue, demeurant à Paris 3e, 48, rue des Frans-Bourgeois, né le 19 novembre 1945 à Paris.

Secrétaire de la Bibliothèque : BAILLY René, médecin, demeurant à Paris 14e, 108, avenue Denfert-Rochereau, né le 16 août 1923 à Rochefort (Jura).

Directeur-adjoint : SOLER Colette, née ROUDILLON, professeur, demeurant à Paris 15e, 32, rue Ernest-Renan, née le 18 octobre 1937, à Moutiers (Savoie).

Secrétaire- adjoint du Directoire : BRUERE-DAWSON Claude, médecin, demeurant à Montpellier, 9, rue Baumes, né le 17 juillet 1938 à Montpellier.

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1980-10-22 LETTRE À LA PRÉFECTURE

Secrétaire-adjoint aux Échanges : BAUER Jean-Pierre, médecin, demeurant à Strasbourg, 6, rue Geiler, né le 22 novembre 1935 à Limoges.

Secrétaire-adjoint aux Cartels : MILLOT Catherine, professeur, demeurant à Paris 7e, 6, rue de Solférino, née le 4 septembre 1944 à Besançon.

Secrétaire- adjoint de la Bibliothèque : SILVESTRE Michel, médecin, demeurant à Paris 17e, 2, rue Villaret de Joyeuse, né le 7 avril 1940 à Paris.

Bureau du Conseil.

Président du Conseil : LACAN Jacques, médecin, demeurant à Paris 7e, 5, rue de Lille, né le 13 avril 1901, à Paris.

Trésorière : GONZALEZ Gloria, épouse YERODIA, secrétaire, demeurant à Paris 14e, 31, rue de la Sablière, née le 12 avril 1929, à Santullano, Espagne.

Membre du Bureau : FALADÉ Solange, médecin, demeurant à Paris 7e, 1, rue Las Cases, née le 16 août 1925 à Porto Novo (Dahomey).

Membre du Bureau : LAURENT Éric.

Membre du Bureau : MELMAN Charles, médecin, demeurant à Paris 6e, 4, rue de l’Odéon, né le 3 juillet 1931 à Paris.

Membre du Bureau, chargé des formalités prescrites : MILLER Jacques-Alain.

Je vous prie de me faire parvenir le récépissé de la présente déclaration.

Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, les assurances de ma haute considération.

Le Président, Jacques Lacan

La trésorière, Gloria Gonzalez

Le membre du Bureau chargé

des formalités prescrites,

Jacques-Alain Miller.

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1980-10-22 LETTRE À LA PRÉFECTURE

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1980-10-23 « IL Y A DU REFOULÉ, TOUJOURS, C’EST IRRÉDUCTIBLE… »

Lettre à en-tête de la Cause freudienne, 5, rue de Lille, publiée dans le Courrier de la Cause freudienne, octobre 1980, n° 3.

Il y a du refoulé. Toujours. C’est irréductible.

Élaborer l’inconscient, comme il se fait dans l’analyse, n’est rien qu’y produire ce trou. Freud lui-même, je le rappelle, en fait état.

Cela me paraît confluer pertinemment à la mort.

À la mort que j’en identifie de ce que, « comme le soleil » dit l’autre, elle ne se peut regarder en face.

Aussi, pas plus que quiconque, je ne la regarde. Je fais ce que j’ai à faire, qui est de faire face au fait, frayé par Freud, de l’inconscient.

Là-dedans, je suis seul.

Puis, il y a le groupe. J’entends que « La Cause », tienne le coup.

– Le cartel fonctionne. Il suffit de n’y pas faire obstacle, sauf à vectorialiser, ce dont je donne la formule, et permuter.

– Un Directoire gère. Ses responsables, en place pour deux ans – après quoi, changent.

– Des commissions les assistent, pour deux ans aussi.

– Une Assemblée annuelle, dite administrative, a à connaître de la marche des

choses ; instance, elle, permanente.

– Tous les deux ans, un Congrès, où tous sont conviés.

– Un Conseil enfin, dit statutaire, est garant de ce que j’institue.

La Cause aura son École. D’où procèdera l’AME, de la Cause freudienne maintenant.

La passe produira l’AE nouveau – toujours nouveau de l’être pour le temps de témoigner dans 1’École, soit trois ans.

Car mieux vaut qu’il passe, cet AE, avant que d’aller droit s’encastrer dans la caste.

Jacques Lacan144

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1980-10-23 « IL Y A DU REFOULÉ, TOUJOURS, C’EST IRRÉDUCTIBLE… »

Ce 23-X-80

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1980-12-04 LETTRE ADRESSÉE AUX MEMBRES DE LA S.C.I.

Lettre à en-tête de La Cause freudienne, 5, rue de Lille.

Ceci s’adesse aux membres de la SCI.

Je maintiens ma demande : location à la Cause freudienne.

J. Lacan

Ce 4 décembre 1980.

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1980-12-18 LETTRE DE LACAN ADRESSÉE AUX GÉRANTS DE LA S.C.I.

Lettre à en-tête de Jacques Lacan, 5, rue de Lille.

À MM. les Gérants de la SCI de l’EFP.

Je demande l’inscription à l’ordre du jour de la résolution suivante :

« L’assemblée générale du 19 décembre 1980 approuve la proposition de bail présentée par Jacques Lacan ».

J. Lacan

Ce 18 XII 80

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1981-01-26 LETTRE DE CONVOCATION À UN FORUM

Lettre à en-tête de l’École de la Cause freudienne, 5, rue de Lille.

Voilà un mois que j’ai coupé avec tout – ma pratique exceptée.

J’ai peu envie d’agiter ce que je ressens. Soit une sorte de honte. Celle d’un patatras : alors on en vit un, qu’il avait vraiment privilégié vingt ans et plus, se lever et lancer une poignée de sciure dans les yeux du vieux bonhomme qui… etc.

L’expérience a son prix, car ça ne s’imagine pas à l’avance.

Cette obscénité a eu raison de la Cause. Il serait bien qu’un rideau fut tiré là-dessus.

Ceci est l’École de mes élèves, ceux qui m’aiment encore.

J’en ouvre aussitôt les portes. Je dis : aux Mille.

Cela vaut d’être risqué. C’est la seule sortie possible – et décente.

Un Forum (de l’École) sera par moi convoqué, où tout sera à débattre – ce, sans moi. J’en apprécierai le produit.

Pour avoir éprouvé ce qu’il me reste de ressources physiques, je m’en remets pour sa préparation à Claude Conté, Lucien Israël, Robert Lefort, Paul Lemoine, Pierre Martin, Jacques-Alain Miller, Safouan, Colette Soler, que j’appelle à mes côtés comme conseils.

J. Lacan

Ce 26 janvier 1981.

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1981-01-26 LETTRE DE CONVOCATION À UN FORUM

Lettre à en-tête de l’École de la Cause freudienne, 5, rue de Lille. Elle comporte en bas de page un formulaire que les personnes souhaitant faire partie de l’École de la Cause freudienne doivent renvoyer au « Dr Lacan ».

Mon fort est de savoir ce qu’attendre signifie.

J’en obtiens qu’en somme, on m’exécute au nom du nom qui m’est propre. Comme il se doit, pour sauver l’assiette professionnelle, acquise de ma formation – à l’y réduire.

Obnubilation de responsables, à mettre au compte du statut de suffisance dont je n’ai su les préserver.

Ils portent ailleurs leurs impasses. Reste l’École que j’ai adoptée pour mienne.

Neuve et mouvante encore, c’est ici que s’éprouvera le noyau dont il se peut que mon enseignement subsiste.

On fera bien maintenant de se compter pour cette tâche.

Avis étant pris de mes conseils, je convoque pour les 28 et 29 de ce mois, mon premier Forum.

J. Lacan

Le 11 mars 1981

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