FITAS Rachida Apres Soutenance

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  • Rpublique Algrienne Dmocratique et Populaire Ministre de lEnseignement Suprieur et de la Recherche Scientifique

    Universit Mouloud Mammeri-Tizi-Ouzou Facult des Lettres et des Langues

    Dpartement de Langue et Culture Amazighes

    Mmoire de Magister Spcialit : Langue et Culture Amazighes

    Option : Littrature amazighe

    Prpar par : FITAS Rachida

    Sujet

    Tentative dapproche du fonctionnement de la mtaphore dans luvre potique de Matoub Louns

    Membres du jury : - M. DJELLAOUI Mhemmed, MCA, Universit de Bouira, (Prsident) - M. SALHI Mohand Akli, MCA, Universit Mouloud Mammeri, Tizi-Ouzou, (Rapporteur) - M. HADDADOU Mohand Akli, Professeur, Universit Mouloud Mammeri, Tizi Ouzou, (Examinateur) - M. IMARAZENE Moussa, MCA, Universit Mouloud Mammeri, Tizi Ouzou, (Examinateur)

    Date de soutenance : 15/12/2011

  • REMERCIMENTS

    Je suis trs reconnaissante toutes les personnes qui mont aide de

    prs ou de loin mener terme la prsente recherche. Quelles mexcusent de

    ne pouvoir les nommer toutes et quelles trouvent ici lexpression de ma

    profonde gratitude et de mes remerciements les plus chaleureux.

    Je tiens remercier M. Mohand Akli SALHI qui a accept de diriger ma

    recherche et lassurer de toute ma gratitude, sans ses tmoignages

    constamment renouvels de confiance et son soutien indfectible, ce travail

    naurait sans doute pas vu le jour. Je le remercie pour lintrt quil a port

    mon travail et pour ses conseils prcieux.

    Je souhaite galement remercier M. Ramdane ACHOUR pour avoir

    manifest sa disponibilit toutes les fois o je lai sollicit, pour son aide

    amicale et pour ses orientations qui nont t trs bnfiques.

    Enfin, tout tmoignage de reconnaissance apparat drisoire en

    comparaison de limmensit de ma dette lgard de celui qui partage ma vie.

    Rien naurait t possible sans sa comprhension, sa patience et son soutien

    moral.

    Rachida

  • DEDICACES Je ddie ce modeste travail ma famille, mes enfants, mes amis

    pour leur aimable sollicitude et de manire particulire ma mre dont les

    encouragements mont t dun rconfort prcieux.

    Je tiens rendre un respectueux hommage aux militants de la cause

    berbre et de manire particulire LOUNES MATOUB qui a t, bien des

    titres un modle pour moi.

    Rachida

  • Abrviations Ca : comparant

    C : compar

    Sa : signifiant

    S : signifi

  • 6

    Depuis une dcennie, la critique et les ouvrages consacrs la posie de

    Matoub Louns abordent ses textes plutt au niveau transcendant. Plusieurs livres retracent sa

    biographie. Des articles de presse mettent souvent laccent sur le plan thmatique. Lintrt

    est particulirement port sur son combat identitaire, sa rvolte contre linjustice, son

    militantisme pour la dmocratie

    Par ailleurs, bien que certaines publications et rflexions journalistiques apprcient

    son uvre, tant pour lexpression raffine que pour la manire dont elle est agence et aient

    mentionn sommairement lusage rcurrent des figures de style dans les textes potiques de

    Matoub Louns, lanalyse stylistique reste rarement aborde.

    Pourtant, le rpertoire de Matoub Louns abonde de figures de style. Lart de dire

    se manifeste essentiellement dans llaboration dune varit dimages mtaphoriques.

    Problmatique et hypothse

    A travers ce travail, nous nous proposons dtudier le fonctionnement de la mtaphore

    dans la posie de Matoub Louns. Il sagit en fait dexaminer les procds de cration

    esthtique des mtaphores pour laborer une typologie de celles-ci suivant des critres que

    nous aurons tablis. Il est aussi question de relever les isotopies mtaphoriques dominantes,

    de voir quelles seraient les types de mtaphores qui vhiculent chaque classe isotopique et

    sil n y aurait pas une corrlation entre lexpression mtaphorique et les tapes de

    composition du pote-chanteur en rapport avec sa discographie.

    Lhypothse de notre travail est la suivante : la structure des images mtaphoriques

    de la posie de Matoub Louns rvlerait une diversit typologique. Ces images constituent

    diverses isotopies qui seraient en relation avec les tapes de cration du pote-chanteur lies

    sa discographie et avec les diffrents types de mtaphores.

    Justification du choix du thme

    La posie matoubienne est dote dune expression potique particulire. La

    constance rhtorique se caractrise par loriginalit que, dailleurs, lui-mme revendique.

    Adopter les formules dj prouves en posie ne me tente pas. Je ne suis pas fais (sic) pour

  • 7

    du prt penser []. Crer, inventer, rompre avec la tradition, voil pour moi lobjectif

    atteindre. Ouvrir les portes dun langage nouveau, nest-ce pas le plus prcieux des dons ? ,

    affirme t-il lors dun entretien ralis avec L. Alioui (1999 : 41). L, senracine la motivation

    de notre choix pour ce thme. Nous pensons que luvre potique de Matoub Louns mrite

    une tude des procds stylistiques au niveau rhtorique, particulirement les mtaphores car,

    en plus de leur densit et de leur diversit, la singularit et loriginalit constituent leur signe

    distinctif.

    Prsentation du corpus

    Nous avons tabli notre corpus partir de lensemble des chansons dites de

    Matoub Louns. Par souci de prcision, nous nous sommes rfrs, en plus du livre Matoub

    Louns, tafat n wur$u (2004), recueil des textes chants de Matoub Louns que nous avons

    nous-mme constitu, dont le volume II (qui comprend le reste des textes) est en cours

    ddition, lanthologie de Y. Seddiki (2003) et M. Loukad (1999) pour noter les

    diffrentes variantes. Le rpertoire de Matoub Louns (1978-1998) contient au total 218

    chansons, rparties en 32 albums. Le nombre de chansons compris dans chaque album varie ;

    chaque album contient au moins 5 chansons. De lensemble de ses textes chants, nous avons

    relev toutes les mtaphores que nous avons pu dceler, car, il faut dire quil y aurait sans nul

    doute des mtaphores qui nous ont chappes. Ce sont, en fait ces mtaphores l qui

    constituent notre corpus pour les besoins de notre tude.

    Elments mthodologiques

    Nous inscrivons notre recherche dans le cadre de la stylistique, nous nous pencherons

    exclusivement sur le niveau danalyse qui traite les figures de style. Notre dmarche est

    pratique elle vise mettre en valeur les ressources linguistiques ainsi que les procds et les

    motifs stylistiques mis en uvre par le pote-chanteur Matoub Louns dans la production de

    ses mtaphores. En dautres termes, lobjectif fondamental de la prsente tude consiste

    mettre en lumire les proprits dun corpus de mtaphores kabyles, celui de Matoub Louns.

    Le premier chapitre de ce travail prsentera de manire succincte le domaine de la

    stylistique.

    Le deuxime chapitre sera particulirement rserv la prsentation des figures de

    style. Il sera question daborder notamment les figures de sens (les tropes) rparties en deux

  • Introduction gnrale

  • 8

    ples : le ple mtaphorique et le ple mtonymique, nous adopterons une dmarche

    descriptive pour la prsentation de lexamen du mcanisme des diffrentes figures des deux

    ples qui seront soumis leur tour une mise en prsence pour mettre en relief les spcificits

    de chaque ple.

    Il est important de souligner que le premier et le deuxime chapitre ne constituent

    quune base thorique et mthodologique ncessaire pour aborder les deux derniers chapitres.

    Le troisime chapitre portera sur la prsentation du pote et de son uvre. Ce chapitre

    nous permettra darticuler un point essentiel dans le cinquime chapitre, il sagit de situer la

    thmatique des mtaphores sur laxe chronologique. Ce troisime chapitre contient aussi un

    bref aperu sur ce qui est publi sur le pote-chanteur Matoub Louns.

    Le quatrime chapitre traitera les diffrentes mtaphores releves du rpertoire

    matoubien. Une typologie des mtaphores sera, en fait, dgage en nous basant sur la

    description et ltude syntaxique des constituants de lnonc mtaphorique. Nous adoptons

    lapproche syntaxique parce quil est plus ais de reconnatre un nonc mtaphorique et den

    vrifier sa structure syntaxique.

    Le cinquime et dernier chapitre sera consacr aux isotopies des mtaphores dans

    luvre de Matoub Louns. Notre objectif est darticuler les isotopies avec les types de

    mtaphores dgages et avec lhistorique du rpertoire.

    En dernier, une conclusion gnrale rappellera de manire synthtique les points

    importants de lensemble du travail. De mme, un rsum en kabyle retracera brivement les

    diffrents points traits dans notre recherche. Sajoute cela une annexe qui comprend une

    liste de mtaphores dates.

  • Chapitre I

    La stylistique et son domaine

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    Introduction Retracer, dans une saisie gnrale, le cheminement proprement thorique de la

    stylistique est ncessaire pour mieux comprendre les perspectives de cette discipline. Ce

    chapitre sera centr sur la stylistique, cadre gnral dans lequel sinscrit notre recherche. Nous

    aborderons la stylistique au croisement de la stylistique de la langue qui cherche mettre au

    jour les variations possibles lintrieur du code propre de la langue et de la stylistique

    littraire qui tudie lensemble des phnomnes spcifiques de la parole littraire.

    Dans cette perspective, le chapitre prsentera un panorama des pratiques qui ont

    construit la stylistique, ceci, travers une perception linaire: de la stylistique de Ch. Bally

    la mouvance structuraliste jackobsonienne. Tout dabord, ce chapitre prendra en compte le

    signe particulier de la stylistique: elle emprunte dans une large mesure ses outils danalyse

    aux autres disciplines, telles que la lexicologie, lnonciation, la rhtorique, la pragmatique et

    la smiotique. Une fois le rapport de la stylistique avec ces disciplines abord nous

    prsenterons les diffrentes perspectives selon lesquelles peut tre envisag un texte littraire

    dans le cadre dune analyse stylistique, il sagit de trois niveaux distincts: le niveau potique,

    le niveau esthtique et le niveau neutre. Enfin, nous exposerons succinctement les diffrents

    procds de lanalyse stylistique : lorganisation textuelle, les procds nonciatifs, les

    constituants syntaxiques, les procds lexicaux et les figures de style.

    1. Dfinition de la stylistique Il faut relever demble lintgration de la stylistique la rhtorique. La stylistique

    est une rhtorique moderne. , crit P. Guiraud (1972 :7). Son mergence est due, pour ainsi

    dire, au dclin de la rhtorique. O. Ducrot et T. Todorov (1972 :376) estiment quelle occupe

    le domaine de lancienne elocutio 1

    J. Molinio et J. Gardes-Tamine (1992 :16) se situent, leur tour, dans la mme

    optique, La stylistique se prsente, ds sa naissance, comme le substitut de la rhtorique

    mais ils prcisent quau lieu de se tourner vers ltude des registres et des formes codifies du

    1 Lelocutio est la partie de la rhtorique qui soccupe du choix de larrangement des mots. Llocution enseignait avant tout lusage des tropes et des figures. Il est vrai que llocution des anciens et la stylistique des modernes ne sont pas entirement coextensives. Nanmoins le noyau commun de ces deux disciplines, constitu par des tropes tels que la mtaphore et la mtonymie ainsi que par des figures telles que lanaphore et lnumration, est assez fort et solide pour ne laisser planer aucun doute sur la parent historique qui relie, du moins grosso modo, lelocutio la stylistique. G. Molini et P. Cahn (1994 : 339).

  • 11

    langage, elle se fonde sur le double prsuppos de la singularit du langage individuel (chacun

    a son style) et de sa valeur avant tout expressive et affective. Ces postulats se dgagent

    lentement et se dessinent nettement avec les auteurs, comme Ch. Bally, M. Cressot et

    L. Spitzer, fondateurs de la discipline.

    Au dbut du XXe sicle, apparat la premire systmatisation de la stylistique dans le

    Trait de stylistique franaise de Ch. Bally, prcd du Prcis de stylistique dans lequel

    lauteur a bauch les premiers principes de sa thorie. La stylistique est conue comme

    ltude des faits dexpression du langage organis au point de vue de leur contenu affectif,

    c'est--dire lexpression des faits de la sensibilit par le langage et laction des faits de

    langage sur la sensibilit. Ch. Bally (1959 : 16).

    La stylistique de Ch. Bally est avant tout descriptive, elle a pour ambition de recenser

    les ressources stylistiques de la langue qui possde, selon lui, des moyens divers pour

    exprimer la mme notion, cest la stylistique de lexpression, elle tudie les valeurs

    expressives et impressives propres aux diffrents moyens dexpression dont dispose la

    langue ; ces valeurs sont lies lexistence des variantes stylistiques, c'est--dire les

    diffrentes formes pour exprimer une mme ide. P. Guiraud (1972 :43).

    De surcrot, chaque procd dexpression est cens produire un effet sur le rcepteur,

    cest la stylistique des effets. Ch. Bally considre que, dans la langue, toute ide se ralise

    dans une situation affective. Quand, par exemple, japprends la disparition de

    quelquun, je mcrie : Le pauvre ! , il y a deux faits stylistiques dans cette expression :

    une exclamation et une ellipse ; la stylistique, selon la conception de Ch. Bally, constate que

    lexclamation et lellipse sont des moyens dexprimer une motion dont le contexte indique

    quil sagit ici de la compassion. La tche de la stylistique est donc de mettre au jour les

    lments affectifs, et den tudier la valeur. G. Molini (1989 :19) explique que la mthode de

    Ch. Bally2:

    dcrypte des dterminations verbales isolables sur des segments de discours,

    classables en vastes catgories formelles : ce sont des procds ; ces procds sont considrs

    comme crant une impression particulire sur le rcepteur : un effet. On peut faire de la

    stylistique en tudiant soit un ou des procds, soit un ou des effets : effet de tendresse, ou

    2 Pour la mthode de Ch. Bally, voir le rsum de G. Molini (1989 :15-16).

  • 12

    dintensit, ou dimpressiondans tel ou tel ensemble discursif. Ltude consistera ds lors

    rpertorier tous les passages porteurs de cette inflexion deffet, et en dmontrer les procds

    stylistiques constitutifs.

    Ch. Bally oriente donc sa recherche vers ltude des moyens expressifs dont dispose

    une langue et des marques de laffectivit commune tous les usagers. Il entreprend faire

    dcouvrir, dfinir et classer ces faits de langue. Il exclut du domaine de la stylistique

    lexpression littraire. Il fonde une stylistique de la langue dnude de toute proccupation

    littraire et limine toute considration du style comme emploi individuel et restreint, ainsi, le

    champ de son tude la langue commune, parle et spontane3 lexclusion de toutes ses

    formes littraires car le littrateur fait de la langue un emploi volontaire et conscient dit-il,

    Ch. Bally (1951 : 24). Mais il na pas trac entre sa stylistique et la stylistique littraire de

    ligne de dmarcation tanche, il laisse une brche ouverte sur la possibilit dune stylistique

    littraire qui sera exploite par ses successeurs J. Marouzeau4 et M. Cressot (1947) qui

    intgrent la littrature dans le champ dtude de la stylistique.

    A la diffrence de Ch. Bally, J. Marouzeau et M. Cressot, eux, fondent une stylistique

    qui a pour objet ltude de la langue crite et de la littrature et non de la langue parle.

    Notre tche, crit M. Cressot (1996 : 16), est dinterprter le choix fait par lusager dans

    tous les compartiments de la langue en vue dassurer sa communication le maximum

    defficacit.

    En affirmant que la stylistique est ltude des choix des formes dexpression puises

    dans la langue, le mot choix devient le pivot de la thorie stylistique. Loeuvre littraire est

    alors lobjet par excellence de la stylistique parce que, justement, le choix y est plus

    volontaire et plus conscient .

    Luvre littraire est pour M. Cressot (idem : 16) une communication, et toute

    lesthtique quy fait rentrer lcrivain nest en dfinitive quun moyen de gagner plus

    3 Ch. Bally distingue entre trois registres : la langue ordinaire, elle correspond la langue parle et spontane, cest le langage de tout le monde dans son usage quotidien ; la langue littraire, elle correspond ce que Roland Barthes nomme lcriture, c'est--dire une forme dexpression plus ou moins fige, plus ou moins impose par la tradition et par lpoque dans laquelle se situe lcrivain ; et le style qui se caractrise par sa singularit et par la capacit renouveler la langue littraire. K. Cogard (2001 : 30-33). 4 Prcis de stylistique franaise, Masson, 1941.

  • 13

    srement ladhsion du lecteur, en dautres termes, dans le matriel que nous offre le systme

    gnral de la langue, nous oprons un choix, non seulement daprs la conscience que nous

    avons de ce systme, mais aussi daprs la conscience que nous supposons quen a le

    destinataire de lnonc M. Cressot (1996 :15).

    Dans cette ligne, L. Spitzer5 se donne pour projet ltude du style individuel des

    crivains, pour lui, la stylistique a clairement pour objet luvre littraire mais sans

    abandonner la linguistique. Il la plutt rapproche de ltude littraire. En fait, il a concili la

    linguistique et la littrature. Il analyse des uvres dcrivains et en dgage les caractristiques

    stylistiques, L. Spitzer est, en cela, plus un praticien quun thoricien. Il dveloppe une

    mthode immanente, il sagit pour lui de partir du texte lui-mme, il recherche ltymon

    spirituel6, partir dcarts linguistiques rpts par rapport lusage commun de la langue. Il

    sagit de dcouvrir un dtail formel, une particularit verbale, partir de cet tymon spirituel,

    il vrifie dans les textes la rcurrence des mmes carts linguistiques, mais il ne suffit pas de

    reprer les faits de style, il y a lieu aussi den dgager le sens esthtique. La stylistique de

    L. Spitzer est, en cela, interprtative. Lanalyste construit une hypothse7 sous la forme dune

    impression esthtico-psychologique quil vrifie par dautres faits linguistiques pour en tirer

    la conformation que ltymon lui a bien livr la clef de certaines grandes tendances

    stylistiques de lauteur.

    La discipline est nettement recentre sur les uvres littraires, comme le souligne

    G. Molini8 (1989 : 23) Le recentrage sur le champ littraire tant clair et ferme, lobjet de

    cette orientation est bien videmment dtudier un style, ce qui veut dire une manire

    particulire, singulire, propre un auteur, il sagit en fait de dgager des traits correspondant

    une mise en uvre du langage qui relve dune pratique sui generis de lauteur .

    Une autre rvolution sannonce, il sagit de la stylistique structurale. Cest avec le

    structuralisme que saffirme linvestigation structurale linguistique des uvres littraire. Le

    point de dpart est lapplication la littrature des mthodes de lanalyse linguistique pour y

    dtecter, linguistiquement, les conditions verbales du caractre littraire comme littraire, 5 Pour une vision complte de la mthode de L. Spitzer, voir P. Guiraud (1972 :67-71). 6 Principe de cohsion interne de toute uvre, cest le commun dnominateur de tous les dtails de luvre, P. Guiraud (1972 : 68). 7 Cette pratique circulaire entre lhypothse et sa dmonstration a reu le nom de cercle philologique. 8 Nous nous rfrons au livre de cet auteur sur la stylistique en usage excessif en raison de lexhaustivit de son expos et de ses notes concises.

  • 14

    c'est--dire la littrarit. Selon G. Molini (1989 : 36), ce point de vue fonde la stylistique

    comme discipline autonome par son objet spcifique dont les traits essentiels : linguistique et

    littrarit.

    Plus prcisment, la littrarit dont il est question, que lon tente dobserver et

    dexaminer, relve, dans la thorie de R. Jakobson, de lune des fonctions du langage9 quil

    propose disoler : la fonction potique, c'est--dire proprement littraire et esthtique, elle

    affecte le message lui-mme et sapplique sur toutes les formes du discours. La dfinition de

    la fonction potique repose sur une conception du langage selon laquelle il existe deux

    modes fondamentaux darrangement utiliss dans le comportement verbal : la slection et la

    combinaison. R. Jakobson (1963 : 220). Telle que la dfinie R. Jakobson, elle projette le

    principe dquivalence de laxe de la slection sur laxe de la combinaison.

    R. Jakobson a mis en pratique ses vues avec lanalyse de les chats 10 de Ch. Baudelaire, en

    collaboration avec C. Lvi-Strauss. R. Jakobson considre que la valeur potique de ce sonnet

    se trouve dans le systme complexe des nombreuses quivalences quil y dcle. R. Jakobson

    (1973 : 72) explique que Le pome est form de systmes dquivalences qui sembotent

    les uns dans les autres, et qui offrent dans leur ensemble laspect dun systme clos . Ce qui

    veut dire que lanalyse structurale montre que les catgories linguistiques et rhtoriques sont

    distribues dans un texte de faon systmatique. Pour R. Jakobson, la fonction potique est

    diffuse dans tous les aspects linguistiques du texte potique.

    Lapproche structurale recouvre le plus vaste champ dans le domaine stylistique

    mais elle se subdivise en de nombreuses quasi-disciplines connexes. On ninsistera en

    revanche jamais assez sur les grandes questions de toute tude structurale : lidentification du

    fait objectal, et la significativit (la reprsentativit) de ce fait , explique G. Molini

    (1989 :40).

    9 Pour R. Jakobson, toute communication verbale sanalyse comme un message ayant pour auteur un destinateur, qui la cr lintention dun destinataire. Six fonctions sont attaches au systme de la communication linguistique : - fonction motive (ou expressive) : expression du JE du locuteur, c'est--dire la subjectivit de lnonciation ; - fonction conative : tous les lments tendant produire un effet sur le destinataire, orienter sa raction ; - fonction rfrentielle : tous les lments qui renvoient au contexte ou qui ont une pure vise informative ; - fonction phatique : tout lment glosant les termes du message ; - fonction potique : elle affecte le message lui-mme, elle domine videmment lnonc littraire. 10 Voir R. Jakobson (1973 : 401-419), pour ltude du sonnet dans son intgralit.

  • 15

    La stylistique sest trouve la suite de tous ces dveloppements mise au rang dautres

    disciplines, du fait, elle nest pas pense, pour elle-mme, comme discipline autonome, on a

    mme conclu sa mort dans les annes 70 par tels qui croyaient irrmdiable son statut

    ancillaire, prcise G. Molini (1989 :24), alors que cest plutt une diversification quon a

    assist. Cette discipline, comme le constate C. Stolz (1999 :12), sest constitue en ralit plus

    par strates additionnelles que par de vritables ruptures ; du moins, quand rupture il y a eu,

    elles taient progression dans un sens cohrent.

    Lobjet de la stylistique tel quon lapprhende nouvellement, affirme G. Molini

    (1989 :04) est ltude des conditions verbales et formelles de la littrarit. Cette dfinition

    pratique, qui est, en ralit, une conqute la fois mthodologique et objectale, dlimite deux

    matires. Lune est, justement, lobjet de la pratique, c'est--dire les textes littraires. A cet

    gard, le texte sanalyse comme discours produit et reu. Lautre stipule les moyens

    dinvestigation utiliss : il sagit de procder lexamen systmatique, tous azimuts , et

    exclusif, des dterminations langagires de cette littrarit. De ce point de vue, la stylistique

    est apparemment, selon G. Molini (ibid. : 23), au croisement des sciences du langage et

    des sciences de la littrature .

    2. Rapport de la stylistique avec dautres disciplines La stylistique emprunte nombre de ses concepts dautres disciplines, telles que la

    lexicologie, la linguistique nonciative, la smiotique et la pragmatique. G. Molini (1989 :4)

    prcise que les concepts emprunts la linguistique pour scruter des faits littraires dans leur

    fonctionnement formel sont avant tout soumis, et adapts cette unique fin.

    2.1. La lexicologie

    Il ne sagit pas pour nous de faire uvre dtude lexicologique mais de prciser

    lutilit de tel ou tel outil linguistique pour la stylistique. En tant que science de lunit de

    dsignation quest le mot, la lexicologie procde des investigations sur les processus de

    rfrence, de dsignation et de signification, cest lapport smantique qui intresse la

    stylistique. Lindication des lments du monde par les mots et leffet de sens produit par

    les outils de liaison constitue la base qui dtermine le contenu informatif dun texte, sur lequel

    se dploie la variation stylistique. crit G. Molini (1989 : 54).

  • 16

    La stylistique emprunte la lexicologie, notamment la mthode des champs11. Selon

    G. Molini (1989 :55-57), il existe divers types de champs, le champ smantique, le champ

    notionnel, on peut parler, par exemple de champ notionnel des sentiments, de la marine, du

    tempsdont on peut relever une somme de mots, ou mme, ventuellement, des

    constructions syntaxiques correspondant cet ensemble souvent classables en sous catgories

    et aussi le champ lexical.

    Un autre type dapproche a contribu aux diverses investigations stylistiques : la lexicologie

    quantitative fonde par Charles Muller et illustr aprs lui par les travaux de Pierre Guiraud,

    de Bernard Qumada et dEtienne Brunet12. Ce sont des recherches fondes sur la statistique

    lexicale. Elles reposent sur des procdures compliques, de nature dabord linguistique puis

    mathmatiques, destines isoler les units, leur identit, leur rapparition et leur frquence

    selon les contextes.

    2.2. La linguistique de lnonciation

    La stylistique emprunte aussi la linguistique de lnonciation qui tudie la

    subjectivit dans le langage : les marques, les conditions, les effets, les enjeux ; c'est--dire les

    dterminations les plus vives du sens G. Molini (1989 : 58). Elle sintresse donc non pas au

    discours produit (lnonc), mais au jeu de sa production. La linguistique de lnonciation

    permet de cerner les traces du sujet producteur du discours, dans le statut des temps, dans la

    hirarchie des dpendances narratives, dans linsertion et le rapport des interventions de

    personnages, et par l mme, cerner le texte comme cration (idem).

    2.3. Lanalyse du discours

    La stylistique sanime aussi travers un autre courant linguistique : lanalyse du

    discours. Le discours nest pas pris ici en tant quil soppose au rcit ; concrtement, affirme

    G. Molini (1989 : 61), discours est pris au sens de pratique langagire dfinie par un genre

    ou un domaine spcifique. Lanalyse du discours soccupe prcisment des relations

    singulires ; le propos consiste dmonter les tenants et les aboutissants de la pratique

    langagire envisage, considre comme un tout.

    Il convient den isoler les constituants informatifs et de les mettre part ; de mesurer les

    lments idologiques et axiologiques, ainsi que largement culturels, en rfrence desquels

    11 Le principal reprsentant de cette mthode est Georges Mator, avec son livre sur Le vocabulaire de la mode, Genve, Droz, 1951, cit par G. Molini (1989). 12 Ces auteurs ont t cits par G. Molini (1989 : 57), rfrencis en note de bas de page.

  • 17

    fonctionne ce discours, dindiquer son orientation leur gard et lenjeu quil reprsentent

    pour la porte dudit discours ; dexaminer les procdures rhtoriques dont se forme son

    argumentation ; dtudier les marques dont se dterminent ses particularits nonciatives

    G. Molini (1989 : 61).

    Le lien avec lobjet de la stylistique est manifeste, ne serait-ce que par le choix des

    principaux produits langagiers soumis lexamen (ibid : 62).

    2.4. La smiotique

    Lentreprise stylistique sclaire aussi la lumire de la smiotique. Il sagit

    dune discipline qui relve largement de la smantique et de la thorie de la signification. On

    admettra G. Molini (1989 : 65) que la smiotique se meut dans la substance du contenu

    et non dans la substance de lexpression. Lanalyse smiotique retient le concept sme13 qui

    est dpendant des conditions relles de communications occurrentes, ce qui installe demble

    la smiotique dans une dimension immdiatement congruente la stylistique. La rflexion

    smiotique retient galement le concept disotopie (smantique) qui est leffet de

    la rcurrence syntagmatique du mme sme. 14. Ce concept disotopie est dune utilit

    extrme et dun emploi trs large en stylistique. Il permet de construire les niveaux de

    significativit dun texte. On voit ainsi se dvelopper une smiotique textuelle qui consiste

    essentiellement en lanalyse des structures de signification des textes (littraires). G. Molini

    (1989 : 67) sen explique ainsi : La smiotique, dans son esprit, sattache aux structures

    fondamentales de la reprsentativit15, cest le stylisticien qui la commente ainsi. La substance

    du contenu16 nest donc pas considre idalement, mais en fonction des formes occurrentes

    possibles, lesquelles ne sont ralisables que dans la forme de lexpression (et aussi, bien sr,

    travers la forme du contenu) : la matire stylistique est donc proche. Et la question de la

    reprsentativit contextuelle est la question de la significativit17 de telle ou telle littrarit .

    13 Le sme est le trait distinctif smantique dun smme (ensemble de smes spcifiques). 14 F. Rastier, Smantique interprtative, PUF, Paris, 1987, cit par G. Molini (1989 : 66). 15 C'est--dire aux reprsentations mentales suscites par le signe dans son contexte. 16 Ce terme dsigne les ides, lhistoire, en un mot le contenu de luvre. C. Stolz (1999 : 12) explique que ce concept soppose deux termes emprunts au philosophe Hjelmslev : la forme de lexpression qui comprend les lments de lcriture relevant de ce que la rhtorique classique appelle llocution et la forme du contenu qui comprend les lments de lcriture relevant des genres (au sens large du terme). 17 C'est--dire de la manire dont se construit pour le lecteur la signification dun texte.

  • 18

    2.5. La stylistique actancielle

    La stylistique emprunte galement la stylistique actancielle. Le texte littraire est

    apprhend comme discours, il est, en fait, saisi comme discours produit par un metteur

    fondamental, responsable de la cration de lnonc-uvre. Cela signifie que la distinction

    rcit-discours au sens benvenistien du mot nest pas pertinente et que la distinction

    nonc-nonciation nest pas davantage utilise, cest uniquement lnonciation (la

    hirarchisation des noncs) qui est tudie. Le discours (littraire) est donc peru par

    rapport deux ples constitutifs : le ple metteur du producteur et le ple rcepteur du

    destinataire souligne G. Molini (1989 :68). Ces deux ples fonctionnels dans lchange

    discursif sont appels actants18. Ils sont analysables en termes de personnes (crivains,

    diteur), des personnages, en tant que parties prenantes dactes de langage ou, au moins,

    puissance de paroles, ces ralits sont reprables dans les systmes personnel et verbal, ainsi

    que dans les reprsentations mtonymiques et dans les personnifications. On peut distinguer

    (idem : 69), selon que se sont des personnages qui parlent ou coutent effectivement ou

    dont on parle, selon quils sont nomms ou non nomms. Souvre tout un programme de

    reprage et catalogage des formes que prennent ces instances, de la manire dont elles

    apparaissent concrtement ou, au contraire, doivent abstraitement sextraire du

    fonctionnement textuel, des relations ventuelles entre ces diffrents modes et telle pratique

    littraire, singulire ou gnrique. Le mme auteur (1989 :77) souligne le rle du rcepteur au

    mme titre que lmetteur ; ainsi, le rcepteur lecteur, puissance conomico-idiologique de

    rception, reprsentant la masse potentielle du march de la lecture, conditionne par sa

    qualit denregistrement la porte de tout le discours textuel et dessine les contours de

    lhorizon culturel dans lequel doit se forger la possibilit de la cration littraire, quant

    lmetteur, il est responsable du programme structural.

    2.6. La pragmatique

    La stylistique emprunte aussi la pragmatique, discipline de la linguistique qui tudie

    le rapport entre la langue et les actes du langage. En fonction de lobjectif de la stylistique,

    G. Molini (1989 : 82) souligne que lon peut admettre la position traditionnelle

    de J. C. Austin19 qui oppose illocutoire perlocutoire : est illocutoire une production de

    paroles vise dinstauration dune situation mondaine et perlocutoire celui qui ralise,

    effectivement, par sa manifestation verbale mme une transformation dans le rel

    18 G. Molini (1989 : 68) tablit un parallle entre ces actants et ceux de la syntaxe de Lucien Tesnire, Elments de syntaxe structurale, qui sont, grammaticalement, les complments du verbe (y compris le sujet) et ceux dans la narrative dAlgerdas-J. Greimas, Smantique structurale (ladjuvant, lopposant, le donateur). 19 Problmes de linguistique gnrale, Paris, Gallimard, 1966.

  • 19

    extra-linguistique, ou lon peut se rallier la radicalisation dAlain Berrendonner20 selon qui

    tout acte de langage, par production de paroles, est, en soit, illocutoire. En ce sens, on peut

    bien considrer toute profration comme illocutoire. Ainsi, lacte verbal caractris comme

    littraire est perlocutoire, ou rien ; la littrarit, crit G. Molini (1989 : 85), cest la

    performativit absolue du langage en fonction potique.

    On peut sans doute admettre lintersection entre la stylistique et la pragmatique,

    mais il sagit bien plus que cela, selon le mme auteur (idem : 83), il sagit dune inflexion et

    dun sens car les figures, du moins pour une bonne partie dentre elles, ne sont interprtables

    que selon une perspective pragmatique. Dans les figures macrostructurales, par exemple, la

    diffrence entre la litote et leuphmisme tient uniquement la dimension pragmatique du

    propos.

    De ce fait, la pragmatique, souligne lauteur (idem : 86), a la mme proccupation que

    la smiotique, celle de la reprsentativit esthtico-culturel du discours littraire,

    c'est--dire la littrarit entendue comme ce qui rvle le caractre le plus spcifiquement

    artistique de lesthtique verbale. Le but de la dmarche est la recherche du caractre littraire

    qui constitue le discours dune uvre littraire.

    3. Les niveaux de lanalyse stylistique En raison de sa recherche de description, danalyse et dinterprtation, lanalyse

    stylistique dun texte littraire peut tre envisage selon trois perspectives distinctes :

    potique, esthtique et neutre. J. Gardes-Tamine (2004 : 65), sinspirant des travaux de

    smiologie de J. Molino, prsente ces trois niveaux danalyse :

    3.1. Le niveau potique

    Le niveau potique envisage la production comme un acte rsultant de facteurs

    sociaux, historiques et psychologiques. Ce niveau prend en compte tout ce qui concerne la

    production du texte tels que le mouvement des ides lpoque o lcrivain a produit, les

    conditions sociales, la biographie, les sentiments, etc.

    20 Elments de pragmatique linguistique, Paris, Minuit, 1981.

  • 20

    3.2. Le niveau esthtique

    Le niveau esthtique concerne le processus de la rception de luvre par un public, ce

    processus de rception est dpendant de lespace et du temps, du fait que nous ne percevons

    pas les textes dune autre poque de la mme faon que les percevait le public dalors parce

    quun grand nombre de rfrences, historiques ou culturelles, nous font dfaut. La

    combinaison de plusieurs lments individuels (humeur, intelligence, sensibilit, etc.) et

    collectifs (apports sociaux et culturels) permettra dinterprter le texte (ou luvre littraire).

    Cest ce niveau que se situe la stylistique de la rception anime par M. Rifaterre qui se

    proccupe dtudier luvre du point de vue du lecteur.

    3.3. Le niveau neutre

    Le niveau neutre concerne le texte lui-mme envisag dans son organisation

    immanente, ce niveau envisage le texte indpendamment de celui qui la cr et de celui qui le

    peroit. Cest en effet ce niveau qui constitue la base des deux autres. Et cest l que se situent

    les analyses structurales qui cherchent dgager les structures dun texte sur tous les plans de

    lanalyse linguistique : phonique, morphosyntaxique, lexical, smantique, rhtorique et

    mtrique.

    Il nest pas inutile de rappeler, ici, que notre perspective de recherche est

    essentiellement tourne vers ce niveau et exclusivement centre sur le plan rhtorique sans

    toutefois carter les autres niveaux, ne serait-ce que parce quils rentrent dans la description

    stylistique.

    4. Les procds de lanalyse stylistique Compte tenu de ce qui vient dtre dit en haut : la stylistique emprunte

    la lexicologie, la linguistique nonciative, la smiotique, et la pragmatique leurs outils

    pour mesurer lutilisation particulire de tel ou tel lment langagier dans un texte donn.

    Lanalyse stylistique dun texte implique lexamen des procds, c'est--dire des faits

    observables dans un texte. J. Molino (1994 :219-220) distingue trois grandes espaces

    doutils danalyse :

    - Les catgories linguistiques : celles-ci sont empruntes soit la grammaire traditionnelle,

    soit la linguistique rcente.

  • 21

    - Les catgories rhtoriques locales : se sont les tropes et les figures (la partie de la

    rhtorique appele locution)

    - Les catgories rhtoriques potico-littraire et linguistique globales : la rhtorique ne se

    limite pas llocution, linvention21 et la disposition22 font intervenir le fond par rapport

    la forme et la macro-structure du discours par rapport ses structures locales. Ce sont ainsi

    toutes les catgories de largumentation et de lorganisation du discours qui peuvent tre

    mises au service de lanalyse stylistique.

    A la lumire de ces trois classes doutils danalyse, B. Buffard-Moret (2004)

    distingue cinq procds.

    4.1. Les procds de lorganisation textuelle

    Ltude dun texte commence par lobservation de sa structure densemble. Il convient

    dexaminer en premier lieu la segmentation du texte de voir la volumtrie, c'est--dire

    la variation de longueur des paragraphes (dans un texte en prose), des strophes (dans un

    pome) ainsi que la progression textuelle.

    4.2. Les procds nonciatifs

    Le texte littraire instaure une situation dnonciation que lon peut examiner pour

    dceler les spcificits de lnonciation littraire : le schma de la communication (auteur et

    lecteur) et la polyphonie nonciative.

    4.3. Les procds syntaxiques

    Analyser un texte cest aussi identifier et interprter les constituants syntaxiques :

    lutilisation du systme verbal (phrase verbale et phrase nominale), lordre des mots dans la

    phrase, la valeur des temps et des aspects verbaux, les modalits dnonciation (interrogative,

    exclamative, usage de la ngation), la structure de la phrase (la parataxe, lhypotaxe). En

    somme, il sagit dtudier lorganisation syntaxique des mots lintrieur dun nonc.

    21 Linvention consiste essentiellement trouver le thme aborder tout en cherchant des arguments pour persuader lauditeur en se fondant sur lethos, c'est--dire limage que donne le locuteur de sa propre personne dans son discours pour accrotre sa crdibilit, sur le pathos, c'est--dire les passions quil suscite (colre, haine, piti ) chez le rcepteur et sur le logos, c'est--dire le rsonnement. 22 La disposition est lorganisation du discours et la mise en forme des arguments.

  • 22

    4.4. Les procds lexicaux

    Il importe galement de sinterroger sur la valeur smantique du mot, en analysant,

    la fois, dans le systme linguistique et en prenant en compte les relations de sens quils

    entretiennent avec dautres termes du cotexte : le signifiant (graphique, phonique), le signifi

    (sme, polysmie, connotation et dnotation), lusage du nologisme et de larchasme, les

    rseaux lexicaux (isotopie, champs lexicaux, champs smantiques) et les registres de langue.

    4.5. Les procds rhtoriques

    Lanalyse dun texte littraire cest aussi ltude des figures de style, les tournures qui

    expriment intentionnellement une ide ou un sentiment grce aux divers moyens phontiques,

    morphologiques, syntaxiques, smantiques ou logiques, dont dispose la langue. On peut

    observer les parties constitutives de la rhtorique. Ce qui fera lobjet du deuxime chapitre.

    Conclusion Ce chapitre a t consacr aux donnes thoriques relatives au domaine de la

    stylistique. Nous avons abord les traits majeurs de la stylistique dans un rapide survol

    historique et prsent les disciplines qui rentrent en rapport avec la stylistique. Nous avons

    enchan sur les diffrents niveaux de lanalyse stylistique pour achever ce chapitre sur les

    procds de lanalyse stylistique dont les procds rhtoriques que nous aborderons dans le

    chapitre suivant.

  • Chapitre II

    Les figures de style Le ple mtaphorique et le ple mtonymique

  • 24

    Introduction Nous avons vu au chapitre prcdent que la stylistique sest dveloppe partir du

    domaine rserv llocution qui rgit larrangement la fois slectif et distributionnel du

    style, pour reprendre une formule de G. Molini (1989 :6). Llocution soccupe, selon

    J. Molino et J. Gardes-Tamine (1992 : 130) des proprits locales du discours et des

    phnomnes en rapport direct avec lexpression linguistique , autrement dit, les figures.

    Ce chapitre souvrira sur cette notion. Une fois la dfinition des figures fournie, nous

    prsenterons les diffrentes figures rparties en quatre catgories. Il nest pas question pour

    nous de reprendre dans leur ensemble les diverses figures rpertories par les traits. En

    revanche, il est fort utile pour les besoins de notre tude de les voquer. Nous avons les

    figures de diction, les figures de construction, les figures de pense et les figures de sens (ou

    les tropes). Nous nous pencherons particulirement sur les tropes, ils se rpartissent en deux

    ples. Le ple mtaphorique et le ple mtonymique. Aprs quoi, nous prsenterons dans un

    premier lieu le ple mtaphorique qui repose particulirement sur la mtaphore, trope par

    ressemblance fond sur une relation danalogie. Il sera question de dcrire le mcanisme

    mtaphorique et de rappeler les diffrentes formes de la mtaphore telles quelles sont dcrites

    dans la tradition, deux formes principales sont distingues, nous avons les mtaphores in

    presentia et les mtaphores in absentia. La comparaison, considre comme une figure de sens

    sans tre un trope, sera inclue dans cette rubrique. Dans un deuxime lieu, nous prsenterons

    le ple mtonymique dont les principales figures sont la mtonymie, classiquement dcrite en

    termes de relation de contigut et la synecdoque figure par inclusion. Une fois les contours de

    la mtonymie cerns, une typologie sera tablie base essentiellement sur le lexique et le lien

    entre entits, ensuite nous aborderons la synecdoque. Nous procderons dans notre dmarche

    par une confrontation dune part, des deux ples et dautre part, des diffrentes figures au sein

    de chaque ple.

    1. Les figures Depuis lantiquit, la tradition rhtorique dfinit les figures comme tant des

    manires de parler loignes de celles qui sont naturelles et ordinaires , G. Genette

    (1966 : 209). Cette conception de la figure repose donc sur le principe dcart ou dun dtour

    de la phrase. Il y a cependant deux principales conceptions dcart, remarque

    G. Dessons (2001 : 123), lune est linguistique, reprsente par rapport une opposition au

  • 25

    sens propre des mots, lautre est sociologique, reprsente par rapport une opposition

    lusage ordinaire du langage.

    Cette conception de double cart est reprise par Quintilien1 Les figures scartent

    [] de la droite ligne des propos et prsentent le mrite manifeste de sloigner de lusage

    courant. et maintenue par P. Fontanier (1977 : 64), sans mme les opposer, Les figures du

    discours sont les traits, les formes ou les tours plus ou moins remarquables et dun effet plus

    ou moins heureux, par lesquels le discours, dans lexpression des ides, des penses ou des

    sentiments, sloignent plus ou moins de ce qui en et t lexpression simple et commune .

    La figure est donc un procd dexpression qui scarte des usages courants et dominants de

    la langue et donne une expression particulire au propos.

    Cet cart, expliquent O. Ducrot et T. Todorov (1972 : 582) est leffet dun art (la

    figure relve dun choix et dune laboration esthtique) qui se concrtise dans la substitution

    de la figure une formulation neutre toujours virtuellement disponible . Mais, en mme

    temps, cette dfinition qui conoit la figure comme cart rvle que rien nest plus commun et

    ordinaire que lusage des figures.

    Dumarsais (1977: 8) signale et critique ce caractre paradoxal de la figure dans son

    trait des tropes : Dailleurs, bien loin que les figures soient des manires de parler

    loignes de celles qui sont naturelles et ordinaires, il ny a rien de si naturel, de si ordinaire et

    de si commun que les figures dans le langage des hommes [] je suis persuad quil se fait

    plus de figures en un seul jour de march la halle, quil ne sen fait en plusieurs jours

    dassembles acadmiques . Ainsi, la figure est un cart par rapport lusage, lequel cart

    est pourtant dans lusage. Dumarsais roriente la dfinition de la figure en tenant compte de

    ce paradoxe. Les figures ont dabord cette proprit gnrale qui convient toutes les

    phrases et tous les assemblages de mots, et qui consiste signifier quelque chose en vertu de

    la construction grammaticale ; mais de plus les expressions figures ont encore une

    modification particulire qui leur est propre, qui fait quon les rduit une espce part

    (idem : 16).

    1 Institution oratoire, II, 13, 11, p72, cit par G. Dessons (2001 : 124).

  • 26

    J. Mazaleyrat et G. Molinio (1989 : 148) affirment quil y a figure dans un discours,

    lorsque leffet de sens produit ne se rduit pas celui qui est normalement engag par le

    simple arrangement lexico-syntaxique de lnonc. , la figure est donc une expression

    dtourne qui joue un rle dterminant dans la littrarit.

    Cependant, les mmes auteurs admettent linterprtation classique selon laquelle la

    figure considre comme ornement (do lappellation fleur de rhtorique par la tradition),

    volontairement plac et aisment amovible, est un moyen dexpression ncessaire et

    invitable par rapport un impossible degr zro2, c'est--dire, comme la seule expression

    adquate son objet. Il y a donc un caractre indispensable de la figure l ou elle est

    employe, pour reprendre les mots de M. Aquien (1993 : 136).

    2. Classement des figures La dtermination des catgories des figures de style a suscit bien des dbats chez les

    thoriciens mais nous choisissons de prsenter celle qui est la plus communment admise,

    suite au classement le plus courant qua propos la tradition rhtorique. Dans le dictionnaire

    de rhtorique, M. Pougeoise (2001 :132-133) distingue quatre grandes catgories3.

    2.1. Les figures de diction

    Elles manifestent le travail sur les signifiants affectant leur combinaison phonique et

    graphique, telles que : laphrse, lapocope et la syncope qui consistent en la chute dun

    lment phonique (phonme(s)) ou graphique (graphme(s)) touchant, respectivement, le

    dbut, la fin (comme dans restau pour restaurant) et le milieu dun mot, ainsi que la

    paronomase, lallitration, lassonance, etc.

    2.2. Les figures de construction

    Elles concernent lorganisation syntaxique du discours qui sattache la manire

    dont les mots sont combins et disposs entre eux dans la phrase. , P. Fontanier (1977 :223).

    Elles peuvent tre fondes sur lhyperbate, le zeugme, linversion, le chiasme, etc.

    2 Selon J. Mazaleyrat et G. Molini (1989 : 95), on conviendra dutiliser cette expression pour qualifier en segment de discours qui, par rapport au contenu du message et de la situation de communication, est dpourvu de marques caractrisantes particulires. 3 Se reporter aux traits pour une vue complte.

  • 27

    2.3. Les figures de sens (appeles galement tropes)

    Elles portent sur le sens des mots, elles sont fondes sur un cart entre le sens propre et

    le sens figur dans la dsignation du rfrent, les principaux tropes sont la mtaphore et la

    mtonymie dont il sera question ultrieurement.

    2.4. Les figures de pense

    Aux contours plus large, les figures de pense portent sur des lments plus gnraux

    de lnonciation. Ce sont des figures indpendantes de lexpression, elles engagent

    fondamentalement la signification globale de lnonc. crit C. Fromilhague (1996 :149).

    Ces figures rsultent doprations portant sur les relations logiques ou sur la valeur de vrit

    de lnonc. souligne M. Pougeoise (2001 :132). Elles sont donc marques par une attitude

    nonciative qui fausse le rapport avec le rfrent : elles permettent ainsi de diminuer et

    dattnuer lexpression par leuphmisme ou la litote qui fait entendre le plus en disant le

    moins. Lhyperbole marque un discours dexagration et damplification. Lironie consiste

    employer une expression dans un sens contraire son sens littral.

    G. Molini4 propose de rpartir les figures dans deux grandes catgories, les figures

    microstructurales et les figures macrostructurales. Les premires portent sur un segment

    dtermin et prcis du discours, se signalent de soi et sont obligatoires pour lacceptabilit

    smantique, elles incluent les figures de diction (ou locution), les figures de construction et

    les tropes, tandis que les figures macrostructurales sont diffuses dans le discours, elles ne sont

    donc pas isolables sur des lments prcis du discours, elles ne se signalent pas demble,

    leur rception dpend alors du contexte dnonciation, elles sorganisent essentiellement

    autour des figures de pense.

    3. Les tropes

    Le terme trope vient du grec tropos qui correspond aux substantifs (tour, conversion,

    changement de direction) drivs du verbe trepo (tourner, transfrer, transporter, modifier).

    Dans lantiquit la dfinition dAristote envisage une opration dans une perspective

    rfrentielle. Le terme lui-mme ne figure pas dans son uvre La potique mais certains des

    4 Nous reprenons la thorie de G. Molini telle quelle apparat dans ses diffrents ouvrages, en loccurrence, Elments de stylistique franaise (1986).

  • 28

    phnomnes quil recouvre se trouvent dcrits sous le nom de mtaphores, souligne B. Meyer

    (1993 : 15).

    Dumarsais (1977 :185) crit : Aristote donne le nom de mtaphore la plupart des

    tropes qui ont aujourdhui des noms particuliers .

    Cest ainsi qu Aristote (1982 :107) affirme : La mtaphore est lapplication dun

    nom impropre par dplacement soit du genre lespce, soit de lespce au genre, soit de

    lespce lespce, soit selon un rapport danalogie.

    B. Meyer (1993 : 15-16) commente la dfinition dAristote en expliquant que le

    transfert dun objet donn (celui auquel le terme est conventionnellement attach) sur un

    terme impropre est fond sur une relation liant lobjet auquel le code assigne le terme

    transfr et lobjet auquel il est appliqu improprement quAristote dsigne par mtaphora.

    Aristote en explicite, dans sa dfinition, quatre relations : la relation qui unit une

    espce son genre, celle qui unit un genre lune de ses espces, celle qui unit une espce

    une autre espce du mme genre et enfin lanalogie unissant deux paires dobjets qui

    entretiennent entre eux un rapport similaire : A tant B ce que C est D.

    La perspective aristotlicienne dveloppe, ct de la conception rfrentielle, une

    conception substitutive du trope (un mot par un autre mot).

    Dans :

    (1) Tesres-d mitin d amdan Elle a dpos deux cents personnes

    Le terme deux cents dsignant proprement un nombre spcifique, dsigne

    improprement lide de grand nombre, gnrique par rapport au nombre deux cents. Deux

    cents est utilis, ici, la place de beaucoup. Le mot impropre remplace donc le mot propre.

    B. Meyer conclut (ibid. : 17) que le mot mtaphora dsigne chez Aristote la fois le

    transfert de dnomination sur fondement de ressemblance et le rsultat de cette opration de

    transfert, savoir la dnomination nouvelle, issue du transfert.

  • 29

    En revanche, le terme trope apparat dans lInstitution oratoire5 Le trope est le

    changement efficace dun mot ou dune expression de sa signification propre en une autre.

    Quintilien sannonce, de ce fait, moins ambigu que son devancier

    Cette dfinition prsente le trope comme un changement de signification. B. Meyer

    (1993 :24) souligne que Quintilien modifie la perspective de son prdcesseur et rejoint au

    point de vue rfrentiel (application dun terme impropre un objet) et dsignatif

    (substitution dun terme un autre) un point de vue smiotique (changement du sens dun

    mot).

    La dfinition de Quintilien du trope transporter une expression de sa signification

    naturelle et principale en une autre a inspir les principaux traits du XVIIIe sicle, tels que

    le Trait des tropes de Dumarsais (1977 : 18) o les tropes sont dfinis comme suit Les

    tropes sont des figures par lesquelles on fait prendre un mot une signification qui nest pas

    prcisment la signification propre ce mot. ainsi que Les figures du discours de

    P. Fontanier (1977 : 261) o le trope est conu comme tant un procd par lequel on

    change le sens dun mot en un autre sens, par lequel on transporte un mot dun premier sens

    en un sens nouveau . P. Fontanier (idem : 279) considre aussi que les tropes sont certains

    sens plus ou moins diffrents du sens primitif et que cest par une nouvelle signification du

    mot que les tropes ont lieu et cest cette nouvelle signification quils tiennent (idem : 77).

    Il dfinit aussi le trope comme tant le fait de prsenter une ide sous le signe dune autre

    ide. (ibidem).

    La conception du trope est pass de la perspective traditionnelle qui considre que le

    trope change la dsignation dun mot, en appliquant ce mot une chose laquelle il ne

    sapplique pas proprement la pense classique selon laquelle le trope change plutt la

    signification dun mot en lui attachant une signification qui nest pas proprement la

    sienne.

    5 Cit par B. Meyer (1993 : 23).

  • 30

    La norhtorique des annes soixante a, quant elle, reconsidr et/ou critiqu les

    positions antrieures et propos des perspectives nouvelles sans toutefois rompre avec la

    conception terminologique encore moins avec la conception dsignative et smiotique.

    Ce faisant, on rencontre la conception terminologique chez M. Le Guern (1973 :23) :

    Le trope se dfinit par un cart paradigmatique : cest le remplacement du terme par un mot

    diffrent, sans que pour autant linterprtation du texte soit nettement diffrente. ou chez les

    auteurs du G (1982), dans une perspective smiotique dans son principe, ils dfinissent le trope, rebaptis mtasmme, comme la substitution dune unit smantique nomme

    smme6 une autre. Dans Rhtorique gnrale du G (1982 : 34) Un mtasmme est une figure qui remplace un smme par un autre .

    Selon cette conception, lopration tropique confre un signifiant (not Sa ) un

    sens nouveau, signifi2 S2 qui remplace le sens habituel, signifi1 S1 .

    Le dictionnaire Le Vocabulaire de la stylistique rend bien compte du glissement du

    sens littral au sens figur, le trope y est dfinit (1989 :365) comme suit : Figure

    microstructurale telle que, dans un segment donn, un signifiant renvoie, non pas son

    signifi habituel, mais un signifi diffrent, gnralement dpourvu de signifiant occurrent

    tant oblitr au profit dune dnotation autre, qui entretient avec la dnotation du terme

    marqu un rapport smantique prcis .

    A travers ces formulations, on voit bien que les tropes sont des procds qui

    permettent doprer un changement dans le sens des mots. Ils reposent donc sur un transfert

    smantique, ils sont dailleurs communment appels figures de sens.

    Dans lexemple (2) ci-dessous, le sens propre de izmawen (lions) renvoie lanimal et

    le sens figur aux hommes valeureux et courageux dont on parle dans lnonc, il sagit des

    6 Le smme pour les auteurs du G correspond ce que le langage ordinaire entend par acception , sens particulier dun mot, B. Meyer (1993 : 43, note de bas de page). M. Le Guern (1973:14) le dfinit comme tant : la manifestation du lexme dans un contexte donn .

  • 31

    joueurs de lquipe de football de JSK. Le signifiant izmawen (lion) renvoie deux signifis :

    S1 (lanimal, au sens propre) et S2 (le cadre dynamique, sens figur) :

    (2) A-t-an kecmen-d yizmawen Les lions viennent dentrer

    On peut reprsenter le mcanisme des dtournements de sens sous forme de ce

    schma :

    Sa S1 : sens propre S2 : sens figur

    On distingue deux mcanismes diffrents dans les tropes. Les deux tropes

    fondamentaux sont la mtaphore (trope par ressemblance fond sur une relation danalogie) et

    la mtonymie (trope par correspondance fond sur une relation de contigut), figure elle-

    mme associe la synecdoque qui repose plutt sur un rapport dinclusion.

    Le changement de sens pour la mtaphore et le changement de rfrence pour la

    mtonymie sont, souligne B. Meyer (1993 :48-49), deux aspects formellement dissociables

    mais de fait indissociables du phnomne tropique, car, lorsque la mtonymie change le

    rfrent ordinaire dun terme, elle fait prendre du mme coup ce terme un sens en discours

    particulier correspondant ce nouveau rfrent et inversement, le changement de sens opr

    par la mtaphore saccompagne automatiquement dun changement de rfrence.

    Nous examinerons, chemin faisant, successivement les deux mcanismes travers le

    ple mtaphorique et le ple mtonymique.

    4. Le ple mtaphorique Le ple mtaphorique dfinit, pour reprendre les termes de J.-J. Robrieux (1993 : 43), le domaine gnral des images , il regroupe lensemble des figures fondes sur une relation

    danalogie : la mtaphore et la comparaison. H. Suhamy (2006 : 29) pense que il est

    lgitime dinclure mtaphores et comparaisons sous une mme rubrique, car la diffrence

    formelle qui les spare ne doit pas faire oublier leur appartenance un mode de perception et

    de pense similaire. Elles forment la catgorie des images .

  • 32

    Bien que ces figures soient rapproches du fait quelles relvent toutes deux du

    domaine de lanalogie, elles diffrent selon le mode de rapprochement des notions mises en

    rapport qui peut tre explicite ou implicite. Nous examinons travers leur description les

    spcificits de chacune dentre elles.

    4.1. La comparaison Dans le Dictionnaire de potique et de rhtorique H. Morier (1975 :218) dfinit la

    comparaison comme tant un rapport de ressemblance entre deux objets dont lun sert

    voquer lautre . Cette dfinition voque le rapprochement dans le discours de deux entits

    prsentant des caractristiques communes, mais il convient de remarquer que la comparaison

    nest figurative que lorsquelle rapproche deux termes nappartenant pas la mme isotopie7.

    Dire de quelquun :

    (3) Yeohed am baba-s Il est fort comme son pre

    nest pas une comparaison figurative puisquelle souligne les similitudes entre deux entits

    appartenant un mme ensemble notionnel dont un sert mesurer lautre. Lindice de

    personne y (le pronom personnel il ) qui renvoie une personne et baba-s (son pre) son

    tous deux des tres humains, ils appartiennent donc au mme systme rfrentiel. Lexemple

    (3) est une comparaison simple que les Anciens distinguent sous le nom de comparatio,

    M. Aquien (1993 : 85). Mais si lon dit :

    (4) Yeohed am wuzzal Il est fort comme du fer

    on fait intervenir une reprsentation mentale trangre llment compar. Le compar

    humain relve dune isotopie diffrente que celle du comparant uzzal (fer), lexemple (4) est

    bien une figure de style. La comparaison figurative est la similitudo des Anciens (idem).

    7 Le terme (en grec, isos gal en nombre, semblable et topos lieu, situation a t introduit en smantique par A. J. Greimas. En matire danalyse stylistique, il dsigne un rseau de signifis beaucoup plus large quun champ smantique, puisquil rassemble toutes les units qui, dans le texte, renvoient, par dnotation, connotation ou analogie un certain domaine de ralit, une certaine totalit de signification (Greimas : 1986). Il faut que les catgories smantiques soient redondantes pour que puisse tre dfinie une isotopie M. Aquien (1993 :161).

  • 33

    Cependant, la comparaison nest pas un trope au mme titre que la mtaphore puisque

    il ny a pas de dtournement de sens , souligne C. Fromilhague (1996 : 123).

    En effet, la comparaison ne change pas le sens des mots, les rfrents du compar et

    du comparant de lexemple (4) ci-dessus gardent chacun son sens propre, ils restent distincts

    et conservent leur autonomie smantique. Il ny a pas de substitution comme dans la

    mtaphore. La comparaison ne dtourne pas une notion de son sens habituel mais rapproche,

    dans un nonc, des termes ou des notions qui sont mis en prsence au moyen dun outil de

    comparaison.

    Selon le Dictionnaire des figures de style (2003 : 84), une comparaison complte

    comprend quatre lments :

    1- le compar, not C

    2- le comparant, not Ca

    3- loutil de comparaison

    4- le point de comparaison

    A partir de ces quatre lments la comparaison tablit une relation de similitude entre

    llment1, le C qui est le thme sur lequel porte la comparaison, c'est--dire le rfrent

    actuel et llment2, le Ca qui reprsente ce quoi on compare le thme, c'est--dire le

    rfrent virtuel qui ne fait pas partie de lunivers de rfrence de lnonc. Ce rapport de

    ressemblance est explicit dans lnonc par un outil de comparaison introduisant la figure

    travers diffrentes structures syntaxiques, qui permet de mettre en valeur une/des

    caractristique(s) commune(s) au C et au Ca qui constitue le point de comparaison. Ce

    dernier lment, appel galement motif, nest pas ncessairement exprim comme le montre

    lexemple suivant :

    (5) Iri-w, ye$leb lemali Je verse des larmes torrentielles/plus quune rivire en crue

    Le point commun au C iri-w (mes yeux en larmes) et au Ca lemali (dbordement

    de la rivire) qui autorise le rapprochement des deux entits htrognes : labondance nest

    pas signal dans lexemple. Quant au trois autres lments, ils sont obligatoirement exprims

    dans la comparaison. Ce point constitue un des traits distinctifs entre les deux figures

    danalogie : la comparaison et la mtaphore.

  • 34

    Comme le fait remarquer Dumarsais (1977 : 114) le rapport de ressemblance est

    dans les termes et non dans lesprit comme cest le cas de la mtaphore. L o la

    comparaison pose un rapport explicite entre le C et le Ca mis en prsence dans lnonc par

    un indicateur explicite (outil de comparaison) et donns comme tels dsignant chacun un

    rfrent autonome, la mtaphore tablit un lien symbolique entre le C et le Ca dont les

    rfrents sont assimils lun lautre par un transfert de signification sans aucun outil de

    comparaison.

    4.1.1. Les outils de comparaison

    Dun point de vue grammatical, la comparaison est introduite par divers outils de

    comparaison. Nous ne prsenterons ici quune numration des diffrents outils de

    comparaison identifis dans la langue kabyle. Il serait erron daffirmer pouvoir en tablir un

    inventaire complet et dtaill.

    4.1.1.1. Les fonctionnels non-propositionnels

    La comparaison peut tre annonce par la prposition am (comme/semblable), bal

    (comme/ressemblant ), comme en tmoignent les exemples suivants :

    (6) Ye$li-d lbael am lehwa Linjustice tombe comme de la pluie

    (7) Tleu cwi-cwi am tweuft Elle marche lentement comme une fourmi

    (8) Bal iij d tziri8 Comme soleil et clair de lune

    4.1.1.2. Les fonctionnels propositionnels

    La comparaison est aussi signale par des connecteurs, tels que : amzun (comme

    si/comme/soi-disant) ou ses variantes zuna, zunik et zunak. Ces conjonctions peuvent tre

    suivies dun verbe :

    (9) Nnif, d nekkni i t-yekksen Amzun iedda deg umehraz

    8 Il sagit l dune expression kabyle : se dit de quelquun de beau. Remarquons toutefois que lnonc est elliptique, le terme yemle/yecbe (il est beau) tant tronqu.

  • 35

    Ur d-iqqim ubruy yefen

    Ce sont nous qui avons dtruit lhonneur Comme sil tait pass dans le mortier Il nen reste rien ou dun nom:

    (10) Mzurbaen amzun d tiwevfin Ils marchent lun derrire lautre comme des fourmis

    (Ils marchent la file indienne)

    Dans ce cas, le nom est toujours prcd de la copule d (auxiliaire de prdication).

    Le fonctionnel propositionnel akken (comme/tel) peut aussi vhiculer une comparaison

    figurative :

    (11) lin-d yi$eblan fell-i akken i d-ye$li yigenni $ef tmurt Les soucis sont tombs sur moi comme est tomb le ciel sur la terre (Les soucis me tombent dessus tel un ciel couvert)

    Lexemple (11) exprime une comparaison de lennui et de la tristesse.

    Loutil comparatif peut galement tre un substitut indfini ayen (ce que) et vhiculer

    une comparaison :

    (12) Si loedd u loedd, Aqbayli Isburr ayen isburr wulli Xas tellsev-t ad yennerni Nnas, ur as-yeaxer

    Depuis plusieurs gnrations, La malveillance chez les Kabyles Est semblable laine des ovins Cela repousse aprs la tonte (13) Ibubb ayen ibubb udrar Il porte sur son dos ce que porte la montagne (Il est accabl de besognes/de soucis) (14) Ayen i yesseble leber i sbele$ Ce que engloutit la mer je lai engloutit (Jai eu tous les ennuis possibles)

    Il faut toutefois signaler que syntaxiquement ayen (ce que) assure la fonction

    dexpansion selon sa position dans la phrase. Ce nominal est expansion directe dans les

  • 36

    exemples (12) et (13), il est antcdent de la relative isburr wulli (les ovins se couvrent) en

    (12) et de la relative ibubb udrar (la montagne porte sur son dos) en (13). Mais

    smantiquement ayen (ce que) exprime suivant le contexte un rapport logico-smantique de

    comparaison. Selon notre conception, la redondance du verbe est lun des critres qui nous

    permet de dire quil sagit dune comparaison.

    4.1.1.3. Les verbes

    La comparaison peut tre aussi exprime laide des verbes, tels que : cbu

    (ressembler), agar/$leb (dpasser/surpasser), ban (paratre) et lexpression fige ad as-tiniv

    (on dirait), en voici quelques exemples :

    (15) Cuba$ s iferr mi ara yekkaw Je ressemble une feuille sche/sche

    (16) Cbi$ loedra yerkan Ugin medden d aser$u

    Je ressemble un tronc darbre pourri Dont les gens ne sen servent mme pas en bois de chauffage

    (17) Ul-im, yeqqur ye$leb tanicca Ton cur est plus dur que le silex

    (18) Yugar tablawt Il dpasse une gourde (Il boit beaucoup) (19) Tban-d d aggur s tqendurt n teslit Elle parat lune avec la robe de marie (Elle est ravissante/belle comme la lune)

    Le verbe ban (paratre) peut se combiner avec un autre outil de comparaison. Ce verbe

    se combine aussi bien avec les fonctionnels non-propositionnels am (comme) dans lexemple

    (20) ci-aprs et bal (ressemblant ) quavec le fonctionnel propositionnel amzun (comme si)

    ainsi que ses variantes:

    (20) Iban-d am yitri Mi akken i d-yuli ibud emmlen akk medden Il parut comme une toile Quand il est mont Iboud ador de tous

  • 37

    La locution verbale ad as-tiniv (on dirait) peut introduire un nom :

    (21) Yeqqur uqerruy-is ad as-tiniv d aru Il a la tte dure on dirait une pierre (Il est entt/obstin)

    ou un verbe :

    (22) Tseqqvev ad as-tiniv tettinitev Tu es gourmant on dirait une femme enceinte

    La comparaison et la mtaphore sont souvent imbriques, cette construction est

    redondante dans luvre potique de Matoub, prenons titre dexemple la strophe suivante :

    (23) Nele$ leb$i-w d ay-iw Anda ur ten-yettaf yiwen Amwanes-nsen, d zzhe-iw Am lekfen icebbe-iten Jai enterr mon dsir et ma raison L o personne ne pourrait les exhumer Ma chance/ma destine leur sert de compagnon Et les ensevelit linstar dun linceul

    C. Dtrie (2001 :75) rsume le mcanisme de la comparaison dans ce passage La

    comparaison est affrontement de deux notions, qui se donne voir tel quel. Les deux notions

    sont maintenues distance, et la fusion des deux est rendue impossible par la syntaxe

    comparative : la comparaison nest ainsi jamais un procd de nomination, cest un procd

    intellectuel qui saffiche comme mise en parallle dlibre (son mode dexpression

    analytique est manifest par des signes de comparaison la fois lexicaux et syntaxiques). Il

    ny a substitution daucune entit fictive dans le processus comparatif, alors que la mtaphore

    permet de construire une nomination nouvelle .

    C. Fromilhague (1996 :122) nonce par ailleurs que la comparaison est analytique et

    prsuppose en principe une volont de clart. La mtaphore est synthtique et donne une

    densit accrue la reprsentation .

    Ces remarques manifestent bien que la comparaison dtaille et explique, ds lors, la

    comparaison nest-elle pas une forme allonge de la mtaphore? Il reste examiner la

    mtaphore proprement dite pour en savoir davantage.

  • 38

    4.2. La mtaphore 4.2.1. Dfinition de la mtaphore

    La mtaphore, du grec mtaphora, transport au sens propre qui vient du verbe

    metaphorein transporter . De meta, marquant le changement et de phora action de

    porter, de se mouvoir , et depuis Aristote, la mtaphore, terme rhtorique signifie

    transposition de sens .

    Aristote (1982 :345) explique ltymologie de la figure qui renvoie lide de

    transport comme suit : La mtaphore consiste transporter le sens dun mot diffrent soit du

    genre lespce, soit de lespce au genre, soit de lespce lespce, soit par analogie .

    Dans son Trait gnral des figures du discours, P. Fontanier (1977 :99) reprend cette

    notion en prcisant que : Les tropes par ressemblance [c'est--dire les mtaphores]

    consistent prsenter une ide sous le signe dune autre ide plus frappante ou plus connue,

    qui, dailleurs, ne tient la premire par aucun autre lien que celui dune certaine conformit

    ou analogie .

    A la lumire de cette prcision, la mtaphore peut tre considre comme tant une

    figure de substitution selon laquelle on remplace un mot normalement attendu par un autre

    mot selon un rapport danalogie. Dans lexemple (24) qui suit, on substitue au champ lexical

    de la vgtation une ralit abstraite : ssber (le courage/la rsignation) en le dtournant de son

    sens habituel :

    (24) Deg yi$ef-im, ssber, u-t Implante le courage en toi (Arme-toi de courage)

    Ce transfert smantique est fond sur une relation analogique selon des traits smiques

    communs aux deux rfrents : la durabilit, la rcolte escompte en consquence de son

    action.

    Tel que laffirme H. Morier (1989 : 690) La mtaphore confronte, sans recourir

    aucun signe comparatif explicite, lobjet dont il est question, le compar, un autre objet, le

    comparant .

  • 39

    La mtaphore ne contient pas les quatre lments qui constituent la comparaison. On

    retrouve le C et le Ca dans une mtaphore in presentia9, ou lun des deux dans une

    mtaphore in absentia ainsi que la proprit commune (exprime dans certains cas) mais

    loutil relationnel est totalement absent. Cest dailleurs sur cet aspect que Quintilien10 fonde

    sa dfinition La mtaphore est, en gnral, une similitude abrge .

    On voit bien quil manque loutil de comparaison dans la mtaphore ci-dessous :

    (25) Ddunit, d lakul La vie est une cole

    Cette figure rapproche deux ralits distinctes ddunit (la vie) et lakul (lcole) en vertu

    dune comparaison qui met en valeur les facteurs communs des deux rfrents :

    lenseignement, lexprience, le savoir, en passant sous silence loutil de lanalogie amzun

    (comme/comme si). On pourrait aisment passer un rapport analogique impliqu par la

    comparaison en ajoutant simplement le mot-outil amzun. Cependant, a ne fonctionne pas

    avec tous les types de figures danalogie. Cette forme abrge ne sapplique qu une forme

    particulire de mtaphore, il sagit de la mtaphore prdicative dont il sera question

    ultrieurement. Nanmoins, observons de plus quen kabyle la forme abrge sarticule

    uniquement avec le connecteur amzun (comme/comme si), autrement, la structure syntaxique

    de la phrase serait affecte.

    Ainsi, la brivet ne constitue pas le trait dcisif marquant la diffrence entre la

    comparaison et la mtaphore, cet aspect ne souligne pas une parent relle entre les deux

    figures. Selon le point de vue de A. Henry11 La comparaison et la mtaphore diffrent dans

    leur essence mme []. Lopration qui les sous-tend toutes deux nest pas identique []. La

    mtaphore nest pas une comparaison elliptique, une variante combinatoire de la

    comparaison. Elle na rien de brevior, rien dabrg, sinon dans lexpression : il faut se garder

    de confondre expression implicite et densit smantique. Comparaison abrge voudrait dire

    que la mtaphore exprime en moins de signes ce que dit la comparaison ; ce nest pas le cas,

    parce que la mtaphore dit autre chose que la comparaison .

    9 On distingue deux formes principales de mtaphores : les mtaphores in presentia et les mtaphores in absentia, nous y reviendrons pour une description morphosyntaxique. 10 Cit par C. Fromilhague (1996 :122). 11 Cit par C. Dtrie (2001 :75).

  • 40

    En effet, la mtaphore opre une fusion de sens, ce qui nest pas le cas pour la

    comparaison dont les deux rfrents restent distincts, rappelons-le, en gardant chacun son sens

    propre. La mtaphore (25) illustre bien une fusion de sens entre lakul (lcole) et ddunit (la

    vie). Cette fusion de sens peut tre dcrite comme une ressemblance par les traits communs

    qui forment une intersection smique impliquant deux termes, plus prcisment deux noms.

    Lassociation se fait sous la forme dune quation prdicative schmatise ainsi : A est B. Il

    sagit en fait de la mtaphore de lespce lespce, lune des quatre mtaphores dsignes

    par la tradition qui remonte Aristote. J. Molino et J. Gardes-Tamine (1992 : 162) prcisent

    que la mtaphore par ressemblance (de lespce lespce) se fonde sur une relation entre

    deux termes, la mtaphore par analogie, quant elle, elle repose sur une relation de relations.

    Rappelons que les deux premires : du genre lespce et de lespce au genre ont t

    appeles ultrieurement synecdoques. Seules les mtaphores de lespce lespce et la

    mtaphore par analogie ou proportion ont retenu le nom de mtaphore.

    Notons aussi que la mtaphore procde un changement smantique entre deux

    signifis appartenant des isotopies diffrentes, contrairement la mtonymie o le transport

    de sens entre les deux signifis seffectue dans la mme isotopie comme nous allons le voir

    dans lanalyse qui lui sera consacre.

    De plus, la mtaphore construit un rapport de similarit qui implique limaginaire.

    La relation danalogie comporte (assez souvent) une part de subjectivit tandis que les figures

    de sens du ple mtonymique repose sur des rapports objectivement prconstruits et

    constatables, fonds sur des associations logiques.

    Selon C. Fromilhague (1995 :60), la mtaphore opre une recatgorisation subjective

    et imaginaire en abolissant les frontires entre les catgories smantiques et rfrentielles que

    notre entendement prsupposait les plus stables. Par exemple, dans le vers cit en exemple

    (24), labstrait est associ au concret : ssber (courage)/u (implanter). Il y a l une

    recatgorisation des rfrents dsigns. Smantiquement, une abstraction est transforme en

    une ralit concrte.

    Dans la mtonymie, la recatgorisation est surtout leffet dune astuce pratique de

    reprsentation en continuit rfrentielle. Dans la mtaphore, elle est dj un projet de

    reprsentation, o il sagit de faire dire quelque chose la recatgorisation comme telle.

  • 41

    Le mcanisme mtaphorique est fond sur un rapport implicite ou explicite entre deux

    signifis. Linguistiquement, la mtaphore est une structure tripartite12, on y distingue les trois

    lments suivants :

    - Le terme mtaphorique qui est le terme mis en relation avec le sujet dont on parle, il

    correspond au S1 quon appelle comparant, phore (veut dire porteur en grec) ou vhicule. Il

    dsigne un rfrent toujours virtuel.

    - Le terme mtaphoris qui est le sujet dont on parle, il correspond au S2 quon appelle

    compar, thme ou teneur. Il dsigne le rfrent actuel.

    - Llment commun aux deux premiers qui est llment ressemblant ou analogue unissant le

    terme mtaphorique et le terme mtaphoris quon appelle motif, mot ou qualit. Cet lment

    est implicite et nest pas toujours exprim, cest au rcepteur de restituer les smes communs

    aux C et au Ca. Il est toutefois dcodable par le contexte culturel et le cotexte immdiat dans

    lequel apparat la mtaphore.

    4.2.2. Les formes de la mtaphore En raison de la structure syntaxique de la mtaphore constitue du C et du Ca, la

    mtaphore se prsente sous diverses formes, en fonction de la prsence ou de labsence des

    lments constitutifs, on en distingue deux formes principales : les mtaphores in presentia et

    les mtaphores in absentia.

    4.2.2.1. La mtaphore in presentia

    On parle de mtaphore in presentia (prsente dans lnonc, en latin) quand le C et le

    Ca sont tous deux prsents dans la phrase. La mtaphore in presentia associe explicitement en

    contexte le C et le Ca. Elle peut se manifester selon diffrents types de construction.

    - construction attributive

    La mtaphore attributive met en relation deux notions par le biais de la copule

    d 13 ayant pour rle syntaxique un auxiliaire de prdication, ce lien grammatical construit de

    pseudo-dfinitions, pour reprendre lexpression de J. Gardes-Tamine (1996 :134).

    Considrons lexemple (26) suivant :

    12 Nous nous sommes rfrs aux ouvrages thoriques cits en bibliographie, notamment C. Fromilhague (1995). 13 En franais, la relation attributive relie deux termes au moyen de la copule est , selon les termes de J. Jaffr (1984 :125).

  • 42

    (26) er $ur-k jur, d arraw-ik tes yeux, les arbres sont tes enfants

    Cette mtaphore a la forme dune dfinition assertive dont lauxiliaire de prdication d

    pose un rapport dquivalence. Le Ca jur (les arbres) de lexemple (26) ci-dessus est donn

    comme lquivalent du C arraw-ik (tes enfants).

    Cette construction donne croire que le terme mtaphorique est employ dans son

    sens propre, lapparente valeur de vrit mne la mtaphore vers lexpression dune illusion

    de sens.

    - construction prpositionnelle

    Cette construction met en relation deux noms au moyen de la prposition n (de). Cette

    association de noms ralise une identification, crant une autre ralit.

    Il y a bien identit entre adrar (montagne) et letab (peine/souffrance) dans :

    (27) Ye$li-d udrar n letab Une montagne de peine est tombe

    - construction appositive

    La mtaphore appositive met en relation le C et le Ca par juxtaposition ; le Ca amgud

    n yifires (jeune pousse de poirier) est appos au C mmi (mon enfant) dans lexemple suivant,

    expression dune mre son bb dans une berceuse par laquelle elle lui fait des louanges :

    (28) Keini a mmi, ay amgud n yifires toi mon fils, jeune pousse de poirier

    La mtaphore in presentia tablit une relation entre deux termes appartenant la mme

    catgorie syntaxique, celle des noms comme nous venons de le voir.

    4.2.2.2. La mtaphore in absentia

    La mtaphore in absentia procde, quant elle, par substitution des termes, elle est

    implicite et sous-entendue. La mtaphore in absentia nexprime que lun de ses constituants

    fondamentaux, le C ou le Ca. Elle se ralise selon diverses formes syntaxiques, elle peut

    tre :

    - verbale

    Comme dans lexemple (24) o la substitution analogique entre les deux entits

    voques appartenant deux domaines rfrentiels disparates matrialise la notion abstraite

  • 43

    de ssber (courage). La mtaphore nexprime que le C. Il y a lieu de remarquer que le Ca, une

    entit vgtale, nest pas totalement banni puisque le verbe u (implanter) en est lquivalent

    et porte en lui lessence de la notion :implanter un vgtal.

    - nominale

    La mtaphore nominale in absentia consiste en lellipse du C. Lexemple (29)

    ci-dessous est nonc en compliments pour une belle femme, le lecteur dans sa recherche de

    lanalogie fait le rapprochement qui simpose.

    (29) D taerjunt n ttmer Cest un rgime de dattes

    - adjectivale

    Lexemple (30) ci-aprs est une mtaphore de la torsion des annes pour la vie qui

    bascule dans le nant :

    (30) D lesnin uzligen Ce sont des annes tordues/de travers

    On sattend rencontrer ladjectif uzligen (tordues) dans un champ smantique

    adquat lide de torsion qui sapproprie des entits matrielles animes mais par

    recatgorisation imaginaire, ce dterminant lexical manifeste une redistribution smantique, il

    apparat associ une entit abstraite lesnin (les annes).

    - participiale

    (31) D taswit i iercawen Cest la conjoncture/le moment prsent qui est rude

    Le glissement smantique fait de lexemple (31) une mtaphore de la rudesse de la

    conjoncture pour la vie dsagrable, difficile supporter.

    On se rend bien compte, daprs ce qui vient dtre prsent en haut, que la mtaphore

    est, comme le constate P. Fontanier (1977 :99), trs varie, et elle stend bien plus loin sans

    doute que la mtonymie et que la synecdoque, car, non seulement le nom, mais encore

    ladjectif, le participe, le verbe et enfin toutes les espces de mots sont de son domaine .

    La diffrence entre la mtaphore in presentia et la mtaphore in absentia se rsume

    dans ce passage extrait dun article sur la mtaphore part dans le site wikipedia, P. Cadiot

    (2002 : 38-57) La mtaphore in presentia propose un rapprochement analogique entre deux

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    ralits explicitement dsignes dans le discours et runies dans une relation de co-prsence

    tandis que la mtaphore in absentia propose un rapprochement analogique entre une ralit

    explicitement dsigne dans le discours et une autre quon attendrait virtuellement dans le

    mme contexte mais qui nest pas nomme et doit tre voque par le destinataire .

    4.2.2.3. La mtaphore file

    Une mtaphore peut stendre sur plusieurs phrases ou vers et constituer ainsi un type

    particulier de mtaphore, ce quon appelle mtaphore file ou continue. Selon

    M. Rifaterre (1979 :218), la mtaphore file est une srie de mtaphores relies les unes aux

    autres par la syntaxe -elles font partie de la mme phrase ou dune mme structure narrative

    ou descriptive- et par le sens : chacune exprime un aspect particulier dun tout, chose ou

    concept, que reprsente la premire mtaphore de la srie .

    Considrons lexemple suivant :

    (32) Vi$-d zize$ i lmena U$ale$-as d aqcic n ccuq Deg wakken tzad lemibba Tewwet armi tezla faruq

    Il savre que je suis si cher la (aux) peine(s)/souci/tourment Je suis ses yeux lenfant longtemps dsir La tendresse est si forte/elle maime tellement fort Quelle a gorg la sparation

    Cette mtaphore est file sur un ensemble de mtaphores verbales et nomina