11
S.N.C.A.S.E. SE 200, paquebot aérien (1) par Jean-Louis Bléneau Attraction de la Foire Internationale de Marseille en 1946, le SE 200 n° 03 fut mouillé dans le Vieux-port du 15 au 21 septembre et visité par de nombreuses personnes. Né d'un programme transatlantique de prestige élaboré au milieu des années 1930, il était largement dépassé et n'entra jamais en service commercial. Si, au milieu des années 1930, la traversée de l'Atlantique Sud était assurée régulièrement, du moins pour le courrier, celle de l'Atlantique Nord restait problématique. En 1927 la Compagnie Générale Transatlantique fit équiper le paquebot Île de France d'une catapulte permettant de lancer un hydravion au large des côtes d'Amérique du Nord ou d'Europe, ce qui permettait de gagner respectivement 15 et 24 heures sur l'acheminement du courrier. Cette expérience, menée en 1929 et 1930, fut reprise par Lufthansa, qui mis en place des navires-relais en Atlantique Sud puis en Atlantique Nord. Pour des raisons politiques et économiques Air France, qui célébra sa centième traversée de l'Atlantique Sud le 20 juillet 1936, laissa ensuite passer l'opportunité d'un droit exclusif d'escale aux Açores négocié dès 1929 par ses prédécesseurs. Ce sont finalement Pan American et Imperial Airways, associées par le biais de vols croisés, qui inaugurèrent le 5 juillet 1937 les liaisons aériennes commerciales entre l'Europe et l'Amérique du Nord. La compagnie américaine utilisait le Sikorsky S-42 et les Imperial Airways disposaient de la version atlantique du Short S.23. Enjeux et concurrence : Entre le dépôt de bilan de la Compagnie Générale Aéropostale, fin mars 1931, et la création de la Compagnie Air France, en août 1933, la Compagnie Générale Transatlantique tenta de faire passer le contrôle des services aériens transatlantiques sous le contrôle de la marine marchande. Si cette idée fut repoussée, en janvier 1936 une délégation française se rendit à New York pour y négocier des droits commerciaux au nom d'une Compagnie Générale Air France Transatlantique en cours de création. Constitué dès octobre 1935, un comité d'études associant Air France et la 'Transat' teint sa première réunion le 5 mars 1936. Le 12 mars le Service technique de l'Aéronautique (STAé) publiait un cahier des charges pour un hydravion capable de traverser l'Atlantique Nord sans escale : d'une masse totale de 40 tonnes, cet appareil devait pouvoir parcourir 6 000 km avec un vend debout de 60 km/h avec une vitesse de croisière de 250 km/h à 70 % de puissance et disposer d'une charge marchande d'au moins 500 kg. Baptisé 'Atlantique Nord', ce programme devait donner naissance au Potez-CAMS 161, qui n'effectua son premier vol que le 20 mars 1942. Dans la continuité de cet appel d'offres, le gouvernement français lança le 20 janvier 1937 un appel à

French Flying Boat. The SNCASE SE.200

Embed Size (px)

DESCRIPTION

The story, in French, of the six-engined SE.200 flying-boat.

Citation preview

  • S.N.C.A.S.E. SE 200, paquebot arien (1)

    par Jean-Louis Blneau

    Attraction de la Foire Internationale de Marseille en 1946, le SE 200 n 03 fut mouill dans le Vieux-port du15 au 21 septembre et visit par de nombreuses personnes. N d'un programme transatlantique de prestigelabor au milieu des annes 1930, il tait largement dpass et n'entra jamais en service commercial.

    Si, au milieu des annes 1930, la traverse de l'Atlantique Sud tait assure rgulirement, du moins pour lecourrier, celle de l'Atlantique Nord restait problmatique. En 1927 la Compagnie Gnrale Transatlantique fitquiper le paquebot le de France d'une catapulte permettant de lancer un hydravion au large des ctesd'Amrique du Nord ou d'Europe, ce qui permettait de gagner respectivement 15 et 24 heures surl'acheminement du courrier. Cette exprience, mene en 1929 et 1930, fut reprise par Lufthansa, qui mis enplace des navires-relais en Atlantique Sud puis en Atlantique Nord. Pour des raisons politiques etconomiques Air France, qui clbra sa centime traverse de l'Atlantique Sud le 20 juillet 1936, laissaensuite passer l'opportunit d'un droit exclusif d'escale aux Aores ngoci ds 1929 par ses prdcesseurs.Ce sont finalement Pan American et Imperial Airways, associes par le biais de vols croiss, quiinaugurrent le 5 juillet 1937 les liaisons ariennes commerciales entre l'Europe et l'Amrique du Nord. Lacompagnie amricaine utilisait le Sikorsky S-42 et les Imperial Airways disposaient de la version atlantiquedu Short S.23.

    Enjeux et concurrence : Entre le dpt de bilan de la Compagnie Gnrale Aropostale, fin mars 1931, etla cration de la Compagnie Air France, en aot 1933, la Compagnie Gnrale Transatlantique tenta de fairepasser le contrle des services ariens transatlantiques sous le contrle de la marine marchande. Si cetteide fut repousse, en janvier 1936 une dlgation franaise se rendit New York pour y ngocier des droitscommerciaux au nom d'une Compagnie Gnrale Air France Transatlantique en cours de cration.

    Constitu ds octobre 1935, un comit d'tudes associant Air France et la 'Transat' teint sa premire runionle 5 mars 1936. Le 12 mars le Service technique de l'Aronautique (STA) publiait un cahier des chargespour un hydravion capable de traverser l'Atlantique Nord sans escale : d'une masse totale de 40 tonnes, cetappareil devait pouvoir parcourir 6 000 km avec un vend debout de 60 km/h avec une vitesse de croisire de250 km/h 70 % de puissance et disposer d'une charge marchande d'au moins 500 kg. Baptis 'AtlantiqueNord', ce programme devait donner naissance au Potez-CAMS 161, qui n'effectua son premier vol que le 20mars 1942.

    Dans la continuit de cet appel d'offres, le gouvernement franais lana le 20 janvier 1937 un appel

  • candidature pour l'exploitation d'une route arienne transatlantique nord, auquel seuls la 'Transat' et AirFrance rpondirent, dposant un dossier conjoint. Le contrat d'exploitation fut sign le 26 mai 1937 et le 9juin suivant tait cr la Compagnie Air France Transatlantique, socit anonyme au capital de quatremillions de francs, capital dtenu parts gales par Air France et la Compagnie Gnrale Transatlantique.

    Ds l'origine le CAMS 161 fut considr comme un appareil de transition, le programme 'Atlantique Nord'tant complt ds le 4 octobre 1937 par le programme 'Long Courrier C4' plus ambitieux. Il s'agissait eneffet de raliser une machine de prs de 70 tonnes, devant transporter 20 passagers en couchettes et 500kg de poste sur l'Atlantique Nord ou 40 passagers et trois tonnes de fret sur l'Atlantique Sud. Monoplancantilever tract par quatre huit moteurs, le futur hydravion devait pouvoir parcourir 6 060 km avec un ventde face de 60 km/h, soit environ 8 000 km par vent nul, une altitude variant entre 500 et 3 000 m et lavitesse propre de 250 km/h. A l'poque le record de distance pour hydravions tait de 5 280 km la vitessemoyenne de 157 km/h. Le Ministre de l'Air plaait donc la barre trs haut et ajoutait quelques curiositsdans un soucis de standardisation. Ainsi les moteurs, leurs btis u les cloisons pare-feu devaient-elles tresinterchangeables, non seulement sur le mme appareil mais sur tous les appareils commands au titre duprogramme.

    Plusieurs projets furent soumis au Ministre de l'Air, dont l'hexamoteur Breguet 780, mais rejets, leurspromoteurs ne disposant pas d'une exprience trs solide dans le domaine des hydravions coque. Il estdonc logique que les deux projets retenus aient t ports par des entreprises ayant dmontr descomptences dans ce domaine, Lior et Olivier et la Socit Industrielle d'Aviation Latcore (SILAT). Cettedernire avait dj ralis un hydravion transatlantique de 40 tonnes, le Latcore 521 Lieutenant deVaisseau Paris, qui avait effectu son premier vol le 15 janvier 1935. Mais sa conception avait dbut unedizaine d'annes plus tt et ses performances ne permettaient pas son exploitation sur l'Atlantique Nord. Ileffectua finalement quatre traverses entre le 23 aot 1938 et le 28 aot 1939 aprs avoir subi denombreuses modifications. La SILAT s'tait d'ailleurs vu notifier le 15 avril 1937 d'un march pour unhydravion hexamoteur LATE 630 rpondant au programme 'Atlantique Nord'

    Le LATE 521 tait, avec le Lat 522 de conception similaire et qui effectua deux aller-retour, la seulerponse franaise face la concurrence des Short Empire et Boeing 314, sans parler de Focke-Wulf Fw 200Condor de la Lufthansa.

    Conu la fin des annes 1920 le Latcore 521 effectua son premier vol le 15 janvier 1935. Ce quadri-moteur n'tait pas adapt une exploitation sur l'Atlantique Nord mais son existence justifia la commandechez Latcore d'un hydravion concurrent au SE 200, le LATE 631.

    Chez Lior et Olivier le plus gros hydravion ralis par le bureau d'tudes Marine tait le quadrimoteur LOH-47, une machine de 19 tonnes pouvant transporter quatre passagers et 680 kg de courrier 300 km/h sur3200 km. Autour d'Edmond Benost, qui dirigeait depuis 1926 le bureau d'tudes, une quipe compose desingnieurs Paul Asantcheef, Jean Poitou et Andr Violleau pour la coque et les ballonnets, Paul Verrimstpour la voilure et Ren Aviez pour les empennages, sans oublier l'ingnieur-calculs, Wladimir Mimiovitch, on

  • commena par s'intresser au programme 'Atlantique nord' en dessinant une extrapolation du H-47 dontl'envergure passait de 32 43 m d'envergure. En octobre 1936 ce H-49 laissa la place au H-49.1, dont lavoilure venait s'appuyer sur le dos du fuselage et l'empennage monodrive tait remplac par deux drivescoiffant un plan horizontal en didre. La question de la motorisation s'avrait particulirement problmatique.Si l'utilisation de moteurs en ligne Hispano-Suiza 12 cylindres de 850/900 ch semblait acquise, ons'interrogeait sur leur nombre et leur disposition : quatre tractifs et deux propulsifs, six tractifs, quatre tractifset quatre propulsifs On envisagea mme d'utiliser huit moteurs diesel Junkers Jumo de 575 ch. Pourfaciliter le pilotage on envisageait cependant de synchroniser les moteurs par paires ou quatre par quatre.

    Une version H-49.2 fut galement propose pour rpondre au programme des 'hydravions de croisire' del'Aronautique Navale, et un H-49.3, rapidement abandonn, fut envisag en dcembre 1936 avec quatremoteurs Gnme & Rhne 18L.

    La socit Lior et Olivier avait baptis son projet Amphitrite. Cette dnomination fut conserve lorsquel'entreprise fonde en mars 1912 par Fernand Lior et Henri Olivier fut morcele par les nationalisations endcembre 1936. Alors que l'usine de Rochefort tait incorpore la Socit Nationale de ConstructionsAronautiques du Sud Ouest, les usines d'Argenteuil et de Clichy passrent sous la coupe de la SocitNationale de Constructions Aronautiques du Sud Est l'tablissement Potez de Berre, l'atelier C.A.M.S. deVitrolles et les entreprises Romano de Cannes-la-Bocca et S.P.C.A. de Marseille. Mais le H-49 devintSNCASE SE 200.

    La ralisation des plans, qui faisait appel une formule originale dite 'tracs grandeur sur tle', dbuta enaot 1937 et en novembre furent raliss une premire srie d'essais en soufflerie avec une maquette enbois de 1,25 m d'envergure. En janvier 1938 une commission du Ministre de l'Air se rendit Argenteuil pourexaminer une maquette d'amnagements, qui fut approuve sous rserve de modifications de dtails, et enfvrier une seconde srie d'essais en soufflerie fut ralise Issy-les-Moulineaux avec un empennagemodifi.

    Le SE 200 n 1 en construction dans le hangar '80 mtres' de la SNCASE Marignane. Les moteurs sontdj poss et les lments de bord d'attaque facilitant la maintenance dploys. La porte du compartimentmarin, situe l'avant de la coque est ouverte, comme les portes tribord destines au service de l'hydravion. Aprs des hsitations bien comprhensibles le Comit du Matriel du Ministre de l'Air concluait le 28 avril1938 l'intrt de commander un prototype du Lat 631 et un du SE 200, tous deux devant recevoir desmoteurs Gnme & Rhne 18L de 1 500 ch qui n'taient pas encore homologus. Les conclusions du comitdonnaient un lger avantage au Lat 631, pour lequel le calcul donnait une vitesse de croisire suprieure

  • de 40 km/h. Mais la coque du SE 200, plus spacieuse et plus facile amnager, tait juge intressante, etsurtout le prix annonc par la SNCASE, 41,4 millions de Francs, tait infrieur de 4,6 millions par rapport celui de son concurrent. Date du 1er juin 1938, la lettre de commande n 598/8 du Ministre de l'Airconfirmait donc pour un montant de 45 millions de Francs (hors moteurs) la commande d'un SE 200 livreravant le 15 septembre 1940. mise le mme jour, la lettre de commande 597/8 portait sur un LATE 631,curieusement chiffr 32,2 millions de Francs, toujours hors moteurs, la commande du modle 630 ayantt annule.

    Situ par tribord avant, cet escalier donnait accs, depuis le pont infrieur, la soute cargo avant et unsecond escalier conduisant au poste d'quipage, donc au pont suprieur. Cette photo a t prise l'usine deMarignane durant la construction du n 1, la paroi de la coque ne disposant d'aucun capitonage. Vu lamme poque, le poste de pilotage, qui n'a pas encore reu tous ses instruments.

    Le SE 200 partait en fait avec un double handicap. Air France Transatlantique, futur utilisateur, qui suivait deprs les progrs de ses concurrents anglais et amricains, aurait prfr voir commander trois CAMS 161,moins spectaculaires mais disponibles plus rapidement. Elle commenait d'ailleurs envisager l'achat dematriel amricain. Le point de vue du Ministre tait lui rsum par le directeur de l'Aviation Civile, M.Corbin, qui estimait que les performances du LATE 631 mettraient 'la France au moins galit avecl'Amrique et en tte des autres pays'. Restait la SNCASE de tenter d'imposer son projet entre ces deuxpoints de vue.

    Un paquebot volant : D'un point de vue technique le futur appareil n'avait rien envier ses concurrentsanglo-saxons. Le Se 200 se prsentait comme un monoplan cantilever aile haute, trapzodale extrmits arrondies, la flche de bore de fuite, inverse, accusant une valeur beaucoup plus importante quecelle du bord d'attaque. Le profil, trs pais, voluait du NACA 2418 l'emplanture au NACA 2409 en bout.Entirement mtallique, la structure tait multilongeron, supportant un revtement travaillant. L'extradoscomportait une premire tle de revtement ondule sur toute l'envergure, sur laquelle tait rivet uneseconde tle, lisse. On ne trouvait l'intrados qu'une seule tle, lisse avec renforts internes. Affichant unesurface totale de 340 m, cette voilure comportait un bord de fuite entirement mobile : A l'extrieur, dechaque ct, on trouvait deux ailerons mtalliques, llment intrieur tant dot d'un trim-tab, le reste dubord de fuite tant occup par des volets trononns en trois parties. Le bord d'attaque comportait deslments basculants, encadrant chaque moteur et constituant des plate-formes pour faciliter fotl'intervention sur les moteur. Ces moteurs taient galement accessibles en vol, un chariot sur rail courant

  • dans la partie avant du profil pour permettre au mcanicien de se dplacer et des puits de lumire tantmnags dans les capots.

    Ralise d'un seul tenant et boulonne sur des cadres renforcs de la coque, cette voilure recevait la totalitdu carburant (36 000 litres), les bti-moteurs et sous les panneaux externes des ballonnets destins assurer la tenue flots de l'appareil.

    Si le poste de pilotage parat relativement troit pour un appareil de cette taille, le poste de navigation qui luifait suite tient plus du maritime que de l'arien. A gauche, au premier plan, le poste du radio-oprateur. La coque double redans, offrant un matre-couple assez troit pour la taille de l'appareil, tait galementmtallique, assez profonde pour dgager la garde des hlices et donc amnage sur deux ponts. Ces pontstaient relis par deux escaliers, un l'avant et l'arrire. Le pont suprieur, ou pont B, comportait d'avantvers l'arrire, un poste d'quipage pour huit dix personnes, comprenant une section de repos aveccouchettes et occupant toute la partie en avant de la voilure, un compartiment cargo intressant la partietraverse par les longerons de voilure, puis la cabine passager suprieure. Celle-ci comprenait huit cabinesdesservies par un couloir central, chaque cabine comportant deux fauteuils transformables en couchettes etdeux hublots. On trouvait la suite un salon, un office et des toilettes. Le pont infrieur, ou Pont A,comportait un compartiment marin sous le poste de pilotage, un compartiment cargo, une sectioncomprenant l'office, la porte d'accs bord, situe bbord, et l'escalier menant au poste d'quipage, puisun vaste salon-bar prcdant la cabine passagers infrieure. Celle-ci comportait trois compartimentscomprenant deux banquettes et une cabine dite 'de luxe' quipe d'une banquette, d'un fauteuil et d'unetable de travail. Ces compartiments taient amnags au centre de la coque, le couloir en faisant le tourconstituant un pont-promenade, et une main-courante tait pose la base de la range de hublots pour lesconfort des passagers observant les paysages survols. Plus en arrire on trouvait enfin des toilettes et uneautre soute cargo.

    L'empennage enfin comportait une surface stabilisatrice didre positif coiffe par des drives de formecomplexe. Toutes les surfaces mobiles d'empennage prsentaient une grande profondeur et taientcompenses par tab.

  • Le SE 200 vu par la presse pour la jeunesse en 1939. Le clbre illustrateur Marcel Jeanjean ralis cet corch partir de la maquette d'amnagement prsente an public au Grand-Palais du 25 novembre au 11dcembre 1938 l'occasion du 16e Salon de l'Aronautique de Paris.

    Les alas de l'histoire : Le 26 juillet 1938 la maquette d'amnagements modifie fut approuve par lesservices officiels et en aot, faisant suite sept sries d'essais Issy-les-Moulineaux, de nouveaux essaisde soufflerie dbutaient dans la grande soufflerie de Chlais-Meudon au moyen d'une maquette en bois l'chelle 1/5. Ralise au prix de quelques 2 200 heures de travail, elle tait quipe de six moteurslectriques Coroller de 32 ch entranant des hlices ratier tripales de 0,78 m de diamtre tournant 5 600tours/minute. Cette campagne d'essais de six semaines rvla la ncessit daccrotre la surface del'empennage horizontal et de modifier le dessin des drives, mais confirma le choix de ballonnets destabilisation flot fixes. Elle laissait galement prsager des performances suprieures celles annonces.Cette maquette fut expose au Grand Palais sur le stand de la SNCASE l'occasion du 16 e Salon del'Aronautique, entre le 25 novembre et le 11 dcembre 1938, tandis qu'une maquette grandeur de la coque,amnage par le dcorateur Willy Rmon, pouvait tre visite dans la section rserve au Ministre de l'Air.

    Par lettre rectificative en date du 23 fvrier 1939 le Ministre de l'Air modifiait la commande 598/8, quipassait de un deux SE 200 pour un montant total de 72 millions de Francs, la livraison du premierprototype tant repousse au 1er octobre 1940 au plus tard et celle du second au 1er avril 1941.

    La construction du premier prototype commena une semaine plus tard dans un immense hangar dont laconstruction s'achevait tout juste sur le site du Grand Cellier, Marignane. Pour pouvoir construire seshydravions de gros tonnage, la SNCASE avait en effet fait raliser un btiment de 50 m de profondeur pourune faade de 80 m, quipe de portes coulissantes permettant son ouverture totale. Un btiment qui futimmdiatement baptis le '80 mtres'.

    La construction du premier prototype progressait rapidement, 193 personnes travaillant sur cet appareil et 15sur le n 2 lorsque la mobilisation interrompit le chantier en septembre 1939. La fabrication des bombardiersLeO 45 ou la transformation des LeO 246 d'Air France pour les besoins de l'Aronautique Navale devenantprioritaire. Une situation qui s'inversa naturellement aprs l'armistice, seuls les programmes commerciaux,civils et exprimentaux restant autoriss. Malgr la disparition d'outillages et d'ouvriers spcialiss et d'une

  • partie du dossier calcul Argenteuil durant la dbcle, quelques 80 ouvriers reprirent le travail sur le n 1sous la direction des ingnieurs Benot et Poitou dans le '80 mtres', une cinquantaine d'ouvrierssupplmentaires tant affects en aot la construction du n 2.

    Spar des postes de pilotage et de radio-navigation par un carr d'quipage dot de couchettes, latraverse de l'Atlantique devant durer 30 heures, le poste du mcanicien-navigant avait des allures de salledes machines. Chaque range d'instrument sur le tableau de gauche correspond naturellement un moteur,la console de droite permettant de suivre la consommation de carburant. Outre les problmes lis aux vnements secouant la France, la question des moteurs subsistait, le moteur18L ayant t abandonn. Il avait t remplac chez Gnme et Rhne par le 14 R4/R5, dveloppant 1 310ch en altitude, mais la SNCASE disposait d'un certain nombre de moteurs Wright GR-2600, achets pourquiper les cinq LeO 457 commands en 1939. Ces derniers furent choisis et une maquette des btis-moteurs et de poste d'quipage, construite Marignane aprs l'armistice, fut examine dbut mai 1941 pardes responsables de l'autorit de tutelle, d'Air France et d'Air France Transatlantique. On parlait alorssrieusement de raliser une petite srie de SE 200.

    En mars 1941 en effet, la coque du n1 tant en cours de finition et celle du n2 en cours d'assemblage, laSNCASE avait suggr au Secrtariat dtat l'Aviation de lancer la construction de nouveaux appareils,une proposition approuve par Air France Transatlantique. Son Directeur Technique, Robert Boname,souhaitait la mise en chantier de deux nouveaux SE 200, qu'il considrait comme un hydravionparticulirement adapt l'Atlantique Sud. L'emploi de l'hydravion sur l'Atlantique Nord resterait possible enrduisant ses amnagements, donc le nombre de passagers transports, de faon l'allger. En juin 1941 leSecrtariat dtat informa le constructeur qu'il ne pouvait pas effectuer de commande supplmentaires, maisqu'il pouvait commander les approvisionnements ncessaires. Le gouvernement de Vichy ngociait en faitun programme franco-allemand de construction aronautique. Le 22 novembre 1941 il annona que laCommission Allemande d'Armistice autorisait la construction d'avions et de moteurs caractre civil,Lufthansa devant tre implique au mme titre qu'Air France. Deux nouveaux Lat 631 et deux SE 200supplmentaires furent donc commands, la compagnie allemande devant suivre fabrication et essais. Enfait l'intrt des Allemands pour les programmes transatlantiques franais remontait fin septembre 1940,lorsqu'une commission de contrle des conditions d'armistice tait venue visiter les installations de laSNCASE dans la rgion de Marseille. Cependant le Secrtariat l'Aviation demanda la SNCASE de ne

  • communiquer aucun dtails de construction Lufthansa. De mme la prsence bord d'un journaliste oud'une personne allemande tait proscrite.

    Une histoire franco-allemande : En dcembre 1941 les deux premires coques taient acheves. Troismois plus tard le SE 200 n 1 tait en cours d'assemblage final et le 21 juillet 1942 le STA attribua aux deuxappareils les lettres F-BAHE et F-BAHF. Le premier tait alors achev, aprs 935 000 heures de travail, maisil ne fut mis l'eau que le 16 septembre. Ce jour l Jacques Lecarme, pilote d'essais de la SNCASE,effectua des essais d'hydroplanage durant 25 minutes sur ltang de Berre. Remis au sec, le prototype subitquelques modifications d'empennage et un redan fut ajout sous les ballonnets, la gerbe d'eau sous l'ailetant trop importante. Le 8 octobre Lecarme arrachait de l'eau et atteignait 220 km/h au cours d'un vol nedpassant pas cinq minutes et une dizaine de mtres de hauteur. Pesant 47 tonnes avec huit personnes bord, l'hydravion fut jug stable, mais la SNCASE se refusa considrer cet essai comme le premier vol dece qui tait alors le plus gros hydravion avoir jamais vol en Europe. Il succdait ainsi au CAMS 161 etprcdait d'un mois le LATE 631.

    Le SE 200 n 1 se trouvait nouveau sec, pour changement des six moteurs, lorsque l'usine Marignane futoccup par un dtachement de la Wehrmacht le 12 novembre 1942. La Zone Libre cessait d'exister. Lepersonnel de la SNCASE fut pourtant autoris quelques jours plus tard reprendre le travail t le 11dcembre le gros hydravion effectuait son premier vol officiel, toujours pilot par Jacques Lecarme. Aprstrois heures d'essais, qui amenrent l'hexamoteur 310 km/h, il fut dcid d'augmenter la surface del'empennage vertical.

    Premire mise l'eau du SE 300 n 01 Rochambeau le 16 septembre 1941 Marignane. Jacques lecarmedjaugera pour la premire fois de l'Etang-de-Berre le 8 octobre suivant, mais le premier vol de ce qui taitalors le plus gros hydravion construit en Europe ne fut enregistr que le 11 dcembre, un mois aprsl'occupation de la Zone Sud par l'arme allemande.

    Baptis entre-temps Rochambeau, le prototype effectua un troisime vol d'essais le 21 dcembre et le 28 le Secrtariat ltat l'Aviation confirmait le march 336/42 portant sur la fourniture de deux SE 200 Amphitrite supplmentaires pour un montant de 85 millions de Francs. Quelques jours plus tard Lufthansa informait Air France Transatlantique qu'elle dsirait louer les hydravions transatlantiques pour exploitation sur son rseau.

  • Les deux nouveaux appareils appareils (n 3 et 4), qui devaient avoir pris l'air avant le 1 er avril et le 1er aot1944 respectivement, devaient recevoir des ballonnets escamotables, diffrents allgements structurauxdevant permettre de gagner trois tonnes sur la masse vide, et surtout des moteurs Gnme & Rhne 14R,l'achat de moteurs Wright tant impossible.

    Cette commande presque inespre permettait la SNCASE d'envisager plus sereinement l'avenir et leprototype fut remis l'eau le 14 janvier en vue d'un quatrime essais. Une demande d'autorisation de vol futdonc transmise la Commission Allemande d'Armistice, dont la rponse arriva le 15 fvrier 1943 : Leshydravions transatlantiques franais CAMS 161, LATE 631 et SE 200, regroups Marignane depuis 1941,taient tous interdits de vol.

    le SE 200 n 1 au mouillage sur l'Etang-de-Berre. Les surfaces verticales de l'empennage changeront plusieurs reprises sur les deux appareils ayant vol. On voit ici le modle adopt fin 1942, pour le 3e vol. Le SE 200 fut donc remont sur le quai et les autorits franaises entreprirent le transfert vers Amphion-les-Bains, sur la rive franaise du Lac Lman, du matriel ncessaire l'accueil des hydravions. Les travauxd'amnagement d'une hydrobase, beaucoup moins expose que Marignane, y avaient en effet dbut le 18dcembre 1942. Mais l'occupant ne l'entendait pas de la mme faon. Le 18 avril il signifiait la DlgationFranaise d'Armistice la saisie des deux SE 200 et des deux LATE 631, et le lendemain Deutsche Lufthansainformait la SNCASE qu'elle prenait en charge la suite des essais tout en conservant l'quipe technique enplace.

    Le 20 avril le reprsentant de Deutsche Lufthansa Marignane, H. Stratemann, faisait connatre lesconditions de reprise des essais en vol des SE 200 et LATE 631 : Prsence d'un pilote allemand bord,zone d'volution limite 10 km autour de Marignane, carburant fourni par les Allemands, peinture en jaunedes surfaces infrieures et de marques de nationalit allemandes. En outre 100 photos de profil et dedessous devaient tre fournies pour chaque appareil pour transmission la Flak, qui devait tre informe 24heures l'avance des vols. Durant cette nouvelle immobilisation le prototype reut des drives agrandiesetdes modifications cosmtiques : une peinture de camouflage gris deux-tons recouvrit la partie suprieure dufuselage et l'extrados des surfaces portantes, initialement peintes en orange, et une bande blanche,spcifique aux appareils de la Luftwaffe oprant en Mditerrane, vint ceinturer l'arrire du fuselage. Enfinles deux SE 200 se virent attribuer des immatriculations d'essais aussi spcifiques qu'appropries : 20+01pour le n 1 et 20+02 pour le n 2.

    Les essais reprirent finalement le 23 juin 1943, un vol d'une heure trente minutes avec des essais demoteurs rgime rduit, en prsence de Hans Werner von Engel, chef pilote de Lufthansa et grandspcialiste des hydravions. Ds le lendemain von Engel prit les commandes durant 15 minutes et le 30juillet, l'occasion du septime vol d'essais, il effectua des essais de dcollage entre 115 et 130 km/h dansla position la plus cabre possible, surprenant jacques Lecarme qui n'avait jamais test cette configuration.

    Si Deutsche Lufthansa avait remplac la Commission des essais en vol des hydravions de gros tonnagedans la gestion du programme d'essais, le bureau d'tudes de la SNCASE conservait comme axe de travailles spcifications du programme 'Atlantique Nord', probablement dans la perspective de l'Aprs-guerre. Orsune des clauses techniques prvoyait le remplacement d'un moteur en deux heures, terre comme flot,par calme plat, cinq hommes et un matriel appropri tant mis en uvre. La ncessit de remplacer unmoteur endommag fut l'occasion de raliser un exercice chronomtr le 5 septembre 1943.

  • Durant le 22e vol, le 3 novembre 1943, von Engel fut rejoint aux commandes du SE 200 par Helmut WasaRodig, chef-pilote chez Blohm & Voss, et un autre pilote du constructeur allemand, Scherer. Les deuxhommes participrent deux autres vols d'essais, les 5 et 9 novembre, avant de regagner Hambourg. Ils'agissait l'vidence pour comparer l'hexamoteur franais avec le BV 222, et probablement le BV 238 encours d'assemblage, mais on ignore quels purent tre les consquences de leur passage Marignane.

    Durant l'essai du 5 novembre le prototype avait dcoll pniblement 70 tonnes, chiffre qualifi de limite parles pilotes. Le 13 l'hydravion tait sorti de l'eau pour des modifications destines amliorer ce tonnage.

    Les marquages d'extrados du Rochambeau taient orange, conformment ce qui tait demand par AirFrance Transatlantique, une couleur destine faciliter les recherches en cas amerrissage de fortune. Leprototype passera beaucoup de temps terre entre septembre 1941 et janvier 1944. Il ne ralisa en fait unpeu moins de cinquante heures de vol en trente sorties sous contrle de la SNCASE avant de rejoindrel'Allemagne.