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FRANÇAIS Enseigner l’écriture au cycle 3 Informer et accompagner les professionnels de l’éducation CYCLES 2 3 4 eduscol.education.fr/ressources-2016 - Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche - Mars 2016 1 Retrouvez Éduscol sur Quelques principes Un entrainement régulier La maitrise de l’écriture est d’abord affaire de pratique et d’entrainement. C’est pourquoi « au cycle 3, l’accent est mis sur la pratique régulière et quotidienne de l’écriture », ce qui suppose des invitations systématiques à produire des écrits même courts et dans tous les domaines de l’apprentissage. Ces moments d’exercice, de prises de recul, de synthèse permettent à la fois d’automatiser les gestes graphiques ou la maitrise du clavier et de prendre conscience de la fonction de l’écriture, qui est de conserver des traces de pensée ou d’observation et de favoriser la réflexion par la mise à distance et la comparaison. Ces situations sont nombreuses et variées, parfois informelles, mais elles doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part de l’enseignant qui doit les valoriser, inviter à la relecture, inciter constamment à s’y reporter. En 6 ème , il est important que ces écrits quotidiens ne se cantonnent pas à la simple copie. Ils se poursuivent au cours de chaque séance et dans toutes les disciplines. À côté de ces écrits de travail qui ne sont pas explicitement dédiés à l’apprentissage de l’écriture, il est important de réserver un temps et un espace à l’apprentissage de l’écriture créative. Ces moments ritualisés, généralement courts, sous une forme habituellement ludique, sont aussi un moyen de se familiariser avec l’activité d’écriture. Les différentes productions explorent les aspects les plus variés de l’acte d’écrire. Elles sont conservées dans un cahier ad hoc, dans un classeur ou dans un dossier. Ce réservoir de textes n’enregistre pas un écrit abouti, mais des essais, des tentatives, des états toujours provisoires. Parfois, on y PLUSIEURS PRINCIPES GUIDENT L’ENSEIGNEMENT DE L’éCRITURE AU CYCLE 3 : le fait que les élèves ne maîtrisent pas parfaitement les usages de la langue écrite ne doit pas empêcher l’exercice quotidien de l’écriture, la mise en place d’une habitude qui doit être à la fois rassurante et formatrice ; la fréquence des situations d’écriture conduit à des échanges réguliers entre les élèves sur les productions qui sont partagées et discutées ; l’apprentissage de l’écriture privilégie l’expérimentation des formes, des genres et des fonctions de la communication écrite : l’étude approfondie de quelques formes très structurées est exceptionnelle ; la confrontation entre les écrits de la classe, entre les productions d’élèves et les textes d’auteurs permet peu à peu à chaque élève de prendre du recul par rapport à ses propres textes, d’adopter une posture d’auteur — c’est-à-dire d’endosser la responsabilité de ses écrits et d’en mesurer les effets ; enfin, la fréquence des écrits suppose un rapport particulier à la correction, qu’il s’agisse des attentes exigibles ou des interventions didactiques pour les rapprocher de la norme en particulier orthographique.

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Enseigner l’écriture au cycle 3

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Quelques principes

Un entrainement régulier

La maitrise de l’écriture est d’abord affaire de pratique et d’entrainement. C’est pourquoi « au cycle 3, l’accent est mis sur la pratique régulière et quotidienne de l’écriture », ce qui suppose des invitations systématiques à produire des écrits même courts et dans tous les domaines de l’apprentissage. Ces moments d’exercice, de prises de recul, de synthèse permettent à la fois d’automatiser les gestes graphiques ou la maitrise du clavier et de prendre conscience de la fonction de l’écriture, qui est de conserver des traces de pensée ou d’observation et de favoriser la réflexion par la mise à distance et la comparaison. Ces situations sont nombreuses et variées, parfois informelles, mais elles doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part de l’enseignant qui doit les valoriser, inviter à la relecture, inciter constamment à s’y reporter. En 6ème, il est important que ces écrits quotidiens ne se cantonnent pas à la simple copie. Ils se poursuivent au cours de chaque séance et dans toutes les disciplines.

À côté de ces écrits de travail qui ne sont pas explicitement dédiés à l’apprentissage de l’écriture, il est important de réserver un temps et un espace à l’apprentissage de l’écriture créative. Ces moments ritualisés, généralement courts, sous une forme habituellement ludique, sont aussi un moyen de se familiariser avec l’activité d’écriture. Les différentes productions explorent les aspects les plus variés de l’acte d’écrire. Elles sont conservées dans un cahier ad hoc, dans un classeur ou dans un dossier. Ce réservoir de textes n’enregistre pas un écrit abouti, mais des essais, des tentatives, des états toujours provisoires. Parfois, on y

PlUsiEUrs PrinciPEs gUidEnt l’EnsEignEmEnt dE l’écritUrE aU cyclE 3 :• le fait que les élèves ne maîtrisent pas parfaitement les usages de la langue écrite ne doit pas

empêcher l’exercice quotidien de l’écriture, la mise en place d’une habitude qui doit être à la fois rassurante et formatrice ;

• la fréquence des situations d’écriture conduit à des échanges réguliers entre les élèves sur les productions qui sont partagées et discutées ;

• l’apprentissage de l’écriture privilégie l’expérimentation des formes, des genres et des fonctions de la communication écrite : l’étude approfondie de quelques formes très structurées est exceptionnelle ;

• la confrontation entre les écrits de la classe, entre les productions d’élèves et les textes d’auteurs permet peu à peu à chaque élève de prendre du recul par rapport à ses propres textes, d’adopter une posture d’auteur — c’est-à-dire d’endosser la responsabilité de ses écrits et d’en mesurer les effets ;

• enfin, la fréquence des écrits suppose un rapport particulier à la correction, qu’il s’agisse des attentes exigibles ou des interventions didactiques pour les rapprocher de la norme en particulier orthographique.

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revient pour comparer ou réutiliser. Ces moments d’écriture permettent de prendre confiance dans ses capacités, d’entrer progressivement dans la culture de l’écrit. L’enseignant adopte une attitude bienveillante pour souligner les réussites, signaler les solutions différentes à des problèmes d’écriture ou de scénario, valoriser des choix stylistiques (un élève utilise des dialogues, un autre emploie des interjections, etc.).

le modèle de l’atelier : écrire, échanger, comparer, dialoguer…

D’une part, l’activité d’écriture ne saurait être réduite à son évaluation, d’autre part c’est la classe toute entière qui est un lieu d’échange et d’apprentissage. Aussi serait-il regrettable que les écrits des élèves soient exclusivement adressés à l’enseignant dans une perspective d’évaluation. Bien entendu, on peut décider d’un destinataire en dehors de la classe pour des écrits scolaires (dans le cadre d’une correspondance, d’une édition ou d’une publication, etc.) mais ces situations ne peuvent pas se présenter assez souvent et en tout état de cause, elles ne permettent pas les interactions avec le destinataire.

Dans la classe, l’écriture permet d’échanger ou de communiquer du savoir ou des expériences sans doute, mais aussi des émotions, l’expression d’un point de vue, ou d’un sentiment. Dès lors, il est pertinent que les textes circulent, qu’ils soient entendus, qu’ils donnent lieu à des appréciations, qu’ils suscitent des réactions. L’échange sur les textes est aussi un moment privilégié de l’apprentissage de la vie sociale : apprendre à critiquer, c’est aussi apprendre à s’écouter et à se respecter. Le jugement sur les textes est un jugement sur des textes, jamais sur les personnes. Toutes les productions ne peuvent évidemment pas être systématiquement lues par tous les élèves, mais il est important de permettre la circulation des écrits sous des formes variées : parfois tous les écrits (si leur format le permet) seront lus par leurs auteurs, parfois l’enseignant prêtera sa voix aux écrits de quelques élèves, parfois les écrits seront échangés au sein d’un groupe plus ou moins important. Ces lectures (silencieuses ou à haute voix) permettent de comparer des idées, des choix d’écriture, éventuellement de construire un répertoire. Elles révèlent aussi des faiblesses : des problèmes de compréhension, des effets peu contrôlés, etc.

Une expérimentation de tous les aspects de l’écriture

On ne doit pas limiter les activités d’écriture à l’apprentissage de « règles » ou à la mise en œuvre de structures préétablies. S’il est utile de présenter aux élèves des textes fortement « modélisés » (qu’il s’agisse d’écrits fonctionnels, de textes narratifs ou poétiques) qu’il est possible d’imiter, dont on peut emprunter la forme pour de nouvelles productions, il est important de proposer, à côté de ces modèles, des situations d’écriture qui permettront une approche plus complète et plus complexe de l’activité d’écriture. Des productions d’écrit très courtes, peu construites, peu « travaillées », sont fréquentes même chez les écrivains professionnels : elles n’obéissent pas toujours à des schémas, à des programmes d’écriture préalables et sont le complément nécessaire de projets plus ambitieux qui, eux, demandent des améliorations, des révisions et qui visent un public. En CM comme en 6ème, le projet d’écriture longue (par exemple le conte, le récit fantastique ou d’aventure) nécessite un plan, permet de réfléchir en terme de construction et de viser un type de destinataire (intéressé par les contes, le fantastique, etc.). Mais c’est une situation d’écriture exceptionnelle qui ne doit pas occulter les très nombreuses occasions où on se contentera de tester un effet, d’exprimer

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un point de vue, etc. Ainsi, l’exploration du matériau langagier, seul ou à plusieurs, dans des activités qui peuvent être très ludiques fait manipuler la langue, et plus particulièrement la langue écrite : chercher des rimes, des rythmes, jouer avec des mots, apprendre à respecter des consignes d’écriture. Des consignes d’écriture très « formelles » permettent ainsi à tous les élèves de produire des petits textes dont le sens n’est pas la priorité mais qui prêtent à sourire ou à rire. Au contraire, l’écriture de textes très personnels à résonance autobiographique montre une autre dimension de l’écrit : sa capacité à mettre à distance des expériences subjectives, à laisser une trace personnelle, à s’inscrire, à s’exprimer.

Tous les genres enfin peuvent donner lieu à des propositions d’écriture, qu’il s’agisse de s’essayer à la fiction, à la poésie, ou au dialogue théâtral, sans oublier les textes documentaires à visée explicative. Les formes d’expression et de communications contemporaines sont de plus en plus souvent pluricodées, c’est-à-dire qu’elles mettent en jeu des modes de signification variés en plus du code écrit : sons, images, hyperliens. Une initiation progressive à ces écritures permettra par exemple de produire des légendes en lien avec des images, d’écrire les dialogues d’une bande dessinée, de créer des liens à partir d’une page web.

Toutes ces activités permettent à la fois d’explorer la communication écrite sous toutes ses formes et de s’impliquer dans des productions qui font sens.

construire une approche réflexive de ses propres écrits

Les tentatives pour faire réécrire aux élèves leurs propres écrits s’avèrent difficiles et peu fructueuses. La réécriture est ainsi davantage un but à atteindre, une exigence à construire, qu’une pratique pédagogique à mettre en place systématiquement. Pour pouvoir revenir sur son texte et le réécrire, il faut être capable de réfléchir sur ses productions, de les mettre à distance, de les comparer avec d’autres, d’avoir un regard critique, un véritable regard d’auteur conscient des effets produits, des échecs ou des réussites de son travail. Des activités peuvent progressivement conduire à l’adoption d’une posture d’auteur exigeante et nécessiter la reprise d’un texte. Une évaluation positive de l’enseignant participe de cette construction. Notons tout d’abord qu’il est important d’écrire beaucoup et régulièrement, ce qui exclut toute pratique systématique de réécriture. La réécriture peut en revanche s’appliquer seulement à des parties du texte ; elle peut aussi se limiter à la relecture collective de quelques textes et à la formulation orale de propositions d’amélioration par l’ensemble de la classe, sans déboucher obligatoirement sur la réécriture effective des textes travaillés. La production de plusieurs écrits sur des thèmes voisins fait aussi progressivement mûrir l’attention et la réflexion des élèves. La même consigne d’écriture proposée à des moments assez éloignés en cours d’année mobilisera les observations accumulées dans les périodes intermédiaires. Dans tous les cas, ce sont les verbalisations occasionnées par les lectures des écrits des élèves qui permettent à chacun de prendre conscience peu à peu des effets produits par le texte, des réussites comme des erreurs ou des incohérences. C’est pourquoi il faut disposer d’un cahier d’essais ou d’un dossier qui collecte tous les écrits élaborés en cours d’année pour pouvoir les mettre en relation, les comparer, mesurer les progrès accomplis.

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réviser de façon différenciée

Les corrections de l’enseignant, en particulier en ce qui concerne l’orthographe, la correction de la langue ou le respect de critères explicitement rappelés doivent être différenciées selon les élèves et selon les situations d’écriture proposées. Les écrits intermédiaires ou de travail, les écrits brefs quotidiens ne peuvent être systématiquement ni intégralement corrigés. L’enseignant indiquera aux élèves parfois collectivement, parfois individuellement les points sur lesquels ils peuvent exercer une vigilance particulière (par exemple les points de grammaire ou le vocabulaire étudiés à d’autres moments de la journée ou de la semaine). La correction ne doit pas être stigmatisante et ne doit pas décourager. Les élèves de cycle 3 ne peuvent prétendre à une expression écrite parfaitement normée. La correction, qui n’est pas systématique, vise pour chaque élève, un type d’erreur auquel il est susceptible de remédier et, pour tous, des formes ou points de langue sur lesquels l’enseignant souhaite attirer l’attention des élèves. La révision complète d’un texte par des élèves de cycle 3 ne peut donc être qu’un événement exceptionnel. Par exemple, les écrits destinés à l’affichage ou à toute autre forme de publication sont examinés avec la plus grande attention et ne doivent comporter aucune erreur orthographique ou de langue : ils sont révisés avec l’aide de l’enseignant qui valide la version définitive.

éléments de réflexion et ressources

•Les écrits de travail•Écritures créatives courtes : gammes•Écritures créatives longues : projet•Évaluer•Réécrire •Normes de l’écrit•Écrire avec le numérique (à venir)

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Recourir à l’écriture pour réfléchir et pour apprendre : les écrits de travail

Des écrits pour apprendre

Ces écrits ne sont pas explicitement dédiés à l’apprentissage de l’écriture. Même s’ils y participent, ils servent d’autres fins, et en particulier les apprentissages dans toutes les disciplines. Toute séquence d’apprentissage vise la maîtrise de connaissances et des formes langagières dans lesquelles elles s’inscrivent. L’écrit de travail offre ainsi des espaces d’appropriation, « des espaces de prise de risque, où les élèves peuvent s’exercer, tâtonner jusqu’à la verbalisation pertinente » (Dominique Bucheton, ouvrage cité, p. 136). Il est l’une des activités qui permettent à l’élève de passer de sa représentation spontanée d’une notion à une représentation « savante ». Plus précisément, ces écrits servent certaines phases de l’apprentissage : la prise de représentation en phase de découverte, les conclusions provisoires, les reformulations intermédiaires en phase de structuration. Ces écrits servent également la prise de conscience de cette fonction de l’écriture. Il s’agit pour les élèves de prendre « l’habitude de recourir à l’écriture à toutes les étapes des apprentissages » (Programme de français). Cet outillage des élèves vise à développer leur autonomie.

Des écrits pour réfléchir

Écrire, c’est, dans certains cas, mettre au travail la pensée, c’est lui permettre de se développer et de s’organiser. En sciences, à partir de questions plus ou moins productives, l’élève s’appuie, en cherchant à y répondre, tout aussi bien sur ses croyances que sur ses connaissances (faits repérés et/ou assimilés) en mobilisant des modèles explicatifs plus ou moins personnels. C’est à ce moment qu’une première élaboration de la pensée s’effectue. L’élève cherche à les mettre en relation, à les ordonner, à trouver une cohérence. Ce travail cognitif est celui d’une pensée qui s’élabore. L’écrit porte ainsi la trace de cette activité cognitive. On retrouve ce même travail lors d’un écrit préparatoire à un débat d’interprétation en littérature.

Si « la fréquence des situations d’écriture et la quantité des écrits produits sont les conditions des progrès des élèves » (Programme du cycle 3, Français, Écriture, Repères de progressivité), la pratique des écrits de travail s’impose alors par la multiplicité des occasions de produire un écrit. Cette pratique est déjà présente dans les classes (brouillons, prise de représentations, notes, etc.) même si elle « reste un impensé de la culture enseignante » (Dominique Bucheton, Refonder l’enseignement de l’écriture, Retz 2014, p.184).

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Caractérisation des écrits de travail Ces écrits de travail sont de nature très variée : il peut aussi bien s’agir de fragments de textes réécrits, que de listes, de carnets d’écrivain (recueil d’écrits libres dans un cahier personnel), de carnets de pensées, de cahiers d’expérimentation, de journaux de lecture etc. Ils ont en commun de ne pas être objets de correction systématique. Contrairement aux écrits institutionnalisés, ils peuvent demeurer inachevés : ce sont des écrits non normés et non définitifs.

Ils peuvent être de l’ordre du brouillon – c’est-à-dire destinés à une destruction immédiate... Le plus souvent, ces écrits ont des supports plus durables comme le cahier d’essai, le cahier de recherche, le carnet de notes, le cahier d’expérience, le journal de bord. Ces supports diffèrent des cahiers habituels qui reçoivent exercices et leçons. Ils ne représentent pas un but en eux-mêmes : ce n’est pas leur production qui est visée ; ils ne sont qu’une étape intermédiaire, préparatoire à une autre activité, un autre texte, une autre production, orale ou écrite. C’est en ce sens, entre autres, que l’on peut parler d’écrits intermédiaires. Ils portent la trace de tous les essais, ébauches, tous les processus qui vont amener l’appropriation d’un savoir, tout ce qui est habituellement gommé et occulté quand on donne la dernière version au « propre ». Ce qui devient visible, c’est le travail qui accompagne l’élaboration, la production, surtout quand la notion ou le savoir à acquérir sont difficiles et nécessitent un effort important. Si le texte définitif fige à juste titre la pensée, le texte intermédiaire porte la trace d’une pensée qui s’élabore. Il est transitoire, il est l’intermédiaire entre deux états de la pensée.

Leur forme est plurielle et diversifiée car elle n’est pas fixée à l’avance ni imposée. Chaque élève suit son propre cheminement, invente sa propre formalisation en fonction des objets à présenter : chacun se retrouve dans une grande autonomie face à un écrit qu’il organise de manière très singulière, en fonction des moyens qui sont les siens, et de sa plus ou moins grande maîtrise de l’écrit. C’est pourquoi certains élèves utilisent le dessin, d’autres l’écrit ou un mélange de plusieurs formes de symbolisation. Chacun peut s’autoriser ce qu’il veut. Ces écrits prennent des formes variées : des formes les plus simples (notes, listes) aux formes les plus complexes (schéma, tableau, carte heuristique). Souvent, ils sont structurés et structurants : la spatialisation et l’emplacement des différents éléments sont des marques de processus de hiérarchisation, de classification et de mises en connexion.

Ces différentes formes répondent à différentes fonctions. L’écrit de travail peut servir à lister, à relever, à reformuler, à articuler, à hiérarchiser, à classer, à mettre en relation des données, des faits, des idées.

Gestion des écrits de travailLa profusion de ces écrits peut devenir un obstacle pour l’enseignant. Elle rend impossible le traitement habituel – révision orthographique et syntaxique – des productions d’élèves. Il est donc indispensable de les traiter différemment. Sur le plan des normes orthographiques et syntaxiques, le fait que ces écrits soient transitoires dispense de les réviser. La fréquence des écrits intermédiaires multiplie les occasions pour l’élève de produire un écrit hors des normes, au risque de créer une habitude. Il est donc nécessaire de penser et d’organiser la transition entre ces écrits « hors normes » et les écrits normés. L’enseignant peut également craindre de voir circuler des écrits « erronés » sur le plan des connaissances et les élèves confrontés à ces derniers. Il est donc nécessaire d’y revenir et de les exploiter sans céder pour autant à la pression du produit fini.

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Il ne suffit pas de proposer aux élèves d’écrire en grande quantité pour garantir l’apprentissage ou la réflexion. Tirer bénéfice de ces écrits suppose qu’ils circulent, qu’ils soient observés et commentés par les élèves, qu’ils soient repris. Cette reprise s’appuie sur de nouvelles consignes, sur des conseils pour déplacer le travail engagé. L’aboutissement se jouera dans cette circulation, dans cette analyse et cette exploitation des écrits. Les écrits de travail se présentent ainsi comme une forme de mise en commun de la pensée, sur laquelle soi-même, mais aussi les autres peuvent travailler.

Ces écrits permettent aux élèves de prendre conscience du volume de travail accompli et surtout de mesurer leurs progrès. À l’enseignant, ils servent d’outil d’évaluation formative. Pour pouvoir conduire un tel travail, l’enseignant est obligé de modifier sa propre posture : de correcteur, il doit parvenir à devenir lecteur attentif et averti. Dans ce cadre, il n’est plus celui qui rappelle la norme mais celui qui va être capable d’analyser finement les écrits des élèves afin de pouvoir proposer de nouvelles consignes capables de relancer la réflexion.

D’une discipline à l’autreLes écrits de travail peuvent se pratiquer dans toutes les disciplines. Assez souvent, ils sont regroupés sur des supports spécifiques (cahier ou carnet d’expériences, cahier de littérature, carnet de lecture, cahier de recherches).

Des pratiques spécifiques aux disciplinesEn français/écriture : des tâches d’écriture successives comme autant d’écrits de travail.En français/lecture : des écrits de travail accompagnant la lecture et le travail de compréhension.En maths : La recherche collective en situation de problèmes ouverts ; la narration de recherche.En sciences : des écrits de travail qui rythment la démarche d’investigation.

Des pratiques transversalesCertaines pratiques de reformulation sont transversales. Quelle que soit la discipline, la maîtrise d’une connaissance et de ses formes langagières se fait progressivement, entre autres, par la pratique répétée, par l’usage régulier de ces formes. Il est donc nécessaire d’offrir aux élèves de nombreuses occasions de se les approprier, leur permettant ainsi de prendre des risques, de s’exercer, de tâtonner et de parvenir finalement aux formulations attendues.•Des pratiques de listage : un exemple en sciences• Des pratiques de transcodage : que ce soit en sciences, en histoire ou en géographie,

l’enseignant peut demander aux élèves de mettre en schéma une observation, de reformuler en texte des données organisées en tableau, d’expliciter à l’aide d’un texte un schéma… autrement dit de passer d’un système sémiotique à un autre. Cette reconstruction permet à l’élève de déplacer son point de vue.

• Des pratiques de reformulations successives : un exemple en sciences, un exemple en histoire.

Références bibliographiques

Jean-Charles Chabanne, Dominique Bucheton, « Les “écrits intermédiaires” pour penser, apprendre et se construire », Québec français, Numéro 149, printemps 2008, p. 60-62. Doquet Claire, « Les écrits intermédiaires au cycle 3 pour penser et apprendre. », Le français aujourd’hui 3/2011 (n°174), p. 57-68.

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Pour aider l’élève à entrer dans un processus d’écriture, pour favoriser l’appropriation des différentes dimensions de l’activité d’écriture, les programmes encouragent la production régulière d’écrits variés. Des écrits courts, dont la nature et les objectifs peuvent être très différents d’une séance à l’autre, permettront aux élèves de « faire des gammes » et de mieux se représenter ce qui est en jeu dans l’acte d’écrire. À côté des fréquents écrits de travail qui, au cycle 3, doivent être constamment sollicités, il faut proposer des consignes qui développent l’imagination et l’écriture créative. Ces consignes, qui ont pour vocation de désinhiber les élèves dans leur rapport à l’écriture, peuvent être de deux ordres :

1. Certaines contraintes formelles permettent avant tout de s’amuser tout en développant l’attention à la langue, en particulier la vigilance orthographique. Les exercices oulipiens sont particulièrement efficaces à ce titre. L’OULIPO (l’Ouvroir de Littérature Potentielle), groupe fondé par l’écrivain Raymond Queneau et le mathématicien François Le Lionnais, postule que la contrainte est créatrice et libératrice pour l’imagination. L’un des textes oulipiens les plus célèbres est La Disparition, de Georges Perec, roman intégralement écrit sans la lettre « e ». Un autre texte de référence est Exercices de style, de Raymond Queneau. Des auteurs ont proposé des adaptations de ces jeux littéraires pour les classes1. On peut par exemple :•écrire un petit texte composé uniquement de monosyllabes, • s’interdire la lettre [a] ou la lettre [s] ou le phonème /s/ (ce qui n’est pas la même

chose !), •s’imposer une lettre à l’initiale de chaque nom, adjectif et/ou verbe,•composer un acrostiche,• jouer avec des paronymes à la manière d’un Bobby Lapointe ou d’un Raymond

Roussel,• imiter une structure syntaxique, etc.

2. D’autres propositions simples permettent d’entrer dans l’écriture en affirmant sa personnalité, en jouant avec l’autobiographie. On trouve de nombreux exemples de ces lanceurs d’écriture sur internet où le rituel des joggings d’écriture s’est salutairement développé : la consigne invite à faire des listes, à raconter rapidement un épisode de son autobiographie, à se rêver une autre vie, etc. C’est une autre forme de jeu (tournée vers l’expression de soi) qui alternera heureusement avec les jeux plus formalistes inspirés par l’OULIPO. On demandera par exemple de :•faire « la liste des objets que j’aime, que je vois ou que j’utilise régulièrement »,•faire son autoportrait en champion du monde (de ce qu’on veut),•donner sa définition de la gentillesse ou de la beauté,•se rêver chat ou oiseau, ou choisir un tout autre animal…

Un entrainement régulier

1. Par exemple Michel Martin, Jeux pour écrire, Hachette éducation, 2014 (1re éd. 1995), ou encore Yak Rivais, Les sorcières sont N.R.V., L’école des Loisirs, 1re éd. 1988.

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Au cycle 3, ces gammes peuvent être quotidiennes au moins pendant certaines périodes de l’année. En 6e, on leur donnera une autre forme : hebdomadaire, dans le cadre d’un projet ponctuel — de redécouverte des fonctions et des plaisirs de l’écriture, donc de façon plus intense ou plus systématique sur une période courte. Il ne s’agit pas de noter ces écrits mais d’en faire apprécier les effets : amusement, émotion, voire agacement. Chaque élève mesure la force et les faiblesses de sa création au regard de la consigne, des normes du français et des effets obtenus par son texte lors de la communication au groupe.

Voir le projet “Écrire 20 minutes par jour”

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Un projet d’écriture est conduit sur le long terme. C’est un « chantier » d’écriture qui répond à des enjeux didactiques et humains. Collaboratif ou envisagé comme une écriture individuelle filée, il fédère les élèves autour d’un produit final, un « chef d’œuvre », dont le destinataire n’est pas le professeur mais un public lié au projet lui-même et à ses modes de publication (blog, livre numérique, concours de nouvelles ou de poésies, journal de l’établissement etc.).

Il impose donc une temporalité spécifique, qui modifie l’ordinaire de la classe. Il se caractérise également par l’articulation entre moments d’écriture individuelle et collective, et par l’étroite association de l’écriture et de la lecture. D’une part, il s’appuie sur des lectures d’auteurs. D’autre part, les écrits de chacun circulent et sont confrontés entre eux, ce qui permet aux élèves d’assumer leur posture d’auteur. Le projet favorise les échanges entre pairs grâce à la variation des situations pédagogiques (travail individuel, par binômes, en groupes, en classe entière) et grâce à l’objectif commun.

Tout en créant une dynamique de classe, le projet d’écriture permet aux élèves de comprendre la complexité et les dimensions de l’acte d’écriture (recherche d’idées, organisation, effets à produire sur le lecteur, travail d’expression). S’inscrivant dans la durée, il dédramatise l’acte d’écrire pour les élèves et permet à l’enseignant de mesurer leurs progrès. Enfin, il stimule l’imagination des élèves et engendre du plaisir à écrire.

« Les projets d’écriture s’appuient sur une interaction entre lecture et écriture, l’analyse de textes d’auteurs permettant de dégager des critères guidant l’écriture. L’observation des textes d’auteurs donne lieu à l’élaboration d’outils, sous la forme de grilles de critères ou de questionnaires, qui peuvent aider les élèves à relire les textes produits dans la classe, pour en repérer les réussites et les dysfonctionnements et aider à leur réécriture. Dans certains cas, la mise en œuvre d’« activités décrochées » en orthographe, grammaire ou conjugaison permet de construire les savoirs nécessaires pour procéder à ces réécritures. Ces activités décrochées peuvent porter sur des contenus de grammaire de phrase (la gestion des accords ou la morphologie verbale) mais aussi de grammaire de texte (l’utilisation pertinente de substituts ou le choix des temps verbaux du passé).(…)Lorsque les élèves, dans le cadre d’un projet d’écriture, écrivent des nouvelles de science-fiction en cinquième, comme dans les projets décrits par les «pères fondateurs» de la revue Pratiques, Jean-François Halté et André Petitjean, dans leur ouvrage Pratiques d’écriture au collège ou les articles de la revue Pratiques 36, Travail en projet, ils lisent des auteurs de science-fiction avec le regard de l’artisan : ils examinent comment sont

Qu’est-ce qu’un projet d’écriture ?

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construits ces ouvrages et quels sont les choix d’écriture des auteurs. S’ils rencontrent des difficultés, par exemple à dénommer les personnages et à enchaîner les phrases, ils examinent comment ces auteurs s’y sont pris. »1

Écrire des textes, l’apprentissage et le plaisir

Des exemples de projets d’écriture

•Itinéraires•Un projet d’écriture

1. Claudine GARCIA-DEBANC, « Place et fonctions de l’écriture au collège : développer un regard d‘artisan », Écrire des textes, l’apprentissage et le plaisir, Observatoire National de la lecture, janvier 2007, p. 57-58

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Une évaluation positive des textes : repérer les acquis et les progrès des élèves avec de nouveaux critères

Afin de passer d’une évaluation en termes d’écart à la norme à une évaluation positive, il faut apprendre à pointer ce qui est réussi plutôt que ce qui pose problème dans les textes produits. Les tâches d’écriture ne sont plus alors appréhendées par les élèves comme des tâches de grammaire ou d’orthographe car l’évaluation ne porte plus sur la norme linguistique, mais sur ce qui est en jeu dans le texte, ce qui est en germe, ce qui cherche à se dire.

Il est important de noter que les réussites d’un texte ne se limitent pas au respect de la norme. Même si la référence à la norme ne doit pas être négligée, en s’intéressant aux effets produits sur le lecteur, on construit un autre regard sur les productions scolaires qui permet de valoriser tous les textes, y compris ceux des élèves en difficultés. La prise de risque est encouragée et devient un critère positif d’engagement, même si l’effet attendu n’est pas obtenu, pour peu que l’élève puisse exprimer une intention précise et mesurer l’efficacité des moyens qu’il a retenus. Ce type d’évaluation aide donc tous les élèves à progresser.

D’autres exemples d’évaluation positive de textes d’élèves en CM et au collège.

Les textes des élèves peuvent être valorisés par la mise en voix de l’enseignant, mais également par la nature de ses interventions sur les productions.

Évaluer autrement les écrits scolaires

En écriture, on pratique généralement une évaluation normative des productions. Cette évaluation porte sur l’orthographe, la syntaxe, la cohésion et la cohérence narrative. De ce fait, l’enseignant se focalise sur l’écart à la norme qu’il mesure. Pour autant, force est de constater que ce type d’évaluation produit peu d’effets en termes d’apprentissages, constat largement partagé par les enseignants. On peut cependant faire de l’évaluation un outil de progrès, supprimer le stress et les atteintes à l’estime de soi qui l’accompagnent. On peut encore, pour les plus fragiles, supprimer le risque de démobilisation, voire de décrochage. On peut surtout aller vers une évaluation qui permette de mieux expliciter et partager les moyens de réussir et donc de mieux se construire sur le plan personnel. Le renouvellement du regard des élèves et des enseignants sur la qualité des textes produits peut alors modifier les postures des élèves. Dans les lignes qui suivent, on proposera quelques principes pour faire de l’évaluation un véritable instrument de progrès pour les élèves : rendre l’évaluation positive en diversifiant les critères, développer les instances de validation en posant la question des effets du texte sur ses lecteurs, entrer dans une logique de différenciation.

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Une évaluation par la validation : la question des effets sur le lecteur et de la circulation des textes

Bien souvent, l’enseignant de la classe est le seul destinataire des textes de ses élèves sur lesquels il porte traditionnellement des appréciations.

La fonction première de ces annotations est de faire comprendre à l’élève que l’enseignant ne s’est pas contenté de corriger son texte mais qu’il a pris du temps pour le lire. Elles indiquent que ce dernier ne se positionne plus seulement en tant qu’évaluateur du texte mais aussi en tant que lecteur attentif. Les annotations accompagnent les productions de l’élève dans un but formatif, elles pointent les réussites, ce qui pourrait être amélioré en proposant des pistes et en questionnant l’élève. Les annotations s’attachent à la manière dont l’élève s’y est pris pour produire de l’effet.

La validation des textes par des pairs en présence du scripteur est au moins aussi efficace que l’appréciation par l’enseignant. Si l’élève a éprouvé en tant que lecteur un sentiment positif, il cherchera à le faire éprouver à son tour à ses camarades, ce qui devrait modifier son rapport à l’écriture. Si les moyens utilisés pour obtenir ces effets positifs sont mis en valeur et font l’objet d’une explicitation, l’élève les emploiera avec une réelle intention. Cela peut lui permettre de construire à terme une « posture d’auteur ».

Il est donc important que les textes circulent et soient communiqués aux pairs pour qu’ils en éprouvent les effets. Ils peuvent être partagés « à chaud » par le scripteur, un élève ou l’enseignant, à l’oral ou lus par la classe, s’ils sont tapuscrits et toilettés, lors d’une séance ultérieure. Ils peuvent être rassemblés et mis à disposition de la classe, prêts à servir de mémoire des plaisirs éprouvés à leur lecture et de références pour les situations d’écriture suivantes. L’autorisation du « pillage » dans les textes des pairs ou des écrivains est une piste possible pour valoriser tous les textes produits.

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La réécriture et la logique de différenciation

L’évaluation positive, la mise en valeur des effets produits par les textes et des moyens pour les obtenir permet aux élèves d’oser écrire, les autorise à se tromper sans être stigmatisés et à recommencer en utilisant les procédés pointés, jusqu’à ce qu’ils réussissent. Ils construisent ainsi un nouveau rapport à l’écrit, dépassent les premières appréhensions, pour éprouver un plaisir certain à écrire pour être lu. Le rôle de l’enseignant est aussi de déterminer, par l’évaluation, les pistes de réécriture les plus pertinentes pour sa classe ou des groupes d’élèves particuliers afin de permettre aux élèves de réinvestir les procédés mis en valeur. Lors de la lecture des textes de ses élèves, l’enseignant peut relever, pour chaque élève, les qualités, les caractéristiques, ce qui est réussi et ne pas appréhender le texte uniquement en termes d’écarts à la norme.

Voici un exemple de grille élaborée par un enseignant de CM2 :

Cette grille non exhaustive, qui n’a pas valeur de modèle, permet de visualiser plusieurs pistes possibles après cette situation d’écriture dont la consigne était : « Raconte une grosse bêtise que tu as commise ».

On y voit, entre autres critères, que les questions de l’entrée ou de la clôture du récit, comme celles de l’expression des sentiments ou des regrets, peuvent être retravaillées pour la classe ou pour un groupe d’élèves. De nouvelles situations d’écriture peuvent être proposées comme « Raconte la bêtise de NOA ou AXEL en insistant sur leurs sentiments » ou bien « Trouve une autre fin pour le récit d’Élodie » ou encore de façon très personnalisée « Raconte ta bêtise en insistant sur les sentiments de tes parents ». La même consigne peut aussi tout simplement être redonnée un peu plus tard. Pour ces situations, l’élève n’aura pas son précédent texte sous les yeux, ce qui lui permettra de tenter d’autres approches pour le même récit, une fois explicités les effets des textes. Il est aussi possible d’envisager une révision de certains textes

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déjà bien aboutis. Ils seront alors toilettés, voire améliorés par l’élève pour être communiqués et gardés en mémoire. Les normes orthographiques et syntaxiques reprennent leur droit légitimement à ce stade.

Ces grilles successives permettent aussi de visualiser les progrès des élèves tout au long de la séquence dans une perspective de communication des acquis à l’échelle du cycle.

Trois manières de mesurer des progrès

Pour un adulte lettré, le confort de lecture est un élément déterminant qui conditionne la réception d’un texte : l’enseignant lit la production avec plus ou moins de facilité, il en conçoit une plus ou moins grande estime pour le texte qu’il a sous les yeux. Il est toujours troublant de constater que des enseignants chevronnés ne portent pas du tout la même attention au texte d’un élève selon qu’il s’agit d’une copie manuscrite ou d’un texte toiletté et dactylographié grâce à un traitement de texte. Il faut être conscient de cette évaluation première afin de pouvoir s’en déprendre. Au-delà de l’écart à la norme dont il a déjà été question, et pour approcher la réalité de ce qu’a fait l’élève, on peut s’appuyer sur trois séries d’indicateurs : •ceux qu’on peut prélever dans les textes produits par les élèves ;•ceux qu’on peut prélever dans leurs discours sur leur propre écriture ; •ceux qu’on peut prélever dans l’observation de ce qu’ils font quand ils écrivent.

Dans les textes des élèves, on pourra manipuler plusieurs critères : certains sont relatifs au respect à de la consigne, d’autres sont transversaux. Parmi les indicateurs transversaux figurent la longueur de l’écrit, la maîtrise linguistique (orthographique, lexicale et grammaticale), la ponctuation (au sens large) du texte, l’épaisseur du texte (sa capacité à enrôler les processus d’élaboration mentale du lecteur), le choix énonciatif, etc. Dans la mesure où l’on fait le pari que l’investissement de l’élève dans la dimension sociale de l’écriture le conduira à développer les moyens linguistiques qui sont à sa disposition, il est attendu que le développement de la compétence à écrire se manifeste aussi par ces « bénéfices secondaires ». En relation avec les consignes, on prendra en compte :•la prise de risque par rapport aux “aides à l’écriture” et aux textes lus en amont ;•l’efficacité des choix opérés ;•la prise en compte des contraintes de cohérence / cohésion imposées par la lisibilité ;•la mobilisation stratégique de modèles, de souvenirs de lecture.

Mais en sus des indicateurs qu’on peut prélever dans les productions elles-mêmes, et dans la mesure où l’on vise une forme de clarté cognitive, il convient de prêter attention aux termes qu’utilisent les élèves pour évoquer leur activité d’écrivain. De fait, ces termes peuvent décrire en gros trois attitudes :• celle d’une mise en conformité avec une énonciation légitime (que ce soit celle d’un auteur,

d’un camarade réputé habile…) : « j’ai fait comme … ; j’ai pensé à … ; j’ai pris modèle sur… ; j’ai pris l’idée de … »

• celle d’un artisanat : « j’ai repris les mots de … ; j’ai trouvé l’expression de… ; j’ai cherché dans … »

• celle d’un calcul stratégique : « j’ai pensé que … ; j’ai essayé de … »

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Aucune de ces attitudes n’est à rejeter, chacune a son utilité. Ce qui est souhaitable, c’est plutôt une souplesse entre les trois.

Enfin, une dernière série d’indicateurs peut être prise dans l’observation des élèves quand ils écrivent. Une proposition de Bernadette Kervyn1 permet de prendre conscience de la diversité des stratégies d’entrée dans l’écrit. Dans un premier temps, d’environ quinze minutes, on donne aux élèves une feuille volante, en leur demandant de préparer leur travail d’écriture ; dans le second temps, les élèves prennent leur cahier et écrivent. Certains élaborent une « carte mentale », d’autres listent des éléments de fiction ou de vocabulaire, d’autres font des tableaux (les différents personnages, les lieux…), d’autres notent des bribes de texte… Il est utile, la première fois qu’on met en place ce dispositif, de relever ces « préparations » et d’en voir la diversité, puis de donner la parole à ceux pour qui telle ou telle aura été une aide. Sans entrer dans ce dispositif d’explicitation, l’enseignant peut observer des élèves qui se lancent immédiatement dans l’écriture, d’autres qui prennent du temps, d’autres qui font un brouillon. On observe aussi des élèves qui cherchent des outils concrets, d’autres qui lèvent le nez pour trouver dans leur tête un remède à la difficulté rencontrée. On voit aussi des élèves qui relisent en cours d’écriture ce qu’ils ont déjà tracé, d’autres qui vont au bout sans remords etc.

1. Bernadette Kervyn et Jérôme Faux, « Avant-texte, planification, révision, brouillon, réécriture : quel espace didactique notionnel pour l’entrée en écriture ? », Pratiques , 161-162 | 2014, mis en ligne le 05 juin 2014.

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De la réécriture à l’épaississement des textes

Concevoir l’écriture comme une compétence qui se construit par l’amélioration des textes et des retours réflexifs sur les productions nécessite de repenser le rôle attribué à la réécriture. L’élève ne progresse en effet que s’il est invité à se dépasser dans un travail nouveau, non répétitif et exigeant. Il faut lui proposer des réécritures qui ne soient pas des reprises du premier jet. De fait, la reprise d’un texte, souvent saturé de rouge, à des fins d’amélioration et d’enrichissement, est plus souvent bloquante que stimulante. Il importe donc de reconsidérer à la fois les pratiques de production d’écrit, les conceptions du brouillon et de l’évaluation. Dominique Bucheton et Jean-Charles Chabanne (Écrire en ZEP. Un autre regard sur les écrits des élèves, Paris, Dalagrave/CRDP de Versailles, 2002) conçoivent la réécriture à la fois comme un travail de « reformulation globale des textes » et comme un travail d’« épaississement » des textes. Pour eux, écrire, ce n’est pas reprendre un premier jet pour l’améliorer, mais c’est écrire successivement plusieurs textes, qui ne sont pas systématiquement corrigés. L’absence de correction ne signifie pas absence d’évaluation : l’enseignant lit ces textes successifs, ces écrits intermédiaires, pour guider l’élève dans ses réécritures. Par écrits intermédiaires, il faut entendre : écrits transitoires, non nécessairement normés et non définitifs. L’important est qu’ils permettent aux élèves de passer d’un texte premier à un texte second, de prendre conscience du volume de travail accompli et surtout de mesurer leurs progrès. À l’enseignant, ils servent d’outil d’évaluation formative.

Quatre tactiques pour guider la réécriture des élèves

Pour guider la réécriture des élèves, Dominique Bucheton et Jean-Charles Chabanne proposent de s’appuyer sur quatre tactiques.

Reprise et variation• Reprise : Il s’agit de proposer un retour en amont du premier jet. À quelques jours d’intervalle,

et après avoir commenté les premiers jets, on redonne la même consigne d’écriture (à l’identique ou reformulée), mais sans redonner le premier jet. Par exemple, à la suite de la lecture du début de Fantastique Maître Renard, de Roald Dahl, on demande aux élèves d’écrire la suite de l’histoire. Quelques jours plus tard, et sans leur redonner le premier jet, on demande : « Maître Renard part chercher de la nourriture. Il se déguise. Raconte. »

• Variation : comme en musique, on fait varier la consigne autour d’un même thème. À l’issue de la lecture de la totalité du roman Fantastique Maître Renard, de Roald Dahl, on propose successivement les consignes suivantes : Maître Renard part chercher de la nourriture. Continue l’histoire. / Tu es un fermier. Raconte l’histoire de son point de vue. / Je raconte une histoire dans laquelle il y a un personnage méchant. / Tu dois choisir entre deux choses et tu hésites.

Réécrire : principes et tactiques

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Développement d’un aspect du texte• Donner des consignes de réécriture portant sur un aspect du texte (insister sur les

sentiments de tel personnage, sur la description de tel lieu, sur l’explication de tel phénomène etc.). L’élève produit alors un nouveau texte qui sera réinséré dans le premier (ce qui lui demandera de l’adapter) ou un nouveau texte complet.

• Modéliser le travail d’écriture par l’enseignant : « Traiter au tableau la recherche des idées, des premières formes, montrer qu’on rature, qu’on hésite, qu’on ajoute, c’est donner une leçon de révision, partager avec les élèves les difficultés, montrer comment on y répond. » Il est important que « l’enseignant écrive avec ses élèves » (Dominique Bucheton, Jean-Charles Chabanne, Écrire en ZEP, Delagrave, p. 181).

Apport « copieux » de culture et de savoirsEn cours d’écriture (ou de révision), pour renouveler et nourrir l’imaginaire, faire de nombreuses lectures de textes littéraires, créer des banques de textes, d’expressions et de mots à partir de textes ressources. Fonctionnant comme une mémoire externe, ces réservoirs permettent aux élèves de mieux évoquer l’univers qu’ils imaginent, de percevoir des effets à créer. Cette interaction entre lecture et écriture constitue une aide efficace pour amplifier et enrichir les textes.

Lecture et analyse des textes entre pairsCes moments permettent aux élèves de mesurer leurs réussites et leurs faiblesses – de prendre conscience d’écarts et d’adopter une attitude réflexive à l’égard de l’écriture. Ils marquent également une véritable entrée en littérature en ce qu’ils mettent l’accent sur l’acte de réception et donc, sur les effets du texte. Enfin, ces moments constituent une aide pour les élèves qui peuvent piocher dans les trouvailles des autres pour les consigner et se les réapproprier ultérieurement. Ces trouvailles peuvent être consignées et servir lors d’une réécriture par reprise sans le premier jet. Autrement dit, on conserve du premier jet les réussites, augmentées, éventuellement, de certaines de celles des camarades, et on les rend aptes à être réemployées dans les réécritures successives.

Questions de « postures »

L’adoption de cet ensemble de principes permet aux élèves, progressivement, de multiplier les postures de scripteur, et, ce faisant, de maîtriser de mieux en mieux leurs écrits.

Pour pouvoir conduire un tel travail, l’enseignant est, lui, obligé de modifier sa propre posture : de correcteur, il doit parvenir à devenir un véritable lecteur. À partir de l’observation des écrits intermédiaires, des consignes de réécriture sont proposées. Cette attitude souple est une condition nécessaire pour l’analyse fine des écrits des élèves, analyse elle-même nécessaire pour la formulation de consignes de réécriture adéquates et efficaces. Celles-ci ont pour vocation d’aider l’élève à déplacer ses réflexes d’écriture pour lui permettre de résoudre telle ou telle difficulté et de développer les noyaux symboliques et sémantiques de son texte.

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Prendre en compte les normes de l’écrit au cours du processus d’écriture

Réviser son écritL’une des manières communes de concevoir l’aide à la révision est de travailler à partir de grilles de critères que les élèves pourront facilement mettre en œuvre. Or, d’une part, ces grilles risquent de développer, chez les élèves, une représentation mécaniste de l’écriture (écrire reviendrait à se conformer à une suite d’injonctions successives). D’autre part, elles présupposent que les élèves maitrisent parfaitement les types de textes et les contraintes linguistiques qui leur sont liées. Il parait plus légitime de penser que ce n’est pas le cas, et que c’est justement à travers l’écriture que ces compétences se construisent : toutes les acquisitions des élèves ne passent pas nécessairement par l’explicite. Les aides à proposer sont donc d’une autre nature.

Quelques exemples d’aides à la révision des textesLa relecture collective des textes écrits par les élèves, et leur commentaire, lors de séances d’oral collaboratif, en groupe classe ou en petits groupes, permettent : • de passer par des négociations orales donnant à entendre des activités d’ajout, de

suppression, de déplacement, ainsi que des interventions portant sur l’orthographe ;• de prendre en compte des éléments très divers sur les plans orthographique, lexical et

syntaxique et des paramètres relevant de la cohérence textuelle ;• de dialoguer avec soi-même / les autres et d’accepter ou refuser telle ou telle solution.

La lecture à haute voix de son texte par l’auteur du texte, par un pair ou en recourant à la synthèse vocale est une autre forme de relecture qui attire l’attention des élèves sur le rôle de la ponctuation et met en évidence les éventuels problèmes de syntaxe. La synthèse vocale, en particulier, offre une mise en voix mécanique, neutre, qui permet souvent une prise de conscience plus aisée des problèmes de ponctuation ou de syntaxe (les indications techniques pour l’installation de la synthèse vocable sur un document PDF ou un traitement de texte sont disponibles dans ce document).

Prendre en compte les normes de l’écrit

La révision porte à la fois sur la cohérence et la cohésion du texte (c’est-à-dire, sur les processus linguistiques : syntaxe, énonciation, éléments sémantiques, qui assurent l’unité du texte) et sur les normes linguistiques.

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Plus largement, et en inscrivant la révision dans un processus dynamique qui prévoit des phases de réécriture, la confrontation des écrits des élèves avec des textes proposant des caractéristiques similaires à celles visées par la consigne d’écriture leur permet d’y trouver des réponses aux problèmes d’écriture qu’ils ont pu rencontrer. La lecture intervient ici non en amont, comme proposant un modèle difficile à imiter, mais en aval, comme un répertoire de réponses possibles à des questions que les élèves se sont posées en s’essayant à l’écriture.

Prendre en compte les normes de l’écrit

Le transfert des apprentissages linguistiques dans les activités langagières en général et dans l’écriture en particulier ne va pas de soi et demande un apprentissage particulier. Le programme propose un ensemble de démarches, situations et activités pour intégrer la réflexion sur la langue au moment de l’écriture et apprendre aux élèves à mobiliser les connaissances qu’ils ont acquises ou qu’ils sont en train de construire, notamment dans le domaine de l’orthographe. Ces pistes sont reprises, explicitées et complétées ci-après.

Avec la relecture ciblée, la consigne de relecture porte sur un point de langue déjà travaillé et connu par la classe. Elle est écrite sur la copie, sous forme d’annotation, avec, le cas échéant, le rappel de la règle. L’élève est invité à se servir des outils à sa disposition pour effectuer les corrections nécessaires.

La conceptualisation d’erreurs vient de la didactique du français langue étrangère. Cette pratique est maintenant bien répandue en français langue maternelle. Il s’agit de concevoir l’erreur comme un outil didactique au service de la progression des élèves. On a coutume de distinguer : • les « erreurs de performance », ou étourderies. La perturbation dans l’application d’une

règle pourtant connue est due à la fatigue, au stress, etc. L’élève connait la règle qu’il aurait dû appliquer ; il est donc capable de se corriger.

• les « erreurs de compétence », révélant une activité intellectuelle de l’élève (« erreurs intelligentes »), erreurs systématiques que l’élève est incapable de corriger, mais pour les-quelles il est capable d’expliquer la règle qu’il a appliquée. Ces erreurs ont un rôle dans le processus d’apprentissage. Parmi celles-ci, à l’école, on détecte principalement les erreurs phonographiques et les erreurs grammaticales. C’est sur ce type d’erreurs qu’on s’appuie. Il faut apprendre à analyser l’erreur pour découvrir le cheminement qu’a suivi l’élève. On met donc en évidence non pas seulement la faiblesse qui a causé l’erreur, mais aussi la force qui se cache derrière : quelle règle l’élève a-t-il tenté d’appliquer ?

Après analyse des écrits des élèves (pour savoir quel enseignement mettre en place : que traiter ? Et comment le traiter ?), on peut procéder de deux manières : • S’entretenir avec les élèves pour évaluer leurs conceptions orthographiques, afin de

comprendre sur quel terreau construire son enseignement, en posant des questions ciblées, conduisant les élèves à expliquer leurs procédures (par exemple : Comment as-tu fait pour la fin de ce mot ? / Comment as-tu fait pour ce son ?).

• On peut partir des erreurs les plus fréquentes, afin de produire une activité réflexive sur un problème donné, individuellement ou en groupe.

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L’étape suivante est de planifier une situation qui permettra à l’élève d’observer d’autres exemples, de faire de nouvelles hypothèses et d’affiner la règle qu’il s’était formulée. Cette nouvelle manipulation de la langue favorise également le développement d’automatismes (qu’il s’agisse de grammaire, d’orthographe ou d’expressions idiomatiques).

Au cours de séances spécifiques, on peut également proposer des écritures à contraintes, très courtes, afin de mobiliser les savoirs linguistiques acquis pendant l’écriture même. Ces petits exercices, régulièrement pratiqués, permettent de tisser un lien fort entre écriture et orthographe, tout en permettant une focalisation particulière sur la langue1.

Dans leur ouvrage Comment enseigner l’orthographe aujourd’hui2, Catherine Brissaud et Danièle Cogis proposent un dispositif en deux volets pour faire acquérir aux élèves des outils méthodologiques de révision.

Construction d’une grille typologique des erreurs : en binômes, les élèves corrigent les erreurs préalablement soulignées par l’enseignant dans un texte d’élève puis proposent un classement des erreurs. Après confrontation des classements, une typologie est mise au point puis affinée et complétée après mise à l’épreuve sur d’autres parties du texte. Elle est ensuite retravaillée à une ou deux reprises dans l’année et modifiée en fonction des nouveaux savoirs.

En prolongement de ce dispositif, on peut travailler à personnaliser ces grilles (quelle catégorie d’erreurs est la plus représentée chez tel élève ? sur quoi doit porter prioritairement sa vigilance) et en faire un outil pour la relecture.

L’autre volet du dispositif de révision proposé par Catherine Brissaud et Danièle Cogis est le balisage du texte. Deux types de balise sont utilisés. En cours d’écriture tout d’abord, les élèves recourent à des signes de doute (un trait ondulé par exemple) qui marquent les endroits où ils ont hésité et leur indiquent sur quels mots revenir au moment de la révision. Au moment de la relecture ensuite, il s’agit d’apprendre à identifier les zones d’erreurs possibles, de porter son attention sur ces « endroits clés » et de réviser en faisant apparaître les traces du processus de révision : fléchages, encadrements, surlignages, soulignements, marques de catégories. On demande également aux élèves une justification de leur correction par écrit. Ce travail, plus lourd, demande que soit identifiée une catégorie d’erreurs, que la longueur du texte soit limitée ainsi que le nombre de justifications écrites demandées. La typologie des erreurs construite par la classe guide le choix des catégories à travailler.

Parmi les outils à la disposition des élèves, outre ceux créés dans la classe, figure le correcteur automatique des logiciels de traitement de texte que les élèves doivent apprendre à utiliser de manière raisonnée. On pourra se reporter par exemple au scénario pédagogique proposé par Christophe Gilger, ATICE de la circonscription de Saint-Gervais-Pays du Mont-Blanc (p. 5 à 9).

1. Voir Catherine Brissaud, Danièle Cogis, Comment enseigner l’orthographe aujourd’hui ?, Paris, Hatier, 2011, p. 69-70 et Jean-Christophe Pellat, Gérard Teste, Orthographe et écriture : pratique des accords, CRDP d’Alsace, 2001.

2. Ouvrage cité, p. 70-74.