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Rein Fistule rénoduodénale. À propos d’un cas Renoduodenal fistula. One case report R. Rabii *, M. Benjelloun, A. Benlemlih, H. Guessous, K. Skali, H. Fekak, M. El Mrini, S. Benjelloun Service d’urologie, centre hospitalier Ibn Rochd, 26, rue de Rome, angle rue d’Amsterdam, résidence Rime, Casablanca, Maroc Reçu le 7 janvier 2002 ; accepté le 13 mars 2002 Résumé La fistule entre le rein et le duodénum est rare. Elle survient en général sur rein pyonéphrotique. Nous rapportons un cas de fistule rénoduodénale de découverte peropératoire chez un homme de 41 ans néphrectomisé, en sous-capsulaire pour une pyonéphrose droite sur lithiase pyélique. Le traitement était fondé sur le drainage seul sans suture duodénale. À travers une revue de littérature, nous discuterons les aspects diagnostiques et thérapeutiques de cette complication exceptionnelle. © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Abstract The fistula between kidney and duodenum is rare. It occurs mostly in case of pyonephrotic kidney. The authors report one case of renoduodenal fistula, discovered peroperatively in 41 years old man who underwent a subcapsular nephrectomy for right pyonephrosis upon pelvic lithiasis. Through a review of literature, the authors discuss diagnostic aspects of this complication. © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Mots clés : Duodénum ; Fistule ; Rein Keywords: Duodenum; Fistula; Kidney 1. Introduction La fistule rénoduodénale est une pathologie rare. Elle est le plus souvent secondaire à une pyonéphrose. La symptoma- tologie est en général non spécifique. Le diagnostic est sou- vent rapporté par l’imagerie. À travers un cas rapporté par les auteurs et une revue de la littérature, nous discuterons les aspects diagnostiques et thérapeutiques de cette complica- tion. 2. Observation Monsieur L.S, âgé de 41 ans, sans antécédents pathologi- ques particuliers, présentant depuis 1 an des épisodes de coliques néphrétiques droites fébriles avec pyurie, sans hé- maturie, consulte pour des douleurs du flanc droit avec fièvre à 39 °C, pyurie et altération de l’état général, évoluant depuis 2 jours. L’examen clinique a objectivé un contact lombaire droit douloureux, avec des conjonctives légèrement décolo- rées et altération de l’état général. L’échographie a montré un rein droit siège d’une lithiase pyélique, avec dilatation des voies excrétrices à contenu échogène et réduction de l’index cortical évoquant une pyo- néphrose (Fig. 1). Le rein gauche était normal. La tomoden- sitométrie (TDM) objective un aspect de pyonéphrose droite. Le bilan biologique révèle une vitesse de sédimentation (VS) accélérée à 95 mm la première heure, avec une hy- perleucocytose à 14 000 à prédominance polynucléaire neu- trophile. L’examen cytobactériologique des urines (ECBU) * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Rabii). Annales d’urologie 37 (2003) 90–92 www.elsevier.com/locate/anndur © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. DOI: 1 0 . 1 0 1 6 / S 0 0 0 3 - 4 4 0 1 ( 0 3 ) 0 0 0 3 3 - 0

Fistule rénoduodénale. À propos d’un cas

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Rein

Fistule rénoduodénale. À propos d’un cas

Renoduodenal fistula. One case report

R. Rabii *, M. Benjelloun, A. Benlemlih, H. Guessous, K. Skali,H. Fekak, M. El Mrini, S. Benjelloun

Service d’urologie, centre hospitalier Ibn Rochd, 26, rue de Rome, angle rue d’Amsterdam, résidence Rime, Casablanca, Maroc

Reçu le 7 janvier 2002 ; accepté le 13 mars 2002

Résumé

La fistule entre le rein et le duodénum est rare. Elle survient en général sur rein pyonéphrotique. Nous rapportons un cas de fistulerénoduodénale de découverte peropératoire chez un homme de 41 ans néphrectomisé, en sous-capsulaire pour une pyonéphrose droite surlithiase pyélique. Le traitement était fondé sur le drainage seul sans suture duodénale. À travers une revue de littérature, nous discuterons lesaspects diagnostiques et thérapeutiques de cette complication exceptionnelle.

© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.

Abstract

The fistula between kidney and duodenum is rare. It occurs mostly in case of pyonephrotic kidney. The authors report one case ofrenoduodenal fistula, discovered peroperatively in 41 years old man who underwent a subcapsular nephrectomy for right pyonephrosis uponpelvic lithiasis. Through a review of literature, the authors discuss diagnostic aspects of this complication.

© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.

Mots clés : Duodénum ; Fistule ; Rein

Keywords: Duodenum; Fistula; Kidney

1. Introduction

La fistule rénoduodénale est une pathologie rare. Elle estle plus souvent secondaire à une pyonéphrose. La symptoma-tologie est en général non spécifique. Le diagnostic est sou-vent rapporté par l’imagerie. À travers un cas rapporté par lesauteurs et une revue de la littérature, nous discuterons lesaspects diagnostiques et thérapeutiques de cette complica-tion.

2. Observation

Monsieur L.S, âgé de 41 ans, sans antécédents pathologi-ques particuliers, présentant depuis 1 an des épisodes de

coliques néphrétiques droites fébriles avec pyurie, sans hé-maturie, consulte pour des douleurs du flanc droit avec fièvreà 39 °C, pyurie et altération de l’état général, évoluant depuis2 jours. L’examen clinique a objectivé un contact lombairedroit douloureux, avec des conjonctives légèrement décolo-rées et altération de l’état général.

L’échographie a montré un rein droit siège d’une lithiasepyélique, avec dilatation des voies excrétrices à contenuéchogène et réduction de l’index cortical évoquant une pyo-néphrose (Fig. 1). Le rein gauche était normal. La tomoden-sitométrie (TDM) objective un aspect de pyonéphrose droite.

Le bilan biologique révèle une vitesse de sédimentation(VS) accélérée à 95 mm la première heure, avec une hy-perleucocytose à 14 000 à prédominance polynucléaire neu-trophile. L’examen cytobactériologique des urines (ECBU)

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (R. Rabii).

Annales d’urologie 37 (2003) 90–92

www.elsevier.com/locate/anndur

© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.DOI: 1 0 . 1 0 1 6 / S 0 0 0 3 - 4 4 0 1 ( 0 3 ) 0 0 0 3 3 - 0

était positif à l’Escherichia coli. L’exploration chirurgicalerévèle un rein détruit contenant des micro-abcès associés àun abcès du psoas droit. Une néphrectomie droite sous-capsulaire a été décidée avec drainage de l’abcès du psoas.En début de dissection, on découvre une fistule rénoduodé-nale colmatée par l’ inflammation et l’œdème local. La fistuleétait au niveau du 2e duodénum de 5 mm de diamètre environavec issue d’air. Après néphrectomie sous-scapulaire, on adécidéde respecter cette fistule qui était dirigée et drainée parle redon. L’ intervention s’est achevée par la mise en placed’une sonde gastrique qui a été maintenue pendant 5 joursavec alimentation parentérale stricte, encadrée par une sur-veillance clinique (examen abdominal et la prise de la tem-pérature) et échographique. Les suites opératoires ont étémarquées par un redon qui donnait jusqu’à 1 l/j les 3 premiersjours. L’alimentation fut reprise à j6, le redon n’a été enlevéqu’à j10 du postopératoire, après son tarissement. Parailleurs, les suites opératoires à court et à moyen termeétaient sans particularité. Le contrôle par une opacificationœsogastroduodénale à la gastrographine s’est révélé normalsans image de fistule duodénale ni d’extravasation (Fig. 2).Les résultats histopathologiques de la pièce opératoireétaient en faveur d’une pyonéphrose sur pyélonéphrite chro-nique préexistante.

3. Discussion

Les fistules entre le rein et le duodénum sont rares etinhabituelles [1,2]. La majorité des fistules issues des voiesurinaires s’organisent àpartir de la vessie vers le tube digestifou vers les organes génitaux internes. Les fistules rénocoli-ques restent plus fréquentes et évoluent le plus souvent àpartir d’un rein pelvien [1,3]. L’organisation de la fistulerénoduodénale peut se faire soit du calice, soit du bassinet[2,4,5]. Elle peut être spontanée [1] ou iatrogène [6]. Ellessont souvent secondaires à une pyonéphrose dans 80 % descas. L’étiologie lithiasique rénale ou urétérale a étéretrouvéedans 65 % des cas [7–10]. Ces fistules peuvent s’organiseraussi sur une pyélonéphrite gravidique [2] ; sur un drain denéphrostomie porté au long cours en général au-delà de120 jours [2,11] ; sur une perforation des voies excrétriceslors d’un cathétérisme urétéral [12,13] ou sur tuberculoseurogénitale. Sur le plan clinique, la symptomatologie est nonspécifique, on retrouve plutôt des douleurs du flanc, avecfièvre et pyurie, voire nausées et diarrhées. Une masse palpa-ble a étéretrouvée en général dans 40 % des cas [13]. Bahn etal. rapportent un cas d’ iléus secondaire àune migration d’uncalcul au niveau duodénal [14].

Radiologiquement, on objective à l’échographie et sur laTDM l’aspect classique de la pyonéphrose : dilatation desvoies excrétrices àcontenu échogène et dense, avec un indexcortical réduit. Par ailleurs, la présence d’air en intrarénalreste assez significative [3,15,16]. L’analyse du rein contro-latéral est impérative. Le diagnostic des fistules rénoduodé-nales est souvent accompli par l’apport des techniques radio-logiques. Ainsi, l’urétéropyélographie rétrograde reste trèsfiable comme moyen de diagnostic (60 % de cas positifs) [1].La fistule rénoduodénale peut également être révélée par letransit œsogastroduodénal dans 18 % des cas et par l’urogra-phie intraveineuse dans 14 % des cas [7].

Fig. 1. Aspect échographique d’une pyonéphrose.

Fig. 2. Transit œsogastroduodénal à la gastrographine de contrôle ne mon-trant pas d’extravasation.

91R. Rabii et al. / Annales d’urologie 37 (2003) 90–92

Sur le plan biologique, l’ECBU reste positif dans 60 % descas, alors que l’analyse de l’amylase dans les urines peut êtresignificative dans certains cas [1,6].

L’ instauration, sur le plan thérapeutique, d’une antibiothé-rapie par voie intraveineuse, reste systématique et impérative[5,13]. Pour le traitement étiologique, les auteurs ne sont pasunanimes sur la conduite thérapeutique. Il y a ceux qui sontpour un traitement conservateur : néphrostomie percutanée etdrainage [9,17] ; d’autres sont pour un traitement radical quicomporte une néphrectomie avec suture duodénale d’embléeou après échec du traitement conservateur [2,13]. Dans notrecas, la découverte de la fistule était en peropératoire et nousavons préféré une néphrectomie sous-capsulaire avec drai-nage de la fistule sans suture duodénale vu le contexte desuppuration locorégionale et le risque de lâchage de suturesquasiment certain. Par ailleurs, la voie rétropéritonéale resteidéale pour la néphrectomie, afin d’éviter tout ensemence-ment bactérien en intrapéritonéal [3,18].

L’évolution en matière de fistule rénoduodénale est sou-vent favorable, dans la mesure où le diagnostic est précoce,où l’ instauration d’une thérapeutique adaptée est efficace [1].Par ailleurs, l’évolution peut être fatale avec extension del’ infection au-delàdu rein voire un état septicémique [18,19].

4. Conclusion

Les fistules rénoduodénales sont rares. Leur diagnosticrepose sur la clinique et surtout sur l’apport des techniquesradiologiques. Le traitement peut être radical par unenéphrectomie avec ou sans suture duodénale ou conservateurpar un drainage par une néphrostomie percutanée. L’évolu-tion reste toutefois favorable.

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