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Framateam : libérez vo équipes des groupes Facebook (et de Slack) Voilà un service de discussion qui se destinait, au départ, aux « dév », aux gens qui codent. Mais quand nous avons vu ses incroyables possibilités, on s’est dit que ce serait dommage que la famille Dupuis-Morizeau passe à côté… Prêts à chatter comme vous ne l’avez jamais fait ? Pour vous expliquer notre nouveau service Framateam, on s’est dit qu’une histoire et des images seraient bien plus efficaces qu’une longue liste à puces. Mais adressons-nous d’abord un court instant aux spécialistes de la programmation, aux plus barbu-e-s d’entre nous. Pour les geek-e-s qui veulent aller à l’essentiel Connaissez-vous Slack ? C’est encore un service propriétaire qui, à l’instar de Github, prend de plus en plus de place dans le paysage des développeurs. Mattermost en est une alternative libre et — bonus — qui est livrée avec Gitlab depuis quelques versions. Voici ses fonctionnalités : service de discussion en temps réel basé sur le logiciel libre Mattermost fonctionnement optimal sur les mobiles (il existe des applications Android/iPhone/WindowsPhone, mais Mattermost fonctionne très bien sans) création d’équipes, qui contiendront des « canaux » création de canaux soit publics (tous les membres de l’équipe) soit privés (le créateur du canal invite les membres de son choix)

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Framateam : libérez voséquipes des groupes Facebook(et de Slack)Voilà un service de discussion qui se destinait, au départ,aux « dév », aux gens qui codent. Mais quand nous avons vu sesincroyables possibilités, on s’est dit que ce serait dommageque la famille Dupuis-Morizeau passe à côté… Prêts à chattercomme vous ne l’avez jamais fait ?

Pour vous expliquer notre nouveau service Framateam, on s’estdit qu’une histoire et des images seraient bien plus efficacesqu’une longue liste à puces. Mais adressons-nous d’abord uncourt instant aux spécialistes de la programmation, aux plusbarbu-e-s d’entre nous.

Pour les geek-e-s qui veulent allerà l’essentielConnaissez-vous Slack ? C’est encore un service propriétairequi, à l’instar de Github, prend de plus en plus de place dansle paysage des développeurs. Mattermost en est une alternativelibre et — bonus — qui est livrée avec Gitlab depuis quelquesversions. Voici ses fonctionnalités :

service de discussion en temps réel basé sur le logiciellibre Mattermostfonctionnement optimal sur les mobiles (il existe desapplications Android/iPhone/WindowsPhone, maisMattermost fonctionne très bien sans)création d’équipes, qui contiendront des « canaux »création de canaux soit publics (tous les membres del’équipe) soit privés (le créateur du canal invite lesmembres de son choix)

possibilité de partager l’administration d’une équipe oud’un canalconservation de l’historique des canauxmise en forme du texte à l’aide de la syntaxe Markdownpossibilité de chercher dans des discussionspossibilité de notifier les membres par email (notifierl’utilisateur « Camille » par @camille ; notifier tousles membres du canal en utilisant @channel)possibilité d’ajouter des fichiers (images ou autres)utilisateurs avancés : liaison possible avecframagit.org (notification à l’ouverture d’une issue,d’un commentaire, etc.)utilisateurs avancés : importations depuis Slack

Notre Mattermost est accessible sur https://framateam.org.

Voilà. Bisous.

Pour les autres, laissez-nous vousraconter une histoire…

L’asso LICORNES veut quitter son groupeFacebook

Vous ne connaissez pas la Ligue des Infatigables ComparsesOptimistes Reniant le Nihilisme et Éclatants de Sollicitude…?Si, en réalité, cette association n’existe pas… elle devrait !

Sandrine, la présidente, en a marre d’utiliser Facebook pourdiscuter avec les membres, sans compter le Skype ouvert enpermanence à côté pour chatter en privé avec le Conseild’Administration ou le bureau de l’asso.

Créer sa teamElle décide donc de se créer un compte Framateam. Ça, c’estfacile : le truc classique, en trois étapes :

Créer sa team (chouette : c’est elle qui décide si la1.team entre dans l’annuaire public ou non !)Se créer un compte (elle, elle utilise son compte Gitlab2.chez Framagit, parce que c’est une pro du Perl)Inviter les membres de l’asso avec leur email (elle3.teste avec l’email de Gérard, elle invitera les autresquand ce sera prêt)

Très vite, elle se rend compte que Framateam marche sous formede canaux de discussion : il y a déjà le Centre Ville, pour lavie de l’asso, et le Hors Sujet, pour les galéjades. Ça tombebien, chez les LICORNES, ça galèje souvent.

Elle décide de créer en plus un canal pour son équipe degraphistes tout terrain, qui font des affiches à paillettes etdes sites web mirifiques.

Premiers échangesEt voilà que pendant qu’elle mitonnait ses canaux dediscussion dans son coin, Gérard est déjà arrivé sur leur

Framateam et y poste le lien vers une image de licorne muscléequ’il a trouvée… Magie de Mattermost : l’image s’afficheautomatiquement !

Sandrine répond — forcément — avec un chaton-licorne (mieuxconnu sous le nom de « Dieu des Zinternetz »).

Création de canaux

Faut dire que pendant ce temps, Sandrinea eu le temps de créer plusieurs canauxde conversations.

Des publics (ouverts à tout membre de la team) :Le Centre Ville et le Hors Sujet, qu’elle a décidéde garderLe canal pour les Graphistes tout terrain estprêt.Il en fallait un pour les Événements de l’asso(les soirées Paillettes et autres rencontres Arc-En-Ciel : c’est de l’orga !)Pour la Trésorerie (laissons-les parler sous deleur côté, se dit-elle…)

Mais aussi des groupes privés (où il faut sélectionnerles membres de la team qui y participeront) :

Un pour le Conseil d’AdministrationUn pour le BureauUn pour préparer l’anniversaire de Gérard dans sondos �

Mise en forme des messagesD’ailleurs, pendant que Gérard s’amuse à inviter les autresmembres du groupe sur Framateam (en leur envoyant un simplelien d’invitation à l’équipe !), elle décide de préparer lemessage pour organiser la surprise-party de l’anniversaire deson comparse :

Alors comment a-t-elle fait pour mettre en page un aussi jolimessage ? Sandrine avait tout simplement cliqué sur « aide »en bas à droite et a lu, dans la documentation (traduite avecbrio par le groupe Framalang), qu’il suffisait d’écrire sonmessage en Markdown (LA syntaxe facile à retenir et utiliser).D’ailleurs elle a fait une coquille sur son message, elleclique donc sur le [...] à droite de son message pour lemodifier :

Fil de discussion et rechercheDe retour sur la discussion principale, Sandrine se rendcompte que sa question à Gérard (« Mais où sont passés nosflyers ? ») s’est un petit peu perdue dans les échanges.

Néanmoins Gégé a eu la bonne idée de répondre directement à sademande en utilisant la flèche à droite de son message.

Car oui : le logiciel Mattermost qui fait tourner Framateampermet de conserver tous les messages et de faire desrecherches dans les discussions.

Quelques jours plus tard, Sandrine fait une simple recherchedu mot « flyer », ce qui lui permet de retrouver son message

ainsi la réponse de Gérard. Elle le relance donc :

NotificationsSandrine connaît son Gégé-accros-aux-emails : elle a donc misune arobase devant son pseudo :

Gérard n’était pas devantson écran, il a reçu un joli email de Framateam pour luisignaler qu’il a été mentionné dans une conversation.

La morale de cette histoire…?C’est que les flyers étaient bien dans le coffre de la voiturede Gérard.

C’est surtout que les LICORNES se sont un peu plus libérées deFacebook, et peuvent désormais organiser leurs distributionsde paillettes sans craindre de nourrir de leurs data l’ogrebleu de Zuckerberg.

Et même si vous croyez que les LICORNES n’existent pas (à vousde les créer comme on l’a fait pour le Framablog ^^),Framateam existe bel et bien.

À vous d’y créer votre (ou vos) équipe(s) sur Framateam.org !

Mise à jour du 5/08/2016 :Le tutoriel d’installation de Mattermost est -enfin-disponible sur le Framacloud.Notez que cette installation est conjointe à celle de Gitlab(Framagit) puisque c’est ainsi que nous avons procédé �

L’anonymat en ligne avec Tor,c’est Nos oignons !Comme beaucoup d’internautes, vous êtes ces dernières annéesde plus en plus préoccupé par la confidentialité de vosdonnées et de vos communications.

Vous avez renforcé et renouvelé vos mots de passe, installédes extensions qui filtrent ou bloquent les contenus

indésirables, vous luttez contre le pistage des GAFAM au coursde votre navigation, vous êtes en voie de dégooglisation, maisvous n’avez peut-être pas osé aborder une étape plus délicateet technique comme celle qui consiste à chiffrer vos échangeset vos disques durs, pas osé non plus utiliser le réseau Tor.C’est bien compréhensible, vous reculez un peu devant ce quivous semble plus complexe et vous ne savez pas exactement dequoi il retourne… On entend dire des choses tellementinquiétantes aussi !

Tout le monde peuttrouver desavantages à utiliserTor

Eh bien nous vous proposons aujourd’hui d’apprendre un peumieux ce qu’est réellement ce réseau Tor, pour démystifier cequi peut s’avérer d’un usage quotidien pour beaucoup d’entrenous.

Vous en doutez ? Pourtant emprunter les trajectoireszigzagantes de Tor est non seulement parfaitement légal mais

aussi tout à fait utile et à la portée d’un vaste public.

Mais pour commencer, qu’est-ce que c’est au juste que Tor ?Comment ça marche, est-ce que c’est dangereux ? Comment peut-on l’essayer sans trop de difficultés ?

Pour répondre à ces questions, autant s’adresser directement àceux sont sur le terrain et connaissent la question. Nousavons la chance d’avoir Nos oignons une jeune associationfrancophone qui s’active pour multiplier les nœuds de sortiedont… STOOOOP ! Écoutons-les plutôt.

Merci à ned, syl, Chre, Cor, gagz, nicoo, Lunar, aeris et àtous ceux de l’association qui ont collectivement et gentimentrépondu aux questions un peu… comment dire — enfin desquestions de Goofy, quoi.

Tor c’est pour aller sur le Darknet, là où se trouvent lestrafiquants de drogue et les terroristes, pourquoi vousvoudriez que les internautes ordinaires y accèdent aussi ?

Utiliser Tor permet de retrouver un peu d’intimité quand onutilise Internet. Tout comme mettre une lettre dans uneenveloppe, des rideaux à nos fenêtres ou son téléphone surliste rouge, cela permet de retrouver le pouvoir de décideravec qui partager notre quotidien.Des personnes qui veulent se livrer à des activités illégalesvont bien entendu chercher à se cacher. Mais cela ne peut pasjustifier d’espionner tout le monde. Tor est là pour nousaider à disposer de nos droits fondamentaux : libertésd’opinion, d’expression, d’association, de communication. Cesdroits humains s’appliquent à tou·te·s, sans discrimination.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que même si Tor étaitinterdit, des activités illégales continueraient d’exister surInternet sous d’autres formes et en utilisant d’autres outils.Il y a déjà sur Internet des activités illégales n’utilisantpas Tor.

Moi je veux bien essayer Tor, mais je ne veux pas d’ennuisavec la police, hein. Qu’est-ce que vous faites quand lesservices de police vous demandent de fournir desrenseignements sur des utilisateurs considérés commesuspects ?On leur dit la simple vérité : nous n’avons pas cesrenseignements, d’une part parce que nous ne gardons pas tracede ce que les usagers font avec Tor, d’autre part parce que leréseau est conçu pour qu’il nous soit impossible de remonter àla source des communications.

C’est le moment de schématiser le fonctionnement de Tor.

Regardez d’abord comme la transmission des informationsnumériques est perméable à toutes sortes de gens ouinstitutions lorsqu’on n’utilise ni Tor ni https (le protocolesécurisé) :

Maintenant, avec ces deux outils mis en place, observez queles diverses oreilles indiscrètes n’ont plus d’accès aux

données que vous transmettez. Les trois relais Tor quiassurent ainsi votre anonymat sont d’ailleurs eux-mêmes« aveugles » à vos données. Chacun d’eux ne reçoit et transmetque des données chiffrées dont il ignore l’émetteur d’origine.

Il paraît que la NSA a glissé ses propres nœuds Tor dans leréseau, alors il est compromis ou bien je peux avoirconfiance ?Même si c’est toujours intéressant intellectuellement d’yréfléchir, on a rarement affaire à une organisation aussipuissante que la NSA. La plupart du temps, on cherche à seprotéger de publicitaires qui veulent nous bourrer le crâne,de patrons qui veulent nous empêcher de bosser tranquilles, deconjoints inquisiteurs, d’un filtre trop agressif dans unegare… Moins souvent, on veut protéger des communicationsconfidentielles avec des médecins, des avocat·e·s, desjournalistes… On est donc rarement une cible directe de laNSA. Et c’est tant mieux parce que si elle se débrouille pourpirater notre ordinateur, il sera facile de nous espionner,

que nous utilisions Tor ou non.Néanmoins, si la NSA faisait tourner des nœuds, ce ne seraitpas nécessairement un problème. Le réseau Tor est conçu pourrésister à la présence de nœuds sous surveillance tant qu’ilsne sont pas nombreux ou qu’ils sont surveillés par desadversaires différents. Des bénévoles font activement lachasse pour trouver des nœuds qui interfèrent avec les donnéeséchangées, ou des nœuds trop semblables qui apparaissent.

Il faut savoir qu’un adversaire comme la NSA, qui dispose dela capacité de surveiller directement les réseaux decommunication, n’a nul besoin de faire tourner des relais Torpour tenter de désanonymiser ses utilisateur·ice·s. En effet,plutôt que de s’embêter à faire tourner des relais, il suffitd’observer d’où vient et où va le trafic qui transite par lesrelais.Tout serait donc perdu ? De ce qu’on en sait, bien aucontraire : les documents internes que nous a transmis EdwardSnowden nous ont permis de mieux comprendre l’étendue despossibilités de la NSA. La présentation interne intitulée« Tor Stinks » (Tor, ça pue), datée de 2012, explique qu’ilest possible de retrouver le chemin d’une fraction desconnexions traversant Tor, mais il est impossible de« désanonymiser » toutes les connexions tout le temps et ilest très difficile de le faire avec une cible précise en tête.

À notre connaissance, Tor reste efficace contre lasurveillance de masse, et rend bien plus compliquées lesattaques ciblées.

Je me rends compte que tester Tor est à ma portée ! Unnavigateur est disponible pour cela, c’est Torbrowser. Il mesuffit d’aller sur le sitehttps://www.torproject.org/projects/torbrowser.html.en et dechoisir la bonne version :

une fois qu’elle est téléchargée et installée, je choisis montype d’usage :

et me voilà prêt à naviguer en circulant de façon anonyme surle Web.

Bon, Tor c’est bien, mais quelles précautions faut-il que jeprenne en plus selon vous, car Tor n’est pas une garantiecontre tous les risques, hein ?En effet ! Tor permet vraiment deux choses : empêcher lefournisseur d’accès Internet de surveiller les sites qu’onvisite ; et empêcher que les sites apprennent où l’on setrouve malgré nous. Tor Browser contient des myriades depetites fonctionnalités pour empêcher que deux sitesdifférents puissent apprendre qu’une même personne les visitetous les deux. Mais utiliser Tor Browser ne protégera pasforcément la connexion jusqu’au site visité, pour cela il fautveiller à ce que la connexion se fasse en HTTPS.

Tor n’est pas une poudre magique à « sécuriser » : la plupartdes logiciels ont des défauts, Tor Browser est par exemple misà jour toutes les six semaines afin de pouvoir colmater desbrèches de sécurité le plus vite possible. Les connexionsentre le réseau Tor et le site Internet auquel on accèdepeuvent être surveillées. Tor ou pas Tor, l’heure d’uneconnexion peut parfois permettre d’identifier une personnelorsqu’il y a peu de suspects.Pour établir une analogie un peu bancale : mettre sa ceintureen voiture n’empêche pas les accidents, mais est-ce une bonne

raison pour ne pas la mettre ?

Utiliser Tor ne protégera pas les échanges à partir d’unsite : ça ne change rien à la sécurité des messages échangésvia Twitter ou un webmail. Se « garantir contre tous lesrisques », c’est forcément un processus, pas un produit. Parexemple, des images contenant le numéro de série de l’appareilqui a servi à prendre les photos dans les métadonnées peuventpermettre d’identifier la source d’une journaliste, que lesimages aient été transférées en utilisant Tor ou pas.

Ah ben je découvre qu’il existe une liste impressionnante deprojets connexes à Tor ? Pourquoi a-t-on besoin de tout cetécosystème ? Quels sont les principaux types de projetsassociés et quels sont ceux auxquels vous (Nos oignons)participez ?Il y a effectivement plein de projets liés à Tor, en plus deTor (le logiciel qui sert à faire tourner le réseau) : lenavigateur Tor, HTTPS Everywhere, les logiciels de messagerieinstantanée Tor Messenger et Ricochet, Pond (une alternativeaux emails)…C’est principalement pour pouvoir mieux protéger les usagersde Tor : par exemple, Tor Browser est une version de MozillaFirefox équipée de contre-mesures pour éviter qu’on puissevous pister de connexion en connexion. Pond est un logicielexpérimental qui vise à fournir un service similaire auxemails, mais qui masque l’existence même d’une communicationentre deux usagers donnés…Il existe également Tails qui est un système d’exploitationlive (i.e. qui peut fonctionner sur une clé USB sansinstallation sur un ordinateur) dont tous les logicielsintégrés passent par Tor. Utiliser un système spécialementconçu pour limiter les traces et les fuites comme Tailsconstitue une aide précieuse pour s’épargner des erreurs.Notre équipe d’administration système contribue aussi àl’amélioration du projet Debian (la distribution GNU/Linux quenous utilisons principalement), entre autres sur la sécurité

des services que nous utilisons, et une importante quantité dedocumentation, accessible à tou·te·s, couvre la configurationde nos services, leur sécurisation et les procédures que nousemployons. Des membres de Nos oignons ont également créégraphnion pour afficher des graphes de relais.

Mais… c’est quoi les « services cachés » de Tor, encore untruc de fraudeurs pour échapper à la TVA sur les services ?Pas vraiment… on parle de plus en plus de services « .onion »ces temps-ci car de plus en plus de services sont accessiblespubliquement ainsi.Le fonctionnement habituel de Tor, c’est de permettre de seconnecter à des sites Internet existants. Quand on utilise lesservices .onion, la connexion se fait vers un serveur quiutilise lui aussi Tor. Par exemple, cela permet pour unepersonne qui tient un blog politique d’être plus difficile àidentifier par celles et ceux qui voudraient lui chercher desnoises. Un autre intérêt est de s’assurer que les usagers duservice « onion » n’y accèdent pas accidentellement sans Tor ;c’est en particulier utilisé par les systèmes de prise decontact avec les journalistes (comme « SecureDrop »), pours’assurer que les sources ne s’exposent pas accidentellement.Depuis peu, on voit aussi de plus en plus de sites proposer unaccès en .onion en plus de leur accès Internet habituel. Leplus utilisé est probablement Facebook. L’usage du .onionpermet de garantir que la connexion se fait au bon serveur, etde bénéficier de la totalité de la bande passante du réseauTor, sans être contraint par le nombre limité de nœuds desortie.

Votre association gère aussi des « signalements d’abus ». Dequoi s’agit-il ?Parfois, des gens nous contactent pour nous informer d’unproblème en provenance de nos serveurs : une tentatived’utiliser « toto123 » comme mot de passe sur un service Web,l’envoi de spam, ou encore des services qui trouvent querecevoir autant de connexions en provenance d’une même adresse

Internet partagée par plusieurs personnes, c’est suspect. Onleur explique alors que nous gérons des relais Tor et que nousne sommes donc pas la source du problème. Cela dit, notreexpérience est que seule une petite quantité de personnesutilisent Tor pour être pénibles : le nombre de signalementsque nous recevons est bien faible en comparaison de laquantité de données que les relais de Nos oignons fonttransiter chaque mois.

En lisant votre documentation, on voit que vous cherchez àavoir davantage de « relais » ou des « nœuds de sortie »,c’est la même chose ou non ?Pas tout à fait : les relais (ou nœuds) sont les ordinateursfaisant partie du réseau Tor ; les nœuds de sortie sont ceuxqui permettent de joindre des sites Internet existants. Pources sites, il est facile de penser que le nœud de sortie est àl’origine de la connexion. En cas d’usage malintentionné deTor, c’est donc souvent l’opérateur du nœud de sortie qui estconsulté. Ça représente plus de travail que de faire tournerun relais « simple ».

Est-ce que tous les opérateurs acceptent qu’on mette sonordinateur au service du réseau Tor ?Pour les nœuds de sortie, beaucoup d’opérateurs oud’hébergeurs ont des clauses qui leur permettent de couperl’accès sans préavis, à cause des plaintes qui pourraient leurarriver. Cela n’empêche pas d’utiliser Tor ou de faire tournerdes points d’entrée prévus qui permettent de contourner lesdispositifs de censure (appelés « bridges »).D’autre part, faire tourner un nœud de sortie chez soi n’estpas très utile, à cause de la bande passante limitée et de lagestion des risques liés aux abus. Il est plus utile d’aiderNos oignons à financer de nouveaux nœuds de sortie. �

Le projet Tor se bat contre tous ceux qui voudraient fairedisparaître l’anonymat, partout dans le monde. Mais en France,quelle est la situation, avec les lois sécuritaires quis’empilent ? Tor est-il menacé ? Faut-il dès maintenant

envisager un repli vers autre chose ?L’anonymat est essentiel pour l’exercice des libertésfondamentales, particulièrement la liberté d’opinion. Torn’est pour l’instant pas directement menacé en France. On saittoutefois que certains policiers souhaiteraient empêcher sonusage, et que plus généralement, l’élite politique comprendmal les enjeux autour du chiffrement, comme on peut le voirautour de l’affaire FBI contre Apple couverte par les médiasaux mois de mars-avril 2016.

Quoi qu’il en soit, Tor est conçu pour être un outil decontournement de la censure. Tor fonctionne même dans des paysparticulièrement répressifs comme la Chine ou l’Iran quidisposent pourtant d’une capacité de filtrage et d’unepolitique répressive bien supérieures à ce qui existe enFrance actuellement. Réprimer l’utilisation de Tor risqued’être aussi efficace que de réprimer le partage d’œuvres enpair-à-pair : c’est un logiciel libre, facile à installer et àdiffuser. En revanche il est clair que contribuer au projet,sous forme de code ou de relais pourrait être rendu plusdifficile ou dangereux.

Il est donc important que les dizaines d’organisations et la

centaine de particuliers qui font tourner des relais en Frances’allient aux millions de personnes (dont une centaine demilliers en France !) qui utilisent régulièrement Tor. Restonsvigilant·e·s et défendons nos libertés.

Tor a été conçu en partant du principe qu’il existera toujoursdes endroits où il sera possible de faire tourner des relais,où il sera possible de travailler à améliorer les logiciels eten faire la promotion.

Plusieurs projets envisagent un modèle beaucoup plus distribuéet encore plus difficile à arrêter, mais c’est tout de suiteplus compliqué comme problème à résoudre : ça pose la questionde la compatibilité avec l’existant, et pour l’instant, rienn’est prêt pour le grand public. Il aura fallu dix ans à Torpour être accessible à tout le monde. C’est important desoutenir ces projets le temps qu’ils mûrissent. Si Tor estremplacé un jour par un système plus fiable, ce sera tantmieux !

Je vois que vous utilisez une ribambelle de logiciels libres(Debian, Postfix, Mailman, Schleuder, SpamAssassin, BIND,Apache, Ikiwiki, Git, Keyringer, et encore de nombreuxautres…) : le projet Tor serait-il possible sans des logicielslibres ?Au-delà du fait qu’on ne peut pas faire confiance à unlogiciel dont il est impossible de vérifier le fonctionnement,Tor doit rester accessible à toutes et tous. Personne dedevrait avoir à payer pour pouvoir échapper au sentimentd’être surveillé·e. Mais partant de là, les ressources duprojet sont plutôt limités. L’intérêt des logiciels libres estaussi de permettre de construire des solutions sur-mesure enassemblant plusieurs logiciels qui existent déjà. Ou alors depouvoir demander de l’aide à d’autres personnes qui partagentles objectifs du projet Tor tout en travaillant sur d’autresprojets. C’est important de pouvoir faire confiance à unecommunauté. Le projet Tails, par exemple, explique bien cettequestion de la chaîne de confiance en œuvre dans le logiciel

libre.

De quoi avez-vous le plus besoin ? De compétences techniques,d’argent, de matériel, d’hébergement… ?

Le saviez-vous ? TOR est l’acronyme deThe Onion Router, le routeur oignon.Sur le logo de l’association on voit enpointillés le trajet des données,chaque oignon-relais assure l’anonymat.

Nos oignons a bien sûr besoin d’argent pour payerl’hébergement de ses relais actuels et en ouvrir de nouveaux.Les dons réguliers sont précieux car ils nous permettent demieux voir venir. Pour ce qui est des activités bénévoles, ily a beaucoup plus à faire côté communication et administratifque technique. On essaye d’accueillir toutes les bonnesvolontés au mieux !

Actuellement, nous sommes particulièrement à la recherche denouveaux hébergeurs, prêts à accepter un nœud de sortie Toravec une bande passante conséquente. C’est nécessaire pourcontribuer à la diversité du réseau : répartir les relais Torchez le plus possible d’hébergeurs participe à la sécurité duréseau.

Message reçu ! Que nos lecteurs les plus aguerris rejoignentNos oignons !

Quelques liens pour aller plus loin :

L’article Tor de Wikipédia

Un bon article sur TorUne longue interview de Lunar aux RMLLPlusieurs façons de participer à Nos oignonsDéployer un nœud TorPour répondre à pas mal d’autres questions

À la rencontre des géographeslibresLe logiciel libre a un important rôle à jouer dans lamanipulation de données géographiques, qui doiventimpérativement rester un bien commun. À l’occasion d’unrassemblement des acteurs de ce milieu, nous avons demandé àen savoir plus.

Avertissement : c’est pointu

Salut Étienne. Tu es le président de l’association OSGeo-frqui selon son site « est la représentation Francophone de lafondation Open Source Geospatial dont la mission est d’aideret de promouvoir le développement collaboratif des données etdes technologies géospatiales ouvertes. »

J’ai rien compris. C’est quoi, le géospatial ?

Alors le Géospatial, ça ressemble un peu à un pléonasme, Géopour géographique et spatiale pour l’espace. Bon en ce quinous concerne, le géospatial renvoie au Système d’informationgéographique (SIG ou encore GIS en anglais). Les SIG sont àconsidérer comme une architecture, un système, informatiquepour stocker et traiter des données géographiques.

L’OSGeo-fr est une association française qui est née il y a 10ans pour donner de la visibilité aux logiciels libres engéographie (géomatique). Le fr c’est parce que nous sommes le« chapitre » (comme les loges maçonniques :-)) français d’unefondation internationale : http://www.osgeo.org/.

Logo OSgeo fr

Parmi nos actions, nous organisons le FOSS4G-fr tous les deuxans à Paris en partenariat avec l’ENSG, des rencontresutilisateurs Qgis tout les ans à Montpellier avec lesétudiants du Master AgroTIC, des semaines de traduction desinterfaces et de la documentation pour les logiciels incubéspar l’OSGeo. Cette année nous avons également soutenu unCodeSprint de l’OSGeo à Paris en début d’année.

Notre objectif vise à rassembler et dynamiser la communautédes développeurs et des utilisateurs francophone. La premièreédition du FOSS4G-fr a eu lieu en 2014 sur 3 jours à l’ENSG deMarne-la-Vallée, et a rassemblé 250 personnes.

FOSSAG 2014

Nous relancerons la machine pour 2016.

C’est toujours pas super clair.

Nous, à l’OSGeo, ce qui nous occupe, nous intéresse et nouspassionne, ce sont tous les outils qui permettent deconstruire des cartes. Les contributeurs d’OpenStreetMap lesavent, avant d’aboutir à une carte comme la Top25 de l’IGN ouà la carte OSM, un travail de sélection et de mise en forme del’information doit être fait. On peut identifier plusieursphases dans le processus et pour chaque phase, il existe uneconstellation de logiciels libres pour aider l’Homme danscette tâche.

La création de données : comme dans OSM, on part bien souventde photos aériennes, et on peut numériser à la main lesdifférentes formes qu’on observe. Eh bien il existe d’autres

méthodes qui consistent à faire construire ces formes parl’ordinateur. On pourra par exemple parler de GRASS-GIS,orfeo-toolbox ou encore R avec certains packages. L’évolutiondes capteurs d’acquisition de données (photos multi-band,infrarouge, LIDAR, etc.) ouvre régulièrement de nouvellesapplications et de nouvelles possibilités dans le traitementde la donnée spatiale.

Donc pour revenir à la question, les technologies géospatialesmanipulent des données dont l’objet est l’espace, sareprésentation et sa modélisation.

Pourquoi le fait de travailler avec des logiciels libres est-il si important ? Que se passerait-il si la discipline étaitnoyautée par les GAFAM ? Par l’Oncle Sam ?

Quand on parle de logiciel libre personnellement je penseimmédiatement à des questions de justice sociale et justicespatiale (ben oui :-p). La cartographie est initialement unoutil mobilisé pour la conquête. Qu’on pense au militaire ouau navigateur, leurs objectifs étaient de prendre possessionde l’espace. Quand j’ai commencé à travailler avec des outilsgéomatiques, le libre existait bien sûr, mais il n’avait pasle droit de cité dans ma formation. Et je me suis retrouvé enstage dans une structure qui n’avait pas les moyens de sedoter de logiciels « métier ».

Le logiciel libre a été un moyen de s’émanciper de cettecontrainte et de permettre à la structure en question depouvoir continuer à utiliser mon travail. Aujourd’hui leschoses ont beaucoup changé, en grande partie grâce à Qgis quia complètement redistribué les cartes (haha). De plus en plusde formations proposent des cours sur Qgis en plus des outilsplus « traditionnels », et le dynamisme de la communauté desutilisateurs et des développeurs y est pour beaucoup !

Le web n’est pas à la traîne, openLayer est une librairieJavaScript incontournable, postgreSQL et PostGIS pour le

stockage en base de données se sont largement imposés, etc .Donc pour moi les logiciels libres de l’OSGeo répondent bienaux questions de justice sociale en permettant à tous d’avoiraccès à des logiciels et des algorithmes de qualité, ce quinous conduit à la justice spatiale… il n’y a plus decontraintes à ce que la terre soit cartographiée par les gensqui la vivent !

Pour ce qui en est de l’oncle Sam… eh bien GRASS-GIS parexemple à été développé au départ par l’armée américaine etdonné à la communauté. Pour les GAFAM, ils restent ambigusnon ? Google pour ne citer que lui a largement contribué àdiffuser la cartographie sur Internet. Mais bien sûr lalicence d’utilisation n’est pas acceptable ! On ne pourra pasnon plus identifier combien de développements ont été permisgrâce au Google Summer Of Code… Bon je parle beaucoup deGoogle… Peut-être que les autres sont moins ambigus ! :-p

Les données sont donc libres aussi (opendata) ?

Bien sûr, on parle aussi d’OpenData en géomatique ! Lapremière source à laquelle on pense est bien sûr Openstreetmapet sa communauté qui font un travail formidable, aussi bien ence qui concerne la numérisation de données que l’alignementavec d’autres référentiels. En France, par exemple, je ne saispas si vous avez suivi, mais le projet Bano est assezexemplaire. L’idée repose sur une convention entre l’IGN, leGroupe La Poste, l’État et OpenStreetMap France pour proposerla BAN (Base Adresse Nationale), qui sera la base de donnéesadresse de référence en France.

Mais pour les gens qui veulent traiter d’autres données ontrouve beaucoup d’autres sources sur internet : STRM, ASTER…

Vous avez l’air très dynamiques : deux réunions en France enmai, une autre à Bonn en août. Vous avez beaucoup de choses àvous dire ou c’est pour manger des petits fours entre copains?

Du dynamisme ! Oui oui on fait ce qu’on peut. �

La communauté Osgeo-fr est nationale il faut donc arriver àcréer des événements conviviaux pour que l’investissement entemps soit agréable ! Pour les francophones il y a donc cetteannée trois rendez-vous. Le premier est déjà passé et s’estdéroulé à Montpellier en partenariat avec le Master AgroTIC deSupAgro. Ce rassemblement était dédié à Qgis et plutôt orientéutilisateurs et retour d’expérience.

Le second aussi est passé, il s’adressait plutôt auxdéveloppeurs : il s’agissait d’un code Sprint organisé à Parisen début d’année. L’objectif est de rassembler pendant uncertain temps des développeurs pour avancer de concert audéveloppement de nouvelles fonctionnalités et à la correctionde bugs.

Enfin l’événement à venir, j’en ai déjà touché deux mots enintroduction, est une rencontre plus large orientée tout à lafois développeurs et utilisateurs avec deux sessionsparallèles. Le programme est sorti et il est incroyablementintéressant avec 10 workshops et 41 conférences en 3 jours. Dequoi mettre le pied à l’étrier si vous êtes intéressés par lestechnologies géospatiales !

Nous organisons également des événements en ligne comme unesemaine de traduction. À ce moment là, les personnes motivéesse retrouvent dans des salons IRC pour avancer là aussi demanière concertée sur la traduction des interfaces et de ladocumentation pour permettre au plus grand nombre d’utiliserles logiciels.

Quel est l’avenir de la discipline ?

La prospective est toujours un exercice difficile parce qu’onpasse toujours à côté de quelque chose ! Aujourd’hui si jeréfléchis un peu aux évolutions depuis notre dernière éditiondu FOSS4G-fr : les technologies webSIG semblent se stabiliseraprès la sortie d’OpenLayers 3, on gère bien les données grâce

des SGBD toujours plus performants, les web-services WMS, WFS,WPS, s’ils sont toujours en ébullition, sont déjà utilisablespar la communauté.

La gestion de données 3D en base de données avait fait l’objetde plusieurs ateliers et présentations l’année dernière. Ilsemble que cette année le logiciel libre en géomatique et legéospatial s’investissent largement dans le traitement dedonnées issues de drones, ce qui bien sûr remettra sous lesspotlights le stockage.

Dans un autre domaine, la gestion des métadonnéesgéographiques reste également une question brûlante surtoutavec l’émergence des organismes de diffusion de données degéographie produites par les territoires.

Pour conclure, le spatial prend de plus en plus d’espace dansles préoccupations, ce qui conduira de plus en plus de gens àmigrer vers des outils open source ou libres pour reprendre lamain sur ces données. Pour preuve un certain nombre deprésentations au FOSS4G-fr de cette année sont des retoursd’expérience de migration, de financement, par desentreprises, des associations ou des services de l’État versle logiciel libre en géographie.

Est-ce que le grand public peut vous aider ? Ça a l’air d’unnid d’universitaires super-pointus, votre bidule…

Des universitaires ? Pas tant que ça � ! Pour le grand public,il me semble que si la question ne se pose pas encore pourtout le monde, nous allons vers une généralisation del’utilisation des données géographiques. Quand le besoin sefait sentir, les solutions émergent. Aujourd’hui s’il est vraique certaines solutions nécessitent quelques compétences,d’autres comme Qgis, gvSIG ou OpenJump pour n’en citer quetrois sont à la portée du plus grand nombre.

Par ailleurs si vous voulez essayer toutes les saveurs desoutils Osgeo, vous pouvez télécharger le live DVD traduit par

la communauté.

OSgeo live

C’est sans doute un bon moyen d’explorer les solutions simplescomme les architectures plus compliquées sans complexe nidécouragement. Si cela pique votre curiosité n’hésitez pas àvenir rencontrer d’autres utilisateurs et développeurs auFOSS4G-fr, aux rencontres Qgis, ou au GeoCamp organisés dansdifférentes villes de France. Des moments de partage et deconvivialité après lesquels tous les participants ressortentplus riches.

Pour en voir plus, une vidéo sur l’impressionnant pluginCadastre

http://www.osgeo.asso.fr/

Il faut libérer Nuit Debout !Chez Framasoft on aime bien quand les gens utilisent nosservices « Dégooglisons ». C’est pour ça que quand on a vu quele mouvement Nuit Debout utilise l’outil Framacarte etl’intègrer sur son site officiel notre première réaction ça aété : « Chouette ! ». Notre deuxième ça a été : « Et si oninterviewait ce joyeux geek qui a repris la Framacarte pourlui demander ce qu’il en pense ? ».

Séance de vote à Nuit Debout

On s’est donc mis à la recherche du mystérieux développeur quiavait créé la Framacarte de Nuit Debout pour lui poser nosquestions. Autant vous dire que ça n’a pas été facile ! Pas demail ou de formulaire de contact sur leur site, pas de servicepresse ou communication et encore moins d’organigramme pourretrouver qui fait quoi chez eux. Bilan de l’enquête, tout cequ’on a obtenu, c’est un pseudo, « Pea », le libriste

concepteur de la Framacarte de Nuit Debout. Mais nosrecherches nous ont amené à discuter avec tout plein de geeksqui collaborent à Nuit Debout et qui ont tenté de nous donnerle point de vue du mouvement concernant les logiciels libres,la surveillance d’Internet, le libre accès à l’information,etc.On a donc décidé de vous faire une petite synthèse de tous ceséchanges qui peuvent constituer, non pas un point de vueofficiel de Nuit Debout, mais au moins la tendance générale dumouvement.

« Pea », quant à toi, si tu existes vraiment, n’hésite pas àte manifester, car on ne perd pas espoir de t’interviewer !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nuit Debout n’est pasindifférent à la question des logiciels libres et même à laculture libre en général. Pour s’en convaincre, il suffitd’aller faire un tour sur le site wiki, et plus précisément àla page Numérique. Nuit Debout essaie, quand c’est possible,de favoriser l’utilisation de logiciels libres ou au moinsopen-source. Ils utilisent par exemple le tchat Rocket,Mediawiki pour leur wiki et même pas mal d’outils Framasoftcomme les framapads, framacalcs, etc. Pierre Lalu, un desadministrateurs du tchat de Nuit Debout a d’ailleurs confirméque la question des logiciels libres et open-source était« centrale » pour Nuit Debout. En discutant avec les nuit-deboutistes (ça se dit, ça ?), on se rend rapidement compteque, comme nous, ils ne portent pas particulièrement les GAFAM(Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) dans leurs cœurs.Ils dénoncent unanimement le modèle de société proposé par cesgrands groupes. C’est même une de leurs préoccupations, mêmes’ils voudraient que le sujet soit plus abordé au cours deleurs assemblées générales : « De toute façon nous n’avonsfait qu’effleurer les problématiques liées au numérique dansla société… Nous n’avons pas encore évoqué par exemple lessociétés comme Uber ou les livraisons de repas qui participentà un modèle de société où chacun est son propre petit patron

exploité, et ça fait partie de la société que nous rejetons(je crois) » me disait @mex. Au-delà des logiciels libres, denombreux sujets touchant au numérique le préoccupent :« – Veut-on du modèle de société que nous apportentUber/Blablacar/Airbnb/Deliveroo, etc. ?– La place des femmes dans l’informatique ;– La robotisation VS la perte d’emplois ;– Bientôt, les questions de singularité et detranshumanisme ».

Stand de Libre@Toi* – Fourni par OliCat

Dans son fonctionnement, Nuit Debout a adopté nombre desolutions issues de la philosophie libriste. L’autogestionprônée par le mouvement rappelle celle qui gouverne la

conception de nombreux logiciels libres. Certains geeksrencontrés m’ont d’ailleurs confiés collaborer fréquemment audéveloppement de logiciels libres. Nuit Debout s’estd’ailleurs tournée vers La Quadrature Du Net qui, au nom deces valeurs communes, a accepté d’héberger son chat etd’autres sites rattachés au mouvement. Ces sites, ainsi queleur contenu, sont pour la plupart sous licence libre, àl’exception du logo de Nuit Debout.

EDIT 26/04/2016 : Ce n’est pas La Quadrature Du Net quihéberge les services de Nuit Debout, mais une personnemembre de LQDN qui exerce par ailleurs une activitéd’hébergeur. Pardon à nos ami-e-s de La Quadrature d’avoirentretenu la confusion.

Alors, le Libre a-t-il vraiment conquis Nuit Debout ? Eh bienmalheureusement, pas vraiment. Si les membres de Nuit Deboututilisent volontiers des outils libres quand ils sontdisponibles, ils n’ont pas de problème à utiliser deslogiciels propriétaires, voir les services des affreux GAFAM,faute de mieux. C’est ce que me disait Pierre Lalu : « Tantqu’on peut faire de l’open source et du libre, on le fait.S’il est indispensable d’utiliser du propriétaire, on le fait.Mais pour l’instant, rien n’entrave notre faim du logiciellibre. »

Un exemple concret de ce problème est le choix d’un systèmepour les votes par Internet. Les organisateurs de Nuit Deboutcherchent depuis le début un moyen pour permettre à ceux quine sont pas présents physiquement de prendre part auxassemblées générales. Après plusieurs essais, la solution laplus globalement retenue est l’application Loomio, créée pourle mouvement Occupy Wall Street et sous licence libre (et dontFramasoft sortira une version relocalisée dans le cadre de sacampagne Dégooglisons Internet. Mais devant la difficulté àfaire adopter Loomio au grand public, beaucoup derassemblements se sont finalement rabattus sur GoogleHangouts. De même pour la communication, Facebook est un outil

essentiel du mouvement.

En fait, Nuit Debout rencontre ici un problème qu’on connaîtbien à Framasoft : si les avertis sont convaincus de l’intérêtdes logiciels libres, il reste très compliqué de convaincre legrand public. Comme me le dit Pierre Lalu, « avant de parlerde logiciels libres, il y a besoin que des gens se forment àdes outils très simples ». À Framasoft on répondra que leslogiciels libres peuvent être simples et le sont souvent, maison sait aussi que le simple terme en effraie plus d’un. Letout est donc d’aborder la question avec pédagogie afin deconvaincre le plus grand nombre, non seulement de l’intérêtdes logiciels libres, mais aussi de leur facilitéd’utilisation. Sauf que, comme l’ont dit plusieursorganisateurs, dans les nombreux stands existants place de laRépublique, on ne trouve pas encore de stand pour promouvoirla philosophie libriste. En fait, le seul stand que j’aitrouvé qui portait un panneau « 100% logiciel libre » estcelui de nos copains de la webradio Libre@Toi* que nous avionsdéjà interviewés en septembre dernier. Je suis donc retournévoir OliCat, l’un des animateurs de la radio, pour savoir cequ’il pensait de l’utilisation des logiciels libres à NuitDebout.

Stand de Libre@Toi* – Photos par OliCat

Salut OliCat, même si à Framasoft on connaît bien Libre@Toi*,rappelle nous un peu qui tu es et ce que tu fais.Libre@Toi* est une structure transmédia d’Éducation Populaire.Son but est d’initier un réseau pair à pair et open source oùchacun se réapproprie les outils, les techniques et lesconcepts, les redistribue et contribue ainsi au bien commun.Libre@Toi* articule l’ensemble de son action autour des quatreprincipes énoncés comme des libertés par le mouvement dulogiciel libre : utiliser, comprendre / analyser,redistribuer, modifier.

Je t’ai rencontré par hasard place de la République un soir,on peut savoir ce que tu faisais là-bas ?

Comme depuis plusieurs jours, nous y produisons en direct uneémission qu’on a appelée « La place aux gens ». En retrait desAG, notre envie était tout simplement de recueillir la paroledes gens sur place en leur demandant ce qu’ils faisaient àNuit Debout. Une bonne entrée en matière pour verbaliser lescraintes, mais aussi et surtout les espoirs.Par ailleurs, nous nous faisons également l’écho des quelquespoches de résistance présentes sur la place ou d’initiativessympas qui prennent forme bien loin du tumulte des assembléesgénérales. Par exemple, nous aimons diffuser les prises deparoles de la commission Santé.Nous avons également tendu nos micros et quelques casques auxparticipants d’une lecture / débat organisée à la sauvageautour d’un bouquin de Lordon. Ça a donné lieu à une émissionde très bonne facture à laquelle a d’ailleurs participé JudithBernard qui passait par là et s’est assise avec Thomas,l’instituteur qui avait lancé cet atelier pour finalementl’animer avec lui.

Qu’est-ce qui vous a poussé à installer Libre@Toi* au milieude la Nuit Debout ? Il existe déjà une radio-debout non ? Vousapportez quoi de différent ?Ta question est étonnante mais très révélatrice de l’ambiancesur place. Les gens veulent faire la révolution mais ontbesoin des modèles qui constituent le monde qu’ils sont sensésrejeter avec ce mouvement. Nous ne comptons pas le nombre deceux qui, à juste titre ou par pur fantasme s’estimantdétenteurs de la « bonne parole » concernant Nuit Debout,commencent par nous demander si nous sommes Radio Debout. Etla plupart, évidemment préfère aller leur parler. En gros, ilscherchent le TF1 ou le BFMTV de la place de la République.C’est finalement plutôt amusant. Alors, qu’est-ce qu’onapporte de différent ? Ben précisément ça : un médiaalternatif.

C’est quoi le rapport entre Nuit Debout et la culture librepour toi ?

S’il s’agit bien, à Nuit Debout, d’initier le mouvement versle monde d’après, alors la Culture Libre est – ou devrait –être au cœur des structures qui organisent la lutte. C’est eneffet pour Libre@Toi* une exigence, un mot d’ordre assezévident.

En parlant avec des gars de Nuit Debout j’ai bien vu qu’ilssympathisaient avec la philosophie du Libre sans pour autantfaire grand-chose à ce sujet, c’est quelque chose que tu asremarqué aussi ?C’est assez tardivement (sans doute aussi un peu parprovocation) que nous avons accroché à notre stand unepancarte « 100% Logiciels Libres ». Et du coup, en effet, on aété contraint d’expliquer ce positionnement aux uns auxautres. Le moment drôle, c’est quand Radio Debout est venuenous demander de parler logiciels libres sur leur antenne. Ceque nous n’avons évidemment pas fait : ils peuvent venir quandils veulent, à notre micro, causer logiciels libres avec nousen revanche ! �Donc, pour te répondre : les Nuits Debouts sentent bien unepression au sujet du logiciel libre puisque d’autres que nous,La Quadrature par exemple, ont tenté de les y sensibiliser.Mais c’est clairement quelque chose de lointain. Un trucauquel ils n’ont pas pensé et dont la logique politique leuréchappe complètement.

une interview sur le place de la République

Est-ce que vous profitez de votre présence place de laRépublique pour sensibiliser les gens aux logiciels libres ?Est-ce qu’on vient vous en parler d’ailleurs ?J’ai un peu répondu au-dessus. La raison de notre présence àNuit Debout, ce n’est pas de faire de l’évangélisation, maisbien de donner « leur place aux gens » en libérant leurparole, sans le théâtre des assemblées générales et autrescommissions. La promotion du logiciel libre, nous la faisonspar ailleurs chez Libre@Toi*, mais je ne t’apprends rien.

Et d’ailleurs vous avez donné des coups de main pour« libérer » Nuit Debout ?Notre premier choc, ça a été le lancement de Radio Debout quiimpose à chacun pour les écouter, la présence d’un lecteurFlash sur leur ordinateur. Ainsi, ceux qui venaient porter lavoix de la « révolution » utilisaient Mixlr. Avec du recul,c’est risible. Sur ce la Quadrature est arrivée avec lapromesse de « libérer Radio Debout » sur l’initiative de

Benjamin Sonntag. Cette tentative ayant échoué, j’ai proposéet à plusieurs reprises de fournir un serveur Icecast. On ajuste été snobés. Alors est-ce qu’on donne un coup de mainpour libérer Nuit Debout ? Oui, en portant sa voix,différemment.

Ce qu’on peut donc dire de Nuit Debout c’est que le terreaupour accueillir les logiciels libres est fertile. Certains ontmême déjà commencé à planter quelques graines. Mais ils sonten manque cruel de jardinier pour les former et faire croîtrela philosophie Libre chez eux. Il reste donc à trouver lesvolontaires prêts à ouvrir les stands Libre-Debout dans tousles rassemblements de France afin que les logiciels libres nesoient plus seulement un vœu pieux de Nuit Debout mais bienune réalité.

Pour celles et ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur lesaspects techniques « derrière » Nuit Debout, nous lesrenvoyons à la lecture de l’article « #NuitDebout : commentl’orchestre participatif s’est organisé » de Rue89 (où l’onapprend que Nuit Debout utilise a aussi utilisé un Framadate à367 participants) et « Mais qui contrôle le sitenuitdebout.fr » de Numérama.

Merci à Pierre Lalu, @mex, @pm56, @lili et à tous ceux qui ontrépondu à mes questions sur le chat de Nuit Debout.

Olympe a besoin d’un coup de

mainOlympe, hébergeur gratuit, libriste et sans pub (un parfaitexemple de CHATONS, quoi) a lancé un financement participatifpour faire face à ses difficultés.

Comment en est-il arrivé là ?

Olympe, hébergeurgratuit depuis 2006

Vous hébergez des sites gratuitement, avec des outils libres,sans publicité. Depuis combien de temps ?

Olympe c’est une initiative qui a commencé il y a maintenant10 ans, avec trois amis, trois passionnés de technologies. Fin2006, l’idée naît d’une association, elle sera créée etimmatriculée dans le courant de l’année 2007.

Dès la toute première version, l’objectif est clair :hébergement gratuit et sans publicités. Cette volonté estpartie d’un constat simple : le Net est un domaine en pleinessor, qui explosera davantage encore dans les années à venir,et pourtant aujourd’hui, pour publier il faut soit del’argent, soit subir des pubs.

À l’époque l’hébergement n’était pas une chose aussi courantequ’aujourd’hui. C’est devenu beaucoup plus vital de nos jourspour n’importe quelle entreprise, association, activitéquelconque, fût-elle locale, d’avoir un site web, et pourtantce clivage est encore plus vrai qu’avant. Soit vous avez dequoi payer un hébergement, soit vous mangez des pubs à

longueur de journée, et de plus en plus.

Vous étiez soutenus par une entreprise-mécène, c’est ce quivous avait motivés à faire du gratuit ? Ou il y avait uneautre raison ?

Ce n’est pas le soutien de l’entreprise en question qui amotivé le gratuit, puisqu’elle est arrivée bien après. MaisOlympe il y a encore quelques années était une structure bienplus modeste, qui n’affichait pas les 90 000 utilisateursqu’elle compte aujourd’hui. C’était essentiellement lesmembres de l’équipe qui contribuaient à ce qu’Olympe vive, etles coûts étaient évidemment bien moindres.

Aujourd’hui, cette structure a évolué, s’est sécurisée, aappris de ses faiblesses pour s’améliorer, et s’eststabilisée. La philosophie du gratuit a pu subsister grâce àcette entreprise-mécène, et nous pouvons l’en remercier,effectivement, mais à l’origine il y avait surtout une penséetournée vers le libre et le partage.

Ce mécène n’est plus en mesure de vous financer, c’est biença ?

En effet, elle a financé durant plusieurs annéesl’infrastructure en grande partie, et a fini par être rachetéefin 2015 par un investisseur beaucoup moins philanthrope queses prédécesseurs. Dès lors, la fin du mécénat nous a éténotifiée et nous avons dû réfléchir en quelques semaines auxpossibilités qui s’offraient à nous.

Dans un premier temps, la réaction a été celle de l’urgence :à cette période il a fallu renouveler les serveurs, ce que leprésident de l’association a fait intégralement à sa charge.De fait, on a dû couper dans les dépenses, et il a falluréduire le nombre de services proposés pour nous en tenir auminimum vital. Tous les services jugés accessoires (générationde statistiques, certains monitorings…) ont été écartés.

Puis vint la seconde étape : OK, les serveurs sont renouvelés,mais pour combien de temps ? Que fait-on à l’échéance ?Clairement, Olympe n’était plus viable à long terme.

Du coup, vous avez lancé un financement participatif…

On a exploré un tas d’hypothèses. On a bien tenté de remémorerà nos utilisateurs l’existence de notre page Tipeee, appelée àrecevoir quelques dons régulièrement. Mais pour vous donner unordre d’idée, en 9 mois d’existence, cette page a recueillie240 euros. Soit un quart des frais incompressibles mensuelsnécessaires pour faire tourner Olympe.

L’idée de faire du payant nous a traversé la tête un instant,mais ça équivalait à renier toutes ces années de gratuitéproposer ce que nous dénoncions dès le début. Je n’évoque mêmepas l’insertion de publicités sur les sites…

Il ne restait alors qu’une solution : lancer un crowdfunding(ou une campagne de financement participatif, pour les adeptesde la langue française). L’idée est connue : un mois pourréunir une certaine somme, en l’occurrence 40 000 euros.Jusqu’au 4 mai, on espère donc collecter cette somme etpouvoir mettre en œuvre un projet solide et détaillé sur lapage de la campagne d’hébergement, d’innovation, et decommunauté. L’idée est que cette base nous permetted’atteindre d’ici trois ans un équilibre, grâce aufonctionnement mis en place.

Vous avez besoin de 40 000 €. Que se passera-t-il si ça neréussit pas ?C’est effectivement une somme conséquente, et on peutlégitimement se demande pourquoi autant. En réalité, lalecture du projet mis en œuvre par l’équipe répond assez bienà cette problématique, car 40 000 euros c’est trois ansd’hébergement assurés.

La campagne est lancée à objectif fixe : soit Olympe reçoit40 000 euros d’ici le 4 mai, et l’aventure se poursuivra, soit

nous ne réunissons pas la somme, et Olympe devra fermer sesportes définitivement. Ce seront alors des milliersd’utilisateurs qui verront leur site inaccessibles, et desmilliers d’autres qui devront se rabattre en urgence surd’autres hébergements, pour la plupart nécessitant de sortirune carte bleue.

C’est beaucoup d’argent, mais vous revendiquez 90 000utilisateur-ices. Si chacun-e donne 0,50 €, c’est réglé, oùest le problème ? C’est peut-être un poil plus compliqué queça…

On a évité de retenir la base « 90 000 x 1 euro = 90 000 €,nous sommes sauvés ! », pour la simple et bonne raison que çaserait se mentir. Tout d’abord, il s’agit d’une statistique :il existe sans nul doute des utilisateurs qui n’utilisent plusleur site, d’autres qui n’en ont jamais mis en ligne, d’autresqui ont supprimé leur site et conservé leur compte au cas où…si bien que tous ces utilisateurs ne sont pas directementtouchés par une fermeture imminente. C’est un peu comme si jevous disais que la boulangerie au pied de chez vous allaitfermer, alors que vous ne mangez plus de pain (bon, je saisqu’attaquer le pain en étant Français c’est dangereux maisvous voyez l’idée) !

De fait, en admettant que l’on ait un utilisateur actif surdeux, et que chacun donne 1 € on arrive tout juste à la sommeescomptée. Et c’est effectivement illusoire que de s’attendreà ce que tout le monde donne, pour deux raisons.

Premièrement, Olympe est associé légitimement dans l’espritcommun à la gratuité. Or, le gratuit qui demande de payer,psychologiquement c’est un cap difficile à passer pourbeaucoup d’utilisateurs. Ce n’est pas la somme qui estbloquante mais l’acte du paiement : pour preuve, ceux qui ontdonné ont très largement dépassé les 1, 2 ou 5 euros. Le donmoyen varie entre 10 et 20 euros.

Deuxièmement, donner n’est pas à la portée de toutes lesbourses, et c’est là-aussi l’intérêt d’un crowdfunding : ceuxqui peuvent et qui partagent nos valeurs participent pour cequ’ils en retirent, mais également pour en faire profiterd’autres, moins avantagés. Donner 10 euros quand on est cadresup’ et donner 10 euros quand on est au chômage, vous enconviendrez, ce n’est pas la même chose.

Quel est le portrait-robot de vos « clients » ?

Difficile de dresser un portrait-robot d’autant d’individus.Les utilisations d’Olympe sont variées : des sites de petitesentreprises locales, d’artistes, de jeunes développeurs enherbe qui se font les dents, d’enseignants qui partagent avecleurs élèves, de « youtubeurs » qui fédèrent leurscommunautés, de gamers, tout un tas d’associations locales(anciens combattants, amicales de retraités, amicale de lagendarmerie…), les sites de partage d’événement, notamment desmariages, des sites institutionnels…

C’est difficile de dresser un profil commun à tous. S’il y aune variable commune c’est que nous avons un publicglobalement cohérent par rapport à l’offre gratuite. Ce sonténormément de personnes qui n’ont pas de quoi s’héberger chezun professionnel.

Pensez-vous qu’il/elles seraient d’accord pour payer unecotisation ? Leur avez-vous posé la question ? Avez-vousd’autres idées pour fonctionner ?

L’idée d’une cotisation a été évoquée lors de notre phase deréflexion, évidemment. Mais sans rentrer dans les détails, çarevient encore une fois à retomber sur de l’hébergement payant: soit vous payez votre cotisation et vous êtes hébergés, soitvous ne payez pas et vous supportez les pubs.

Qu’une cotisation soit proposée aux utilisateurs quisouhaitent acquérir un statut de membre à part entière, c’est

effectivement un souhait que nous avons de longue date maisqui n’a pas été mis en œuvre pour l’instant. Que cettecotisation subordonne l’accès aux services, c’est inconcevableau regard des valeurs que nous voulons véhiculer depuis toutce temps.

Les autres idées nous les avons, et nous adorerions pouvoirles mettre en œuvre, mais nous agissons dans l’urgence :aujourd’hui on ne réunit pas 40 000 euros pour êtretranquilles pendant 3 ans, on les réunit pour mettre en placependant ces trois ans un projet sérieux, structuré, réfléchipour aboutir à une stabilité financière à l’horizon 2018.

Est-ce que ça signifie que le gratuit, ça ne peut pasmarcher ?

Nous n’avons — fort heureusement — pas pris ce postulat, sansquoi nous n’aurions jamais lancé la campagne qui suit soncours actuellement. Le gratuit peut marcher et doit marcher àune époque où le Net est avalé par des géants qui monétisentau maximum un service se voulant, à l’origine, libéré de toutcela.

Nous y croyons, et c’est bien pour cela que nous nous battonsdepuis 8 ans sur Olympe et pour Olympe. En huit ans, on aparticipé régulièrement aux RMLL, on a organisé des activitésde formation en Afrique, on a connu une augmentation constantede nos utilisateurs : il y a forcément une place pour legratuit.

Nous y croyons, et nous continuerons d’y croire.

On est encore loin du but… Si vous souhaitez aider Olympe,c’est le moment.

https://www.olympe.in/

Allumons les réverbères duLibreDans son communiqué de presse du 07 avril 2016, la Commissiondes lois du Sénat français déclare approuver le projet de loipour une République Numérique porté par la secrétaire d’Étatau numérique Axelle Lemaire. Néanmoins, le Sénat a tenu àrenommer ce projet de loi :

La commission a adopté le projet de loi en le modifiant :sans constituer la révolution que suggérait son premierintitulé, il contient un certain nombre de dispositionsutiles pour assurer une meilleure régulation de la sociéténumérique et améliorer la protection des droits desindividus. C’est pourquoi la commission a modifié le titre duprojet de loi, désormais intitulé : « projet de loi pour unesociété numérique ».

L’argument est limpide : nul ne saurait transformer lesprérogatives de la puissance publique en place. C’est à lasociété de se transformer (se numériser) et c’est à laRépublique (et ses institutions) qu’il revient de réguler lesusages numériques. Tel est l’ordre des choses, et il est fortcompréhensible que la Commission des lois ne laisse pas passerun texte qui transformerait une République dont elle estgarante de l’intégrité.

Pourtant, cette rigidité est-elle bien conforme à l’air dutemps ? Cette société numérique n’est-elle pas justement entrain de montrer que ces usages sont précisément ceux d’unedémocratie en train de se faire, mobilisant les attentions etrenouvelant les pratiques politiques y compris debout à laplace de la République. Peut-être est-ce justement à cause de

cela et de ce qu’il cristallise comme besoin de transparence,de démocratie et de coopération, que le logiciel libre peinetant à être compris et assimilé par les institutions.

Ce texte de Véronique Bonnet, administratrice de l’April,synthétise ces questionnements. Un peu d’espoir peut-être enusant nous-mêmes, de plus en plus, du logiciel libre pours’émanciper enfin ?

Sympathy for the Free SoftwarePar Véronique Bonnet, administratrice de l’April

Indésirable, le logiciel libre (free software) ? Un amendementde la commission des lois du Sénat vient de faire disparaître,pour l’instant, avant l’examen en séance prévu fin avril,l’encouragement au logiciel libre. Certes, il s’agissait biend’un amendement de repli, non juridiquement contraignant, quel’Assemblée avait voté comme pis-aller, vu les tirs de barragecontre la priorisation. Le simple encouragement est-il déjàtabou ? Caillou dans la chaussure ? Loup dans la bergerie ?Disons ici notre sympathie irréductible, notre attachementcitoyen au logiciel libre, n’en déplaise aux frilosités qui sedrapent dans des habits bien improbables.

Du diable, on dit qu’il est dans les détails.

Un détail, justement. Le projet de loi numérique a changé denom, la semaine dernière, en cours de route. Initialement, ils’appelait « Projet de loi pour une république numérique ». LeConseil d’État, en décembre dernier, s’était étonné dudécalage entre un tel intitulé et le contenu du projet de loi.

Dans le second volet d’un article publié le 15 avril par larevue EpiNet, intitulé « Bienheureuse panne d’imprimante,encore », j’ai essayé de montrer que si on prenait au sérieuxla notion de république, alors on ne pouvait pas fairel’économie d’une priorisation de l’informatique libre dans le

domaine public, « dans la tâche de protéger des regards ce quidoit l’être, et celle de rendre visible et accessible ce quidoit l’être, dans une république. »

J’avais dans mon argumentaire fait état de deux axes,esquissés, mais non assumés par le texte soumis à l’examen desparlementaires. Un premier axe qui disait vouloir découvrir etlaisser à découvert ce qui devait l’être, dans une république,soit les traitements algorithmiques des paramètres quidébouchent sur des décisions et influent sur les existences.Un second axe qui disait vouloir couvrir et garder couvert cequi devait le rester dans une république, soit le contrôle desdonnées personnelles.

La semaine dernière, le gouvernement a remplacé le terme de «république », peut être trop contraignant, par le terme de «société ». Société numérique en lieu et place de la républiquenumérique ? En rabattre sur les exigences de fraternité,d’égalité et de liberté vers une loi a minima peu conforme auxexigences de la république, mais bien suffisante pour lasociété. On ne peut s’empêcher de faire le lien avec la trèsthatcherienne et libérale exclamation : « such a thing associety! », dans un contexte où il était demandé à cetteresponsable britannique de prendre au sérieux le traitementsocial de la pauvreté.

Remplacer « république » par « société », est-ce donner congéà bon compte à la juste revendication d’une interopérabilité,d’une auditabilité, soit, en un mot, de choix numériques quigarantissent une dimension publique vraiment publique et unedimension privée vraiment privée, purement et simplement ? Larépublique oblige. La société, tout autant.

À ce moment de croisée des chemins pour le Libre, puisquec’est maintenant l’ensemble des Sénateurs qui doit examiner leprojet de loi, esquissons en quelques traits de quelle libertéheureuse ce combat pour la priorité au logiciel libre estfait.

En tant que libristes, nous sommes, en quelque sorte, desallumeurs de réverbères. Une variante des lanceurs d’alerte.Un peu ce que les lucioles sont aux colibris. Nous essayons desensibiliser sur le non auditable, le non interopérable,l’obscurantisme des verrous logiciels, des chausse-trappes,des rentes de situation. Allumeur de réverbère, c’est un beaumétier.

Copyright © 2016 Le Petit Prince – Ehnon, l’ouvrage n’est toujours pas dans ledomaine public en France.

Celui du Petit Prince, dans l’accélération folle de la

succession des jours et des nuits, réduits chacun à uneminute, suivait néanmoins la consigne : éclairer quand il lefallait, éteindre quand il le fallait. Saint-Exupéry suggèrede celui-là qu’il est un peu lampiste. La consigne lui a étédonnée quand le jour durait un jour, et la nuit une nuit. Maislampiste encore au sens d’autrefois : celui qui veille àl’allumage des lampes.

Ma main au feu que la régie lumière du projet de loi « pourune république numérique », puis « pour une société numérique» soit plus proche du Prince de Machiavel, régulateur etopératoire, que de la philosophie des Lumières, émancipatrice.Le pire est de faire croire que le logiciel libre peut porteratteinte aux appels d’offre, un vilain petit canard juridique,monstre mal bâti. Démon ? Seulement au sens du démon deSocrate, cette voix intérieure qui est médiation entre lessituations et les concepts. Free Software, doux démon. Loindes tentations de la Pomme et autres gaffes à âmes.

Faut-il, pourtant, se résoudre, abjurer ? « Eppure, si muove», aurait dit, ou en tous cas pensé, Galilée. Que l’on traduitd’ordinaire par « et pourtant, elle tourne ». Il parlait de la

Terre, dans la perspective de l’héliocentrisme honni par lespotentats d’alors. Aller contre l’évidence de la logique desêtres parlants d’étudier, utiliser, améliorer, redistribuer,en sécurisant leurs échanges et en ayant une visibilité sur cequ’il veulent partager ou garder pour eux ?

Ceux qui prennent les libristes pour de joyeux lampistes — pasau sens d’autrefois —, et les vessies pour les lanternes, etles enfants du bon dieu pour des canards sauvages, feraientbien de s’aviser que le bon sens finit toujours par prévaloirsur les mauvais prétextes.

Il y a quelque chose comme une raison dans l’histoire. Si cen’est pas sous cette législature, tôt ou tard, le freesoftware finira par s’imposer. Mais ce serait mieuxmaintenant.

Devil girl by GDJ, Public Domain

Pour ma part, c’est tout vu. Je roule en GNU/Linux. Jem’habille en Debian. Je n’ai pas encore de RoLeX pour réussirma vie, mais je suis, j’eXisTe en LaTeX. Je priorise avecl’April. Je dégooglise avec Framasoft. Je neutralise avecLQDN. J’ai jeté aux orties mes menottes numériques. Contre lesportes dérobées, je mets en garde les autres, avec d’autres.Et à toi, Free Software, je dis ma sympathie, que diable !

Notre gitlab évolue enFramagit. C’est trèsefficace !

Warning : cet article parle de forge logicielle qui sert àdévelopper collaborativement du code. Il est donc un peuvelu et technique, mais il fera plaisir aux plus « barbu-e-s» d’entre vous !

Préviousselaid, chez Framasoft : nous avions besoin d’uneforge logicielle comme outil interne à l’asso… parce que mêmesi nous ne développons pas (ou exceptionnellement) de logiciellibre ; les mettre en avant, les améliorer (parfois), lespromouvoir et ouvrir des services au monde, ben ça demande decréer, maintenir, échanger et améliorer du code !

Nous nous étions donc installé Gitlab à la main, sur un coinde serveur, juste pour nous… Étant les seuls utilisateurs, ons’est dit que ce ne serait pas grave s’il n’était pas toujoursà jour, à traquer la dernière version… (oui : nous sommesmoins exigeants sur nos outils internes que pour les servicesque nous ouvrons au grand public ^^).

Franchement, merci Google !Merci, parce qu’à chaque fois que vous prenez des décisionsunilatérales aux dépens de vos utilisateurs-produits, vousnous offrez l’occasion de prouver que le Libre offre desalternatives bien plus respectueuses des personnes qui vous

ont confié leur vie numérique (et leur code).

Le jour où nous avons appris que Google Code fermait sesportes, nous avons donc décidé d’ouvrir les nôtres. Cela nousa aussi permis de sensibiliser au fait que, dans le mode descodeurs et développeuses, GitHub est devenu un point centralet monopolistique assez inquiétant.

L’excuse n°1 des programmeurs pour selâcher sans scrupules :« GitHub est en panne »— Hé, au boulot les gars ! — Githubest en panne !— Ah bon, continuez alors.

Forcément, l’ouverture à tous de notre git et les nouvellesfonctionnalités des nouvelles versions de Gitlab (une nouvelleversion tous les 22 du mois) nous ont incités à mettre à jourplus régulièrement, ce qui prend plusieurs heures à chaquefois… et plusieurs fois par mois, car des versions correctivessont régulièrement publiées.

Améliorer le Framagit… une prioritéCeci, ajouté à l’utilisation grandissante de notre forge quiallait bientôt poser des problèmes de taille de disques, nousa amenés à migrer (le 17 mars dernier) notre Gitlab vers unemachine avec plus de disque et surtout avec une installationutilisant les paquets dits « omnibus ».

Ces paquets omnibus nous ont permis d’installer Gitlab àl’aide d’un simple apt-get install gitlab-ce plutôt que desuivre la longue procédure d’installation manuelle. Nonseulement l’installation est simplifiée, mais — et c’estsurtout là la plus-value que nous en attendions — mettre àjour Gitlab devient tout aussi simple avec une seule commandeapt-get dist-upgrade.

Résultat : notre Gitlab suit scrupuleusement la publicationdes nouvelles versions, avec leur lot de nouvellesfonctionnalités !

Pour fêter cela, nous avons étrenné un nouveau nom de domaine…

inspiré par vous ! Avouons-le, «Git point Framasoft pointorrrrrrrgueh », ça accroche un peu en bouche. De partout, nousavons entendu parler du « Framagit » : alors tant qu’à faire,autant l’appeler comme vous le faites déjà. Bien entendu, iln’est nul besoin de modifier vos URL, elles restent valides…mais la nouvelle est à votre disposition !

Et si on ajoutait de l’intégrationcontinue ?Derrière ce terme barbare se cache une fonctionnalité trèspratique : on crée une « recette » qui sera exécutée dans unemachine virtuelle à chaque push. Cela peut par exemplepermettre de lancer une suite de tests pour vérifier que l’onn’a rien cassé. �

Pour utiliser cette fonctionnalité, il faut disposer de ce quel’on appelle un runner, c’est à dire un logiciel qui varécupérer la recette et l’exécuter. Il est possibled’installer un runner sur n’importe quel ordinateur, mêmevotre ordinateur de bureau.

Pour ceux qui ne souhaitent pas gérer leur runner eux-mêmes,Framasoft met à disposition deux runners partagés entre tousles utilisateurs de Framagit, que vous pouvez utiliser commebon vous semble. Notez toutefois que Gitlab indique quequiconque utilise un runner partagé peut accéder auxinformations des projets utilisant ce runner : il vaut mieuxmonter votre propre runner pour vos projets sensibles.

De plus, en utilisant les runners partagés de Framasoft, ilest possible que votre projet soit mis en file d’attente, enattendant que les recettes précédentes aient fini des’exécuter… à vous de voir !

Pouhiou-le-moldu-du-code lisant cet article,allégorie.

Vous voulez des pages Gitlab ? Nousaussi !Github permet à tout un chacun d’héberger un site statique.Gitlab propose une fonctionnalité similaire mais hélas,uniquement dans sa version entreprise… Nous utilisons pournotre part la version communautaire qui est la version libre

de Gitlab… donc sans les pages Gitlab.

Nous avons donc ouvert un ticket pour demander que cettefonctionnalité soit incluse dans la version communautaire. Sivous aussi vous aimeriez voir cela arriver, aidez-nous toutsimplement en votant surhttps://gitlab.com/gitlab-org/gitlab-ce/issues/14605.

En attendant, profitez d’une forge logicielle à jour et libresur Framagit.org !

Mise à jour du 5/08/2016 :Le tutoriel d’installation de Gitlab est -enfin- disponiblesur le Framacloud.Notez que cette installation est conjointe à celle deMattermost (Framateam) puisque c’est ainsi que nous avonsprocédé �

La mairie de Fontaine passeau Libre !Aujourd’hui on vous propose une interview postée à l’originesur le site des Libertés Numériques d’Europe Écologie lesVerts, article qu’ils ont eut le bon goût de mettre sous CC-BY-SA. Ne vous inquiétez pas ça parle quand même de logiciellibre…

C’est même le sujet principal, puisqu’on a là un retourpratique du service informatique de la mairie d’une ville d’unpeu plus de vingt mille habitant-e-s qui a la volontépolitique de passer au Libre : services en ligne, systèmesd’opération, logiciels et applications mobiles… Tout en

restant une association a-partisanne, nous y voyons là unretour d’expérience et un exemple qui fait chaud à nos petitscœurs de Libristes !

L’expérience du logiciel libre à lamairie de FontaineNicolas Vivant est directeur du système d’information à lamairie de Fontaine, en Isère. Depuis quelques années, ils’attelle à la migration du parc informatique vers dessolutions logicielles open source et libres.

Des logiciels libres d’abord, puis des distributions Linuxentières, ont débarqué sur les ordinateurs des employés de lamairie. Comment s’est réalisée cette migration ? Quels retoursdes usagers ? Quels avantages ? Nicolas a accepté de répondreà nos questions.

Bonjour Nicolas, peux-tu d’abord nous présenter rapidement taville, combien y a-t-il d’employés dans la mairie et de postes

informatiques ?

Fontaine est une ville d’un peu plus de 22 000 habitants. Lamairie emploie 600 personnes et le parc de PC est également de600 postes environ (dont 250 dans les écoles maternelles etélémentaires), répartis sur une quarantaine de sites.

Quel est ton rôle ?

Je suis DSI (directeur des systèmes d’information).Sept agents travaillent au service informatique. Le servicegère l’informatique de la ville (postes clients, serveurs,logiciels, réseau), la téléphonie (fixe et mobile) et lavidéosurveillance.

Comment est venue l’idée de remplacer le systèmed’exploitation existant par une solution opensource ? Etait-ceune volonté politique au départ, ou plutôt une solutionenvisagée à cause de soucis techniques ?

La mise en place du logiciel libre est une décision ancienne.Elle remonte à 2001. C’est un choix politique porté depuis parles majorités successives. Les valeurs de l’opensource et dulibre rejoignent dans une large mesure celles du servicepublic communal : travail communautaire, service de l’intérêtgénéral, transparence et juste prix. L’intérêt économique,avéré à Fontaine, est venu comme un bénéfice secondaire de cechoix.

Les « décideurs » ont-ils été difficiles à convaincre, quellesétaient leurs inquiétudes à l’idée de changer d’environnementde travail ? Et quels arguments les ont convaincus ?

Dans une commune, il y a deux types de décideurs : les élus etla direction générale. Le libre étant un choix politique,l’adhésion des élus était évidente puisqu’ils étaient moteurs.Pour ce qui concerne l’administration, et pour répondre àl’inquiétude légitime d’un certain nombre d’utilisateurs(décideurs ou non), une stratégie de migration « douce » a été

mise en place. C’est par l’expérimentation et la démonstrationque nous avons choisi d’agir, plutôt que par l’argumentation.

Dans un premier temps (avant 2009), le choix de logicielsd’infrastructure (messagerie, serveur de fichiers, annuaireinformatique, etc.) libres a été fait. Ce changement a ététransparent pour les utilisateurs, mais il a permis d’asseoirles bases du changement.

Dans une deuxième séquence (2008 à 2012), les logicielstournant sur nos PC sous Windows ont été migrés sur du libre(Thunderbird pour les mails, Firefox pour le web, OpenOfficepour la suite bureautique). Le plus difficile a été de changerde suite bureautique. Une formation spécifique de deux jours aété mise en place. Plutôt que de former nos utilisateurs àl’utilisation de la bureautique (dont ils connaissaient, pourla plupart, les bases), le choix a été fait de les aider àmigrer leurs connaissances et leurs données. Sur les deuxjours de formation, un jour et demi ont donc été consacré à« Comment faire sur OpenOffice ce qu je sais fait sur MSOffice ? » puis une demi-journée à la migration effective desdocuments utilisés au quotidien, avec l’aide du formateur.Cette formation était proposée à l’ensemble des employés quisouhaitaient s’y inscrire. Quand le cycle de formation a ététerminé, nous n’avons pas systématiquement désinstalléMicrosoft Office. Nous avons simplement cessé de livrer dansles services des PC comprenant la suite de Microsoft. Ainsi,au fil du temps, la suite propriétaire a disparu de notreparc. Il reste quelques exceptions, dues à desincompatibilités d’OpenOffice avec des logiciels « métier »,mais elles représentent moins de 5% de notre parc.

La dernière étape de la migration vers le logiciel libre,toujours en cours, concerne le système d’exploitation. Notreparc est essentiellement composé de machines sous WindowsSeven. La stratégie de migration comprend plusieurs phases etnous avons choisi de prêcher par l’exemple plutôt qued’utiliser une approche contraignante :

De janvier à septembre 2014, nous avons travaillé surl’interface graphique, que nous voulions belle en plusd’être pratique, et sur l’intégration de postes sousLinux dans notre système d’information. Nous tenions àce que le niveau de service soit au moins équivalent àcelui que nous délivrions pour les postes sous Windows.De septembre 2014 à décembre 2014 (3 mois), nous avonsréalisé un test avec 20 utilisateurs. La directiongénérale et les élus (les décideurs, donc) ont étéintégrés dans cette phase. Cela nous a permis deparfaire notre interface et de vérifier que toutfonctionnait correctement. Les résultats ont été trèspositifs, et nous n’avons pas eu de demande de retour enarrière.De janvier à juin 2015, nous avons proposé un plan devolontariat. En plus des postes déjà installés, unetrentaine d’agents se sont portés volontaires pourmigrer sous Linux.

Nous sommes désormais dans la quatrième phase, qui est unephase d’incitation : nous proposons systématiquement Linuxpour les postes neufs en déploiement. Si l’utilisateur refuse,Windows est conservé.

Parallèlement, l’adjoint à l’éducation nous a demandéd’entamer la migration sous Linux des PC des écolesmaternelles et primaires. Sur les 17 écoles de la commune,plusieurs se sont portées volontaires pour un test. Endécembre 2015, nous avons entamé le processus de migrationd’une école pilote. La migration de toutes les écoles devraitprendre trois ans.

Si tout se passe selon les prévisions, 70% de notre parcinformatique devrait utiliser Linux en 2018.

Y a-t-il eu « d’amicales pressions » d’éditeurs de logiciels

propriétaires pour tenter de freiner cette démarche (si oui,avec quel discours) ?

Aucune, au contraire. Les éditeurs essaient de prendre encompte l’utilisation de PC sous Linux pour que tout se passebien. L’augmentation significative de logiciels tournant surdes navigateurs web facilite grandement la migration.

Et les usagers de ces postes de travail, étaient-ils motivésou plutôt dubitatifs ?

Aujourd’hui, aucun utilisateur n’a été contraint. Il n’y adonc pas de résistance forte. Certains, dubitatifs, ont étéséduits par les avantages apportés par Linux (stabilité,rapidité) et qu’ils ont pu observer chez leurs collègues.D’autres ne sont pas convaincus et ont choisi de rester sousWindows. Nous respectons ce choix.

Quelle distribution Linux a été choisie, s’agit-il d’uneversion ad-hoc, modifiée pour mieux convenir à vos besoins ?

Nous nous sommes basés sur Ubuntu 14.04 LTS. Des modificationsimportantes ont été nécessaires pour une intégration parfaitedans notre informatique existante. Comme sous Windows, unprofil est automatiquement créé lorsqu’un utilisateur seconnecte avec ses identifiants habituels (LDAP) et ses disquesréseau partagés sont montés automatiquement. Nous avonségalement ajouté un « dock » (Cairo-Dock) pour faciliter lanavigation sur l’interface et disposer d’un « boutondémarrer ». Nous évaluons actuellement une nouvelle interfacebasée sur ElementaryOS (cette distribution étant elle-mêmefondée sur une Ubuntu 14.04 LTS), encore plus simple et plusrapide. Les résultats sont prometteurs et elle devrait deveniren 2016 notre interface de référence.

Avez-vous procédé à des recrutements pour gérer ce nouveauparc logiciel, ou bien avez-vous formé des personnes eninterne ?

Nous n’avons pas procédé à des recrutements spécifiques.Certains agents du service informatique disposaient déjà desconnaissances nécessaires. Les autres ont été formés eninterne. Notre interface est simple d’utilisation, et uneformation basique permet donc d’atteindre rapidement le niveaude service attendu par nos utilisateurs.

Dans les faits, quels soucis éventuels lors de l’installationde la distribution Linux ? (ordinateurs vétustes,périphériques non reconnus, …) ?

Aucun problème bloquant ne s’est posé, mais la migration anécessité une cohérence globale pour être pleinement efficace.Lors de l’attribution du marché des systèmes d’impression etde copie de la ville, par exemple, une attention particulièrea été portée sur la qualité des pilotes disponibles pourLinux. Nous avons fait le choix de matériel Kyocera,parfaitement compatible. HP aurait pu être un autre choix.D’autres constructeurs ont été écartés. L’installation sur lesPC se fait avec FOG (Free Open Ghost) et nous n’avons

rencontré aucun problème sur les machines, pourtant variées,que nous avons installées jusqu’à présent.

La courbe d’apprentissage du nouveau système a-t-elleconstitué un problème ?

Pas véritablement, parce que le déploiement est trèsprogressif, et qu’un gros travail a été fait au niveau del’interface graphique pour les utilisateurs. Un retourquasiment systématique que nous avons eu est :

« finalement ce n’est pas très différent de Windows…»

Le fait que les utilisateurs retrouvent, sous Linux, leslogiciels auxquels il étaient déjà habitués sous Windows(Thunderbird, Firefox, LibreOffice, …) a été déterminant.

Finalement, l’inquiétude la plus vive a été pour le serviceinformatique lui-même. Nous sommes passés par une phase dedoute quant à notre capacité d’apporter un même niveau deservice sur un environnement aussi différent. Après un an detravail quotidien sur Linux, ce doute est levé.

Cela fait donc un an maintenant que les ordinateurs de lamairie tournent sous linux, au-delà du changementtechnique quel bilan en tires-tu, côté finances et usages auquotidien ?

Toute l’administration ne tourne pas sous Linux, loin de là.La migration prendra du temps. C’est la dernière étape de lamigration vers le libre, et pas la plus simple. Chi va piano,va sano e va lontano !

D’un pur point de vue financier, acheter des PC sans systèmed’exploitation nous permet de faire de sérieuses économies(autour de 30% sur un PC portable acheté par l’UGAP, lacentrale d’achat des collectivités). Les machines sous Linuxgénèrent moins d’appels à la hotline, l’installation d’imagespar FOG prend cinq minutes, et ce temps gagné représente

également une économie certaine (il faut compter 45 minutespour l’installation d’une image Windows).

Autre intérêt : Linux vieillit mieux que Windows et laperformance met du temps à se dégrader. Le remplacement desmachines peut donc être décalé dans le temps. Mon estimationest qu’une économie de 30% sur le matériel est envisageable àterme (mais nous n’en sommes pas encore là, le parc demachines sous Linux étant encore largement minoritaire).

Au quotidien, les retours des utilisateurs sont positifs et lesupport est facilité. La bonne nouvelle, c’est donc que toutse passe bien et sans souffrance ce qui, au regardd’expériences menées dans d’autres collectivités, n’était pasévident de prime abord. L’autre bonne nouvelle c’est que,conformément à l’esprit du logiciel libre, le travail mené àFontaine est partagé avec d’autres collectivités. Notre espoirest que le mouvement prenne de l’ampleur, pour le bien detous.

Est-ce que le fait d’utiliser des solutions opensource apermis de faire un minimum « d’évangélisation » à ce sujetparmi les équipes de la mairie, ou bien est-ce qu’ils nevoient pas la différence ?

Nous avons eu quelques demandes d’installation sur du matérielpersonnel d’agents communaux et nous avons donné plusieurscoups de mains à d’autres collectivités de l’agglomération.Grenoble, qui a également entamé sa mutation, est dans le mêmeesprit et il n’est pas impossible qu’une solution communeémerge de tout ce travail. Nos élus voient d’un bon œil cetessaimage, en cohérence avec la politique qu’ils ont choisieet qu’ils soutiennent. Plusieurs actions sont envisagées pourfaire connaître plus largement notre travail et les bonsrésultats obtenus : conférences, démonstrations lorsd’événements autour du libre, travail à destination de lapopulation fontainoise, etc.

Récemment, le ministère de l’éducation nationale a signé unpartenariat avec Microsoft pour des solutions pédagogiques viades produits de cette entreprise, quel est ton regard surcette décision et penses-tu que des solutions libres auraientpu être envisagées à la place ?

Les choix des services de l’État manquent sérieusement delisibilité. Les positionnements semblent varier selon lesministères. D’un côte le SILL (Socle Interministériel deLogiciels Libres) de Matignon, le choix du libre par lagendarmerie, etc. Et de l’autre cette initiative del’éducation nationale ou d’autres ministères. Peu importe : ily a fort à parier que l’évolution, si évolution il y a,viendra d’initiatives locales multiples (et peut-êtreconcertées) plutôt que de grandes décisions qui s’imposeraientà tous. Pensons global, et agissons local.

Pour info, la liste des logiciels libres que nous utilisons :

Infrastructure (serveurs sous Debian et Ubuntu server): Samba, OpenLdap, Cyrus, SOGo, Squid, SquidGuard,Shorewall, KVM, FOG, ownCloud, Booked, Framadate, FileZ,phpList…Postes clients : Ubuntu Desktop, ElementaryOS, Cairo-Dock, Thunderbird, LibreOffice, Firefox, Gimp, Inkscape,Scribus, ProjectLibre, VLC, Audacity, Avidemux,Openshot, PlayOnLinux, FileZilla, …Logiciels métier (la grande majorité sont des logicielspropriétaires) : WebDelib, OpenERP/Odoo, …Web : Drupal, WordPress, …Smartphones : OpenDocument Reader, DavDroid, …

Interview réalisée par Grégory Gutierez, responsable de lacommission Partage 2.0. à Europe Écologie les Verts et publiéele 15 janvier 2016 sur le site EELV.