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Frédéric Darriet

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FrédéricDarriet

LaviesurTerreVolau-dessusd'unniddepréjugés

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©FrédéricDarriet,2020

ISBNnumérique:979-10-262-1780-0

Courriel:[email protected]

Internet:www.librinova.com

LeCodedelapropriétéintellectuelleinterditlescopiesoureproductionsdestinéesàuneutilisationcollective.Toutereprésentationoureproductionintégraleoupartiellefaiteparquelqueprocédéquecesoit,sansleconsentementdel’auteuroudesesayantscause,estilliciteetconstitueunecontrefaçonsanctionnéeparlesarticlesL335-2etsuivantsduCodedelapropriétéintellectuelle.

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INTRODUCTIONNul ne peut plus ignorer aujourd’hui que notre planète est unique,

merveilleuseetfoisonnantedevie.Surterre,dansl’airoubienencoredansleseauxdesfleuves,deslacsetdesocéans,lavienousenseignequesiellearéussiàévolueravecautantdediversité,ellen’endemeurepasmoinsaussifragilequesa complexité est grande.LaVIE !Cemot de trois lettres nous est devenu sifamilier quenous en avonspresqueoublié sa signification.Nos connaissancesactuelles en biologie nous permettent de définir la cellule vivante comme uneentitécapabledes'auto-entretenir,desereproduireetdeserégénéreràpartirdesdifférentessourcesd’énergiemisesàsadisposition.Surl’épineuxproblèmedel’apparition de la vie sur Terre, sont apparus au cours des millénaires descourantsdepenséestrèséloignéslesunsdesautresetprônantchacun,lavéritévraie et universelle. De nos jours encore, lemonde se partage entre ceux quicroient que la vie est l’œuvre de Dieu, ceux qui pensent que le vivant a étésélectionné par un long et laborieux processus de sélection naturelle et ceux,enfin, qui croient que notre monde répond à des lois déterministes aussianciennes que l’univers. Ainsi coincées entre foi en Dieu, évolution liée auhasard et évolution programmée, les différentes confessions campent sur leurspositions tout en écoutant, d’une oreille distraite, le discours des autres.L’histoire de l’humanité a par ailleurs montré qu’entre scientifiques etthéologiens, les idées s’opposaient systématiquement en générant des débatssouvent vides de contenu. Face à ce schéma de pensée somme toute assezsclérosant, je me suis efforcé d’écrire ce livre en racontant la naissance puisl’évolution de la vie sur Terre en essayant de rester objectif aux discoursdéveloppés par les sciences du vivant, la Bible et les déterministes. Afin quel’exercicedemeure impartial, ilm’a fallu explorer l’histoiredenotreplanète àtravers un jeu de lentilles dont la position des unes par rapport aux autresaméliorelaprofondeurdechamp;voircequisetrouvesurledevantdelascènetoutenconservantunevisiondétailléedesplanspluséloignés.Cetouvragen’apas laprétentionde lever les énigmes liées à l’apparitionde lavie surTerre ;d’ailleursilestd’ailleursprobablequel’humanitén’enpercejamaislessecrets.Selon la datation carbone des fossiles les plus anciens, les premières cellulesauraient vécu il y a de cela troismilliards d’années dans les eaux d’un océanprimitif. Difficile d’appréhender une période de temps aussi longue et plusdifficile encore est de s’imaginer les processus physico-chimiques qui ont

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transformé la matière inerte en étincelle de vie. Les ouvrages scientifiquestraitant des origines de la vie et de son évolution se comptent par milliers.Beaucoup moins nombreux toutefois sont les écrits qui abordent la vie enn’opposant pas systématiquement le hasard scientifique, les écrits bibliques etl’idéequel’universestprogrammé.C’estdanscetespritd’ouverturequejemesuisengagéetj’aiétésurprisdeconstatertoutaulongdecepassionnanttravailde recherche, que les barrières s’écroulaient d’elles-mêmes à mesure quej’avançais.Lemursoi-disantinfranchissablequelascienceetl’églisechrétiennedresseaunomdeladifférencedepenséen’estenréalitéqu’unchâteaudecarteposésurdusablesec.L’enjeudecetouvragesetrouveaussietsurtoutdanslechampderéflexionimmensequesoulèvel’unificationdestroisgrandsmoteursdelapenséehumaine.Maisnetardonsplusetallonsmaintenantnousaventurerau-delàdeceniddepréjugésetdécouvrirl’histoiredelaviesurTerredontlesracines s’ancrent dans les profondeurs d’un océan primitif et dans les eauxduquel…toutacommencé.

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CHAPITRE1LASCIENCE,LARELIGIONETLEDÉTERMINISME

Silascienceapourvocationdecomprendrelemondeens’appuyantsurdes

démonstrations reproductibles, la religion au contraire fait appel à unraisonnement illogique basé sur la foi. Entre ces deux fonctionnements de lapenséesesitueledéterminismequi,lui,prôneununiversdirigépardesloispré-établies.Desracinesdel’humanitéànosjours,lascienceetlareligiononttentéd’expliquer lemondeenusant, chacune,deméthodesdifférentes.Or l’histoirenousl’amontréeàdemultiplesreprises,lascienceetlareligionnepeuventco-existerl’unesansl’autredanslamesureoùl’uneetl’autretirentleursubstancedumêmesubstrat:l’homme.

LASCIENCEFACEÀLARELIGIONNous pouvons affirmer sans trop nous tromper que l’esprit scientifique est

apparuenmême tempsque l’intelligencehumaine.Avec ladécouvertedu feu,nos ancêtres ont pu passer d’un régime végétarien à celui d’omnivore. Le feupermet de faire cuire la viande, ce qui la rendplus savoureuse et plus digesteaussi.Lefeuréchauffeleclantoutenéloignantlesbêtessauvagesquirôdentlanuit.Lefeuaccompagneleshommesquisedéplacentdeplaineenplainepourtrouverleursubsistance.Enobservantlemondequil’entoure,l’hommeapprendànepasrépéterlesmêmeserreurs.Safacultéàdéduirel’amèneàdécouvrirqueleboispasséàlaflammedevientplussolide,quecertainesplantespeuventêtreconsomméesalorsqued’autresnelepeuventpas,qu’entapantsurunmorceaudesilexavecunautre,ilestpossibled’extrairedesfragmentsderochecoupantsquipeuventêtreutiliséscommedescouteaux,racloirsoupointesdeflèche.Dedécouverteendécouverte,l’hommevaapprendreàmaîtrisersonenvironnement.Il imagine des armes toujours plus performantes pour la chasse et la guerre,construit des huttes de peaux puis des maisons, invente l’écriture. Des textesmésopotamiens vieux de 7000 ans font état d’une profonde connaissance desplantesetdeleursusagesenagricultureetenmédecine.DanslaGrèceantique,le philosophe grec Aristote (384-322 av. J.C.) fut le premier à imaginer unsystème de classification des plantes et des animaux. Aristote posa ainsi lesfondements du fixisme, doctrine selon laquelle il est avancé que toutes lesespèces animales et végétales sont les produits de créations originelles etimmuables. Quelques siècles plus tard en Égypte, Claude Ptolémée (90-168)

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proposaitsavisiongéocentristeselonlaquelleleTerrecrééeparDieusetrouvaitplacée au centre de l’univers. Ptolémée tenta d’expliquer lesmouvements desplanètes,delaLuneetduSoleil.IlavançaquelesplanètesetleSoleildenotresystème tournaient autour de la Terre en un mouvement rotatif qu’il appela«épicycle».Lefixismed’AristoteetlegéocentrismedePtoléméedevinrentlesdeuxpierresangulairesde lapenséeduMoyen-âge.Cette idéedecentralitédel’hommedansl’universseretrouvaamplifiéeparlesmessagescontenusdanslaBible. Les érudits et les philosophiques qui s’éloignaient des vérités divinespérirent sur le bûcheroupar l’échafaud.L’inquisition composéed’ecclésiastesinfluentsétaiteneffetchargéedepunirceuxdontlapensées’écartaitdesécritsbibliques.La science devint lemonopole de l’église, les thèmes abordés étantlimitésàl’étudedescalendrierslunaireetsolaire.Ils'agissaitbienentendud'unescience approximative, reléguée loin derrière les priorités spirituelles. Raresfurentceuxquieurentlecouraged’affronterl’églisemaisilenfutcertainstoutdemême qui bravèrent cet interdit au péril de leur vie. Le philosophe italienBrunoGiordano(1548-1600)déclama:«Lesétoilessontdessoleilscommelenôtreetilyaunemultitudedesoleilslibrementsuspendusdansunespacesanslimite,entourésdeplanètescommenotreTerre,peupléesd’êtresvivants[…]».D’avoir eu l’audace de prononcer ces paroles hérétiques, Bruno Giordano futtorturé par l’inquisition catholique et brûlé vif à Rome le 16 février 1600.L’astronome et mathématicien italien Galiléo Galilei (1564-1642) soutint,commelefitavantluiNicolasCopernic(1473-1543),quec’étaitleSoleiletnonpas laTerre qui se trouvait au centre du système solaire.En1614,Galilée futsommédes’expliquersursesidéessacrilèges.Dansunpremiertemps,lesavantrefusa d’obtempérer. Le tribunal de l’inquisition le condamna à une peine deprisonsuivied’uneassignationà résidence.Vieuxetdéprimé,Galilée finitparabjurer ses découvertes. Ainsi du Moyen-âge à la florissante Renaissance, lascience souffrit de l’hermétisme d’ecclésiastes aussi puissants dans l’églisecatholiquequedanslesaffairesdel’état.Touteslesdisciplinesquitraitaientdelamécaniquecélesteoùbiendel’histoireduvivantn’avaientpasd’autrechoixque d’accepter les idées de géocentrisme et de fixité des espèces. Dieu avaitplacé la Terre au centre de l’univers et conçu les espèces vivantes, toutesparfaites au moment de leur création. Malgré cet hermétisme intellectuel,certainesdisciplinesnesouffrirentpasdesattaquesdel’église.AinsiLéonarddeVinci (1452-1519) dont la force d’invention n’eut d’égal que le génie de sonsensartistiquepassaoutrelesfoudresdel’église.DeVincinetentapasdepercerlesmystèresde l’universnidesavoircomment lavieavaitévolué, il employa

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son génie à la conception de machines comme l’hélicoptère, le parachute, lesous-marin et le char d’assaut, à l’urbanisme, l’architecture, l’anatomie, lasculpture, la peinture, la philosophie et la poésie. Vingt ans après sa mort,François1erdiradelui:«Iln'yajamaiseuunautrehommenéaumondequiensavait autant que Léonard, pas autant en peinture, sculpture et architecture,commeilétaitungrandphilosophe».Àlacroiséedu17èmeet18èmesiècles,lemathématicien et philosophe britannique Isaac Newton (1643-1727) découvritl’attraction universelle. Cette avancée sans précédent ouvrit la voie de lamécaniquecélesteselonlaquelletoutcorpsobéitàlaloiuniquedelagravitationuniverselle(Newton,1687).OrNewtonrestaitpersuadéquesaloiappliquéeauniveau du système solaire n’était pas viable. Lamécanique céleste ne pouvaitd’après lui, se maintenir en place qu’avec l’aide d’une présence divine,intelligenteettoutepuissante.Cenefutfinalementque90ansplustard,quelemathématicien et physicien français Pierre-Simon de Laplace (1749-1827)confirmaque la loideNewton suffisait à expliquer à elle seule lemouvementdesplanètesautourduSoleil.Dans le domaine des sciences biologiques, le travail du naturaliste suédois

Carl Von Linné (1707-1778) fut de même et à bien des égards, exemplaire.Passionné par le monde des plantes, Linnémit au point la nomenclature dite«binomiale»,d’ailleurstoujoursutiliséedenosjours.Chaqueespèce-qu’ellesoitvégétaleouanimale-estdésignéepardeuxnoms,unnomcommunpropreàplusieursespècesvoisines(genre)etunnomdifférentpourchaquemembredugroupe(espèce).Seloncettehiérarchisationduvivantenrègne,embranchement,classe, ordre, famille puis genre et espèce, le taxonomiste publia un ouvraged’une dizaine de pages qu’il baptisa « Systema Naturae » (Linnaeus, 1735).Soixante-quatreansaprèslepremieropuscule,latroisièmeéditiondel’ouvragecomptait6000pages.CarlVonLinnédéfendaitlefixismeetnedécrivait,disait-il, que les caractères apparents du vivant. Pour lui, chaque espèce avait faitl’objet d’un acte de création distinct et immuable.CarlVonLinné avança parailleurs que l’homme et le singe avait tous les deux été créés par Dieu,séparément ; en attestait la supérioritémorale et intellectuelle de l’homme surson cousin arboricole. Si Linné passa sa vie à étudier les caractèresmacroscopiquesdesplantesetdesanimaux,d’éminentsscientifiquespréférèrentexplorer le monde de l’infiniment petit. Depuis l’Antiquité jusqu’à trèsrécemmentencore,lascienceexpliquaitlanaissancedesêtresvivantsàpartirdelamatièreorganiqueendécomposition.Cedogmeappelégénérationspontanéeou«abiogenèse»étaitsimpleàdémontrer;ilsuffisaitdelaisserunmorceaude

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viandeàl’airlibrependantquelquesjourspourvoirapparaîtredesasticotspuisdes mouches. Si les mouches naissaient ainsi de la pourriture, il en étaitcertainementdemêmepourlesautrescréaturesvivantes.En1668,lenaturalistehollandaisAntoniVanLeeuwenhoek(1632-1723)bricolaàl’aided’unebilledeverreetd’uneplaquedemétal,unappareilqui,lorsqu’illetenaitprèsdesonœil,grossissait l’objet étudié. En observant de cette manière des gouttes d’eaustagnante, Leeuwenhoek découvrit un monde foisonnant de microorganismes.Fort de sa découverte, Leeuwenhoek s’opposa donc aussitôt à l’idée degénérationspontanée.LesobservationsduHollandaisn’eurentmalgré toutpasbeaucoup d’impact au sein de la communauté scientifique. Le naturalisteGeorges-LouisLeclerc,comtedeBuffon(1707-1788)insistamêmeàprétendrequelamatièreétaitaniméed’uneforcedeviequinepouvaitêtrequed’essencedivine. En dépit de ses convictions religieuses, le comte de Buffon avançatoutefoisl’idéequelaTerresemblaitbienplusâgéequeles6000ansdéclamésparlaBible.LenaturalistefrançaisGeorgesCuvier(1769-1832)consacraquantàluiunegrandepartiedesavieàétudierlesfossiles.Lapaléontologievenaitdenaître.Àforced’observations,Cuvierendéduisitque laTerreavaitconnudescrisesbiologiquesd’une rareviolencequi, àplusieurs reprises, avaientdéciméd’importantes communautés animales et végétales. Pour ne pas heurter lesautorités religieuses, le savant inventeurde lapaléontologieprésenta ledélugecomme étant la dernière de ces grandes crises biologiques. Beaucoup moinsmesurédanscespropos, Jean-BaptisteLamarck (1744-1829) remitencause lefixisme des espèces vivantes en développant une théorie qu’il appela letransformisme. Le naturaliste français formula en effet une loi selon laquellel'usage intensif d'un organe occasionnait sa transformation. Les girafesallongeaientainsi leurscousenallantchercher leurnourrituresur lesbranchesles plus hautes des arbres. Si Lamarck posa les premières bases de latransformationdesespèces, l’idéed’évolutionpritpleinementsonsens lorsqueCharlesDarwin(1809-1882)publiasonlivre«L’originedesespèces»(Darwin,1859). SelonDarwin, la diversité de la vie sur Terre aurait été dirigée par unprocessus de sélection naturelle où les espèces les mieux adaptées surviventalorsquecellesquinelesontpas,disparaissent.Cetteconceptionnouvelledelavienefitpas,etdeloin,l’unanimité.Enénonçantainsipubliquementsesidées,Darwin dérangea les milieux ecclésiastiques. Une situation d’autant plusinconfortable pour lui qu’il ignorait comment les caractères favorables à lasélectionnaturelle se transmettaientd’unegénérationà l’autre. Il fautdirequeDarwin ignorait tout des travaux d'un de ses contemporains, Johann

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GrégorMendel (1822-1884) qui, le premier énonça les lois de la transmissiondescaractèreshéréditaires.LorsqueMendelcommençaàsepassionnerpourlessciencesnaturellesetqu’ilfitpousserdanssonjardinunmélangedepoislissesetdepoisridés,personneneprêtaattentionàsesrecherches.En1866,Mendelpubliaunarticlecompilantdixannéesd’expérimentations.Orlesrecherchesdumoinecatholique se révélèrent si enavance sur sonépoque,qu’ellesne furentreconnues qu’au début du 20ème siècle. Le darwinisme fut par la mêmeréinterprétéàlalumièredesdécouvertesfaitesengénétique.

Encadré1Ladécouvertedel’ADNEn1953,JamesWatsonetFrancisCrickfirentunedécouvertequichangea

notrevisionduvivant.Lesdeuxbiologistesaméricainsdécouvrirenteneffetlastructure endoublehélicede l’acidedésoxyribonucléique (ADN).L’ADNsecomposed’unesuitedepairesdebasesazotées(dequelquesmillionspourlesbactériesàtroismilliardspourl’homme)reliantsesdeuxbrins;l’adénine(A)sepositionnanttoujoursfaceàthymine(T)etlacytosine(C)toujoursfaceàlaguanine (G).En1957,WatsonetCrickémirent l’hypothèsequecette longuechaîne de combinaisons à quatre lettres constituait les instructions codées dechaqueêtrevivant.Cette approche nouvelle de l’évolution fut baptisée en 1952

« néodarwinisme » ou « théorie synthétique de l'évolution » par le biologistebritannique Julian Huxley (1887-1975). Selon le néodarwiniste de base, lespressionsdesélectiongénéréespar lesmilieuxmodifient toutau longdesèresgéologiqueslescaractéristiquesgénétiquesdesespècesvivantes.Unevisiondel’évolution réductrice qui selon plusieurs grands scientifiques contemporains(Denton,1985;Shapiro,1986;Gould,1989)n’expliquepaslestransformationsmajeures qui ont affecté le monde du vivant. Les paléontologues américainsStephen J. Gould (1941-2002) et Niles Eldredge avancèrent dans leur théorie« des équilibres ponctués » que les mécanismes de la sélection des espècesn’étaient pas graduels au cours du temps mais bien au contraire hasardeux(Gould & Eldredge, 1972). La météorite à l’origine de la disparition desdinosaures a permis l’essor des mammifères et donc, subséquemment,l’apparition de l’homme. Si cette météorite n’était pas tombée sur Terre, lesgrandsreptilesseraientrestéslesmaîtresdelaplanèteetl’homme,unoubliédutemps. D’ailleurs pour Gould et Eldredge, si le temps détenait le pouvoir de

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repartir à zéro et de dérouler une nouvelle fois le film de la vie, il est trèsprobable que l’évolution prendrait une voie différente. Comble de l’ironie, sinousavionsleloisird’étudiercenouvelethypothétiquechemindel’évolution,celui-ci nous apparaîtrait tout aussi naturel que celui que nous vivons en cemoment.

LARELIGIONFACEÀLASCIENCELes peintures et les sculptures retrouvées dans les grottes attestent que les

hommes ont éprouvé très tôt dans leur histoire, un véritable besoin despiritualité.Lesanimaux, lepassagedes saisons, laLuneet les étoilesdans leciel représentaient autant de sujets de peur ou d’émerveillement. L’hommepréhistoriqueappréhendait lemondeavec l’œil innocentdeceluiquidécouvrelesmystères de la vie.Ainsi, après plusieurs dizaines demilliers d’années dequestionnement, l’humanité se forgea une multitude de dieux et de déesses.Durant ces 4000 dernières années, trois grandes religions monothéistes ontalimenté l’histoiredeshommes.Pour le christianismeet le judaïsme, l’universfutcrééparYahvéalorsquepourl’islam,c’estAllahquienfutàl’origine.Aumême titre que la religion chrétienne impacta l’histoire des civilisationsoccidentales, l’islam influença fortement celles situées à l’orient.À l’intérieurdesgrands royaumesde l’Europemédiévale, l’églisechrétienne très impliquéedans les affaires politiques édictait sa façon de percevoir la vie et de lacosmologie. La Bible raconte des histoires de conquêtes et de destinéeshumainesoùlagénéalogiedecertainsdesesprotagonistesconduitàlapersonnede Jésus-Christ. Or les linguistes le savent maintenant, certains des écrits del’ancien testament ont été très fortement inspirés par la culture sumérienneétablie en Mésopotamie (sud de l’Iraq), voici 5000 ans. C'était un peuplesocialement très avancé qui avait inventé l’écriture plusieurs siècles avant lesÉgyptiens. Les Cananéens - les prédécesseurs des Hébreux en Palestine -côtoyèrent les Sumériens pendant de nombreux siècles. Il s’établit alorsnaturellemententrelesdeuxpeuplesuneosmoseculturellequiimmortalisaunevisiondumondecommune.DenombreusesréférencessumériennesontainsiététransmisesàlaBibleparlesCananéens(Kramer,1957).

Encadré2LesDieuxdeSumeretleDieuD’IsraëlLacomparaisondel’actedecréationsumérienneavecceluidelaBiblefait

ressortirdenombreusessimilitudesparmilesquellessedistinguentlesversets

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bibliquessuivants:-Ilyauncommencement(Genèse1,1),-Lepremieracteestlacréationducieletdelaterre(Genèse1,1),- Dieu sépare les eaux d'en bas des eaux d'en haut et crée ainsi le ciel

(Genèse1,6-8),-Dieucréelaterreenrepoussantleseaux(Genèse1,9-10),-Dieuetleshommesseressemblent(Genèse1,27),-Leurvievientd'unsouffleassociéàdel'argile(Genèse2,7),-Ledélugequianéantittoutcequivit(Genèse5,17),-LesétoilesonttoutesétécrééesparDieuetleurnombreestfixé(Job9,9;

Ésaïe40,26).Si l’ancien testament raconte l’histoire du peuple d’Israël sur plus de 4000

ans,lechristianismen’avéritablementconquislemondequ’aprèslamiseàmortetlarésurrectionduChrist.Saviefutracontéeplusieursdécenniesaprèssamortdans les Évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean. La religion chrétiennerassembla donc à ses débuts, une assemblée de croyants qui dissémina lesenseignements du fils de Dieu. Or la sincérité originelle de beaucoup dechrétiens fut vite remplacée par de viles intrigues et d’insatiables quêtes depouvoir. L’époque la plus sombre du christianisme fut à bien des égards lapériodeinquisitorialequirégnadanslesvillesetlescampagnesduMoyen-âge.Lesespritsqui s’éloignaientdesenseignementsde l’église furentemprisonnés,torturés puis, pour certains, brûlés vifs sur le bûcher. Le christianisme devintprogressivementunsystèmedepenséerigideaussiintransigeantqu’impitoyable.Les choses changèrent quelque peu avec l’avènement de la révolutionindustrielle. Ce bouleversement technologique débuta en 1750 en GrandeBretagnepours’étendrerapidementaurestedel’EuropeetdesÉtats-Unis.Cetterévolution aprovoquéd’importants changements socio-économiques.Lespaysqui adoptèrent la révolution industrielle connurent l’essor de leurs centresurbains.Surlecontinentaméricain,desbourgadescommeNew-York,BostonetPhiladelphie prirent vite des allures de grandes villes. Les migrants venusd’Europenecessèrentd’affluerdanslesportspourtrouverdesterresàcultiveroudu travaildans lesusines.Pourbeaucoupd’Européensquivivaientdans lamisère, l’Amérique leur apparaissait comme un Eldorado où chacun espéraittrouverlafortune.Enplusdecettegrandeaventurehumaine,le18èmesièclefutune époque riche en découvertes scientifiques et techniques. La machine àvapeur transforma tous les secteurs de l’industrie, la métallurgie surtout avec

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l’exploitationducharbon.Faceàcettemontéeenpuissancedessciencesetdestechniques, l’église se retrouva vite dans l’obligation de se montrer moinsintransigeante. En 1803, le pasteur anglaisWilliam Paley (1743-1805) écrivitdans sonouvrage«LaThéologieNaturelle » que la science, si elle était biencomprise, n’était pas contradictoire avec la religion (Paley, 1803). En prenantainsilascienceàtémoin,WilliamPaleydigressasurl’extraordinairecomplexitéde l’œil et de conclure qu’un organe aussi compliqué ne pouvait être que laréalisation d’un « architecte divin ». Ainsi naissait en 1803, les fondementsd’une idéologienouvellequifut repriseplus tard,sous les termesde«desseinintelligent » par les créationnistes américains.Après la publicationdu livredeCharlesDarwin«L’originedesespèces»,l’histoireaétéricheenéchangesentrelesdéfenseursdel’évolutionparlasélectionnaturelleetceuxquisoutenaientlefixismedesespèces.L’affrontement lepluscélèbre sedéroulaaumoisde juin1860auMuséumd’HistoireNaturelledel’Universitéd’Oxford.CecongrèseutleméritederéuniràlafoisdespersonnalitésscientifiquesfavorablesàlathéoriedeDarwinetdesthéologiensfarouchementhostilesàcettevisionhérétiquedelavie. L’évêque d’Oxford Samuel Wilberforce (1805-1873) participait à cetteconférence. Se trouvait aussi dans l’assemblée, le paléontologiste britanniqueThomas Huxley (1825-1895) dont la lourde tâche consistait à défendrel’évolutiongradualistemisenavantparCharlesDarwin.Duhautdesatribune,SamuelWilberforcedemandad’unevoixsarcastiqueàThomasHuxley«Est-ceparvotregrand-mèreouvotregrand-pèrequevouspréférezêtreapparentéàunsinge ». Huxley de répondre avec une répartie savamment calculée « qu’ilpréférait descendre d’un singeplutôt que d’unhomme instruit, qui utilisait sacultureetsonéloquenceauservicedupréjugéetdumensonge».Laguerreétaitdéclarée, une guerre éternelle dont les interminables discussions engendrent,encore de nos jours, plus de malheur que de bienfaits. En témoignent lespublications de certains scientifiques du début du 20ème siècle au contenumanifestement raciste.Àvouloir à toutprix insérer les concepts créationnistesdansleschémadarwinien,ceshommesfurentlesprécurseursdeviolentsproposségrégationnistes.Uneseulecitationécriteparl’anatomistebritanniqueGraftonElliot Smith (1871-1937) suffit à décrire cet état d’esprit. Ce dernier déclamadanssonessaiintitulé«L’évolutiondel’homme»«Laracelaplusprimitivequiexisteaujourd’huiestcertainementlaraceaustralienne,quiestunesurvivance,avecseulementdelégèresmodifications,decequiétaitpeut-êtreletypeprimitifdel’espèce.Ensuitevient,dansl’ordre,laracenègre,quiestbienpostérieure,etpardesaspectsdavantagespécialisée,maisquipartageavec laprécédente la

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pigmentation noire de la peau, attribut primitif de la race humaine. L’hommeprimitifpartagecetattributaveclegorilleetlechimpanzé»(Smith,1924).Unan plus tard, le 25 mai 1925, le professeur de biologie John Thomas Scope(1900-1970) fut poursuivit par l’état du Tennessee et sur la demande de lacongrégation créationniste pour avoir enseigné l’évolution à ses élèves. Leprofesseurdebiologiefutdéclarécoupableetcondamnéàverseruneamandedecentdollars.Epuiséparlesinterminablesprocéduresjudiciaires,Scopedécédalasemainequisuivitsonprocès.En2005denouveau,lemouvementcréationnistetenta d’introduire le dessein intelligent dans les cours de sciences naturellesd’une école publique de l’état de Pennsylvanie. Une tentative de plus qui futcouronnéecettefoisparunéchec,lajusticeaméricainearguantqueladémarchen’avaitriendescientifique.Réduitàsaplussimpleexpression,lecréationnismeprétendquelavieauraitétécrééeilya6000ansparDieu.Silescréationnistesreconnaissent quedes changementsmineurspeuventparfois apparaitre au seind’uneespèce, ils rejettentparcontreenbloc l’idéequ’unêtrevivantpuisse setransformer en une créature totalement différente. Pour un créationniste, lesreptilesnepeuventpasêtre lesancêtresdesoiseaux,un lézardrestera toujoursunlézardetunepouleunepoule.Enpartantduprincipequelemondeestâgéde6000ans, lescréationnistesnepossèdentdesurcroîtpasd’autreschoixquedeconcevoirl’histoiredelaTerrequecommeunesortedepuzzleoùlesdinosaurescôtoient les hommes. Depuis Charles Darwin, les découvertes réalisées enphysique et en biologie ont bouleversé notre façon d’appréhender l’univers.Jusqu’à l’avènement de la théorie de l’évolution des espèces par la sélectionnaturelle,l’églisechrétiennen’avaitjamaiseuàluttercontreunfrontintellectuelsusceptibledemenacersesfondements.Éditéaumilieudu19èmesiècle,l’œuvredeDarwinfut lapremièreàdésacraliser lapositiondel’hommedansl’universen le positionnant sur l’échelle de l’évolution, juste après le singe. Avec larévolutionindustriellequiamenal’humanitéversuneèredemécanisationetdeprofits,l’égliseperditpeuàpeudesapuissance.Dansledomainedessciencessociales et économiques très écoutées en cette époque riches en changementssociétaux,lephilosopheallemandKarlMarx(1818-1883)déclaramêmequelareligionn’étaitque«l’opiumdupeuple»(Marx,1843).Lasciencedevintvitelagarantedelavérité.Orunpeuenmargedessciencesbiologiques,lesphysicienset les mathématiciens unissaient leurs efforts pour percer les mystères ducosmos.Unevisiondel’universpluscodifiée,surgiedumondeimpersonneldeschiffres.

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LEDÉTERMINISMEQu’est-ce que le déterminisme ? Il existe une multitude de définitions

différentes mais toutes s’accordent à dire que l’univers est régi par unesuccession d’évènements programmés. La définition mathématique dudéterminisme s’énonce en ces termes précis : Est-ce que l’état d’un systèmeenregistré à un instant T détermine-t-il son état à tout instant T’ ultérieur ?(Douady,1992).La théoriedudéterminisme fut avancéepour lapremière foispar lemathématicien et physicien françaisPierre-SimondeLaplace.Dans sonlivre intitulé « Essai philosophique sur les probabilités », il écrivit : « Nousdevons donc envisager l’état présent de l’Univers comme l’effet de son étatantérieur,etcommecausedeceluiquivasuivre[…].» (Laplace, 1814).Pourasseoirsathéorie,Laplaces’inspiradestravauxd’IsaacNewton(1642-1727)surlagravitéetlemouvementdesplanètesautourdusoleil.OrLaplacedoutaitquel’intelligencehumainearrivâtunjouràdécouvriretcontrôlerlatotalitédesloisqui gouvernent l’univers. Les pensées de Laplace furent reprises par lemathématicienetphilosophefrançaisHenriPoincaré(1854-1912)quiàsontour,semit à réfléchir sur la destinée de l’univers.À la croisée des 19ème et 20èmesiècles, toute une communauté de scientifiques, d’écrivains et de philosophespensaient que l’humanité s’acheminait vers l’aube d’une ère nouvelle. Lascienceétaitconsidéréecommequasi-infaillible,capabledevaincrelamisèreetlesmaladies.L’intelligentsiadumomentcherchaitàrépondreauxquestions:Oùsommes-nous ? D’où venons-nous et où allons-nous ? Ce fut dans cebouillonnementintellectuelquelesbasesduchaosdéterministefurentjetéesparHenri Poincaré. Ce dernier écrivit dans son œuvre « Science et méthode »(Poincaré,1908)«Si nous connaissions exactement les lois de la nature et lasituation de l’univers à l’instant initial, nous pourrions prédire exactement lasituationdecemêmeuniversàun instantultérieur».Enémettantcepostulat,HenriPoincarésepositionnaitdanslecourantdepenséedéveloppéavantluiparPierre Simon de Laplace. Le chaos déterministe imaginé par Poincaré laissaitentendre que du chaos émergeait l’ordre. Ces deux mots a priori contrairesfurent pourtant à l’origine d’approches nouvelles en mathématique et enphysique.Pourbiensaisir lebienfondédecettesingulièreassociation, ilfallutattendre lemois de novembre 1902 lorsqu’àVienne enAutriche, le physicienLudwigBoltzmann(1844-1906)prétenditquel’universn’étaitpaséterneletquelesforcesduchaos(entropie)diminuaientàmesureque l’onremontaitdans lepassé.Boltzmannallamêmejusqu’àdirequecetteentropieavaitpuêtreégaleà

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zéro au moment initial de la création, ce qui signifie que c’était l’ordre quirégnait aux premiers instants de l’univers. Le physicien visionnaire n’arrivatoutefois pas à imposer ses idées auprès de ses pairs qui le raillèrent et ledésavouèrentenpublic.Déprimé,Boltzmannse suicida le5 septembre1906àl’âgede62ans.AprèsBoltzmann,leplusferventdéfenseurdudéterminismefutlemathématicienbritanniqueAlanTuring(1912-1954).Cedernierpassatoutesavie à démontrer que la nature n’était pas gouvernée par le hasard mais aucontraire,parunordrebienrangéd’évènements.Saphilosophie:làoùsetrouvel’information, lehasardn’existepas.Aucoursde la secondeguerremondiale,Turing fut chargé par le bureau du décryptage britannique de casser les codesque la marine allemande utilisait pour communiquer avec ses sous-marins enmissiondansl’océanAtlantique.Turingseconcentrasursontravailetaprèsuntempsdetâtonnementsoùildoutadelafaisabilitédesatache,lemathématicienparvintfinalementàdécrypter lecodeEnigmautilisépar l’AmirautéduReich.LamachinequipermitàAlanTuringdecasserlescodesdelamarineallemandefut le premier ordinateur jamais construit par l’homme. Cet homme brillant,inventeurdel’informatiquemoderne,sedonnalamorten1954aprèsavoirétécondamnéparlajusticedesonpaysd’avoirentretenuunerelationsexuelleavecunhomme.L’ordinateurestdoncnédugéniedecethommedontlerêveétaitdesubstituerl’ordreauchaos.Denosjours,lesordinateursprévoientletempsqu’ilfera dans une semaine, ils peuvent aussimodéliser la dynamique de l’universdepuissacréationjusqu’àsafin.Lesordinateursnesontd’ailleursriendemoinsquedesmachinesàtuerlehasard,lesmiroirsdel’ordresichersàAlanTuring.LesmathématiciensukrainiensDavidetGrégoryChudnovskysesontservisdesextraordinaires capacités de calcul des ordinateurs pour tenter de percer lessecretsquecachentlesdécimalesdePi.LenombrePiavecsontroissuivied’uneinfinité de décimales semblerait contenir, à l’intérieur d’une apparente suitehasardeuse, un ordre parfaitement établi (Preston, 1992). Certainsmathématiciens avancent même que Pi contiendrait une infinité de séquencesnumériquesdontletoutconstitueraitunesortedecode(Bogdanov&Bogdanov,2015).Etquiditcode,ditaussilamiseenœuvredetouteunecascaded’actionsprogrammées ;à l’instarducodegénétiqued’unêtrevivantquidécidedesonanatomie, de sa physiologie et de son comportement. L’informaticien russo-américainLeonidLevindémontraàcesujetquecertainesinformationspropresau monde mathématique ne puisaient pas leur substance dans le monde réel(Levin,2002).D’aprèslapenséedéterministe,sil’universétaitlivréauxseulesloisduchaos,iln’aurait toutsimplementjamaispuévoluerenunensemblede

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structures aussi complexes et organisées. « Le hasard est le plus grandillusionniste de tous les temps » affirme un proverbe arabe. « Tout ce qui seproduit sur la Terre arrive en son temps » déclame à son tour la Bible(Ecclésiaste3,1).Lehasardneserait-ildoncqueleproduitdenotreincapacitéàinterpréter les équations de l’ordre. Le physiologiste français Claude Bernard(1813-1878) écrivit dans son livre « Introduction à l’étude de la médecineexpérimentale»(Bernard,1865)que«lesêtresvivantsaussibienquedanslescorps bruts, les conditions d’existence de tout phénomène sont déterminéesd’une manière absolue ». Comme pour apporter plus de poids à sonargumentation, Il poursuit plus loin dans son ouvrage « La négation de cetteproposition ne serait rien autre chose que la négation de la sciencemême ».Pourtenterdedémêlerlesfilsdenotresavoirindéniablementempêtrédanslesécheveaux de la science, de la religion et du déterminisme, je vous invite àprendre le train du temps et de remonter jusqu’aux origines de notre planète.Quatremilliardsetdemid’annéesd’un longetchaotiqueparcoursque jevousinvite à découvrir dans toute l’extraordinaire richesse de ses époquesgéologiques.

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CHAPITRE2LEPRÉCAMBRIEN

Cette période est à la fois la plus longue et la plus secrète de toutes les

époquesgéologiques.Elles'étenddelaformationdelaTerre,ilya4,5milliardsd'annéesàlafinduprotérozoïque[-543millionsd’années(Ma)].Notresystèmesolaires’est formédessuitesde l’explosiond’uneétoileantérieureà lanôtre ;lesproduits de sa combustion étant à l’originedenotre soleil actuel et de soncortègeplanétaire.SurTerre,sontapparusdansl’océanprimitifduPrécambrien,lesprotéines,lesacidesnucléiquessuivisdespremièrescellulesvivantes.

Figure1:L’échelledestempsgéologiquesduPrécambrienauQuaternaire

AUCOMMENCEMENT

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LespremièreslignesdelaGenèsedébutentencestermes«Aucommencement

Dieucréalecieletlaterre»(Genèse1,1).Lasciencenousapprendquantàelleque juste après la naissance du Soleil qui a absorbé 99,8% des gaz et despoussières de la nébuleuse primitive, les 0,2% de matière restante se sontcondenséspargravitépourformerlesplanètes,lesastéroïdesetlescomètes.Lescollisions fréquentes de la Terre avec les corps errants du système solaire ontlibérésuffisammentdechaleurpourquelaplanètesetransformeenunesphèredemagma.Les éléments lourds comme le fer et le nickel se sont amassés aucentreduglobeenformantlenoyau.Leferliquidecontenuenl’intérieurdecenoyaugénéraunchampmagnétiquecapablededévierlesrayonscosmiques.Lachute des températures dumagma superficiel entraîna la formationde l'écorceterrestre en dessous de laquelle se trouvent le manteau magmatique et lenoyau.Durantles800premiersmillionsd'annéesdesonhistoire,lasurfacedelaTerreestdoncpasséedel’état liquideàl’étatsolide.Etcen’estqu’unefois lacroûteterrestreforméequel’histoiredesèresgéologiquesdébutavéritablement.Les actions mécaniques dues à l’érosion et à la tectonique des plaques ontquasimentdétruittouteslesrochesantérieuresà3,8milliardsd'années.L'histoiredelaTerren’aputdoncêtreétudiéequ’àpartirde l’Archéen(-3800à-2500Ma),uneépoquecrucialedenotreplanètedanslamesureoùlatempératuredesasurfaceacommencéàdescendreendessousdecelledel’ébullitiondel'eau.Levolcanismeintenseàcetteépoquelibéraunequantitécolossaledegazdivers.Ce dégazage riche en molécules d’hydrogène et d’hélium, fut à l’origine del’atmosphèreprimitive.Cettedernièrefutparlasuiteenrichieenvapeurd’eau,en azote, ammoniac, hydrogène sulfuré, gaz carbonique et méthane. Puis letemps passa ! La Terre se refroidit jusqu’à ce que la vapeur d’eau accumuléedans son atmosphère retombe sur le sol en pluies diluviennes. D’énormesquantités d’eau arrivèrent aussi de l’espace avec l’impact de nombreusescomètes.L’océanprimordialnaquitdoncdudégazagedesrochesmagmatiqueset de la glace venue des tréfonds de l’espace (Ronald, 1998 ; Shapiro, 1986).Comme si la Bible avait eu accès à ces informations somme toutes assezrécentesenscience,celle-cirévèleenparlantdeDieu:«Parsascienceleseauxd’enbasont jailli sur lesolet lesnuagesontdéversé lapluie» (Proverbes3,20).Misàpartlaprésenced’unsuper-continent,lerestedelaplanètesetrouvaitsousleseauxd’unocéanimmense.DanssonlivrepremierdelaGenèse,laBibledit de nouveau : « La terre était comme un grand vide, l’obscurité couvraitl’océanprimitif,etlesouffledeDieuagitaitlasurfacedel’eau»(Genèse1,2).

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«Dieuditencore:queleseauxquisontau-dessousducielserassemblentenunlieuuniquepourquelescontinentsparaissent!Etcelaseréalisa.Dieunommalescontinentsterreetlamassedeseauxmeretilconstataquec’étaitunebonnechose»(Genèse1,9-10).BienquelepremierlivredelaGenèsesoitanonyme,lestraditionsjuivesetchrétiennesprétendentqu’ilaétéécritparMoïse.Datantde1450à1410av.J.C.,cetexteadoncvulejouràlapériodedubronzemoyen.Cette partie de l’histoire des hommes se caractérise par la construction destumulus funéraires sur l’ensemble du continent européen. Il fut aussi édifié àcette époque l’ensemble mégalithique de Stonehenge situé au sud del’Angleterre.Cespremiersjalonshistoriquespermettentdemieuxsaisirl’avant-gardismedespremiersversetsdelaGenèse.IlyesteneffetdécritquelaTerreàses débuts était un grand vide que la science définira plus tard, comme uneplanètecomposéedemagmaenfusion.IlestaussicitédanslaGenèseunocéanprimitif unique aumilieu duquel émerge un continent unique.Ainsi, aux touspremiersinstantsdelaTerre,laBibleetlascienceracontentlamêmehistoire,sicen’estquelaGenèseaétéécrite3500ansavantquelagéophysiquenedécrivelesprocessusdeformationetderefroidissementdenotreplanète.—L’APPARITIONDESPROTÉINESD’unboutàl’autredelaplanètes’étendunocéanimmenseaumilieuduquel

émergeuncontinent toutaussivaste.Leseauxet les terresencorechaudesdulent refroidissement de l’écorce terrestre subissent le cuisant rayonnement duSoleil. Certaines de ces radiations déstabilisent ou rompent les liaisonsatomiquesquimaintiennentenplacelesatomesdesmolécules.Lescomposéslesplus rudimentaires comme le gaz carbonique (CO2), le méthane (CH4),l’ammoniac(NH3), l’hydrogènesulfuré(H2S), lechloruredesodium(NaCl)etl’eau(H2O)sesontdoncbriséespourseréarrangerendessubstancesdotéesdepropriétés nouvelles. Apparurent ainsi dans l’océan primitif les premièressubstancesorganiquesàl’originedelavie.

Encadré3L’expériencedeMiller-UreyEn1953,lechimisteaméricainStanleyMiller(1930-2007),alorsétudiantdu

professeur Harold Urey (1883-1981) réalisa une expérience de laboratoireconsistant àmélanger dans un appareillage en verre équipé d’électrodes, lesprésuméscomposésdel’atmosphèreterrestredudébutduPrécambrien(Miller&Urey,1959).Àpartirdecomposésaussisimplesque legazcarbonique, leméthane,l’ammoniac,l’eauetl’hydrogènesoumispendantuntempsàdesarc

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électriques, Stanley Miller obtint des acides aminés, des sucres, des lipidesmais aussi les quatre bases nucléiques qui constituent l’ARN : l’uracile, lacytosine,l’adénineetlaguanine.SilesexpériencesdeMillerontétédécisivesdanslacompréhensiondelachimieprébiotique,ellesn’expliquentcependantpas comment ont été synthétisés les premières enzymes et les premierssystèmesbiologiquesréplicatifsàbased’ARNetd’ADNLefossés’avèretoutefoisimmenseentrel’apparitiondesimplespolypeptides

et l’extraordinairecomplexitédesenzymesetdesacidesribonucléiques(ARN)ou désoxyribonucléiques (ADN). Pour tenter de combler l’abime, certainsscientifiquesémettent l’hypothèseque lepremiersystèmehéréditaireauraitétéfondésur lesprotéines(Shapiro,1986).LesARNet lesADNseraientapparusplustard,pourdevenirensuiteetassezrapidementlesupportgénétiquedetoutesles créatures vivantes. D’autres biologistes affirment au contraire que lesprotéineset lesacidesnucléiquesauraientétésynthétisésenmêmetempspours’associer en des structures stables, capables de s’auto-répliquer. Pour édifierleur structuremoléculaire, les protéines puisent dans le stock des vingt acidesaminésdisponiblessurnotreplanète.IlesttoutefoisimprobablequelaTerred’ilya3,5milliardsd’annéesaiteuàoffrirladiversitémoléculairequeconstituentces vingt acides aminés. Les scientifiques ne savent de surcroît toujours paspourquoi les premières protéines se sont formées à partir de ces vingt acidesaminésenparticulieralorsqu’enlaboratoire,lesbiochimistessontcapablesd’enfabriquer des milliers. Certains de ces acides aminés n’aiment pas l’eau(hydrophobes)alorsqued’autresl’adorent(Hydrophiles).D’aprèsleurséquenceen acides aminés, les protéines sont donc majoritairement hydrophobes ouhydrophiles.Ilestaisédecomprendrequefaceàuneaussigrandecomplexitédecomportementsbiochimiques,uneprotéinese repliesurelle-mêmesous l’effetdesnombreusesforcesélectrochimiques.C’estauniveaudeleursiteactifquesejouelaplupartdesopérationscatalytiques.Danslecasdesenzymes,ils’établitdes jonctionsentre elles et leurs substratsquimènent à lamodificationdecesderniers. Pour expliquer le commencement de la vie à partir d’un systèmebiochimique composé d’acides gras, d’acides aminés et de quelques protéinessimples,lebiochimistesoviétiqueAlexanderIvanovichOparin(1894-1980)etlegénéticien anglais John Burdon Sanderson Haldane (1892-1964) imaginèrentdans les années 1920, des vésicules de gélatine en suspension dans l’eaucontenantunesolutionricheencomposésorganiques(Oparin,1938;Haldane,1954).Pourneciterqu’unexemple,enprésenced’acidesgras,lesparticulesde

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l’argile montmorillonite déclenchent la formation de vésicules lipidiquesressemblantàdes«cellules»depetitestailles.Or,mêmesicesvésiculessontcapablesdescissions-dirigéesuniquementpardesforcesmécaniques-,ellesnepeuventenaucuncastransmettred’informationsgénétiques.

L’AVÈNEMENTDESACIDESNUCLÉIQUESUneavancéeextraordinairedans l’accessionduvivantaété franchieavec la

synthèse des acides ribonucléiques (ARN) et des acides désoxyribonucléique(ADN). La découverte d’ARN pouvant assurer des réactions catalytiqueslaisserait à penser que les premières molécules auto-réplicatives se soientprésentées sous la forme d’ARN. Cette étape au sein de la complexité auraitaboutieàunesortede«vieàARN»,cedernierassurantàlafoislesfonctionsde code génétique et d’agent responsable de sa propre réplication. Selon cemodèle désormais admis par de nombreux biologistes, l’océan du début duPrécambrien aurait donc contenu des protéines et des ARN, lesquels ARN etprotéines auraient trouvé refuge à l’intérieur de vésicules lipidiques. Or,l’instabilitédel’ARNentantquematérielgénétiqueauraitfavorisélaformationde l’ADN dont l’une des principales caractéristiques justement, est qu’il estcapable de conserver l’information génétique sous une forme bien plus stablequesonancêtrel’ARN.Pourmieuxcomprendrelacomplexitédel’ADN,ilestnécessaire de décortiquer sa longue chaine en double hélice. L’ADN est unassemblage extrêmement complexe de nucléotides, ces derniers possédantchacunun radical phosphate, un sucre et unepaire de base azotée.Les quatrebases azotées constitutives de l’ADN sont l’adénine (A), la thymine (T), laguanine (G) et la cytosine (C). Pour des raisons chimiques, (A) s’associetoujours à (T) et (G) à (C). Un gène totalise en moyenne un millier denucléotides.Cesdernierssonteux-mêmesalignésdansunordrerigoureux,àlamanièredeslettresdel'alphabetpourformerunmotet lesmotsrangéslesunsaprès les autrespour composerunephrase.C'est cetordreprécisqui composel'information génétique. L’ADN contient donc à l’intérieur de sa structuremoléculaire, lesplansdeconstructionetdefonctionnementde l’organisme.Orl’ADN ne peut pas fonctionner seul, il lui faut un allié pour transporter sesinformations vers d’autres endroits de la cellule et en particulier vers lesribosomesoùsedéroulelasynthèsedesprotéines.Cevecteurconnusouslenomd’acideribonucléiquemessager (ARNm)estenquelquesorte laphotocopiedecertainesportionsd’ADNdétentricesducodede fabricationdesprotéines.Unautre ARN appelé ARN de transfert (ARNt) apporte les acides aminés au

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ribosome pour faciliter l’assemblage des protéines à partir de l’informationgénétiquecontenuedansl’ARNm.L’unedespropriétéslesplusextraordinairesdel’ADNestqu’ilestcapabledes’auto-répliquerpourengendrerunemoléculesœur parfaitement identique à l’originale. Cette duplication demande denombreuxprécurseurschimiques,neserait-cequepourmeneràbienlasynthèsedesnucléotides.

Figure2:Structuremoléculairedel’ADNL’ADN ne peut de surcroît se dupliquer sans l’assistance des enzymes. Au

cours de la réplication, les paires de bases se désapparient par rupture desliaisons hydrogènes par une enzyme appelée ADN hélicase. Une fourche deréplicationvoitalorslejourenformantdeuxbrinsdistincts.ChacundecesbrinsestensuitecopiépardesADNpolymérasespourconstituerdeuxnouveauxbrins

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absolumentidentiques.Àcestadedelaréflexion, ilest légitimedeseposerlaquestionsuivante:Commentàpartirdesélémentsaussisimplesqueceuxquisetrouventdansl’atmosphèreetleseauxdelaTerreprimitive,desmoléculesaussicomplexesque l’ADN, lesARNet lesenzymesont-ellespuapparaître?Nousavons vu (voir l’encadré 3) que le simple fait d’exposer une atmosphèreprimitive à une source d’énergie permet la synthèse de composés organiquessimples.Encequiconcernelesnucléotidesquiassurentlerôledemaillonsclésdanslaformationdel’ADN,ilsonttoujoursétélesgrandsabsentsdessynthèsespré-biotiques. Quelques acides aminés, des acides, des sucres et des basesazotées,c’esttoutcequelaTerreduPrécambrienavaitpuproduireàpartirdecequ’elle disposait. De même, malgré toute la technologie dont disposent leslaboratoiresmodernes,riend’aussicompliquéquelesnucléotidesn’ajamaisétésynthétiséensoumettantdesimplesgazetdel’eauàdesarcsélectriques.Noussavons maintenant que les nucléotides ne peuvent pas être synthétisés sansl’intervention des enzymes et que les enzymes ne peuvent pas être fabriquéessans ADN. Est-ce donc un ensemble de protéines qui, de par leurs actionscombinées,auraientréussiàsynthétiserlespremiersnucléotidesetlesassemblerensuite en une longue chaîne d’ADN ? Autre chose aussi ! L’ADN est unesuccessiondegènesquimisboutàboutdansunordrerigoureuxdéterminentlescaractéristiquesmorphologiques,anatomiquesetphysiologiquesdel’organisme.Sous quelle impulsion cet ordre a-t-il été établi afin de produire un systèmeviablecapabledes’auto-dupliquer?Silanaturepeutexécuterunetelleprouesseenmatièredechimieorganique,lesscientifiquesdu21èmesiècleensontencoretotalement incapables. Les astronomes américains Fred Hoyle (1915-2001) etNalin Chandra Wakramasinghe ont estimé que pour obtenir une enzyme parhasard,leschancesétaientdeunesur1020,soitunechancesur100milliardsdemilliards. Selon le physicien russeGeorgeGamow (1904-1968), la probabilitépourqu’unemoléculed’ADNsesoitassembléeparhasardestdecettefoisunechance sur 1040 000. Malgré toute son intelligence, l’homme est incapabled’assembler lesdizainesdemillionsd’atomesnécessairesà laconstructiondesgènes qui, eux même, se succèdent les uns après les autres par dizaines demilliers pour former l’ADN. Pour arriver à un tel résultat de complexité,l’écologiste anglais JamesLovelock fonde en1972 sa théorie selon laquelle ilaffirmequelaTerreestunsystèmeintelligent,s'autorégulant,etayantassurélui-même la genèse et le développement de la vie (Lovelock, 1995). Un autreconceptquenousdévelopperonsplusendétaildansleschapitresquisuiventmetenavantlecaractèredéterministedel’évolutiondel’univers.Cettethéoriedont

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les principes fondamentaux avancent que tout est programmé à l’avance estdéfenduepard’éminentsphysiciensparmilesquelsadhéraitensontemps,AlbertEinstein(1879-1955).Alorspurhasardouconstructiondéterministe,forceestdeconstater que l’ADN existe bel et bien et que nous ne saurons probablementjamais comment ce dernier a pu apparaître et engendrer aussi rapidement lespremièrescellulesvivantes.

LESCELLULESPROCARYOTESLesprocaryotesontétélespremiersorganismesunicellulairesàavoircolonisé

leseaux,l’airetlesmilieuxterrestresduPrécambrien.SelonlaclassificationdesmicrobiologistesaméricainsCarlRichardWoese(1928-2012)etGeorgeEdwardFox,lesprocaryotessecomposentdesArchaeaetdesBacteria(Woese&Fox,1977).LesarchéesetlesbactériesontcecideparticulierqueleurADNn’estpascontenudansunnoyaumaisqu’ilévoluelibredanslecytoplasme.Àl’intérieurdececytoplasmesetrouveaussiunorganitecellulaireappeléribosomedontlerôle essentiel est la synthèse des protéines. Les archées se distinguent desbactéries par un certain nombre de caractères biochimiques distincts, touslocalisés au niveau de la membrane cellulaire. Selon l'hypothèse maintenantadmise par les biologistes, les bactéries seraient apparues les premières etauraientparlasuiteengendrélesarchéesetleseucaryotes.Chezleseucaryotes,les cellules possèdent un ADN contenu dans un noyau et divers organitesdisséminésdans lecytoplasme.Les troisdomainesqueconstituent lesarchées,les bactéries et les eucaryotes représentent l’intégralité de la biodiversitérencontréesurnotreplanète.Lesarchées regroupentdesmicro-organismes trèsdiversifiés dont certains sont connus pour leur capacité à vivre dans desconditions extrêmes. Elles occupent des niches écologiques souvent délaisséespar les autres procaryotes, comme les eaux acides de certains lacs d’originevolcanique, les eaux bouillantes des geysers ou les sources hydrothermalessituées au fonddesocéans.Endehorsde ces cas extrêmes, il existe aussi unemultituded’archéesquiontcoloniséslessols,lesfleuves,leslacs,lesmers,lesocéansetmêmeles intestinsdesanimaux.La reproductiondesprocaryotesestasexuée,c'est-à-direqueleurscellulessedupliquentparsimplescission(clone).ApparussurTerreunmilliardd’annéesaprèssa formation, lesprocaryotesontdominélemondependantdeuxmilliardsd’années.Lesfossilesdesorganismesunicellulaires lesplusâgésontété retrouvésdansdes rochesd’Afriquedusuddatant de la période moyenne du Précambrien (-3800 à -2500 Ma). Latempérature de la surface terrestre étant encore à cette époque relativement

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élevée,lespremièresformesdevies’apparentaienttrèscertainement,auxmicro-organismes qui vivent de nos jours aux alentours des sources hydrothermales.L’atmosphère primitive ne contenant de surcroît pas d’oxygène, les premiersprocaryotes anaérobies n’eurent pas d’autres recours pour survivre que deconsommer des composés inorganiques. Ainsi les thiobactéries ingèrent dusouffreetdugazcarbonique.Lesferrobactériesanaérobiessenourrissentdefer,lesbactériesetlesarchéesméthanogènesutilisentledioxydedecarbone(CO2)contenudanslemilieuambiantpourl’associeràdel’hydrogèneetsynthétiserduméthane(CH4).Lesprocaryotesanaérobiesontainsiproliférédanslessolsetleseaux jusqu’à ce que l’oxygène rejeté par les procaryotes aérobies les oblige às’isoler.Laphotosynthèsefaitappelàdespigmentsanaloguesàlachlorophyllequi se localisent soit dans la membrane cytoplasmique, soit à l’intérieur ducytoplasme. La photosynthèse permet à ce nouveau type de procaryotes de senourrir de gaz carbonique, d’eau et de l’énergie lumineuse du Soleil pourfabriquerduglucose.Cette réaction rejettedegrandesquantitésd’oxygènequifinit par s’accumuler dans les eaux et l’atmosphère.Avec la photosynthèse, lavie se dote d’une innovation biologique qui va profondément modifierl’atmosphère. Alors que le glucose assure, entre autre, la fonctiond’accumulateurd’énergieauniveaudelacellule,l’oxygèneestrejetédansl’airsoussaformegazeuse(O2).Lesatomesd’oxygènelibress’allientauxmoléculesde dioxygènepour former unnouveau composé : l’ozone (O3) qui va prendreplace dans les hautes couches de l’atmosphère.L’ozone absorbe les radiationsultraviolettes du Soleil, néfastes pour les cellules dans lamesure où une forteintensitédecesrayonsaltèrelesmoléculesd’ADN.L’oxygèneestdesurcroitunélément chimiquement réactif qui devient un poison pour l’ensemble desprocaryotes anaérobies.En revanche, pour les organismes aérobies qui se sontprogressivementsubstituésauxcellulesanaérobies, l’oxygènedevint lemoteurdelarespirationcellulaire;cettedernièren’étantriend’autrequelacombustiondu glucose par l’oxygène. Au Précambrien, des procaryotes chlorophylliens(cyanobactéries) se sont regroupées sous la forme de structures appeléesstromatolithes.Ilsexistentencoredenosjoursdesstromatolithesdanscertainespartiesdumonde,lescolonieslesplusimportantesétantétabliesenAustralieetenAfriquedusud.Lescyanobactériesàl’originedecesédificesdemeurentlesfossilesvivantslesplusâgésdel’histoireduvivant,cequiveutdireaussi,queles processus biochimiques qui caractérisent la photosynthèse sont au moinsaussianciensque lePrécambrien.Lescyanobactériesontdonc trèsactivement

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participéà l’installationde lacouched’ozoneainsiqu’à l’enrichissementde labiosphère en oxygène. L’étude des traces fossiles laisse à penser que lesprocaryotes aérobies photosynthétiques connurent un optimum de diversitébiologique au cours du Protérozoïque (-2500 à -544Ma). Les cyanobactéries,tout comme les nombreuses autres bactéries non photosynthétiquesappartiennent aux micro-organismes dits autotrophes, c'est-à-dire capables degénérer leur propre matière organique à partir de composés inorganiques. Audébut de la vie sur Terre, les procaryotes ne possédaient de toute façon pasd’autresalternativesquedesenourrirdecomposésminérauxdanslamesureoùlamatièreorganiqueétaitencore troppeuabondante.Sontapparuspar lasuitelesprocaryoteshétérotrophesquipurent s’alimenterdes substancesorganiquesfabriquées par les cellules autotrophes. Pendant une bonne partie duPrécambrien, la Terre était recouverte des eaux d’un océan unique d’oùémergeaient les terres d’un supercontinent lui aussi unique. Le dioxyde decarbone présent dans les eaux et l’air est dissout par les eaux de pluie pourformerdel'acidecarboniquequiàsontourdésagrègelesroches.Enattaquantlesocle rocheux, l’acide carbonique libère de nombreux selsminéraux.Une foisdilués dans les eaux de l’océan, ces sels sont consommés par les cellulesprocaryotes qui dès lors peuvent conquérir l’ensemble des niches écologiquessansavoiràsubirdestressnutritionnel.Danslaplupartdesdocuments traitantde l’originede lavie surTerre, il est écrit« lesbactéries sontparmi les êtresvivantslesplussimplesetlesplusarchaïques».Commesilesimplefaitdedirequelesbactériessontsimplesetarchaïquesexpliquel’originedelaviesurTerre.La science d’aujourd’hui ne s’explique pas comment les premières cellulesprocaryotessesontformées.Bienquerudimentaireenregarddeladiversitéduvivantquinousentoureaujourd’hui, lesbactéries,aussiprimitivessoient-elles,témoignentd’unsystèmebiologiquecomplexe.Untelsystèmebiologiquepeut-iln’avoirétécrééquepar lesseules loisduhasard?Noussavonsaujourd’huique la structure et les fonctions des cellules vivantes sont dépendantes d’unprogramme génétique dont les instructions sont contenues dans l’ADN. Legénome peut donc être identifié à un programme dont la lecture par lesARNaboutit à la fabricationde toutes lesprotéines indispensablesà lavie. Il existedonc bien chez tous les êtres vivants un déterminisme génétique visant àcontrôlerl’ensembledeleursfonctionsvitales.

UNBONDDANSLACOMPLÉXITE:LESCELLULESEUCARYOTESLe début du Protérozoïque (-2500 Ma) fut le théâtre d’une immense et

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nouvelle expérience de la vie : l’apparition des cellules eucaryotes. Le termeeucaryote désigne l’ensemble des organismes unicellulaires et multicellulairesoùl’ADNestcontenudansunnoyau.Lescelluleseucaryotesrenfermentaussidans leur cytoplasme des organites cellulaires possédant leur propre ADN(plastes, ribosomes et mitochondries). Contrairement aux procaryotes, leseucaryotessontcapablesdereproductionsexuée.Cetteinnovationenmatièredesurvie des espèces permet la transmission du génome des deux parents à leurdescendance. La théorie généralement admise sur l’apparition des eucaryotesavance que les mitochondries et les plastes - qui étaient à l’origine desprocaryotes indépendants -ont fusionnéavecd’autrescellulesprocaryotesafind’entretenir des relations symbiotiques (Margulis & Bermudes, 1985). Le faitqueplusieursorganismestirentunavantageréciproquedeleuruniondateainsidespremiersâgesdelaviesurTerre.

Encadré4LesorganitescellulairesAlorsque le cytoplasmedescellulesvégétales contientdesmitochondries,

desribosomesetleschloroplastesresponsablesdelaphotosynthèse,celuidescellulesanimalesn’abritequedesmitochondriesetdesribosomes.Àpartirdugazcarbonique,del’eauetdel’énergielumineuseduSoleil,leschloroplastesfabriquentduglucoseaveclibérationd’oxygène.Lesmitochondriessontplusspécifiquement impliquéesdans lesprocessusde la respirationcellulaire.Lesribosomes jouent un rôle capital dans la cellule car ils assemblent les acidesaminésenprotéines.Les strates fossilifères du Protérozoïque révèlent que les eucaryotes

pluricellulaires sont apparus assez rapidement dans l’arbre du vivant. Desfossiles de créatures marines datant de 2,1milliards d'années ont en effet étédécouverts en 2008 dans la région de Franceville au Gabon (Bouton et al.,2012). L’étude de ces fossiles laisse entrevoir un écosystème marin déjàcomplexe, composé d’organismes de formes et de tailles variées. Ils seprésentaient sous les formesdeboulesoudedisques,degrandesoreilles avecunesphèreaumilieu,deconsistancegélatineuseetsedéveloppantdansleseauxpeu profondes des zones littorales. Les fossiles retrouvés sur le site gabonaisfirent l’objet d’une description aussi précise grâce à leur état de conservationexceptionnel. L’apparition de créatures multicellulaires à une époque aussireculée constitueune ascensionbrutalede la vievers la complexité.Constitué

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d’unnombre importantde cellules, cenouveauphylumde lavie surTerre estapparu2,4milliardsd’annéesaprèslanaissancedelaTerre.Sachantquenotreplanète amis aumoins 800millions d’années pour se refroidir suffisammentpourque l’eaupuisses’ymaintenirà l’état liquide, la soustractionestdès lorssimpleetsanséquivoque:Ilafallu1,6milliardsd’annéespourqueMèreNature« fabrique » des créatures eucaryotes suffisamment volumineuses pour laisserdestracesfossilesvisiblesàl’œilnu.DanslelivredelaGenèse,aucinquièmejourdelacréation,Dieudit«Queleseauxgrouillentd’unefouled’êtresvivants[…]»(Genèse1,20).LaBibleprécisequecesontdes«êtresvivants»ausensgénéral du terme qui grouillent dans les eaux. Une précision d’autant pluspertinentequelespaléontologuesignorenttoujourssilescréaturesquiontlaisséleursempreintesdanslesrochesdusitegabonaisappartenaientaurègneanimalouvégétaloubienencore,àunrègnetotalementdifférentetàjamaisdisparu.

NOMDECODE:LUCAC’est en comparant les ARN ribosomiaux des bactéries, des archées et des

eucaryotes que le microbiologiste américain Carl Woese découvrit dessimilitudes entre ces troisdomainesduvivant.CarlWoese endéduisit que lescellules procaryote et eucaryote descendaient d’unmême ancêtre qu’il appelaProgenote. Preuve était faite que lemonde du vivant répondait à une certaineunité.Qu’ellessoientprocaryotesoueucaryotes,lescellulessontcomposéesdesmêmes molécules, fonctionnent selon la même machinerie de synthèse desprotéines,lesmêmesstructuresducodegénétique…toutconcoureàdirequelevivantdanssonensembleaétéconstruitselon lesmêmesplansdefabrication.Ainsifaceàautantd’homogénéitébiochimique,denombreuxbiologistessesontrassemblésen1966pourtenterdedonneruneréponseàcetteuniformité.Aprèsmaintes discussions, la communauté scientifique approuva l’idée d’un ancêtrecommunàtouslesphylumsetluidonnalenomdeLUCApourLastUniversalCommon Ancestror (Forterre et al., 2005). En fait, LUCA n’est rien d’autrequ’une construction intellectuelle qui repose sur les connaissances les pluspointuesenmatièredeprotéomiqueetdegénomique.Ledéveloppementdecesdeux domaines de la biologie moléculaire a d’ailleurs permis d’identifier desprotéines universelles identiques à toutes les cellules vivantes. Il apparuttoutefois assez rapidement que le nombre de ces protéines n’excédait pas unecentaine.Unegrandepartiedecesprotéinessontimpliquéesdansdesactionsdetraduction du code génétique pour produire d’autres protéines. LUCA auraitdoncpossédé,sil’ons’enréfèreàcessimilitudesprotéomiques,unmécanisme

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de synthèse des protéines déjà très performant. Certaines de ces protéinesuniversellessontconçuespoursefixersurdesrécepteursmembranaires,cequilaisseàpenserqueLUCAétaitunecelluleentouréed’unemembrane.Toutauraitété parfait dans lemeilleur desmondes si ça n’avait été le nombre réduit desprotéinesuniversellesimpliquéesdanslesprocessusdeconstructiondel’ADN.LUCApossédait-ilalorsungénomeàARNsuffisammentfournieninformationspour qu’il puisse synthétiser des protéines complexes ? Cette approche laissederrièreelleunetraînéedemystèrequiopacifieplusencorelagenèsedupremierADN.Quoiquelasciencemodernedécouvreaufildutemps,l’ADNrestelabêtenoire des biologistes qui se dérobe et cache ses origines derrière un écran defumée.

LAGLACIATIONVARANGER(-660à-635Ma)Unecentainedemillionsd’annéesavantlafinduPrécambrien,auraitsévile

plus terrible refroidissement planétaire de tous les temps. Cet épisode appelé«Terrebouledeneige»ouglaciationVarangernefaitcependantpasl’unanimitédes communautés scientifiques. Avec l’activité photosynthétique d’un grandnombred’organismesaquatiques,l’oxygèneseretrouvaviteprésentàdefortesconcentrations. Si l’on se réfère aux dernières découvertes réalisées dans cedomaine, le taux d’oxygène atmosphérique avant la glaciation Varangerdépassait 30%. Le gaz carbonique se fit au contraire plus rare et fit chuter lerendementdelaphotosynthèse.Legazcarboniqueestaussi,rappelonsle,ungazàforteffetdeserreetuneplusfaibleconcentrationdecelui-cidansl’atmosphèreentraîneunrefroidissementgénéraldelaplanète.LaTerreseretrouvadoncautrois-quarts prise sous une épaisse couche de glace. Cette glaciation nous estconnuegrâce à la présencedemoraines déposées sur les sols par les glaciers.Lescalottesglaciaires recouvrant tout jusqu’aux tropiques, lesaires favorablesau maintien de la vie se sont vite retrouvées limitées. Dans les profondeursocéaniques,latempératuredeseauxdépasserarement5°Cetlalumièredusoleily étant absente, les micro-organismes photosynthétiques ne peuvent pas s’ydévelopper.Auniveaudesdorsalesocéaniquess’érigenttoutefoisdesformationsgéologiquesenformedecheminées(fumeursnoirsoublancs)quidégagentdesflux hydrothermaux extrêmement chauds (de 150 à 350 °C). Les organismesvivantsquisedéveloppentprèsdecesfumeursexploitentlesmatièresminéralesexpulsées par les eaux chaudes par le biais de bactéries chimio-synthétisantescapables d’oxyder l’hydrogène sulfuré. Pour fabriquer leur propre matière

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organique, les bactéries chimio-synthétisantes utilisent l’énergie que dégagel’hydrogène sulfuré de la même façon que le font les cyanobactéries avec ledioxyde de carbone. Beaucoup de ces bactéries vivent en symbiose avec desorganismesétrangesdontleplusconnuestlevertubicoleRiftiapachyptila.Cetanimal dont les tubes peuvent mesurer deux mètres de long ne possède nibouche,nianus.Ilssontpourvusdebranchiesqui leurspermettentdepréleverdans le milieu les sels minéraux indispensables à leur survie. Ces sels sontensuite véhiculés à l’intérieur d’un organe appelé trophosome et à l’intérieurduquellesbactérieschimio-synthétiquesutilisentlesmatièresminéralestoutenrestituantauver,l’énergienécessairepoursonmétabolisme.Enutilisantcetypede symbiose, les créatures telles que celles qui ont été retrouvées près deFranceville au Gabon auraient-elles pu, dans des conditions de vie similaires,survivreà laglaciationVaranger?Lespaléontologistesdisentquenon,cequisignifiequeladisparitiondecespremièrescréaturespluricellulairessigneraitlapremièregrandeextinctionduvivant.

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Figure3:Iconographiesconventionnelle(ennoir)etréviséeparl’auteur(enrouge),desextinctionsdemasseàtraverslesépoquesgéologiques.

L’iconographieréviséeénumèrelesdouzedécimationsbiologiquesrecenséesduPrécambrienànosjours.

Pourcequiestdesprocaryotes,nombreusessontlesbactériesquidétiennent

la capacité de former des spores lorsque les facteurs environnementauxdeviennentdéfavorables.Seloncertainsmicrobiologistes,lalongévitédessporesdecertainesbactériespeutatteindredeuxmilleans(Setlow,1994).Lorsquelesconditionsredeviennentfavorables, lasporegermeendonnantdenouveauuneformevégétativecapabledesemultiplier.

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Photo1:BactériesdugenreBacillusencoursdesporulation.Lessporesapparaissent en rose clair sur la photographie, encore attachées aucytoplasme de la bactérie ou bien libres dans le milieu (cliché FrédéricDarriet).

Lescyanobactériesphotosynthétiquespeuventaussi,encasdestressintense,

engendrerdessporesinclusesdansunecapsuleminérale.Dotésd’unmécanismede conservation aussi efficace, nul doute qu’une kyrielle de procaryotessporogènes ait pu survivre à la glaciation Varanger en passant par toute unesuccession de brefs cycles végétatifs entrecoupés de périodes de sporulationbeaucouppluslongues.—LAFAUNED’ÉDIACARA(-600à-544Ma.)LaglaciationVarangerimpactasidurablementl’activitédesmicro-organismes

photosynthétiques que la teneur en oxygène retomba en dessous de 1,5%. Ilsembledoncqu’ilyaitunerelationentreleniveaud'oxygèneatmosphériquedenouveautrèsfaibleetl’apparitiondesformesdeviesiparticulièresd’Édiacara.Les premiers fossiles de l’époque édiacarienne furent trouvés en 1868 par legéologue Alexander Murray (1810-1884) dans les collines de la chaîne desFlinders situées dans le sud de l’Australie. De nombreux autres fossilessemblables à ceux d’Édiacara ont par la suite été identifiés sur tous lescontinents.La plupart des soixante espècesmarines recensées au sein de cettefaunepartagentlamêmemorphologie,àsavoirdescorpstoujourslargesetplats.Lafauned’Édiacaracomptesurtoutdesformesapparentéesauxméduses,dontcertainespeuventatteindreunmètredediamètre;desépongesaussi,descorauxmous et des vers plats de près d’unmètre de long. Les gisements édacariensrévèlent également une sorte de ver segmenté (Spriggina) qui se déplaçait enrampant sur les fondsmarins.Certainspaléontologues classentSpriggina dans

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l’embranchement des annélides alors que d’autres le rangent plutôt dans celuidesarthropodes(Seilacher,2003).La teneurenoxygèneétant inférieureà2%,lescréaturesédiacariennesn’avaientpasvraimentd’autresmoyenspoursurvivreque d'augmenter leur surface d'échange avec le milieu ambiant. LepaléontologueallemandAdolphSeilacher (1925-2014)décrivit cesorganismescomme des amas de cellules étalés sur les fonds marins, se nourrissantpassivementdesnutrimentscontenusdans l’eau.Cettedescriptiondecréatureslarges et plates, gélatineuses n’est pas sans rappeler les disques et les grandesoreilles, gélatineux eux aussi, des premiers organismes retrouvés près deFranceville au Gabon. Se pourrait-il que la faune édacarienne ne soit endéfinitive que les descendants des premiers eucaryotes pluricellulaires duPrécambrien.Ilestégalementintéressantdeconstaterqu’àpartlessimilitudesdeformesentrelesdeuxphylums,ilsonttouslesdeuxlaissédestracesfossilesàdes époques géologiques où la teneur en oxygène était au plus bas. Il estdésormaisadmisparlespaléontologuesquelesorganismesd’Édiacaraonttousétélesacteursd’uneexpérienceratéequidisparutdéfinitivementdelasurfacedelaTerre.Nousassistonsàcemomentprécisdelapourtanttrèsjeunehistoiredelavieàsadeuxièmegrandeextinctionbiologique(voirlafigure3).Unefoislafaune d’Édiacara éliminée de la scène du vivant, ne restait plus auxévolutionnistesqued’imaginerlavierepartirdenouveaudezéropourengendreraudébutduPrimaire(Cambrien),laplusépoustouflanteexplosionbiologiquedetous les temps. Tout comme les organismes pluricellulaires du début duPrécambrien auraient pu survivre à la glaciation Varanger pour engendrer lafaune d’Édiacara, certains organismes édacariens auraient-ils pu de nouveaurésisterautempspourgénérerleslignéesquiontconquislesmersetlesocéansdu début Primaire (Paléozoïque). Découvrons sans plus attendre cette autreaventuredelaviequi,pourbeaucoupdescientifiques,reste l’unedesénigmesdel’histoireduvivantlaplusdifficileàexpliquer.

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CHAPITRE3LEPALÉOZOÏQUE

LePaléozoïque, plus communément appelé èrePrimaire s’est échelonné sur

300Ma(-554à-245Ma).LePaléozoïquesediviseensixpériodesqui,chacune,secaractérisepardesévènementsquiontprofondémentmarquél’histoiredelavie. Sa limite la plus inférieure (Cambrien) a été le théâtre d’une explosionbiologiqueà l’originede tous lesembranchementsconnus.Succédèrentàcetteexplosion cambrienne, cinq autres périodes, l’Ordovicien, le Silurien, leDévonien,leCarbonifèreetlePermienaucoursdesquelslafauneetlafloresesontdiversifiéesend’innombrablesespèces.

LAFAUNETOMMOTIENNEDUCAMBRIEN(-530Ma)D’après les biologistes, la faune d’Édiacara s’est éteinte sans laisser de

descendant. L’océan universel de nouveau vide de vie multicellulaire offraitdonc encore une fois une grande diversité de niches écologiques. La faunetommotienne - du nom de Tommot, une ville de Sibérie située à l’est du lacBaïkal où furent exhumés les premiers fossiles - révéla toute une kyrielled’organismesmorphologiquement très variésmais possédant tousune coquilleminéralisée(Bengtson, 1977). Comme pour la faune d’Édiacara, ces créaturesmarines ont tout simplement disparu aussi vite qu’elles sont apparues. Noussommes de nouveau confrontés à la disparition - la troisième du nombre - detouteune faune (voir la figure3)néed’aucunancêtre connu.Cesdécimationssuccessives remettentàchaquefois lapendulede l’évolutionàzéroetseposemaintenant laquestionde savoir comment lavie arrive à ressurgir demanièreaussi brutale sans que l’on retrouve dans les archives fossiles le plus petitorganisme de transition. De deux choses l’une, soit il n’existe effectivementaucunorganismedetransitionentrelesdifférentesfaunes,soitnousnelesavonstoujours pas découverts. L’exemple le plus significatif se trouve être lesorganismesdécouvertsprèsdeFrancevilleauGabon.Jusqu’àcequ’uneéquipede géologues ne tombe par hasard sur cette faune vieille de 2,1 milliardsd’années, la communauté scientifique s’accordait à dire que les premiersorganismesmulticellulairesdataientdelapérioded’Édiacara(-600Ma).Ceviderépété de faunes transitoires dans les archives fossiles s’avère d’autant plusénigmatiquequ’entrelafaunedeTommotetlasuivanteplusconnuesouslenomd’explosioncambrienne,vingtmillionsd’annéesseulementontséparélesdeux

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périodes. Allons maintenant découvrir cette incroyable explosion de labiodiversitéqui,de l’avisdenombreuxpaléontologistes, seraitnéeencoreunefois…d’aucunancêtrepluricellulaireconnu.

L’EXPLOSIONCAMBRIENNE(-528à-510Ma).En 1909, le paléontologue américainCharlesDoolittleWalcott (1850-1927)

organisait une expédition dans les montagnes Rocheuses du Canada où ildécouvritsursonchemin,desmilliersdefossilesdatantduCambrien.Walcotts’aperçut très vite que la faune qu’il avait trouvé s’avérait non seulementflorissantemaismontrait, contre toute attente, une étape déjà très avancée del’évolution animale. Les empreintes laissées dans les schistes de Burgessressemblent en effet, dumoins pour certaines d’entre elles, à nos arthropodescontemporains.

Encadré5LesarthropodesLesarthropodes représentent l’embranchement animal leplus importantde

laplanète.Ilsregroupentàeuxseuls1,5millionsd’espècesrecenséesmaislesspécialistesestimentà20millionslenombred’espècesterrestresetaquatiques.Touslesarthropodessontdotésd'unexosquelettearticuléconstituédechitine.Cette enveloppe rigide conduit à une croissance ponctuée demues au coursdesquellesl'animals'extraitdesonexosqueletteavantd'enfabriquerunautre.Lesarthropodessontactuellementreprésentésparlesinsectes(sixpattes),lesmyriapodes(de18à400pattes),lesarachnides(huitpattes)etlescrustacés(de10 à 14 pattes). Les trilobites aujourd’hui disparus ont été les premiersarthropodesàvivredanslesocéansduPaléozoïque(-528Ma).Charles Doolittle Walcott en conclut qu’il avait découvert ici, dans les

montagnes Rocheuses du Canada, les ancêtres de tous les animauxmodernes(Gould,1989).L’annonced’unetelledécouvertenefutpourtantpasrelayéeparlemondescientifique,conséquencedequoi,lesmilliersdefossilesramassésparWalcott s’en allèrent s’entasser dans les tiroirs du Simpsonian Institute où ilsfurent oubliés pendant près de soixante ans. Dans les années 1960, lepaléontologue britannique Harry BlackmoreWhittington (1916-2010) réétudiales fossiles de Burgess en accordant une attention toute particulière auxtrilobites. Il confia le reste de cette révision à deux de ses étudiants, SimonConway Morris et Derek Briggs qui, dès lors, réexaminèrent l’ensemble des

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fossiles avec des méthodes d’investigations plus modernes. À leur grandesurprise,ilsdécouvrirentquelesplansd'organisationdecertainsd’entreeuxnecorrespondaientàaucunanimalconnu.MorrisetBriggsdécrivirentplusieursdecesétrangescréaturesdansdesmonographiesquifontréférenceaujourd’hui.Surles trente espèces décrites, huit d’entre-elles appartiennent à desembranchementsdisparus.L’étudeminutieusedecesfossilesrévélaque60%deces animaux détenaient un régime détritivore. Pour la première fois aussi, lespaléontologisteseurentàétudierdesanimauxdontlasurfacedeleurcorpsétaitrecouvertedepartiesdurescomposéesdechitine.L’organismeleplusreprésentédu schiste de Burgess - avec plus de 1300 fossiles ramassés - est Marellasplendens,unarthropodedétritivoredésormaiséteintetdontl’anatomieprochedes trilobites ne semble se rattacher à aucun arthropode connu. En deuxièmeposition par son abondance se positionne le fossile d’un organisme appeléCanadaspis,détritivoreluiaussietancêtredescrustacés.Entroisièmeposition(19spécimensretrouvés)setrouvel’arthropodeAysheaiadontcertainsavancentqu’il serait le lointain ancêtre desmyriapodes et des insectes. Se trouve aussidans les schistes de Burgess un chélicérate carnivore du nom de Sanctacaris,ancêtre des limules, des araignées, des scorpions et des acariens. Selon laclassification de Briggs et de Morris, Canadaspis, Aysheaia et Sanctacarisreprésenteraientdonc, respectivement, les lignéesoriginellesdescrustacés,desinsectes/myriapodes et des arachnides. Dans cette faune plutôt hétéroclite duCambrien, se trouve aussi Anomalocaris, un animal affublé de deux yeuxpédonculésetd’unepaired'appendices situésà l'avantd’unebouchecirculaireéquipée de dents. Malgré ses soixante centimètres de long et sa redoutableanatomie de prédateur,Anomalocaris a pourtant été définitivement radié de lalistedesespècesvivantes(Briggs,1979).Jenevaispasdresser ici l’inventairecomplet de la faune de Burgess mais je tiens tout de même à présenter cetétrange ver hérissé de piquants et de tentacules que Simon Conway MorrisbaptisaHallucigenia.DifficileaussidepassersoussilencelestrilobitesdontlesdifférentesespècessesontdiversifiéesduCambrieninférieurjusqu’auPermien.Leurcapacitéàs’enroulersureux-mêmes,leurappareilbuccalpuissantetleursyeux composésont fait des trilobites des proies difficiles à surprendrequi ontrégnéaufonddesmersetdesocéanspendantprèsde300millionsd’années.

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Photo2:Fossiledetrilobite(clichéFrédéricDarriet).Lestrilobitesontprobablementétélespremiersorganismesàavoirunsystème

visuelcomplexe.L’œildutrilobitesecomposeeneffetde100à15000facettes,cequisignifiequecetanimalétaitcapabledepercevoirde100à15000imagessimultanément. Cette découverte souligne à quel point l’œil et le cerveau quianalyse l’information était déjà complexe il y a 530millions d’années. Sur cesujet sensible en matière d’évolution graduelle, le paléontologiste américainDavidM.Raup(1933-2015)déclarait«L’œildu trilobitepossédait, ilya450millionsd’années,unestructurequeseuluningénieurenoptique,denosjours,ayant suivi une bonne formation et possédant une compétence très poussée,pourraitconcevoir»(Raup,1979).SilaremarquedeDavidMRaupfutquelquepeuguidéeparsesconvictionscréationnistes,iln’endemeurepasmoinsquelesscientifiques ne s’expliquent toujours pas les mécanismes à l’origine de cetteépoustouflanteexplosionbiologique.

LESMYSTÈRESDEL’EXPLOSIONCAMBRIENNERécapitulons les différentes faunes apparues du Précambrien au Cambrien.

Les premiers créatures pluricellulaires révélées par les fossiles du Gabonapparurent au Protérozoïque inférieur (-2100 Ma) pour s’éteindre durant laglaciation Varanger. La deuxième explosion de vie multicellulaire date de lapériode d’Édiacara (-630 Ma). Les paléontologistes considèrent cette faunecomme une expérience à part dans l’histoire du vivant qui ne peut-être àl’originede la faunesuivantedite tommotienne (-530Ma) ;celle-ciétantelle-même une faune bien distincte de l’explosion cambrienne (-528Ma). Quatreexplosions biologiques successives étalées sur 1,6 milliards d’années, quatre

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apparitionsdelaviequi,toutesapparemment,ontrecommencéàpartirdesseulsmicro-organismes.Unequestion sepose face ces apparitions endents de scie.Comment ces différentes formes de vie ont-elles pu à chaque fois apparaîtreaussirapidement,étantdonnénotrevisiongradualistedel’évolution?Certainsdiront que l’océan se trouvait vide de vie, pluricellulaire du moins, et qu’iln’existaitpasdepressiondesélectionsusceptibled’entraver l’ascensiondecesexplosions biologiques. De placer ainsi sur le devant de la scène des nichesécologiques dites « vacantes » n’explique en rien ces apparitions de viepluricellulaires aussi rapides que répétées. Les énigmes du Précambrien et duCambrienrésidentsurtoutdanslefaitquedesmyriadesdecréaturesàl’anatomiecomplexe sont apparues sans qu’il n’y ait eu de forme intermédiaire entre lesdifférentesexplosions.Cetteénigmeestd’autantplustroublantequelepremieranimalvertébréestapparudansletumultedel’explosioncambrienne.En1911,CharlesDoolittleWalcootdécrivaitunorganismed’environcinqcentimètresdelong en forme de ruban qu’il nommaPikaia gracilens en l’honneur duMontPikaoù il découvrit les traces fossilesde cet animal.Depar sa formeplate etallongéeetlasegmentationrégulièredesoncorps,WalcottrangeaPikaiaparmilesversmarins.SimonConwayMorris,dontnousavonsvuqu’ilavaitrédigédenombreuses monographies sur la faune de Burgess, réétudia les fossiles dePikaiaets’aperçutquecepetitanimaln’étaitenrienunvermaisbeletbienlepremiercordédel’histoireduvivant(Morris&Carron,2012).LesanneauxqueCharlesWalcott avait pris pourdes segmentsd’annélides se trouvaient être enfait, des bandes musculaires. Il découvrit aussi sur la trentaine de fossiles decette espèce découverte dans les schistes, une colonne dorsale rigidecaractéristique des cordés. Comme tous les autres embranchements duCambrien,l’apparitiondescordésestd’autantplusénigmatiquequelesregistresfossilesantérieursàcettepérioden’enontjamaisfaitétat.Quoiqu’ilensoit,lespièces à conviction parlent d’elles-mêmes, les animaux vertébrés trouveraientleurorigineencettepériodeduCambrienvieillede500millionsd’années.Larévision des schistes de Burgess a par ailleurs identifié huit créatures sur lestrente répertoriées, où les plans d’organisation anatomique ne correspondent àaucun animal connus. Anomalocaris et Hallucigenia appartiennent à cesanimaux aussitôt nés, aussitôt disparus. Anomalocaris était pourtant un férocecarnassier doté d’une organisation anatomique efficace. Alors pourquoiAnomalocaris a disparu du monde du vivant et pas Sanctacaris, ni le fragileAysheaiadontilfallaitqu’ilsecachedanslesreplisdesépongespoursenourriret échapper à ses prédateurs ?AnomalocarisetHallucigenia ne furent pas les

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seulescréaturesde la fauneduCambrienàavoirdisparues.Beaucoupd’autresne survécurent pas. Après une phase d’explosion de faune aussi brutalequ’énigmatique, le Cambrien moyen essuya une véritable hécatombe quiparticipaàl’éliminationdenombreuxembranchements.StephenJ.Gould(1941-2002)futlepremieràcomparerl’évolutionàunesortedeloterieplanétaireoùles gagnants ne sont pas forcément mieux équipés que les perdants. SiCanadapsis (l’ancêtre des crustacés) était bien représenté dans la faune deBurgess, ce ne fut guère le cas d’Aysheaia (l’ancêtre des insectes et desmyriapodes)dont il ne fut retrouvéquedix-neuf spécimens.Quedire alorsdeSanctacaris (l’ancêtre des arachnides) dont il n’existe que douze spécimens.Pourquoicesdeuxdernierssous-embranchementsexhumésensifaiblenombreont-ilsétélesheureuxgagnantsdelaloterieetpaslesautresplansd’organisationnumériquement plus nombreux ? Pour Stephen J. Gould, les différencesmorphologiquesetanatomiquesnedéterminentpasàellesseulesleschancesdesurvied’uneespèce(Gould,1989).Cetteremarquegénèreplusdequestionsquederéponses!Qu’est-cequiabienpuamenersur lascèneduvivant lesquatreformes de vie qui sont apparues du Précambrien au Cambrien ? La sciencen’explique riendecesapparitionssoudaines.La thèsedéterministeavancequel’évolution de la Terre et de ses différentes formes de vie est inscrite dans letemps. Une approche singulièrement très proche de celle prônée par la BibleselonlaquelleDieuauraitdepuisledébutpenséàtoutesacréation(Jean1,1-3;Proverbes 8, 23). Quoi qu’il en soit, le temps des grandes innovationsbiologiquesaprisfinavecleCambrien.Lavien’auradecesseparlasuitedeseconcentrer sur la diversité des formes anatomiques ayant survécu à cettequatrièmeextinctiondemasse(voirlafigure3).

L’ORDOVICIEN(-505à-438Ma):LASORTIEDESEAUXLa période ordovicienne s’est caractérisée par une forte diversification des

phylumsayantsurvécuàl’extinctioncambrienne.Ainsilescoquillagesbivalvesfirentleurapparitionenmêmetempsqueleurspiresennemis,lesétoilesdemer.Apparurentaussitouteunekyrielled’autresanimauxcommelesoursins,leslysdemer,lesescargotsetdesespècesnouvellesdecrustacésetdetrilobites.Cefutaussipendantl’Ordovicienquelesrécifscoralliensproliférèrentjusqu’àoccuperlapresquetotalitédesfondsmarins.Lescorauxsesontainsiaccumuléspendantdesmillionsd’annéessurdescentainesdemètresdedépôtscalcaires.Laplupartdes animaux de l’Ordovicien, qu’ils soient mobiles ou immobiles, se

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nourrissaientdesparticulesorganiquescontenuesdansleseauxetlessédiments.Cette faune détritivore aussi abondante que variée subissait la traque deprédateurs redoutables,à l’exempleducéphalopodeOrthoceras dont la longuecoquille atteignait quatremètres de long.Un autre prédateur ressemblant à unscorpionécumait luiaussi leseauxde l’océanà la recherchedeproies faciles.Furent retrouvés également dans les strates géologiques de l’Ordovicien, lesfossiles des premiers poissons cuirassés. Dans un océan peuplé d’invertébrésdont les ancêtres étaient ceux-là-même qui survécurent à la décimation duCambrien, de même les vertébrés ne pouvaient descendre que du PikaiagracilensdécritparSimonConwayMorris.Ledeuxièmechapitredel’évolutiondes vertébrés débuta avec l’apparition des premiers poissons osseux (Ritchie,1977).L’Ordovicienadoncétéuneépoqueoùlavieaprisunnouveautournant.L’Ordovicien,çaétéaussi lemomentoù lavieacommencéà sehisserà l’airlibre. Imaginons un instant des continents de roches nues sillonnés par unemyriadederivièresetdefleuves.Rochenues?Passisûr,carbienavantquelaviemulticellulairenes’extirpâtdelamerpourcoloniserlaroche,denombreuxmicro-organismes avaient déjà très investi le milieu terrestre. Les premièresplantesquiémergèrentdelamereurentd’abordàs’adapteràleurnouvelhabitat,aériencettefois.Unefoislabarrièreenvironnementalefranchie,ellestrouvèrentsur la terre ferme des concentrations en sels minéraux de loin supérieures àcellescontenuesdans l’eaudemer.Plusde selsminéraux,de la lumièreetdel’eau douce à profusion ; des conditions de vie nouvelles qui permirent à denombreuses algues, mousses, hépatiques et champignons de croître et des’étendre le long des cordons littoraux.Le troisième jour de sa création,Dieudit «Que la terre se couvrede verdure : des plantes produisant leur semence[…]etcelaseréalisa.Laterrefitpousserdelaverdure:desplantesproduisantleursemenceespèceparespèce(Genèse1,11-13).IlestintéressantdeconstaterqueletextedelaGenèseabordeicilanotiondepluralitédesespècesetdonc,deladiversitédumondevégétalaumomentoùcelui-cicommençaàcoloniserlesespaces terrestres. Cette expansion n’aurait d’ailleurs pas eu de raison des’arrêter en si bon chemin si l’ordovicien supérieur (-445Ma) n’avait pas étéfrappéd’unecrisebiologique(lacinquièmedunom)quicausaladécimationdesdeux-tiersdesespècesexistantes(voirlafigure3).Labaisseduniveaudesmersconsécutiveàuneglaciationdeforteintensitéauraitétélaresponsabledecettehécatombe(Finneganetal.,2011).Si lafaunecoralliennefut laplusdurementaffectée par cette glaciation, elle toucha aussi l’ensemble des invertébrés. Orcontrairement à la crise biologique du Cambrien, l’extinction qui affecta

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l’Ordovicienneprovoqualadisparitiond’aucunembranchement.

DUSILURIENAUDÉVONIEN(-438à-360Ma)Silaviesepropageasurlescontinentsdel’époqueordovicienne,leSilurienet

le Dévonien virent quant à eux, l’installation de véritables faunes et floresterrestre.Dès ledébutduSilurien, labiodiversitémarine très appauvriepar lacrisede l’Ordovicien retrouvasa richessed’antan.Sur lesdépôtscalcairesdesrécifscoralliensmortspullulèrentdenouveauxdesmadrépores,desmollusques,descrustacés,descrinoïdesetdestrilobites.

Photo 3 : Détails d’un corail madrépore très finement imprimés dans lapierre(clichéFrédéricDarriet).

Les seuls vertébrés présents appartenaient au groupe des poissons sans

mâchoire dont la tête et le corps disparaissaient sous d’impressionnantescuirasses osseuses. Ces poissons évoluèrent assez rapidement en espèces toutaussi lourdement cuirassésmaisdotésdemâchoires arméesdedentsosseuses.Certains de ces poissonsmesuraient huit mètres de long et pesaient plusieurscentaines de kilos. Sur terre, les plantes purent par l’intermédiaire de laphotosynthèse et de la richesse en eau des sols fabriquer du glucose dont lesexcédentssesonttransformésencellulose,amidonetmucilage.Lavégétationsedéveloppa préférentiellement dans les zones humides proches des fleuves, deslacsetdeslagunes.Lesfougèresetlesprêlesrecouvrirentlessolsmarécageux.D’immenses forêts pluviales, vides et silencieuses couvrirent de vastessuperficies. Une végétation luxuriante, inextricable, étouffante et sombre. Pasd’autre bruit dans la forêt que le vent qui gémissait entre les branchesécailleuses.LesgisementsduDévonien(-408Ma)révèlentdesarthropodesde

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petitestaillesparmilesquelssontidentifiésdesmyriapodes,desarachnides,descloportes (crustacés) et des insectes appartenant à la classe des collemboles.Touscesarthropodes inféodésauxsolshumidessenourrissaientd’animalculesoudematièreorganiqueendécomposition.Lacelluloseetlaligninenepouvantêtre dégradées que par certainsmicro-organismes du sol, insectes et bactériess’allièrent en des symbioses durables. L’ascension fulgurante des arthropodesrésidaaussidanslefaitqueleurcorpss’étaitentouréd’uneenvelopperobusteetélastique : la chitine. Sans chitine, les arthropodes auraient été vulnérables etsujets à une trop forte déperdition en eau.Nous l’avons vu dans les chapitresprécédents, la chitine remonte aux origines de la vie sur Terre. Les fossilesdécouvertsdans lesschistesdeBurgessmontrentque lespremiersarthropodesduCambrien (-500Ma) possédaient déjà un exosquelette constitué de chitine.LesfloresterrestresdelafinduDévoniensemirentàproduiredesquantitéssiimportantes de matière organique que les teneurs en gaz carbonique et enoxygène de l’atmosphère en furent profondément modifiées. L’apport massifd’oxygènedansl’atmosphèreafavorisél’apparitiondespremierstétrapodes,leplusconnud’entreeuxétantIchthyostega.L’animalmesuraitunmètrede longpour un poids de quatre-vingt kilos. Il possédait une tête large et aplatie quiressemblait beaucoup à celle des poissons primitifs. La taille et la forme decertainsosducrâne,lapositiondesyeuxainsiquelatenuedel’animalsursesquatrepattesannonçaientlerègnedesamphibiens.Lavieprospéraainsidanslesocéansetsur la terre lorsqu’unesixièmeextinctionbiologiquefrappa la finduDévonien(voirlafigure3).Cettecriseatteignitpluslescommunautésmarinesqueterrestres.Ilsembleaussiquelesespècesmarinesprospérantdansleseauxchaudesaientétélesplusdurementdécimées,cequisuggèreunépisodeglobalderefroidissementplanétaire(Carmichaeletal.,2014).

UNEHISTOIREDECÔNESDELABIODIVERSITÉAvec un recul de 3,4 milliards d’années, nous pouvons désormais mieux

appréhender l’histoire du vivant. L’iconographie traditionnelle du cône selonlaquelleladiversités’estfaitecroissantedansletempsesttoujoursbienancréedanslapenséescientifique.PourCharlesDarwin,l’évolutionduvivantestdueàla sélection naturelle. Les mutations que confèrent ces pressions de sélection« fabriquent » des lignées toujours mieux adaptées à leur environnement,capables de vivre plus longtemps et donc de transmettre plus efficacement lesbonsgènesàleurdescendance.LarévisiondelafaunedeBurgessaquelquepeu

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bousculécettevisiondeladiversitécroissantedumondeduvivant.Surlestrenteespècesdécritesdecettefaune,huitd’entre-ellesneprésententaucunesimilitudeanatomique avec les espècesmodernes. Pourquoi huit de ces embranchementsont-ils disparus ? Stephen J Gould prétend que cette décimation n’estabsolument pas liée à des déficiences anatomiques. Selon lui, AnomalocarispossédaitautantdechancedesurviequelefragileAysheaiaoubienencorequeCanadaspisouSanctacaris.Silapériodecambriennelaisseentrevoirunarbredelabiodiversitédécroissante avec le temps, il n’en restepasmoinsvrai que lesmotifsdecesdisparitionsdemeurentunmystère.

Figure4 : Iconographiedu cônedediversité croissance (4a) etdumodèleréviséducônedediversitédécroissante(4b).

Pour fournir un début de réponse à cette extinction cambrienne, il nous est

nécessaired’aborder leproblèmesousunanglequineprendpasseulementencompte les caractéristiques anatomiques mais aussi l’ensemble des caractèresassociésaumétabolismeetaucomportementdescommunautésanimales.Silestraits anatomiques des fossiles peuvent être dessinés, les paléontologistes nepeuvent au contraire qu’extrapoler le métabolisme des créatures disparues àpartir de groupes vivants connus. L’anatomie, le métabolisme et lecomportementpropres à chaqueespèceconstituentunensembledeparamètresbiologiques menant à une évolution différentielle des espèces. Prenons parexemple deux groupes d’organismes dont les caractéristiques anatomiques nedéfavorisent apparemment, ni l’un, ni l’autre des deux ensembles. Le premiergroupesetrouvenéanmoinscapabledesurvivredansunenvironnementpauvreennourriturealorsqueledeuxièmegroupenelepeutpas.Danscesconditions,etàcaractéristiquesanatomiqueséquivalentes,ilestévidentquelesanimauxquise contentent de peu de nourriture pour assurer leurs fonctions métaboliques

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serontceuxquisurvivrontàlacrisealimentaire.

Encadré6Unexempled’évolutiondifférentiellePour illustrer cette notion de ressources alimentaires contenues dans les

milieuxetdelacapacitédecertainsorganismesàmieuxexploiterlanourritureque d’autres, nous allons nous intéresser à la biologie desmoustiquesAedesaegyptietAedesalbopictus.Cesdeuxdiptèresfontpartisdestueursensériesles plus actifs de la planète en transmettant à l’hommedes virus pathogènesaussidangereuxqueladengue,lechikungunya,lezikaoubienencorelafièvrejaune.Lecyclebiologiquedesmoustiquessecaractériseparunephaselarvairequisedérouledansl’eau(œuf,larveetnymphe)etunephaseaérienne(adulteailé)durantlaquellelesmâlesetlesfemellessenourrissentdesucsvégétaux;seuleslesfemellessegorgentdesang.Lacompétitionentrecesdeuxespècesdemoustiques-sommetouteassezsemblabledansleurmorphologie,anatomieetcomportementalimentairedeleurslarves-avantagepresquetoujourssurleterrainlaproliférationd’Ae.albopictusaudétrimentdecelled’Ae.aegypti.Desrecherchesmenées en laboratoire ont révélé quepour assurer leur croissancejusqu’àl’adulte,leslarvesd’Ae.albopictusavaientbesoindedeuxfoismoinsde nourriture que celles d’Ae. aegypti (Darriet, 2016). Ainsi,Ae. albopictuspeutsedévelopperdansdescollectionsd’eaupauvresenmatièreorganiqueoùAe. aegypti ne peut survivre que difficilement. Les performancesexceptionnelles d’Ae. albopictus en matière d’exploitation trophiques desmilieuxexpliqueraitdonc,enpartie,lecaractèreinvasifdecemoustiqueainsiqueladisparitionprogressivedesonconcurrentAe.aegyptidanslesrégionsdumondeoucesdeuxespècescohabitent.LescréaturesdisparuesduCambrienontprobablementétédecellesquin’ont

pas pu exploiter, durablement, le milieu qui les abritait. La concurrencealimentaireentreplusieurscommunautésanimalesamènedoncàlaproliférationdes espèces les plus compétitives, aggravant du même coup la situation desespècesdéjàmenacées.Cetteinégalitéàexploiter lesressourcesnutritionnellesdes milieux a entraîné le monde vivant dans un goulet d’étranglement quiexplique le cône de la diversité décroissante. S’ajoute à cette diversitéparadoxalementgénératriced’érosionbiologique,lesphénomènesd’extinctionsphysiquesgénéréspar les chutesdemétéorites, les périodesglaciairesoubienencore les épisodes de volcanisme intense. Pendant les périodes géologiques

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calmes, l'évolution répond à la sélection naturelle qui donne aux variants lesmieux adaptés une plus grande chance de se reproduire et de survivre. Enrevanche, pendant les périodes d'extinctions massives générées par unévènementbrutal,lavienesetrouveplusréguléeparlasélectionnaturellemaisparuneforceaveuglequidétruittoutauhasard.LafameuseloteriedeStephenJGouldqui,selonlui,exercedespressionssurlemondeduvivantquis’opposentauxforcesgraduellesdelasélectionnaturelle.

L’ENFERVERTDUCARBONIFÈRE(-360à-286Ma)L’extinctiondemasseduDévonienayantprincipalementaffectélafauneetla

floredesocéans,l’évolutiondesespècesterrestrescontinuasonascensionversladiversité.Lesraisonsdecefoisonnements’expliquentparlamiseenplaced’unclimat tropical sur l’ensemblede laplanète.Lesplaines aux solsgorgésd’eaufavorisèrent l’installation de vastes forêts marécageuses. Le ciel menaçant audessusdesfougères,lépidodendrons,sigillairesetcalamodendronscharriaitdesnuages lourds de pluie tandis que dans les sous-bois vibrait une atmosphèrechaude et humide. Des forêts sombres, d’un vert uniforme où vivait ets’entredévorait une légion d’arthropodes géants et d’amphibiens patauds. Pourles arthropodes, le record de taille fut détenu par un mille-pattes du nomd’Arthropleura.Cemyriapodelongdetroismètressenourrissaitdesplantesetdu bois mort jonchant le sol des forêts. Les scorpions et les araignéesparcouraient les sous-bois à la recherche de proies tandis que les insectesgrouillaientdans lessolset lessouchespourries.Dans lesairsvrombissaitunelibelluledontl’enverguredesailesavoisinaitsoixantecentimètres.Meganeura-telestlenomdecettelibellulegéante-chassaitdesproiesaussigrossesquedesblattes.LegigantismeaffichéparlesarthropodesduCarbonifères’expliqueraitpar la quasi-absence de prédateur, une nourriture abondante et un taux enoxygèneatmosphériqueprochede30%(au lieudes21%actuels).Cette teneurélevée en oxygène résulte de la forte activité photosynthétique des plantes.Inversement, le gaz carbonique puisé dans l’atmosphère pour fabriquer lacellulose va subir un enfouissement progressif mais massif. Les stratessuccessivesdematièresvégétalesvonts’empilerlesunessurlesautressurdescentaines demètres et produire, quelques centaines demillions d’années plustard,lesgisementsdehouille.

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Photo 4 : Les fougères très présentes dans les forêts marécageuses duCarbonifèreontactivementparticipéàlaformationdesgisementshouillers(ClichéFrédéricDarriet).

SileCarbonifèreestl’époquedesforêtsgrouillantesd’arthropodesgéants,ila

vu naître aussi et s’épanouir la classe des amphibiens. Comme leur ancêtreIchthyostega apparu auDévonien supérieur, les amphibiens duCarbonifère sedéplaçaient pataudement sur leurs membres courts. Leur colonne vertébraleencore fragile ne supportait que difficilement leur énorme corps. À la fin duCarbonifèreapparurentaussilespremiersreptiles,moinsdépendantsdesmilieuxaquatiquesdanslamesureilspouvaientpondreleursœufsàmêmelesoletnonplusobligatoirementdansl’eaucommelesamphibiens.Laplusgrandeavancéeévolutive qui accompagna les reptiles fut sans contexte l’apparition de l’œufamniotique (Lévêque &Mounolou, 2008). Pourvu d’une coquille protectrice,l’œufamniotiquepossèdedesréservesnutritivesquipermettentàl’embryondese développer sansmanquer de nourriture.La plus grande autonomie terrestredes reptiles doublée de leur capacité à pondre pas forcément à proximité desplans d’eau les amenèrent vers un succès évolutif qui s’échelonna sur descentainesdemillionsd’années.SilaviesurTerreconnutuneévolutionrapide,lavie marine en revanche changea peu. Les poissons cuirassés disparurenttotalement en cédant leurs places aux poissons cartilagineux et osseux. Nerestaient plus aussi que quatre espèces de trilobites. Le Carbonifère supérieurconnut également des soulèvements importants qui donnèrent naissance auxpremières montagnes des Alpes et des Rocheuses. Ces bouleversementsgéologiquesamenèrentaveceuxdesévèreschangementsclimatiques.Lachaleurhumide qui baignait la Pangée fut remplacée par des épisodes saisonniersalternantsaisonshumidesetsaisonssèches.Lesforêtsmarécageusesdisparurent

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progressivement au profit de massifs forestiers composés d’arbres à aiguilles(gymnospermes)plusrésistantsaufroidetàlasécheresse.Ainsis’annonçaitunenouvellepériode,lePermien,auclimatsecetauxterresplusarides.

LAGRANDEHÉCATOMBEDUPERMIEN(-286à-245Ma)LetermePermienvientdelavilledePermenRussieoùsesituel’undesplus

importantsgisementsfossilifèresdecetteépoque.LeschangementsclimatiquesamorcésàlafinduCarbonifères’intensifièrentpendantles41millionsd’annéesqueduralePermien.Lessaisonss’accentuèrentàmesurequeletempspassait.Enune journée, la températurepassaitde0à40°C.Sides lambeauxde forêtsmarécageuses subsistaient encore à la périphérie des mers intérieures de laPangée, le reste du continent subissait un climat uniformément aride. Ladestruction des forêts pluviales entraina l’extinction du myriapode géantArthropleuraetde la libelluleMegagneura.Sibonnombred’espècesadaptéesauxmilieuxhumides s’éteignirent, lePermienvit en revanche apparaître touteunecohortedereptilesauxformesétranges.Cettepériodesecaractérisasurtoutparl’apparitiondesreptilesmammaliens.Certainsreprésentantsdecegroupe-àl’exemple du cynodonte - étaient couverts de poils. La fonction d’auto-régulationdela température(homothermie)sembledoncavoirprisracineavecles reptiles mammaliens du Permien. Cette époque connut par ailleurs desévolutions biologiques innovantes, comme la bipédie saurienne ainsi quel’apparitiondespremiersvertébrésvolants.Poursedéplacerd’arbreenarbre,depetits reptiles arboricoles étaient pourvus de membranes localisées de chaquecôté du corps. Des sauriens plus imposants développèrent des voiles dorsalesdont les surfaces fortement vascularisées assuraient la fonction d'échangeursthermiques.Lesocéanssepeuplèrentderedoutablesreptilesmarins.Aveccetteénumération rapide et évidemment non-exhaustive de la faune du Permien, iln’est pas difficile de comprendre que cette période fut l’antichambre de lafulguranteascensiondurègnedesdinosaures.Maisavantdenousintéresseràlaplusextraordinaireodysséedugigantismeanimal,lafinduPermien(-225Ma)connut une septième extinction qui décima 95% de la viemarine et plus de70% des espèces terrestres (voir la figure 3). Les trilobites déjà affaiblis parl’extinction du Dévonien ne survécurent pas à cette nouvelle crise. Cettedécimation majeure du vivant fut attribuée à une période de réchauffementclimatique sans précédent, probablement due à une activité volcanique intenseaccompagnée d’émissions massives de gaz carbonique et de méthane dans

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l’atmosphère(OgdenandSleep,2012).

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CHAPITRE4LEMÉSOZOÏQUE

LeMésozoïqueouèreSecondaire(-245à-65Ma)setrouveprisenétauentre

les deux plus sévères extinctions de masse que notre planète ait jamais eu àaffronter : la crise du Permien-Trias et celle du Crétacé-Tertiaire. Les troispériodes qui composent cette ère - le Trias, le Jurassique et le Crétacé - sontdécritesdansleslivresd’histoirepouravoirétélethéâtredel’essoretdelamortdesdinosaures.SilePrécambrienetlePaléozoïqueévoquentlapréhistoiredelaviesurTerre,leMésozoïqueenreprésenteleMoyen-âge.LeMésozoïque,c’estaussi une ère d’expérimentations biologiques dont les innovations les plusaboutiesonttraverséletempsjusqu’ànotreépoquemoderne.

UNMONDEDEREPTILESL'écorceterrestresecomposedeplusieursplaquesmobilesquisefrottentetse

chevauchentconstammentlesunessurlesautres.Lemoteurdecesmouvementsestalimentépar lescourantsdeconvectiondumagmaà l'intérieurdumanteauterrestre.Sousl’actiondecesforces-ditestectoniquedesplaques-, laPangées’estdiviséeendeuxcontinentsdistincts:laLaurasiaaunordetleGondwanaausud.UneactivitévolcaniqueintenseaccompagnacettedislocationdelaPangéeavecdesémissionsimportantesdegazcarboniqueetdevapeurd’eau.Audébutdu Trias (-245 à -208Ma), les tétrapodes se composaient essentiellement desamphibiens et des reptiles mammaliens. Les œufs mous et gélatineux desamphibiens ne pouvaient être déposés que dans l’eau. L’apparition de l’œufamniotiquechez les reptilesputpar contrebriser cettedépendanceà l’eau.Leplus connu des reptiles mammaliens est sans contexte le Cynodonte dont lafemelle pondait ses œufs dans un terrier et allaitait ses petits. Tandis qu’unelignée bien distincte de reptiles mammaliens évolua vers la classe desmammifères,lesautresespècesdecegroupedisparurenttoutesàlafinduTrias.Les causes de cette crise restent encoremal connues, toutefois cette huitièmeextinction (voir la figure 3) a coïncidé avec une période de forte activitévolcanique(Ruhletal.,2011).Ladiversitébiologiquerégressademoitié,cequipermitauxdinosauresdecoloniserlesnichesécologiqueslaisséesvacantesparlesfaunesantérieures.LeTriasfitplaceauJurassique(-208à-144Ma)célèbrepour ses dinosaures. Les dinosaures les plus impressionnants (sauropodes)possédaientunepetitetêtesoutenueparunlongcou.Quatremembresrobustes

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portaientleurcorpsmassifquiluimêmeseprolongeaitparunequeuelongueetmobile. Le sauropode le plus connu est le Diplodocus. Le Brachiosaurereprésentequant à lui l’animal terrestre leplus longet leplus lourdquenotreplanèten’aitjamaisporté.Ilmesuraitvingt-cinqmètresdelong,douzedehautetpesaitpasmoinsdetrentetonnes.Leszoologuesestimentquedesanimauxaussivolumineuxauraienteubiendumalàsurvivresansengloutirl’équivalentd’unedemi-tonnedefourrageparjour.Orlafaiblessedeleursdentsetlapetitessedeleurcrâneneleurspermettaientpasd’ingurgiterdetellesquantitésdenourriture.D’autantque lamatièrevégétale se composeengrandepartiedecellulose,unpolymèreduglucosequelerègneanimaldanssonensembleabeaucoupdemalà digérer. Seules certaines bactéries et champignons sont armés du bagageenzymatiqueadéquatpourdégraderlacelluloseenglucose.AuDévoniendéjà,lesinsectesentretenaientdesrelationssymbiotiquesavecdesbactériescapablesde digérer la cellulose. Des symbioses similaires existent encore de nos jourschezdenombreuxinsectes,l’exempleleplusconnuétantceluidestermitesquis’installentetsenourrissentdeshuisseriesetdescharpentesdenosmaisons.Detelles symbioses se déroulent aussi dans le système digestif de nombreuxherbivores contemporains. Face à l’universalité apparente de ce typed’association, il est fort probable que les dinosaures aient eu eux aussi abritédansleurtubedigestifdesbactériescapablesdedégraderlacellulose.Plus rapides et plus féroces que leurs cousins végétariens, les dinosaures

carnivores ont régné enmaîtres sur les paysages du Jurassique et duCrétacé.Contrairement aux sauropodes qui se déplaçaient nonchalamment sur leursquatre pattes, les carnosaures couraient sur leurs deux pattes postérieures, leurépaisse et longue queue leur servant de balancier. Le plus impressionnant descarnosaures fut Tyrannosaurus rex, une créature bipède qui vécut à la fin duCrétacé(-68et-65Ma).Ilmesuraitdouzeàquatorzemètresdelong,cinqàsixmètresdehauteurpourunpoidsdesepttonnes.NousnepouvonspasclôturerceparagraphesurcesimpitoyablesprédateursduJurassiquesansparlerducélèbreVélociraptormisenimagedanslefilm«JurassicPark»deStevenSpielberg.LeVélociraptorétaitunprédateurhabileàlachasse,sedéplaçantviteetenmeuteàlapoursuitedesaproie.Desétudesrécentesconfirmentquecedinosaureavaitdesplumessur lecorps.Lapreuveenaétéapportéeparun fossiledecubitusdécouvertenMongolieen1988etayantappartenuàunVélociraptorquivivaitàla fin du Crétacé (Turner et al., 2007). Parmi les autres dinosaures terrestres,citons entre autre, leStegosaurus dont le dos était orné de solides rangées deplaques osseuses. L’Ankylosaurus dont le corps était recouvert d’une armure

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osseuses’étendantdelatêtejusqu’àlaqueue.Lesdinosauresàcornesaussitelle redoutableTriceratops.Bien que n’appartenant pas auxdinosaures, d’autressauriens appelés dragons des mers peuplaient les océans. Dans les eauxprofondesvivaientlesgigantesquesplésiosaures.LesIchtyosauresaussidontlemufle armédedents était semblable à celui des dauphins actuels.Nous avonsjusquelàparcourulesoldescontinents,explorerlesprofondeursdesocéans;nenousresteplusqu’àéleverlesyeuxversleciel.Etdanslesairslesreptiless’ytrouvent aussi en très grand nombre. Les ptérosaures n’appartiennent pas nonplus au groupe des dinosaures. Ces reptiles volants sont pourtant restés lesmaîtresducielduTriassupérieuràlafinduCrétacé(-225à-65Ma).Ilsétaientrecouvertsd’une fine fourrure.ÀpartirduJurassiquesupérieurapparurentdesptérosaures plus évolués appelés ptérodactyles. Ces derniers supplantèrentcomplètement les formes les plus primitives jusqu'à la limite du Crétacé-Tertiaire.Uneattentiontouteparticulièreàunanimalquiregroupeàluiseullescaractéristiques des reptiles et des oiseaux. Si l’Archæopteryx fut le premierreptile à avoir développé de vraies plumes, il semble néanmoins probable queson vol fut encore très maladroit. Cet animal ne possédait en effet pas lescaractéristiques anatomiques des oiseaux modernes, à savoir la fixation desmuscles alaires sur le bréchet et un cerveau suffisamment développé pourcontrôler les enchaînements moteurs d’un vol de bonne qualité. Un fossileparticulièrement bien conservé de cet animal a été retrouvé dans les calcairesschisteuxdelacarrièredeSolnhofenenAllemagne.Nousnesaurionsterminercette odyssée des reptiles sans citer le passage de la Bible qui y faitindirectement référence. «Dieu créa les grandsmonstresmarins et toutes lesespècesd’animauxquisefaufilentetgrouillentdansl’eau,demêmequetouteslesespècesd’oiseaux.Etilconstataquec’étaitunebonnechose.Dieulesbénitendisant:quetoutcequivitdansl’eausemultiplieetpeuplelesmers;etqueles oiseaux semultiplient sur la terre ! Le soir vint, puis lematin ; ce fut lacinquièmejournée»(Genèse1,21-23).Quelleextraordinairesuperpositiondesévènements entre ce que dit la Bible et l’ère du Mésozoïque décrite par lascience. Cette concordance des épisodes biologiques s’avère d’autant plussurprenantequ’àlafinduMésozoïqueapparurentl’Archæopteryxetsescélèbresplumes. La plume ! Le mésozoïque inventa un organe/outil d’une ingéniositésans pareille qui permit aux oiseaux de conquérir le monde. La Bible ne setrompedoncpasendisantque«touteslesespècesd’oiseaux»sontapparuesenmêmetempsqueles«grandsmonstres»(dinosauresetautressauriens)danslamesureoùc’estbeletbienlecouplereptile/plumequifutàl’originedetousles

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oiseauxdumonde.MaisleMésozoïquefutl’initiateurd’autresorganes,chezlesplantescettefois:lafeuilleetlafleur.Deuxinnovationsquicommelaplume,vont se révéler si parfaite dans leur conception, que toutes les deux s’en irontcoloniserl’ensembledesterresémergées.

LESINVENTIONSDELANATURES’il est une leçon que nous devrions tous retenir du passé de notre planète,

c’est qu’elle a toujours su préserver ses innovations biologiques les plusperformantes.LePrécambriennousarévélélarichessedecesinventionsaveclasynthèse des premières protéines, des acides nucléiques sans qui l’ADNn’existeraitpas,l’apparitiondespremièrescellulesvivantes,delaphotosynthèsequipermitauxcyanobactériesd’ouvrirlavoiedelavieaérobie.LePaléozoïquefutricheaussieninventionsavec,entête,l’explosioncambrienneetsamultituded’organisations anatomiques. Puis vint le Mésozoïque avec ses plumes, sesfeuilles et ses fleur ; trois nouvelles conceptions d’une ingéniosité si parfaite,qu’ellesonttraversélesmillionsd’années.Ilestditdelaplumequ’elletiendraitsesoriginesd’uneécailledereptile.C’estvraiquelesplumescommelesécaillessont constituées de kératine. Or si l’écaille se compose d’une plaque plus oumoins uniforme, la plume elle, se compose d’une tige centrale sur laquelles’insèrentdesbarbesdisposéesenlames.Lesbarbesdelalamedemeurentelles-mêmesreliéesentreellespardesbarbuleséquipéesdeminusculescrochetsquimaintiennentl’ensembleenunestructureétancheàl’eau.Ilnefaitaucundouteque les oiseaux ont évolué à partir des reptiles. Il est toutefois difficiled’imaginer,d’autantqu’iln’existeaucuneformeintermédiaireentrel’écailleetlaplume,parquelhasardincroyableuneécailleapusetransformerenunoutildevolaussiparfait.PourlesDarwinistes,laplumejetteunepasserelleentrelesreptilesetlesoiseaux.Unepasserellecertes,dontonconnaîtlesdeuxextrémitésmais absolument rien de l’intervalle qui les sépare. Autres inventions duMésozoïque, chez les végétaux cette fois: la feuille et la fleur. Les premièresplantesàfeuillesetàfleurs(angiospermes)apparurentpendantleCrétacé(-144à -65 Ma) (Coiffard et al., 2007). Comparée aux autres formes végétales, lafeuillesecaractériseparunesurfaceplanericheenchloroplastesetdonccapabledecapterplusefficacementlalumièredusoleil.Plusdelumière,celasignifieunrendementphotosynthétiqueplusimportantetdoncpourlevégétal,lapossibilitédefabriquerplusdecellulose.Avecunrendementaussiélevé,lafeuilles’épuisevite et meurt chaque année en tombant sur le sol. En même temps que

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s’accumuledanslessous-boisunequantitéimportantedematièreorganique,sedéveloppe dans l’humus une kyrielle d’organismes qui dégradent la matièreorganiqueenselsminérauxànouveauassimilablesparlesplantes.Pourcequiest de l’histoire des fleurs, les botanistes ont découvert que l’altération decertains gènes propres au développement floral conduit à la croissance destructuresvégétalessemblablesàdesfeuilles.Iln’estdoncpasimpossiblequ’auCrétacé,lesgènesamenantàlaformationdesfeuillesaientsubiuneouplusieursmutationscapablesdegénérerdes fleurs.Lespremières fleursontdûêtre trèssimples dans leurs formes et dotées d’une gamme de couleurs rudimentaire.Ellesévoluèrentparlasuiteendesformespluscomplexesassortiesdecouleursplus chatoyantes. Certaines d’entre-elles furent même capables d’émettre dessubstancesodorantes.Anatomiquement,unefleursecomposed’unpistil(organefemelle)etdeplusieursétamines(organesmâles)situéessurlamêmefleurpourles plantes monoïques ou bien sur deux fleurs différentes dans le cas desvégétaux dioïques. Or, qu’elles soient monoïques ou dioïques, les fleurs ontsouventbesoind’unintermédiairepourdéposersurlepistil,lepollenproduitparles étamines. Les insectes trouvèrent au fond des calices un nectar riche ensucres.S’établit de la sorte trèsvite et auprofit desdeuxparties, unvéritablepartenariat entre les règnes végétal et animal.Des ordres nouveaux d’insectesapparurentverslemilieuduCrétacé,lesplusassujettisaurégimefloralétantleshyménoptères (abeilles, guêpes, bourdons et fourmis), les lépidoptères(papillons) et les diptères (mouches et moustiques). Ces trois ordresdéveloppèrentdesappareilsbuccauxadaptésàlarécoltedupollenetdunectar.Leshyménoptèressedotèrentd’unelanguepoiluepourboireleliquidesucréetdebrossessurlespattesarrièrepourramasserlepollen.

Photo 5 : Les abeilles sont des insectes hyménoptères qui participent

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activementàlapollinisationdesplantesàfleurs(clichéFrédéricDarriet).

Les lépidoptèreset lesdiptèresdéveloppèrentune longue trompecapabledepuiserlenectaraufonddescorolles.Aufinal,lesplantesàfleurspermirentauxinsectes d’évoluer vers des formes différentes, ayant des comportementsnouveaux. La prolifération des plantes à fleurs dans les prairies et à tous lesétages des forêts contribua également à l’explosion des oiseaux insectivores.Une fois fécondé, l’ovaire de la fleur se transforme en un fruit contenant desgraines. Les fruits nourrissent les oiseaux, les reptiles et les mammifèresfrugivores. Les graines sont mangées par toute une légion de petits animaux,lesquelsparticipentà leur tourà leurdissémination.Ainsi, la fleuraprovoquéune évolution en cascade qui a permis l’essor des insectes pollinisateurs, desoiseaux et desmammifères insectivores, frugivores et granivores. Cette faunemoderne partageait lesmêmes territoires que les vieux sauriens toujours aussiactifsetnombreux.Puisvintlejouroùlaplanètefutsubmergéeparundélugedefeu et de cendres.Ce jour là, lemonde vécut l’une des plus brutales rupturesbiologiquesdetouslestemps!

UNENÉMÉSISTOMBÉEDUCIELFinduCrétacé:-65Ma.Lesoleilselèveenilluminantlesommetdesarbres

d’une lumière dorée. La vie s’anime à tous les étages de la forêt, oiseaux,reptiles,arthropodes,mammifères…tousrépondentauxbesoinspressantsdelavie ; manger, boire, s’accoupler et survivre aux prix d’impitoyables combats.Pour l’heure, rien ne présage de la terrible catastrophe qui va s’abattre sur lemonde. Les dinosaures règnent en maîtres. Les mammifères toujours trèsclairsemés partagent leur aire de prédation avec leurs concurrents directs, lesreptiles.Ledramequiachangésiradicalementlecoursdel’histoireasurgidel’espacesouslaformed’unemétéorite.Imaginonsuninstantunemontagneplushauteetvolumineusequel’Everestquipercutelesoldelaplanèteàunevitessede90000kilomètresàl’heure.L’impacteutlieudanslapresqu'îleduYucatan,plus précisément à Chicxulub auMexique. L’énergie instantanément produitepar l’impact a été évaluée à cinq milliards de bombes atomiques de typeHiroshima. Une énergie colossale qui, en une fraction de seconde, creusa uncratère de 200 kilomètres de diamètre. Les morceaux de la croûte terrestredisloquéepar lechocsemélangèrentàdelavapeurd’eau, le toutformantunegigantesquecolonnededébrisetdecendres.Lechampignondefeuetdematièreen fusionenveloppa laTerre sousunnuagedecendres incandescentes.Autant

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dire que dans cette fournaise, beaucoup de plantes et d’animaux se sontconsuméscommedestorches.Forêts,savanes,etsteppesnefurentbientôtplusquedesétenduesdecendresnoires.L'obscurcissementducielparlescendresfitchuterlestempératuresendessousdezéro.L'hiverdit«nucléaire»séchelonnasur une dizaine d'années, une décennie entière de famine au cours de laquelletous lesdinosauressuccombèrent (neuvièmeextinction) (voir laFigure3).Lesplantesquineflambèrentpasaumomentdel’impactmoururentdufroidpolairequis’installapartoutsurlaplanète.Moinsdevégétauxàmanger,lessauropodesherbivores furent de ceux à s’éteindre les premiers, suivis de près par lesdinosaures carnivores. Les paléontologues se sont toujours demandés si lesdinosauresappartenaientaugroupedesanimauxàsangfroidoubienàceluidesanimaux à sang chaud. Le métabolisme des reptiles modernes varie selon latempérature, les amenant lorsquecettedernière chute, àunétatdevie ralentieappelée hibernation. Si cette dépendance à la chaleur et au froid fut aussicontraignantechezlesdinosaures,alorslafroideurdel’hivernucléaireassociéeaumanquedenourrituremituntermerapideàleurrègne.Nesurvécurentdoncaudramecosmiquequelesanimauxquipurentàlafoisseprotégerdufroidetsecontenterderationsalimentairesplusréduites.Deuxgrandsgroupesrépondirentàcesexigences:Lesoiseauxetlesmammifères.Lesoiseauxsontdesvertébrésailésdontnousavonsvuque lesdinosauresétaient leursancêtres.Lesoiseauxdégagentunechaleurinterneélevée,cequilesrangedanslegroupedesanimauxàsangchaud.Leurcorpscouvertdeplumeslesprotègedesurcroîtdel'eauetdufroid. Les mammifères sont aussi des animaux à sang chaud dont le corpsrecouvert de fourrure les protège également de l’eau et du froid. Les oiseauxcommelesmammifèrespurentdonclutterefficacementcontrel’hivernucléaireensenourrissantd’insectesetdegraines.Ayantungabaritdescentaines,voiredesmilliersdefoispluspetitqueceluidesdinosaures,lesoiseauxfranchirentlapériode de disette sans trop avoir à souffrir du manque de nourriture. Lesmammifères et les petits reptiles (serpents, lézards, crocodiles, tortues…)survécurent aussi à l’épisode destructeur en creusant des terriers dans le sol.Dans les océans, la décimation n’épargna pas le plancton ainsi que les grandssauriens aquatiques, les ammonites et les bélemnites.Sur terre, les plantesquirésistèrent lemieux au froid et aumanque de lumière furent celles qui purentaffronter le long hiver nucléaire sous la forme de graines (gymnospermes etangiospermes).

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Photo 6 : Cette peinture murale photographiée dans un musée au Texas(États-Unis)illustrelachutedelamétéoritequiprovoqualadisparitiondesdinosaures(clichéFrédéricDarriet).

Lathéoriedel’impactmétéoritiquedeChicxulubauMexiqueaétéavancéeen

1980 par le géologue américainWalterAlvarez et son équipe (Alvarez et al.,1984). Les prospectionsmenées un peu partout dans lemonde au niveau desstrates de la limite du Crétacé et du Tertiaire révélèrent des concentrationsanormalementélevéeseniridium.Cemétalappartenantaugroupeduplatineestquasiment absent surTerre. Il est par contre abondant dans lesmétéorites.Enplus de donner une réponse à l’énigme de la disparition des dinosaures, cettedécouverte réactiva la vieille querelle qui a toujours vivement opposécatastrophistesetgradualistes.

CATASTROPHISMEVERSUSGRADUALISMENousl’avonscomprismaintenant,l’histoiredelaviesurnotreplanèteaconnu

de nombreux soubresauts. Les fossiles enfouis dans les strates géologiquesracontent le récit mouvementé des règnes vivants. Le premier scientifique àtraitersérieusementdesextinctionsdemassefutl’anatomisteFrançaisGeorgesCuvier (1769-1832)qui, à la findu18ème siècle, proclamaquenon seulementdes périodes de crises anéantissaient une quantité incroyable de plantes etd’animaux, mais qu’en plus, ces périodes avaient été courtes et violentes. LathéoriedeCuvierconnuesouslenomdecatastrophismeneconnutquepeudesuccèsauprèsdesespairs.Lecatastrophismefutd’ailleursrapidementsupplantéparlathèsedel’uniformitarismequeprônaCharlesLyell(1797-1875)puisparcelledugradualismedeCharlesDarwin(1809-1882).CharlesLyellécrivaitdans

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son ouvrage «Principles of geology » que les extinctions de masse n’étaientqu’unevuede l’espritetque laTerreavaitété façonnée très lentement, surdelongues périodes par les forces que sont l’érosion des sols, les éruptionsvolcaniques et les glissements de terrain (Lyell, 1830). Avec son livre«L’origine des espèces », Charles Darwin amena à son tour une conceptionnouvelle et gradualiste de l’évolution du vivant en énonçant les principesfondateursdelasélectionnaturelle(Darwin,1859).Ainsis’opposèrentau18èmesiècle, catastrophisme, uniformitarisme et gradualisme. L’église de son côtés’appuyait sur certains versets de la Bible qu’elle avait faussement interprétécomme étant fixistes. Il ne fait désormais plus de doute pour personne que lemondeduvivantévoluemaisqu’enplus,ilasubitouteuneséried’extinctionsmassives. L’iconographie conventionnelle des extinctions de masse récence àcinqlenombredesdécimationsquiontfrappénotreplanète:1-Findel’Ordovicien(-440Ma):Cetteextinctionacausél'éradicationd'un

tiersdesespècesvivantes,2- finduDévonien (-365Ma) :Lesarchives fossilesmontrentque70%des

invertébrésmarinsn’ontpassurvécuàcetépisode,3- finduPermien (-225Ma) :C’est l’extinction laplus radicalede tous les

temps avec la disparition de près de 95 % de la vie marine et de 70 % desespècesterrestres,4-finduTrias(-210Ma):Ladiversitébiologiqueadiminuédemoitié,cequi

apermisauxdinosauresdecoloniserlaTerre,5-finduCrétacé(-65Ma):Cettecriseamisuntermeà160millionsd’années

desuprématiesaurienne.Les extinctions de masse sont classiquement répertoriées à partir du

Paléozoïqueor,nousl’avonsconstaté,desdécimationstoutesaussiviolentesontanéanti des faunes et des flores entières duPrécambrien (voir la figure 3).Lapremièrecrisebiologiqueaeulieuvoici2,1milliardsd’annéesquandlepremierphylumdesorganismespluricellulaires(fossilesduGabon)futanéantiaucoursde la glaciation Varanger. Les deuxième et troisième décimations furent àl’originede ladisparitiondes créatures constituant les faunesd’Édiacara et deTommot (-600 à -530 Ma). Enfin la quatrième et dernière extinction nonrépertoriée provoqua la disparition des nombreux embranchements apparus aucoursdelatrèsprolifiqueexplosioncambrienne(-510Ma).Cenesontdoncpascinqextinctionsquiontébranlélemondeduvivantmaisneuf,dumoinsjusqu’àladernièredécimationofficiellequiprovoqualadisparitiondesdinosaures.Lescausesdecesextinctionssontmultiples:émissiondegaztoxique,volcanisme,

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effet de serre, glaciation, chute demétéorite… les causes sont nombreuses etcertainementpastoutesidentifiées.Quoiqu’ilensoit,lesextinctionsdemassesprovoquèrent de véritables ruptures dans la chaîne du vivant. Point n’estnécessaired’êtrelemieuxadaptéaumilieu,l’agentresponsabledeladécimationexterminetout,lesfaiblescommelesplusforts.Lamétéoritequifutàl’originede l’extinction des dinosaures montre à quel point ces décimations sontétrangèresauxprincipesdel’évolutiongraduelle.LaloterieduvivantselonlestermesdeStephenJ.Gould!Uneloterieannihilatricedeviequimontresurtoutleslimitesdudarwinisme.D’autresavancerontquelesévènementsquiaffectentl’universsetrouventinscritsdansunesortedecodecosmique.Nousreviendronsplus tard sur cette dualité duhasard et dudéterminismequi divise encorebonnombredescientifiques.Àcestadedelaréflexion,nouspouvonsavancersanstropnoustromperqu’auxpériodesd’évolutiongraduelledesespècess’opposentles extinctions de masse au cours desquelles une proportion significative desespèces animales et végétales disparaît de la surface du globe.GeorgeCuvieravaiteuraisonensonépoqued’avancerquelerègnevivantétaitsoumisàdespériodes de crises aussi brutales que dévastatrices. Charles Darwin, le pèrefondateur du gradualisme, avait vu juste aussi dans la mesure où entre deuxcataclysmes, c’est bien la sélection naturelle qui façonne lemonde du vivant.Afin de concilier les théories de Cuvier et de Darwin, une alternativeintéressantefutproposéeparStephenJ.GouldetNilesEldredgeselonlaquellel'évolution procéderait selon une ligne discontinue, alternant périodes destagnationévolutiveavecpériodesdegrandesinnovationsbiologiques(Gould&Eldredge,1972).Lemondeseraitainsi faitdepetitschangementsgraduelsquis’accumulent dans le temps et ce, jusqu’à ce que sévissent des évènementscataclysmiquesquiredistribuentlesrôles.Lesheureuxgagnantsnesurviventpasseulementparcequ’ilssontlesmieuxadaptésmaisparcequ’ilsonteulachancedesetrouverloindel’évènementdestructeur.Cettevisiondel’évolutionhachéeparunesuccessiondemomentscritiquesn’aplustropgrand-choseàvoiraveclavisionconventionnelledugradualisme.LaBibledécritelle-mêmedanslespagesde laGenèse, la plus spectaculaire extinction de tous les temps. Tout d’abordDieuditàNoé«Quantàmoi, jevaisprovoquerunegrande inondation,pouranéantirtoutcequivit.Toutcequisetrouvesurlaterredevrapérir»(Genèse5, 17). Ainsi, jugeant que tout ce quimarche, vole ou rampe sur la Terre estcorrompu,Dieu décide de noyer les continents sous les eaux.De façon plutôtdirecte, ce verset de laGenèse décrit les effets générés par unedécimationdemasse.RappelonsquelepassagedudélugedanslaBibleetdesesconséquences

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sur la biodiversité a été écrite parMoïse il y a de cela 3500 ans. LaBible etavant elle les écrits sumériens se retrouvent donc être les premiers écrits del’histoirehumaineàavoirdécritleconceptd’extinctiondemasseetdeseseffetssurlemondeduvivant.

DESMAMMIFERESTIMIDESMAISTENACESSi leMésozoïque est associé au règne des reptiles, il ne faut cependant pas

minimiserlerôlequ’ontjouélesmammifères.CesdernierssontapparusàlafinduTrias(-200Ma).Lesdinosauresetlesmammifèressepartageaientlesmêmesterritoiresmaisladestinéedesunsetdesautresasuiviunchemintrèsdifférent.Pendantquelesreptilesprospéraientsurlaterre,leseauxetlesairs,lespremiersmammifères occupaient des habitats restreints et strictement terrestres. Lesmammifères descendent d’une lignée de reptilesmammaliens ayant survécu àl’extinctionduTrias.Lesfossilesmontrentquelespremiersmammifèresétaientdepetitetaille,delagrosseurd’unesourisoud’unrattoutauplus.Leurclasses’estdiviséeendeuxgroupesconnussous lesnomsde«protothériens»etde« thériens ». Le plus proche ancêtre des mammifères protothériens est lecynodontedontnousavonsvuqu’ilcreusaitdesterrierspourpondresesœufsetallaiter ses petits. Si les protothériens disparurent pratiquement tous lors de ladécimation de masse qui eut lieu à la fin du Crétacé, il subsiste néanmoinsencoredenosjoursenAustraliedeuxreprésentantsdecettebrancheancienne:l’ornithorynque et l’échidné. Ces animaux qui appartiennent à l’ordre desmonotrèmesdemeurentlesdeuxseulsrescapésprotothériensàpondredesœufset à allaiter leurs petits. L’autre grand ensemble est celui des thériens quiconstituent l’immensevariétéde formes et demœursdesmammifères actuels.Lesthérienssedivisentenmarsupiauxetenplacentaires,tousdeuxapparusaudébut du Crétacé (-100 Ma). Chez les marsupiaux, les femelles accouchentd’êtresimparfaitementformésquisenourrissentdulaitdelamèreàl’intérieurd’unepocheventrale.Cen’estqu’aprèsunepérioded’incubationsupplémentairequelespetitssortentdelapochepourvivrenormalementauprèsdeleurmère.Les marsupiaux actuels vivent en Australie et en Tasmanie, parmi eux setrouvent,entreautres,lekangourou,lewallaby,lekoalaoulewombat.Pourcequiestdesmammifèresplacentaires,lespetitssortentducorpsdelamèreàunstade avancéde leurdéveloppement.Orqu’il soitmarsupial ouplacentaire, lenouveau-né se nourrit du lait maternel qui contient, en plus des matièresnutritives indispensables à sa croissance, des anticorps qui le protègent des

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maladies. L’allaitement dont les origines remontent aux reptiles mammaliensconstitueuneavancéemajeuredansl’histoiredelavie.Enplusdenourriretdeprotéger les nouveau-nés des affections parasitaires ou virales, l’allaitementfavoriseuncontactplusétroitentrelespetitsetleurmère.Cetterelationmère-rejetons, relativement frustre au début, ne cessera de s’affirmer avec le tempsjusqu’à générer au cours des ères et des époques suivantes, des dynamiquesnouvellesauseindesgroupementsanimaux.MaispoursuivonsmaintenantnotrepassionnanteexplorationdelaviesurTerreetentronsdansl’èreduCénozoïque.Dessurprisesnousyattendentlàaussi…etnondesmoindres!

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CHAPITRE5LECÉNOZOÏQUE

L’èreduCénozoïqueouTertiaireadébutéilya65millionsd’années,aussitôt

aprèsladécimationquimituntermeaurègnedesdinosaures.LeCénozoïqueestcomposé des trois grandes périodes que sont le Paléogène, le Néogène et leQuaternaire. Qualifiée d’âge d’or des mammifères, cette ère a vu naître unemultituded’espècesdifférentesdontHomosapiens.LeCénozoïque,c’estaussil’ère d’intenses bouleversements géologiques qui ont donné naissance à dehautes chaînes de montagnes et séparé les continents par de vastes mers etocéans.

LARADIATIONÉVOLUTIVEDUPALÉOGÈNE(-65à-24Ma)Plus de dinosaures ni de grands sauriens sur les terres, les eaux ni les airs,

ainsi commence leCénozoïque.LePaléogène est la première périodede cetteère,celle-ciétantellemêmescindéeentroisépoques:lePaléocène,l’Eocèneetl’Oligocène. Le Paléocène débuta après la décimation de la fin du Crétacé.Comme après toutes les périodes qui suivent une extinction de masse, lePaléocène se caractérisa par une radiation explosive des espèces survivantes.Pour ce qui est de la configuration dumonde, certains continents issus de laPangéecontinuèrentàs’écarterlesunsdesautresalorsquepourd’autres,leursplaques se heurtèrent en soulevant de hauts massifs montagneux. L’océanAtlantique s’ouvrait pendant que de l’autre côté du globe, l’Australie etl’Antarctiqueseséparaientendeuxcontinentsdistincts.L'Indesedésolidarisaitde l'Afrique tandis qu’en Europe, la collision entre les plaques eurasienne etafricaine entraînait la formation des Alpes et des Pyrénées. Sur le continentaméricain, l'événement géologique majeur fut la formation des montagnesRocheuses,s’étendantdunordausudsurplusde3500kilomètres.Aucoursdecettepériodegéophysiquementtrèsagitée,leclimatdelaplanèteserefroidittoutendevenantplus sec.D’immensesprairiesentrecoupéesde forêts recouvraientles plaines et les montagnes. Dans ces environnements désormais vides dedinosaures, lesmammifèressediversifièrentet semultiplièrentà toutevitesse.Les plantes à fleurs et leurs cohortes d’insectes pollinisateurs continuèrent àprendre leuressor.Les troncset lesbranchesdesarbresabritaientdes insectesxylophages, l’humus du sol entretenu par la chute saisonnière des feuillesnourrissait d’importantes colonies d’arthropodes. Autant de petites proies qui

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profitèrent aux mammifères insectivores. Les insectes nourrirent aussi lesoiseaux qui prirent possession du ciel aussitôt les ptérosaures décimés. Ainsis’écoulèrent les quinze millions d’années du Paléocène avec une faune quis’essayait sur unemultitude de voies nouvelles. L’Eocène qui dura à son tourunevingtainedemillionsd’annéesengendraunesecondevaguederadiationdesespèces. Les températures élevées et les océans chauds de cette époqueamenèrentunclimathumideetdouxquifavorisaunpeupartoutsurlaplanète,l’installation de vastes forêts humides. Les mammifères se diversifièrent denouveau très rapidement. Apparurent les chauves-souris, les ancêtres deschevaux mais aussi les zèbres, les tapirs, les rhinocéros, les éléphants et lespremiersruminants.Lesmammifèrescarnassiersdevinrentplusgros,plusfortsetpluspuissants.Danslesforêtsdensesvirevoltaientdebrancheenbranchelespremiers primates. Les forêts marécageuses de l’Eocène abritaient aussid’étrangesoiseauxherbivoresconnussouslenomdeGastornis.Cescolossesdeplusdedeuxmètresdehautpossédaientdeuxpattes longues et puissantesquileurspermettaientdecourirvite surde longuesdistances.LesGastornisnéaudébutdel’Eocèneeurentunrègnebrefdanslamesureoùilsdisparurenttousàlafindecetteépoque.Lepointdel’évolutionleplussurprenantdel’Eocènefutleretourdecertainsmammifèresaumilieuaquatique.Lespremierscétacéssonteneffetapparusaucoursdecetteépoquevieillede50millionsd’années.Deuxordres de mammifères s’en retournèrent vivre dans les eaux des mers et desocéans : les cétacés et les siréniens. Des recherches réalisées sur les fossilesdisponibles montrent que les cétacés sont phylogéniquement proches deshippopotames. Les mêmes études faites sur les siréniens ont révélé que cesderniers détenaient des d’affinités avec les éléphants. Beaucoup de leurscaractères anatomiques évoquent d’ailleurs leur ancienne vie terrestre. Lescétacés comme les siréniens respirent l’air atmosphérique, à l’inverse despoissons qui utilisent l’oxygène dissous dans l’eau. Le fait que ces animauxallaitent leurs petits nous rappelle qu’ils appartiennent à la classe desmammifères. La dernière époque du Paléogène (Oligocène : -35 Ma) connutquantàelleunremaniementprofonddesafaune.Lerefroidissementgénéraldeszones tempérées associé à une aridité croissante des biotopes favorisal’installation de milieux ouverts de type savane, steppe ou toundra. Cettemodification des environnements terrestres appelée la « grande coupure »provoqua une nouvelle extinction de masse (la dixième selon notre propreclassification)(voitlaFigure3),affectantessentiellementlesfaunesd’Europeetd’Amériquedunord(Costaetal.,2011).Ladisparitiondecesfaunessefitaussi

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sous la pression insistante d’autres lignées plus invasives venues du continentasiatique. La régression des habitats forestiers affecta les populations desprimatesarboricolesprosimienstandisquedanslessavanesquinecessaientdes’étendre vivaient d’importants troupeaux d’herbivores. L’Oligocène fut enquelquesorte, lecreusetdelafuturemégafauneterrestreauseindelaquellesedessinèrentlesespècesmodernesdesherbivores.Pourcequiestdel’histoiredesprimates,noussavonsmaintenantqueceuxquivivaientdanslesforêtshumidesde l’oligocène furent supplantéspar despopulationsdeprimates anthropoïdes.Cesderniersnepossédaientplusdequeueetlevolumedeleurcerveauétaitdéjàplusimportantquelessingesprosimiens.L’étudedeleursdentsmontraqu'ilssenourrissaientdeproduitsvégétauxassortisd’uncomplémentcarnéoccasionnel.DupointdevuedelaBible,lesmammifèressontidentifiéscommeappartenantaux groupes « animaux domestiques, petites bêtes et animaux sauvages » quiapparurentlesixièmejourdelacréation.«Quelaterreproduisetoutesespècesde bêtes : animaux domestiques, petites bêtes et animaux sauvages de chaqueespèce ! Et cela se réalisa » (Genèse 1, 24). L’appellation « animauxdomestiques»pourdésignerunepartiedelaclassedesmammifèresnechoquepasdans lamesureoù laplupartdesgrandsanimauxapprivoiséspar l’hommeprovienteneffetdelaclassedesmammifères.

LESHISTOIRESENBOUCLEDEL’ÉVOLUTIONAvant de poursuivre notre voyage sur les eaux tumultueuses de la vie,

arrêtons-nous un moment sur les histoires en boucle de l’évolution. Lespremières formes de vie naquirent dans l’océan primitif du Précambrien. Lesprocaryotes furent les premières à apparaître puis vint le tour des celluleseucaryotes qui, très vite, s’assemblèrent en des êtres pluricellulaires.L’adaptationdelaviemarineàlavieterrestrepritbeaucoupdetemps,pasmoinsde deux milliards d’années. Ce changement a nécessité un remaniementimportant du vivant, tant au niveau de la morphologie que de la physiologiecellulaire. Conséquence première de cette réorganisation, les branchies despoissonsdurentse transformerenpoumons.Lesanimauxquivivaientdans leseauxsaléesdurentdesurcroîts’adapteràlapressionosmotiquenettementmoinsimportante des eaux douces. Autant de chamboulements physiologiques quidemandèrent du temps et toute une succession de mutations héréditaires.Pourtantà l’apogéede leur règnesur terre, les reptiles réinvestirent lesocéanspouryhabiterenmaîtrespendantdesmillionsd’années.Mêmecoupdethéâtre

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aveclesmammifères,qui,unefoisqu’ilssefurentparfaitementbienadaptésàtouteslesnichesterrestres,regagnèrentpourcertains,lesmersetlesocéanspouryfonderdesordresnouveaux(cétacés,siréniensetpinnipèdes).Lesancêtresdesmammifères marins modernes auraient donc été par le passé des animauxterrestres ou amphibies, ayant eu à leur disposition 50millions d’années pours’acclimater d’un environnement continental à marin. De nombreusesmodificationsfurentnécessairespourtransformerunmammifèrequadrupèdeenune baleine, lamantin ou morse : changement des pattes en nageoires, de laqueue en nageoire caudale, profilage du corps, transformation des dents enfanonspourlesbaleines…lalisteestlongueetnonexhaustive.

Photo7:Baleinephotographiéepas loindescôtesduNouveau-BrunswickauCanada(clichéFrédéricDarriet).L’éternel problème lorsque l’évolution gradualiste s’attaque aux

transformationsprofondesduvivant,c’estque lesarchives fossilesnerévèlentbien souvent rien des formes intermédiaires. Il est vrai aussi que les mœursaquatiquesdecesanimauxnefacilitentpasletravaildespaléontologuesdanslamesure où les formes intermédiaires sont mortes depuis bien longtemps etqu’elles reposent très probablement pour beaucoup d’entre-elles, au fonds desmers et des océans. Un jour peut-être, retrouverons-nous l’ensemble de ceschaînonsmanquants!

LARADIATIONHOMINOÏDEDUNÉOGÈNE(-24à-2Ma)Enabordant ladeuxièmepériodeduCénozoïque,nousentronsdepleinpied

dans laprochebanlieuedumondemoderne.LeNéogènesesubdiviseendeux

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époquesquesontleMiocène(-24à-5Ma)etlePliocène(-5à-2Ma).Avecses22 millions d’années, le Néogène représente la période la plus courte del’histoirede laTerreor,cefutpourtantdurantcelle-cique lemondeduvivantchoisit de prendre un tournant radicalement nouveau. Au Néogène en effet,l’évolution œuvra bien au-delà des classiques restructurations anatomiques etphysiologiquesendotantcertainescréaturesd’uneforcetotalementnouvelleenbiologie : l’intelligence. Pour bien comprendre le sens de cemot, il nous fautdésormais nous aventurer bien au-delà du cadre strict de l’évolutiondarwinienne.Danslesforêtsdensesquirecouvraientlecontinentafricainvivaitun hominoïde du nom d’australopithèque. Ce grand singe d’il y a 5 millionsd’annéessenourrissaitdefeuillesetdel’écorcedesarbrestoutenpassantlaplusgrandepartiedesonexistencedanslacanopée.Unmondedeforêtstranquillesabondammentarroséesetoùcourait,delamerMortejusqu’aufleuveZambèze,unsystèmedefaillesàforteactivitésismique(valléeduRift).Lesterressituéesàl’estdelafaillesesoulevèrentenhautsplateauxtandisquecelleslocaliséesàl’ouestrestèrentdesplainesforestières.Lesnuagesquiseformaientaudessusdel’océanAtlantiquedéversaientleurpluieàl’ouestdelafaillealorsqu’àl’est,lesprécipitationsbloquéesparlesa-picsetlesvolcansétaientrares,entraînantuneréductionimportantedesespacesforestiers.Legrouped’australopithèquessituéàl’ouestdelafaillecontinuaàvivreuneviearboricoledansuneforêthumideetdense.Àl’estde lafaille, laforêtfutprogressivementremplacéepardevastessavanes.Les australopithèquesde cette régiond’Afriquedurent s’adapter àunenvironnementplusaride.Cepartagedel’Afriqueendeuxenvironnementstrèsdistincts,l’unboiséethumideetl’autreherbeuxetarideentrainal’évolutiondel’hominoïdeancestralendeuxlignéesdistinctes.Lesaustralopithèqueslocalisésàl’ouestdelavalléeduRiftsontlesancêtresdesgorillesetdeschimpanzésetceuxsituésàl’est,desfuturshumains.Cettethéoriesurlesoriginesdel’hommefutlapremièrefoisavancéeparl’éthologisteallemandAdriaanKortlandt(1918-2009) (Kortlandt,1972).Dans l’environnementouvertqueconstitue la savane,l’australopithèque acquit une station debout qui lui permit de se servir de sesdeuxmainspourfabriquerdesoutils.L’australopithèqueétaitunhominoïdedeforte corpulence, doté de mâchoires puissantes lui permettant de manger desfeuilles, des fruits, des écorces et des tubercules. La très médiatiséeaustralopithèque femelle du nom de Lucy se fit d’ailleurs connaître du grandpublic par une reconstitution de son squelette retrouvés en 1974 sur le sited’HadarenEthiopie.Aucunsqueletted’australopithèquedelalignéedeLucynefut trouvéà l’ouestducontinentafricain toutcommeaucunsquelettedegrand

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singenefutjamaisdécouvertàl’estdel’Afrique.Cequifitdireàbonnombredepaléontologuesquel’humanitéétaitnéedanslesgrandessavanesafricaines.Les températures qui commencèrent à baisser au début duNéogène chutèrentplus encore à la fin du Pliocène. L'environnement devint plus aride encore etl'alternance des saisons plus prononcée. L’australopithèque savanicole auquelappartenait Lucy dut faire face à l’apparition sur son terrain de chasse et decueillette, d’un concurrent plus adapté aumilieu et pourvu d’un cerveau plusgros.NousnoustrouvonsmaintenantàlafinduPliocène(-2,5Ma),uneépoqueaucoursde laquelleapparutHomohabilis, lepremierd’une longue lignéequimena à l’homme moderne. Homo habilis se caractérise par des membresinférieursrobustesetdesmembressupérieurspluslégers.Mêmes’ilsedéplaçaitdans les arbres avec une grande agilité, sa station debout plus assurée luipermettaitdefranchirdegrandesdistances.Lesoutilsenpierrequ’ilfabriquaitl’aidèrent à découper la viande et à casser les os pour en extraire la moelle.Homohabilis coexistapendant un temps avec les australopithèques jusqu’à cequecesderniersdisparaissent.Ladistinctionentrel’australopithèqueetl’Homohabilisn'estd’ailleurspastoujoursfacileàétablirdanslamesureoùlasciencenedoitplusseulementcomparerdesanatomiesetdesmorphologiesdifférentesmais prendre en compte les aspects sociétaux et les émotions de personnesintelligentes.Laconsciencepermetd’analyserlemondealentour,deprendredesdécisions puis d’adapter son comportement en fonction de cette prise dedécision.L’environnementoùévoluaitHomohabilisprésentaitbiendesdangers.La faune répertoriée au Pliocène comprenait de gros mammifères herbivores,telslemammouth,lecheval,lecerfetl’éléphant.Orquiditherbivores,ditaussicarnivores dont le plus redoutable de tous était le tigre à dents de sabre(smilodon).PendantlaplusgrandepartieduPliocène,leclimatdemeuradoux.Sur sa fin cependant les vents du nord apportèrent avec eux les prémices desgrandes périodes glacières. Les forêts tropicales continuèrent à se réduire etn’occupèrent bientôt plus qu’une étroite bande équatoriale. Les savanes àgraminées au sud, les steppes et la toundra au nord s’étendirent sur tous lescontinents. L’Antarctique devint un désert de glace balayé par les vents. Auxlatitudessituéesjusteendessousdel’Arctique,lesarbresauxfeuillagescaducslaissèrent la place à des forêts de conifères, plus résistantes au froid.D’immensesglaciersdévalèrentdupôlenordpourensevelirl’Europeetlenorddel’Amériquesousdeskilomètresdeglace.Unenouvellepériodes’annonçait,le quaternaire, témoin des grandes glaciations et de l’apparition de l’hommemoderne.

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GLACIATIONS ET RADIATION HUMAINE DUQUATERNAIRE

Lesglaciersrecouvrantdésormaisunegrandepartiedel’hémisphèrenord,les

animauxetlesplantesn’eurentpasd’autrealternativequedes’installerdanslessteppes et les toundras interglaciaires. Cohabitaient dans ces environnementsconstammentbalayésparlesventsfroidsvenusdunord,unefaunecomposéedebœufs musqués, d’aurochs, de cerfs, de rennes, de renards, de rhinocéroslaineux, d’éléphants et de mammouths. Dans les montagnes d’Europe vivaitaussi le redoutable ours des cavernes, formegéante de notre actuel ours brun.Des hordes de loups parcouraient les steppes à la recherche d’un buffle àdévorer.Lestroupeauxdebisonss’étendaientàpertedevuedanslesimmensesprairies du continent américain.Sur ces terres vivait aussi lemégathérium, unanimaldeplusdesixmètresdelongetpesanttroistonnes.Ceparesseuxgéantde la tailled’unéléphantpossédaitdesgriffesde trentecentimètres, trèsutilespourdéterrerlestuberculesdusoletfairefaceàsonennemimortel:letigreàdentsde sabre.Autre animal tout aussi imposant et insolite, le glyptodon,uneespèce tatou géant mesurant trois mètres et pesant une tonne. Le glyptodonpeuplaitlessavanesàgraminéesdel’Amériquedusud,dupliocèneàlafindupléistocène.Cettedernièreépoque(-2Maà-10000ans)futàbiendeségardsune époque rude, caractérisée par une successionde changements climatiques.Danslesmomentsdefroidlesplusintenses,laglacerecouvritjusqu'à30%delasuperficiedescontinentssituésaunorddel’équateur.Latransformationdel'eaudesmersetdesocéansenglaceentraînaunfortabaissementde leursniveaux.Lapremièregrandeglaciationduquaternairedébutailya2,4millionsd’années,enraison trèsprobablementd’unebaissede l'intensitédurayonnementsolaire.Plusausudetdoncàl’abridessévicesd’unhiverquisemblaitnejamaisvouloirse terminer, Homo habilis et Homo erectus (-1,5 Ma) furent les premiershominidés à peupler les savanes d’Afrique. Homo habilis ayant un régimealimentaire plus végétarien que carnivore et Homo erectus au contraire, unrégimepluscarnivorequevégétarien, il futpeuprobablequecesdeuxespècesaienteutàs’affronterpourassurerleursubsistance.Lesosfossilesdecesdeuxespèces attestent pourtant qu’elles ont très certainement vécu sur les mêmesterritoires pendant au moins 500 000 ans (Gallien, 2002). Finalement,Homohabiliss’éteignitenlaissantàsoncousinHomoerectus lesoindeconquérir lemonde.Lespremièresmigrationshumainesfurentcomposéesdepetitsgroupes

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dechasseurssedéplaçantaugrédesdéplacementsdestroupeaux.Homoerectusdomestiqua le feu (à partir de foyers engendrés par la foudre) et façonna desoutils en silex. Il construisit aussi des abris sommaires qui le protégeaient desintempéries et des animaux sauvages. Son voyage à travers l’Afrique l’amenasurlesterresd’Europeetd’Asie.Letempspassa,HomoerectusdisparutàsontouretapparutHomosapiens.Néilya150000ans,Homosapiensdevinttrèsviteunchasseuraccompli,sesqualitésdefinstratèges’affinantaucoursdesonpériplequileconduisitàsontourdesterresd’Afriqueverslesuddel’Europeetde l’Asie. Ily rencontraHomoneandertalis dont la lignée fut crééeparHomoerectus établi sur ces terres depuis des milliers d’années. L’homme deNeandertalseraitdoncleproduiteuropéendel’isolementgénétiquedel’Homoerectus venu des savanes d’Afrique. Les néandertaliens maîtrisaient le feu,taillaientlapierrepourfabriquerdesoutils,construisaientdeshuttes,chassaientlegrosgibieretenterraientleursmortsdansdessépultures.Lespaléontologuesignorent si les néandertaliens communiquaient à l’aided’un langage complexemaislestracesdeleurpassageencemondemontrent,indubitablement,queceshommespossédaientl’intelligencenécessaireàunlangageparlé.Ladécouvertedanslenord-ouestdel’Israëld'unepartiesingulièredecrânehumaindatantde55000 ans atteste que l’homme moderne et l’homme de Néandertal vivaientensemble sur ce même territoire. L’étude du crâne fossile permit en effet dedécouvrir des caractéristiques anatomiques propres aux deux groupesd'hominidés.Homo sapiensetHomoneandertalis auraient donc, pour certainsd’entreeux,partagéslesmêmesfoyersetlesmêmescouches.Enregarddecettedécouverte, il ne subsiste plus de doute que ces deux espèces étaientgénétiquementprochesl’unedel’autre(Hershkovitzetal.,2015).Ceciexpliqueaussi pourquoi les populations humaines en dehors de celles qui vivent enAfrique possèdent de 1,5 à 4% d’ADN néandertalien (Simonti et al., 2016).L’hommedeNéandertalétaitintelligent,adaptéàsonenvironnement,adroitdesesmains,pourvud’uncertainsensartistiqueetpourtantcedernierdisparutilyadecela30000ans.Ilestfortprobablequ’Homosapiensdevintunconcurrentredoutablepoureux,tantauniveaudelachassequedel’occupationdessols.Lanatureinvasivedel’hommemodernedoublédesafacultéàvouloirmaîtrisersonenvironnementfutprobablementàl’originedesonextinction.Homosapiensdeson côté se divisa enquatre groupesdistincts.Lepremiergroupe resta sur lesterritoires riverains de la mer Méditerranée, le deuxième groupe voyagea endirectiondescontrées froidesdunordde l’Europe, le troisièmegroupevers laSibérie puis le quatrième en direction de l’est asiatique. Après avoir conquis

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l’Europe du nord, L’humanité s’aventura au-delà du détroit de Behring etcolonisalecontinentaméricain.Enunpeumoinsdemilleannées,ilatteignaitlaTerredeFeusituéà l’extrémitéaustralede l’Amériquedusud(Leakey,1995).Homo sapiens chassait les grands animaux tout en récoltant des baies et destubercules.Leuractivitédechasseur-cueilleurlesentraînaitdeparlemonde,àlarencontre d’horizons toujours plus éloignés. L’espace sécurisant des cavernesoffraitleréconfortdeslonguesveilléesautourdufeu.Lesfamillesgrandissaientet les clans se fortifiaient. L’intelligence plus acerbe de certains ouvrit deschamps d’investigation jusque-là inexplorés. Le silex fut taillé de manière àcréer des outils tranchants capables de dépecer les animaux, des racloirs pouréquarrir les peaux, des hameçons en os pour pêcher les poissons. L’hommes’entourad’armesdepoingsetdejetsquiluipermirentdechasserlegrosgibier.

Photo8:Lafinessed’exécutiondecettepointedeflèchemontrecombienlespremiers hommes étaient habiles pour créer des outils d’une grandeefficacité(clichéFrédéricDarriet).

Le clan s’organisait, l’homme construisait, inventait, réfléchissait à des

problématiquesetdesconceptsnouveaux.Ildécouvritunjourqu’enmélangeantdesterresetdespigmentsdeplantesdecouleursdifférentes,illuiétaitpossibledefabriquerdespeinturesfacilesàétalersurlerocdescavernes.Enseservantdesesmainscommed’uncache, il inventa lespremièrespeinturesaupochoir.Sonimaginationneseheurtaitàaucunelimite,ildessinaitleshommesduclanpourchassantlemammouthetlecheval,lesfemmesetlesenfantsjouantaubordde la rivière. Il sculpta des bustes de femme, des têtes de cheval et de rennesdans de l’os et de l’ivoire.Le sens artistique de l’homme s’éveillait enmêmetemps qu’il s’interrogeait sur la nature véritable du monde… les plantes, les

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animaux, la Lune, les étoiles dans le ciel. Des plans de conquêtes prenaientformessouslestentesenpeauxdebêtes.Lespetiteshuttesqueleclanpouvaitdéfaire et reconstruire à volonté facilitaient les voyages et la traque destroupeaux dans les plaines. La dernière période glacière du pléistocène(glaciationdeWürm) s’échelonna sur 90000 années (-100000 ans à -10000ans).Ellevitdisparaîtrel’hommedeNeandertalainsiqu’unegrandepartiedelamégafaune terrestre parmi lesquels appartenaient le mammouth, le rhinocéroslaineux,l’oursdescavernes,lemégathérium,leglyptodonetletigreàdentsdesabre.En1876,AlfredRusselWallace(1823-1913),leco-inventeurdelathéoriedel’évolutionavecCharlesDarwinavançaquelesbouleversementsoccasionnéspar la succession des périodes glaciaires et des réchauffements climatiquesétaient à l’originede ladisparitionde certaines associationsvégétales,mettantainsi en péril les grands herbivores et leurs prédateurs. Or Wallace changearapidementd’avis.Ilécrivitcettefoisquelespériodesglacièresn’étaientpeut-êtrepaslesseulesàavoirprovoquélachutedesmastodontesetquel’hommeyétait très certainement pour beaucoup (Wallace, 1911). Au pléistocène, leshommes vivaient du produit de leur chasse. La traque incessante des grandsherbivores combinée au climat polaire de l’époque finit par affaiblir lespopulations de mastodontes au point de provoquer leur disparition. Lepléistocènesupérieurfutdonclethéâtred’unedécimationquiaffectal’ensembledelamégafauneterrestremondiale(laonzièmed’aprèsnotredécompte)(voirlaFigure 3). Les dix derniers millénaires virent également la banquise et lesglaciers fondre en même temps que les mers et les océans se remirent àsubmerger de vastes bassins continentaux. L’holocène marqua le début d’unepériodeinterglaciaireauclimatplusdoux.Avantdepoursuivrenotrevoyageenterredeshommes,arrêtons-nousunmomentsurlesconcordancesdetempsquise dégagent des textes scientifiques et de ceux écrits dans la Bible. LeCénozoïque(=èretertiaire)sescindeentroispériodesgéologiquesquesontlePaléogène, le Néogène et le Quaternaire. Les innovations biologiques qui ontmarqué cette ère se caractérisent par l’explosion desmammifères placentairesainsi que l’apparition des premiers hominidés. Si nous prenons le sixième etdernierjourdelacréationorchestréparDieu,nousnousapercevonsquelaBibleraconte lamêmehistoire.Dieucréa lesmammifères, l’hommeet la femmeaucours du sixième jour tout comme la science regroupa à l’intérieur duCénozoïque,lesradiationsévolutivesdesmammifèresetdugenreHomo.

LACRÉATIONDE L’HOMME ETDE LA FEMMEDANS LA

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BIBLEAvantdenousintéresseràl’hommedel’Holocène,ilestindispensabledevoir

cequelaBibleditàproposdelagenèsedel’hommeetdelafemme.Lesixièmejour de sa création, Dieu dit : « Faisons les êtres humains : qu’ils nousressemblent vraiment !Qu’ils soient lesmaîtresdespoissonsdans lamer,desoiseauxdanslecieletsurlaterre,desgrosanimauxetdespetitesbêtesquisemeuventaurasdusol!Dieucréalesêtreshumainsàsapropreressemblance,illescréahommeetfemme»(Genèse1,26-27).Dieuengendradoncleshumainsenlesfaçonnantàsonimage.LeplusinsolitedanscettepartiedelaGenèseestqueDieudit«Qu’ilsnousressemblentvraiment!».Quelestlesensdecenousvenantdelapartd’unDieuunique?CeNouscontientcequelaBibleenseignedeplusprofonddanssonmessage,àsavoirqueDieuestcomposéduPère(Dieului-même) de son fils Jésus-Christ et du Saint Esprit détenteur de l’amouruniverselduPèreetduFils.L’indissociablesymbioseduPèreetduFilsestdoncclairement exprimée dès les premiers instants de la création de l’humanité, cequimontreenretour,quel’humanitéporteenellelespromessesduPère,duFilsetduSaintEsprit.AucunautreêtrevivantsurTerrenepeutprétendreêtrel’égalde l’hommeoude la femme.Dieuahissé l’humanité au rangdeMaîtrede laplanètepourqu’elleprofitedesrichessesmisesàsadisposition.Cettesupérioritédel’hommesurl’animalestd’autantplusaffirméequeDieubénitleshommesetlesfemmesenleurdisant«Ayezdesenfants,deveneznombreux,peupleztoutelaterreetdominez-la[…]»(Genèse1,28).Surcepointenparticulier,l’humanité,qu’ellesoitreligieuseouathée,aconsciencieusementsuivilesrecommandationsdeDieu.L’hommeaconquis tous lesenvironnementsenexploitant toutcequipouvait lui servir pour améliorer ses conditions de vie. Cette domination del’hommesurl’animalestégalementmiseenavantparunprocessusdecréationoriginal. «Le seigneurDieu prit de la poussière du sol et en façonnaun êtrehumain.Puisilluiinsuffladanslesnarineslesouffledevieetcethommedevintun être vivant » (Genèse 2, 7).Ainsi donc, aussitôt après lui avoir donné uneapparencephysique,Dieuinsuffladanslesnarinesdel’hommelesouffledevie.Ce souffle de vie n’est rien d’autre que le souffle de Dieu qui contientl’intelligence,cetteforcequipermitàl’humanitédesehisseraurangd’espècedominante.Sil’hommefutleproduitd’unacteoriginalquivoulutquecelui-cisoitfaitàl’imagedesoncréateur,ilexistetoutefoisàproposdelanaissancedela femme, une ambiguïté qui fit couler beaucoup d’encre. «Alors le SeigneurDieufittomberl’hommedansunprofondsommeil.Illuipritunecôteetreferma

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lachairàsaplace.Aveccettecôte leSeigneur fitune femmeet laconduisitàl’homme»(Genèse2,21-22).AinsiEves’estvueforméeàpartird’unesimplecôted’Adam.Ilestdit,et,ceàjustetitre,quecepassagedelaBibleexacerbeleperpétuelettrèscritiquésentimentdesupérioritédel’hommeenverslafemme.Or, beaucoup de passages de la Bible et en particulier ceux de l’AncienTestamentontété inspiréspar les textesSumériens.Lacréationde lafemmeàpartird’unecôtedel’hommeappartientàl’unedecesinspirationssumériennes,si ce n’est que dans la Bible, cet emprunt a perdu tout le sens que celui-civéhiculait dans les textes originaux. Dans le poème de Sumer, il est en effetquestiondel’histoired’unhommenomméEnkiquisouffred’unecôtemalade.Ensumérien,lemot«côte»sedit«ti».Ladéessecrééepoursoignerlacôtemaladed’Enki futbaptisée«Ninti»,« ladamede lacôte ».Oren sumérien,«ti»signifieégalement« fairevivre».«Ladamede lacôte»estdoncaussi« la dame qui fait vivre » ayant soigné la côte malade d’Enki. Des écritssumériensoù«ladamequifaitvivre»soignelacôted’Enki,setraduitparunprocessusinversedanslaBibleoùla«naissanced’Eve»estorchestréeàpartird’unecôted’Adam.Lesdoubles significations inhérentesau langage sumérienontdesurcroîtperdutouteleurvaleurlittéraireunefoisqu’ellesfurentreprisesparlesécritshébraïquesoùlessensdesmots«côte»et«vie»nepossédaientplus le moindre lien entre-eux (Kramer, 1957). Dieu rappelle cependant enparlantdelafemme«Ah!Cettefois,voiciunautremoi-même»(Genèse2,23).Cettesimplepetitephrasebrise l’ambigüitésoulevéepar lesversetsprécédentsen hissant la femme à un autre soi-même de Dieu, homme et femme étantdéfinitivementégauxfaceauDivin.

L’ÉVOLUTIONDEL’HUMANITÉVUEPARLABIBLEEnscience, ilestdésormaisacquisqu’Homosapiensest lederniersurvivant

d’unelonguechaîneévolutivedontlesraciness’ancrentdansunpassévieuxdeplusieursmillionsd’années.Homosapiens estpeut-être lederniernédugenreHomo mais l’intelligence n’est certes pas apparue avec lui. La conscienced’appartenir à un monde vaste et complexe remonte probablement à notreancêtreHomohabilis.Dans laBible, lacréationde l’univers,de laTerreetdetoutes les créatures vivantes n’est décrite que les tous premiers paragraphesd’une immense fresque racontée surplusdemillepages.Etpourtant jamais sipeu de mots n’ont soulevé autant de controverses dans autant de domainesdifférents. Alors que les scientifiques clament l’inexactitude des écrits de la

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Genèse, les chrétiens refusent toute idée d’évolution du règne vivant. Maisqu’est-cequipermetauxscientifiquesetauxreligieuxdedirequelaBibleprônel’immuabilitédesêtresvivants?LaBible racontequeDieuacréé lesespècesvivantes or, dans aucun des versets que compte ce livre, il n’est dit que cesespècesrestentéternellementidentiquesàellesmêmes.Aucontraire,lepassagedelaGenèsequidécritlanaissancedel’hommeetdelafemmemetenavantunprocessus d’évolution de la conscience humaine qui valu àAdam et Eve leurexclusiondujardind’Eden.Reprenonsleversetquifait référenceà lacréationdel’hommeàpartirdelamatièreinerte«LeseigneurDieupritdelapoussièredu sol et en façonna un être humain. Puis il lui insuffla dans les narines lesouffledevieetcethommedevintunêtrevivant»(Genèse2,7).Dieuinsufflalavie et l’intelligence à l’homme afin qu’il profite pleinement de toutes lesrichessesmisesàsadisposition.«EnsuiteleSeigneurDieuplantaunjardinaupaysd’Eden,là-basversl’est,pourymettrel’hommequ’ilavaitfaçonné.Ilfitpousserdusoltoutessortesd’arbresàl’aspectagréableetauxfruitsdélicieux.Ilmitaucentredujardinl’arbredelavie,etl’arbredelaconnaissancedecequi est bien ou mal » (Genèse 2, 8-9). Les quatre mots « là-bas vers l’est »pointent-ils la direction des grandes savanes d’Afrique orientale où naquit etvécutHomohabilis?ParlasuiteDieurecommandaàl’hommequ’ilavaitcréé«Tupeuxmanger les fruitsden’importequelarbredu jardin, saufde l’arbrequidonnelaconnaissancedecequiestbienoumal.Lejouroùtuenmangeras,tumourras»(Genèse2,16-17).LesversetssuivantsdécriventlacréationdelafemmedontDieu dit qu’elle était un autre lui-même. «L’homme et la femmeétaient tous deux nus, mais sans éprouver aucune gêne l’un devant l’autre »(Genèse 2, 25). Ainsi Adam et Eve évoluaient dans le jardin d’Eden sans sesoucier de leur nudité. Les révélations de la Bible sur l’évolution del’intelligencehumaineapparaissentaumomentdeleurrencontreavecleserpentquileurfitcommettreàl’unetàl’autre,l’irréparable.«LeserpentétaitleplusrusédetouslesanimauxsauvagesqueleSeigneuravait faits.Ildemandaàlafemme:–Est-cevraiqueDieuvousadit:«Vousnedevezmangeraucunfruitdujardin»?Lafemmeréponditauserpent.–Nouspouvonsmangerlesfruitsdujardin.Maisquantauxfruitsdel’arbrequiestaucentredujardin,Dieunousa dit : « Vous ne devez pas en manger, pas même y toucher, de peur d’enmourir»(Genèse3,1-3).LeserpentdetromperAdametEveenleurrépondantàsontour:«–Pasdutout,vousnemourrezpas.MaisDieulesaitbien:dèsquevousenaurezmangé,vousverrezleschosestellesqu’ellessont,vousserezcomme lui, capablesde savoircequiestbienoumal » (Genèse3,4-5).Àce

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stadedurécitdelaGenèse,ilestabordésansdétourlaprésencedumalindanslejardind’Edenetdelapropensiondel’hommeetdelafemmeàécouter lemalplutôt que le bien. « Le soir, quand souffle la brise, l’homme et la femmeentendirentleSeigneursepromenerdanslejardin.Ilssecachèrentdeluiparmiles arbres. Le Seigneur Dieu appela l’homme et lui demanda : - Où es-tu ?L’hommerépondit:-Jet’aientendudanslejardin.J’aieupeur,carjesuisnu,et je me suis caché. – Qui t’as appris que tu étais nu, demanda le SeigneurDieu;aurais-tugoûtéaufruitquejet’avaisdéfendudemanger?»(Genèse3,9-11). Nous voici parvenu au cœur dumessage où se cache, sous une formeallégorique,l’évolutiondel’espècehumaine.Danssonpremieractedecréation,Dieuavaitcrééunhommeetunefemmequidéambulaientdanslejardind’Edensansmêmes’apercevoirqu’ilsétaientnus.Lespremiershommesetfemmes,telsqu’ilssontdécritsdanslalittératurescientifiquevivaientnuseuxaussidanslesimmensessavanesd’Afriquedel’est.Aprèsavoirmangélefruitdel’arbredelaconnaissance, la femmeautant que l’homme sevirent dotés d’une intelligencenouvelle qui leur permit d’accéder à un stade plus élevé de réflexion et des’apercevoirqu’ilsvivaientnus.L’évolutiondel’intelligencehumainesetrouvedoncmatérialiséedanslaBibleparl’arbredelaconnaissance.Cestadenouveaudelaréflexionhumainesetraduitd’ailleursdanslaGenèse,parlefaitqueDieufournit à Adam et Eve des vêtements de peaux. Les livres d’histoire ne nousmontrent-ilspaslespremiershommesdescavernesautourd’unfeu,habillésdepeauxdebêtes?«LeSeigneur fit à l’hommeet à sa femmedes vêtements depeauxdebête et les enhabilla.Puis il sedit «Voilàque l’hommeest devenucomme un Dieu, pour ce qui est de savoir ce qui est bien ou mal. Il fautl’empêchermaintenantd’atteindreaussi l’arbrede lavie,s’ilenmangeaitdesfruits il vivrait indéfiniment » (Genèse3,21-22).Ceverset sous-entendque sil’homme arrivait à percer lesmystères de la vie, il parviendrait à un nouveaupallier d’intelligence capable de lui ouvrir cette fois les chemins del’immortalité.L’histoired’AdametEve racontedemanière très symbolique lalongueaventuredugenrehumain.LerédacteurdecepassagedelaGenèse,dontlapaternité en a été attribuée àMoïse, décritAdametEvenonpas comme lepremier homme et la première femme de cemondemais comme deux entitésuniversellesauseindesquelleschacund’entrenouspeutsevoircommedansunmiroir. La dichotomie qui perdure entre la science et la religion entrained’interminables discussions qui, malheureusement, n’aboutissent qu’à desdésaccords.Lescroyantsdisentdesscientifiquesqu’illeurfautbeaucoupdefoipouraccepterqu’unêtreaussicomplexequel’hommesoitnédesseulesloisdu

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hasard !Selon le biologiste britanniqueRichardDawkins, la religion enseigneaux gens à se satisfaire de pseudo-explications surnaturelles et triviales(Dawkins,2006).BienplussageestlapenséedumicrobiologistefrançaisLouisPasteur (1822-1895) qui proclame « Un peu de science éloigne de Dieu,beaucoupdescienceyramène».DemêmelephysicienetindustrielaméricainThomasEdison(1847-1931),-celui-làmêmequiinvental'ampouleélectrique-affirma:«J’admiretouslesingénieurs,maissurtoutleplusgrandd’entreeux:Dieu!».EnOctobre1927,AlbertEinstein(1879-1955)lançauneformulequirestera célèbre « Dieu ne joue pas aux dés ». Albert Einstein était en effetconvaincuquel’universn’étaitpaslefruitduhasardmaisd’unensembledeloisprédéterminées. Selon lui, notre connaissance de la nature est incomplète etl’hommesedevrapourl’interpréterleplusjustementpossible,detenircomptedecequ’ilappelle«lesvariablescachées».

ENTERREDESHOMMESLa révolution du néolithique a commencé au début de l’Holocène (-10 000

ans). Le Proche Orient fut la première région du monde où leschasseurs/cueilleurs devinrent progressivement des agriculteurs/éleveurs. Cetteorganisation nouvelle des peuplements humains s’échelonna sur près de 4000ans. L’homme se mit à exploiter les environnements proches de son habitat,attribuant alors moins de temps à la chasse et la cueillette. L’agriculture estcertainement l'une des innovations du néolithique qui a provoqué le plus dechangementsdansl’organisationdessociétéshumaines.Ledésirdetravaillerlaterre pour y faire pousser des plantes était devenu possible avec leradoucissement du climat. Partout sur la planète, les hommes rivalisaientd’ingéniositépoursenourrir.Lesplainesfertilesdevinrentdescarrefoursoùlespeuples se mélangeaient tout en se sédentarisant. Le polissage des outils enpierrepermitd’obtenirdeshachesetdesherminettesauxtranchantsplusaffûtés.Les outils se perfectionnèrent mais les communautés agricoles découvrirentassez vite que les végétaux seuls ne pouvaient pas suffire à une alimentationéquilibrée.Ladomesticationdesespècesanimaless’orientaalors,naturellement,vers leschèvreset lesmoutonssauvages.Vintpar lasuite ladomesticationducochonetdubœufainsiquecelleduchevaletduchameau(Helmer,1992).Lesanimauxfurentélevéspourleurviandemaisaussipourleurlait,leurlaineetleurcuir.Lesautresgrandesavancéesquiontfavorisélasédentarisationdeshommestiennentdansladécouverteduplâtre,delabriqueetdelachaux.Cesmatériaux

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permirent la construction de maisons plus grandes et plus résistantes. Lesbâtimentsseregroupèrentenhameauxpuisenvillages.Lesconstructionsendurremplacèrent les huttes de peaux des chasseurs-cueilleurs. L'une des plusanciennesagglomérationsconnuesàcejourestcelledeJéricho.Lesmaisonsyfurentédifiéesavecdesbriquesetlespeinturesmuralesretrouvéessurlesmursdatéesde9000ans(Aurenche,1992).Denombreusesautresvillestoutesaussianciennes que Jéricho naquirent sur les rives de la mer Méditerranée. Leursruines parsèment encore les plaines désertiques de la basseMésopotamie. Lapuissante cité d’Our qui, dans l’Ancien Testament, est décrite comme le lieunatifdupatriarcheAbram(Genèse11:27-32).ÀUrukvécutleroiGilgamesh;lacitédeLarsaaujourd’huiappeléTellSenkerahenIrakfutpendantdessiècleslacapitaleduroyaumedesAmorites.Lesvilles lesplusanciennesde l’EgypteantiquecommeThèbes,LouqsoretKarnacsevirentenrichiesdetemplesaussiimposantsquemajestueux.D’autrescitésencoreàmoitiéenfouiessouslesabledesdésertsn’ontlivréqu’unepartiedeleurssecrets;àl’exempledelaGrandeBabylonequipendantdessièclesarayonnéparlagrandeurdesesmonuments,delatourdeBabelqueleDieudesHébreuxadétruitpourpunirleshommesdeleurarrogance,lepalaisdeNabuchodonosoretsessomptueuxjardinssuspendus.Des entrailles fécondes de ces puissantes cités émergèrent des courants depenséesnouvelles.Surtouslescontinents, leshommesinventèrent l’écritureetles mathématiques, les philosophes dissertèrent des principes de la vie, lesthéologiensécrivirentdestextessacrés,lesastronomesdressèrentdescalendrierssolaires et lunaires, les urbanistes construisirent des temples et des bâtimentspublics,des thermesetdesarènespour les jeux.Lesvillesdevinrentdes lieuxd’échange et de passage obligatoire pour une myriade de peuples venus desquatre points cardinaux. Les villes grandirent et les royaumes s’étendirent pardelàlesmersetlesocéans.QuecesoitenAsie,enEuropeouenAmérique,desempiresnaquirentpuisdisparurenten laissantde leurpassagedesvilles toutesplusmajestueuseslesunesquelesautres.Ladécouvertedubronze(-3500ans)provoqua une nouvelle et profonde mutation des sociétés du Néolithique. Lebronzefabriquéàpartirducuivreetdel’étainpermità l’hommedeforgerdesoutilsnouveaux.Furentainsiconfectionnésdesparures,desépées,descasques,des cuirasses et des instruments agricoles plus performants. Les agriculteursdessinèrentdespaysagesplusordonnés;lesfermess’agrandirent,leschampsetles enclos quadrillèrent la campagne. L’invention du bronze permit aussi defabriquerdesarmesnouvellesqui révolutionnèrent les techniquesguerrières. Ildevintpossibledeforgerdesépéeslongueseteffilées,desboucliers,deslances,

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desfléauxainsiquetouteunekyrielled’autresarmesdepoingsetdejets.Orlamétallurgiepritunnouvelet fantastiqueessoravec lamaîtrised’unmétalplusrobuste:lefer.Lepointdefusionduferétantde1500°C,ildemandaitpourêtrefondu et travaillé, la construction de forges plus perfectionnées. Au début del’âgedufer,cemétalpermitlafabricationd’objetsprécieuxmaisildevintvitelematériau le plus utilisé dans tous les domaines. Or d’invention en invention,l’humanités’enfermaprogressivemententre lesmursd’unmondeartificielquil’éloignadesesracines.Leshommesédifièrentdesgratte-cielhautsdeplusieurscentainesdemètres,cesdernierssefaisanteux-mêmeslespiliersdemétapolesregroupantdesdizainesdemillionsd’habitants.Faceàcettelenteetinexorableexplosion démographique, l’humanité ne possédait plus d’autre choix qued’extrairedusolde laplanète toutcequipouvaitêtreexploitépourassurersasurvie. Demême l’agriculture agro-pastorale se transforma en unemachine àproduire de tout et n’importe quoi. L’industrialisation du monde agricoleprovoqua une multitude d’effets indésirables sur les environnements naturels.Nous assistons aujourd’hui à unedouzièmeextinctiondumondeduvivant (lasixième selon la nomenclature conventionnelle) (voir la Figure 3). Voyonsmaintenantlesraisonsdecetteextinctionetlesdangersquel’humanitéencourtfaceàcettenouvelleetirréversibleérosiondelabiodiversité.

LADOUZIEMEEXTINCTIONDurantlesquatremilliardsetdemid’annéesquecomptel’histoiredelaTerre,

douzeextinctionsbiologiquesontébranlélesfondementsdelavie.Leséruptionsvolcaniques, lesbouleversementsclimatiqueset lachutedemétéorites figurentparmilescauseslesplusprobablesdecesgrandschavirements.Aprèschacunedecesdécimations,lavieamisbeaucoupdetempsàsereconstituermaisiln’endemeurepasmoinsqu’uneespècedisparuel’estàjamaisetreprésenteuneperteinestimable. La communauté scientifique s’accorde à dire que nous nousdirigeons actuellement vers un appauvrissement de la biodiversité dontl’ampleurs’assimileàunenouvelleextinctiondemasse.Or,à ladifférencedetoutes celles passées, c’est l’espèce humaine qui se trouve à l’origine de cettedouzième extinction. Tout a commencé au 18ème siècle, une période riche endécouvertes scientifiques et techniques. L’invention de lamachine à vapeur arévolutionné le monde de l’industrie. Avec l’inépuisable source d’énergiequ’apportaitlecharbon,lamétallurgieconnutundéveloppementspectaculaire.Ilfallait du fer pour répondre aux besoins dumondemoderne, du charbon pour

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alimenterleshautsfourneauxetlesmachinesàvapeuretdonc,toujoursplusdehouille à extraire du fond des mines. Le 19ème siècle fut à son tour celui dupétrole. Poussée par la demande forte des industries et en particulier celle dumondeautomobile, lepétroledevintviteetce,dès ledébutdu20ème siècle, lemoteur de l’économie mondiale. En plus des carburants liquides et du gaz,l’industrie pétrolière fabriqua une multitude de produits dérivés au nombredesquels se rangent les textiles synthétiques et les matières plastiques. Lesgisements de charbon et de pétrole sont le résultat de centaines de millionsd’années d’amoncellement de matières végétales et animales. Ces gisementsdatentduCarbonifère(-360Ma),périodependantlaquellelaPangéesetrouvaitcouvertedeforêtsmarécageuses.L’hommeextraitlecharbondusoldepuis250ans et le pétrole depuis un peu plus de 100 ansmaintenant.Le réchauffementclimatiquequipréoccupe tant les scientifiques résultede la combustiondecesdeux énergies fossiles. Tous processus de combustion dégagent du gazcarboniqueetlecharbonautantquelepétroleenlibèrentbeaucoup.CequeMèrenature a patiemment accumulé dans ses sols durant des centaines demillionsd’années, l’homme l’a en grande partie consommé en deux siècles et demi àpeine.Du18ème siècle jusqu’ànos jours, lesconcentrationsatmosphériquesendioxydedecarbone(CO2)ontaugmentéde40%,leméthane(CH4)de150%etl’oxyde nitreux (N2O) de 20% (IPCC, 2013). Le réchauffement du climat setraduitàl’échelleduglobeparunehaussedestempératuresdel’atmosphèreetdes océans, ce qui provoque une fontemassive des glaciers et des banquises.Avec la fonte des calottes polaires, le niveau des mers et des océans s’élèvelentementmaisinexorablement.Leréchauffementdelabiosphèresetraduitparun processus d’évaporation plus intense dont les conséquences immédiatesentraînentdespériodesdesécheressed’uncôtédelaplanètetandisquel’autre,des pluies accompagnées de phénomènesmétéorologiques d’une rare intensitéravagentlesvillesetlescampagnes.L’agricultureintensivetellequ’estpratiquéede nos jours est elle aussi génératrice de pollutions. La destruction des forêtsoccasionne de même des déséquilibres écologiques graves. Les espacesforestiers succombent sous l’assaut de machines puissantes qui labourent,déchiquètent les arbres et lacèrent le sol. L’exemple le plus honteux de ceconsumérisme forcené étant la destructiondes forêts densesdeBornéopouryplanter des milliers d’hectares de palmiers à huile. Dans ces forêts pluvialessacrifiées sur l’autel du rendement se trouve l’un des derniers refuges desorangs-outans. Beaucoup de ces primates ont été décimés par des incendiesvolontairementalluméspournettoyer les forêts.Undramesimilairesedéroule

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actuellement dans l’immensité amazonienne. L'Amazonie totalise 60% de lasurfacetotaledesforêts.Safauneetsaflorejouentunrôleécologiqueimportant,les arbres surtout qui transforment le gaz carbonique en oxygène. Les arbrestravaillent dans le silence des forêts profondes pour que la vie à l’échelonplanétaire puisse perdurer. Plus d’arbres dans les forêts, plus d’oxygène àrespireretlavies’envaàtrépas.Orl’étatdesantédu«poumondelaplanète»montredepuis troisàquatredécennies,des signesd’essoufflement.Malgré lesprotestations des associations écologiques et le cri d’alerte de nombreuxscientifiques, la déforestation de la forêt amazonienne ne cesse de s’accélérer.L'exploitation du bois associée au défrichement agricole demeure la causeprincipaledecesaccage.Ainsi,desforêtsdensesdeBornéoàcellesdubassinamazonienenpassantpar lesmassifs forestiersd’Afrique,d’Europeetd’Asie,l’hommedétruitlanaturepouryplanterdespalmiersàhuile,dusoja,dumaïs,du blé, de la canne à sucre… ces cultures consomment beaucoup d’eau, desfertilisants et des pesticides qui, en plus de décimer la faune utile à l’hommepolluentdevastesécosystèmes.

Photo 9 : Pour subvenir aux besoins d’une agriculture toujours plusintensive, centquatre-vingtmillionsde tonnesd’engrais et 2,4millionsdetonnes de pesticides sont déversées chaque année dans le monde (clichéFrédéricDarriet).

Faceàcetétatdeslieuxquelquepeualarmant,ilestdésormaisplusfacilede

comprendre le comment et le pourquoi de cette douzième décimation. Lesexemples d’extinctions liés à la seule présence de l’homme dans les milieux

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naturels se sontmultipliés cesmille dernières années. Lorsque lesMaoris ontcolonisélaNouvelleZélande,vivaitsurcesterresaustralesunoiseaudeplusdetrois mètres de haut : le moa. Les Maoris ont chassé les moas pour enconsommer la chair mais aussi utiliser leurs plumes pour la confection deparures.LesmoasdisparurentdeNouvelleZélandeilyaquatrecentsans.Sousd’autrescieux, lesdodosdes îlesMauriceetde laRéunionontétéexterminéspar lesnavigateursmaisaussipar leschats,chiens,porcset rats introduitspareuxdanslesdeuxîles.Demême, l’æpyornisdeMadagascarquimesurait troismètresetpesaitunedemi-tonnen’apassurvécuàl’arrivéedescolons.Lachasseetleramassagedesœufscombinésàladéforestationluiontétéfatalsaudébutdu 18ème siècle. La disparition de ces oiseaux nous montre combien lesécosystèmessontfragilesetsupportentmall’introductiondenouvellesespèces.Les extinctions dumoa, du dodo et de l’æpyornis n’ontmalheureusement pasbeaucoupinfléchilecomportementdel’homme.L’Unioninternationalepourlaconservation de la nature (UICN) affirme que 44 837 espèces animales etvégétales sont menacées d’extinction et que 804 espèces ont définitivementdisparues de la biodiversité terrestre (Vié et al., 2009). Le thon rouge de laMéditerranée est en passe de disparaître en raison d’une surpêche. En Chine,l’oursàcollierestcapturé,emprisonnépuistorturéafind’enextrairelabilequiparait-il,possèdedesvertuspharmaceutiques.Dans l’Arctique, l’oursblancestmenacéàcauseduréchauffementclimatique.Lerhinocérosblancd’Afriqueestmassacré pour vendre à prix d’or la corne sur les marchés asiatiques. Nouspourrionsciterégalementparmilesespècessurlepointdedisparaître,letigredeSibérie,leputoisàpiedsnoirs,LagazelledePrzewalski,lepigeonimpérialdesMarquises, le Hocco à pierre… la liste est longue et s’allonge tous les jours.Comme si laBible avait prévu depuis longtemps ce long cycle de destructionliéeàl’homme,celle-cinousdit«Laterreestendeuil,elletombeenruine.Lemondesedélabre,iltombeenruine.Lecielaussisedégradeenmêmetempsquelaterre.Laterreaétésouilléesouslespiedsdeseshabitants[…]»(Ésaïe24,4-5). Le plus inquiétant dans l’histoire est de constater que l’homme, dernieracteur arrivé sur la scène de l’évolution, soit celui qui justement ait provoquécettedouzièmeextinction.Unegrandepremièredansl’histoiredelaTerrequelegrand Charles Darwin lui-même en son époque, aurait eu bien du mal àimaginer.

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CHAPITRE6LAVIEPLURIELLE

Mêmesi lascienceet lesreligionsnes’opposentplusaussiviolemmentque

par lepassé, iln’en restepasmoinsquedes tensions subsistentencoredenosjours. Des deux côtés du mur, les idéologies s’affrontent plus ou moinsviolemment selon les cultures ; certaines s’accordant à voir une certaine unitéentrelesdeuxvisionsdelaviealorsqued’autres,aucontraire,nesefocalisentquesurlesdifférences.L’histoirenouslerappellesansarrêt,nombreuxfurentleshommesdescienceanimésd’unefoi indéfectibleenDieuet, inversement, toutaussi nombreux fut le nombre de religieux dotés d’une inébranlable rigueurscientifique. Une universalité de la pensée que je vous invite maintenant dedécouvrirdansunespacederéflexiontotalementouvertàladiscussion.

L’ÉVOLUTIONDIFFÉRENTIELLEDUVIVANTÀcestadedu livre, iln’estplus risquédedireque l’évolutionde lavie sur

Terre n’a pas été et ne sera jamais un long fleuve tranquille. Nous l’avonsdécouverttoutaulongdecelivre,notreplanèteestpasséepardenombreusesetlongues périodes d’équilibres entrecoupées de brefs et brutaux changements.Cettedynamiqueexplique,dumoinsenpartie,ladisparitionpuisl’apparitiondenouvelles espèces. Les douze décimations que nous avons inventoriées duPrécambrien à nos jours ont chacune éliminé une partie nonnégligeable de labiodiversité du moment. Les espèces survivantes à ces extinctions n’ontd’ailleursjamaisétédecellesquipossédaientlescaractèresanatomiqueslesplusperformants.CetteobservationassezconstantedansletempsfitdireàStephenJayGouldquesil’hommeétaitcapablederelancerplusieursfoisdesuitelefilmde l’évolution, celui-ci prendrait à chaque fois un chemin différent (Gould,1992).Selonlui,l'évolutions’apparenteraitàuneloteriequidécimelesespècesde manière aléatoire. Ces décimations aussi soudaines qu’hasardeusesn’expliquenttoutefoispaspourquoilaviesurnotreplanètesembleavoirdéjoué,et ce, à plusieurs reprises, les lois les plus élémentaires de la biologie. LePrécambrienet leCambrienvirent apparaître etdisparaître troisphylums, touslestroisradicalementdifférentslesunsdesautres.Lestracesfossilesdupremierphylum(-2100Ma)découvertesauGabonrévèlentdescréaturesdéjàcomplexesdans leur organisation anatomique. Le deuxième phylum, appelée fauneédacarienneapparutunmilliardetdemid’annéesplus tard.Lesspécialistesde

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cesdeuxlignéesprécambrienness’accordentàdirequechacuneaémergédansleseauxde l’océanprimitif sansqu’ilyaiteuentreelles, lepluspetitancêtrecommun.La fauned’Édiacaradisparutà son tour sans laisserdedescendance.Quinze millions d’années plus tard surgit un troisième phylum (faunecambrienne)composédetoutunensembledecréaturestrèsdifférenteslesunesdes autres. Peu d’élus nés de cette explosion cambrienne survivront pourengendrer les embranchements que nous connaissons aujourd’hui. La grandeénigme qui entoure la naissance de ces trois phylums réside dans le fait quechacundecesgroupementsestapparusansqu’ilyaiteuentreeux,lepluspetitfilconducteur.L’apparitionbrutaled’uneformedeviepluricellulairerelèvedéjàdelaprouesse!Quedirealorsquandlesfossilesnousmontrentquetroisformesde vie radicalement différentes se sont succédées sur un milliard cinq centsmillionsd’années.Lesmécanismesévolutifsimpliquésdanscestroisexplosionsbiologiquesrestentundéfipourlacommunautéscientifique.Commentunetellediversitéduvivanta-t-ellepuémergeraussirapidementetindépendammentlesunes des autres dans le cadre d’une évolution gradualiste ? La complexitécroissanteduvivants’estexpriméeauniveaudesanatomiesetdesinteractionsphysiologiques qui se sont établies entre les différents organes. Toutes lescréatures animales, de la plus simple à la plus compliquée, demeurent grossomodoconstruitesselonlemêmemodèle.L’animalmangeetsonestomacbroieetdissout lesmatières ingérées.Les intestins jouent le rôlede filtresqui laissentpasser les molécules indispensables au bon fonctionnement des cellules. Lespoumons et les branchies extraient l’oxygène du milieu ambiant, les organesgénitaux permettent à l’espèce d’assurer sa descendance, le système nerveuxcoordonnel’ensembledesactivitésbiologiques…lesorganesinterconnectéslesuns aux autres fonctionnent ensemble pour que l’organisme accomplisse demanière quasi-simultanée, la multitude des réactions physiologiquesindispensablesàsasurvie.Duverdeterreàl’homme,lesorganespourtanttrèsdifférentsdansleursformesetleursdispositionsassurentfondamentalementlesmêmes fonctions. La diversité biologique ne s’exprime donc en réalité qu’àtraversuneinfinitédeformesetdedispositionsspatialesdesorganes.Surleplande la physiologie, cette diversité disparaît au profit d’une unicité quasi-universelle.L’hommetoutcommel’ensembledescréaturesdecemondeviventgrâceàdesréactionsmétaboliquesquinediffèrentquelégèrementd’unêtreàunautre. Que ce soient la synthèse des protéines, des glucides ou des lipides, lafabrication des ARN, la réplication de l’ADN, la respiration cellulaire, laphotosynthèse… toutes ces réactions métaboliques se déroulent selon des

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principesfondateursmisenplaceauxoriginesdelavie.Ilsembleraitdoncquelemétabolismed’unecelluleaitétéconçupratiquementparfaitaupremieressaiet que l’évolutionn’ait eupar la suite, pasgrandchose à enleverni à ajouter.L’accession à la complexité ne génère donc pas des métabolismes plusperformants. La photosynthèse est un exemple d’adaptation difficilementégalable enmatière d’exploitation de l’énergie lumineuse ; des cyanobactériesapparuesvoici3,5milliardsd’annéesauxplantesàfleursnéesilyaseulement144 millions d’années, les réactions biochimiques qui caractérisent laphotosynthèsedemeurent lesmêmes(Lance,2013).Demêmepourlasynthèsedes protéines, leurs processus de fabrication ne diffèrent pas entre lesmammifères et les bactéries. Rappelons simplement qu’une protéine est unassemblaged’acidesaminésdontlesplanssetrouventinscritsdansl’ADN.Uneprotéinemutéenepeutêtrefabriquéequed’après les informationscontenuesàl’intérieurd’ungènelui-mêmemutant.Cependant,ilnefautpasquelamutationdu gène génère une protéine trop aléatoire dans la séquence de ses acidesaminés. La molécule se doit en effet de conserver ses propriétés biologiquesmalgré sa mutation ; une protéine non fonctionnelle entraînant undysfonctionnement qui mène à la mort de l’individu. Face à des restrictionsmoléculairesaussisévères,nombredemutationslétalesontdûêtreàl’originedela disparition de beaucoup d’espèces. Ce constat nous amène à nous poser laquestionsuivante !Qu’estcequipousse lavieà lacomplexité,sachantque lacellule vivante d’aujourd’hui fonctionne selon les mêmes processusbiochimiquesd’ilyatroismilliardsd’années?Nosconnaissancesenbiologienepermettent pas de répondre à cette question. Nous pourrions tout au plusconcevoirque l’évolutionde lavie surTerreobéit àunordrepréétablimisenplaceaumomentde lanaissancede l’univers.Cettedéfinitiondéterministedel’évolutionrésoudrait l’énigmedes troisphylumsapparusentre lePrécambrienetleCambrien.SichaqueépisodedelaviesurTerresetrouveainsiinscritdansle«grandlivre»del’univers,l’hommelui-mêmeneseraitplusleproduitd’uneévolutionhasardeuse,maisbeletbienlefruitd’unevolontédéterminée.Vusouscet angle, certains diront que le visage de Dieu apparait en filigrane dans latexture de l’univers. Dans la Bible, Dieu se présente comme étant partieintégrante du passé, du présent et du futur. «Je suis l'alpha et l'oméga, dit leSeigneur Dieu, celui qui est, qui était, et qui vient, le Tout Puissant »(Apocalypse 1,8). Croire en Dieu, c’est donc en quelque sorte adhérer à uneforme de déterminisme où tous les évènements dumonde ont été décidés paravanceetparlui.

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L’ÉNIGMEDESDIVERGENCESSÉQUENTIELLESJusque dans les années 1960, les systématiciens ne possédaient pas d’autre

moyen pour étudier les espèces animales et végétales, que de comparer entreelleslamorphologieetlesstructuresanatomiquesdeleursorganes.L’avènementdelabiologiemoléculaireappuyéeparlesavancéesfaitesdanslesdomainesdelaphysiologieetdumétabolismecellulaireaprofondémentbouleversélechampdes investigations. Pour illustrer l’énigme des divergences séquentielles, nousallons nous appuyer sur les recherches menées sur le cytochrome C (cytC),protéinebienconnuedesbiologistescarétantimpliquéedanslesmécanismesdelarespirationcellulaire.BienquelecytCinduiselamêmefonctioncheztouslesêtres vivants - aussi bien les procaryotes que les eucaryotes - leur nombre enacides aminées (de 70 à 112) ainsi que leurs séquences le long de la chaîneprotéiquevarientd’unorganismeàunautre(divergenceséquentielle).SilecytCaétédécouvertaudébutdu20èmesiècle,cetteprotéineexistenéanmoinsdepuistrèslongtemps.Onlatrouvecheztouslesêtresvivants,desplantesauxanimauxenpassantparleslevuresetlesbactéries,hissantdefaitcettepetiteprotéineaurang de candidat idéal pour les études de phylogénie. Pour comparer deuxprotéineshomologuesextraitesdedeuxorganismesdifférents, il estnécessaired’énumérer le nombre des positions où les acides aminés divergent. Si nouscomparons par exemple deux chaînes de 100 acides aminées chacune et quenous relevons entre ces deux chaînes, trente positions où les acides aminésdiffèrent,alorsladivergenceséquentielles’élèveà30%.Comparonsmaintenantles divergences séquentielles (Dayhoff, 1972) relevées entre les cytC deRhodospirillumrubrum (bactérie photosynthétique dont les origines remontentauPrécambrien)etlamouche(insecte),lalamproie(poissonsansmâchoire),lacarpe(poissonsavecmâchoires), latortue(reptile), lepigeon(oiseau), lechien(mammifèreplacentaire)etleblé(végétaldelafamilledesgraminacées).Quelesujetsoitanimalouvégétal,lesdivergencesséquentiellesrévèlentquelescytCd’organismesaussidifférentsquelamouche,lechienouleblésetrouventàlamêmedistanceque leurhomologuebactérien.Cetteobservation trèsétonnantesignifie qu’il n’existe aucune forme intermédiaire connue, entre la bactérie etl’ensemble des eucaryotes pluricellulaires. Ces variations séquentielles trèsfaiblesindiquentsurtoutquelechienestaussiéloignédelabactériequenel’estlalamproie,lamoucheouleblé.Unbelexempled’évolutiondifférentiellequinous montre combien les caractères anatomiques et biochimiques du monde

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vivant demeurent tributaires d’horloges biologiques indépendantes et dont lesaiguillesnetournentpasàlamêmevitesse.

Figure5:PourcentagesdesdivergencesséquentiellesentrelecytochromeCdelabactérieRhodospirillumrubrumetsepteucaryotespluricellulaires.Cesdernierssontàleurtourcomparésaupoissonsansmâchoire:lalamproie.

Si nous comparons maintenant les CytC de la lamproie dont les origines

remontent au dévonien (-400 Ma) à ceux d’organismes plus contemporainscommelechien,lepigeonoulacarpe,nousnousapercevonscettefoisquelesdivergences séquentielles croissent à mesure que les différences anatomiquessontconséquentes.QUESTION ! Pourquoi existe-t-il au sein du règne vivant une telle

fracture phylogénique entre le monde bactérien et l’ensemble des autrescréaturesdelaplanète?Carl Woese découvrit pourtant des similitudes fortes entre les ARNm et

certainesprotéinesditesuniversellesprésenteschezlesbactéries,lesarchéesetles eucaryotes (voir le chapitreNomde code :LUCA).Lemicrobiologiste endéduisit que les trois grands domaines du vivant descendaient d’un ancêtrecommunqu’il avait lui-mêmebaptiséProgenote.Donc,d’uncôté, nous avonsdes cytochromes C qui nous laisse entendre le manque total de formesintermédiaires entre les procaryotes et les eucaryotes et d’un autre côté, desARNmetdesprotéinesuniversellesquiprétendentàl’unicitédurègnevivant.Ilfaut de nouveau préciser que les protéines universelles extraites des troisdomaines du vivant ont été identifiées comme jouant un rôle capital dans la

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synthèse des ARN. Les cytochromes C, véritables pivots de la respirationcellulaire sont apparus bien après les premiers complexes ARN-protéinesuniverselsdanslamesureoùl’oxygèneestlui-mêmedevenulemaillonessentielde la vie sur Terre, des centaines de millions d’années après l’apparition desbactériesanaérobies.Lesnombreusesinterrogationssurlemanquedetransitionentre les procaryotes et les eucaryotes reste toujours d’actualité. La questionresteouverteet j’invited’ailleurschacundeceuxqui lisentce livreà réfléchirsurlesujetcarplusnousseronsnombreuxàessayerdepercercemystère,plusgrandesaussiserontleschancesdetrouverlaréponseàcettegrandeénigmedelavie.

«JEPENSEDONCJESUIS»Cettecitationestextraitedel’œuvre«Discoursdelaméthode»écriteparle

mathématicien, physicien et philosophe français René Descartes (1596-1650)(Descartes,1637).À traverscettepetitephrase,Descartescherchaàconstruireunepasserelleàpartirde laquelle l’hommeaccéderaitauxvéritésde l’univers.Laconscience, l’intelligence, l’esprit, l’âme…autantdequalificatifsdifférentspourexprimerunprocessusquemêmel’hommedu21èmesiècleaencoredumalà comprendre. Pour les scientifiques, la conscience est de nature biologique.Pour les religieux, l’homme ayant été créé à l’image de Dieu, il a reçul’intelligence du créateur universel. Il est d’ailleurs écrit dans la Bible : « Laconscience est la lampe que le Seigneur donne à l’homme pour éclairer lesprofondeursdesonêtre» (Proverbes20,27).Autrementdit, l’espècehumainepossèderaitenelle,l’intelligencenécessairepourtrouversaplacedansl’univers.Homosapiensesteneffetleseulêtrevivantquichercheàdécouvrirlaraisondeson existence surTerre.Pour ceuxqui croient enDieu, la réponse est facile àtrouverdanslamesureoùsinousvivons,c’estgrâceàsonintervention.Pourlesscientifiques, la réponse est moins évidente. Des commencements de la vie ànotreépoquemoderne,desmillionsdequestionsreposentdanslesbrumesd’unpassévieuxde4,5milliardsd’années.Certainesdecesquestionsontacquisuneréponse, une multitude d’autres en revanche n’en recevrons probablementjamais.LesfossilesdispersésdanslesstratesgéologiquesnousmontrentquelaviesurTerreaétésoumiseàdesphénomènesrépétésdedécimation,obligeantlemonde du vivant à repartir sur une biodiversité à chaque fois nouvelles ouaffaiblie. Or malgré cette évolution en dents de scie, la vie n’a pas cessé detendre vers la perfection. Le plus grand dilemme pour les scientifiques est de

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justement s’expliquer comment cette perfection a pu se magnifier dans unenvironnementquia toutfaitpour l’empêcherd’éclore.Nousavonsdéveloppédanslesparagraphesprécédentsledifférentielévolutifquiexisteentreanatomiesetphysiologie.Malgrédesmorphologiesetdesanatomiestrèsdifférentes,nousavons vu que les animaux et les plantes répondent à une physiologie quasi-universelle.Lesingevitdanslesarbresalorsquel’hommeconstruitdesvilles.Lagénomiquearévéléque98%del’ADNdusingeetdel’hommeestsemblableetpourtantlefossécognitifquilessépareestabyssal.Lesingeestlimitédanssaréflexion alors que l’espèce humaine possède une intelligence dont il lui estdifficiled’enpréciserlesfrontières.Lecerveaudel’hommeestconstituéde100milliards de neurones environ. Alors que le cerveau des animaux vertébrésreprésentelamassenerveusecentraledel’organisme;chezles invertébrés, lesfonctionssontrépartiesdansdesganglionsdisséminéslelongducorps.Orquece soit chez les invertébrés ou les vertébrés, un neurone fonctionne selon lesmêmes principes physiologiques qui, au final, génère l’activité électriquepermettantauxêtresvivantsdesemouvoiretdesentirleurenvironnement.Chezcertains vertébrés supérieurs, le rôle du cerveau est double car en plus de sesactivités neurophysiologiques, il gouverne l’ensemble des activités cognitives.Celui-ci se trouve être en effet le siègede l’intelligence, de lamémoire, de lapensée, de la sensibilité et des émotions. La vie aux sens anatomique etphysiologiquedutermeatoujoursétésoumiseauxduresloisdel’évolution.Cesloisde l’évolutionpeuvent-ellesavoir lamêmeemprisesur l’intelligence?Del’Homohabilisvivantdanslessavanesafricainesdupliocène(-2Ma)àl’Homosapiens, il est indubitable que l’intelligencehumaine est passée par des stadessuccessifs d’évolution. Les psychologues et les psychiatres chiffrent cetteintelligence en faisant usage du test de coefficient intellectuel «QI » qui, defaçon très hasardeuse, nemesure que l'aptitude d’une personne à résoudre untype de problème bien déterminé. L’intelligence représente bien plus qu’uneréponseuniqueàunesuitedechiffresoudelettres.L’intelligencesecomposedel’espritlogiquemaisaussidel’imagination,lasensibilitéainsiquedelafacultéd’associer des idées et des faits.Enprenant en compte toutes ces parties dontcertainesnesonttoutsimplementpasquantifiables-commel’imaginationetlasensibilité - il devient vite évident que de donner un chiffre à l’intelligencerelève d’un primitivisme quasi-reptilien. Les recherches conduites sur lecomportementdescétacésetdesgrandssingesontconduit lesbiologistesàneplusdouterdescapacitéscognitivesdecesanimaux.Apprentissage,inventivité,mais aussi fourberie et mensonge les caractérisent. Le cerveau d’un dauphin

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adultededeuxmètres cinquantede longpèse1700grammes (g) enmoyenne.Celuid’unhommed’unmètrequatre-vingt,1500g,celuid’unchimpanzéd’unmètrequarante,340g,lecerveaud’unéléphantpèse6000g,celuid’uncachalot9000getceluid’unesouris0,4g.L’énumérationdecesquelqueschiffresnousmontre combien l’intelligence n’est pas dépendante de la masse du cerveau.Quel est donc ce secret enfoui dans le cerveau des femmes et des hommes ?Malgré les découvertes les plus récentes en neurobiologie, personne ne peutprétendredétenirlavérité.DanslaBible,leroiDavidproclamedanslelivredespsaumes«Duhautdu ciel leSeigneurplonge son regard, il aperçoit tous leshumains.Del’endroitoùilsiège, ilobservetous leshabitantsde laTerre.Luiqui leuracrééà tous intelligenceetvolonté, ilprendgardeàcequ’ils font»(Psaumes33,13-15).Pourlesdéterministes,lanaissancedel’hommeappartientà cette suite d’évènements dont la programmation remonte aux origines del’univers. Homme déterministe, Homme du hasard ou bien Homme créé àl’image de Dieu, il existe là trois différentes formes de pensées que je vousproposemaintenantdeconfronterselondeuxmodesderéflexiontrèsdifférentsl’undel’autre:lapenséeéclatéeoùsoncontraire:lapenséeunifiée.

LEDISCOURSDELAPENSÉEECLATÉELa science et la religion ont toujours été les sœurs ennemies de la pensée

humaine.Cetteanimosité réciproqueaatteint sonapogéedurant lesheures lesplus sombres du Moyen-âge. Braver les dogmes de l’église aboutissait à unprocès sommaire dont l’issue menait à une mort certaine. En nos temps plusmodernes où la libre expression participe normalement au ciment de ladémocratie, force est de constater que demultiples tensions subsistent encoreentre les scientifiques et les religieux. Pragmatique, l’homme de science estcommeSaintThomas,ilnecroitquecequ’ilvoit.LespersonnesquicroientenDieu demeurent de leur côté animées par une foi inébranlable reposant sur lecaractèresacrédestextesbibliques.Sicertainshommesdescienceset/oudefoiencouragent un échange constructif des idées, il existe néanmoins au sein desdeux factions rivales, une minorité agressive qui prend plaisir à entretenir ladiscorde. Pour mesurer les ravages occasionnés par un tel refus du dialogue,arrêtons-nousunmomentsur les idéesdecertainshommesdont le radicalismen’eut d’autre effet que d’attiser la division. Dans son livre intitulé «Le gèneégoïste»,RichardDawkinsanalyselasélectionnaturelledesespècesauniveaudugène,prétendantquecedernierassuresapropreduplication,égoïstementet

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sanssesoucierdesautresgènes(Dawkins,1976).Touteslescréaturesvivantesqui peuplent la Terre ne représenteraient donc pour ce biologiste, que desmatrices mortelles n’œuvrant que pour la survie de ces prétendus gènesimmortels.Limitertroismilliardsd’annéesd’évolutionàl’expressiondesimplesgènes égoïstes sans tenir compte de la complexité anatomique,métabolique etpsychologique des êtres vivants, c’est tout bonnement renier l’évolution elle-même.Ensouscrivantàcette idéeparticulièrement réductricedugèneégoïste,l’idéemêmede l’accessionà lacomplexitédevientunnonsens.Puisqueseulscertainsgènes,plusagressifsqued’autres,seretrouventinvariablementtransmisdecréaturesàcréatures,commentse fait-ilque l’hommeaitpuvoir le jouret,quiplusest,accéderàlaconscience?RichardDawkinspensequelasélectiondes organismes ne l'emporte jamais sur la sélection des gènes. Cette façond’appréhender l’évolution ne tient pas compte des épisodes d’extinctionsmassives et de leurs conséquences sur le monde du vivant. Les dinosaurespossédaient très probablement les gènes égoïstes les plus aptes à à survivrepuisque leur règne s’est échelonné sur près de 160millions d’années. Or cesgèneségoïstes,siagressifssoient-ils,n’ontpasfaitlepoidsfaceàl’écrasementsur Terre d’une météorite de dix kilomètres de diamètre. En 2006, RichardDawkinspublieunnouvelouvrageoùils’enprendcettefoisàDieului-même(Dawkins, 2006) et de surenchérir que la foi n’est fondée sur aucune preuvescientifique ;qu’elle représenteraitmêmeselon lui, l'undesplusgrandsfléauxqu’aiteuàsubir l’humanité.Nonsansunecertaine ironie,certaineséglises luifirentremarquerqu’uneapprocheaussiréductricedelareligions’apparentefortdans le principe, aux discours anti-scientifiques desmouvements religieux lesplusradicaux.Dessociétésessentiellementcentréessurlesdogmesscientifiquesont toujours représentéundangerpour l’humanité.Rappelons-nousde l’URSSdu temps du Stalinisme où la science et le hasard ne toléraient aucune autreformed’expressionintellectuelle.Leslieuxdecultesfurenttransformés,détruitsou fermés. Les scientifiques qui ouvrirent la voie de la physique déterministefurentdéportésdansdesgoulagsenSibérie;danslesvillesetlescampagnes,lepouvoirenplaceappelaitlepeupleàdénoncerlepeuple.Souvenons-nousaussidel’établissementdutroisièmeReichenAllemagneparAdolfHitler.Justeavantdedéclencherlasecondeguerremondiale,celui-ciproclamaitaumondequelenazisme reposait sur une idéologie laïque s'appuyant sur la science. Situées àl’opposé du curseur, sévissent des formations religieuses toutes aussidangereuses qui réfutent toute idée d’évolution biologique. Les plus ferventsadeptesdecesgroupusculesradicauxdéchiffrentlesversetsdelaBiblecomme

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leferaitunordinateurobéissantàunlogiciel.L’interprétationlittéraledestextesde la Genèse s’appuie sur le fait que ces derniers ont été dictés par Dieu luimême.Seloncetteinterprétation,leciel,lesocéansetlescontinentsauraientétécréés il y a6000ans ; demême,AdametEveauraientvécuetpéchédans lejardind'Édenàlasuitedequoiilsdevinrentpèreetmèredetoutel’humanité.Enregard des connaissances accumulées de nos jours en biologie, difficiled’imaginer que l’humanité toute entière ait pu survivre et évoluer à partir del’information génétique contenue dans deux génomes seuls. Un tel gouletd’étranglementsetraduiraitparuneffondrementdelavariabilitégénétiquequi,à la longue,entraînerait ladisparitionde l’espèce(Frankham,2005).Qu’ilsoitdonc bâti sur des fondations scientifiques ou religieuses, le radicalismeintellectueladetoustempsétéàl’originedel’étouffementdeséchangesd’idées.Alors face à cette situation indubitablement stérile pour l’homme et lemondequ’ilprojettedebâtir,allonsmaintenantàlarencontredelapenséeunifiéeetdecequecettedernièreamèneraitdeconstructifdansnotre façondepercevoir lemonde.

LEDISCOURSDELAPENSÉEUNIFIÉESelonlesprincipesévolutionnistesenvigueur, lesbiologistesprétendentque

l’extraordinaire biodiversité de notre planète découle d’un unique etmicroscopiqueancêtreduPrécambrien.LesthéologiensaffirmentquelaviesurTerre est née de l’acte de création délibéré d’un être supérieur et omnipotent.Certainsmathématiciens et physiciens très avancés dans l’exercice de leur artavancent de leur côté, que le hasard si cher aux évolutionnistes apparaît dansleurs équations comme un phénomène programmé. La question qui se posedésormaisestdesavoircommentunifiercestroisgrandsdomainesdel’espritàl’intérieurd’unemêmeéquation.Toutaulongdecelivre,j’aitentéderépondreàcertainesquestionsenessayantdeconcilierscience,religionetdéterminisme.L’histoirenousenseignequedeshommesdescienceprestigieuxcroyaientenunDieu unique, créateur de l’univers. Les astronomes et physiciens NicolasCopernic(1473-1543),Galilée(1564-1542),JohannesKepler(1571-1630)IsaacNewton(1643-1727),lepaléontologiste,GeorgesCuvier(1769-1832)ainsiquele systématicienCarlVonLinné (1707-1778), tousont exercé leursmétiersdescientifiquesenétantconvaincusquec’étaitDieulegrandarchitectedumonde.Albert Einstein (1879-1955) énonça cette phrase emplie de foi : «La sciencesansreligionestboiteuse,lareligionsansscienceestaveugle».L’adversairele

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plusredoutablequel’égliseaiteuàaffronterfut,combledel’ironie,unhommeayant été éduqué dans l’un des plus prestigieux établissements religieux dumonde.Néen1809àScherewsburyenAngleterre,CharlesDarwinfutlefilsdumédecin Robert Darwin et de Suzanne Wedgwood. Pendant son enfance, ilcollectionnalescoquillages,lesinsectesetlesœufsd’oiseaux.Bienquen’ayantpas été un élève très doué pour les études, il montra toutefois une passioncertaine pour les sciences naturelles. À l’âge de 16 ans, Charles Darwincommençadesétudesdemédecineàl’universitéd’Édimbourgqu’ilabandonnapourseconsacreràlathéologie.Darwinrenonçaégalementàsonenseignementreligieuxcariléprouvaittoutsimplementl’impressiondeperdresontemps.En1831, il obtint une place à bord du voilier Beagle affrété par l’amirautébritanniquepoureffectuerdesrelevéscartographiquesautourdumonde.Pendantle long voyage d’exploration qui mena Darwin jusqu’en Amérique du sud, ilétudia la géologie des îles et des continents. Il apporta une attention touteparticulière aux fossiles exhumés du sol. En 1835, l’exploration des îlesGalápagos le gratifia desmoments les plus intenses de son aventure. Il rentrachezluienAngleterreenoctobre1836.CharlesDarwinsemitalorsàétudierlesspécimens biologiques et les fossiles qu’il avait ramassé pendant son voyage.Son livre «L’origine des espèces » fut publié le 24 octobre 1859.Malgré lesuccèsqueconnutsathéoriedel’évolutionduvivantparlasélectionnaturelle,lebiologiste britannique s’interrogea jusqu’à sa mort sur le mystère quereprésentait le manque de continuité entre les espèces fossiles. Car il existaitbien d’immenses trous entre les séries fossiles, comme si l’évolution avaitprogresséparàcoup!Sathéorien’expliquaitpasces«vides»carlesloisdelasélectionnaturellequ’ilavait luimêmeérigéesse trouvaient indissociablementliéesàdeschangementsbiologiqueslentsetprogressifs.LaGenèsedécritedanslaBibleramèneàsixjoursl’apparitionpuisl’évolutiondelaviesurTerredepuisle«souffledeDieu»(Genèse1,2)jusqu’àl’apparitiondel’homme:«Faisonslesêtreshumains:qu’ilsnousressemblentvraiment![…]»(Genèse1,26).LaGenèseénonce lesgrandesétapesde l’évolutiondumondeetde lavie :de laformation des continents dans l’océan primordial«Que les eaux qui sont au-dessous du ciel se rassemblent en un seul lieu unique pour que les continentsparaissent» (Genèse1,9), lanaissancedespremières formesdevie«Que leseaux grouillent d’une foule d’êtres vivants » (Genèse 1,20) à l’apparition descréaturespluscomplexes«Que la terreproduise toutes les espècesdebêtes :animaux domestiques, petites bêtes et animaux sauvages de chaque espèce »(Genèse 1 ,24). Les déterministes avancent que l’expansion de l’univers

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répondraitàuncodeoù tous lesévènementsphysiquesetbiologiquesauraientété programmés au moment du big-bang (Bogdanov & Bogdanov 2013). LaBible ne révèle-elle pas à ce sujet un verset d’essence déterministe : « Aucommencement, lorsqueDieucréalemonde, laParoleexistaitdéjà;celuiquiest la Parole était avec Dieu et il était Dieu. Il était donc avec Dieu aucommencement.Dieuafaittouteschosesparlui;riendecequiexisten’aétéfait sans lui » (Jean1, 1-3).Cette «Parole »mise en avant par l’apôtre Jeanressemble à s’y méprendre aux idées avancées par certains des plus grandsespritsdenotresiècle.L’informaticienLeonidLevindémontraeneffetque leslois physiques qui gouvernent notre univers s’alimentent à partir d’un terreaumathématique inaccessibleànotre réalité (Levin,2002).Les loisphysiquesdenotreréelétantainsiinclusesdansun«nuagemathématique»,riennes’opposeplusàpenserquel’histoiredelaviesurTerresetrouveécritedanslespagesdugrandLivredel’univers.Uneapprochedéterministequin’estpassiéloignéedecequeprônelaBible,àsavoirquelesétoiles,laTerreetlavieontétécrééesparDieu«Quelalumièreparaisseetlalumièreparut»(Genèse1,3).Encreusantdavantage l’idée de l’univers déterministe, il semble logique de penser que sil’évolutiondumondeestprogrammée, lesgrandesdécouvertesscientifiques lesontaussi!Ainsi,plusletempspasse,plusl’humanitéseretrouveraitavoirlesmoyens de comprendre les mystères de l’univers. Le physicien américainRichard Feynman (1918-1988) prétendit que si l’on voulait en apprendredavantage sur la nature de l’univers, il nous faudrait auparavant décrypter lelangagemathématiquequ’elleutilise.DemêmelephysicienLéonardSusskindqui fut l’un des fondateurs de la théorie des cordes a déclaré « Il estincontestablequel’universdépenddequantitédeparamètresdontleréglageesttelquelepluspetitchangementferaitquelavienepourraitpasapparaître,quelavieintelligentenepourraitpasexister».Enparlantdesétoilesetdesplanètes,laBibledit«Il(Dieu)lesamisenplacepourtoujours,leurfixantuneloiànepasenfreindre(Psaumes148,6).Ainsivusouscetangle, laphysiquemodernenefaitquecorroborerlecontenudestextesbibliques,rédigéspourlaplupartdesmilliersd’annéesavantnotreère.Pourcequiestduhasarddel’évolution,celui-ci s’estmanifesté sur notre planète par toute une succession de formes de vieentrelesquellesiln’existe,apparemment,pasdeliencommun.Bienentendu,cesapparitionsaussihasardeusesqu’épizootiquesrestentincompréhensiblespourlesscientifiques dans la mesure où elles ne répondent à aucun processusévolutionnistes.Cequinoussemblepournousleshommesn’êtrequelefruitduhasard, ne serait-il pas en réalité qu’une longue suite d’informations inscrites

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dans ce « nuage mathématique » si génialement mis en avant par certainsphysiciens?LaBiblerévèlequeDieuaforgélavie,sciemment,parétapesetensixjours.DanslelivredesPsaumesdontlestextessontattribuéspourlaplupartauroiDavid,cedernierparledeDieuences termes«Pour toimilleans sontaussibrefsque la journéed’hier,déjàpassée,ouquelquesheuresde lanuit»(Psaumes 90, 4). Le temps de la Bible ne serait donc en définitive qu’unequestion d’interprétation sémantique. Rien ne s’oppose plus désormais, de lascienceoudelareligion,àentrevoirunespace-tempsdéterministeàlabasedesgrandes innovationsbiologiques.L’œildu trilobitedéjàsiparfaitàuneépoqueoù lavie s’expérimentait enunekyriellede formesetd’anatomiesdifférentes,l’œuf amniotique, la plume, la feuille, la fleur… la conscience… autantd’étincelles semées sur la portée du temps pour nous guider sur la voie d’uneintelligencenouvelle.Legrandhommepolitique,philosopheetreligieuxindienMohandas Karamchand Gandhi (1869-1948) n’a-t-il pas écrit dans son livre« Lettres à l’Ashram » : « Les vérités différentes en apparence sont commed'innombrablesfeuillesquiparaissentdifférentesetquisontsurlemêmearbre»(Gandhi, 1948). Des vérités/feuilles, aujourd’hui éparpillées sur l’arbre de laconnaissance mais qui, demain, nous l’espérons tous, s’unifieront pour quenaisseunehumanitéplusouverteauxdifférentesformesdepensées.

LECONTINUUMHUMAINLes sociétéshumaines s’enferment toujoursplusdansunmonde closoù les

lois de la nature s’effacent au profit de l’artificialité. Les activités agricoles,minières, pétrolières, forestières, la pêche… toutes sont pratiquées à outrancedansleseulbutd’amasserdesdevises.L’argentrègnesurunehumanitéqui,aunomduprofit,atoutsimplementdéclarélaguerreaumondequiluiadonnélavie.Au19èmesiècle,notreplanètecomptaitunmilliardd’habitantsquedéjàen1930, cechiffre avaitdoublé.LaTerreenhébergeait septmilliardsen2011etvoilàque lesprévisionnistesavancentdéjà lechiffredeneufmilliardsen2045(Kunzig, 2011). Les conséquences de cette explosion démographique setraduisent par la construction de villes démesurées. Partout et sur tous lescontinents,d’immensesmétapolesabritentdesdizainesdemillionsd’individus.Quatre milliards, c’est le nombre de personnes qui habitent aujourd’hui lesvilles.Cette population urbaine se chiffrera à sixmilliards d’ici à 2030.Ainsilogédansdespetitesboîtes,qui ellesmêmes s’empilentparmilliards lesunessur les autres, l’humanité se synchronise au mouvement d’une gigantesque

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machine,unehumanitéimpersonnelle,individualisteetrésolumentégocentriste.Difficiledanscesconditionsd’apprécierlabeautédumonde,deméditersurladestruction des forêts, de s’inquiéter du massacre de la biodiversité et duréchauffement climatique. Difficile en effet de voir le monde se décomposerderrièrenosmursdeverreetdebéton.Dieun’a-t-ilpasdit«[…]Qu’ilssoientlesmaîtresdespoissonsdanslamer,desoiseauxdanslecieletsurlaterre,desgrosanimauxetdespetitesbêtesquisemeuventaurasdusol!»(Genèse1,26).IlnefaitaucundoutequeceversetdelaBiblehisseleshommesetlesfemmesaurangdeMaîtresdelaplanète.Orpeut-oncroireencorequecesontlesécritsbibliques qui ont précipité le monde dans le chaos alors que les pollutionsdévastentlemondeetquelasciences’adonneàdesactivitésderecombinaisonsgénétiquesautrementpluspréjudiciables?

Photo 10 : Le consumérisme combiné à la négligence de nos sociétésmodernes amènent à des pollutions dramatiques des milieux naturels(ClichéFrédéricDarriet).

Les biologistesmoléculaires sont désormais capables de décortiquer l’ADN

des plantes et des animaux à l’aide demachines-robots appelées séquenceurs.UnefoiscesADNdécryptés,rienn’empêchecesmêmesbiologistesdejouerlesapprentis-sorciersetd’intégrerdanslegénomed’unebrebis,legèneàl’originede la phosphorescence chez la méduse. Un autre exemple rapporté trèsrécemmentparlapressescientifiqueaétélacréationd’unechèvretransgéniquedontlecodegénétiquecontientungèned’araignée(Lazarisetal.,2002).Nousvivons une époque où si la science est capable de modifier le génome d’unanimal,rienn’empêchequ’ellenepuisseunjour,triturerl’ADNdeshommesetdesfemmes.Detellesperspectivesenthousiasmentcertainsalorsqued’autresne

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voient dans cesméthodes que l’accélérateur de notre propre chute.Depuis undemi-siècle, la technologiedusiliciumqui se trouveà l’originede toutcequenousconnaissonsdel’informatiqueetd’Internetenvientàgénérerdesmillionsde bases de données traitant de domaines scientifiques très pointus. Il estdésormais courant de dire que grâce à la toile, n’importe quel physicien quimaîtrise les loisde la fissionnucléaireseraitàmêmedeconstruireunebombeatomiquedanssacuisine.Danscinquanteoucentans,n’entendrons-nouspaslemêmetypederemarqueconcernantlafabricationd’unhumaindesynthèsedanssacuisine?Àmesureque lascienceexplore lesprofondeursde lavie,elleendécouvresesmécanismeslesplusintimes.Propulséparsonappétitinsatiabledevouloirtoutdécouvrir,Homosapienss’estconstruitsonpropremonde.Lepointténébreux de cette histoire est que l’Homme fonctionne sur deux plans trèséloignés l’un de l’autre. Son aptitude à découvrir, inventer, construire ouimaginerparaît sans limiteor cette aptitude seheurte àdes instinctsprimairesquifontquecesmêmeshommess’étripentets’égorgentaunomd’unereligionoud’uneéconomiedemarché.L’hommetuel’hommemaisa-t-ondéjàvudanslanatureunliontuerunautrelion?Non!Ilesteffrayantdelediremaisforceest de constater qu’il n’y a que l’homme pour perpétrer de telles horreurs dedestructionintra-espèce.LaBibledénonceetpunitlepêchédugenrehumainàtravers les destructions cataclysmiques du Déluge, de Babel et de Sodome etGomorrhe.Desmilliers d’années plus tard, les choses n’ont apparemment paschangées.Lesguerresdepouvoiretdereligiondéchirentunmondedéjàmaladedesesabus.Labiodiversités’étrécitcommepeaudechagrin,ladisparitiondesespècess’opérantàunrythmedixàcentfoissupérieureàlanormale.Sid’icià2050rienn’esttentépourendiguerl’hécatombe,cerythmeatteindrauntauxdedécimation si important qu’il deviendra une menace pour l’espèce humaine.Nousnesommespasdesêtressurnaturelspouvantnouspasserdumondevivant,même si lemiragedenotre invulnérabiliténouspousse à consommer toujoursplus, à gaspiller toujours plus et, ce, au nom d’un capitalisme forcené quimépriselemondequinousentoure.LapandémieducoronavirusCovid-19quiaconfinépratiquement lamoitiéde laplanètependantplusieursmoisde l’année2020nousmontrecombienl’humanitéestfragile.L’hommefaitpartieintégrantede la biodiversité et si nous avions unmoment pensé que nous pouvions toutsaccagé sans en subir les conséquences, et bienDameNature s’est chargéedenousrappelerquenousnesommespasdifférentsdesautrescréaturesavecquinous partageons la même planète. Comme l’a si justement énoncé ThéodoreMonoddanssonlivre«Etsil’aventurehumainedevaitéchouer»,«Jenesais,

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mais une chose en tout cas demeure certaine : ou l’homme acceptera laréconciliationavec lanature,et lesresponsabilitésqu’elle implique,oubien ilira joyeusementengagersaracedans lesplusgravespérils» (Monod,2000).Malgré les menaces sans cesse plus lourdes que nous faisons peser sur notremagnifique et irremplaçable planète, il n’est toutefois pas trop tard pour quenouschangionsnotremanièredepensée.Laquestionqu’ilnousfautmaintenantnousposerleplusvitepossibleest:ensommes-nouscapables?L’avenirnousledira !Encore faut-il quenous survivions assez longtempspournouspuissionsnousracheterdenoserreurspassées!

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CONCLUSIONL’INDÉTERMINISTEDULIBREARBITRE

Nousvoicidésormaisarrivésau termedecette réflexionsur lavieplurielle.

La plupart des scientifiques s’imaginent le monde comme étant la résultanted’unelonguesuited’évènementsissusduhasard.D’autrespensentaucontraireque l’univers et tout ce qu’il contient d’inerte ou de vivant a obéit à unesuccession d’actions programmées. La science et la Bible racontent la mêmehistoiremaisenutilisantunlangagedifférent.Entrelesdeuxs’immisceletissuunificateur du déterminisme qui tente de réconcilier les deux sœurs ennemies.Lesthèseslesplusprogressistesdelapaléontologieavancentquel’évolutionduvivants’opèresurdelonguespériodesetce,jusqu’àcequ’unévènementaussibref que brutalmette un terme au processus enclenché. Vu sous cet angle, lehasardn’estriend’autrequ’unefauxquitrancheàl’aveuglelamauvaiseherbeaussi bien que l’ivraie !LaBible comme le déterminisme explique les chosesautrement. Pour eux, l’univers a été façonné par unDieu/nuagemathématiquecréateur de l’espace et du temps. L’évolution du cosmos, de la Terre et de sabiodiversitérépondàunesuited’évènementsprédéterminés.Ormedirez-vous,silemondeaétéprogrammédanssesmoindresdétails,quereprésentelapartdulibre arbitre dans la vie de chacun d’entre-nous ? Ne sommes-nous pas, leshommesetlesfemmesdecetteTerre,desmilliardsd’évènementsaufuturdéjàtout tracé?La sciencenepeut répondreàcettequestiondans lamesureoù lanotionde destinée lui est totalement étrangère.LaBible dit au contraire et encelaellerejointlathèsedéterministe,queDieusetrouveàlacroiséedupassé,duprésentetdufutur«Jesuisl'alphaetl'oméga,ditleSeigneurDieu,celuiquiest,quiétait,etquivient,leToutPuissant»(Apocalypse1,8).Danssonœuvre«L’êtreetlenéant»,lephilosophefrançaisJean-PaulSartre(1905-1980)écrit« l'homme jouitd'un librearbitreparcequ'ilauneconscience».Sartrepensequel’hommeéchappeaudéterminismegrâceàsaconsciencequiluipermetdeprendre des décisions (Sartre, 1943). Deux cents années avant que Sarthe nedéveloppe sa philosophie existentialiste, le philosophe et mathématicienallemand Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) poussa au contraire loin ledéterminismeendisantquel’âmehumaineétaittoutsimplement«unautomatespirituel » (Gaudemar, 1994). Pour Leibniz, la vie de chaque être humain estgouvernéeparuneséried’évènementsétablisà l’avance,ne laissant laplaceàaucuneformedelibrearbitre.Imaginonsmaintenantununiversdéterministeoù

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lesévènementspassés,présentsetàvenirseretrouveraientinscritssouslaformed’undessinuniqueetuniverselcomposésd’ungrandnombredecasesdeformeset de tailles différentes. Libre à chacun de colorier les cases de ce dessin deteintespastelsoudecouleursvives,denoir,deblancoudegris;d’agencercescouleurs de manière à ce qu’elles représentent un motif concret ou bien aucontraire une figure abstraite. Chaque être humain possède donc le loisir decomposerundessinoù l’agencementpersonneldescouleursnereprésente riend’autrequesonlibrearbitre.L’intelligenceautantquelavolonté,lasensibilitéetl’imaginationalimentent lemoteur indéterministequipermetàchacund’entre-nous de nous déplacer dans l’univers déterministe. Si j’ai décidé d’écrire celivre,c’estpourvousexposermonpointdevuesurlesquestionsquesoulèvelavie sur Terre. J’aurais pu ne jamais écrire ce livre, toutefois mon goût pourl’écriturecombinéàmapassionpourlarecherchem’ontétédefidèlesamispourconcrétiser ce projet.Ce livre - fruit demon libre arbitre - s’exprime par unepetitecasedecouleurquicomplèteraledessinquiprendformeàl’intérieurdemagrilledéterministe.Interrogez-voussurlescouleursetlaformedudessinquevotrevieimprimeàl’intérieurdecettegrille?L’universdéterministeouvreendéfinitive une dimension plutôt sécurisante dans la mesure où ce sont lesdécisionsdesunsetdesautresàl’intérieurdecettegrillequidécidentdel’aveniroudeladestructiondumonde.L’évolutionchaotiquedelaviesurTerrequelesdarwinistes ont bien dumal à expliquer prend un sens nouveau lorsque nousl’incluonsdansuncadredéterministe.PierreTeilharddeChardin(1881-1955),àla fois prêtre jésuite, éminent chercheur en paléontologie, théologien etphilosophe alla même jusqu’à dire que la matière et l’esprit se trouventenglobéesdansunemêmeexplicationcohérentedumonde(Martelet,2003).Ceconceptd’Esprit-MatièreavancéparTeilharddeChardinprésentel’avantagedeconcilierl’EspritetlaMatièreoubienencorel’âmeetlecorps.Dieun’a-t-ilpasdit:«AucommencementDieucréalecieletlaterre»(Genèse1,1).«Laterreétaitcommeungrandvide,l’obscuritécouvraitl’océanprimitif,etlesouffledeDieu agitait la surface de l’eau » (Genèse 1, 2). Les mathématiques et laphysiqueexplorentdescheminsnouveauxquiconduisentàunefaçondepenserl’universsanscesserenouvelée.Ilyavingtmilleans,lorsqueHomosapiens seterraitdanslescavernespouréchapperauxdangersd’unenaturehostile,pasunde ces hommes ou de ces femmes n’auraient imaginé que leurs lointainsdescendantsvivraientdansdestoursdeverreetd’acierregroupantdesdizainesdemillions de personnes. Personne à cette époque n’aurait pu le deviner toutcomme l’humanité d’aujourd’hui ne peut concevoir le monde tel qu’il se

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présenteradansvingtmilleans.Silasciencenepeutprédirel’avenir,laBibleledécritdanssonlivredel’Apocalypseencestermes«Puisjevisunnouveaucieletunenouvelleterre.Lepremiercielet lapremièreterreavaientdisparu,et iln’y avait plus de mer. Et je vis la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, quidescendait du ciel, envoyée parDieu, prête comme unemariée qui s’est faitebellepouralleràlarencontredesonmari»(Apocalypse21,1-2).LaBiblequicommenceparlacréationdelaTerreetdetoutessescréaturessetermineparunactededestructioncataclysmique.DelaGenèseàl’Apocalypse,laBibleraconteainsiàl’intérieurd’uncycle,lanaissance,l’épanouissementpuisladestructiondelaTerreetdeseshabitants.Unehumanitéturbulentecapabled’exprimerlesmeilleurssentimentscommelesplusvils.L’humanitéestainsifaitedecontraste,d’espoir, d’intelligence et d’imagination. Nous avons déjà tant découvert etpourtant, il nous reste encore tant de choses à apprendre ! Comme l’a sijustementénoncé lephilosophechinoisConfucius (551-479av.JC)«Lavraieconnaissance est de connaître l’étendue de son ignorance ». Malgré tout cesavoir accumulé depuis près de cent cinquante mille ans, l’humanitéd’aujourd’hui ne se montre guère différente des hommes et des femmes dupaléolithique prostrés autour d’un feu en attendant que le soleil se lève. Lamédecinenousguérit,lesordinateursnousassistentdanslaviedetouslesjours,lesavionsnousfontvoyagertoujoursplusloinetplusvite,lessondesstellairessillonnentleslimiteslespluséloignéesdenotresystèmesolaireet,pourtant,aunomd’idéologiesdifférentes,nousnousentretuonsenusantdesmoyenslesplusbarbares.Notreintelligencenouslaisselechoixderépondreauxquestionsquesoulève lemonde enmettant en avant soit le bien, soit lemal.Deux réponsesdiamétralement opposées qui induisent également deux futurs contraires. Vuesouscetangle,l’histoiredel’humanitéreposeendéfinitivesurunensemblededécisions prises par chaque homme et chaque femme. Des décisions souventdifficiles à prendre mais qui ne représentent pourtant rien d’autre que cesparcellesd’indéterminismequipersonnalisentchacunedenosvies.

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Photo11:«Etsil’aventurehumainedevaitéchouer»,«Jenesais,maisunechoseen toutcasdemeurecertaine:ou l’hommeacceptera laréconciliationavec la nature, et les responsabilités qu’elle implique, ou bien il irajoyeusementengagersaracedanslesplusgravespérils»(ThéodoreMonod,2000)(clichéFrédéricDarriet).

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