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234 n Formatiof2 de Za restazjration Gaë1 de Guichen Ingénieur chimiste, responsable des études pour la conservation de la grotte de Lascaux en 1968 et 1969. Depuis lors, membre du personnel de I’ICCROM, il est devenu l’assistant du directeur pour les programmes spéciaux en 1983. Intéressé spécialement par la conservation préventive - vol, feu, vitrine, réserves, désinsectisation, climat et éclairage - , sujets sur lesquels il a fait des cours tant à I’ICCROM que dans vingt-cinq pays. Cynthia Rockwell Diplômée en Science de l’UniversitéCornell. Docu- mentaliste à I’ICCROM de 1973 à 1979. Responsa- ble des publications à I’ICCROM depuis 1979. Parmi d’autres publications elle a révisé et publié l’Index Internationalsur La Formation en Conserua- tion de biens czllturels, Editions 1-4, dont la plus rCcente est sortie en 1987. 1. Ceci est paradoxal car une forêt qui briile peut être replantée alors qu’un objet ou un monument qui brûle disparaîtà jamais et avec eux disparaît le message humain dont ils étaient porteurs. Ce côté irréversible de la disparition du patrimoine culturel est aujourd’hui encore malheureusement peu ressenti. 2. Conservateur-restaurateur : Voir la définition de cette profession telle quelle a été acceptée par le Conseil international des Musées. (P. 231) Autrefois, la plus grande partie du patri- moine était entre les mains de personnes privées ou d’organismes religieux qui entretenaient leurs biens, leurs proprié- tés, leurs collections. De nos jours, la majorité de ce patrimoine appartient au domaine du public et celui-ci, chargé de l’entretenir, a délégué ses responsabilités aux services nationaux. Parallèlement, l’industrialisation a fait disparaître définitivement une grande partie des témoins mobiliers et immobi- liers du passé qui dessinaient notre cadre de vie. D’autre part, des collections entières abritées dans des musées, des bibliothèques, des archives ou des monu- ments historiques ont disparu ou se sont rapidement détériorées. Elles ont été vic- times de conditions, climatiques déplora- bles, d’expositions répétées, d’un man- que d’entretien ou d’un personnel incompétent. Cette disparition du patri- moine culturel s’est accélérée depuis une uentaine d’années tout comme s’est accélérée la destruction du patrimoine naturel. Cependant, notre génération est beaucoup plus sensibilisée à ceci qu’à cela’. Nous nous trouvons donc face à un patrimoine clairsemé et matériellement dégradé. Par ailleurs, la notion de beaux- arts s’est transformée en notion de patri- moine, ce qui oblige les responsables à protéger non seulement les témoignages artististiques du passé mais aussi les biens culturels (ceci augmente considérable- ment la tâche tout en la diversifiant). Tous ces facteurs expliquent la création et l’aggrandissementd’organismesnatio- naux chargés de la conservation, de la res- tauration et de la mise en valeur du patri- moine. Pour assurer cette nouvelle tâche, ces organismes se trouvent aujourd’hui confrontés au problème du recrutement d’un personnel spécialisé. Ce personnel devrait avoir reçu les deux formations suivantes : quatre années d’université suivies d’un an d’études spécialisées ou d’un programme bien défini (pour les architectes-conserva- teurs, chimistes-conservateurs,bibliothé- caires-conservateurs,etc.) ou bien quatre ans au moins d’écoles spéciales (pour les conservateurs-restaurateurs)2. Dans un certain nombre de pays, la spécialisation du personnel chargé de la conservation n’est pas encore acquise. I1 est en effet courant de rencontrer des responsables dont le bagage technique se résume à un cours accéléré de quelques semaines. Leur bonne volonté indéniable ne peut mal- heureusement pas remplacer une prépa- ration culturelle spécifiquement orien- tée, une méthodologie, une technologie, qui chaque jour s’enseignent dans des écoles, des instituts et des universités. Cette discipline spécialisée - couvrant tant le patrimoine mobilier que le patri- moine immobilier - est généralement définie aujourd’hui sous le vocable << con- servation . La formation de base en conservation Actuellement il existe deux grandes filiè- res pour entrer dans la profession qui cor- respondent à deux niveaux de diplôme. Les écoles et instituts délivrent le plus souvent un diplôme non-universitaire. Ils forment en général des conservateurs- restaurateurs. Cette filière remplace len- tement la filière traditionnelle qui a pré- valu jusqu’en 1950 environ : c’est-à-dire, l’apprentissage sur le tas dans un atelier privé ou public. Cet apprentissage ne fai- sait place qu’aux connaissancespratiques reconnues aujourd’hui essentielles mais non suffisantes.

Formation dans les domaines de la conservation et de la restauration du patrimoine

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234 n

Formatiof2

de Za restazjration

Gaë1 de Guichen

Ingénieur chimiste, responsable des études pour la conservation de la grotte de Lascaux en 1968 et 1969. Depuis lors, membre du personnel de I’ICCROM, il est devenu l’assistant du directeur pour les programmes spéciaux en 1983. Intéressé spécialement par la conservation préventive - vol, feu, vitrine, réserves, désinsectisation, climat et éclairage - , sujets sur lesquels il a fait des cours tant à I’ICCROM que dans vingt-cinq pays.

Cynthia Rockwell

Diplômée en Science de l’Université Cornell. Docu- mentaliste à I’ICCROM de 1973 à 1979. Responsa- ble des publications à I’ICCROM depuis 1979. Parmi d’autres publications elle a révisé et publié l’Index Internationalsur La Formation en Conserua- tion de biens czllturels, Editions 1-4, dont la plus rCcente est sortie en 1987.

1. Ceci est paradoxal car une forêt qui briile peut être replantée alors qu’un objet ou un monument qui brûle disparaîtà jamais et avec eux disparaît le message humain dont ils étaient porteurs. Ce côté irréversible de la disparition du patrimoine culturel est aujourd’hui encore malheureusement peu ressenti.

2. Conservateur-restaurateur : Voir la définition de cette profession telle quelle a été acceptée par le Conseil international des Musées. (P. 231)

Autrefois, la plus grande partie du patri- moine était entre les mains de personnes privées ou d’organismes religieux qui entretenaient leurs biens, leurs proprié- tés, leurs collections. De nos jours, la majorité de ce patrimoine appartient au domaine du public et celui-ci, chargé de l’entretenir, a délégué ses responsabilités aux services nationaux.

Parallèlement, l’industrialisation a fait disparaître définitivement une grande partie des témoins mobiliers et immobi- liers du passé qui dessinaient notre cadre de vie. D’autre part, des collections entières abritées dans des musées, des bibliothèques, des archives ou des monu- ments historiques ont disparu ou se sont rapidement détériorées. Elles ont été vic- times de conditions, climatiques déplora- bles, d’expositions répétées, d’un man- que d’entretien ou d’un personnel incompétent. Cette disparition du patri- moine culturel s’est accélérée depuis une uentaine d’années tout comme s’est accélérée la destruction du patrimoine naturel. Cependant, notre génération est beaucoup plus sensibilisée à ceci qu’à cela’. Nous nous trouvons donc face à un patrimoine clairsemé et matériellement dégradé. Par ailleurs, la notion de beaux- arts s’est transformée en notion de patri- moine, ce qui oblige les responsables à protéger non seulement les témoignages artististiques du passé mais aussi les biens culturels (ceci augmente considérable- ment la tâche tout en la diversifiant).

Tous ces facteurs expliquent la création et l’aggrandissement d’organismes natio- naux chargés de la conservation, de la res- tauration et de la mise en valeur du patri- moine. Pour assurer cette nouvelle tâche, ces organismes se trouvent aujourd’hui confrontés au problème du recrutement d’un personnel spécialisé.

Ce personnel devrait avoir reçu les deux formations suivantes : quatre années d’université suivies d’un an d’études spécialisées ou d’un programme bien défini (pour les architectes-conserva- teurs, chimistes-conservateurs, bibliothé- caires-conservateurs, etc.) ou bien quatre ans au moins d’écoles spéciales (pour les conservateurs-restaurateurs)2. Dans un certain nombre de pays, la spécialisation du personnel chargé de la conservation n’est pas encore acquise. I1 est en effet courant de rencontrer des responsables dont le bagage technique se résume à un cours accéléré de quelques semaines. Leur bonne volonté indéniable ne peut mal- heureusement pas remplacer une prépa- ration culturelle spécifiquement orien- tée, une méthodologie, une technologie, qui chaque jour s’enseignent dans des écoles, des instituts et des universités.

Cette discipline spécialisée - couvrant tant le patrimoine mobilier que le patri- moine immobilier - est généralement définie aujourd’hui sous le vocable << con- servation ..

La formation de base en conservation

Actuellement il existe deux grandes filiè- res pour entrer dans la profession qui cor- respondent à deux niveaux de diplôme.

Les écoles et instituts délivrent le plus souvent un diplôme non-universitaire. Ils forment en général des conservateurs- restaurateurs. Cette filière remplace len- tement la filière traditionnelle qui a pré- valu jusqu’en 1950 environ : c’est-à-dire, l’apprentissage sur le tas dans un atelier privé ou public. Cet apprentissage ne fai- sait place qu’aux connaissances pratiques reconnues aujourd’hui essentielles mais non suffisantes.

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1. Les informations fournies sont tirées du réper- toire international des institutions donnant une for: mation pour la conservation des biensculturels, 3e édition, ICCROM, Rome, 1981. La 4e édition sera publiée dans le courant 1987. 2. Les petits chiffres correspondent dans l’ordre aux programmes dans le domaine des peintures, du papier, des objets archéologiques ou ethnographi- ques, des collections variées (pouvant inclure les domaines précédents). 3. Le nombre d’instituts est inférieur au nombre de programmes car un institut peut offrir plusieurs programmes.

Les universités et écoles Equivalentes délivrent un diplôme universitaire. Elles forment en général les architectes, les his- toriens d’art, les bibliothécaires, qui, après leur diplôme, devraient se spéciali- ser au moins un an dans la conservation. Les architectes devraient pousser leur spé- cialisation durant deux ans. Parfois ces universités forment aussi des conserva- teurs-restaurateurs.

Les écoles et institats techniqaes. La profession en s’organisant tend à définir le contenu de l’enseignement nécessaire à la formation des conservateurs-restaura- teurs qualifiés. I1 est maintenant reconnu qu’il faut au moins trois ans pour former

un conservateur-restaurateur technicien et cinq pour former un conservateur- restaurateur qualifié. Le programme doit comporter au moins 25 % de cours théori- ques, le reste du temps étant réservée àla pratique.

Cependant, il existe encore de nom- breux programmes de courte durée comme on peut le noter dans le tableau no 1 qui illustre pour les différents conti- nents le nombre de filières proposant une formation dans les domaines de la pein- ture, du papier, des collections, ethno- graphiques ou archéologiques. Dans ce tableau, nous n’avons pas mentionné les cours d’une durée idérieure à 4 mois.

Tableau no 1 : Nombre de programmes et d’instituts formant des conservateurs-restaurateurs’.

Durée de la Afrique Amérique Amérique Asie Europe OcEanie formation du nord latine

1 an

4 mois

Nombre total

de programmes 1 9 9 4 74 3

Nombre d’écoles ou d’instituts, 1 6 5 4 49 2

L’écrasante domination de l’Europe est évidente : 49 instituts contre 18 dans le reste du monde. Ces chif- fres doivent cependant être relativisés. En effet, dans des pays comme le Japon, la formation artisanale tradi- tionnelle par apprentissage dans les ateliers est encore bien implantée, mais on risque de le voir disparaltre avec l’industrialisation. Ne peut-on pas s’intérroger sur le risque de voir ces formations artisanales disparal- tre sans que simultanément des programmes de formation soient établis ?

La tendance à avoir des programmes de 4 ans- et plus - est manifeste en Europe et en Amérique du Nord.

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Les informations fournies par le tableau no 1 doivent être affinées en cal- culant les capacités d'enseignement de la conservation pour chaque continent. Pour cela, chaque programme recevra un crédit équivalent au nombre d'étudiants multiplié par le nombre d'années que dure le programme. Exemple : un cours

Tableau no 2 :

Peintures et bois polychromes

Capacité de Annéesl Etudiants formation en Afrique Amérique Amérique Asie Europe Océanie

~ de nord latine Années/Étudiants

453

4 ans et plus - 16 - - 268 -

2-3 ans - 21 30 185 -

Tableau no 3 :

Papier et document graphiques

Capacité de formation en Afrique AmErique Amérique Asie Europe Océanie

Années / Étudiants du nord latine

- - 4 ans et plus - - 168 - - 10 - 89 20 2-3 ans 9

- - - 1 an 18 29 -

Tableau no 4 :

Objets archéologiques ou ethnographiques

Capacité de formation en Afrique Amérique Amérique Asie Europe Océanie

AnnéeslÉtudiants du nord latine

- 59 - 4 ans et plus - 16 -

- 141 - 30 2-3 ans 32

1 an - - - 8 5 -

-

Gaël de Guichen et Cynthia Rodwell

de 4 ans prenant G étudiants recevra 24 ; un cours de 1 an prenant 4 étudiants rece- vra 4. Quatre secteurs vont être analysés : les peintures et bois polychromes; le papier et les documents graphiques ; les objets archéologiques ou ethnographi- ques ; les collections variées.

I Annéesl Étudiants

I Années/ Étudiants

208

50

4 ans et plus

moins de 4 ans

Formation dans les domaines de la conservation et de /a restauration du patrimoine 237

Tableau no 5 :

Les collections variées

Capacité de formation en Afrique Amérique Amérique Asie Europe Océanie

Années I gtudiants du nord latine

- 127 -

2-3 ans 21 - 220 9

- 4 ans et plus - 25

- - ~

- - 1 an - 40 74 4

t Années/ Étudiants

442

50

I 315. % $

- - 22 21 - 4 mois -

À nouveau la prédominance de l’Europe est évi- dente avec 27 cours de spécialisation après le diplôme contre 14 hors d’Europe. Ceci répond 2 la tendance actuelle européenne de réhabilitation des centres historiques en habitat. Ces techniques demandent une haute spécialisation. Cette ten- dance qui associe architecture ancienne avec pau- vreté et sous-développement, est moins ressentie hors d’Europe et dans les pays non industrialisés.

Le manque de programmes en Asie et en Afrique est d’autant plus alarmant que leur matériaux et techniques y sont spécifiques. De plus, les spécialis- tes étrangers ont du mal à adapter leurs techniques aux conditions locales.

Dans les pays non industrialisés le risque de voir de grands ensembles historiques disparaître sous la pelle des démolisseurs s’accentue. En effet, le patri- moine historique ne trouve aucune défense au niveau de l’administration et aucun soutien par les architectes.

1. Les informations fournies sont tirées du réper- toire international des institutions donnant une for- mation pour la conservation des biens culturels. 3‘ édition, ICCROM, Rome. La 4‘ édition sera publiée dans le courant 1987.

2. I1 a été difficile d’individualiser clairement les programmes qui aboutissent à un diplôme d’architecte-conservateur. Ces formations n’indi- quent pas toujours la part reservée à la conservation dans le programme d’étude. Le dénombrement proposé peut donc être sujet à discussion.

Les pays européens portent un intérêt particulier à l’enseignement de la conser- vation de la peinture et du papier- beaux-arts traditionnels - mais com- mençent seulement à proposer des pro- grammes pour les objets archéologiques et ethnographiques.

Hors d’Europe, il y a très peu de pro- grammes de quatre ans.

La situation en Afrique est particuliè- rement alarmante car contrairement à l’Asie, l’artisanat traditionnel ne peut pas espérer pallier momentanément à un manque de restaurateurs. De plus, du fait des conditions climatiques, le patri- moine culturel est soumis à des agents destructeurs particulièrement actifs.

Les universités e t les écoles équivulen- tes. I1 ne sera étudié ici que les filières for-

Tableau no 6 : Nombre de programmes formant des

mant les architectes. En effet, les filières donnant une information sérieuse en conservation aux archéologues, historiens de l’art, bibliothécaires, archivistes et administrateurs du patrimoine, sont tel- lement rares qu’il n’est pas possible d’en faire une analyse. En ce qui concerne les architectes, seuls ont été étudiés : les programmes - durée 2 ans - de spécia- lisation après l’obtention du diplôme d’architecte ; les programmes - durée 1 an - de spécialisation après l’obtention du diplôme ; les programmes - durée 6 mois - de spécialisation après l’obten- tion du diplôme ; les programmes abou- tissant à un diplôme d’architecte dans lesquels la conservation fait l’objet d’un enseignement majeur.

architectes-conservateurs’ .

Durée du Afrique Amérique Amérique Asie Europe Océanie programme du nord latine

2 ans de spécia-

IC diplôme - lisation après 5 2 2 9 1

1 an de spécia-

le diplôme lisation après 1 1 11 - - -

6 mois de spécia-

le diplôme - - - - lisation après 2 7

conservation inclue dans le 37 3 9 diplôme univ.2

- -

Nombre total de - programmes 43 5 5 36 1

238 Gad de Guichen e t Cynthia Rockwell

Probì’ématique

I1 est évidemment très difficile de faire une synthèse des problèmes posés par la formation dans le domaine de la conser- vation. En effet dans certains pays, les res- ponsables formés deviendront tous des fonctionnaires alors que dans d’autres ils pourront s’orienter vers une profession libérale. De plus il faut différencier recy- clage et formation de base et voir tout particulièrement le cas des pays en voie de développement.

Recycdage. Le recyclage des personnes en poste est beaucoup moins bien accepté dans la conservation que dans d’autres domaines techniques. Ceci peut s’expli- quer par le fait que l’étude matérielle des Oeuvres et des processus d’altération n’est reconnue que depuis une génération à peine. Certains programmes de forma- tion, encore de nos jours, n’ent font pas mention. Beaucoup de responsables ignorent l’existence de cette nouvelle dis- cipline et la nécessité donc de se tenir à jour. Même s’ils le désireraient, les res- ponsables sont parfois accaparés par leurs tâches journalières et ne trouvent pas le temps de s’informer. Les rapports avec leurs jeunes collègues risquent alors d’être tendus et de bloquer tout progrès. Enfin, dans de nombreux pays les bureaux techniques et les instituts capa- bles de répondre à une demande ou d’organiser des séminaires de recyclage sont rares.

Formation de base. A l’exception de quelques pays dans lesquels l’organisa- tion des services de conservation est bien établie, la nécessité .et l’urgence de con- server le patrimoine se fait jour peu à peu. Souvent, les postes créés sont malheureu- sement insuffisants face au besoin. Leur faible nombre, leur spécificité rend le marché du travail très sensible.

Comme il a été dit précédemment, il existe deux grandes filières professionel- les correspondant à deux niveaux de diplôme : les écoles ou instituts techni- ques; les universités et écoles équiva- lentes.

Les écodes ou instituts techniques. Au niveau national les instituts jouent le rôle de régulateur en ne formant que les per- sonnes pour qui un avenir est assuré. Ces instituts ont des concours d’entrée très difficiles et n’acceptent que 20 élèves maximum alors que le nombre des candi- dats peuvent atteindre 600 dans certains cas. Les études s’échelonnent en général sur quatre ans et parfois plus. Les candi- dats non sélectionnés et désirant à tout prix entrer dans la profession s’orientent

parfois vers des écoles ou cours privés dont le niveau est souvent inversement proportionnel aux frais d’inscription. Les enseignants se contentent de distribuer des recettes et de donner un vocabulaire pseudo-technique plus impressionnant qu’utile. D’une durée de six mois à deux ans, ces <( écoles >> mettent sur le marché du travail des <( apprentis sorciers )) plus que des conservateurs-restaurateurs qua- lifiés.

Les miversités et l’es écodes équival’en- tes, délivrant un diplôme universitaire. Comme cela a été dit précédemment cette filière qui devrait former les respon- sables au plus haut niveau ne donne qu’une formation tronquée, sans spécia- lisation en conservation. Si l’on prend le cas de l’architecture, il existe 16 universi- tés au monde donnant un cours spécial de deux ans après l’obtention du diplôme. La plupart des grands pays n’ont pas de cours de spécialisation. La situation est identique si ce n’est pire dans les domai- nes de l’archéologie, des archives, de l’ethnographie et des musées. En ce qui concerne la formation des conservateurs- restaurateurs, dans certains pays les pro- fesseurs d’université sont conscients des nouvelles priorités en conservation et ont créé des cours. Ces formations présen- tent des avantages et des inconvénients : avantages car le restaurateur diplômé est reconnu socialement, inconvénient car l’université n’a que peu de matériel sur lequel travailler. En effet les musées ne peuvent pas toujours de par la loi, mettre à disposition leurs collections et parfois voient d’un mauvais œil le prêt d’objet. De plus, l’interférence de l’université n’est pas toujours bien vue. Les cours, privés d’objets, sont parfois d’un bon niveau technique mais d’un niveau prati- que discutable. En ce qui concerne les chimistes et physiciens qui ont fait une entrée en force dans la profession au cours des vingt dernières années, les résultats ont été loin de ceux escomptés. Leurs étu- des les avaient préparés la plupart du temps à travailler pour l’industrie et cer- tainement pas, à conserver des matériaux anciens. Trop leur fut demandé dans un domaine pour lequel ils n’étaient aucu- nement préparé. Beaucoup ont préféré se réfugier dans des laboratoires de recher- che où ils étudient le passé de l’objet (ses composants, sa technique, sa prove- nance, sa datation) et ne se préoccupent pas de son futur. Or le devenir de l’ceuvre dépend directement, soit des traitements qui doivent parfois être appliqués d’urgence, soit des conditions ambiantes dans lesquelles elle est gardée.

Quelle que soit la filière choisie, les enseignants manquent. I1 est intéressant de noter que les meilleurs pourraient, s’ils le désiraient en acceptant les invita- tions, voyager tout le long de l’année. Le matériel didactique très développé dans d’autres domaines (comme la médecine) est quasiment inexistant. Les recherches nécessaires pour faire progresser I’ensei- gnement se heurtent à un manque de fonds. Elles sont de plus ralenties par la difficulté de se procurer des ((échantil- Ions,. Souvent uniques ils ne peuvent être sacrifiés.

La formation dans les pays en voie de développement. Un problème tout parti- culier se pose dans les pays en voie de développement où les priorités n’ont pas permis jusqu’à ce jour, la formation des conservateurs-restaurateurs. La plupart du temps les autorités ne comprennent pas la nécessité de former durant quatre ans un spécialiste. Elles imaginent qu’un stage de quelques mois réalisé dans un institut étranger sera suffisant pour trans- former une personne habile de ses mains ou un jeune diplômé d’une école des beaux-arts, en conservateur-restaurateur. Ceci n’est pas le cas. Les sommes de con- naissances théoriques et pratiques à emmagasiner pour devenir un spécialiste qualifié sont telles qu’un collègue disait il y a peu de temps : e cela coûte aussi cher de former un conservateur-restaurateur qu’un ingénieur nucléaire >>. Si les autori- tés acceptent ce sacrifice financier, elles peuvent envoyer les candidats dans les écoles des pays industrialisés. Dans ces pays, le niveau du concours d’entrée est tel que les chances de réussite sont quasi- ment nulles. Par ailleurs, l’enseignement est rarement orienté vers un patrimoine étranger présentant des problèmes très spécifiques ! I1 est à noter que les quel- ques candidats qui ont complété des étu- des n’ont pas toujours voulu retourner dans leur pays d’origine. S’ils l’ont fait, ils sont rarement restés dans leur profes- sion. Ils n’ont en effet pas reçu les possi-

bilités de travailler soit que les salaires proposés étaient particulièrement bas soit que leur position n’était pas reconnue socialement. I1 y a, de ce fait, des zones géographiques qui ne possèdent aucun conservateur-restaurateur formé.

Formation et public. Brièvement il est possible d’évoquer la question des forma- teurs et du public. Régulièrement, des interventions nécessitant une longue recherche sont demandées alors que l’objet ou le monument a atteint un point de non retour. Cet aspect des choses n’est pas du tout saisi par le grand public qui croit volontiers aux remèdes miracles par pulvérisation d’une substance plasti- que, si possible ! La formation ou du moins l’information du public aurait deux avantages : non seulement elle sus- citerait des vocations mais encore elle créerait une pression dans le sens de la conservation du patrimoine.

SoZatiom

G Saurons-nous laisser aux générations suivantes un patrimoine qui leur permet- tra de connaître et de comprendre leur passé ? )>.

Bien que la situation de I’état du patri- moine soit des plus noires dans un grand nombre de pays, il est cependant possible d’espérer relever ce formidable défi. Les problèmes techniques à résoudre sont certes importants mais le succès dépend de l’information du public, de la forma- tion des techniciens et de la prise de cons- cience des autorités. Tout programme de formation doit s’intégrer intimement dans un programme de sauvegarde. I1 n’est pas possible de faire un programme général pour la sauvegarde du patrimoine applicable à tous les pays, mais il est cer- tain que tous trouveront dans la liste sui- vante des idées qu’ils pourraient mettre à profit.

conscience des autorités de de la destruction et de la

disparition du patrimoine mobilier et immobilier au cours de la dernière géné- ration ; L’établissement d’un plan de sauvegarde à long terme incluant l’esti- mation du travail à fournir et la création d’emploi en conséquence. Plus le temps passera et plus la situation empirera ; La priorité donnée à la conservation préven- tive et entretien sur la restauration ; Le recyclage des cadres ; La création d’insti- tuts nationaux de conservation du patri- moine (pour ce problème, la division administrative actuelle en monuments, musées, en archéologie, en bibliothèques et archives est peut-être dans certains pays préjudiciable) ; La création d’une catégo- rie de spécialistes chargés de l’entretien ; L’adaptation et introduction d’une infor- mation détaillée sur les problèmes de conservation dans tous les programmes de formation d’architectes, historiens d’art, archéologues, muséologues, admi- nistrateurs et toute personne qui d’une façon ou d’une autre a un rapport avec le patrimoine ; La création de cours univer- sitaires donnant un diplôme de spécia- liste en conservation et création d’insti- tuts formant des conservateurs / restaura- teurs diplômés ; La reconnaissance de ces diplômes et protection du titre ; La for- mation des formateurs ; La formation du public et sensibilisation de celui-ci à la disparition du patrimoine (école, presse, télévision, etc.) ; Le renforcement des organismes internationaux gouverne- mentaux et non-gouvernementaux s’occupant activement de la formation dans le domaine de la conservation du patrimoine et de sa mise en valeur.

Certaines des idées indiqués ci-dessus peuvent être facilement réalisées, d’autres demandent des efforts considé- rables, efforts financiers, efforts intellec- tuels car c’est une mentalité qui doit changer. L’effort doit venir de chacun car le patrimoine appartient à chacun. Sans cet effort, il est vain d’espérer pouvoir sauver ce qui peut être sauvé. Les généra- tions suivantes seront alors en droit de nous le reprocher - si elles le peuvent - car ales pays qui n’ont pas de légende sont condamnés à mourir de froid..