French - Le droit pénal dans les pays musulmans 1998

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    LE DROIT PNAL DANS LES PAYS MUSULMANSPASS, PRSENT ET FUTUR

    Par

    Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh*

    [email protected]

    1998

    * Dr en droit, diplm en sciences politiques; collaborateurscientifique pour le droit arabe et musulman l'Institut suisse de droitcompar, Lausanne. Auteur notamment de l'ouvrage en franais: LesMusulmans face aux droits de l'homme: religion & droit & politique,tude et documents, Verlag Dr. Dieter Winkler, P.O.Box 102665, D-44726 Bochum, 610 pages (109 Sfr.).

    http://www.sami-aldeeb.com/mailto:[email protected]://www.sami-aldeeb.com/mailto:[email protected]
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    Tout comme le christianisme et le judasme, l'islam n'existe pas. Lejour o vous les rencontrerez invitez-les boire le caf chez vous. Dece fait, je ne parlerai pas de l'islam, mais des musulmans. Le titre dema confrence sera alors le droit pnal dans les pays musulmans:pass, prsent et futur, tenant en considration la monte actuelle du

    fondamentalisme musulmans. Mais je souhaite ici prciser que desfondamentalistes se trouvent aussi chez les juifs et les chrtiens. Leterme fondamentaliste fut d'ailleurs cr au dbut du sicle pourdsigner les protestants amricains attachs la lettre de la Bible. Cecourant est la base de la politique partiale des tats-Unis au Proche-Orient1. C'est aussi une des raisons pour laquelle 60% des enfantsamricains sont circoncis... en application de la Bible2.

    Mais je commence par des remarques gnrales sur les principesinternationaux relatifs au droit pnal.

    I. LE DROIT PNAL DANS LES DOCUMENTS INTERNATIONAUX

    Les Nations unies mnent sur plusieurs fronts un combat visant humaniser le systme des peines, notamment abolir la peinecapitale et interdire la torture.

    L'article 3 de la Dclaration universelle dit: "Tout individu droit la vie, la libert et la sret de sa personne". Cet article a tdvelopp par l'article 6 du Pacte civil dans le but d'arriver uneabolition progressive de la peine capitale. L'alina 5 de cet article dit:

    "Une sentence de mort ne peut tre impose pour des crimes commispar des personne ges de moins de 18 ans et ne peut tre excutecontre des femmes enceintes".

    Comme mesures des Nations Unies en vue de l'abolition de la peinecapitale, il faut signaler la Rsolution du Conseil conomique et socialpour la protection des droits des personnes passibles de la peinecapitale de 1984 ainsi que le Deuxime protocole facultatifde 1989se rapportant au Pacte civil, visant abolir la peine de mort.

    En ce qui concerne la torture, l'article 5 de la Dclarationuniverselle dit: "Nul ne sera soumis la torture, ni des peines outraitements cruels, inhumains ou dgradants". Cette mme

    disposition a t reprise par l'article 7 du Pacte civil auquel il fautajouter la Convention contre la torture et autres peines ou

    1 Le 10 septembre 1993, trois jours avant la signature des accords entre Yasser Arafat et ItzhakRabin, Bill Clinton, chrtien baptiste convaincu, fit une confidence ses conseillers: "Je n'oublierai

    jamais la seule fois o je suis all en Isral... C'tait avec mon pasteur. Il m'a dit: lorsque vous serezprsident - j'avais alors 34 ans, j'tais le plus jeune ancien gouverneur de l'Arkansas et je me disaisqu'il ne savait vraiment pas de quoi il parlait -, souvenez-vous d'une chose: Dieu ne vous

    pardonnera jamais si vous tournez un jour le dos Isral". (Le Monde, 28 octobre 1994, citantl'ouvrage de Dan Raviv et Yossi Melman: Friends in deed, ditions Hyperion, New York, 1994).

    2

    Sur les arguments bibliques de la circoncision aux tats-Unis, voir Jim Bigelow: The Joy ofUncircumcising, restore your birthright and maximize sexual pleasure, Hourglass Book publishing(P.O.Box 171, Aptos, CA 95001, USA) 2me dition, 1995, pp. 84-87.

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    traitements cruels, inhumains ou dgradants. L'article premier decette Convention dfinit la torture comme suit:

    Tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aigus,physiques ou mentales, sont intentionnellement infliges unepersonne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce

    personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un actequ'elle ou une tierce personne a commis ou est souponne d'avoircommis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimiderou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autremotif fond sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit,lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infliges parun agent de la fonction publique ou avec son consentement exprsou tacite. Ce terme ne s'tend pas la douleur ou aux souffrancesrsultant uniquement de sanctions lgitimes, inhrentes cessanctions ou occasionnes par elles.La dernire clause qui parle de sanctions lgitimes reprsente en

    fait les pieds d'argile de cette oeuvre. Il suffirait qu'une peinequelconque soit prescrite par la loi, pour qu'elle devienne lgitime etque cette forme de torture lgalise ne soit pas concerne par laConvention.

    Rappelons ici que l'article 3 de cette Convention interdit d'expulser,de refouler ou d'extrader une personne vers un pays dans lequel ilexiste des motifs srieux de croire qu'elle risque d'tre soumise latorture.

    II. LE DROIT PNAL MUSULMAN1. CONCEPTION ISLAMIQUE DE LA LOI

    La loi, toute loi, peut provenir de trois sources:

    - Le consentement dmocratique: le peuple dcide de la loi qui doit lergir. Une loi adopte aujourd'hui peut tre change demain avecl'accord de ce peuple3.

    - La dictature: un dictateur impose unilatralement sa loi au peuple

    qu'il gouverne. Cette loi est immuable. Personne n'a le droit de lamettre en question sous peine d'avoir la tte tranche ou d'tre exilen Sibrie.

    - La rvlation: un homme religieux, bnficiant d'un certaincharisme, fait croire un groupe d'tres humains que "Dieu" lui arvl un message divin sacr, donc intouchable et immuable pourrgir la socit. Tant qu'il a le pouvoir, personne n'a le droit de mettrecette rvlation en question. C'est donc une dictature du religieux, au

    3 St. Thomas d'Acquin crit: "Lex est quaedam rationis ordinatio ad bonum commune et ab eo quicuram communitatis habet promulgata" (Summa theologica, Ia IIae, q. 90 art. 4).

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    nom de Dieu. Plus le message rvl contient de normes juridiques,plus forte est la dictature du religieux.

    Contrairement la Bible ou au Coran, l'vangile est un textemoraliste, pauvre en normes juridiques. Ceci a facilit dans les pays

    chrtiens la naissance de la dmocratie, terme qui signifie justementle pouvoir du peuple. Et il est faux de parler, sur le plan juridique,d'une culture judo-chrtienne. Il faut plutt parler d'une culturejudo-musulmane.

    Les juifs et les musulmans ont en commun la croyance que la loiprovient d'un message rvl, sacr, qui dcide de leurs droits etdevoirs, du plus petit au plus grand, y compris comment manger oualler aux toilettes.

    Pour les juifs, il y a deux sources pour la loi: la parole de Dieu runiedans la Bible, et la parole des religieux runie dans la Mishnah et le Talmud. Citant des versets bibliques4, le rabbin et philosopheMamonide (1135-1204) dit: "c'est une notion clairement explicitedans la loi que cette dernire reste d'obligation ternelle et dans lessicles des sicles, sans tre sujette subir aucune variation,retranchement, ni complment". Celui qui prtendrait le contrairedevrait, selon Mamonide, tre mis mort par strangulation5.

    Pour les musulmans, il y a aussi deux sources pour la loi: la parole deDieu runie dans le Coran, et la parole de Mahomet (sunnah) runie

    dans de nombreux recueils quivalant au Talmud. MuhammadMitwalli Al-Sha'rawi, personnalit religieuse et politique gyptienne,explique que la rvlation est venue trancher les questions sujettes divergence, librant ainsi l'homme de la peine de les rsoudre par ladiscussion ou par des expriences rptitives puisantes. Lemusulman n'a pas chercher en dehors de l'islam des solutions sesproblmes, puisque l'islam offre des solutions ternelles et bonnesdans l'absolu6. Al-Sha'rawi ajoute: "Si c'tait moi le responsable de cepays ou la personne charge d'appliquer la loi de Dieu, je donneraisun dlai d'une anne celui qui rejette l'islam, lui accordant le droitde dire qu'il n'est plus musulman. Alors je le dispenserais de

    l'application de la loi islamique en le condamnant mort en tantqu'apostat"7. Malgr les huit sicles qui les sparent, le juif Mamonideet le musulman Al-Sha'rawi tiennent le mme discours dictatorial etsanguinaire.4 Il s'agit des versets suivants: "Tout ce que je vous ordonne, vous le garderez et le pratiquerez, sans

    y ajouter ni en retrancher" (Deutronome 13:1). "Les choses rvles sont nous et nos fils pourtoujours, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi" (Deutronome 29:28)."C'est une loi perptuelle pour vos descendants, o que vous habitiez" (Lvitique 23:14).

    5 Mose Mamonide: Le livre de la connaissance, trad. V. Nikiprowetzky et A. Zaoui, Quadrige & PUF,Paris 1961, pp. 97-98.

    6

    Muhammad Mitwalli Al-Sha'rawi: Qadaya islamiyyah, Dar al-shuruq, Beyrouth & Le Caire, 1977,pp. 35-39.7 Ibid., pp. 28-29.

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    2. CLASSIFICATION DES PEINES EN DROIT MUSULMAN

    Le droit musulman distingue entre deux catgories de dlits:- Les dlits punis de peines fixes (had) prvus par le Coran ou la

    Sunnah de Mahomet. Cette catgorie groupe les dlits suivants: levol, le brigandage, l'insurrection arme, l'adultre, l'accusationd'adultre, l'usage de boissons fermentes, l'apostasie, l'atteinte lavie ou l'intgrit physique. Les peines prvues pour ces dlits sontappliques des conditions strictes qui varient selon les coles. Cesdlits sont imprescriptibles.

    - Les dlits punis de peines discrtionnaires (tazir). Cette catgoriecomprend les dlits susmentionns dont une des conditions vient manquer. Elle comprend aussi les dlits qui ne sont pas prvus dansla premire catgorie.

    Ds lors que les conditions d'un dlit fixe sont remplies, le coupablene peut tre graci (remise de la peine, totalement ou partiellementou sa commutation en une peine plus douce). Cela dcoule du versetcoranique 2:229: "Telles sont les lois de Dieu; ne les transgressez pas.Ceux qui transgressent les lois de Dieu sont injustes".

    Dans certains dlits, le pardon du ls ou de l'ayant droit en ce quiconcerne la part qui touche son droit peut jouer un rle. C'est le caspour l'atteinte la vie ou l'intgrit physique (le prix du sangremplace ici la peine), l'accusation d'adultre et le vol. Mais le pardonn'affecte pas le dlit d'adultre.

    Le repentir du coupable peut aussi jouer un certain rle seulement

    pour les dlits de brigandage et d'apostasie. La peine had tombe dansce cas. Mais l'tat garde le droit de svir par une peinediscrtionnaire.

    3. RESPECT DE LA VIE ET PEINE DE MORT

    Le Coran insiste sur le respect de la vie d'autrui:Voil pourquoi nous avons prescrit aux fils d'Isral: "Celui qui a tuun homme qui lui-mme n'a pas tu, ou qui n'a pas commis deviolence sur la terre, est considr comme s'il avait tu tous leshommes; et celui qui sauve un seul homme est considr comme

    s'il avait sauv tous les hommes" (5:32).Ailleurs, le Coran prvoit des interdictions d'homicide commis

    l'gard de ses propres enfants. Il s'agirait de coutumes prislamiques:Ceux qui, dans leur folie et leur ignorance, tuent leurs propresenfants...voil ceux qui sont perdus (6:140).Ne tuez pas vos enfants par crainte de la pauvret. Nous leuraccorderons leur subsistance avec la vtre. Leur meurtre seraitune norme faute (17:31; voir aussi 6:151; 60:12 et 81:9).Ce respect de la vie humaine n'est pas absolu. En effet, le premier

    verset cit plus haut condamne celui qui touche la vie d'autrui, etprvoit la mise mort comme moyen de chtiment. On va voir ici

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    sommairement les cas o la peine de mort est prvue en droitmusulman classique.

    A. Homicide

    En cas d'homicide volontaire, le Coran donne aux ayants droit lapossibilit de se venger sur le coupable en application de la loi dutalion8. Cette norme est hrite de la Bible. Ce chtiment est noncpar le verset 5:32 cit plus haut, et dvelopp par le verset 17:33:

    Ne tuez pas l'homme que Dieu vous a interdit de tuer, sinon pourune juste raison. Lorsqu'un homme est tu injustement, nousdonnons son proche parent le pouvoir de le venger. Que celui-cine commette pas d'excs dans le meurtre.Le Coran va jusqu' justifier le recours la loi du talion: "Il y a pour

    vous, une vie, dans le talion. O vous, les hommes dousd'intelligence! Peut-tre craindrez-vous Dieu" (2:179). Il n'incite pasmoins au pardon:

    Nous leur avons prescrit, dans la Torah: vie pour vie, oeil pour oeil,nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent. Les blessurestombent sous la loi du talion; mais celui qui abandonneragnreusement son droit obtiendra l'expiation de ses fautes (5:45;voir aussi 2:178).En cas d'homicide involontaire, l'assassin doit payer le prix du sang

    et affranchir un esclave ou, s'il n'a pas les moyens, jener deux moisde suite en vertu du verset 4:92:

    Il n'appartient pas un croyant de tuer un croyant; mais une

    erreur peut se produire. Celui qui tue un croyant par erreuraffranchira un esclave croyant et remettra le prix du sang lafamille du dfunt; moins que celle-ci le donne en aumne. Si lecroyant qui a t tu appartenait un groupe ennemi, le meurtrieraffranchira un esclave croyant. S'il appartenait un groupe auquelun Pacte vous lie, le meurtrier remettra le prix du sang la familledu dfunt et il affranchira un esclave croyant. Celui qui n'en a pasles moyens jenera deux mois de suite, en signe de repentirimpos par Dieu. Dieu est celui qui sait, il est juste.

    B. Brigandage et insurrection arme

    Ces deux dlits, noncs par le verset 5:32 cit plus haut, sontdvelopps par les versets 5:33-34:

    Telle sera la rtribution de ceux qui font la guerre contre Dieu etcontre son Prophte, et ceux qui exercent la violence sur la terre:ils seront tus ou crucifis, ou bien leur main droite et leur piedgauche seront coups, ou bien ils seront expulss du pays. Tel seraleur sort: la honte en ce monde et le terrible chtiment dans la viefuture, sauf pour ceux qui se sont repentis avant d'tre tombssous votre domination. Sachez que Dieu est celui qui pardonne; ilest misricordieux.

    8 Sur la loi du talion, voir 2:178-179, 194; 4:92; 5:32, 45; 16:126; 17:33; 22:60.

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    On observera ici que le Coran prescrit la non application de la peinede mort en cas de repentir du coupable avant d'tre pris. Il estsuppos ici qu'il se soit livr l'autorit. Si le coupable ne se repentpas et ne se livre pas avant d'tre pris, ce dlit ne peut tre graci;son repentir aprs avoir t pris ne lui fait pas viter la peine.

    C. Adultre

    L'adultre est prvu dans plusieurs passages contradictoires queles lgistes ont essay de concilier. Aucun de ces passages cependantne prvoit la peine de mort, ce chtiment tant plutt bas sur unrcit de Mahomet. Le Coran commence par affirmer:

    Appelez quatre tmoins que vous choisirez, contre celles de vosfemmes qui ont commis une action infme. S'ils tmoignent:enfermez les coupables, jusqu' leur mort, dans des maisons, moins que Dieu ne leur offre un moyen de salut. Si deux d'entrevous commettent une action infme, svissez contre eux, moinsqu'ils ne se repentent et ne se corrigent. Dieu revient sans cessevers le pcheur repentant; il est misricordieux (4:15-16).Ce premier passage aurait t abrog par le verset suivant:Frappez le dbauch et la dbauche de cent coups de fouetchacun. N'usez d'aucune indulgence envers eux afin de respecterla religion de Dieu si vous croyez en Dieu et au Jour dernier; ungroupe de croyants sera tmoin de leur chtiment (24:2).Ces versets sont complter par le verset suivant:Frappez de quatre-vingts coups de fouet ceux qui accusent les

    femmes honntes sans pouvoir dsigner quatre tmoins; etn'acceptez plus jamais leur tmoignage: voil ceux qui sontpervers, l'exception de ceux qui, la suite de cela, se repententet se rforment. - Dieu est, en vrit, celui qui pardonne; il estmisricordieux - (24:4-5).Ces deux derniers versets constituent en fait la base coranique du

    dlit d'accusation d'adultre qu'on verra plus loin. Il comportecependant une prcision quant au nombre des tmoins requis dansles versets prcdents.

    On constate de ces versets que le Coran ne prvoit nullement lapeine de mort par lapidation pour l'adultre comme le fait la Bible9 Or,

    la tradition rapporte que c'est dans un cas relatif deux juifsadultres soumis Mahomet, que ce dernier se serait inform desnormes bibliques les rgissant et les aurait appliques. Selon uneautre tradition, le Coran comportait un verset coranique rapport parle Calife Umar et dont les termes seraient: "Si un vieillard ou unevieille femme forniquent, lapidez-les jusqu' la mort, en chtimentvenant de Dieu". Ce verset aurait cependant t biff du Coran sanspour autant perdre son effet normatif. C'est ce qu'on appelle enterminologie juridique musulmane abrogation du texte et maintien dela norme.

    9 Lvitique 20:10;Deutronome 22:22-26; voir aussiJean 8:3-11.

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    Le dlit d'adultre punissable de lapidation implique la ralisationde conditions strictes, savoir: relation sexuelle, normale, complteou incomplte, possession de la capacit mentale, absence decontrainte. Les coles divergent sur la question de savoir si les deuxcoupables doivent tre maris, ou s'il suffit qu'un seul des deux le

    soit.Le projet de code pnal gyptien prcise que la lapidation doit sefaire dans un lieu public, en prsence d'un groupe de croyants. Si ledlinquant est non-musulman, les tmoins peuvent tre des non-musulmans. La lapidation doit se faire par le jet de cailloux de taillemoyenne, en vitant le visage. S'il s'agit d'une femme, elle est misedans une fosse profonde jusqu' sa poitrine, ses habits attachs surelle afin qu'elle ne se dcouvre pas. La femme enceinte ou qui allaiteest mise mort la date la plus courte: celle laquelle elle svre sonenfant et celle de deux ans aprs la naissance de son enfant.

    D. Sorcellerie

    Le Coran parle de la sorcellerie dans le verset 2:102:Ils [les juifs] ont approuv ce que les dmons leur racontaienttouchant le rgne de Salomon. Salomon n'tait pas incrdule, maisles dmons sont incrdules. Ils enseignent aux hommes la magieet ce qui, Babil, avait t rvl aux deux anges Harout etMarout. Ces deux-l n'instruisent personne sans dire: "Nous neconstituons qu'une tentation, ne sois donc pas incrdule". Lesdmons apprennent auprs d'eux les moyens de sparer le mari de

    son pouse: mais ils ne peuvent nuire personne, sans lapermission de Dieu. Les dmons enseignent ce qui ne peut nuireaux hommes, ni leur tre d'aucune utilit. Les hommes savent quecelui qui fait l'acquisition de ces vanits n'aura aucune part dans lavie future.Les lgistes classiques prvoient la peine de mort contre le sorcier

    parce qu'il est considr comme un mcrant. Ils invoquent des rcitsde Mahomet et du Calife Umar qui auraient prescrit de couper satte.

    Une telle sanction se trouve l'article 9 d'un projet de code pnalsans date du Ymen du Nord (avant l'unification) dont s'inspiraient les

    tribunaux ymnites. Une thse gyptienne justifie ce chtiment parle fait que la sorcellerie provoque des dgts dans l'esprit de genssous-dvelopps et bas niveau intellectuel. De ce fait, il fallait s'yopposer par les moyens les plus efficaces. Ceci ne serait pasncessaire dans un pays o la raison prdomine. Il ajoute cetargument le fait que le droit musulman prvoit la peine de mort pource dlit10. Mais ni le projet gyptien ni le projet de la Ligue arabe n'enfont mention.

    E. Apostasie

    10 Abd-al-Al: Uqubat al-idam, pp. 374-376.

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    C'est le fait d'abandonner la religion musulmane. La peine capitalecontre ce dlit est prvue non pas dans le Coran, mais dans laSunnah de Mahomet qui aurait dit: "Celui qui change sa religion, tuez-le". On reviendra sur ce dlit en dtail dans la partie suivantelorsqu'on traitera de la libert religieuse11. Disons simplement que ce

    dlit est imprescriptible et ne peut faire l'objet de grce de la part desautorits. Seul le repentir peut faire viter l'apostat d'encourir lapeine de mort.

    F. Dlits graves

    L'tat peut appliquer la peine de mort titre de chtimentdiscrtionnaire contre des dlits qu'il estime assez grave commel'espionnage. Il peut aussi l'appliquer en cas de rcidive pour desdlits moins graves comme la consommation d'alcool, dlitnormalement puni de flagellation.

    G. Lgitime dfense

    Le droit musulman, enfin, permet d'attenter la vie d'autrui en casde lgitime dfense. On ne s'attardera pas sur cette notion connuedans toutes les lgislations du monde avec quelques nuances.

    4. INTGRIT PHYSIQUE ET CHTIMENT CORPOREL

    Le Coran permet de porter atteinte l'intgrit physique titre de

    chtiments corporels, ce qui provoque souvent une raction de la partdes Occidentaux comme de la part de certains intellectuels arabes etmusulmans qui les jugent cruels et dgradants. Voyons ceschtiments.

    A. Coupure ou amputation

    L'amputation est prvue pour les dlits de vol, de brigandage,d'insurrection arme et d'atteinte l'intgrit physique. Dans cedernier cas, il s'agit de l'application de la loi du talion: faire subir unelsion semblable celle cause.

    a) Vol

    Le Coran dit: "Tranchez les mains du voleur et de la voleuse: cesera une rtribution pour ce qu'ils ont commis et un chtiment deDieu. Dieu est puissant et juste" (5:38). tant prvu par le Coran, cedlit appartient la catgorie dite had. Il est imprescriptible et nepeut faire l'objet de grce de la part de l'autorit. Le repentir ducoupable ne lui sert rien. Le pardon de la victime ne supprime pastotalement la sanction parce que l'tat garde la possibilit decommuer la peine coranique en peine discrtionnaire.

    11 Voir la partie III, chap. II.

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    Selon l'article 86 du projet gyptien, si la main droite du voleur estampute, on ampute le pied gauche. Si la main et le pied sontamputs, le dlit se convertit en emprisonnement pour une dure de5 10 ans.

    b) Brigandage et insurrection arme

    On a parl de ces deux dlits dans le paragraphe prcdent. Lesversets 5:33-34 qui les rglent prvoient trois peines contre lescoupables: "ils seront tus ou crucifis, ou bien leur main droite etleur pied gauche seront coups, ou bien ils seront expulss du pays".

    c) Atteinte l'intgrit physique

    En cas d'atteinte l'intgrit physique, le Coran permet au ls dese venger sur le coupable en lui faisant subir une lsion similaire celle qu'il a subie. Ce chtiment est hrit de la Bible laquelle serfre le verset 5:45 cit plus haut. Citons ici un autres passagecoranique:

    La punition d'un mal est un mal identique; mais celui qui pardonneet qui s'amende trouvera sa rcompense auprs de Dieu. Dieun'aime pas les injustes. Quant ceux qui, aprs avoir subi un tort,se font justice eux-mmes: voil ceux contre lesquels aucunrecours n'est possible. Le recours n'est possible que contre ceuxqui sont injustes envers les hommes et qui, sans raison, semontrent violents sur la terre - Voil ceux qui subiront un

    chtiment douloureux - Mais celui qui est patient et qui pardonnefait montre des meilleures dispositions (42:40-43).

    B. Flagellation

    La peine de flagellation est prvue pour l'adultre, l'accusationd'adultre non prouve et l'usage de boissons fermentes.

    a) Adultre

    Diffrents versets coraniques cits plus haut prvoient la

    flagellation pour adultre. Ce chtiment est remplac par lalapidation. Mais, lorsque les rapports sexuels ne remplissent pas lesconditions du dlit d'adultre, les coupables sont punis de flagellation.

    b) Accusation d'adultre non prouve

    En vertu du verset 24:4, cit plus haut, est puni de 80 coups defouet la personne qui accuse une autre d'adultre mais n'arrive pas apporter la preuve de ses allgations par la voie de quatre tmoinsmles ou l'aveu du diffam.

    c) Usage de boisson alcoolique

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    Le Coran dclare les boissons enivrantes tires des palmiers et desvignes comme une merveille (16:67) mais demande aux croyants dene pas approcher la prire en tat d'ivresse (4:43). Ailleurs, il dit quele pch qui est dans les boissons enivrantes est plus grand que leur

    utilit (2:219). Dans un autre passage (5:90-91), il prescrit de lesviter en les qualifiant de "souillure procdant de l'oeuvre du dmon"dont le but est de "susciter l'hostilit et la haine" entre les croyants etde les "carter de l'invocation d'Allah et de la prire". Aucunesanction, cependant, n'est prvue par le Coran mais Mahomet auraitflagell celui qui en buvait.

    Le mmoire du projet pnal gyptien de 1982 cite des textes del'Ancien et du Nouveau Testament pour affirmer que les boissonsfermentes ne sont permises ni dans le Judasme ni dans leChristianisme. Ce projet prvoit 40 coups de fouet pour ce dlit. Lapeine est de 10 30 coups de fouet si le dlinquant s'adonne l'usage des boissons fermentes par d'autre voie que la bouche (art.162 et 166). Il s'agit probablement ici d'injection, mais le projet ne leprcise pas. D'autres peines sont prvues contre la possession, lafabrication, l'importation, la commercialisation, la prsentation de telsboissons ainsi que contre la publicit les concernant (art. 159).

    III. Le droit pnal dans les pays musulmans

    1) APPLICATION LIMITE DU DROIT PNAL MUSULMAN

    La plupart des constitutions des pays arabes affirment que l'islam estla religion d'tat et que le droit musulman est une source principale,voire la source principale du droit12. Malgr ces affirmations, le droitmusulman ne couvre aujourd'hui que le droit de la famille et le droitsuccessoral, ainsi que le droit pnal dans quelques pays commel'Arabie saoudite. Les autres domaines du droit sont rgis par des loisimportes principalement de l'Occident, commencer par laconstitution elle-mme, le systme judiciaire, le droit rel, le droit desobligations, le droit commercial et le droit pnal.

    La plupart des pays arabes et musulmans ont abandonn les

    normes pnales islamiques et ont adopt des codes pnaux quiressemblent dans l'ensemble aux codes occidentaux dont ilss'inspirent.

    C'est le cas par exemple en gypte o la lapidation et autres peinestypiquement musulmanes sont cartes. Le code pnal non militaireprvoit 20 dlits punissables de la peine de mort. L'excution est faitepar pendaison dans la prison ou en lieu cach du public. S'il s'agit demilitaires, le coupable est fusill.

    12 Voir pour tout ce paragraphe Aldeeb Abu-Sahlieh: Les musulmans face aux droits de l'homme, op.

    cit., pp. 26-35.

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    Le code de procdure pnale gyptien prvoit son article 381 quele tribunal doit solliciter une fatwa du mufti de la Rpublique avant deprononcer la peine de mort. Bien que la fatwa ne soit pascontraignante pour le juge, la sentence prononce sans consulter lemufti est nulle. La fatwa doit tre donne dans les dix jours, au-del

    desquels le juge n'est pas tenu d'attendre. Selon la Commissionlgislative parlementaire, la consultation du mufti vise "procurer uncalme au condamn en sachant que la peine de mort prononcecontre lui est conforme au droit musulman"13.

    Certains pays arabes et musulmans, cependant, continuent appliquer les normes pnales musulmanes. C'est le cas de l'Arabiesaoudite o, en l'absence de normes pnales codifies, on continue se rfrer au droit musulman classique. L'excution de la peine se faitsouvent le vendredi aprs la prire en prsence du public qui, en casde lapidation, participe au jet des pierres.

    La Libye a adopt entre 1972 et 1974 des lois rgissant le vol et lebrigandage (loi 148/1972), l'accusation d'adultre (loi 52/1974) etl'adultre (loi 70 /1973). Cette dernire loi ne prvoit que la peine deflagellation (100 coups de fouet) cumule avec une peinediscrtionnaire d'emprisonnement; elle carte la peine de lapidationnon prvue par le Coran.

    Le Soudan a appliqu le droit pnal musulman depuis le mois deseptembre 1983 jusqu'au coup d'tat de mars 1985 qui a renvers leprsident Numeiri. Cette exprience a t bnfique pour l'gypte enfaisant chouer le projet pnal islamique de 1982, cart en mai1985. Le Soudan, cependant, a renou avec le droit pnal musulman

    avec un nouveau code pnal musulman de 1991 aussi svre que leprcdent o toutes les sanctions pnales islamiques y sont prvues.

    2. POSITIONS ARABO-MUSULMANES AU SEIN DE L'ONU

    Il serait intressant de prsenter ici certaines ractions des paysarabes ou musulmans dans le cadre des Nations Unies concernant lapeine capitale et les chtiments cruels. On commence par la peinecapitale.

    Sur requte du Secrtaire gnral concernant le 2me protocolefacultatif du Pacte civil en vue de l'abolition de la peine capitale, trois

    pays arabes et musulmans ont rpondu comme suit:L'Algrie dit que la peine capitale existe dans sa lgislation mais

    qu'il n'est pas exclu que l'on assiste, terme, une abrogation "defait" de cette peine.

    Le Pakistan s'est dclar "dans l'impossibilit d'adopter quelquemesure que ce soit visant chance l'abolition de la peine capitale"en raison de sa constitution qui "impose l'application de la Shariahislamique". C'est pourquoi, "des lois, conformes aux prescriptions del'Islam telles qu'elles sont exposes dans le saint Coran et dans laSunnah, prvoyant la peine capitale pour certains crimes ont tappliques et continueront de l'tre au Pakistan".

    13 Husni: Sharh qanun al-uqubat, al-qism al-am, pp. 756-757.

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    Le Qatar dit qu'il a limit dans une large mesure l'application de lapeine de mort, rserve aux crimes les plus graves. Il estimananmoins "qu'il est ncessaire que la loi continue de prvoir la peinecapitale. Il s'agit d'une peine juste, dissuasive et dcisive dans unnombre limit de cas et dans des circonstances prcises nonces

    dans la lgislation en vigueur". Il ajouta que la Shariah est "la sourceprincipale de sa lgislation. Ce droit prescrit la peine de mort pour descrimes dont les auteurs mritent d'tre limins de la socit, telsque le meurtre prmdit et la sdition". Pour ces raisons, il entendmaintenir la peine capitale14.

    La reprsentante du Maroc la 3me Commission dit le 27 octobre1981 qu'elle "espre que durant ces dbats (sur la peine capitale) lespartisans de l'abolition de la peine de mort feront preuve de patienceet de mesure, en s'abstenant notamment d'mettre des jugements devaleur sur la peine de mort, qui reste en vigueur dans 115 pays pourdes raisons que ces derniers doivent estimer valables"15.

    Concernant les chtiments cruels, c'est le Soudan qui a t mis surla sellette. L'application du droit pnal musulman dans ce pays a tsoumise une attaque en rgle de la part notamment d'Amnestyinternational et de la Commission internationale des juristes en raisondes amputations qui se pratiquaient en application d'un code pnalmusulman introduit en septembre 1983. Amnesty international dit le27 aot 1984: "L'amputation dlibre et de sang froid fait partie detoute vidence des chtiments cruels, inhumains et dgradants"16.

    A la suite de ces attaques, la Sous-Commission des Nations Uniesde la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des

    minorits, par sa rsolution 22/1984, dans laquelle le nom du Soudana t biff, demanda aux pays qui pratiquaient l'amputation de dicterd'autres normes conformes l'article 5 de la Dclaration universelle.

    Le reprsentant du Soudan condamna cette rsolution dans uneintervention devant ladite Sous-Commission en date du 22 aot 1984.Il dit:

    La critique adresse aux normes musulmanes ne peut trecomprise que comme critique adresse la religion musulmaneelle-mme. De ce fait, mettre les normes musulmanes sur labalance des droits de l'homme vise carter les dbats de la Sous-Commission de ses objectifs principaux pour les mener au champ

    de l'valuation des normes et des lgislations sacres17

    .Dans les travaux de cette Sous-Commission, des experts du Maroc,

    de la Jordanie et de l'gypte sont intervenus pour donner leur avis surles pratiques soudanaises. Tout ces experts ont approuv ce qui sepasse au Soudan et ont considr que cela n'est pas contraire auxdroits de l'homme.

    Dans une autre intervention dans le cadre du Sminaire sur lapromotion de la comprhension, de la tolrance et du respect dans

    14 A/37/407 du 30 sept. 1982.15 A/C3/36/SR.31, du 27 oct. 1981.16 E/CN.4/sub.2/1984/SR.23, pp. 8-11; E/CN.4/sub.2/1984/SR.25, pp. 14-15.17 Texte arabe transmis par la reprsentante d'Amnesty international.

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    les domaines se rapportant la libert de religion ou de convictionorganis par le Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme Genve entre le 3 et le 14 dcembre 1984, le reprsentant du Soudandit le 12 dcembre 1984 concernant cette mme rsolution:

    Cette rsolution, de notre point de vue, est une condamnation

    claire des enseignements et des normes de la religion musulmaneet dpasse dangereusement les limites, ce qui approfondit le fossentre les religions et les croyances et va l'encontre du respectdes enseignements des religions sacres. Elle ne correspond pasaux buts du Sminaire en plus du fait qu'elle utilise les droits del'homme pour d'autres vises et va l'encontre de leurs objectifs.La promotion de la comprhension et la tolrance exige le respectdes enseignements des religions18.Signalons enfin qu'aucun pays arabe n'a ratifi le Deuxime

    protocole facultatif de 1989 se rapportant au Pacte civil visant abolirla peine de mort. Dans cette rgion du monde, le seul pays l'avoirabolie est Isral. Mais il s'agit en fait d'une abolition formelle. En effet,ce pays permet ses soldats et ses colons de tuer des civilspalestiniens bout portant. Ce qui constitue une forme encore plussournoise d'atteinte la vie faite sans procs, sans prsence d'avocatet sans appel.

    3. AMNESTY INTERNATIONAL ET L'ARABIE SAOUDITE

    Selon le rapport d'Amnesty international de 1992, 66 personnes onteu la tte tranche en Arabie saoudite, accuses des dlits

    d'homicide, de commerce de vente de drogue, d'apostasie, dekidnapping ou de dlits sexuels. De nombreuses personnes sontmortes sous la torture19.

    Dans un rapport du 15 mai 1993, cette organisation a critiqul'augmentation des cas d'excution en Arabie saoudite. Pour la seuleanne 1992, dit le rapport, 105 personnes ont t excutespubliquement20.

    L'Ambassadeur de l'Arabie Londres a rpondu que les peinesislamiques qu'applique son pays sont prvues par le Coran. Il s'tonnedevant le mpris qu' Amnesty international affiche l'gard descroyances des musulmans en affirmant que la peine de mort prvue

    par le Coran constitue une peine cruelle et inhumaine. Il souhaite quecette organisation qui prtend croire la libert admette la libertd'autrui appliquer le systme qu'il a choisi et non pas le systmeforg par les philosophes de cette organisation. Par ces prises deposition, elle se mue en une organisation contraire l'Islam.

    Amnesty international rpliqua que sa lutte contre la peine de mortest indpendante des religions et des rgions et dcoule de sacroyance que cette peine est contraire au principe du droit la vie.Elle signala aussi que les condamns ne bnficient pas des garanties

    18 Texte arabe transmis par la reprsentante d'Amnesty international.19 Amnesty International report 1993, p. 252.20 Amnesty International: Saudi Arabia an upsurge in public executions, 15.5.1993.

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    d'un procs quitable: aveux obtenus sous la torture, absence decommission indpendante pour enquter sur des cas de torture, dnidu droit d'avoir un avocat.

    L'ambassadeur saoudien Paris, rpondant un ditorial dujournal Le Monde, dit que son pays "applique, certes, conformment

    la loi coranique, le chtiment suprme l'encontre des meurtresprmdits, le viol et l'assassinat des femmes et des enfants et letrafic de drogue. L'excution se fait en public, c'est l'expression de lafoi d'un peuple croyant et le droit d'un tat souverain d'appliquer saloi"21.

    4. APPLICATION PARTICULIRE DU DROIT MUSULMAN ENLIBYE

    ce pays ayant adopt une loi qui prvoit de couper la main du voleur.Le juge me dit qu'il y a des voleurs en Libye et les tribunaux doiventrendre leurs dcisions selon la loi, mais sans jamais pouvoir lesexcuter. La loi tait voulue par le peuple. En Libye il y a plus que 300comits populaires qui choisissent leurs dlgus nationaux (un peucomme le systme des communes en Suisse, prcise-t-il). Cesdlgus peuvent proposer aux comits populaires n'importe quelleloi. Si ces lois sont acceptes la base, le congrs des dlgusnationaux les approuve. C'est ainsi qu'a t promulgue la loi contrele vol, mais celle-ci ne plat pas Kadhafi qui s'oppose l'excutiondes jugements par le ministre de la justice. Kadhafi ne voulait pasentrer dans un conflit ouvert avec le peuple dans un domaine si

    dlicat que l'application du droit musulman. Il demande aux comitspopulaires d'assumer leur responsabilit de lgislateur, et auxtribunaux d'assumer leur responsabilit de juges; lui-mme serservant la responsabilit d'excuteur les jugements, paralysantainsi la loi pnale islamique qui ne lui plat pas. Ceci rappelle un peule droit de grce accord au chef de l'tat en France en matirepnale. Mais est-ce que cela s'tend d'autres domaines? Peut-ilparalyser toute autre loi? Je n'ai pas os poser cette question.

    Je me rappelle que lors de ma dernire visite en Libye, le congrs desdlgus avait vot une loi, devant la tlvision. Lorsque Kadhafi est

    entr au congrs, en deux mots, il a renvers la vapeur. Le oui estdevenu non, comme par miracle. Kadhafi semble dsormais laisserfaire et n'intervient qu'au niveau de l'excution. C'est une conceptionparticulire de la sparation des pouvoirs et mrite une vrificationsur le terrain. Aucun livre juridique ne vous le dira.

    5. MUTILATIONS SEXUELLES ENTRE LE DROIT MUSULMAN ETLE DROIT PNAL TATIQUE

    21 Le Monde, 4-5.7.1993, ditorial; rponse de l'Ambassadeur dansLe Monde, 15.7.1993.

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    Annuellement, environ 15 millions de personnes sont mutiles, donttreize millions de garons et deux millions de filles. A chaquebattement de coeur, un enfant passe sous le couteau22.

    La circoncision masculine est pratique dans les cinq continents par

    environ un milliard de musulmans, trois cents millions de chrtiens,seize millions de juifs et un nombre indtermin d'animistes etd'athes.

    La circoncision fminine a t et continue tre pratique dans lescinq continents par des musulmans, des chrtiens, des juifs, desanimistes et des athes. Mais elle est surtout rpandue dans 28 pays,principalement africains et musulmans23. En gypte, mise sur lasellette ces temps-ci, 97% des femmes sont circoncises: 99.5% dansles campagnes et 94% en milieu urbain24.

    Les musulmans sont donc le principal groupe religieux qui pratique lacirconcision masculine et fminine.

    Tant la circoncision masculine que fminine constitue une atteinte l'intgrit physique. Malheureusement, aucun document internationalne garantit le droit l'intgrit physique. Aucune organisationinternationale et aucun pays occidental n'a voulu condamner lacirconcision masculine... par peur d'tre accuss d'anti-smitisme.

    La monte actuelle de l'intgrisme religieux dans les pays musulmans

    contribue maintenir la pratique de la circoncision fminine. Le 17octobre 1995, sous la pression des organisations non-gouvernementales gyptiennes et internationales, le ministre de lasant gyptien interdit aux hpitaux tatiques de pratiquer lacirconcision. Cette interdiction fut confirme par le dcret ministrielno 261 de 1996. Mais ce dernier fut dclar invalide le 24 juin 1997par un tribunal administratif du Caire sur plainte des milieuxislamistes. Aprs le jugement, le cheikh Youssef Al-Badri dclara:"Dieu soit lou, nous avons gagn et nous allons appliquer l'islam"25.

    La pratique de la circoncision fminine connat actuellement une

    extension dans les pays musulmans asiatiques, probablement sousl'effet de l'Azhar qui donne des centaines de bourses des tudiantsprovenant de ces pays. Des Algriens en Allemagne appelleraientaujourd'hui la circoncision des filles bien que cette pratique ne soitpas connue en Algrie26.

    22 Ad hoc working group of international experts on violations of genital mutilation, POB 197, Southfields,

    New York 10975, USA.23 Mutilations sexuelles fminines: dossier d'information, OMS, Genve (1994).24

    Egypt Demographic and Health Survey 1995, National Population Council, Le Caire, Sept. 1996; LeMonde, 26 juin 1997, p. 3.25 Le Monde, 26 juin 1997, p. 3.

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    IV. PERSPECTIVES D'AVENIR

    1. COURANT ISLAMISTE

    Le courant islamiste souhaite le retour la loi islamique dans ses

    normes pures et dures. Il utilise diffrents moyens pour s'opposer ceux qui ne partagent pas leur point de vue: procs et assassinats,pressions conomiques, prsentations de projets de lois conformes audroit musulman, refus par les juges islamistes d'appliquer les loistatiques, recours aux tribunaux pour invalider ces lois, campagnemdiatique et acadmique en faveur du droit musulman, etc. Cecourant ne cache pas sa volont de s'emparer du pouvoir pourinstituer ce qu'il appelle un Etat islamique. Diffrents mouvementsislamistes ont dj prpar leur propre constitutions islamistesd'aprs lesquelles ils entendent grer la socit.

    Selon ce courant, l'homme n'est pas en mesure de dcider ce qui estbien et ce qui est mal. Seul Dieu peut le faire, travers ses prophteset ses livres sacrs. Il se base notamment sur les deux passagescoraniques suivants:

    Ceux qui ne jugent pas les hommes d'aprs ce que Dieu a rvl sontdes mcrants, ... injustes, ... pervers (5:44, 45, 47).Lorsque Dieu et son prophte ont pris une dcision, il ne convient ni un croyant, ni une croyante de maintenir son choix sur cette affaire.Celui qui dsobit Dieu et son prophte s'gare totalement et

    manifestement (33:36).

    En gypte, de nombreux projets de code pnal islamique ont tprsents au parlement, mais ils n'ont jamais t adopts. Le plusimportant est celui de 1982, prpar par une commissionparlementaire et approuv par l'Azhar. Bien plus grave, la Liguearabe a rdig en 1986 un projet de code pnal arabe unifis'inspirant du droit pnal musulman. Ce projet, qui n'a t adopt paraucun pays arabe, va dans le mme sens que le projet gyptien de198227.

    Les mouvements islamistes qui sont derrire ces projets ne cachentpas leur intention de rintroduire les normes pnales islamiques, l oelles ne s'appliquent pas. Cette intention est explicite dans leursmodles constitutionnels. Ainsi le Modle constitutionnel de l'Azhar dit son article 71:

    26 Le parti des Verts allemands devait en parler dans son colloque sur la circoncision fminine, Bonn,28-30 avril 1997 (Nashrat magmu'at al-'amal al-ma'niyyah bi-mukafahat khitan al-inath, numro

    exprimental 2, 15 avril 1997, p. 2).27 Sur ces deux projets, voir Aldeeb Abu-Sahlieh: Les musulmans face aux droits de l'homme, op. cit.,pp. 70-71.

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    Les peines fixes par la loi islamique (hudud) sont appliques pour lesdlits d'adultre, de fausse accusation d'adultre, de vol, debrigandage (harabah), de consommation de vin et d'apostasie.

    Ces dlits ne peuvent faire l'objet d'amnistie (art. 59). Il est aussi

    question de l'application de la loi du talion (art. 76 et 78).

    Rdig Londres, le Modle constitutionnel du Conseil islamique estplus discret. En son article 4.a, il stipule que "Tout ce qui fait l'trehumain, savoir sa vie, ses biens et son honneur, sont sacrs etinviolables: leur immunit ne saurait tre leve que pour un motif quela loi divine a dcrt et selon la procdure que celle-ci dfinitgalement". Comprenne qui pourra...

    La mme discrtion se retrouve dans la 2me Dclaration des droitsde l'homme de ce Conseil. L'article l.a dit: "La vie humaine est sacreet inviolable et tous les efforts doivent tre accomplis pour laprotger. En particulier, personne ne doit tre expos des blessuresni la mort, sauf sous l'autorit de la Loi". S'entend, la loi islamique.L'article 5.c ajoute: "La sanction doit tre fixe conformment la loiislamique, proportionnellement la gravit du dlit et compte tenudes circonstances dans lesquelles il a t commis".

    2) RPONSES DES MUSULMANS AU DFI ISLAMISTE

    Plusieurs voies ont t tentes dans les pays musulmans pour rduire

    le conflit entre la loi islamique et les droits de l'homme. Certains ontessay d'interprter les normes islamiques dans un sens libral.D'autres proposent une mise en question plus radicale de la loiislamique. Nous mentionnons ici les diffrents courants, touscondamns par les islamistes comme courants mcrants.

    A) Maintien du statu quo

    Ce courant prfre le maintien des lois tatiques actuelles au retourau droit musulman souhait par les islamistes. Il avance que lesversets coraniques ou les rcits de Mahomet cits par le courant

    islamiste sont souvent tronqus, manipuls, pris hors contexte ou malinterprts et que le Coran et la Sunnah ne comportent pas denormes juridiques en nombre suffisant pour rgir la socit. Il ajouteque le systme juridique musulman construit sur ces deux sources estd'origine humaine, qu'il faut prendre comme tel et qu'on a le droit demodifier selon les besoins de la socit; qualifier le droit musulmandans son ensemble de droit divin sans autres nuances est un abus delangage. Les quelques normes juridiques que comportent le Coran etla Sunnah visaient protger les intrts de la socit; elles doiventdonc tre interprtes la lumire de ces intrts28. Le courant

    28 Pour ces arguments, voir notamment les deux ouvrages de Muhammad Sa'id Al-'Ashmawi: Ussul

    al-shari'ah, 2me d., Maktabat Madbuli, Le Caire & Dar iqra', Beyrouth, 1983, et Al-islam al-siyassi,

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    positiviste signale enfin que peu de lois tatiques sont contraires audroit musulman, savoir les normes relatives aux peinesmusulmanes et aux intrts. Ces lois, cependant, ne peuvent tremodifies sans une prparation pralable de la socit pour ne pasavoir des consquences contraires celles souhaites29.

    B) Suppression des normes islamiques discriminatoires

    Ce courant rejoint le courant prcdent dans sa lutte contre larintroduction des normes islamiques, notamment en ce qui concernele droit pnal musulman qu'il juge cruel. De plus, il souhaite que l'tatlimine aussi les normes islamiques qui sont en vigueur. C'estnotamment le cas des normes relatives au droit de famille en raisonde leur caractre discriminatoire l'gard des femmes et des non-musulmans. On citera notamment ici un projet de loi intitul "Centmesures et dispositions pour une codification maghrbine galitairedu statut personnel et du droit de la famille". Ce projet a t tabli parle "Collectif 95 Maghreb galit" compos de trois organisationsfminines marocaine, algrienne et tunisienne, prsent laConfrence Mondiale des femmes Pkin en 1995. Il limine toutesles discriminations que le droit musulman consacre l'gard desfemmes et des non-musulmans30.

    Les organisations qui ont rdig ce projet se disent en faveur de lalacit et de la sparation de l'tat et de la religion. Mais pour viterd'tre critiques, elles essaient de justifier les modifications

    proposes par le biais d'une interprtation librale des normesmusulmanes31. Elles ne se librent donc pas de l'autorit du texte"rvl", mais librent le texte "rvl" de l'autorit des religieux.Ainsi ces femmes tombent en conflit direct avec ceux qui se cachentderrire le texte "rvl". Certains musulmans n'hsitent pas qualifier ces organisations de mcrantes.

    C) Distinction entre les versets mecquois et les versetsmdinois

    Muhammad Mahmud Taha (1916-1985)32, fondateur des Frres

    rpublicains au Soudan, a prsent une thorie rduisant la portenormative du Coran. Partant de la division classique entre versetscoraniques rvls Mdine, et les versets coraniques rvls la

    Sina lil-nashr, Le Caire, 1987.29 'Awad Muhammad 'Awad: Dirassat fil-fiqh al-gina'i al-islami, op. cit., pp. 33-38.30 Collectif 95 Maghreb galit: Cent mesures et dispositions pour une codification maghrbine galitaire

    du statut personnel et du droit de la famille, version franaise dite par Women living under MuslimLaws, Grabels (France), 1995, p. 14.

    31 Ibid., pp. 31-38.32

    Sur ce penseur soudanais, voir Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh: Droit familial des pays arabes, statut personnel et fondamentalisme musulman, dans Praxis juridique et religion (Strasbourg), anne 5,fascicule 1, 1988, pp. 39-41.

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    Mecque, il propose de ne tenir compte que de ces derniers. Cefaisant, il carte toutes les discriminations pour cause de religion oude sexe contenues dans les versets mdinois. Cette conceptionsuscita la colre des hauts responsables religieux musulmans33. Ds1976, l'Azhar demanda la tte de Taha 34. Finalement, il fut condamn

    par un tribunal soudanais et pendu le 18 janvier 198535

    . La Ligueislamique mondiale a flicit le prsident Numeiri pour ne pas l'avoirgraci36. Le 18 novembre 1986, la Cour suprme soudanaise acependant invalid le jugement en question, notamment pour dfautd'incrimination de l'apostasie dans le code pnal de 198337. Pourremdier cette lacune, le code pnal soudanais de 1991 a prvu son article 126 la peine de mort pour apostasie. Actuellement, lathorie de Taha est dveloppe par son disciple, le professeurAbdullahi Ahmed An-Na'im. Ce dernier reconnat cependant qu'il n'estpas possible de rconcilier les droits de l'homme avec la loi islamiqueen raison de la distinction pour cause de religion et de sexe. Ilpropose une sparation entre la loi et la religion38.

    D) Rejet des paroles de Mahomet (la sunnah)

    Certains ont divis les sources islamiques en deux, ne prenant enconsidration que le Coran, rejetant toute sacralisation de la sunnah.C'est la doctrine prne par Kadhafi39. Elle est aussi adopte parKamal Mustafa Al-Mahdawi, un juge libyen, qui a crit un ouvrageintitul: la clarification par le Coran. Une des consquences de cetteconception est par exemple le rejet de la circoncision masculine qui

    ne figure pas dans le Coran40

    . Ne pouvant pas s'attaquer Kadhafi, lesmilieux islamistes ont intent un procs contre Al-Mahdawi pourapostasie. On retrouve cette mme thorie dans les ouvrages del'gyptien Rashad Khalifa pour qui le "hadith et la sunna" sont des

    33 Pour une critique de la doctrine de Taha, voir Hussayn Muhammad Zaki: Al-qawl al-fasl fil-rad 'ala

    mahazil Mahmud Muhammad Taha, Dar al-rihab, 2me d., Alexandrie, 1406 h. [1986]. En faveur deTaha, voir Abdullahi Ahmed An-Na'im: Toward an islamic Reformation, civil liberties, human rights,

    and international law, Syracuse university press, Syracuse N.Y., 1990.34 Al-Ahram, 16.4.1976.35 Texte et commentaire du jugement dans Al-Mukashifi Taha Kabbashi: Tatbiq al-shari'ah al-

    islamiyyah fil-Sudan bayn al-haqiqah wal-itharah, Al-Zahra' lil-i'lam, Le Caire, 1986, pp. 80-96 (l'auteurprsidait la cour qui a condamn Taha).

    36 Sudan News Agency, 18 janvier 1985. Cette Ligue, fonde en 1962, a son sige la Mecque. Elleregroupe des chercheurs musulmans de plusieurs pays musulmans. Elle vise dfendre les causesmusulmanes et promouvoir les droits de l'homme (!). Elle comprend une Acadmie de

    jurisprudence islamique, qui publie des dcisions relatives la loi islamique.37 Voir la dcision dans Henri Riyad: Mawsu'at al-ahkam al-dusturiyyah fil-Sudan, 1966-1988, Dar al-

    Hilal, Beyrouth, 1995, pp. 231-276.38 Abdullahi Ahmed An-Na'im: Toward an Islamic Hermeneutics for Human Rights, dansHuman rights

    and religious values, an uneasy relationship?, ditions Rodopi, Amsterdam, 1995, p. 238.39 Voir une critique de cette conception dans Abd-Allah Al-Sadiq: Tagribat Al-Kadhafi fi itar al-

    mawazin al-islamiyyah, Al-gabhah al-wataniyyah li-inqadh Libya, sans lieu, 1981.40 Mustafa Kamal Al-Mahdawi:Al-Bayan bil-Qur'an, Al-dar al-gamahiriyyah, Misratah et Dar al-afaq

    al-gadidah, Casablanca, 1990, vol. 1, pp. 348-350.

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    "innovations sataniques"41. Cette position a dchan contre sonauteur les passions42 et a conduit son assassinat. Dernirement, unreprsentant du groupe fond par lui aux tats-Unis a rejet lacirconcision masculine et fminine43.

    Le rejet de la sunnah rduit les conflits entre les normes islamiques etles droits de l'homme, mais ne les rsout pas tous. Dans marencontre avec Al-Mahdawi au mois de novembre de cette anne, ilm'a rpt qu'il n'admet pas le mariage entre une musulmane et unchrtien parce que cela, selon lui, se heurte aux normes coraniques etconstitue une soumission aux non-musulmans.

    E) Dsacralisation des livres sacrs et de la rvlation

    La position la plus radicale et la plus franche est celle qui vise dsacraliser les livres sacrs. On trouve cette conception chezcertains penseurs comme Zaki Nagib Mahmud et Hussayn Fawzi et,avant eux, chez le philosophe-mdecin Mohammad Ibn Zakariyya Al-Razi

    Zaki Nagib Mahmud, adepte du positivisme scientifique, estime qu'ilne faut prendre du pass arabe, comme du prsent occidental, que cequi est utile pour la socit arabe44. Pour juger ce qui est utile et ce quine l'est pas, il faut recourir la raison, quelle qu'en soit la source:rvlation ou non-rvlation45. Ce qui suppose le rejet de toutesaintet dont serait couvert le pass46. Les choses doivent tre

    apprcies en pratique, sans falsifier les donnes historiques nitomber dans les gnralisations47. "La cl du vrai aujourd'hui, crit-il,est de bien digrer cette ide que nous sommes en transformation,donc en mutation; ainsi, le pass ne saurait rgir l'avenir" 48. Il ajouteque les pays arabes doivent extirper deux choses de leur esprit pourpouvoir construire une socit moderne:

    1) l'ide que se fait l'Arabe de la relation entre le ciel et la terre, selonlaquelle "le ciel a command et la terre doit obir; le crateur a trac

    41 Rashad Khalifa: Quran, Hadith and Islam, Islamic productions, Tucson (USA), 1982, prface et p.82.

    42 Pour une critique de cet auteur, voir Bint-al-Shati: Qira'ah fi watha'iq al-baha'iyyah, Markaz al-

    Ahram, Le Caire, 1986, pp. 341-351.43 Voir http://www.moslem.org/khatne.htm.44 Zaki Nagib Mahmud: Tagdid al-fikr al-'arabi, Dar al-shuruq, Beyrouth et le Caire, 3me dition,

    1974, pp. 18-20; Zaki Nagib Mahmud:Al-ma'qul wal-la ma'qul, Dar al-shuruq, Beyrouth et le Caire,

    1976, p. 34.45 Mahmud: Tagdid al-fikr al-'arabi, op. cit., p. 21; Zaki Nagib Mahmud: Thaqafatuna fi muwagahat

    al-'asr, Dar al-shuruq, Beyrouth et le Caire, 1976, p. 96.46 Ibid., pp. 51-53.47 Ibid., pp. 65, 79 et 80.48 Ibid., p. 228.

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    et planifi, et la crature doit se satisfaire de son destin et de sonsort".2) l'ide que se fait l'Arabe de la volont divine, coupant tout lienentre la cause et l'effet, et accordant cette volont un pouvoirsuprieur qui bafoue les lois de la nature49.

    Zaki Nagib Mahmud, dcd il y a quelques annes, n'a cess d'treattaqu par les milieux islamistes. Dans une interview accorde larevue cairote Rose al-Youssof en avril 1977, il dit qu'il "se sent vivreun cauchemar idologique ou une farce". Il pose la question: "Qui vacouper la main du voleur? Est-ce le chirurgien qui a jur de protgeret de sauver les gens et de recoller les mains coupes, ou leboucher?" Les rponses sa question sarcastique n'ont pas tard. Larevue Al-I'tissam publia en mai 1977 un article de quatre pagesaccusant le philosophe de s'tre moqu de la loi de Dieu. Rpondant sa question, l'article dit: "Nous rassurons Monsieur le Docteur quecelui qui coupera la main du voleur sera le mdecin. Mais ce sera leboucher qui coupera les langues des dsobissants rvolts parmi lesphilosophes, les lettrs et les artistes".

    Hussayn Fawzi, libre penseur gyptien, tient un discours similaire.Dans la rencontre des intellectuels gyptiens avec Kadhafi le 6 avril1972, il lui dit que les socits modernes ne peuvent tre diriges parla religion. "Que la conviction personnelle y intervienne dans ledomaine des rapports humains, cela ne pose pas de problme. Maisque la religion soit l'lment qui dirige la socit moderne, cela est

    exclu.... Chacun garde pour soi son rapport avec son dieu et sesaptres. Mais cela ne peut signifier qu'un peuple qui va vers lacivilisation soit oblig par des principes ou des normes de conduitetablis dans des poques autres que celle-ci... Ce que ma raisonn'admet pas, je ne peux l'admettre quelle que soit la pressionqu'exerce le gouvernement contre moi. Ma raison est le dirigeant et lematre, au fond du coeur"50. En fait, ce penseur rejette toutervlation. Lors de ma rencontre avec ce penseur le 8 septembre1977, il me dit que Dieu a cr le monde en six jours et il s'est reposle septime jour et continue se reposer. Par consquent, tous lesprophtes venus aprs le sixime jour ne peuvent tre envoys par

    Dieu.

    Cette mfiance l'gard de la rvlation fut dj exprime par lephilosophe-mdecin Mohammad Ibn Zakariyya Al-Razi (en latin:Rhazes) (environ 854-925 ou 935). Il dit: "Dieu nous pourvoit de ceque nous avons besoin de savoir, non pas sous forme de l'octroiarbitraire et semeur de discorde d'une rvlation particulireporteuse de sang et de disputes, mais sous la forme de la raison,laquelle appartient galement tous. Les prophtes sont au mieux

    49

    Ibid., pp. 294-295. Pour plus de d

    tails sur la position de ce philosophe, voir Aldeeb Abu-Sahlieh:L'impact de la religion sur l'ordre juridique, op. cit., pp. 132-134.50 Al-Ahram, 7.4.1972, p. 6.

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    des imposteurs, hants par l'ombre dmoniaque d'esprits agits etenvieux. Or l'homme ordinaire est parfaitement capable de penserpar lui-mme, et n'a besoin d'aucune guidance de qui que ce soit".Comme on lui demande si un philosophe peut suivre une religionrvle, Al-Razi rplique: "Comment quelqu'un peut-il penser sur le

    mode philosophique s'il s'en remet ces histoires de vieilles femmesfondes sur des contradictions, une ignorance endurcie et ledogmatisme"51.

    3) RPONSES DES OCCIDENTAUX AU DFI ISLAMISTE

    La confrontation, parfois violente, entre les islamistes qui veulentimposer les normes religieuses et leurs coreligionnaires qui lesrefusent ne se limite pas aux pays musulmans, mais s'tend aux paysnon-musulmans dans lesquels vivent des minorits musulmanes.

    On essaie de rduire le choc entre les diffrentes communautsreligieuses travers des dialogues interreligieux. Mais ces dialoguesvitent soigneusement tous les points de friction que nous avons citsplus haut, et pour cause. Ils se droulent entre des groupes religieuxn'ayant pas toujours des connaissances juridiques et le sens desralits; les juristes n'y sont pas associs. Bien plus grave, le couragefait souvent dfaut, ces religieux ayant chacun un cadavre dans leurplacard: Couvre mes dfauts pour que je couvre les tiens.

    Pour faire face aux problmes poss par les musulmans en Occident,

    je propose des mesures lgislatives et prventives et l'ouverture d'undbat idologique franc, sans complaisance.

    A) Mesures lgislatives et prventives

    Sur le plan lgislatif, les occidentaux ne peuvent considrer ce qui sepasse dans les pays musulmans comme une affaire qui ne les regardepas. Ils doivent, dans leur propre intrt, soutenir les mouvements quiluttent pour le respect des droits de l'homme aussi bien dans les paysmusulmans qu'en Isral, notamment en les poussant adopter leprojet de loi intitul "Cent mesures et dispositions pour une

    codification maghrbine galitaire du statut personnel et du droit dela famille" tabli par le "Collectif 95 Maghreb galit", dont nousavons parl plus haut. Une telle loi mettra fin la discriminationsexiste et religieuse qui rgne dans ces pays en matire de droit defamille et de droit successoral.

    En ce qui concerne les rapports avec les musulmans qui vivent dansles pays occidentaux, ces derniers doivent exiger de ces musulmansle respect du principe de la rciprocit en matire de libert religieuseet de culte, notamment l'occasion de la construction des mosques.Ils doivent rejeter leur demande d'avoir des cimetires spars

    51 Encyclopdie de l'islam, nouvelle dition, Brill, Leiden, vol. 8, 1995, p. 492.

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    comme expression d'une sgrgation entre les vivants. D'autre part, titre de prvention, ils doivent soumettre les candidats musulmans la naturalisation un examen concernant les droits fondamentaux.Ceux qui n'acceptent pas de souscrire ces droits et ceux quiconsidrent que leurs lois religieuses sont suprieures aux lois

    tatiques ne devraient pas tre naturaliss52

    . Il faut soumettre cesmmes exigences les requrants d'asile politique53, les imams etaumniers musulmans, ainsi que ceux qui souhaitent pouser despartenaires occidentaux.

    Signalons ici que l'Institut suisse de droit compar a publi unebrochure sur les mariages mixtes entre Suisses et trangersmusulmans, rdige par l'auteur de ces lignes54. Il y propose auxcandidats de tels mariages de signer un contrat de mariageprvoyant des clauses visant rgler la vie du couple, du mariagejusqu' la tombe, dans le but de garantir le respect de la dignithumaine. Les pays occidentaux devraient imposer un tel contratavant de clbrer le mariage. Il ne s'agit pas d'empcher les mariagesmixtes. Ces derniers peuvent en effet tre salutaires la longue endonnant naissance une nouvelle gnration panache qui ne sereconnat plus dans le modle musulman actuel. Mais le couple quichoue dans cette entreprise porte la lourde responsabilit de lamonte de la xnophobie contre les musulmans en Occident. De cefait, il faut prendre toutes les prcautions pour viter l'chec desmariages mixtes et pour que ceux-ci ne soient pas des foyers defanatisme religieux.

    B) Dbat idologique

    Sur le plan idologique, il faut se rendre l'vidence que laconfrontation entre les normes islamiques et les normes tatiquesprovient du fait que les normes islamiques d'origine rvle refusentle compromis et le recours la raison, deux conditions indispensablesdans chaque projet de socit consensuelle et dmocratique. Chacunreste libre de croire ce qu'il veut sur le plan individuel. Maisl'intrusion de la rvlation en tant que source de normes sociales

    52 Rappelons ici que de nombreux pays musulmans exigent d'une personne qui veut se naturaliserd'tre musulmane (voir Aldeeb Abu-Sahlieh: Les musulmans face aux droits de l'homme, op. cit.,pp. 93-94).

    53 L'article 2 de la Convention relative au statut des rfugis dit: "Tout rfugi a, l'gard du pays oil se trouve, des devoirs qui comportent notamment l'obligation de se conformer aux lois etrglements ainsi qu'aux mesures prises pour le maintien de l'ordre public". D'autre part, l'article 1in fine dit que cette convention ne s'applique pas aux personnes qui "se sont rendues coupables

    d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies". Un requrant d'asile quivoudrait pratiquer la discrimination religieuse ou sexuelle dans le pays d'accueil ne devrait pas se

    prvaloir de la convention susmentionne.54 Sami Aldeeb: Mariages mixtes entre Suisses et trangers musulmans, enjeux de normes lgales

    conflictuelles, Institut suisse de droit compar, Dorigny, 1015 Lausanne, 1996. Cette brochure peuttre commande (au prix de 10.- Sfr.) en franais ou en allemand auprs de l'Institut l'adressesusmentionne.

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    catgoriques n'apportera la socit que plus de souffrances et dedceptions, dans les pays musulmans comme dans les pays non-musulmans. Dans ces derniers, elle risque de dboucher ce qui s'estpass en Espagne; le renvoi des immigrs musulmans est d'ailleursprn ouvertement aujourd'hui par plusieurs politiques franais et

    europens.

    Les musulmans, o qu'ils vivent, doivent faire un effort rel poursparer totalement la religion du droit et donner la raison laprminence sur la foi. Il faudrait cependant que l'Occident fasseaussi un effort de sa part. Il incombe l'Occident - qui a la libert depense - de commencer enseigner dans ses facults de thologie etdans ses coles que la rvlation est un concept faux et dangereuxpour l'humanit. Une telle ide pourra progressivement faire sonchemin chez les musulmans comme chez les juifs. Sans cela, le21me sicle sera ravag par des guerres de religions attises pardes hallucins juifs, chrtiens et musulmans, tous prtendant obir des ordres de Dieu.

    Je souhaite cependant carter tout malentendu. Je n'invite pas lelecteur l'athisme, mais valoriser la raison que nous avons tous encommun, et que la rvlation paralyse. Or, si j'utilise ma raison, je nevois pas pourquoi la Bible, l'vangile ou le Coran ont plusd'importance que Mille et Une Nuits, et chappent la critique du bonsens et de la raison.