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Fluage en traction des b6tons ordinaires et des b tons 16gers D. Morin, J. C. Maso D~partement de G6nie Civil de l'Institut National des Sciences Appliqu6es de Toulouse Nous nous proposons d'6tudier l'influence du temps de chargement sur les propri~t~s m~caniques d'un microb6ton de calcite et un b~ton d'argile expans~e soumis d des efforts de traction. La mesure des d~formations totales et r~siduelles montre que l'allongement des ~prouvettes sous la charge de traction est un ph6nom~ne irr6versible qui provoque une modification des caract6ristiques m6caniques des mat~riaux. AprOs fluage, on observe une 16gOre consolidation du matOriau qui se traduit par une augmentation du module de d6formation longitudinale et une meilleure r6versibilit6 du b6ton. INTRODUCTION Dans les constructions, les 616ments sont soumis A des surcharges variables et ~ des charges perrnanentes. I1 est donc int6ressant de connaRre le comportement des mat6riaux lorsqu'on maintient une charge constante dans le temps. Si, en g6n6ral, on s'efforce de faire travailler le b6ton en compression, ce dernier est malgr6 tout soumis dans certains 616ments /t des efforts de traction. C'est la raison qui nous a conduit fi 6tudier ici le comportement et les 6tats limites de r6versibilit6 et de rupture d'un b6ton ordinaire et d'un b6ton 16ger soumis/t des efforts de traction simple, constants dans le temps. 1. MOYENS EXPI~RIMENTAUX 1.1. Composition des b~tons Nous avons effectu6 nos essais sur un b6ton ordinaire de calcite et un b6ton d'argile expans6e dont les compositions sont indiqu6es ci-dessous. 0025-5432/1982/469/$ 5.00/ BORDAS-DUNOD B6ton de calcite Ciment CPA 325 ................. Calcite (t) ..................... Eau de g~chage .................. 350 kg/m3 1000 kg/m3 160 1/m 3 B&on d'argile expans6e Ciment CPA 325 ................. Sable 16ger(+) .................. Granulats 16gers ................. Eau de gfichage .................. 400 kg/m] 350 kg/m ~ 300 kg/m~ 210 I/m ~ (1) Pour les compositions granulom6triques se reporter h la r~f~rence [1]. Les b6tons sont coul6s sur une hauteur de 8 centim~tres. La raise en place s'effectue en trois couches d'6gale importance pour 6viter toute s~gr~ga- tion; chaque couche est vibr6e puis taloch~e. 1.2. Conservation Les 6prouvettes sont conserv6es dans leur moule pendant les premi6res 24 heures dans une enceinte gt 100% d'humidit6 relative et 20~ 469

Fluage en traction des bétons ordinaires et des bétons légers

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Page 1: Fluage en traction des bétons ordinaires et des bétons légers

Fluage en traction

des b6tons ordinaires et des b tons 16gers

D. Morin, J. C. Maso D~partement de G6nie Civil de l'Institut National des Sciences Appliqu6es de Toulouse

Nous nous proposons d'6tudier l'influence du temps de chargement sur les propri~t~s m~caniques d'un microb6ton de calcite et un b~ton d'argile expans~e soumis d des efforts de traction.

La mesure des d~formations totales et r~siduelles montre que l'allongement des ~prouvettes sous la charge de traction est un ph6nom~ne irr6versible qui provoque une modification des caract6ristiques m6caniques des mat~riaux. AprOs fluage, on observe une 16gOre consolidation du matOriau qui se traduit par une augmentation du module de d6formation longitudinale et une meilleure r6versibilit6 du b6ton.

INTRODUCTION

Dans les constructions, les 616ments sont soumis A des surcharges variables et ~ des charges perrnanentes. I1 est donc int6ressant de connaRre le compor tement des mat6riaux lorsqu 'on maint ient une charge constante dans le temps.

Si, en g6n6ral, on s'efforce de faire travailler le b6ton en compression, ce dernier est malgr6 tout soumis dans certains 616ments /t des efforts de traction. C'est la raison qui nous a condui t fi 6tudier ici le compor tement et les 6tats limites de r6versibilit6 et de rupture d ' un b6ton ordinaire et d ' u n b6ton 16ger soumis / t des efforts de traction simple, constants dans le temps.

1. MOYENS EXPI~RIMENTAUX

1.1. Composition des b~tons

Nous avons effectu6 nos essais sur un b6ton ordinaire de calcite et un b6ton d'argile expans6e dont les composi t ions sont indiqu6es ci-dessous.

0025-5432/1982/469/$ 5.00/�9 BORDAS-DUNOD

B6ton de calcite

Ciment CPA 325 . . . . . . . . . . . . . . . . . Calcite (t) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Eau de g~chage . . . . . . . . . . . . . . . . . .

350 kg/m 3 1 000 kg/m 3

160 1/m 3

B&on d'argile expans6e

Ciment CPA 325 . . . . . . . . . . . . . . . . . Sable 16ger (+) . . . . . . . . . . . . . . . . . . Granulats 16gers . . . . . . . . . . . . . . . . . Eau de gfichage . . . . . . . . . . . . . . . . . .

400 kg/m] 350 kg/m ~ 300 kg/m ~ 210 I/m ~

(1) Pour les compositions granulom6triques se reporter h la r~f~rence [1].

Les b6tons sont coul6s sur une hauteur de 8 centim~tres. La raise en place s'effectue en trois couches d'6gale impor tance pour 6viter toute s~gr~ga- t ion; chaque couche est vibr6e puis taloch~e.

1.2. Conservation

Les 6prouvettes sont conserv6es dans leur moule pendant les premi6res 24 heures dans une enceinte gt 100% d 'humidi t6 relative et 20~

469

Page 2: Fluage en traction des bétons ordinaires et des bétons légers

Vol. 15 - N ~ 89 - Mat6r iaux et Cons t ruc t i ons

Apr6s d6moulage, elles sont entrepos6es dans l'eau pendant 25 jours avant d'etre sci6es et rectifi6es. Elles sont ensuite expos6es, avant les essais qui ont lieu respectivement 28 jours apr6s le ggtchage, clans la salle d'essais climatis~e fi 20~ et 50 70 d'humidit6 relative.

1.3. Forme des ~prouvettes et dispositif d'appficafion des charges

Les ~prouvettes, en Iigne de jet, sont 6quip~es chaque extr6mit6 de deux vis, noy6es dans le b6ton, qui permettent d'appliquer les efforts de traction [2].

Nous avons repr6sent6 sur le sch6ma de la figure 1 le dispositif d'application des charges.

1.4. Dispositif de mesures des d~formations

Les ~prouvettes sont ~quip~es de 2 jauges extenso- m6triques HBM 50 et la mesure des d~formations s'effectue ~ l'aide d'un indicateur de contrainte atfichage num6rique.

Afin d'enregistrer uniquement les d~formations de fluage du b6ton, nous avons utilis~ un montage en quart de pont avec une jauge de compensation coll~e sur un b6ton ayant subi les m~mes pr6parations que celui sguro.is_ ~_ !~e_ss_aL

I r -"J'-" BATI

I I

ROTULE

VIS O ANCRAGE

EPROUVETTE

PLATEAU DE

CHARGEMENT

Fig. 1. w Sch,~ma d'une ~prouvette et du disposit /f d 'application des: charges .

470

44

22

daN//cm2

El �9 " ~ Elf

MIROBETON DE CALCITE

I(~010 2~)020 106 ~1 ~'tr

Fig. 2. - - Courbe effort d~format ion totale et r~siduelle des I~tons.

O" do% m2 . ~ J

BETON LEGER

100 200 10 20

Fig. 3.

Ii ~o ~ r~

R %

90

B0

MICROBE'TON DE CALCITE

O" I I I It

11 2 2 33 da~cm2

Fig. 4. ~ Variat ions du degr~ de r~verslbilit~ en fonction de la contrainte appliqu~e.

1GC

90

80

R % BETON LEGER

t

Fig. 5.

0" B

Page 3: Fluage en traction des bétons ordinaires et des bétons légers

D. Morin - J. C. Maso

200"

MICROBETON DE CALCITE

100- f Er EIEFORMA:[OO: "i'::::;ELLE

t 0 I ' ! t I

20 40 60 ~0 '100 jours

Fig. 6. -- Variation de la d~formation longitudinale totale et r~siduelle en fonction de la dur~e de chargement.

2. COMPORTEMENT EN TRACTION SIMPLE DU B]~TON ORDINAIRE ET DU BI~TON LINGER

Nous avons representS, sur les, figures 2 et 3, les courbes effort d6formation totale a = f (et) et r6siduelle a=g(~), du b~ton de calcite et du b6ton d'argile expansee.

Sur ces courbes, on constate un domaine lin~aire

domaine de d~formations plus importantes conduisant ~i la rupture du b6ton. Cette demi6re intervient pour une valeur de la contrainte de traction 6gale ~i :

a r = 50 daN/cm 2, b~ton de calcite; a r = 16 daN/cm 2, b6ton d'argile expans6e.

Si nous d6finissons le degr6 de r~versibilit6 R du mat~riau par l 'expression :

R = ~r~ =1 ~ [1]

nous pouvons alors repr6senter sur les figures 4 et 5 l'6volution de la r6versibilit6 du b6ton en fonction de la contrainte de traction appliqu~e. On remarque alors que :

ct

2OO

100

~:r

BETON LEGER

- - le degr6 de r6versibilit6 ne tend pas vers la valeur 100 70 quand la valeur de la contrainte tend vers zgro; ceci provient de l'existence de microfissures et de micropores existant dans le matgriau avant l 'application des charges;

- - le degr6 R e s t prat iquement constant lorsque la contrainte a augmente sauf pour les valeurs ~levges de

pour lesqueUes on observe lane diminution de R qui caract6rise la dggradation du mat~riau conduisant ~ sa ruine.

20 40 60 ~0

Fig. 7.

3. COMPORTEMENT DES BI~TONS SOUS CHARGE CONS- TANTE DANS LE TEMPS

Nous avons d6fini deux niveaux de chargement correspondant ~ 1/4 et 1/2 de la contrainte de rupture obtenue ~ 28 jours avec un essai de traction simple. Nous avons alors mesur~, dans chaque cas, les variations des d~formations longitudinales totales et r6siduelles en fonction du temps de chargement du b~ton de calcite et du b~ton d'argile expans6e. Nous avons report6 ces courbes sur les figures 6 et 7.

• TO'ALE

E: r DEFORMATION RESIOUELLE

I I I I t

Jours

471

Page 4: Fluage en traction des bétons ordinaires et des bétons légers

V o l . 1 5 - N ~ 8 9 - M a t ( ~ r i a u x et C o n s t r u c t i o n s

66

22

O--

da N//~ m 2

i I

100 200

AVANT FLUAGE

- - - - - - APRES FLUAGE

R

100

90 �84

80 0-

r,g. o Variation du module de d~formaiion iongitudinaie et de i [ rtversibilit~ des b~tons apr~ fluage.

472

~,s

100

90"

80"

O-

'a~ I"ilI// /////// _ _ _ _ -

, /

Io0 200

R %

- - AVANT FLUAGE

APRES FLUAGE

B

5,5

Fig. 9.

O-- I t

daN/crn 2

On observe alors que les d6formations totales et r6siduelles varient de fa$on tout /~ fait semblable et qu'elles tendent vers une limite au bout d'une soixantaine de jours. En outre, on constate que la d6formation de fluage est pratiquement 6gale/L la d6formation r6siduelle. L'effort de traction a done produit un allongement irr6versible dans le temps.

Si, apr6s stabilisation du fluage, on d6charge les 6prouvettes et si on enregistre,/~ partir de ce nouvel 6tat initial, les d6formations totales et r6siduelles au cours d'un essai de traction simple, on remarque que, par rapport ~ des 6prouvettes t6moins ayant le m6me fige et conserv6es dans les m~mes conditions :

- - les d~formations e, et er des 6prouvettes soumises au fluage sont plus petites que celles des t6moins;

- - les eontraintes de rupture sont pratiquement les m6mes.

On constate done que l 'application d'une charge constante dans le temps entra~ne, tant qu'on ne d6passe pas la moiti~ de la charge de rupture, une modification m6canique de la structure interne des mat6riaux qui provoque une augmentation de sa r~versibilit6, du module de d~formation longitudinale (fig. 8 et 9) sans pour autant provoquer de modification de la contrainte de rupture de ces b6tons [3].

4. COMPORTEMENT SOUS CHARGE CONSTANTE DANS LE TEMPS D'~PROUVETTES ENDU1TES DE PARAFFINE

Sur des 6prouvettes semblables, conserv~es dans les m6mes conditions, nous avons d6pos6 un film de paraffine afin d'~viter tous les ~changes avec l'ext~rieur.

Lorsqu'on soumet ces 6chantillons /L des efforts de traction constante darts le temps, on remarque que :

- - les d6formations de fluage sont peu importantes pendant les dix premiers jours ;

- - e n s u i t e , elles augmentent r6guli6rement comme sur les 6prouvettes sans paraffine, mais tout en restant bien inf6rieures ;

- - les d6formations de fluage sont toujours pratique- ment ~gales aux d6formations r6siduelles.

Le film de paraffine, en supprimant les 6changes d'eau entre l'~prouvette et le milieu ext6rieur a done permis d'~liminer une part importante du fluage des b6tons (38 ~ pour les b&ons de calcite et 47 ~o pour le~ b~tons d'argile expans6e).

5. INTERPR]~TATION DU PHI~NOMI~NE DE FLUAGE EN TRACTION

Ces exp6rienccs nous mont ren t que nous pouvons consid6rer le fluagc du b6ton comme r6sultant de la superposition de deux ph6nom6nes: l 'un li6 aux 6changes d'eau entre l '6prouvctte et le milieu ext6rieur et l'autre r6sultant des modifications de la structure interne du mat6riau.

A temp6rature constante, los 6changes entre l'6chan- tillon et l'air de l'enceinte se r6duisent ~ des 6changes

Page 5: Fluage en traction des bétons ordinaires et des bétons légers

d'eau qui agissent sur le s6chage et l '6vaporation de l'eau capillaire contenue dans les pores.

Sous l'effort de traction maintenu constant, les tensions internes dans le b6ton sont modifi6es ainsi que les migrations d'eau. Ces derni6res font intervenir, d'une part, l'eau adsorb6e et d'autre part, l'eau situ6e entre les feuillets de la pfite de ciment. Ce transfert d'eau s'accompagne d'une modification des arrangements et enchevStrements des feuillets et des cristaux de la p~te de ciment, favoris6s par l'6tat de contrainte interne du mat6riau. Ces transformations irr6versibles correspon- dent alors aux d6formations de fluage.

6. INFLUENCE DES CONDITIONS D'ESSAIS

On constate que, pour un m~me 6tat de contrainte, le fluage observ6 sur un b6ton 16ger est plus important que celui observ6 sur un b6ton ordinaire. Ceci provient, d'une part, du fait que le b6ton 16ger est plus poreux que le b6ton ordinaire et donc que les 6changes d'eau sont plus importants et, d'autre part, que la structure interne du mat~riau est moins r6sistante.

Sur les deux mat6riaux on observe que les d6formations de fluage sont d 'autant plus grandes que l'effort de traction appliqu6e est important.

Par contre, ces d~formations sont moins ~randes lorsque l'fige du b6ton au moment de l'essai augrnente.

D. M o r i n - J. C. M a s o

CONCLUSIONS

Nos exp6riences montrent que sous un effort de traction maintenu constant dans le temps, les ~prouvettes de b~ton ordinaire et de b~ton l~ger s'allongent.

Ces d6formations de fluage en traction, qui sont pratiquement ~gales aux d6formations r6siduelles, proviennent, d 'une part, des 6chatlges d'eau qui se produisent entre l '6prouvette et le milieu ambiant et, d'autre part, des modifications de la structure interne des mat6riaux.

Apr6s fluage, on observe une 16g~re consolidation du mat6riau qui se traduit par une faible augmentation du module de d6formation longitudinale mais surtout une meilleure r6versibilit6 du b~ton. Cependant, on n'observe pas d'accroissement de la r6sistance & la rupture des b~tons.

RgFI~RENCES

[1] MoP, IN D. - - Th6se Docteur-Ing6nieur, Toulouse, 1976. Sur les bdtons ldgers et leur comportement mdcanique sous des sollicitations biaxiales.

[2] GRANJU J. L. - - Mat6riaux et Constructions, n ~ 56, mars 1977. Essais de traction directe sur des pdtes pures de ciment durcies.

~] Sousa Ccwn.r;:m A. Mat6na'ax et CensL~ctiens,4anvie~ 1977. A contribution to the mechanism of concrete creep.

SUMMARY

Tensile creep of normal and lightweight aggregate concretes. - - Determination of mechanical properties of concretes subjected to tensile loading constant in time. The first research phase consisted of studying the deformations of calcite and expanded clay microconcrete test pieces. By measuring with strain gauges the elongation of the test pieces along the casting axis, it was possible to determine the modulus of longitudinal deformation, the degree of reversibility and the failure of materials under tensile load. It then becomes obvious that the concrete behaviour is practically linear and brittle, not being reversible even for very small loads. This seems due to the presence of microcracks and micropores existing in the material before application of loads.

When these tensile loads (= 25 and 50~ failure) are kept constant in time, the total deformation (under loading) and the residual deformation (after unloading)

are seen to vary in a quite identical way and they tend towards a limit after about 60 days. Observation shows that creep deformation is practically equal to residual deformation. The tensile load has therefore produced irreversible elongation over time. This phenomenon arises from the redistribution of internal stresses which are modified by water migration in the material.

After creep a modification of concrete mechanical properties is observed, lndeed, once the creep deformation stabilized and after unloading of samples, resuming testing reveals an increase o f modulus of longitudinal deformation and the reversibility of the materials. Tensile creep has therefore brought about concrete consolidation with respect to tensile deformation. On the other hand the stresses characterizing the failure of the test piece are practically not modified.

Creep deformation directly linked to water movements in the concrete are more extensive in lightweight aggregate concretes because their pore structure is more pronounced.

473