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FINANCEMENT SOLIDAIRE ET GOUVERNANCE CONCURRENTIELLE Le modèle allemand d'organisation de la santé en débat Ingo Bode La Doc. française | Revue Française des Affaires sociales 2006/2 - n° 2-3 pages 191 à 216 ISSN 0035-2985 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2006-2-page-191.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Bode Ingo , « Financement solidaire et gouvernance concurrentielle » Le modèle allemand d'organisation de la santé en débat, Revue Française des Affaires sociales, 2006/2 n° 2-3, p. 191-216. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Doc. française. © La Doc. française. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 66.54.166.178 - 12/09/2011 23h28. © La Doc. française Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 66.54.166.178 - 12/09/2011 23h28. © La Doc. française

FINANCEMENT SOLIDAIRE ET GOUVERNANCE CONCURRENTIELLE · caractéristiques du système de santé allemand (affiliation obligatoire et financement assis sur les salaires, par exemple)

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FINANCEMENT SOLIDAIRE ET GOUVERNANCECONCURRENTIELLELe modèle allemand d'organisation de la santé en débatIngo Bode La Doc. française | Revue Française des Affaires sociales 2006/2 - n° 2-3pages 191 à 216

ISSN 0035-2985

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2006-2-page-191.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Bode Ingo , « Financement solidaire et gouvernance concurrentielle » Le modèle allemand d'organisation de la santé

en débat,

Revue Française des Affaires sociales, 2006/2 n° 2-3, p. 191-216.

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La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Financement solidaire et gouvernance concurrentielle

Le modèle allemand d’organisationde la santé en débat

Ingo Bode*

En parvenant à un accord sur les modalités de réforme du système de santéen 1992, les élites politiques allemandes étaient convaincues d’avoirtrouvé une solution élégante à ce qui est souvent considéré comme l’inex-tricable dilemme des systèmes de protection sociale publics : allier unfinancement solidaire et une gouvernance garantissant un bon rapportcoût-efficacité 1. Elles avaient en effet inventé un nouveau modèle de gou-vernance, la « gouvernance solidaire » (solidarischer Wettbewerb), censéallier les (prétendues) vertus de l’assurance privée et les (non moins pré-tendus) avantages de l’intervention publique. Bien que de nombreusescaractéristiques du système de santé allemand (affiliation obligatoire etfinancement assis sur les salaires, par exemple) aient été préservées, lamise en concurrence – totale – des caisses d’assurance maladie (Kranken-kassen) a introduit de nouvelles règles du jeu dans la gouvernance du sys-tème. Les caisses d’assurance maladie, qui constituent la pierre angulairede la gestion du système de santé allemand, sont en effet devenues desagences soumises aux règles du marché, condamnées, pour survivre, à atti-rer de nouveaux adhérents, lesquels avaient le choix entre de nombreuxorganismes.

Aujourd’hui, une nouvelle réforme radicale semble en gestation. Plus decent vingt ans après la naissance du système d’assurance sociale bismarc-kien, les deux grands partis politiques allemands envisagent une réformedu mode de financement du système de santé, dont ils avaient d’ailleursfait l’un de leurs principaux thèmes de campagne en 2005. Le Parti social-démocrate (SPD) promettait d’instituer un système de santé universel, dit« citoyen », qui aurait mis toutes les catégories socio-économiques sur un

1 Pour un économiste de la santé orthodoxe, l’idée qui sous-tend ce dilemme est qu’un finan-cement solidaire suppose une gouvernance publique monopolistique, tandis qu’un bon rap-port coût-efficacité ne peut être obtenu que par la concurrence. Dans cet article, nousconsidérons qu’il y a financement solidaire dès lors qu’une collectivité mutualise des res-sources pour les affecter à la santé en fonction des besoins de ses membres, quels qu’ils soientet quelle que soit leur position sur l’échelle des revenus des membres de cette collectivité.

* Enseignant chercheur à l’Institut de sociologie de l’université de Duisbourg-Essen(Allemagne).

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pied d’égalité. Quant au Parti chrétien-démocrate, il plaidait en faveurd’un modèle dans lequel le versement d’une « prime d’assurance santé »forfaitaire aurait remplacé le financement par répartition assuré par lescotisations sociales. Les deux partis ayant décidé de former une grandecoalition après les élections, aucune de ces deux propositions n’a pourl’instant été traduite en actes. Toutefois, comme le démontre cet article,l’une comme l’autre ouvrent la voie à une rupture encore plus marquée,entre les principes qui sous-tendent le financement de la santé et les méca-nismes de la gouvernance administrative.

Le modèle de gouvernance introduit dans les années quatre-vingt-dix et lesnouveaux modes de financement de la santé envisagés – de même que l’évo-lution des relations entre acheteurs et offreurs de soins 1 – semblent êtreprécurseurs de la fin d’une longue période de stabilité institutionnelle dusystème de santé allemand. La littérature comparative sur les systèmes desanté est cependant partagée quant à l’ampleur des changements structurelsqu’a subi ou que va subir le système allemand. Un courant important de lalittérature constate une tendance internationale vers un mode de gouver-nance accordant plus de place au marché ou plus libéral (Flood, 2000 ;Giaimo, 2002 ; Palier, 2005), et estime que cette évolution concerne égale-ment l’organisation administrative du système de santé. Le système alle-mand serait donc lui aussi touché par ce changement paradigmatique. Enrevanche, de nombreux auteurs estiment que, sur le plan structurel, les sys-tèmes de santé occidentaux restent différents les uns des autres et n’ont pasévolué de la même manière, même si les vertus du marché sont universel-lement célébrées (Giarelli, 2004 : 197) dans les débats sur la réforme (éga-lement Maarse/Paulus, 2003 ou Hacker 2004). À en croire ces auteurs, lesystème de santé allemand a été peu touché par les conceptions libérales del’organisation de la santé 2. Eu égard aux deux aspects examinés dans cetarticle – le financement et la gouvernance administrative – l’évolution géné-rale n’est effectivement pas univoque. Altenstetter et Busse (2005 : 122)avancent que le « poids des traditions politiques et institutionnelles (pathdependency) et la continuité institutionnelle se sont associés pour empêchertoute réforme radicale, et ont au contraire favorisé l’adoption de réformesqui manquent de vision stratégique ». Ils n’en soulignent pas moins que « laloi de 1993 sur la structure du système de santé marque un point charnièredans l’évolution de la politique de santé allemande » (ibid. : 128).

C’est dans ce contexte nébuleux que nous allons examiner les caractéristi-ques de ce qu’il est permis d’appeler le modèle allemand d’organisation

1 À propos des relations acheteurs-offreurs, qui ne sont qu’évoquées dans cet article, voirRosenbrock, Gerlinger (2004), Busse, Riesberg (2004) et Bode (2000 et 2004a).2 De surcroît, Giarelli (2004 : 191) considère la France comme l’archétype du « non-chan-gement », tandis qu’il perçoit un début de changement dans d’autres pays.

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de la santé, issu des décisions prises en 1992. Nous examinerons le nouveaumode de gouvernance et l’évolution du système de financement et brosse-rons un tableau des mécanismes de régulation actuels et de la dynamiquequ’ils impulsent. Cette dynamique transparaît à la fois dans les stratégiesadoptées par les caisses d’assurance maladie et dans le débat public récentsur l’avenir du modèle allemand. Nous pourrons ainsi analyser le tournantque ce modèle a pris récemment ou risque de prendre dans l’avenir.

Nous présenterons d’abord les principales structures et évolutions dufinancement de la santé et avancerons que, même si certaines évolutionsvont dans le sens d’une privatisation, les fondations bismarckiennes dusystème allemand n’ont pas – encore – été ébranlées. Puis, nous décrironsla gouvernance administrative du système, en nous arrêtant plus particu-lièrement sur les structures concurrentielles mises en place au sein du sec-teur de l’assurance à but non lucratif et sur leur évolution. Nous appuyantsur des observations empiriques, nous montrerons que la concurrence,même régulée, produit inévitablement des résultats spécifiques, compara-tivement à un mode gestion non concurrentiel de la santé, comme cellequi prévaut en France 1. Nous rendrons ensuite compte du débat publicrécent sur les réformes en ce qui concerne les questions de financementet de gouvernance et démontrerons que la transformation progressive dusystème de financement va de pair avec un renforcement de la gouver-nance concurrentielle. Pour conclure, nous analyserons la nature des chan-gements à la lumière des divergences académiques déjà évoquées sur latransformation structurelle (comparative). Nous formulerons égalementdes hypothèses sur l’avenir du modèle allemand.

■ Le financement de la santé en Allemagne

En Allemagne, la fourniture des soins de santé est assurée grâce à la coo-pération d’une multitude d’organismes administratifs et de nombreux four-nisseurs de soins indépendants, ayant un statut public, parapublic ou privé.Alors que le financement à proprement parler est quasi universel (voirinfra), le système se caractérise par la multiplicité des payeurs, quelque250 caisses d’assurance maladie, en concurrence les unes avec les autres,rémunérant les prestataires de soins selon des règles définies par la loi.

1 À noter que cela vaut seulement pour la Sécurité sociale et ses différents régimes. En effet,une forte concurrence existe dans le secteur complémentaire (où sont présentes des mutuelles,des compagnies d’assurance privées et des institutions de prévoyance liées au secteur d’acti-vité) ; les niveaux de couverture y sont disparates et la solidarité redistributive limitée (Bode,2000 ; Martin-Houssart et al., 2005).

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Traditionnellement, les acheteurs rémunèrent généralement les prestatai-res de soins, plus ou moins regroupés, selon le principe de la rémunérationà l’acte, et appliquent également divers mécanismes de maîtrise des coûts.De ce point de vue, le système allemand est semblable au système français,mais différent de systèmes centralisés (comme ceux de l’Angleterre et duCanada). Toutefois, en termes de couverture, il ressemble à celui de laplupart des autres pays européens, tout en s’en démarquant par le fait queles compagnies d’assurances privées peuvent fournir l’intégralité de lacouverture (uniquement pour les personnes les plus aisées).

Schématiquement, le système de santé allemand est organisé comme unsystème d’assurance sociale de type bismarckien, bien plus que le systèmefrançais, même si la France et l’Allemagne partagent la même tradition enmatière d’État-providence. 1 Comme la France, l’Allemagne a, après laSeconde Guerre mondiale, progressivement étendu l’obligation d’affilia-tion à l’assurance maladie à une part croissante de la population, pouraboutir à une couverture quasi universelle 2. Elle y est parvenue en déve-loppant les droits dérivés et en intégrant au système les exploitants agri-coles, les étudiants, la majorité des chômeurs et des retraités, les personneshandicapées et, plus récemment, les travailleurs effectuant de « petits bou-lots » rémunérés entre 400 et 800 euros par mois (les « mini-jobs »). Pour-tant, depuis quelque temps, le nombre croissant de personnes – de 80 000 à300 000 selon les estimations – dépourvues de couverture maladie suscitedes inquiétudes (Greß et al., 2006). Les plus exposés sont les chômeursnon indemnisés et les propriétaires de petites entreprises. À noter que,contrairement à la Sécurité sociale française, à travers la couverture mala-die universelle (CSG) ou au Service national de santé (NHS) britannique,l’assurance maladie allemande ne couvre pas automatiquement la popula-tion défavorisée.

Le financement – 140 milliards d’euros en 2004 – est essentiellementassuré par les cotisations sociales obligatoires. Elles sont partagées entreles employeurs et les salariés, ces derniers devant toutefois verser une coti-

1 Le financement du système français peut être considéré comme hybride, puisqu’il est cons-titué de la CSG d’une part et des cotisations sociales d’autre part. Il n’en reste pas moinsqu’il est différent d’un système totalement financé par l’impôt, comme celui de l’Angleterre.Pour une description synthétique du mode de financement actuel du système allemand, voirBusse, Riesberg (2004 : 161-183) et Pfaff et al., (2006 : 31-37).2 D’après l’Institut allemand de la statistique, en 2003, 88 % des Allemands étaient affiliésà une caisse publique, dont 38 % par obligation parce qu’ils percevaient un salaire inférieurau seuil permettant d’opter pour le secteur privé (voir infra). Cela vaut également pour lamajorité des retraités. 10 % de la population allemande est affiliée à une compagnie privée(pour une description plus détaillée, voir Pfaff et al., 2006 : 24-31). L’obligation faite auxorganismes d’assurance publics de couvrir gratuitement les enfants et le conjoint inactif del’assuré est une des principales raisons incitant les assurés à opter volontairement pour unecaisse publique.

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sation supplémentaire de 0,9 %. Début 2006, le taux de cotisation moyenétait de 14,2 % de la rémunération brute plafonnée à 3 900 euros. Le finan-cement par l’impôt reste limité. Toutefois, les caisses d’assurance maladiereçoivent une compensation des régimes d’assurance vieillesse et chômage(Altenstetter et Busse, 2005 : 124 ; Pfaff et al., 2006 : 137-141), dont uneplus grande partie des ressources sont d’origine fiscale, actuellement 40 %des dépenses sociales totales de l’Allemagne sont financées par l’impôt(Bäcker, 2005). Par ailleurs, ces dernières années, des taxes sur le tabacont été affectées au budget de l’assurance maladie pour couvrir les dépen-ses jugées non conformes aux principes actuariels sur lesquels elle repose(versicherungsfremde Leistungen) 1.

À noter que le taux de cotisation varie selon les caisses d’assurance mala-die, d’une part parce qu’il dépend de la structure de risques de chaque orga-nisme, d’autre part parce que les caisses disposent d’une certaine latitudepour accorder des réductions de taux à leurs assurés. Ces rabais peuventêtre consentis aux assurés qui acceptent de participer à des programmesthérapeutiques spéciaux (programmes axés sur la prévention, mais aussisur le bien-être), ou à ceux qui acceptent de choisir un médecin référentjouant le rôle de filtre à l’entrée du système (l’équivalent du « médecintraitant » français). Par ailleurs, les caisses peuvent également, comme lescompagnies d’assurances privées, accorder un « bonus » aux assurés quine consomment pas de prestations de santé au cours d’une période donnée.

Le principe de solidarité (Solidarprinzip) n’en reste pas moins l’un desfondements du financement du système de santé. D’une part, toute per-sonne qui a besoin de soins y a accès selon certaines règles légales, quelleque soit sa contribution financière au système. Toutes les caisses offrent,dans l’ensemble, des prestations identiques, encore relativement généreu-ses comparativement à d’autres pays (Beske, 2005), notamment en ce quiconcerne la prise en charge des soins dentaires et des médicaments. Ilexiste toutefois des exceptions non négligeables. Ainsi, certaines caissesversent une rémunération à l’acte plus faible aux prestataires de soins, quipeuvent, de ce fait, être dissuadés d’accepter les assurés de ces caissesparmi leurs patients ou être incités à leur réserver un traitement moins favo-rable. En outre, de récentes réformes de la relation offreurs-acheteurs ontconduit les caisses d’assurance maladie à pratiquer la contractualisationsélective (Bode, 2004a). Alors que les prestataires de soins étaient tradi-tionnellement rémunérés à l’acte ou sous forme d’enveloppes globales, lescaisses d’assurance maladie ont maintenant la possibilité de passer des

1 On retrouve la distinction entre « assurance » et « solidarité », bien connue des participantsau débat français sur la réforme du financement de la santé. Toutefois, cette distinction estsouvent jugée artificielle, les régimes d’assurance sociale reposant, par nature, sur un pana-chage de principes économiques différents (voir par exemple, Bäcker, 2005).

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contrats avec des fournisseurs d’appareils médicaux, d’aides techniques etde médicaments ainsi qu’avec des réseaux de prestataires de soins locaux.De ce fait, on observe une tendance à la différenciation des prestations queles caisses offrent aux assurés.

L’activité contractuelle des caisses est encadrée par un mécanisme decompensation (ou de péréquation) de la structure des risques fortementredistributif, qui est une nouvelle preuve de la place prépondérantequ’occupe la solidarité sociale dans le système allemand. Ce mécanisme,institué par la réforme de 1993, a vocation à réduire les inégalités entrecaisses. Un « pool de risques » verse une compensation aux organismesqui assurent des risques supérieurs à la moyenne 1. Toutefois, tel qu’il estconçu actuellement, le mécanisme ne tient pas pleinement compte des dif-férences de taux de morbidité, si bien que les caisses qui ont une propor-tion de « mauvais risques » supérieure à la moyenne restent défavorisées.Il est envisagé d’améliorer le dispositif d’ici 2009, en tenant compte desdiagnostics et des médicaments prescrits (en cas de maladie chronique).Reste que, pour l’instant, le mécanisme en place est imparfait.

La solidarité a donc ses limites, comme en témoigne également le fait queles versements des ménages représentent, comme dans d’autres pays, unepart importante du financement de la santé. Selon l’Organisation de coo-pération et de développement économiques (OCDE), les ménages alle-mands ont financé 10 % des dépenses totales de santé en 2000, soit lamême proportion que les ménages français. La participation des ménagesest toutefois plafonnée, les personnes qui consacrent plus de 2 % de leurrevenu annuel à leur santé étant exonérées du ticket modérateur 2. Il n’enreste pas moins que la réforme entrée en vigueur en 2004 s’est soldée parune hausse significative de la participation des ménages. Un ticket modé-rateur de 10 % (plafonné à 10 euros) du prix réel est désormais appliquéaux produits pharmaceutiques 3. À cela s’ajoutent un forfait obligatoire de10 euros par consultation médicale, à payer par tous les assurés chaquetrimestre lors de la première consultation, et un forfait journalier en casd’hospitalisation (comparable au forfait hospitalier en France). Enfin, la

1 Le montant de la compensation dépend du salaire des assurés, du nombre d’ayants droit,du rapport hommes-femmes, de la moyenne d’âge des assurés et de la proportion de retraités.Ces versements représentent des flux financiers considérables. Ainsi, en 2004, les « caisseslocales générales » (AOK) ont reçu 12,6 milliards d’euros au titre de la compensation, et lesBKK (anciennes caisses professionnelles) ont versé 9,3 milliards d’euros. Par ailleurs, lescaisses d’assurance maladie reçoivent également une compensation dans le cadre de ce méca-nisme au titre des patients qui participent à des programmes thérapeutiques spéciaux (voirinfra).2 Cette proportion est ramenée à 1 % pour les personnes souffrant de maladies chroniques.3 Ce ticket modérateur est beaucoup plus élevé que dans les années soixante-dix. À l’époque,les assurés des caisses d’assurance maladie à but non lucratif devaient régler 50 cents parmédicament prescrit. Avant 2004, ce ticket modérateur variait de 4,50 et 6,50 euros.

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lunetterie, les frais de transport engagés pour recevoir des soins ambula-toires et les médicaments en vente libre (y compris les médicaments pourle traitement des allergies) ont été déremboursés en 2004.

L’existence d’un pilier privé au sein du régime d’assurance maladie alle-mand est une autre limite à la solidarité. Contrairement aux Français et àde nombreux autres citoyens européens, les Allemands dont le revenu estsupérieur à 3 900 euros par mois peuvent choisir de renoncer au régimepublic pour souscrire une assurance privée. Actuellement, 10 % de la popu-lation environ (soit 8,4 millions de personnes) s’est tournée vers le secteurprivé (ce chiffre était de 6,9 millions en 1995) pour l’intégralité de sa cou-verture maladie. 17 millions de personnes, soit plus du double, sont titulai-res d’une assurance complémentaire (partielle). À noter que lesfonctionnaires (qui sont beaucoup moins nombreux qu’en France) n’ontpas accès, jusqu’à présent, aux organismes à but non lucratif – qui est laformule d’assurance classique – et doivent recourir à des compagnies pri-vées 1. Les assureurs privés gèrent en principe des régimes provisionnés.D’un point de vue comptable, ils sont légalement tenus de provisionner uneréserve au titre de leurs assurés âgés (le montant total des réserves avoisineactuellement 80 milliards d’euros). En outre, ils ont recours aux techniqueshabituelles d’évaluation actuarielle des risques et à des mesures incitatives,comme le remboursement de cotisations. De plus, ils versent une rémuné-ration à l’acte plus généreuse aux prestataires de soins, si bien que ces der-niers sont souvent soupçonnés de privilégier ce que les Allemands appellentleur « clientèle privée ». D’après les estimations, ces patients, qui représen-tent 10 % de la population, couvrent 20 % des revenus des médecins libé-raux. Le secteur privé connaît une légère expansion, 150 000 assurésquittant chaque année le secteur à but non lucratif pour le secteur privé.

Maintenant que le décor est planté, il convient d’examiner les principalesévolutions qu’a connu le financement de la santé ces dernières années. Lestransformations du système de santé se sont soldées par des difficultésfinancières pour de nombreuses caisses d’assurance maladie. La cause enest notamment que nombre d’entre elles ont vu diminuer l’assiette surlaquelle reposent leurs ressources, en raison, d’une part, de la baisse dunombre de salariés ouvrant droit au régime d’assurance maladie, qui estpassé de 24,6 millions en 1996 à 23,2 en 2004 et, d’autre part, de la dimi-nution de la part des salaires dans le PIB, qui est passée de 69,2 % en 1993à 65,1 % en 2004 (Pfaff et al., 2006 : 38-39). De ce fait, bien que lesdépenses de santé aient augmenté légèrement plus vite que le PIB ces der-nières années, l’assiette des ressources de l’assurance maladie n’a pas pro-gressé aussi vite que la richesse nationale (même si cette dernière n’aconnu qu’une croissance modeste). Cela a eu pour conséquence une hausse

1 Une partie de leurs dépenses de santé est toutefois directement prise en charge par l’État.

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du taux de cotisation moyen, qui est de 14,2 % en 2006 contre 13,4 % en1996. Comme l’a souligné un prestigieux comité d’experts, ce taux seraitresté inférieur à 12 % si les recettes des caisses avaient progressé au mêmerythme que le PIB (Sachverständigenrat, 2003 : 35).

Malgré ces difficultés, la plupart des modifications introduites jusqu’àprésent sont parcellaires. Ainsi, comme évoqué précédemment, certainsbiens et services de santé ont été déremboursés et les relations financiè-res entre les caisses d’assurance maladie et les autres régimes d’assu-rance sociale (essentiellement les régimes d’assurance vieillesse etinvalidité) ont été redéfinies. Le principal changement concerne la par-ticipation des patients. À cet égard, la réforme entrée en vigueur en 2004marque une étape décisive de l’évolution des tickets modérateurs – qui,ces vingt dernières années, ont régulièrement augmenté. Elle remplaceen effet certains forfaits plafonnés par des tickets modérateurs propor-tionnels. En outre, la création d’un ticket modérateur de 10 euros partrimestre pour les consultations est un changement de taille dans un paysoù – comme au Royaume-Uni, mais contrairement à la France – les con-sultations médicales étaient jusqu’alors gratuites. Par ailleurs, les caissesd’assurance maladie devront désormais rembourser les soins dentairessur la base d’une somme forfaitaire, non plus proportionnellement auxdépenses engagées.

L’impact de ces mesures a été considérable. Entre 2003 et 2004, les dépen-ses par assuré ont diminué de 3,5 % dans le secteur de l’assurance à butnon lucratif, mais des biais sociaux notables sont observés dans l’impactde ces baisses 1. Si les caisses ont, globalement, affiché un solde budgé-taire excédentaire fin 2005, leurs réserves ont fondu (passant de 4 milliardsd’euros en 2004 à 1,7 milliard d’euros en 2005). En outre, certaines caissescontinuent de pâtir des dettes contractées ces dernières années. À celas’ajoute que leurs dépenses ont recommencé à augmenter en raison d’unehausse de la prescription de médicaments et, dans une moindre mesure,des dépenses d’hospitalisation. Selon les estimations, elles pourraient affi-cher 7 milliards d’euros de déficit à l’horizon 2007. Début 2006, le gou-vernement a réagi à cette situation par l’introduction de nouvellesdispositions, qui abaissent le plafond au-delà duquel certains médicamentsne sont pas remboursés et augmentent les cotisations patronales dues au

1 Une baisse de 9 % a été enregistrée dans le domaine des consultations médicales en 2005.D’après une étude de la Fondation Bertelsmann (le Gesundheitsmonitor), plus de 30 % labaisse constatée entre 2003 et 2004 a concerné des assurés en mauvaise santé. 37 % des per-sonnes défavorisées interrogées ont déclaré renoncer à consulter et se soigner elles-mêmes,contre 28 % de l’ensemble des personnes interrogées. À noter que les dépenses par tête ontaugmenté de 2,4 % pour les affiliés de compagnies d’assurance privées entre 2003 et 2004(selon le ministère de la Santé, cf. « Der gelbe Dienst », 30 janvier 2006).

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titre des « mini-jobs » 1. Enfin, une autre réforme « révolutionnaire » esten discussion (voir infra).

En revanche, les évolutions structurelles du financement de la santé sontjusqu’à présent restées limitées. Trois d’entre elles méritent toutefois d’êtresoulignées. Premièrement, les versements effectués par les ménages au titredes prestations de santé dites individuelles (individuelle Gesundheitsleistun-gen), que les praticiens libéraux peuvent proposer à leur clientèle et qui nesont pas prises en charge par l’assurance maladie légale, ont augmenté 2.Apparemment, certains traitements sont donc vendus sur le marché privé.Cela est également vrai dans le domaine des soins dentaires, les dentistescommençant à conseiller à leurs patients des traitements qui donnent lieu àune participation plus élevée que celle qu’ils auraient acquittée dans le cadrede l’ancien système de remboursement (proportionnel) (Wienefœt, 2006).Deuxièmement, la dernière réforme adoptée signe la fin d’un principe sacro-saint dans le système d’assurance sociale allemand : la parité des cotisations.Depuis 2004, les salariés doivent en effet acquitter une cotisation supplémen-taire (de 0,9 %) pour couvrir les soins dentaires. Troisièmement, les pouvoirspublics ont fait une tentative timide pour verser un impôt affecté dans lesbudgets des caisses d’assurance maladie, sous forme de taxes sur le tabac.

Globalement, le système de santé allemand reste soumis à une forte pres-sion en matière de financement. Cette pression s’explique en grande partiepar des facteurs exogènes. Ainsi, la part des dépenses des caisses d’assu-rance maladie dans le PIB n’a que modestement augmenté, passant de5,5 % en 1977 à 6,3 % en 2003. En outre, cette hausse s’explique notam-ment par l’énorme fardeau qu’a représenté la réunification allemande 3.De même, l’opinion largement répandue, selon laquelle le système alle-mand est d’une inefficacité exceptionnelle, ne doit pas être prise pourargent comptant. Si de nombreux experts déplorent la médiocrité de sesperformances sanitaires au regard des dépenses engagées, il ressort d’uneétude publiée récemment par un éminent économiste de la santé quel’Allemagne a des dépenses par habitant d’indemnités de maladie et deservices médicaux moins élevées que beaucoup d’autres pays européens,tout en offrant les prestations les plus généreuses (Beske, 2005).

1 Le taux de cotisation dû par les personnes physiques ou morales qui emploient des salariésdans le cadre d’un « mini-job » (7 millions de contrats en 2005), était de 25 %, tous régimesde sécurité sociale confondus. Début 2006, ce taux est passé à 30 % suite à une augmentationdécidée par le gouvernement.2 D’après les estimations, en 2004, un quart de l’ensemble des assurés des caisses d’assurancemaladie publiques ont consommé ces prestations (d’après une étude de WidO, l’institut derecherche économique de la fédération des AOK).3 En tenant compte de toutes les autres dépenses (financées par l’assurance privée et les ver-sements des ménages), selon l’OCDE, les dépenses de santé ont représenté 11 % du PIB en2003, contre 10 % en France, 9 % au Danemark et en Suède et environ 8 % au Royaume-Uni.

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■ De la gouvernance

L’introduction de la concurrence dans la gestion de la santé repose surl’hypothèse selon laquelle la gouvernance concurrentielle est le gage d’unemeilleure gestion du système de santé en termes de rapport coût-efficacité.Il est finalement difficile de déterminer si tel a réellement été le cas. D’unpoint de vue théorique, il aurait fallu que les gains d’efficience l’emportentsur les dépenses supplémentaires liées aux actions de communication et àl’augmentation des flux des entrées et sorties d’affiliés. Or, le budget com-munication des caisses d’assurance maladie est certes plafonné par la loi,mais il existe des moyens pour dissimuler ce type de dépenses. Quoi qu’ilen soit, ces dernières années, la part des frais de fonctionnement dans lebudget total des caisses d’assurance maladie a augmenté 1.

Toutefois, une « bonne gouvernance » n’est pas simplement une gestionefficace. Au sens large, le terme gouvernance désigne l’organisation glo-bale du système de santé, faite de plusieurs composantes : orientation poli-tique, stratégies contractuelles, gestion administrative et offre de soins.Toutes ces composantes ont un impact sur les soins dispensés dans le cadred’une organisation extrêmement complexe, reposant sur plusieurs piliers(cf. graphique ; et pour une présentation complète : Busse, Riesberg,2004 : 29-56). Compte tenu du sujet qui nous intéresse dans cet article,deux aspects jouent un rôle essentiel : la logique de gestion qui prévautdans le cadre administratif et les rapports entre les assurés et leurs caissesd’assurance maladie.

Le « corporatisme social » inscrit dans la tradition allemande et le destinqu’il a connu est au cœur de la logique à laquelle obéit la gestion dusystème. À l’origine, le système de santé s’est organisé sur la base d’unerépartition des compétences bien particulière (Altenstetter et Busse,2005 : 122-123). La gestion du secteur de la santé a été confiée à desinstitutions parapubliques indépendantes (les caisses d’assurance mala-die), dirigées par des représentants des assurés (souvent des syndicats)et des fédérations d’employeurs. Ces institutions avaient pour tâched’accorder des prestations de santé (ou leur prise en charge) conformé-ment à la loi et aux conventions passées avec les organisations représen-tatives des prestataires de soins. Elles étaient en outre investies demissions de planification et chargées d’activités dans le champ de la santépublique. La plupart des dispositions réglementaires régissant la fourni-ture de biens et services de santé et des décisions relatives au financement

1 Elles sont passées de 135 euros par assuré en 1998 à 158 euros en 2004. À noter toutefoisque la hausse des frais de fonctionnement s’explique également par le rôle plus actif quejouent les caisses dans le domaine du « managed care ».

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émanaient de l’État, qui entretenait toutefois un dialogue permanent avecles principaux représentants des caisses. Bien que cette configurationsocio-politique – qui fait partie intégrante de la tradition bismarckienne– évoque l’organisation du système français, les institutions non gouver-nementales jouaient un rôle plus important en Allemagne qu’en France,tandis que l’État était moins « dirigiste » 1. Dans ces circonstances, ilétait quasi inévitable que des orientations de politique sociale communes,sur des questions comme l’accès aux soins ou l’importance des investis-sements en santé publique, aient une incidence sur la gestion courantedes caisses 2.

Le modèle d’organisation introduit dans les années quatre-vingt-dix a radi-calement changé la donne. Tandis que les conseils d’administration « cor-

1 Cette différence se traduit par exemple par le fait que les caisses allemandes ont, contrai-rement à leurs homologues françaises, le droit de fixer elles-mêmes les taux de cotisation.Au sujet des autres aspects qui distinguent le système allemand du système français, voirBode (2000, 2004a et b) ou Lepperhoff (2004).2 L’introduction de la possibilité pour les assurés les plus aisés de souscrire une assuranceprivée contredit toutefois cette affirmation, même si une partie du marché était – et est tou-jours – occupée par les mutuelles (qui s’impliquent toutefois beaucoup moins dans les ques-tions de politique sociale que leurs homologues françaises). Il ne faut pas en effet oublierque la grande majorité des Allemands est toujours assurée auprès d’organismes d’assuranceà but non lucratif.

Assurance privée

Concurrence

Caisse 3

Caisse 2

Caisse 1

Contractualisation – collective – individuelle

Assurance maladie publique

Fédérations de caisses d’assurance maladie

Gouvernement fédéral

Libre choix

> 3 900 € < 3 900 €

Assurés Länder

Cadre général et contrôle

Médecins Hôpitaux

Prestataire

Unions de prestataires de soins

Concurrence

Compagnie 1 Compagnie 2

Figure : Gouvernance concurrentielle dans le système de santé allemand

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poratistes » ont vu leurs prérogatives se réduire, les caisses d’assurancemaladie ont de plus en plus été soumises à l’influence des orientationsimpulsées par le secteur privé (Bode, 2004b : 128-139). Les principauxservices des caisses conçoivent désormais leur institution comme un acteurdu marché et comme une entreprise face à des partenaires commerciauxet à des clients. Les caisses exercent donc maintenant leurs activités cou-rantes dans un nouvel environnement, et la logique à laquelle obéissentleurs choix de gestion est la volonté de réussir sur le marché.

Ce marché est certes strictement encadré par la réglementation. Ainsi, lesactivités des caisses sont contrôlées par un Office fédéral de l’assurance,le Bundesversicherungsamt, chargé d’établir un rapport annuel sur l’évo-lution du marché – et de ses pratiques. Outre les règles relatives à laloyauté de la publicité, les règles les plus importantes concernent les rap-ports entre les caisses et leur clientèle. Les caisses sont en effet tenuesd’affilier toute personne qui en fait la demande et n’ont pas le droit derésilier unilatéralement un contrat d’assurance. Quant aux assurés, ils ontle droit de résilier leur contrat au terme d’une période de dix-huit mois ouen cas d’augmentation des cotisations. Contrairement aux compagnies pri-vées, les caisses d’assurance maladie n’ont pas le droit de prévoir des clau-ses de renonciation à l’exclusion de garantie pour affection préexistanteou des clauses de non acceptation. Dans ces conditions, les managers quesont désormais les administrateurs des caisses semblent avoir peu de chan-ces de se démarquer de leurs concurrents.

Ils ont toutefois un certain nombre de moyens à leur disposition (Bode,2000 ; Popp, 2003). La politique de communication des caisses n’ayant pasréellement fait l’objet d’études systématiques (voir toutefois Haenecke,2001), elle ne peut être appréhendée qu’à travers des exemples 1. D’unepart, les caisses peuvent proposer des avantages spéciaux à leurs affiliés.Après l’introduction de la (libre) concurrence, elles ont inventé de nou-veaux services à proposer à leurs clients (activités de conseil et d’informa-tion, bilan de santé, optimisation des remboursements par l’application du« lean management » etc.) et ont investi dans un changement radical deleur image (modernisation des bureaux, publication de revues sur papierglacé etc.). Par la suite, elles ont obtenu le droit de consentir des remises,de vendre des polices d’assurance complémentaire et d’acheter des pres-tations de santé pour le compte de leurs assurés. Les remises, qui se sontrapidement multipliées, consistent en un remboursement de cotisationspour les assurés qui ne consomment pas de soins (couverts par leur contrat)et en une réduction du taux de cotisation pour ceux qui participent à desactivités qui améliorent (ou sont censées améliorer) la santé. De même, les

1 Ces exemples sont fournis par la presse ou par le Bundesversicherungsamt dans ses rapportsannuels.

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ventes croisées se sont multipliées 1. Certaines caisses ont sous-traité lesactivités de prospection de nouveaux affiliés en faisant appel à des agencesqui proposent des produits d’assurance comprenant des polices complé-mentaires – qui ne sont toutefois pas offerts à tout le monde (rarement auxpersonnes âgées ou souffrant de maladies chroniques par exemple).

Ce ciblage de publics spécifiques est typique des stratégies commercialesdes caisses d’assurance. Ainsi, elles ciblent plutôt les salariés du secteurinformatique, par exemple, que ceux du bâtiment ou de la restauration. Enoutre, certaines caisses mettent en avant, dans les médias, leurs faiblesfrais de fonctionnement. De toute évidence, elles visent une clientèle quin’a pas besoin (ou pense ne pas avoir besoin) d’avoir un contact humainavec sa caisse, les relations passant essentiellement par des centresd’appels. Or, il s’agit souvent d’une clientèle jeune et en bonne santé.Récemment, une caisse d’assurance, regroupant 500 000 assurés, a faitl’actualité en lançant des slogans publicitaires qui laissaient entendre (demanière évidente) qu’elle refusait d’affilier les personnes présentant de« mauvais risques » (une surcharge pondérale par exemple), ce qui est unepratique illégale. Toutes ces stratégies de communication visent, fût-ceimplicitement, une population aisée et en bonne santé. Des moyens consi-dérables sont donc mis en œuvre pour améliorer la structure de risquesdes caisses à travers la pratique du « picorage ».

À cela s’ajoutent des stratégies qui faussent le marché. Certaines caissesapprochent des employeurs pour les convaincre d’imposer, en douceur, àleurs salariés d’adhérer auprès d’elles, au seul motif que leur taux de coti-sation est moins élevé, quelles que soient les prestations proposées et lespréférences des salariés. En outre, des plaintes ont été déposées contre descaisses qui donnaient à leurs adhérents des informations mensongères surles règles appliquées en matière de cotisation 2. Il est également établi quecertaines caisses empêchent leurs adhérents de résilier leur contrat aprèsune hausse de cotisation 3. Enfin, nombre de caisses recourent à des

1 En 2005, environ 10 % des adhérents des caisses d’assurance maladie des techniciens (TK)et des employés (DAK) avaient opté pour le remboursement des cotisations. Deux caissesd’assurance (dont la DAK) sont emblématiques de la pratique qui consiste à offrir des remisesaux assurés qui participent à des activités censées améliorer leur santé. Elles ont en effetconclu un partenariat avec la première agence de voyages allemande pour proposer desséjours de remise en forme (à tarif préférentiel) à l’étranger. En ce qui concerne la vente depolices d’assurance complémentaire, voir Zok (2005), qui démontre qu’elles se multiplient(un million de polices ont été vendues en 2005).2 Par exemple, une caisse avait annoncé une baisse du taux de cotisation alors qu’elle devaitfaire payer aux assurés la cotisation supplémentaire (de 0,9 %) instaurée par le gouvernement(et qu’elle l’a fait).3 Une caisse a refusé de reconnaître à ses assurés le droit de résilier leur contrat. D’autresont supprimé les avantages liés à l’adhésion (tarif préférentiel pour la souscription d’uneassurance complémentaire) pour les assurés qui changeaient de caisse.

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stratégies informelles pour contourner la réglementation et dissuader,voire faire fuir, les assurés présentant de « mauvais risques ». Certainesd’entre elles ont par exemple ouvertement encouragé les assurés « coû-teux » à résilier leur contrat d’assurance 1. Les caisses en difficulté finan-cière mettent parfois en place des moyens pour ficher les « mauvaisrisques » dans leur système de gestion interne, en particulier lorsqu’ellesdisposent d’une marge de manœuvre en matière de décision sur les deman-des de remboursement et sur le montant à rembourser (dans le domainedes appareils thérapeutiques par exemple).

Si l’on ajoute ces différents éléments les uns aux autres, les incidences del’introduction de la dynamique du marché dans la gestion de l’assurancemaladie sont indéniables. Les caisses d’assurance maladie, en particulierles plus récentes, ont réussi à attirer rapidement des assurés jeunes et enbonne santé, peu consommateurs de soins, laissant les caisses traditionnel-les avec davantage de « mauvais risques ». Il est certain que les assurés lesplus âgés ou les moins bien portants, qui sont à l’origine de la majeurepartie des dépenses de santé, sont nettement moins enclins que les autres àpasser d’un assureur à l’autre. Pour les experts, cette évolution marque unefracture entre les Versorgerkassen, qui offrent réellement des prestationsde santé, et les simples caisses d’assurance qui accordent relativement peude remboursements. Les premières ont été soumises à une pression écono-mique considérable car elles ont perdu des assurés, en bonne santé, à unrythme beaucoup plus rapide que celui auquel elles ont pu réduire leurseffectifs. Ainsi, les anciennes caisses des travailleurs manuels – caisseslocales générales (AOK) – sont passées de 22,4 millions d’assurés en 1995à 18,2 en 2005. En revanche, les caisses ayant moins d’assurés « coûteux »– en particulier les anciennes caisses d’entreprise (BKK) qui ont acceptéde s’ouvrir à une nouvelle « clientèle » – ont enregistré une forte haussedu nombre d’affiliations 2. Les différences de taux de cotisation d’unecaisse à l’autre ont subsisté, les taux variant actuellement de 12 à 16 %3.

Les conséquences financières de cette mobilité des assurés ont certes étéatténuées par le mécanisme de péréquation des risques déjà évoqué. Ainsi,

1 En 2004, une caisse a par exemple envoyé à ceux de ses assurés qui percevaient des pres-tations sociales (à leurs yeux synonymes de « mauvais risques ») un courrier pour leurconseiller de changer de caisse d’assurance maladie (invoquant le fait qu’un changement desystème de prestations offrait de nouvelles possibilités de choix).2 Le nombre d’affiliés du réseau constitué par les BKK est passé de 5,2 millions en 1995 à10 millions en 2005. À noter qu’une partie de ces caisses (qui forment un réseau hétérogène)appartient à la catégorie des Versorgerkassen.3 Toutefois, le taux médian s’est rapproché du milieu de cette fourchette ces dernières années.Avant 1993, le taux de cotisation variait de 10,6 à 16,8 %, alors que les mécanismes du mar-ché jouaient un moindre rôle. À l’époque, seule une partie des assurés avait le droit de choisirlibrement sa caisse d’assurance maladie et, dans les faits, rares étaient les assurés qui chan-geaient plusieurs fois de caisse.

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en l’absence de compensation, les taux de cotisation s’échelonneraientactuellement de 5 à 25 %. Pourtant, jusqu’à présent, ce mécanisme necompense pas totalement le fait que les Versorgerkassen ont des dépensessupérieures à la moyenne. Par ailleurs, il est sous haute surveillance depuissa création. Ainsi, il a été attaqué devant divers tribunaux par certainescaisses. Elles ont été déboutées par le tribunal allemand des affaires desécurité sociale début 2003, mais trois Länder, critiques vis-à-vis du méca-nisme de péréquation, ont saisi la Cour constitutionnelle fédérale. Cettedernière a toutefois jugé, en 2005, le mécanisme conforme au droit consti-tutionnel. Les Versorgerkassen sont donc en permanence dans l’incerti-tude quant au sort qui sera réservé au mécanisme de péréquation.

Pour elles, ces dix dernières années ont été marquées par l’avènement d’uneconcurrence sans merci, qui a bouleversé leur mode de fonctionnement.Elles ont été acculées à diminuer leurs coûts, y compris en réduisant dis-crètement leur panier de biens et services remboursables et en exerçant unepression sur les honoraires des prestataires de soins (ce qui s’est parfoisrévélé difficile, les prestataires et leurs organisations représentatives met-tant tout en œuvre – parfois avec succès – pour résister à cette pression).Les caisses, par exemple les AOK, ont évidemment également cherché àréduire leurs frais de fonctionnement, en fusionnant ou en mettant en placedes programmes de soins coordonnés (case management). Toutefois, cesefforts ne leur ont généralement pas permis d’atteindre l’équilibre compta-ble et nombre d’entre elles se sont endettées. Elles ont appliqué des tauxde cotisation artificiellement bas, espérant attirer ou conserver suffisam-ment de « bons risques ». Or, cette stratégie s’est rarement révélée payante.

Par conséquent, le type de gouvernance instauré dans le système de santéallemand dans les années quatre-vingt-dix a un réel impact sur la fourniturede soins, quel que soit le mode de financement et les règles introduites pourgarantir un accès universel aux soins. L’introduction de mécanismes concur-rentiels dans la gestion de la santé entraîne inévitablement des inégalités.Ainsi, les assurés ne sont pas traités de la même manière selon la caisse àlaquelle ils adhèrent et doivent en permanence prévoir qu’ils sont susceptiblesde se voir imposer des restrictions par leur organisme d’assurance. En revan-che, ceux qui participent aux programmes de soins coordonnés mis en placepar leur caisse ont parfois des avantages par rapport aux autres. Par ailleurs,les caisses peuvent également réserver un traitement plus favorable aux per-sonnes qui ont une plus forte propension au nomadisme entre assureurs et àcelles qui, globalement, consomment moins de soins que la moyenne.

Reste que le secteur de l’assurance à but non lucratif, tel qu’il existe enAllemagne, ne s’est pas, tant s’en faut, totalement converti aux méthodesde l’assurance privée. La plupart des inégalités qui viennent d’être décritessont implicites, réversibles et de faible ampleur. En outre, les caisses sontencore loin d’être des entreprises commerciales, tant du point de vue

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institutionnel que sociologique. Du point de vue institutionnel, elles sonttenues d’adhérer à des fédérations chargées de missions de régulation pourle compte de l’État ; ainsi, elles négocient les conditions et les prix avecles organisations représentatives des prestataires de soins, déterminent lesconditions de remboursement, définissent des actions de santé publique etparticipent à des activités de sensibilisation du public à la politique desanté. Ces fédérations ont également des obligations légales en matière desolidarité financière entre leurs membres. Enfin, des représentants desassurés (généralement des syndicats) et des fédérations d’employeurs peu-vent siéger dans les organes de gestion internes des caisses, même si cesacteurs sont, dans les faits, de moins en moins en moins influents.

D’un point de vue sociologique, les caisses s’appuient sur un personnelcapable d’acquérir des compétences commerciales, sur une expertise dansle domaine sanitaire et social et sur des valeurs civiques qui mettentl’accent sur la responsabilité sociale. Le comportement de leur personnelen est la première manifestation concrète (Niedermeier, 2001 : 177-211 ;Bode et Bühren, 2004). En témoignent également les nombreuses initiati-ves prises par les caisses et leurs fédérations pour promouvoir la préven-tion et une approche plus globale de la prise en charge médicale. Bien quecertaines de ces initiatives puissent être considérées comme des outils demarketing, nombre d’entre elles s’adressent manifestement aux « mauvaisrisques » 1. Il est vrai que ce sont les gouvernements qui ont chargé lescaisses d’assurance maladie de ces actions de prévention, mais de nom-breux éléments prouvent qu’elles se sont elles-mêmes beaucoup investiesdans ce domaine et ont exercé des pressions pour que la réglementationpublique progresse. Cela vaut également pour les programmes de soinscoordonnés (case management) en faveur des assurés souffrant d’affec-tions chroniques. Les programmes dits de gestion thérapeutique (diseasemanagement), qui proposent des traitements spéciaux pour la prise encharge de diverses affections chroniques, en sont un exemple (Busse,2004). Les premiers programmes ont été mis en place à titre pilote, demanière isolée, par certaines caisses d’assurance maladie 2. Ils ont été ren-

1 Il existe de nombreuses initiatives de ce type. Ainsi, la fédération des BKK gère diversprojets ciblant les enfants défavorisés. La fédération des AOK et celle des caisses de substi-tution participent à une « Union pour la promotion de la santé des personnes défavorisées ».Au total, les dépenses de prévention des caisses d’assurance maladie ont augmenté de 36 %entre 2000 et 2004 et 3,4 millions de personnes sont concernées par les programmes de pré-vention mis en place. Aux termes de la loi sur la prévention de 2005, 70 % des dépenses deprévention sont gérées par les caisses d’assurance maladie.2 Voir Bode (2000 : 74-76). Les programmes de gestion thérapeutique visent à promouvoirune pratique clinique basée sur des données probantes, au moyen de protocoles de soins, derecommandations et de listes de médicaments efficaces, en améliorant la coordination entreles différents praticiens et en veillant à ce que la prise en charge soit globale (il s’agit, end’autres termes, d’établir des parcours de soins).

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dus obligatoires en 2002, sous l’effet – notamment – de pressions politi-ques exercées par les principales fédérations de caisses d’assurancemaladie. Actuellement, ces programmes sont en général mis en place à lasuite de négociations collectives menées à l’échelle régionale avec lesunions de médecins, afin que les médecins de ville suivent les mêmesrecommandations thérapeutiques pour tous les patients participant à unmême programme 1. En 2004, quelque 5 000 programmes de ce typeavaient été mis en place pour la prise en charge de quatre affections (dia-bète, cancer du sein, asthme et maladies cardiovasculaires) et d’environdeux millions de patients. Enfin, les caisses d’assurance maladie et, sur-tout, leurs fédérations nationales ont toujours occupé une place centraledans les débats publics sur la réforme du système de santé. Elles se sontnon seulement positionnées en tant que garantes des valeurs sur lesquellesle système de santé a été édifié après la Seconde Guerre mondiale, maisont également fait profiter le grand public de leur expertise diversifiéequant aux moyens de mieux garantir la qualité pour tous 2.

Les caisses d’assurance maladie allemandes sont donc des organisationshybrides. Bien qu’elles continuent de poursuivre simultanément plusieursobjectifs, la logique de gestion qui s’impose de plus en plus depuis qu’unenouvelle gouvernance a été introduite dans les années quatre-vingt-dix lesa amenées à se tourner progressivement vers des stratégies d’inspirationplus libérale, comme en témoigne par exemple l’utilisation croissanted’outils de gestion des ressources humaines empruntés au secteur privé.L’organisation qui sous-tend le système de santé allemand change, et cetteévolution n’est pas sans rapport avec le débat actuel sur la – prochaine –réforme.

■ Le débat public sur la (prochaine) réforme

Le débat public sur les maux du système de santé allemand et les remèdesà leur apporter n’est pas sans rappeler celui qui a lieu dans d’autres pays(Bode, 2004a 89-92 ; Flood, 2000 ; Hacker, 2004). Les experts dénoncentpar exemple l’inefficacité de l’organisation de l’offre de soins, liée, notam-ment, à une mauvaise coordination entre les organismes (Sachverständi-

1 Le fonds de péréquation des risques verse aux caisses une somme fixe par patient partici-pant au programme (4 300 euros par patient diabétique par exemple) et sont tenues de définirleurs propres règles d’affiliation, de mettre en place des systèmes d’information des patientset des projets d’évaluation.2 Un rapport publié par la fédération nationale des AOK, présenté à l’occasion d’une confé-rence de presse en juin 2005, en est un bon exemple. Il apporte des preuves de l’existenced’un biais social dans l’impact de l’augmentation des tickets modérateurs.

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genrat, 2003 et 2005). Certains affirment également que le système desanté tel qu’il est organisé actuellement affiche de mauvaises performan-ces sanitaires pour les catégories sociales défavorisées (Lauterbach, Plam-per, 2004). Plus récemment, des critiques ont également été émises ausujet des inégalités entre les adhérents d’organismes d’assurance à but nonlucratif et ceux de compagnies d’assurances privées. Les assurés de com-pagnies privées sont soupçonnés d’être privilégiés par les médecins, quireçoivent une rémunération plus avantageuse, et, parallèlement, de cher-cher à échapper à la contribution au fonds de péréquation 1. Toutefois, laquestion des inégalités sociales est dénoncée avec moins de virulence enAllemagne qu’en France dans le débat sur la réforme du système de santé(Lepperhoff, 2004).

Ces trente dernières années, la maîtrise des coûts a, de loin, occupé la pre-mière place de l’agenda politique. Ainsi, des questions telles que l’infla-tion des dépenses de santé induite par les progrès technologiques etl’évolution de la démographie ou l’inadaptation des mécanismes incitatifsvisant patients et praticiens ont fait couler beaucoup d’encre. Le risque devoir les cotisations sociales entraîner une hausse du chômage et freiner lacréation d’emplois occupe une place particulièrement importante dans ledébat allemand. Selon une opinion également très répandue dans d’autrespays ayant un système de santé d’inspiration bismarckienne (Palier, 2005),les cotisations assises sur les salaires renchériraient le coût du travail, dis-suadant les entreprises d’investir ou, du moins, d’embaucher des salariéspeu productifs 2.

Pendant longtemps, le débat sur le financement de la santé s’est limité àla question des tickets modérateurs et de la nécessité de garantir le bonfonctionnement du mécanisme de péréquation. Sur ce dernier point, leprécédent gouvernement « rouge-vert » avait décidé d’améliorer le méca-nisme par une prise en compte, à partir de 2007, de la morbidité. Or,dans son programme, la grande coalition – en place depuis novem-bre 2005 –, envisage de le « simplifier » et « de continuer à le dévelop-per » d’ici à 2009. Il s’agit là d’une formulation ambiguë, qui pourraittout aussi bien aboutir à un système plus rudimentaire qu’à un système

1 L’Institut für Gesundheitsökonomie und Klinische Epidemiologie (Cologne), dirigé parKarl Lauterbach, économiste de la santé de sensibilité sociale-démocrate, a récemment publiéune courte étude qui montre qu’un salarié assuré auprès d’une caisse publique peut cotiser àhauteur de 60 % au fonds de péréquation, alors que les assurés de compagnies privées sonttotalement exonérés de cette cotisation.2 Certains experts apportent toutefois un bémol à cette argumentation. Selon Bäcker (2005),les cotisations patronales étant une composante (parfois minime) de la masse salariale totale,tout dépend du montant de cette dernière (par rapport aux bénéfices). Ainsi, il suffirait d’unléger ralentissement de la hausse des salaires pour compenser une hausse de cotisations.

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plus élaboré. Quoi qu’il en soit, les travaux techniques visant à le redé-finir suivent leur cours.

Un autre thème, qui fait écho aux inquiétudes suscitées par les (préten-dues) conséquences du financement par les cotisations, a toutefois consi-dérablement gagné en importance ces trois dernières années. Commeindiqué en introduction à cet article, l’Allemagne a récemment été le théâ-tre d’un débat animé sur la réforme structurelle du système de finance-ment bismarckien de la santé. En 2003, le gouvernement a chargé unecommission d’experts (la Rürup-Kommission) d’un rapport sur cettequestion. En 2003, ses membres ont rendu leur rapport sans être parvenusà s’entendre sur une recommandation commune. Par la suite, les deuxgrands partis politiques ont engagé des discussions internes sur cettequestion et ont abouti aux propositions présentées dans l’introduction :instauration d’une « assurance citoyenne », selon le scénario des sociaux-démocrates, ou d’une « prime d’assurance santé », selon le scénario deschrétiens-démocrates. Pour beaucoup, ces deux propositions traduisaientdeux approches diamétralement opposées de la réforme du système desanté, ce que la campagne électorale de 2005 a contribué à accréditer 1.Pourtant ces deux scénarios reposent sur un certain nombre d’idées com-munes : de toute évidence, l’un et l’autre traduisent une volonté de baisserou de ne pas augmenter les cotisations patronales et de consolider, voirede renforcer les structures de la gouvernance concurrentielle. La princi-pale différence entre les deux propositions concerne les mécanismes cen-sés garantir que le financement continue de satisfaire les critères desolidarité sociale.

Le programme de campagne des sociaux-démocrates proposait d’instaurerun système d’assurance couvrant tous les citoyens, uniforme mais plura-liste, au sein duquel tous les organismes d’assurances (y compris les com-pagnies privées) auraient été sur un pied d’égalité. Le SPD préconisait enoutre de conserver le financement par les cotisations sociales en le com-plétant par un impôt sur les revenus du capital (dont les loyers auraientété exonérés). Le dernier aspect obéissait certes à une logique proche decelle qui sous-tend la Contribution sociale généralisée (CSG) française,mais la proposition des sociaux-démocrates supposait un renforcement dela concurrence entre assureurs puisque les compagnies privées pouvaientopérer sur le marché de l’assurance maladie de base, selon la réglementa-tion applicable au secteur à but non lucratif.

Quant aux chrétiens-démocrates, ils proposaient d’instaurer une prime for-faire uniforme (109 euros) pour tous les citoyens ayant un revenu mensuel

1 Les sociaux-démocrates ont notamment cherché à présenter un modèle socialement plus« progressiste », alors que les principaux courants du parti n’étaient pas favorables à la ver-sion pure du modèle d’assurance citoyenne.

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supérieur à 1 500 euros (environ). Les personnes à bas revenus devaientcontinuer de cotiser à leur caisse d’assurance maladie au taux de 7 %. Lacouverture des enfants devait être assumée par le budget fédéral. Ils pro-posaient également un gel des cotisations patronales (à 6,5 %). La solida-rité du financement devait être garantie par des subventions « sociales »versées par un fonds alimenté par les cotisations patronales (gelées) et parl’impôt sur le revenu progressif dont est redevable la grande majorité dela population allemande (au contraire de la population française). À noterqu’il existe une version antérieure, beaucoup plus radicale, de cette pro-position : l’ensemble de la population aurait payé une prime forfaitaire etune compensation aurait été versée, sous conditions de ressources, par lebiais du système fiscal. Comme la proposition des sociaux-démocrates, laconception de leur adversaire politique prévoyait le renforcement de laconcurrence entre assureurs, alors que la proposition restait floue sur lemode de régulation du secteur privé.

Ces deux propositions reflétaient un clivage plus marqué entre plusieurscourants théoriques, relayés par des groupes de réflexion et divers lobbys.Alors que les partis de gauche et les syndicats voyaient d’un œil favorablel’élargissement de l’assiette sur laquelle sont assises les ressources descaisses d’assurance maladie, certains économistes libéraux plaidaient enfaveur d’un « modèle clair », reposant sur une stricte séparation des ques-tions de solidarité et de gouvernance du système. Ce type de propositionsa reçu le soutien du Parti libéral démocrate (FDP), des représentants desemployeurs et de certaines fédérations de prestataires de soins. Certainsont également proposé d’instaurer un système d’assurance privé totale-ment provisionné, prévoyant une couverture minimale obligatoire. Lescompagnies d’assurance privées, inquiètes à l’idée qu’elles risquaient deperdre le marché des assurés à hauts revenus, ont adopté une position plusfloue. Les organismes d’assurances maladie à but non lucratif se sontdéclarés globalement favorables à un maintien du financement par les coti-sations.

Une description plus précise de la dynamique des politiques de santé alle-mandes n’aurait pas sa place dans cet article. Il convient toutefois de sou-ligner que, dans le passé, d’importantes réformes de l’organisation dusystème ont été engagées sur la base d’accords conclus entre les différentspartis et, souvent, avec l’assentiment des principaux acteurs de la sociétécivile (voir, par exemple, Giaimo, 2002 : 86-147). Ainsi, la réforme de1993 et, plus récemment, celle de 2004, sont le fruit d’un accord entre lesdeux grands partis politiques (même si les syndicats ont opposé une cer-taine résistance). Une grande coalition étant arrivée au pouvoir en 2005,il y a fort à parier que la prochaine réforme procédera également d’un telaccord. Les deux partis au pouvoir ne comptent pas sur une reprise inté-

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grale de leurs propositions respectives, mais une nouvelle réforme du sys-tème de santé devrait être adoptée à la fin de l’année.

Ces derniers mois, de nombreux rapports qui présentent diverses optionsde réforme ont été publiés 1. Nombre d’experts s’emploient à rechercherune « troisième voie » pour réformer le financement. L’une des solutionsqui semble, à la mi-2006, occuper le devant de la scène consisterait à aug-menter légèrement la part de l’impôt dans le budget des caisses d’assu-rance maladie, l’option la plus débattue consistant à financer la couverturemaladie des enfants par la fiscalité générale 2. Les décisions prises par unséminaire gouvernemental, début juillet, vont dans cette direction. Le sys-tème restant globalement inchangé, les familles à hauts revenus ayant desenfants pourraient être plus nombreuses à se tourner vers l’assurance pri-vée, alors moins chère, du fait de la disparition de l’avantage relatif quereprésente l’affiliation gratuite des enfants dans les caisses à but non lucra-tif. Reste qu’augmenter la part de l’impôt dans le financement n’est passans poser de problèmes. Lors de son accession au pouvoir, la grande coa-lition est parvenue à un accord sur la nécessité de réduire dans les annéesà venir, le versement à l’assurance maladie d’impôts affectés, en raisondu déficit abyssal du budget de l’État. Les experts et la classe politiqueont émis des réserves, soulignant que les décisions prévoyant un finance-ment du système de santé par la fiscalité générale pouvaient être revues àtout moment, ce qui n’est pas le cas pour un impôt affecté, comme la CSG.L’expérience récente de l’Allemagne avec la taxe sur le tabac corroborece point de vue.

Toutefois, il semble d’ores et déjà qu’il y ait un accord sur l’augmentationde contributions de 0,5 point à partir du 2007. Une autre des solutionsretenues par le séminaire gouvernemental mentionné ci-dessus, consiste àinstaurer progressivement un fonds national abondé par une cotisationpatronale (éventuellement gelée), une cotisation salariale universelle etune partie de l’impôt sur le revenu. Ce fonds (baptisé Gesundheitsfonds)allouerait aux différentes catégories d’organismes d’assurance une mêmesomme par assuré, à laquelle s’ajouterait un supplément pour les caissesassurant plus de « mauvais risques » que la moyenne. Ainsi, il remplace-rait le mécanisme de compensation actuellement en vigeur. En cas de défi-cit, les caisses feraient payer (seraient contraintes de faire payer) à leursassurés une prime forfaire uniforme supplémentaire. Théoriquement, cescénario ouvre aussi la porte à une participation des compagnies d’assu-rances privées au mécanisme de péréquation des risques, mais il se tradui-

1 Pfaff et al., (2006 : 43-103) et Wille (2006) proposent une synthèse des différentes optionsen discussion.2 Ce qui représenterait une dépense de 25 milliards d’euros pour le budget fédéral.

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rait également par une moindre redistribution entre les assurés à hauts età bas revenus dans le secteur à but non lucratif.

Il est essentiel de garder à l’esprit que la question des modalités de réformedu financement de la santé est liée à celle de la gouvernance. À cet égard,le débat est moins controversé actuellement que par le passé. L’une desquestions posées est celle de la rationalisation des modalités actuelles deconcurrence dans la gestion de la santé. Si aucun membre de la classepolitique, ou presque, ne remet en cause la concurrence en tant que telle,certains sont préoccupés par les excès qu’elle engendre. Les experts pro-posent de faire subir une cure de minceur au secteur de l’assurance à butnon lucratif pour diminuer les frais de fonctionnement (y compris de com-munication). Le gouvernement actuel envisage de faciliter, encore, lesfusions entre caisses pour en réduire le nombre 1. Les représentants desunions de médecins et des grosses caisses d’assurance maladie sont favo-rables à ce projet. Toutefois, alors que la grande coalition était parvenueà un accord allant dans ce sens, ces projets se heurtent à l’opposition decertains Länder, qui tiennent à préserver la structure régionale des caissesd’assurance maladies. Ils sont soutenus dans leur opposition par les caissesplus petites – souvent celles qui occupent une position confortable sur lemarché. L’autre question à aborder est celle des relations entre acheteurset offreurs de soins. Dans ce domaine, le débat porte essentiellement surles problèmes concrets que rencontrent les caisses pour promouvoir le« managed care » et proposer directement des contrats à des prestataires 2.

Le débat sur la gouvernance comporte toutefois une dimension plus essen-tielle, même si elle est d’une certaine manière cachée. Les propositions deréforme qui viennent d’être décrites impliquent des mesures qui vontaccentuer la concurrence entre caisses, devenue caractéristique du modèleallemand. Elles ont notamment pour conséquence de rendre plus floue lafrontière entre le secteur de l’assurance privée et celui des organismes àbut non lucratif. Ceci est particulièrement flagrant dans le scénario quiconsisterait à créer un fonds national (Gesundheitsfonds). En outre, sui-vant les orientations actuelles de la grande coalition, il est prévu de faciliterles transferts des réserves comptables accumulées par les compagnies pri-vées vers les organismes d’assurance, à but non lucratif. Au final, les chan-gements seront peut-être progressifs. Reste que s’il est difficile de savoirquel sera l’aboutissement de la réforme, une tendance générale se dégageindéniablement en faveur d’une gouvernance plus compétitive.

1 À noter que le nombre de caisses d’assurance maladie est déjà passé de 1 146 en 1994 à253 en 2006.2 Cela fait référence à de nouvelles dispositions, qui permettent une contractualisation directeavec les offreurs. Ainsi, une loi adoptée en février 2006 permet aux caisses de négocier desprix spéciaux avec les laboratoires pharmaceutiques et de permettre ainsi à leurs adhérentsd’avoir accès à des médicaments moins chers.

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■ Conclusion

Dans cet article, nous avons brossé un tableau de l’organisation du systèmede santé et de son évolution, plus particulièrement en matière de finance-ment et de gouvernance administrative. À partir de cette description, deshypothèses peuvent être formulées sur la direction que va prendre le sys-tème dans un avenir proche. Comme nous l’avons démontré, ces dernièresannées ont été marquées par des réformes parcellaires et implicites dufinancement. Si le principe bismarckien de financement par les cotisationsn’est, jusqu’à présent, pas remis en cause, un processus de privatisationrampante est à l’œuvre, caractérisé par l’apparition, aux marges du sys-tème, d’un marché de la santé non régulé. Comme l’a déclaré le comitéd’experts, en Allemagne, la fourniture de soins est désormais de plus enplus conditionnée par la concurrence et la recherche du profit (Sachvers-tändigenrat, 2003 : 499). Toutefois, le financement solidaire reste la cléde voûte du système de santé allemand. De ce point de vue, le cœur dusystème a donc résisté aux tendances à la libéralisation

Une évolution structurelle a toutefois eu lieu, les années quatre-vingt-dixayant donné naissance à un système reposant sur des mécanismes de gouver-nance quasi inédits. De ce point de vue, « les structures de gouvernance ontsubi plus que des changements parcellaires » (Altenstetter et Busse, 2005).Si le passage à la gouvernance concurrentielle n’a, jusqu’à présent, pasébranlé les principes de base du système – étendue de la couverture, garantied’accès aux soins essentiels, fourniture de soins répondant aux besoins – laconcurrence qui a été introduite a, par nature, tendance à engendrer des iné-galités en termes de résultats sanitaires, du fait de la différenciation, officielleou non, des prestations proposées, ce qui a probablement pour corollaire unrenforcement des inégalités sociales. De ce point de vue, il existe une diffé-rence entre un système reposant sur une concurrence régulée et un systèmeau sein duquel la concurrence n’existe pas, comme le système français 1.

La question de savoir si la concurrence régulée améliore l’efficience dusystème reste posée. Comparativement à leurs homologues françaises, lescaisses d’assurance maladie allemandes semblent avoir davantage investidans la qualité du service administratif rendu. En outre, dans le domainede l’organisation des soins, elles ont également cherché à promouvoir àplus grande échelle des innovations (programmes de gestion thérapeutiqueet médecins référents servant de filtre à l’entrée du système) a priori plusambitieuses que les modestes initiatives prises en France pour coordonner

1 À noter qu’une différenciation officieuse peut également exister dans les systèmes nonouverts à la concurrence. Toutefois, la gouvernance concurrentielle favorise systématique-ment cette différenciation.

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l’offre de soins (réseaux de soins, médecin traitant). Toutefois, la concur-rence régulée s’est également soldée par une aggravation de l’endettement,par des dépenses de communication et des frais de restructuration poten-tiellement élevés dans l’ensemble du secteur.

Mais il apparaît surtout que la culture de marché est désormais une dimen-sion incontournable de l’organisation du système de santé allemand. Elledéploie maintenant sa dynamique interne, comme en témoigne le débatrécent sur la réforme du système – axé sur le remplacement, partiel, descotisations sociales par l’impôt et l’effacement de la frontière entre l’assu-rance privée et l’assurance à but non lucratif. Il est certes possible qu’uneréforme « révolutionnaire » du financement de la santé soit finalementremise à une date ultérieure, mais il n’en reste pas moins que de fortespressions sont exercées pour donner encore plus de place à la gouvernanceconcurrentielle dans la gestion de la santé, notamment en créant un marchéunique pour les assureurs privés et à but non lucratif 1.

Un tel marché se convertirait certainement au mode de gestion commercialdéjà adopté par les caisses d’assurance à but non lucratif, qui sont au cœurdu système allemand. À la limite, les caisses cesseraient de fonctionnercomme des organisations hybrides. Les stratégies appliquées dans le sec-teur privé finiraient par déteindre totalement sur les organismes à but nonlucratif, qui appliquent jusqu’à présent des méthodes nettement moinscommerciales. Les caisses consacreraient de plus en plus de moyens pourassurer leur survie sur le marché, au détriment des orientations de santépublique et initiatives favorables aux « mauvais risques ». Si « l’encadre-ment du marché par le corporatisme » (Giaimo, 2002 : 111) était une idéeforce des partisans de la recherche d’un équilibre entre « financement soli-daire » et « gouvernance concurrentielle », la redéfinition des structuresde gouvernance risque fort, à plus long terme, d’affaiblir la volonté et lacapacité des caisses de fonctionner comme des acteurs corporatistes(sociaux), soucieux de l’intérêt public. Il est en tout cas difficile d’imagi-ner des réseaux de compagnies d’assurances à vocation commerciale rem-plir, pour le compte de l’État, des missions de régulation comme le fontactuellement les caisses d’assurance maladie (ou leurs fédérations). De cepoint de vue, le corporatisme social bismarckien pourrait bien rapidementse révéler être une coquille vide.

1 Une telle orientation donnerait naissance à un système similaire au système néerlandais, quisuscite un intérêt croissant en Allemagne. Un marché unique serait compatible avec un finance-ment reposant, en partie, sur des cotisations forfaitaires, à condition que les assureurs continuentà offrir des prestations de plus en plus sur mesure à leur clientèle et puissent vendre librementune partie de leurs plans d’assurance santé. Des cotisations forfaitaires simplifieraient les règlesdu jeu du marché, notamment parce qu’elles mettraient, symboliquement, les assureurs sur unpied d’égalité, à charge pour eux ensuite de définir leurs propres stratégies commerciales. Laquestion de savoir si cela garantirait l’équité de l’offre de soins est cependant plus sujette à caution.

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