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Rpublique Algrienne Dmocratique et Populaire Ministre de lEnseignement Suprieur et de la Recherche Scientifique
Universit Mouloud Mammeri-Tizi-Ouzou Facult des Lettres et des Langues
Dpartement de Langue et Culture Amazighes
Mmoire de Magister Spcialit : Langue et Culture Amazighes
Option : Littrature amazighe
Prpar par : FITAS Rachida
Sujet
Tentative dapproche du fonctionnement de la mtaphore dans luvre potique de Matoub Louns
Membres du jury : - M. DJELLAOUI Mhemmed, MCA, Universit de Bouira, (Prsident) - M. SALHI Mohand Akli, MCA, Universit Mouloud Mammeri, Tizi-Ouzou, (Rapporteur) - M. HADDADOU Mohand Akli, Professeur, Universit Mouloud Mammeri, Tizi Ouzou, (Examinateur) - M. IMARAZENE Moussa, MCA, Universit Mouloud Mammeri, Tizi Ouzou, (Examinateur)
Date de soutenance : 15/12/2011
REMERCIMENTS
Je suis trs reconnaissante toutes les personnes qui mont aide de
prs ou de loin mener terme la prsente recherche. Quelles mexcusent de
ne pouvoir les nommer toutes et quelles trouvent ici lexpression de ma
profonde gratitude et de mes remerciements les plus chaleureux.
Je tiens remercier M. Mohand Akli SALHI qui a accept de diriger ma
recherche et lassurer de toute ma gratitude, sans ses tmoignages
constamment renouvels de confiance et son soutien indfectible, ce travail
naurait sans doute pas vu le jour. Je le remercie pour lintrt quil a port
mon travail et pour ses conseils prcieux.
Je souhaite galement remercier M. Ramdane ACHOUR pour avoir
manifest sa disponibilit toutes les fois o je lai sollicit, pour son aide
amicale et pour ses orientations qui nont t trs bnfiques.
Enfin, tout tmoignage de reconnaissance apparat drisoire en
comparaison de limmensit de ma dette lgard de celui qui partage ma vie.
Rien naurait t possible sans sa comprhension, sa patience et son soutien
moral.
Rachida
DEDICACES Je ddie ce modeste travail ma famille, mes enfants, mes amis
pour leur aimable sollicitude et de manire particulire ma mre dont les
encouragements mont t dun rconfort prcieux.
Je tiens rendre un respectueux hommage aux militants de la cause
berbre et de manire particulire LOUNES MATOUB qui a t, bien des
titres un modle pour moi.
Rachida
Abrviations Ca : comparant
C : compar
Sa : signifiant
S : signifi
6
Depuis une dcennie, la critique et les ouvrages consacrs la posie de
Matoub Louns abordent ses textes plutt au niveau transcendant. Plusieurs livres retracent sa
biographie. Des articles de presse mettent souvent laccent sur le plan thmatique. Lintrt
est particulirement port sur son combat identitaire, sa rvolte contre linjustice, son
militantisme pour la dmocratie
Par ailleurs, bien que certaines publications et rflexions journalistiques apprcient
son uvre, tant pour lexpression raffine que pour la manire dont elle est agence et aient
mentionn sommairement lusage rcurrent des figures de style dans les textes potiques de
Matoub Louns, lanalyse stylistique reste rarement aborde.
Pourtant, le rpertoire de Matoub Louns abonde de figures de style. Lart de dire
se manifeste essentiellement dans llaboration dune varit dimages mtaphoriques.
Problmatique et hypothse
A travers ce travail, nous nous proposons dtudier le fonctionnement de la mtaphore
dans la posie de Matoub Louns. Il sagit en fait dexaminer les procds de cration
esthtique des mtaphores pour laborer une typologie de celles-ci suivant des critres que
nous aurons tablis. Il est aussi question de relever les isotopies mtaphoriques dominantes,
de voir quelles seraient les types de mtaphores qui vhiculent chaque classe isotopique et
sil n y aurait pas une corrlation entre lexpression mtaphorique et les tapes de
composition du pote-chanteur en rapport avec sa discographie.
Lhypothse de notre travail est la suivante : la structure des images mtaphoriques
de la posie de Matoub Louns rvlerait une diversit typologique. Ces images constituent
diverses isotopies qui seraient en relation avec les tapes de cration du pote-chanteur lies
sa discographie et avec les diffrents types de mtaphores.
Justification du choix du thme
La posie matoubienne est dote dune expression potique particulire. La
constance rhtorique se caractrise par loriginalit que, dailleurs, lui-mme revendique.
Adopter les formules dj prouves en posie ne me tente pas. Je ne suis pas fais (sic) pour
7
du prt penser []. Crer, inventer, rompre avec la tradition, voil pour moi lobjectif
atteindre. Ouvrir les portes dun langage nouveau, nest-ce pas le plus prcieux des dons ? ,
affirme t-il lors dun entretien ralis avec L. Alioui (1999 : 41). L, senracine la motivation
de notre choix pour ce thme. Nous pensons que luvre potique de Matoub Louns mrite
une tude des procds stylistiques au niveau rhtorique, particulirement les mtaphores car,
en plus de leur densit et de leur diversit, la singularit et loriginalit constituent leur signe
distinctif.
Prsentation du corpus
Nous avons tabli notre corpus partir de lensemble des chansons dites de
Matoub Louns. Par souci de prcision, nous nous sommes rfrs, en plus du livre Matoub
Louns, tafat n wur$u (2004), recueil des textes chants de Matoub Louns que nous avons
nous-mme constitu, dont le volume II (qui comprend le reste des textes) est en cours
ddition, lanthologie de Y. Seddiki (2003) et M. Loukad (1999) pour noter les
diffrentes variantes. Le rpertoire de Matoub Louns (1978-1998) contient au total 218
chansons, rparties en 32 albums. Le nombre de chansons compris dans chaque album varie ;
chaque album contient au moins 5 chansons. De lensemble de ses textes chants, nous avons
relev toutes les mtaphores que nous avons pu dceler, car, il faut dire quil y aurait sans nul
doute des mtaphores qui nous ont chappes. Ce sont, en fait ces mtaphores l qui
constituent notre corpus pour les besoins de notre tude.
Elments mthodologiques
Nous inscrivons notre recherche dans le cadre de la stylistique, nous nous pencherons
exclusivement sur le niveau danalyse qui traite les figures de style. Notre dmarche est
pratique elle vise mettre en valeur les ressources linguistiques ainsi que les procds et les
motifs stylistiques mis en uvre par le pote-chanteur Matoub Louns dans la production de
ses mtaphores. En dautres termes, lobjectif fondamental de la prsente tude consiste
mettre en lumire les proprits dun corpus de mtaphores kabyles, celui de Matoub Louns.
Le premier chapitre de ce travail prsentera de manire succincte le domaine de la
stylistique.
Le deuxime chapitre sera particulirement rserv la prsentation des figures de
style. Il sera question daborder notamment les figures de sens (les tropes) rparties en deux
Introduction gnrale
8
ples : le ple mtaphorique et le ple mtonymique, nous adopterons une dmarche
descriptive pour la prsentation de lexamen du mcanisme des diffrentes figures des deux
ples qui seront soumis leur tour une mise en prsence pour mettre en relief les spcificits
de chaque ple.
Il est important de souligner que le premier et le deuxime chapitre ne constituent
quune base thorique et mthodologique ncessaire pour aborder les deux derniers chapitres.
Le troisime chapitre portera sur la prsentation du pote et de son uvre. Ce chapitre
nous permettra darticuler un point essentiel dans le cinquime chapitre, il sagit de situer la
thmatique des mtaphores sur laxe chronologique. Ce troisime chapitre contient aussi un
bref aperu sur ce qui est publi sur le pote-chanteur Matoub Louns.
Le quatrime chapitre traitera les diffrentes mtaphores releves du rpertoire
matoubien. Une typologie des mtaphores sera, en fait, dgage en nous basant sur la
description et ltude syntaxique des constituants de lnonc mtaphorique. Nous adoptons
lapproche syntaxique parce quil est plus ais de reconnatre un nonc mtaphorique et den
vrifier sa structure syntaxique.
Le cinquime et dernier chapitre sera consacr aux isotopies des mtaphores dans
luvre de Matoub Louns. Notre objectif est darticuler les isotopies avec les types de
mtaphores dgages et avec lhistorique du rpertoire.
En dernier, une conclusion gnrale rappellera de manire synthtique les points
importants de lensemble du travail. De mme, un rsum en kabyle retracera brivement les
diffrents points traits dans notre recherche. Sajoute cela une annexe qui comprend une
liste de mtaphores dates.
Chapitre I
La stylistique et son domaine
10
Introduction Retracer, dans une saisie gnrale, le cheminement proprement thorique de la
stylistique est ncessaire pour mieux comprendre les perspectives de cette discipline. Ce
chapitre sera centr sur la stylistique, cadre gnral dans lequel sinscrit notre recherche. Nous
aborderons la stylistique au croisement de la stylistique de la langue qui cherche mettre au
jour les variations possibles lintrieur du code propre de la langue et de la stylistique
littraire qui tudie lensemble des phnomnes spcifiques de la parole littraire.
Dans cette perspective, le chapitre prsentera un panorama des pratiques qui ont
construit la stylistique, ceci, travers une perception linaire: de la stylistique de Ch. Bally
la mouvance structuraliste jackobsonienne. Tout dabord, ce chapitre prendra en compte le
signe particulier de la stylistique: elle emprunte dans une large mesure ses outils danalyse
aux autres disciplines, telles que la lexicologie, lnonciation, la rhtorique, la pragmatique et
la smiotique. Une fois le rapport de la stylistique avec ces disciplines abord nous
prsenterons les diffrentes perspectives selon lesquelles peut tre envisag un texte littraire
dans le cadre dune analyse stylistique, il sagit de trois niveaux distincts: le niveau potique,
le niveau esthtique et le niveau neutre. Enfin, nous exposerons succinctement les diffrents
procds de lanalyse stylistique : lorganisation textuelle, les procds nonciatifs, les
constituants syntaxiques, les procds lexicaux et les figures de style.
1. Dfinition de la stylistique Il faut relever demble lintgration de la stylistique la rhtorique. La stylistique
est une rhtorique moderne. , crit P. Guiraud (1972 :7). Son mergence est due, pour ainsi
dire, au dclin de la rhtorique. O. Ducrot et T. Todorov (1972 :376) estiment quelle occupe
le domaine de lancienne elocutio 1
J. Molinio et J. Gardes-Tamine (1992 :16) se situent, leur tour, dans la mme
optique, La stylistique se prsente, ds sa naissance, comme le substitut de la rhtorique
mais ils prcisent quau lieu de se tourner vers ltude des registres et des formes codifies du
1 Lelocutio est la partie de la rhtorique qui soccupe du choix de larrangement des mots. Llocution enseignait avant tout lusage des tropes et des figures. Il est vrai que llocution des anciens et la stylistique des modernes ne sont pas entirement coextensives. Nanmoins le noyau commun de ces deux disciplines, constitu par des tropes tels que la mtaphore et la mtonymie ainsi que par des figures telles que lanaphore et lnumration, est assez fort et solide pour ne laisser planer aucun doute sur la parent historique qui relie, du moins grosso modo, lelocutio la stylistique. G. Molini et P. Cahn (1994 : 339).
11
langage, elle se fonde sur le double prsuppos de la singularit du langage individuel (chacun
a son style) et de sa valeur avant tout expressive et affective. Ces postulats se dgagent
lentement et se dessinent nettement avec les auteurs, comme Ch. Bally, M. Cressot et
L. Spitzer, fondateurs de la discipline.
Au dbut du XXe sicle, apparat la premire systmatisation de la stylistique dans le
Trait de stylistique franaise de Ch. Bally, prcd du Prcis de stylistique dans lequel
lauteur a bauch les premiers principes de sa thorie. La stylistique est conue comme
ltude des faits dexpression du langage organis au point de vue de leur contenu affectif,
c'est--dire lexpression des faits de la sensibilit par le langage et laction des faits de
langage sur la sensibilit. Ch. Bally (1959 : 16).
La stylistique de Ch. Bally est avant tout descriptive, elle a pour ambition de recenser
les ressources stylistiques de la langue qui possde, selon lui, des moyens divers pour
exprimer la mme notion, cest la stylistique de lexpression, elle tudie les valeurs
expressives et impressives propres aux diffrents moyens dexpression dont dispose la
langue ; ces valeurs sont lies lexistence des variantes stylistiques, c'est--dire les
diffrentes formes pour exprimer une mme ide. P. Guiraud (1972 :43).
De surcrot, chaque procd dexpression est cens produire un effet sur le rcepteur,
cest la stylistique des effets. Ch. Bally considre que, dans la langue, toute ide se ralise
dans une situation affective. Quand, par exemple, japprends la disparition de
quelquun, je mcrie : Le pauvre ! , il y a deux faits stylistiques dans cette expression :
une exclamation et une ellipse ; la stylistique, selon la conception de Ch. Bally, constate que
lexclamation et lellipse sont des moyens dexprimer une motion dont le contexte indique
quil sagit ici de la compassion. La tche de la stylistique est donc de mettre au jour les
lments affectifs, et den tudier la valeur. G. Molini (1989 :19) explique que la mthode de
Ch. Bally2:
dcrypte des dterminations verbales isolables sur des segments de discours,
classables en vastes catgories formelles : ce sont des procds ; ces procds sont considrs
comme crant une impression particulire sur le rcepteur : un effet. On peut faire de la
stylistique en tudiant soit un ou des procds, soit un ou des effets : effet de tendresse, ou
2 Pour la mthode de Ch. Bally, voir le rsum de G. Molini (1989 :15-16).
12
dintensit, ou dimpressiondans tel ou tel ensemble discursif. Ltude consistera ds lors
rpertorier tous les passages porteurs de cette inflexion deffet, et en dmontrer les procds
stylistiques constitutifs.
Ch. Bally oriente donc sa recherche vers ltude des moyens expressifs dont dispose
une langue et des marques de laffectivit commune tous les usagers. Il entreprend faire
dcouvrir, dfinir et classer ces faits de langue. Il exclut du domaine de la stylistique
lexpression littraire. Il fonde une stylistique de la langue dnude de toute proccupation
littraire et limine toute considration du style comme emploi individuel et restreint, ainsi, le
champ de son tude la langue commune, parle et spontane3 lexclusion de toutes ses
formes littraires car le littrateur fait de la langue un emploi volontaire et conscient dit-il,
Ch. Bally (1951 : 24). Mais il na pas trac entre sa stylistique et la stylistique littraire de
ligne de dmarcation tanche, il laisse une brche ouverte sur la possibilit dune stylistique
littraire qui sera exploite par ses successeurs J. Marouzeau4 et M. Cressot (1947) qui
intgrent la littrature dans le champ dtude de la stylistique.
A la diffrence de Ch. Bally, J. Marouzeau et M. Cressot, eux, fondent une stylistique
qui a pour objet ltude de la langue crite et de la littrature et non de la langue parle.
Notre tche, crit M. Cressot (1996 : 16), est dinterprter le choix fait par lusager dans
tous les compartiments de la langue en vue dassurer sa communication le maximum
defficacit.
En affirmant que la stylistique est ltude des choix des formes dexpression puises
dans la langue, le mot choix devient le pivot de la thorie stylistique. Loeuvre littraire est
alors lobjet par excellence de la stylistique parce que, justement, le choix y est plus
volontaire et plus conscient .
Luvre littraire est pour M. Cressot (idem : 16) une communication, et toute
lesthtique quy fait rentrer lcrivain nest en dfinitive quun moyen de gagner plus
3 Ch. Bally distingue entre trois registres : la langue ordinaire, elle correspond la langue parle et spontane, cest le langage de tout le monde dans son usage quotidien ; la langue littraire, elle correspond ce que Roland Barthes nomme lcriture, c'est--dire une forme dexpression plus ou moins fige, plus ou moins impose par la tradition et par lpoque dans laquelle se situe lcrivain ; et le style qui se caractrise par sa singularit et par la capacit renouveler la langue littraire. K. Cogard (2001 : 30-33). 4 Prcis de stylistique franaise, Masson, 1941.
13
srement ladhsion du lecteur, en dautres termes, dans le matriel que nous offre le systme
gnral de la langue, nous oprons un choix, non seulement daprs la conscience que nous
avons de ce systme, mais aussi daprs la conscience que nous supposons quen a le
destinataire de lnonc M. Cressot (1996 :15).
Dans cette ligne, L. Spitzer5 se donne pour projet ltude du style individuel des
crivains, pour lui, la stylistique a clairement pour objet luvre littraire mais sans
abandonner la linguistique. Il la plutt rapproche de ltude littraire. En fait, il a concili la
linguistique et la littrature. Il analyse des uvres dcrivains et en dgage les caractristiques
stylistiques, L. Spitzer est, en cela, plus un praticien quun thoricien. Il dveloppe une
mthode immanente, il sagit pour lui de partir du texte lui-mme, il recherche ltymon
spirituel6, partir dcarts linguistiques rpts par rapport lusage commun de la langue. Il
sagit de dcouvrir un dtail formel, une particularit verbale, partir de cet tymon spirituel,
il vrifie dans les textes la rcurrence des mmes carts linguistiques, mais il ne suffit pas de
reprer les faits de style, il y a lieu aussi den dgager le sens esthtique. La stylistique de
L. Spitzer est, en cela, interprtative. Lanalyste construit une hypothse7 sous la forme dune
impression esthtico-psychologique quil vrifie par dautres faits linguistiques pour en tirer
la conformation que ltymon lui a bien livr la clef de certaines grandes tendances
stylistiques de lauteur.
La discipline est nettement recentre sur les uvres littraires, comme le souligne
G. Molini8 (1989 : 23) Le recentrage sur le champ littraire tant clair et ferme, lobjet de
cette orientation est bien videmment dtudier un style, ce qui veut dire une manire
particulire, singulire, propre un auteur, il sagit en fait de dgager des traits correspondant
une mise en uvre du langage qui relve dune pratique sui generis de lauteur .
Une autre rvolution sannonce, il sagit de la stylistique structurale. Cest avec le
structuralisme que saffirme linvestigation structurale linguistique des uvres littraire. Le
point de dpart est lapplication la littrature des mthodes de lanalyse linguistique pour y
dtecter, linguistiquement, les conditions verbales du caractre littraire comme littraire, 5 Pour une vision complte de la mthode de L. Spitzer, voir P. Guiraud (1972 :67-71). 6 Principe de cohsion interne de toute uvre, cest le commun dnominateur de tous les dtails de luvre, P. Guiraud (1972 : 68). 7 Cette pratique circulaire entre lhypothse et sa dmonstration a reu le nom de cercle philologique. 8 Nous nous rfrons au livre de cet auteur sur la stylistique en usage excessif en raison de lexhaustivit de son expos et de ses notes concises.
14
c'est--dire la littrarit. Selon G. Molini (1989 : 36), ce point de vue fonde la stylistique
comme discipline autonome par son objet spcifique dont les traits essentiels : linguistique et
littrarit.
Plus prcisment, la littrarit dont il est question, que lon tente dobserver et
dexaminer, relve, dans la thorie de R. Jakobson, de lune des fonctions du langage9 quil
propose disoler : la fonction potique, c'est--dire proprement littraire et esthtique, elle
affecte le message lui-mme et sapplique sur toutes les formes du discours. La dfinition de
la fonction potique repose sur une conception du langage selon laquelle il existe deux
modes fondamentaux darrangement utiliss dans le comportement verbal : la slection et la
combinaison. R. Jakobson (1963 : 220). Telle que la dfinie R. Jakobson, elle projette le
principe dquivalence de laxe de la slection sur laxe de la combinaison.
R. Jakobson a mis en pratique ses vues avec lanalyse de les chats 10 de Ch. Baudelaire, en
collaboration avec C. Lvi-Strauss. R. Jakobson considre que la valeur potique de ce sonnet
se trouve dans le systme complexe des nombreuses quivalences quil y dcle. R. Jakobson
(1973 : 72) explique que Le pome est form de systmes dquivalences qui sembotent
les uns dans les autres, et qui offrent dans leur ensemble laspect dun systme clos . Ce qui
veut dire que lanalyse structurale montre que les catgories linguistiques et rhtoriques sont
distribues dans un texte de faon systmatique. Pour R. Jakobson, la fonction potique est
diffuse dans tous les aspects linguistiques du texte potique.
Lapproche structurale recouvre le plus vaste champ dans le domaine stylistique
mais elle se subdivise en de nombreuses quasi-disciplines connexes. On ninsistera en
revanche jamais assez sur les grandes questions de toute tude structurale : lidentification du
fait objectal, et la significativit (la reprsentativit) de ce fait , explique G. Molini
(1989 :40).
9 Pour R. Jakobson, toute communication verbale sanalyse comme un message ayant pour auteur un destinateur, qui la cr lintention dun destinataire. Six fonctions sont attaches au systme de la communication linguistique : - fonction motive (ou expressive) : expression du JE du locuteur, c'est--dire la subjectivit de lnonciation ; - fonction conative : tous les lments tendant produire un effet sur le destinataire, orienter sa raction ; - fonction rfrentielle : tous les lments qui renvoient au contexte ou qui ont une pure vise informative ; - fonction phatique : tout lment glosant les termes du message ; - fonction potique : elle affecte le message lui-mme, elle domine videmment lnonc littraire. 10 Voir R. Jakobson (1973 : 401-419), pour ltude du sonnet dans son intgralit.
15
La stylistique sest trouve la suite de tous ces dveloppements mise au rang dautres
disciplines, du fait, elle nest pas pense, pour elle-mme, comme discipline autonome, on a
mme conclu sa mort dans les annes 70 par tels qui croyaient irrmdiable son statut
ancillaire, prcise G. Molini (1989 :24), alors que cest plutt une diversification quon a
assist. Cette discipline, comme le constate C. Stolz (1999 :12), sest constitue en ralit plus
par strates additionnelles que par de vritables ruptures ; du moins, quand rupture il y a eu,
elles taient progression dans un sens cohrent.
Lobjet de la stylistique tel quon lapprhende nouvellement, affirme G. Molini
(1989 :04) est ltude des conditions verbales et formelles de la littrarit. Cette dfinition
pratique, qui est, en ralit, une conqute la fois mthodologique et objectale, dlimite deux
matires. Lune est, justement, lobjet de la pratique, c'est--dire les textes littraires. A cet
gard, le texte sanalyse comme discours produit et reu. Lautre stipule les moyens
dinvestigation utiliss : il sagit de procder lexamen systmatique, tous azimuts , et
exclusif, des dterminations langagires de cette littrarit. De ce point de vue, la stylistique
est apparemment, selon G. Molini (ibid. : 23), au croisement des sciences du langage et
des sciences de la littrature .
2. Rapport de la stylistique avec dautres disciplines La stylistique emprunte nombre de ses concepts dautres disciplines, telles que la
lexicologie, la linguistique nonciative, la smiotique et la pragmatique. G. Molini (1989 :4)
prcise que les concepts emprunts la linguistique pour scruter des faits littraires dans leur
fonctionnement formel sont avant tout soumis, et adapts cette unique fin.
2.1. La lexicologie
Il ne sagit pas pour nous de faire uvre dtude lexicologique mais de prciser
lutilit de tel ou tel outil linguistique pour la stylistique. En tant que science de lunit de
dsignation quest le mot, la lexicologie procde des investigations sur les processus de
rfrence, de dsignation et de signification, cest lapport smantique qui intresse la
stylistique. Lindication des lments du monde par les mots et leffet de sens produit par
les outils de liaison constitue la base qui dtermine le contenu informatif dun texte, sur lequel
se dploie la variation stylistique. crit G. Molini (1989 : 54).
16
La stylistique emprunte la lexicologie, notamment la mthode des champs11. Selon
G. Molini (1989 :55-57), il existe divers types de champs, le champ smantique, le champ
notionnel, on peut parler, par exemple de champ notionnel des sentiments, de la marine, du
tempsdont on peut relever une somme de mots, ou mme, ventuellement, des
constructions syntaxiques correspondant cet ensemble souvent classables en sous catgories
et aussi le champ lexical.
Un autre type dapproche a contribu aux diverses investigations stylistiques : la lexicologie
quantitative fonde par Charles Muller et illustr aprs lui par les travaux de Pierre Guiraud,
de Bernard Qumada et dEtienne Brunet12. Ce sont des recherches fondes sur la statistique
lexicale. Elles reposent sur des procdures compliques, de nature dabord linguistique puis
mathmatiques, destines isoler les units, leur identit, leur rapparition et leur frquence
selon les contextes.
2.2. La linguistique de lnonciation
La stylistique emprunte aussi la linguistique de lnonciation qui tudie la
subjectivit dans le langage : les marques, les conditions, les effets, les enjeux ; c'est--dire les
dterminations les plus vives du sens G. Molini (1989 : 58). Elle sintresse donc non pas au
discours produit (lnonc), mais au jeu de sa production. La linguistique de lnonciation
permet de cerner les traces du sujet producteur du discours, dans le statut des temps, dans la
hirarchie des dpendances narratives, dans linsertion et le rapport des interventions de
personnages, et par l mme, cerner le texte comme cration (idem).
2.3. Lanalyse du discours
La stylistique sanime aussi travers un autre courant linguistique : lanalyse du
discours. Le discours nest pas pris ici en tant quil soppose au rcit ; concrtement, affirme
G. Molini (1989 : 61), discours est pris au sens de pratique langagire dfinie par un genre
ou un domaine spcifique. Lanalyse du discours soccupe prcisment des relations
singulires ; le propos consiste dmonter les tenants et les aboutissants de la pratique
langagire envisage, considre comme un tout.
Il convient den isoler les constituants informatifs et de les mettre part ; de mesurer les
lments idologiques et axiologiques, ainsi que largement culturels, en rfrence desquels
11 Le principal reprsentant de cette mthode est Georges Mator, avec son livre sur Le vocabulaire de la mode, Genve, Droz, 1951, cit par G. Molini (1989). 12 Ces auteurs ont t cits par G. Molini (1989 : 57), rfrencis en note de bas de page.
17
fonctionne ce discours, dindiquer son orientation leur gard et lenjeu quil reprsentent
pour la porte dudit discours ; dexaminer les procdures rhtoriques dont se forme son
argumentation ; dtudier les marques dont se dterminent ses particularits nonciatives
G. Molini (1989 : 61).
Le lien avec lobjet de la stylistique est manifeste, ne serait-ce que par le choix des
principaux produits langagiers soumis lexamen (ibid : 62).
2.4. La smiotique
Lentreprise stylistique sclaire aussi la lumire de la smiotique. Il sagit
dune discipline qui relve largement de la smantique et de la thorie de la signification. On
admettra G. Molini (1989 : 65) que la smiotique se meut dans la substance du contenu
et non dans la substance de lexpression. Lanalyse smiotique retient le concept sme13 qui
est dpendant des conditions relles de communications occurrentes, ce qui installe demble
la smiotique dans une dimension immdiatement congruente la stylistique. La rflexion
smiotique retient galement le concept disotopie (smantique) qui est leffet de
la rcurrence syntagmatique du mme sme. 14. Ce concept disotopie est dune utilit
extrme et dun emploi trs large en stylistique. Il permet de construire les niveaux de
significativit dun texte. On voit ainsi se dvelopper une smiotique textuelle qui consiste
essentiellement en lanalyse des structures de signification des textes (littraires). G. Molini
(1989 : 67) sen explique ainsi : La smiotique, dans son esprit, sattache aux structures
fondamentales de la reprsentativit15, cest le stylisticien qui la commente ainsi. La substance
du contenu16 nest donc pas considre idalement, mais en fonction des formes occurrentes
possibles, lesquelles ne sont ralisables que dans la forme de lexpression (et aussi, bien sr,
travers la forme du contenu) : la matire stylistique est donc proche. Et la question de la
reprsentativit contextuelle est la question de la significativit17 de telle ou telle littrarit .
13 Le sme est le trait distinctif smantique dun smme (ensemble de smes spcifiques). 14 F. Rastier, Smantique interprtative, PUF, Paris, 1987, cit par G. Molini (1989 : 66). 15 C'est--dire aux reprsentations mentales suscites par le signe dans son contexte. 16 Ce terme dsigne les ides, lhistoire, en un mot le contenu de luvre. C. Stolz (1999 : 12) explique que ce concept soppose deux termes emprunts au philosophe Hjelmslev : la forme de lexpression qui comprend les lments de lcriture relevant de ce que la rhtorique classique appelle llocution et la forme du contenu qui comprend les lments de lcriture relevant des genres (au sens large du terme). 17 C'est--dire de la manire dont se construit pour le lecteur la signification dun texte.
18
2.5. La stylistique actancielle
La stylistique emprunte galement la stylistique actancielle. Le texte littraire est
apprhend comme discours, il est, en fait, saisi comme discours produit par un metteur
fondamental, responsable de la cration de lnonc-uvre. Cela signifie que la distinction
rcit-discours au sens benvenistien du mot nest pas pertinente et que la distinction
nonc-nonciation nest pas davantage utilise, cest uniquement lnonciation (la
hirarchisation des noncs) qui est tudie. Le discours (littraire) est donc peru par
rapport deux ples constitutifs : le ple metteur du producteur et le ple rcepteur du
destinataire souligne G. Molini (1989 :68). Ces deux ples fonctionnels dans lchange
discursif sont appels actants18. Ils sont analysables en termes de personnes (crivains,
diteur), des personnages, en tant que parties prenantes dactes de langage ou, au moins,
puissance de paroles, ces ralits sont reprables dans les systmes personnel et verbal, ainsi
que dans les reprsentations mtonymiques et dans les personnifications. On peut distinguer
(idem : 69), selon que se sont des personnages qui parlent ou coutent effectivement ou
dont on parle, selon quils sont nomms ou non nomms. Souvre tout un programme de
reprage et catalogage des formes que prennent ces instances, de la manire dont elles
apparaissent concrtement ou, au contraire, doivent abstraitement sextraire du
fonctionnement textuel, des relations ventuelles entre ces diffrents modes et telle pratique
littraire, singulire ou gnrique. Le mme auteur (1989 :77) souligne le rle du rcepteur au
mme titre que lmetteur ; ainsi, le rcepteur lecteur, puissance conomico-idiologique de
rception, reprsentant la masse potentielle du march de la lecture, conditionne par sa
qualit denregistrement la porte de tout le discours textuel et dessine les contours de
lhorizon culturel dans lequel doit se forger la possibilit de la cration littraire, quant
lmetteur, il est responsable du programme structural.
2.6. La pragmatique
La stylistique emprunte aussi la pragmatique, discipline de la linguistique qui tudie
le rapport entre la langue et les actes du langage. En fonction de lobjectif de la stylistique,
G. Molini (1989 : 82) souligne que lon peut admettre la position traditionnelle
de J. C. Austin19 qui oppose illocutoire perlocutoire : est illocutoire une production de
paroles vise dinstauration dune situation mondaine et perlocutoire celui qui ralise,
effectivement, par sa manifestation verbale mme une transformation dans le rel
18 G. Molini (1989 : 68) tablit un parallle entre ces actants et ceux de la syntaxe de Lucien Tesnire, Elments de syntaxe structurale, qui sont, grammaticalement, les complments du verbe (y compris le sujet) et ceux dans la narrative dAlgerdas-J. Greimas, Smantique structurale (ladjuvant, lopposant, le donateur). 19 Problmes de linguistique gnrale, Paris, Gallimard, 1966.
19
extra-linguistique, ou lon peut se rallier la radicalisation dAlain Berrendonner20 selon qui
tout acte de langage, par production de paroles, est, en soit, illocutoire. En ce sens, on peut
bien considrer toute profration comme illocutoire. Ainsi, lacte verbal caractris comme
littraire est perlocutoire, ou rien ; la littrarit, crit G. Molini (1989 : 85), cest la
performativit absolue du langage en fonction potique.
On peut sans doute admettre lintersection entre la stylistique et la pragmatique,
mais il sagit bien plus que cela, selon le mme auteur (idem : 83), il sagit dune inflexion et
dun sens car les figures, du moins pour une bonne partie dentre elles, ne sont interprtables
que selon une perspective pragmatique. Dans les figures macrostructurales, par exemple, la
diffrence entre la litote et leuphmisme tient uniquement la dimension pragmatique du
propos.
De ce fait, la pragmatique, souligne lauteur (idem : 86), a la mme proccupation que
la smiotique, celle de la reprsentativit esthtico-culturel du discours littraire,
c'est--dire la littrarit entendue comme ce qui rvle le caractre le plus spcifiquement
artistique de lesthtique verbale. Le but de la dmarche est la recherche du caractre littraire
qui constitue le discours dune uvre littraire.
3. Les niveaux de lanalyse stylistique En raison de sa recherche de description, danalyse et dinterprtation, lanalyse
stylistique dun texte littraire peut tre envisage selon trois perspectives distinctes :
potique, esthtique et neutre. J. Gardes-Tamine (2004 : 65), sinspirant des travaux de
smiologie de J. Molino, prsente ces trois niveaux danalyse :
3.1. Le niveau potique
Le niveau potique envisage la production comme un acte rsultant de facteurs
sociaux, historiques et psychologiques. Ce niveau prend en compte tout ce qui concerne la
production du texte tels que le mouvement des ides lpoque o lcrivain a produit, les
conditions sociales, la biographie, les sentiments, etc.
20 Elments de pragmatique linguistique, Paris, Minuit, 1981.
20
3.2. Le niveau esthtique
Le niveau esthtique concerne le processus de la rception de luvre par un public, ce
processus de rception est dpendant de lespace et du temps, du fait que nous ne percevons
pas les textes dune autre poque de la mme faon que les percevait le public dalors parce
quun grand nombre de rfrences, historiques ou culturelles, nous font dfaut. La
combinaison de plusieurs lments individuels (humeur, intelligence, sensibilit, etc.) et
collectifs (apports sociaux et culturels) permettra dinterprter le texte (ou luvre littraire).
Cest ce niveau que se situe la stylistique de la rception anime par M. Rifaterre qui se
proccupe dtudier luvre du point de vue du lecteur.
3.3. Le niveau neutre
Le niveau neutre concerne le texte lui-mme envisag dans son organisation
immanente, ce niveau envisage le texte indpendamment de celui qui la cr et de celui qui le
peroit. Cest en effet ce niveau qui constitue la base des deux autres. Et cest l que se situent
les analyses structurales qui cherchent dgager les structures dun texte sur tous les plans de
lanalyse linguistique : phonique, morphosyntaxique, lexical, smantique, rhtorique et
mtrique.
Il nest pas inutile de rappeler, ici, que notre perspective de recherche est
essentiellement tourne vers ce niveau et exclusivement centre sur le plan rhtorique sans
toutefois carter les autres niveaux, ne serait-ce que parce quils rentrent dans la description
stylistique.
4. Les procds de lanalyse stylistique Compte tenu de ce qui vient dtre dit en haut : la stylistique emprunte
la lexicologie, la linguistique nonciative, la smiotique, et la pragmatique leurs outils
pour mesurer lutilisation particulire de tel ou tel lment langagier dans un texte donn.
Lanalyse stylistique dun texte implique lexamen des procds, c'est--dire des faits
observables dans un texte. J. Molino (1994 :219-220) distingue trois grandes espaces
doutils danalyse :
- Les catgories linguistiques : celles-ci sont empruntes soit la grammaire traditionnelle,
soit la linguistique rcente.
21
- Les catgories rhtoriques locales : se sont les tropes et les figures (la partie de la
rhtorique appele locution)
- Les catgories rhtoriques potico-littraire et linguistique globales : la rhtorique ne se
limite pas llocution, linvention21 et la disposition22 font intervenir le fond par rapport
la forme et la macro-structure du discours par rapport ses structures locales. Ce sont ainsi
toutes les catgories de largumentation et de lorganisation du discours qui peuvent tre
mises au service de lanalyse stylistique.
A la lumire de ces trois classes doutils danalyse, B. Buffard-Moret (2004)
distingue cinq procds.
4.1. Les procds de lorganisation textuelle
Ltude dun texte commence par lobservation de sa structure densemble. Il convient
dexaminer en premier lieu la segmentation du texte de voir la volumtrie, c'est--dire
la variation de longueur des paragraphes (dans un texte en prose), des strophes (dans un
pome) ainsi que la progression textuelle.
4.2. Les procds nonciatifs
Le texte littraire instaure une situation dnonciation que lon peut examiner pour
dceler les spcificits de lnonciation littraire : le schma de la communication (auteur et
lecteur) et la polyphonie nonciative.
4.3. Les procds syntaxiques
Analyser un texte cest aussi identifier et interprter les constituants syntaxiques :
lutilisation du systme verbal (phrase verbale et phrase nominale), lordre des mots dans la
phrase, la valeur des temps et des aspects verbaux, les modalits dnonciation (interrogative,
exclamative, usage de la ngation), la structure de la phrase (la parataxe, lhypotaxe). En
somme, il sagit dtudier lorganisation syntaxique des mots lintrieur dun nonc.
21 Linvention consiste essentiellement trouver le thme aborder tout en cherchant des arguments pour persuader lauditeur en se fondant sur lethos, c'est--dire limage que donne le locuteur de sa propre personne dans son discours pour accrotre sa crdibilit, sur le pathos, c'est--dire les passions quil suscite (colre, haine, piti ) chez le rcepteur et sur le logos, c'est--dire le rsonnement. 22 La disposition est lorganisation du discours et la mise en forme des arguments.
22
4.4. Les procds lexicaux
Il importe galement de sinterroger sur la valeur smantique du mot, en analysant,
la fois, dans le systme linguistique et en prenant en compte les relations de sens quils
entretiennent avec dautres termes du cotexte : le signifiant (graphique, phonique), le signifi
(sme, polysmie, connotation et dnotation), lusage du nologisme et de larchasme, les
rseaux lexicaux (isotopie, champs lexicaux, champs smantiques) et les registres de langue.
4.5. Les procds rhtoriques
Lanalyse dun texte littraire cest aussi ltude des figures de style, les tournures qui
expriment intentionnellement une ide ou un sentiment grce aux divers moyens phontiques,
morphologiques, syntaxiques, smantiques ou logiques, dont dispose la langue. On peut
observer les parties constitutives de la rhtorique. Ce qui fera lobjet du deuxime chapitre.
Conclusion Ce chapitre a t consacr aux donnes thoriques relatives au domaine de la
stylistique. Nous avons abord les traits majeurs de la stylistique dans un rapide survol
historique et prsent les disciplines qui rentrent en rapport avec la stylistique. Nous avons
enchan sur les diffrents niveaux de lanalyse stylistique pour achever ce chapitre sur les
procds de lanalyse stylistique dont les procds rhtoriques que nous aborderons dans le
chapitre suivant.
Chapitre II
Les figures de style Le ple mtaphorique et le ple mtonymique
24
Introduction Nous avons vu au chapitre prcdent que la stylistique sest dveloppe partir du
domaine rserv llocution qui rgit larrangement la fois slectif et distributionnel du
style, pour reprendre une formule de G. Molini (1989 :6). Llocution soccupe, selon
J. Molino et J. Gardes-Tamine (1992 : 130) des proprits locales du discours et des
phnomnes en rapport direct avec lexpression linguistique , autrement dit, les figures.
Ce chapitre souvrira sur cette notion. Une fois la dfinition des figures fournie, nous
prsenterons les diffrentes figures rparties en quatre catgories. Il nest pas question pour
nous de reprendre dans leur ensemble les diverses figures rpertories par les traits. En
revanche, il est fort utile pour les besoins de notre tude de les voquer. Nous avons les
figures de diction, les figures de construction, les figures de pense et les figures de sens (ou
les tropes). Nous nous pencherons particulirement sur les tropes, ils se rpartissent en deux
ples. Le ple mtaphorique et le ple mtonymique. Aprs quoi, nous prsenterons dans un
premier lieu le ple mtaphorique qui repose particulirement sur la mtaphore, trope par
ressemblance fond sur une relation danalogie. Il sera question de dcrire le mcanisme
mtaphorique et de rappeler les diffrentes formes de la mtaphore telles quelles sont dcrites
dans la tradition, deux formes principales sont distingues, nous avons les mtaphores in
presentia et les mtaphores in absentia. La comparaison, considre comme une figure de sens
sans tre un trope, sera inclue dans cette rubrique. Dans un deuxime lieu, nous prsenterons
le ple mtonymique dont les principales figures sont la mtonymie, classiquement dcrite en
termes de relation de contigut et la synecdoque figure par inclusion. Une fois les contours de
la mtonymie cerns, une typologie sera tablie base essentiellement sur le lexique et le lien
entre entits, ensuite nous aborderons la synecdoque. Nous procderons dans notre dmarche
par une confrontation dune part, des deux ples et dautre part, des diffrentes figures au sein
de chaque ple.
1. Les figures Depuis lantiquit, la tradition rhtorique dfinit les figures comme tant des
manires de parler loignes de celles qui sont naturelles et ordinaires , G. Genette
(1966 : 209). Cette conception de la figure repose donc sur le principe dcart ou dun dtour
de la phrase. Il y a cependant deux principales conceptions dcart, remarque
G. Dessons (2001 : 123), lune est linguistique, reprsente par rapport une opposition au
25
sens propre des mots, lautre est sociologique, reprsente par rapport une opposition
lusage ordinaire du langage.
Cette conception de double cart est reprise par Quintilien1 Les figures scartent
[] de la droite ligne des propos et prsentent le mrite manifeste de sloigner de lusage
courant. et maintenue par P. Fontanier (1977 : 64), sans mme les opposer, Les figures du
discours sont les traits, les formes ou les tours plus ou moins remarquables et dun effet plus
ou moins heureux, par lesquels le discours, dans lexpression des ides, des penses ou des
sentiments, sloignent plus ou moins de ce qui en et t lexpression simple et commune .
La figure est donc un procd dexpression qui scarte des usages courants et dominants de
la langue et donne une expression particulire au propos.
Cet cart, expliquent O. Ducrot et T. Todorov (1972 : 582) est leffet dun art (la
figure relve dun choix et dune laboration esthtique) qui se concrtise dans la substitution
de la figure une formulation neutre toujours virtuellement disponible . Mais, en mme
temps, cette dfinition qui conoit la figure comme cart rvle que rien nest plus commun et
ordinaire que lusage des figures.
Dumarsais (1977: 8) signale et critique ce caractre paradoxal de la figure dans son
trait des tropes : Dailleurs, bien loin que les figures soient des manires de parler
loignes de celles qui sont naturelles et ordinaires, il ny a rien de si naturel, de si ordinaire et
de si commun que les figures dans le langage des hommes [] je suis persuad quil se fait
plus de figures en un seul jour de march la halle, quil ne sen fait en plusieurs jours
dassembles acadmiques . Ainsi, la figure est un cart par rapport lusage, lequel cart
est pourtant dans lusage. Dumarsais roriente la dfinition de la figure en tenant compte de
ce paradoxe. Les figures ont dabord cette proprit gnrale qui convient toutes les
phrases et tous les assemblages de mots, et qui consiste signifier quelque chose en vertu de
la construction grammaticale ; mais de plus les expressions figures ont encore une
modification particulire qui leur est propre, qui fait quon les rduit une espce part
(idem : 16).
1 Institution oratoire, II, 13, 11, p72, cit par G. Dessons (2001 : 124).
26
J. Mazaleyrat et G. Molinio (1989 : 148) affirment quil y a figure dans un discours,
lorsque leffet de sens produit ne se rduit pas celui qui est normalement engag par le
simple arrangement lexico-syntaxique de lnonc. , la figure est donc une expression
dtourne qui joue un rle dterminant dans la littrarit.
Cependant, les mmes auteurs admettent linterprtation classique selon laquelle la
figure considre comme ornement (do lappellation fleur de rhtorique par la tradition),
volontairement plac et aisment amovible, est un moyen dexpression ncessaire et
invitable par rapport un impossible degr zro2, c'est--dire, comme la seule expression
adquate son objet. Il y a donc un caractre indispensable de la figure l ou elle est
employe, pour reprendre les mots de M. Aquien (1993 : 136).
2. Classement des figures La dtermination des catgories des figures de style a suscit bien des dbats chez les
thoriciens mais nous choisissons de prsenter celle qui est la plus communment admise,
suite au classement le plus courant qua propos la tradition rhtorique. Dans le dictionnaire
de rhtorique, M. Pougeoise (2001 :132-133) distingue quatre grandes catgories3.
2.1. Les figures de diction
Elles manifestent le travail sur les signifiants affectant leur combinaison phonique et
graphique, telles que : laphrse, lapocope et la syncope qui consistent en la chute dun
lment phonique (phonme(s)) ou graphique (graphme(s)) touchant, respectivement, le
dbut, la fin (comme dans restau pour restaurant) et le milieu dun mot, ainsi que la
paronomase, lallitration, lassonance, etc.
2.2. Les figures de construction
Elles concernent lorganisation syntaxique du discours qui sattache la manire
dont les mots sont combins et disposs entre eux dans la phrase. , P. Fontanier (1977 :223).
Elles peuvent tre fondes sur lhyperbate, le zeugme, linversion, le chiasme, etc.
2 Selon J. Mazaleyrat et G. Molini (1989 : 95), on conviendra dutiliser cette expression pour qualifier en segment de discours qui, par rapport au contenu du message et de la situation de communication, est dpourvu de marques caractrisantes particulires. 3 Se reporter aux traits pour une vue complte.
27
2.3. Les figures de sens (appeles galement tropes)
Elles portent sur le sens des mots, elles sont fondes sur un cart entre le sens propre et
le sens figur dans la dsignation du rfrent, les principaux tropes sont la mtaphore et la
mtonymie dont il sera question ultrieurement.
2.4. Les figures de pense
Aux contours plus large, les figures de pense portent sur des lments plus gnraux
de lnonciation. Ce sont des figures indpendantes de lexpression, elles engagent
fondamentalement la signification globale de lnonc. crit C. Fromilhague (1996 :149).
Ces figures rsultent doprations portant sur les relations logiques ou sur la valeur de vrit
de lnonc. souligne M. Pougeoise (2001 :132). Elles sont donc marques par une attitude
nonciative qui fausse le rapport avec le rfrent : elles permettent ainsi de diminuer et
dattnuer lexpression par leuphmisme ou la litote qui fait entendre le plus en disant le
moins. Lhyperbole marque un discours dexagration et damplification. Lironie consiste
employer une expression dans un sens contraire son sens littral.
G. Molini4 propose de rpartir les figures dans deux grandes catgories, les figures
microstructurales et les figures macrostructurales. Les premires portent sur un segment
dtermin et prcis du discours, se signalent de soi et sont obligatoires pour lacceptabilit
smantique, elles incluent les figures de diction (ou locution), les figures de construction et
les tropes, tandis que les figures macrostructurales sont diffuses dans le discours, elles ne sont
donc pas isolables sur des lments prcis du discours, elles ne se signalent pas demble,
leur rception dpend alors du contexte dnonciation, elles sorganisent essentiellement
autour des figures de pense.
3. Les tropes
Le terme trope vient du grec tropos qui correspond aux substantifs (tour, conversion,
changement de direction) drivs du verbe trepo (tourner, transfrer, transporter, modifier).
Dans lantiquit la dfinition dAristote envisage une opration dans une perspective
rfrentielle. Le terme lui-mme ne figure pas dans son uvre La potique mais certains des
4 Nous reprenons la thorie de G. Molini telle quelle apparat dans ses diffrents ouvrages, en loccurrence, Elments de stylistique franaise (1986).
28
phnomnes quil recouvre se trouvent dcrits sous le nom de mtaphores, souligne B. Meyer
(1993 : 15).
Dumarsais (1977 :185) crit : Aristote donne le nom de mtaphore la plupart des
tropes qui ont aujourdhui des noms particuliers .
Cest ainsi qu Aristote (1982 :107) affirme : La mtaphore est lapplication dun
nom impropre par dplacement soit du genre lespce, soit de lespce au genre, soit de
lespce lespce, soit selon un rapport danalogie.
B. Meyer (1993 : 15-16) commente la dfinition dAristote en expliquant que le
transfert dun objet donn (celui auquel le terme est conventionnellement attach) sur un
terme impropre est fond sur une relation liant lobjet auquel le code assigne le terme
transfr et lobjet auquel il est appliqu improprement quAristote dsigne par mtaphora.
Aristote en explicite, dans sa dfinition, quatre relations : la relation qui unit une
espce son genre, celle qui unit un genre lune de ses espces, celle qui unit une espce
une autre espce du mme genre et enfin lanalogie unissant deux paires dobjets qui
entretiennent entre eux un rapport similaire : A tant B ce que C est D.
La perspective aristotlicienne dveloppe, ct de la conception rfrentielle, une
conception substitutive du trope (un mot par un autre mot).
Dans :
(1) Tesres-d mitin d amdan Elle a dpos deux cents personnes
Le terme deux cents dsignant proprement un nombre spcifique, dsigne
improprement lide de grand nombre, gnrique par rapport au nombre deux cents. Deux
cents est utilis, ici, la place de beaucoup. Le mot impropre remplace donc le mot propre.
B. Meyer conclut (ibid. : 17) que le mot mtaphora dsigne chez Aristote la fois le
transfert de dnomination sur fondement de ressemblance et le rsultat de cette opration de
transfert, savoir la dnomination nouvelle, issue du transfert.
29
En revanche, le terme trope apparat dans lInstitution oratoire5 Le trope est le
changement efficace dun mot ou dune expression de sa signification propre en une autre.
Quintilien sannonce, de ce fait, moins ambigu que son devancier
Cette dfinition prsente le trope comme un changement de signification. B. Meyer
(1993 :24) souligne que Quintilien modifie la perspective de son prdcesseur et rejoint au
point de vue rfrentiel (application dun terme impropre un objet) et dsignatif
(substitution dun terme un autre) un point de vue smiotique (changement du sens dun
mot).
La dfinition de Quintilien du trope transporter une expression de sa signification
naturelle et principale en une autre a inspir les principaux traits du XVIIIe sicle, tels que
le Trait des tropes de Dumarsais (1977 : 18) o les tropes sont dfinis comme suit Les
tropes sont des figures par lesquelles on fait prendre un mot une signification qui nest pas
prcisment la signification propre ce mot. ainsi que Les figures du discours de
P. Fontanier (1977 : 261) o le trope est conu comme tant un procd par lequel on
change le sens dun mot en un autre sens, par lequel on transporte un mot dun premier sens
en un sens nouveau . P. Fontanier (idem : 279) considre aussi que les tropes sont certains
sens plus ou moins diffrents du sens primitif et que cest par une nouvelle signification du
mot que les tropes ont lieu et cest cette nouvelle signification quils tiennent (idem : 77).
Il dfinit aussi le trope comme tant le fait de prsenter une ide sous le signe dune autre
ide. (ibidem).
La conception du trope est pass de la perspective traditionnelle qui considre que le
trope change la dsignation dun mot, en appliquant ce mot une chose laquelle il ne
sapplique pas proprement la pense classique selon laquelle le trope change plutt la
signification dun mot en lui attachant une signification qui nest pas proprement la
sienne.
5 Cit par B. Meyer (1993 : 23).
30
La norhtorique des annes soixante a, quant elle, reconsidr et/ou critiqu les
positions antrieures et propos des perspectives nouvelles sans toutefois rompre avec la
conception terminologique encore moins avec la conception dsignative et smiotique.
Ce faisant, on rencontre la conception terminologique chez M. Le Guern (1973 :23) :
Le trope se dfinit par un cart paradigmatique : cest le remplacement du terme par un mot
diffrent, sans que pour autant linterprtation du texte soit nettement diffrente. ou chez les
auteurs du G (1982), dans une perspective smiotique dans son principe, ils dfinissent le trope, rebaptis mtasmme, comme la substitution dune unit smantique nomme
smme6 une autre. Dans Rhtorique gnrale du G (1982 : 34) Un mtasmme est une figure qui remplace un smme par un autre .
Selon cette conception, lopration tropique confre un signifiant (not Sa ) un
sens nouveau, signifi2 S2 qui remplace le sens habituel, signifi1 S1 .
Le dictionnaire Le Vocabulaire de la stylistique rend bien compte du glissement du
sens littral au sens figur, le trope y est dfinit (1989 :365) comme suit : Figure
microstructurale telle que, dans un segment donn, un signifiant renvoie, non pas son
signifi habituel, mais un signifi diffrent, gnralement dpourvu de signifiant occurrent
tant oblitr au profit dune dnotation autre, qui entretient avec la dnotation du terme
marqu un rapport smantique prcis .
A travers ces formulations, on voit bien que les tropes sont des procds qui
permettent doprer un changement dans le sens des mots. Ils reposent donc sur un transfert
smantique, ils sont dailleurs communment appels figures de sens.
Dans lexemple (2) ci-dessous, le sens propre de izmawen (lions) renvoie lanimal et
le sens figur aux hommes valeureux et courageux dont on parle dans lnonc, il sagit des
6 Le smme pour les auteurs du G correspond ce que le langage ordinaire entend par acception , sens particulier dun mot, B. Meyer (1993 : 43, note de bas de page). M. Le Guern (1973:14) le dfinit comme tant : la manifestation du lexme dans un contexte donn .
31
joueurs de lquipe de football de JSK. Le signifiant izmawen (lion) renvoie deux signifis :
S1 (lanimal, au sens propre) et S2 (le cadre dynamique, sens figur) :
(2) A-t-an kecmen-d yizmawen Les lions viennent dentrer
On peut reprsenter le mcanisme des dtournements de sens sous forme de ce
schma :
Sa S1 : sens propre S2 : sens figur
On distingue deux mcanismes diffrents dans les tropes. Les deux tropes
fondamentaux sont la mtaphore (trope par ressemblance fond sur une relation danalogie) et
la mtonymie (trope par correspondance fond sur une relation de contigut), figure elle-
mme associe la synecdoque qui repose plutt sur un rapport dinclusion.
Le changement de sens pour la mtaphore et le changement de rfrence pour la
mtonymie sont, souligne B. Meyer (1993 :48-49), deux aspects formellement dissociables
mais de fait indissociables du phnomne tropique, car, lorsque la mtonymie change le
rfrent ordinaire dun terme, elle fait prendre du mme coup ce terme un sens en discours
particulier correspondant ce nouveau rfrent et inversement, le changement de sens opr
par la mtaphore saccompagne automatiquement dun changement de rfrence.
Nous examinerons, chemin faisant, successivement les deux mcanismes travers le
ple mtaphorique et le ple mtonymique.
4. Le ple mtaphorique Le ple mtaphorique dfinit, pour reprendre les termes de J.-J. Robrieux (1993 : 43), le domaine gnral des images , il regroupe lensemble des figures fondes sur une relation
danalogie : la mtaphore et la comparaison. H. Suhamy (2006 : 29) pense que il est
lgitime dinclure mtaphores et comparaisons sous une mme rubrique, car la diffrence
formelle qui les spare ne doit pas faire oublier leur appartenance un mode de perception et
de pense similaire. Elles forment la catgorie des images .
32
Bien que ces figures soient rapproches du fait quelles relvent toutes deux du
domaine de lanalogie, elles diffrent selon le mode de rapprochement des notions mises en
rapport qui peut tre explicite ou implicite. Nous examinons travers leur description les
spcificits de chacune dentre elles.
4.1. La comparaison Dans le Dictionnaire de potique et de rhtorique H. Morier (1975 :218) dfinit la
comparaison comme tant un rapport de ressemblance entre deux objets dont lun sert
voquer lautre . Cette dfinition voque le rapprochement dans le discours de deux entits
prsentant des caractristiques communes, mais il convient de remarquer que la comparaison
nest figurative que lorsquelle rapproche deux termes nappartenant pas la mme isotopie7.
Dire de quelquun :
(3) Yeohed am baba-s Il est fort comme son pre
nest pas une comparaison figurative puisquelle souligne les similitudes entre deux entits
appartenant un mme ensemble notionnel dont un sert mesurer lautre. Lindice de
personne y (le pronom personnel il ) qui renvoie une personne et baba-s (son pre) son
tous deux des tres humains, ils appartiennent donc au mme systme rfrentiel. Lexemple
(3) est une comparaison simple que les Anciens distinguent sous le nom de comparatio,
M. Aquien (1993 : 85). Mais si lon dit :
(4) Yeohed am wuzzal Il est fort comme du fer
on fait intervenir une reprsentation mentale trangre llment compar. Le compar
humain relve dune isotopie diffrente que celle du comparant uzzal (fer), lexemple (4) est
bien une figure de style. La comparaison figurative est la similitudo des Anciens (idem).
7 Le terme (en grec, isos gal en nombre, semblable et topos lieu, situation a t introduit en smantique par A. J. Greimas. En matire danalyse stylistique, il dsigne un rseau de signifis beaucoup plus large quun champ smantique, puisquil rassemble toutes les units qui, dans le texte, renvoient, par dnotation, connotation ou analogie un certain domaine de ralit, une certaine totalit de signification (Greimas : 1986). Il faut que les catgories smantiques soient redondantes pour que puisse tre dfinie une isotopie M. Aquien (1993 :161).
33
Cependant, la comparaison nest pas un trope au mme titre que la mtaphore puisque
il ny a pas de dtournement de sens , souligne C. Fromilhague (1996 : 123).
En effet, la comparaison ne change pas le sens des mots, les rfrents du compar et
du comparant de lexemple (4) ci-dessus gardent chacun son sens propre, ils restent distincts
et conservent leur autonomie smantique. Il ny a pas de substitution comme dans la
mtaphore. La comparaison ne dtourne pas une notion de son sens habituel mais rapproche,
dans un nonc, des termes ou des notions qui sont mis en prsence au moyen dun outil de
comparaison.
Selon le Dictionnaire des figures de style (2003 : 84), une comparaison complte
comprend quatre lments :
1- le compar, not C
2- le comparant, not Ca
3- loutil de comparaison
4- le point de comparaison
A partir de ces quatre lments la comparaison tablit une relation de similitude entre
llment1, le C qui est le thme sur lequel porte la comparaison, c'est--dire le rfrent
actuel et llment2, le Ca qui reprsente ce quoi on compare le thme, c'est--dire le
rfrent virtuel qui ne fait pas partie de lunivers de rfrence de lnonc. Ce rapport de
ressemblance est explicit dans lnonc par un outil de comparaison introduisant la figure
travers diffrentes structures syntaxiques, qui permet de mettre en valeur une/des
caractristique(s) commune(s) au C et au Ca qui constitue le point de comparaison. Ce
dernier lment, appel galement motif, nest pas ncessairement exprim comme le montre
lexemple suivant :
(5) Iri-w, ye$leb lemali Je verse des larmes torrentielles/plus quune rivire en crue
Le point commun au C iri-w (mes yeux en larmes) et au Ca lemali (dbordement
de la rivire) qui autorise le rapprochement des deux entits htrognes : labondance nest
pas signal dans lexemple. Quant au trois autres lments, ils sont obligatoirement exprims
dans la comparaison. Ce point constitue un des traits distinctifs entre les deux figures
danalogie : la comparaison et la mtaphore.
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Comme le fait remarquer Dumarsais (1977 : 114) le rapport de ressemblance est
dans les termes et non dans lesprit comme cest le cas de la mtaphore. L o la
comparaison pose un rapport explicite entre le C et le Ca mis en prsence dans lnonc par
un indicateur explicite (outil de comparaison) et donns comme tels dsignant chacun un
rfrent autonome, la mtaphore tablit un lien symbolique entre le C et le Ca dont les
rfrents sont assimils lun lautre par un transfert de signification sans aucun outil de
comparaison.
4.1.1. Les outils de comparaison
Dun point de vue grammatical, la comparaison est introduite par divers outils de
comparaison. Nous ne prsenterons ici quune numration des diffrents outils de
comparaison identifis dans la langue kabyle. Il serait erron daffirmer pouvoir en tablir un
inventaire complet et dtaill.
4.1.1.1. Les fonctionnels non-propositionnels
La comparaison peut tre annonce par la prposition am (comme/semblable), bal
(comme/ressemblant ), comme en tmoignent les exemples suivants :
(6) Ye$li-d lbael am lehwa Linjustice tombe comme de la pluie
(7) Tleu cwi-cwi am tweuft Elle marche lentement comme une fourmi
(8) Bal iij d tziri8 Comme soleil et clair de lune
4.1.1.2. Les fonctionnels propositionnels
La comparaison est aussi signale par des connecteurs, tels que : amzun (comme
si/comme/soi-disant) ou ses variantes zuna, zunik et zunak. Ces conjonctions peuvent tre
suivies dun verbe :
(9) Nnif, d nekkni i t-yekksen Amzun iedda deg umehraz
8 Il sagit l dune expression kabyle : se dit de quelquun de beau. Remarquons toutefois que lnonc est elliptique, le terme yemle/yecbe (il est beau) tant tronqu.
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Ur d-iqqim ubruy yefen
Ce sont nous qui avons dtruit lhonneur Comme sil tait pass dans le mortier Il nen reste rien ou dun nom:
(10) Mzurbaen amzun d tiwevfin Ils marchent lun derrire lautre comme des fourmis
(Ils marchent la file indienne)
Dans ce cas, le nom est toujours prcd de la copule d (auxiliaire de prdication).
Le fonctionnel propositionnel akken (comme/tel) peut aussi vhiculer une comparaison
figurative :
(11) lin-d yi$eblan fell-i akken i d-ye$li yigenni $ef tmurt Les soucis sont tombs sur moi comme est tomb le ciel sur la terre (Les soucis me tombent dessus tel un ciel couvert)
Lexemple (11) exprime une comparaison de lennui et de la tristesse.
Loutil comparatif peut galement tre un substitut indfini ayen (ce que) et vhiculer
une comparaison :
(12) Si loedd u loedd, Aqbayli Isburr ayen isburr wulli Xas tellsev-t ad yennerni Nnas, ur as-yeaxer
Depuis plusieurs gnrations, La malveillance chez les Kabyles Est semblable laine des ovins Cela repousse aprs la tonte (13) Ibubb ayen ibubb udrar Il porte sur son dos ce que porte la montagne (Il est accabl de besognes/de soucis) (14) Ayen i yesseble leber i sbele$ Ce que engloutit la mer je lai engloutit (Jai eu tous les ennuis possibles)
Il faut toutefois signaler que syntaxiquement ayen (ce que) assure la fonction
dexpansion selon sa position dans la phrase. Ce nominal est expansion directe dans les
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exemples (12) et (13), il est antcdent de la relative isburr wulli (les ovins se couvrent) en
(12) et de la relative ibubb udrar (la montagne porte sur son dos) en (13). Mais
smantiquement ayen (ce que) exprime suivant le contexte un rapport logico-smantique de
comparaison. Selon notre conception, la redondance du verbe est lun des critres qui nous
permet de dire quil sagit dune comparaison.
4.1.1.3. Les verbes
La comparaison peut tre aussi exprime laide des verbes, tels que : cbu
(ressembler), agar/$leb (dpasser/surpasser), ban (paratre) et lexpression fige ad as-tiniv
(on dirait), en voici quelques exemples :
(15) Cuba$ s iferr mi ara yekkaw Je ressemble une feuille sche/sche
(16) Cbi$ loedra yerkan Ugin medden d aser$u
Je ressemble un tronc darbre pourri Dont les gens ne sen servent mme pas en bois de chauffage
(17) Ul-im, yeqqur ye$leb tanicca Ton cur est plus dur que le silex
(18) Yugar tablawt Il dpasse une gourde (Il boit beaucoup) (19) Tban-d d aggur s tqendurt n teslit Elle parat lune avec la robe de marie (Elle est ravissante/belle comme la lune)
Le verbe ban (paratre) peut se combiner avec un autre outil de comparaison. Ce verbe
se combine aussi bien avec les fonctionnels non-propositionnels am (comme) dans lexemple
(20) ci-aprs et bal (ressemblant ) quavec le fonctionnel propositionnel amzun (comme si)
ainsi que ses variantes:
(20) Iban-d am yitri Mi akken i d-yuli ibud emmlen akk medden Il parut comme une toile Quand il est mont Iboud ador de tous
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La locution verbale ad as-tiniv (on dirait) peut introduire un nom :
(21) Yeqqur uqerruy-is ad as-tiniv d aru Il a la tte dure on dirait une pierre (Il est entt/obstin)
ou un verbe :
(22) Tseqqvev ad as-tiniv tettinitev Tu es gourmant on dirait une femme enceinte
La comparaison et la mtaphore sont souvent imbriques, cette construction est
redondante dans luvre potique de Matoub, prenons titre dexemple la strophe suivante :
(23) Nele$ leb$i-w d ay-iw Anda ur ten-yettaf yiwen Amwanes-nsen, d zzhe-iw Am lekfen icebbe-iten Jai enterr mon dsir et ma raison L o personne ne pourrait les exhumer Ma chance/ma destine leur sert de compagnon Et les ensevelit linstar dun linceul
C. Dtrie (2001 :75) rsume le mcanisme de la comparaison dans ce passage La
comparaison est affrontement de deux notions, qui se donne voir tel quel. Les deux notions
sont maintenues distance, et la fusion des deux est rendue impossible par la syntaxe
comparative : la comparaison nest ainsi jamais un procd de nomination, cest un procd
intellectuel qui saffiche comme mise en parallle dlibre (son mode dexpression
analytique est manifest par des signes de comparaison la fois lexicaux et syntaxiques). Il
ny a substitution daucune entit fictive dans le processus comparatif, alors que la mtaphore
permet de construire une nomination nouvelle .
C. Fromilhague (1996 :122) nonce par ailleurs que la comparaison est analytique et
prsuppose en principe une volont de clart. La mtaphore est synthtique et donne une
densit accrue la reprsentation .
Ces remarques manifestent bien que la comparaison dtaille et explique, ds lors, la
comparaison nest-elle pas une forme allonge de la mtaphore? Il reste examiner la
mtaphore proprement dite pour en savoir davantage.
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4.2. La mtaphore 4.2.1. Dfinition de la mtaphore
La mtaphore, du grec mtaphora, transport au sens propre qui vient du verbe
metaphorein transporter . De meta, marquant le changement et de phora action de
porter, de se mouvoir , et depuis Aristote, la mtaphore, terme rhtorique signifie
transposition de sens .
Aristote (1982 :345) explique ltymologie de la figure qui renvoie lide de
transport comme suit : La mtaphore consiste transporter le sens dun mot diffrent soit du
genre lespce, soit de lespce au genre, soit de lespce lespce, soit par analogie .
Dans son Trait gnral des figures du discours, P. Fontanier (1977 :99) reprend cette
notion en prcisant que : Les tropes par ressemblance [c'est--dire les mtaphores]
consistent prsenter une ide sous le signe dune autre ide plus frappante ou plus connue,
qui, dailleurs, ne tient la premire par aucun autre lien que celui dune certaine conformit
ou analogie .
A la lumire de cette prcision, la mtaphore peut tre considre comme tant une
figure de substitution selon laquelle on remplace un mot normalement attendu par un autre
mot selon un rapport danalogie. Dans lexemple (24) qui suit, on substitue au champ lexical
de la vgtation une ralit abstraite : ssber (le courage/la rsignation) en le dtournant de son
sens habituel :
(24) Deg yi$ef-im, ssber, u-t Implante le courage en toi (Arme-toi de courage)
Ce transfert smantique est fond sur une relation analogique selon des traits smiques
communs aux deux rfrents : la durabilit, la rcolte escompte en consquence de son
action.
Tel que laffirme H. Morier (1989 : 690) La mtaphore confronte, sans recourir
aucun signe comparatif explicite, lobjet dont il est question, le compar, un autre objet, le
comparant .
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La mtaphore ne contient pas les quatre lments qui constituent la comparaison. On
retrouve le C et le Ca dans une mtaphore in presentia9, ou lun des deux dans une
mtaphore in absentia ainsi que la proprit commune (exprime dans certains cas) mais
loutil relationnel est totalement absent. Cest dailleurs sur cet aspect que Quintilien10 fonde
sa dfinition La mtaphore est, en gnral, une similitude abrge .
On voit bien quil manque loutil de comparaison dans la mtaphore ci-dessous :
(25) Ddunit, d lakul La vie est une cole
Cette figure rapproche deux ralits distinctes ddunit (la vie) et lakul (lcole) en vertu
dune comparaison qui met en valeur les facteurs communs des deux rfrents :
lenseignement, lexprience, le savoir, en passant sous silence loutil de lanalogie amzun
(comme/comme si). On pourrait aisment passer un rapport analogique impliqu par la
comparaison en ajoutant simplement le mot-outil amzun. Cependant, a ne fonctionne pas
avec tous les types de figures danalogie. Cette forme abrge ne sapplique qu une forme
particulire de mtaphore, il sagit de la mtaphore prdicative dont il sera question
ultrieurement. Nanmoins, observons de plus quen kabyle la forme abrge sarticule
uniquement avec le connecteur amzun (comme/comme si), autrement, la structure syntaxique
de la phrase serait affecte.
Ainsi, la brivet ne constitue pas le trait dcisif marquant la diffrence entre la
comparaison et la mtaphore, cet aspect ne souligne pas une parent relle entre les deux
figures. Selon le point de vue de A. Henry11 La comparaison et la mtaphore diffrent dans
leur essence mme []. Lopration qui les sous-tend toutes deux nest pas identique []. La
mtaphore nest pas une comparaison elliptique, une variante combinatoire de la
comparaison. Elle na rien de brevior, rien dabrg, sinon dans lexpression : il faut se garder
de confondre expression implicite et densit smantique. Comparaison abrge voudrait dire
que la mtaphore exprime en moins de signes ce que dit la comparaison ; ce nest pas le cas,
parce que la mtaphore dit autre chose que la comparaison .
9 On distingue deux formes principales de mtaphores : les mtaphores in presentia et les mtaphores in absentia, nous y reviendrons pour une description morphosyntaxique. 10 Cit par C. Fromilhague (1996 :122). 11 Cit par C. Dtrie (2001 :75).
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En effet, la mtaphore opre une fusion de sens, ce qui nest pas le cas pour la
comparaison dont les deux rfrents restent distincts, rappelons-le, en gardant chacun son sens
propre. La mtaphore (25) illustre bien une fusion de sens entre lakul (lcole) et ddunit (la
vie). Cette fusion de sens peut tre dcrite comme une ressemblance par les traits communs
qui forment une intersection smique impliquant deux termes, plus prcisment deux noms.
Lassociation se fait sous la forme dune quation prdicative schmatise ainsi : A est B. Il
sagit en fait de la mtaphore de lespce lespce, lune des quatre mtaphores dsignes
par la tradition qui remonte Aristote. J. Molino et J. Gardes-Tamine (1992 : 162) prcisent
que la mtaphore par ressemblance (de lespce lespce) se fonde sur une relation entre
deux termes, la mtaphore par analogie, quant elle, elle repose sur une relation de relations.
Rappelons que les deux premires : du genre lespce et de lespce au genre ont t
appeles ultrieurement synecdoques. Seules les mtaphores de lespce lespce et la
mtaphore par analogie ou proportion ont retenu le nom de mtaphore.
Notons aussi que la mtaphore procde un changement smantique entre deux
signifis appartenant des isotopies diffrentes, contrairement la mtonymie o le transport
de sens entre les deux signifis seffectue dans la mme isotopie comme nous allons le voir
dans lanalyse qui lui sera consacre.
De plus, la mtaphore construit un rapport de similarit qui implique limaginaire.
La relation danalogie comporte (assez souvent) une part de subjectivit tandis que les figures
de sens du ple mtonymique repose sur des rapports objectivement prconstruits et
constatables, fonds sur des associations logiques.
Selon C. Fromilhague (1995 :60), la mtaphore opre une recatgorisation subjective
et imaginaire en abolissant les frontires entre les catgories smantiques et rfrentielles que
notre entendement prsupposait les plus stables. Par exemple, dans le vers cit en exemple
(24), labstrait est associ au concret : ssber (courage)/u (implanter). Il y a l une
recatgorisation des rfrents dsigns. Smantiquement, une abstraction est transforme en
une ralit concrte.
Dans la mtonymie, la recatgorisation est surtout leffet dune astuce pratique de
reprsentation en continuit rfrentielle. Dans la mtaphore, elle est dj un projet de
reprsentation, o il sagit de faire dire quelque chose la recatgorisation comme telle.
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Le mcanisme mtaphorique est fond sur un rapport implicite ou explicite entre deux
signifis. Linguistiquement, la mtaphore est une structure tripartite12, on y distingue les trois
lments suivants :
- Le terme mtaphorique qui est le terme mis en relation avec le sujet dont on parle, il
correspond au S1 quon appelle comparant, phore (veut dire porteur en grec) ou vhicule. Il
dsigne un rfrent toujours virtuel.
- Le terme mtaphoris qui est le sujet dont on parle, il correspond au S2 quon appelle
compar, thme ou teneur. Il dsigne le rfrent actuel.
- Llment commun aux deux premiers qui est llment ressemblant ou analogue unissant le
terme mtaphorique et le terme mtaphoris quon appelle motif, mot ou qualit. Cet lment
est implicite et nest pas toujours exprim, cest au rcepteur de restituer les smes communs
aux C et au Ca. Il est toutefois dcodable par le contexte culturel et le cotexte immdiat dans
lequel apparat la mtaphore.
4.2.2. Les formes de la mtaphore En raison de la structure syntaxique de la mtaphore constitue du C et du Ca, la
mtaphore se prsente sous diverses formes, en fonction de la prsence ou de labsence des
lments constitutifs, on en distingue deux formes principales : les mtaphores in presentia et
les mtaphores in absentia.
4.2.2.1. La mtaphore in presentia
On parle de mtaphore in presentia (prsente dans lnonc, en latin) quand le C et le
Ca sont tous deux prsents dans la phrase. La mtaphore in presentia associe explicitement en
contexte le C et le Ca. Elle peut se manifester selon diffrents types de construction.
- construction attributive
La mtaphore attributive met en relation deux notions par le biais de la copule
d 13 ayant pour rle syntaxique un auxiliaire de prdication, ce lien grammatical construit de
pseudo-dfinitions, pour reprendre lexpression de J. Gardes-Tamine (1996 :134).
Considrons lexemple (26) suivant :
12 Nous nous sommes rfrs aux ouvrages thoriques cits en bibliographie, notamment C. Fromilhague (1995). 13 En franais, la relation attributive relie deux termes au moyen de la copule est , selon les termes de J. Jaffr (1984 :125).
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(26) er $ur-k jur, d arraw-ik tes yeux, les arbres sont tes enfants
Cette mtaphore a la forme dune dfinition assertive dont lauxiliaire de prdication d
pose un rapport dquivalence. Le Ca jur (les arbres) de lexemple (26) ci-dessus est donn
comme lquivalent du C arraw-ik (tes enfants).
Cette construction donne croire que le terme mtaphorique est employ dans son
sens propre, lapparente valeur de vrit mne la mtaphore vers lexpression dune illusion
de sens.
- construction prpositionnelle
Cette construction met en relation deux noms au moyen de la prposition n (de). Cette
association de noms ralise une identification, crant une autre ralit.
Il y a bien identit entre adrar (montagne) et letab (peine/souffrance) dans :
(27) Ye$li-d udrar n letab Une montagne de peine est tombe
- construction appositive
La mtaphore appositive met en relation le C et le Ca par juxtaposition ; le Ca amgud
n yifires (jeune pousse de poirier) est appos au C mmi (mon enfant) dans lexemple suivant,
expression dune mre son bb dans une berceuse par laquelle elle lui fait des louanges :
(28) Keini a mmi, ay amgud n yifires toi mon fils, jeune pousse de poirier
La mtaphore in presentia tablit une relation entre deux termes appartenant la mme
catgorie syntaxique, celle des noms comme nous venons de le voir.
4.2.2.2. La mtaphore in absentia
La mtaphore in absentia procde, quant elle, par substitution des termes, elle est
implicite et sous-entendue. La mtaphore in absentia nexprime que lun de ses constituants
fondamentaux, le C ou le Ca. Elle se ralise selon diverses formes syntaxiques, elle peut
tre :
- verbale
Comme dans lexemple (24) o la substitution analogique entre les deux entits
voques appartenant deux domaines rfrentiels disparates matrialise la notion abstraite
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de ssber (courage). La mtaphore nexprime que le C. Il y a lieu de remarquer que le Ca, une
entit vgtale, nest pas totalement banni puisque le verbe u (implanter) en est lquivalent
et porte en lui lessence de la notion :implanter un vgtal.
- nominale
La mtaphore nominale in absentia consiste en lellipse du C. Lexemple (29)
ci-dessous est nonc en compliments pour une belle femme, le lecteur dans sa recherche de
lanalogie fait le rapprochement qui simpose.
(29) D taerjunt n ttmer Cest un rgime de dattes
- adjectivale
Lexemple (30) ci-aprs est une mtaphore de la torsion des annes pour la vie qui
bascule dans le nant :
(30) D lesnin uzligen Ce sont des annes tordues/de travers
On sattend rencontrer ladjectif uzligen (tordues) dans un champ smantique
adquat lide de torsion qui sapproprie des entits matrielles animes mais par
recatgorisation imaginaire, ce dterminant lexical manifeste une redistribution smantique, il
apparat associ une entit abstraite lesnin (les annes).
- participiale
(31) D taswit i iercawen Cest la conjoncture/le moment prsent qui est rude
Le glissement smantique fait de lexemple (31) une mtaphore de la rudesse de la
conjoncture pour la vie dsagrable, difficile supporter.
On se rend bien compte, daprs ce qui vient dtre prsent en haut, que la mtaphore
est, comme le constate P. Fontanier (1977 :99), trs varie, et elle stend bien plus loin sans
doute que la mtonymie et que la synecdoque, car, non seulement le nom, mais encore
ladjectif, le participe, le verbe et enfin toutes les espces de mots sont de son domaine .
La diffrence entre la mtaphore in presentia et la mtaphore in absentia se rsume
dans ce passage extrait dun article sur la mtaphore part dans le site wikipedia, P. Cadiot
(2002 : 38-57) La mtaphore in presentia propose un rapprochement analogique entre deux
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ralits explicitement dsignes dans le discours et runies dans une relation de co-prsence
tandis que la mtaphore in absentia propose un rapprochement analogique entre une ralit
explicitement dsigne dans le discours et une autre quon attendrait virtuellement dans le
mme contexte mais qui nest pas nomme et doit tre voque par le destinataire .
4.2.2.3. La mtaphore file
Une mtaphore peut stendre sur plusieurs phrases ou vers et constituer ainsi un type
particulier de mtaphore, ce quon appelle mtaphore file ou continue. Selon
M. Rifaterre (1979 :218), la mtaphore file est une srie de mtaphores relies les unes aux
autres par la syntaxe -elles font partie de la mme phrase ou dune mme structure narrative
ou descriptive- et par le sens : chacune exprime un aspect particulier dun tout, chose ou
concept, que reprsente la premire mtaphore de la srie .
Considrons lexemple suivant :
(32) Vi$-d zize$ i lmena U$ale$-as d aqcic n ccuq Deg wakken tzad lemibba Tewwet armi tezla faruq
Il savre que je suis si cher la (aux) peine(s)/souci/tourment Je suis ses yeux lenfant longtemps dsir La tendresse est si forte/elle maime tellement fort Quelle a gorg la sparation
Cette mtaphore est file sur un ensemble de mtaphores verbales et nomina