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Fuite des centres de décision, quelles réalités ? Étude par Jean-Yves DURANCE, Vice-Président CCI Paris Ile-de-France et Anne-Catherine OUTIN-ADAM, Directeur des politiques législatives et juridiques

Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France

27, avenue de Friedland F - 75382 Paris Cedex 8

http://www.etudes.cci-paris-idf.fr

Registre de transparence de l’Union européenne N° 93699614732-82

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS 5

PREFACE 6

INTRODUCTION 7

LES CENTRES DE DECISION, MAILLONS ESSENTIELS À LA PROSPERITE DES TERRITOIRES 9 1. UNE NOTION REDEFINIE PAR LA TRANSFORMATION DES ORGANISATIONS 10

a) L’éclatement géographique des organisations ou l’obsolescence du concept de nationalité des groupes 10

b) Du centre de décision… au réseau décisionnel 11 c) Des modèles d’organisation qui diffèrent selon les secteurs d’activité et des choix

organisationnels 12 d) Le Comité Exécutif comme marqueur de centre de décision 12

2. LES CARACTERISTIQUES-CLES DES CENTRES DE DECISION 13 3. COMMENT NAISSENT LES CENTRES DE DECISION ? 13 4. LA PRESENCE DE CENTRES DE DECISION CREE UN CERCLE VERTUEUX DE L’ATTRACTIVITE 14

a) Le secteur des services aux entreprises, un fort pourvoyeur d’emplois alimenté par les centres de décision 14

b) Les centres de décision portent en germe un pool de talents riche et attractif 15 5. LES CENTRES DE DECISION GENERENT BEAUCOUP D’EMPLOI HAUTEMENT QUALIFIES SUR LES TERRITOIRES 15

a) Une stimulation du tissu industriel français 15 b) L’effet d’entraînement sur les PME 15 c) Une partie de l’emploi national induite par la création d’emplois en Île-de-France 16 d) La proximité des pouvoirs publics et le « réflexe France » 17

6. L’ATTRACTIVITE DES TERRITOIRES ET LEUR CAPACITE A ATTIRER DES CENTRES DE DECISION D’ENTREPRISES

ETRANGERES 17 L’ECONOMIE FRANÇAISE CONFRONTEE A LA FUITE DES CENTRES DE DECISION 18

1. COMMENT SE MANIFESTE LA FUITE DES CENTRES DE DECISION ? 19

a) Des départs d’abord de personnes physiques avant des centres de décision 19 b) Des départs de personnes physiques de mauvais augure pour les centres de décision 20

2. LES CAUSES DE DEPLACEMENT DE CENTRES DE DECISION 21

a) Le rapprochement des marchés clients est souvent avancé comme l’argument-clé 21 b) La complexité et l’instabilité réglementaire qui génèrent trop d’incertitudes

aux yeux des dirigeants 24 c) La diabolisation des patrons et l’environnement défavorable aux affaires 26

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d) La fiscalité des entreprises 26 i. La compétitivité fiscale dépend des secteurs d’activité 27 ii. Des départs de sièges limités par l’imposition sur les plus-values latentes qui

n’empêchent pas la perte de substance des sociétés situées en France 28 iii. La taxe sur les salaires perçue comme un handicap pour la Place

financière de Paris 28 iv. Le projet de taxe sur les transactions financières : un véritable danger 28 v. La Taxe dite « à 75 % » s’est révélée redoutable 28 vi. Le niveau élevé de l’impôt sur les sociétés n’est que rarement le driver

de départ mais il contribue fortement aux prises de décision et a des effets pervers 29

e) Le poids de la fiscalité sur les dirigeants 30 f) La lourdeur du droit social 31

i. Un coût du travail trop élevé 32 ii. La pesanteur du cadre réglementaire 33 iii. La complexité sociale des restructurations 34

g) Les entreprises patrimoniales sont un cas à part 35 i. Un constat s’impose : les entreprises familiales disparaissent de France 35 ii. La multiplication des héritiers se croisant avec une fiscalité peu favorable

précipitent la chute des empires 35 iii. Holding familial et pacte Dutreil : une solution certes, mais avec ses limites 35 iv. La délocalisation à l’étranger des entreprises patrimoniales pour échapper

à une instabilité juridique française croissante ? 36 h) La perte d’influence de la place financière de Paris aurait un effet relatif suivant les

caractéristiques des entreprises 37 i) Un rôle de la société européenne à tempérer 37

3. DES SITUATIONS PROPICES AUX DELOCALISATIONS DE CENTRES DE DECISION 40

a) Les changements de dirigeants 41 b) Les opérations de fusions-acquisitions 41

4. LES INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS, UN BON INDICATEUR D’ATTRACTIVITE 43

a) Une inversion de la courbe en ce qui concerne les investissements directs étrangers (IDE) vers la France 43

b) La perte de substance de l’économie française se traduit par de grandes difficultés à fixer les centres de décision d’entreprises internationales 45

c) Le faible pouvoir d’attraction de la France aux yeux des Grands Emergents doit donner lieu à une réflexion 45

5. ÉTUDE DE CAS : LES PAYS-BAS SONT-ILS UN PARADIS FISCAL EN EUROPE ? 47

a) Points sur les avantages fiscaux offerts par les Pays-Bas 47 b) D’autres pratiques d’optimisation fiscales plus agressives sont autorisées

aux Pays-Bas, parfois considérés comme la porte d’entrée européenne vers les paradis fiscaux 48

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AGIR POUR ATTIRER LES CENTRES DE DECISION 49 1. CRITERES D’ATTRACTIVITE ET PERFORMANCE DE LA FRANCE 50

2. DES ATOUTS SUR LESQUELS S’APPUYER POUR DEFINIR UN PLAN STRATEGIQUE D’ATTRACTIVITE 52

a) La France peut devenir une destination « entrepreneuriale » de choix 53 i. A partir de ses atouts… 53 ii. … et en développant son attractivité aux yeux des entrepreneurs étrangers

tout en facilitant l’accès au financement des entreprises de croissance 53 b) Il est crucial de s’appuyer sur les atouts stratégiques régionaux et nationaux et de les

valoriser 54 3. LES REALISATIONS DU GRAND PARIS POURRAIENT RENFORCER L’ATTRACTIVITE DE L’ÎLE-DE-FRANCE 55

a) Parce que le Grand Paris relève d’une stratégie fondée sur le renforcement et la mise en réseau des pôles de développement de l’Ile-de-France, il est un fort levier d’attractivité potentiel. 55

b) Parce que le Grand Paris est au service d’une stratégie économique ambitieuse, il vise au développement d’un modèle multi-spécialisé innovant 56

CONCLUSION 58

ANNEXES 59

ANNEXE 1 – LISTE DES PERSONNES INTERVIEWEES 60

ANNEXE 2 – QUELQUES DEFINITIONS 61

ANNEXE 3 – PRODUCTIVITE DU TRAVAIL - DONNEES EUROSTAT 2014 EN USD 63

ANNEXE 4 – REGIME FISCAL NEERLANDAIS 65

BIBLIOGRAPHIE 68

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REMERCIEMENTS

Les auteurs tiennent à remercier :

Les experts du monde de l’économie, de la politique et du corps académique qui se sont rendus disponibles et ont participé aux interviews que nous avons conduites afin de réaliser cette étude.

Les conseils avisés de Jean-Michel Saussois, Professeur Emérite à ESCP Europe ; Philippe Louvet, ex Directeur des ressources humaines L’Oréal et Conseiller enseignement supérieur ; Marc Lhermitte, Associé du cabinet EY.

Ainsi que, en interne :

Simon Robert, chargé d’études et Pascal Morand, Directeur général adjoint, chargé des études et de la mission consultative.

Les experts de la Direction générale adjointe chargée des études et de la mission consultative (en économie, fiscalité, droit des affaires, droit social, Grand Paris…).

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PREFACE La France peut se réjouir d’avoir donné naissance à un nombre élevé de grands groupes mondiaux et d’être encore aujourd’hui surreprésentée dans le classement « Fortune 500 » ! Ces groupes nés dans notre pays n’y ont souvent qu’une faible part de leur activité, mais y ont encore conservé l’essentiel de leurs centres de décision, de leurs sièges sociaux, de leur recherche. Ceux-ci représentent directement des dizaines de milliers d’emplois très qualifiés mais, plus encore, sont au cœur d’un écosystème qui nourrit de nombreuses PME. Ils sont un élément majeur de notre activité et de notre richesse. Mais… La mondialisation les conduit naturellement à s’ouvrir et à déplacer certains centres de décision, à accueillir des dirigeants et des administrateurs de toutes nationalités. Leur actionnariat est souvent devenu majoritairement mondial. Tous ces éléments fragilisent de plus en plus leur enracinement dans notre territoire. Aussi, les conforter, les retenir est-il un impératif, notre attractivité doit commencer d’abord auprès de nos entreprises ; or nos lois (droit des sociétés et du travail, fiscalité,…) sont déjà peu favorables et évoluent mal dans une instabilité très dommageable, ceci dans un climat de méfiance et de critiques à l’égard des grands groupes et de leurs dirigeants, qui s’est aggravé au cours des dernières années… sans compter les absurdités idéologiques comme la « taxation à 75 % ». Estimant la situation potentiellement dangereuse, la CCI Paris Ile de France a décidé d’analyser le phénomène. Elle inscrit cette étude dans le cycle inauguré par ses travaux relatifs à l’expatriation des Français, les situations examinées concernent l’attractivité aussi bien de notre modèle économique, fiscal et social que de notre « business environment ». Si le lien entre les deux « volets » de ce cycle d’étude est évident, il est essentiel de mentionner deux différences majeures. D’une part, l’expatriation de nos talents participe en partie d’un cercle vertueux car elle enrichit par l’expérience internationale notre capital humain national. D’autre part, c’est un phénomène réversible. Il en est tout autre quant au départ de centres décision qui, de plus, induit le départ de talents.

Jean-Yves Durance

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INTRODUCTION Fuite des cerveaux, des états-majors, des sièges sociaux, des centres de décision… A en croire la chronique, la France se viderait peu à peu de sa substance… Depuis les années 90 s’est accélérée la délocalisation des activités productives, liée au démantèlement de la chaîne de valeur dans l’entreprise et à des enjeux de compétitivité. Mais voici une décennie, est apparu un autre phénomène : une flexibilité accrue de la localisation des dirigeants, en raison des nouveaux outils de communication et de nouveaux modes d’organisation : la généralisation des organigrammes matriciels fonction/pays conduit en effet à ce que la base de travail d’un dirigeant puisse aisément être transférée dans un autre pays. Ainsi, dans la continuité de l’examen du phénomène d’expatriation des Français publié par la CCI Paris Île-de-France1, la question très controversée des départs de centres de décision s’impose, afin de comprendre si notre pays est en mesure de créer et d’abord de conserver la valeur et l’emploi indispensables à la croissance de nos économies nationale et francilienne. L’Île-de-France concentrant la majorité des centres de décision français, les réflexions concernent par extension la prospérité économique de la France entière : « Ce qui est bon pour Paris et la région Île-de-France est bon pour la France. »2 D’emblée, la notion-même de centre de décision apparaît floue alors qu’utilisée à tour de bras par les hommes politiques, les chefs d’entreprises, les économistes et les journalistes. On observera, au demeurant, que le siège social n’est pas toujours synonyme de centre de décision – loin s’en faut - et que la granularité nécessaire au suivi des centres de décision est difficilement atteignable, tant cette notion dépeint des contours différents d’un groupe à l’autre. Pour tenter d’en donner une définition, avec toutes les difficultés que l’évolution des modes d’organisation et la globalisation génèrent, la CCI Paris Île-de-France s’est donc entourée de compétences académiques et d’experts de la gouvernance. Très vite, par ailleurs, au-delà de quelques grands dossiers qui font la une des journaux - déplacement de la trésorerie de TOTAL à Londres, réflexions sur la localisation du siège de la nouvelle entité qui naîtrait de la fusion entre LAFARGE et HOLCIM en Suisse, … – on note qu’il est délicat d’identifier les flux de centres de décision d’un pays à un autre. Aucun suivi statistique public n’est réalisé en ce domaine, à l’exception de celui reposant sur une clé constituée par le siège social et que le transfert d’un siège social de la France vers l’étranger « stoppe » logiquement. De surcroît, le sujet fait en quelque sorte l’objet d’une « omerta » au regard des enjeux politiques et de communication financière qui en découlent. Une méthodologie qualitative : Afin de mieux cerner les phénomènes en cours, ont été auditionnés des dirigeants, avocats spécialistes des fusions transfrontalières et de la fiscalité des entreprises, membres de COMEX, professeurs ou encore chasseurs de têtes - la plupart de manière anonyme3 selon leur souhait - ce sous forme d’entretiens physiques ou téléphoniques. Les dirigeants interviewés couvrent largement les grands secteurs de l’économie nationale (aéronautique, agroalimentaire, banque-assurance, énergie, environnement, grande distribution, industrie, services, télécommunications). Les groupes qu’ils dirigent totalisent 385 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploient plus d’un million de personnes à travers le Monde.

1 Précité. 2 Laurent FABIUS, Ministre des Affaires Étrangères, lors du Forum « Compétitivité et attractivité, le double défi des global cities » organisé par la CCI Paris Île-de-France en partenariat avec Paris Capitale Économique le 21 mai 2014. 3 Lorsque des dirigeants sont cités nommément, les citations proviennent de sources publiques qui sont référencées en note de bas de page.

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Nous avons délibérément veillé à ce que les informations recueillies lors des entretiens ainsi que les analyses sur lesquelles elles sont basées ne violent pas l’anonymat afin de ne pas révéler la stratégie des groupes concernés. L’enquête ainsi menée a permis d’appréhender de plus près les déterminants des processus de départs à l’étude ou actés et de réfléchir à ce qui pourrait être mis en œuvre pour les éviter. Elle a aussi révélé les situations les plus propices à ces questions de délocalisation de centres de décision. De même, puisque le maintien de centres de décisions sur le territoire national interroge, en négatif, notre capacité à attirer les investisseurs internationaux, la CCI Paris Île-de-France a réalisé un rapide état des lieux de l’attractivité de la France à l’international, en s’appuyant sur des sources publiques et des benchmarks internationaux, ainsi que sur les éclairages apportés par l’enquête par entretiens. Partant, cette étude se déroule en trois parties : - Les centres de décision, maillons essentiels de la prospérité des territoires ; - L’économie française, confrontée à la fuite des centres de décisions ; - Agir pour relancer l’attractivité de la France et de l’Île-de-France. Une remarque préliminaire Statistiquement, le sujet des « centres de décision » concerne peu les TPE et PME4. Il prend davantage son sens pour les ETI5, et dans une plus grande mesure encore, pour les grands groupes6. Les questions relatives à la localisation des centres de décision seront donc essentiellement abordées sous l’angle des grandes entreprises ; sachant qu’elles sont au cœur d’un écosystème qui nourrit et stimule le tissu des PME et TPE, éléments essentiels des chaînes de valeur.

* * * * * *

In fine, gageons que ces travaux auront permis de dresser un état des lieux qui n’a pas vocation à être exhaustif mais appellera des approfondissements futurs sur des problématiques plus précises et techniques.

4 Frank Tannery, Professeur des Universités, Lyon 2, spécialiste de la stratégie. 5 Définition d’une ETI en Annexe 2 6 Définition d’un grand groupe en Annexe 2

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LES CENTRES DE DECISION, MAILLONS ESSENTIELS À LA PROSPERITE DES TERRITOIRES

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Aux yeux du grand public, la notion de centre de décision est souvent réduite au siège social d’une organisation. Cet amalgame entre siège social et « centre de décision » est réducteur et souvent faux, le siège social étant avant tout une notion juridique et fiscale, ne se rapportant pas à un ancrage géographique des processus décisionnels des sociétés.

Les exemples sont nombreux, le LCL a son siège social à Lyon mais les centres de décision sont situés en région parisienne. De même, les sièges sociaux de groupes emblématiques comme EADS sont situés aux Pays-Bas, alors que leurs centres de décision n’y sont pas localisés. On notera que la prise de conscience de l’importance des centres de décision a déjà donné lieu à un travail de grande envergure commissionné par le Sénat et rapporté en 2007 par le Sénateur

Gaudin, à savoir le « Rapport d’information fait au nom de la Commission commune d’information sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s’attachent, en ce domaine à l’attractivité du territoire national. » Dans le cadre de cette étude, certains dirigeants ont été auditionnés. Ils ont proposé leur définition de la notion de centre de décision. Celles que l’on doit à Jean Peyrelevade, Denis Ranque et aux représentants de l’Agence Française pour les Investissements Internationaux (AFII) sont ainsi tirées de ce même rapport (cf. annexe 2). Nous nous sommes appuyés sur ces dernières et avons fait réagir les experts interviewés à ces définitions afin d’affiner les caractéristiques des centres de décision. 1. Une notion redéfinie par la transformation des organisations

a) L’éclatement géographique des organisations ou l’obsolescence du concept de nationalité des groupes

L’internationalisation des entreprises, conséquence de la libéralisation des échanges de produits, de capitaux et de personnes et des opérations de fusions-acquisitions amicales ou hostiles qui se sont démultipliées depuis le début des années 1980 ont créé de vrais acteurs multilatéraux, de vraies sociétés multinationales.

De nos jours, la notion de nationalité des groupes est très complexe, la réflexion suivante développée par le cabinet EY en 2007 dans le « Classement des métropoles mondiales accueillant le plus de centres de décision » en témoignant déjà :

« L’idée que l’on pourrait gérer un groupe mondial d’un seul endroit est largement obsolète. » Bruno Lafont, PDG de Lafarge (Fabrice Anselmi, « La localisation en jeu », AGEFI,15 mai 2014)

Du point de vue juridique, le siège social se situe à l’adresse indiquée dans les statuts de l’entreprise, qui détermine la nationalité d’une entreprise. Mais la nationalité d’une entreprise peut être déduite également de la nationalité de son dirigeant, ou encore de celle de ses actionnaires majoritaires. En pratique, le siège social de l’entreprise est le lieu où se prennent les décisions stratégiques pour l’avenir de l’entreprise. Aujourd’hui, la dynamique des implantations internationales dans le contexte de la mondialisation entraîne une dispersion des centres de décision en trois segments : le centre de décision statutaire de l’entreprise, la fonction décisionnelle de l’entreprise et les fonctions opérationnelles fortement liées à la fonction décisionnelle (finances, ressources humaines, administratif, recherche et développement).

La définition de l’INSEE d’ailleurs semble faire l’amalgame, bien qu’elle distingue les notions de centre de décision réel et légal : « Centre de décision : tête de groupe si l’établissement appartient à un groupe ou siège social de l’entreprise dans les autres cas. Le centre de décision représente le sommet de la pyramide légale du groupe ou de l’entreprise mais peut ne pas correspondre au centre de décision réel, notamment dans le cas de localisation due à des facilités fiscales. » (www.insee.fr)

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L’internationalisation de l’actionnariat, des COMEX et des activités rend ainsi le concept même de nationalité des entreprises obsolète. Comme le pressentait déjà Robert REICH en 19907, il est important de se poser la question de ce que l’on pourrait considérer comme une situation préférable pour l’économie nationale. A cet égard, serait-il mieux qu’une entreprise ait son siège social en France et 95 % de ses ressources déployées à l’international ou qu’une entreprise, domiciliée à l’international, développe une grande partie de ses activités sur notre territoire et y génère de nombreux emplois directs et indirects ? La réponse ne peut pas être manichéenne, elle doit intégrer des analyses économiques, sociales et fiscales. Cela souligne la complexité de la compréhension de ces phénomènes. La mutipolarisation de l’activité des grands groupes est une réalité. Sur les 900 grandes entreprises interrogées par le cabinet PwC cans le cadre de l’étude « Talent Mobility 2020 », le nombre de localisations moyen de ces entreprises à travers le monde est passé de 13 en 1998 à 22 en 2009 et PwC prévoit que ce chiffre augmente jusqu’à 33 localisations en 2020.8

Source : « Talent Mobility 2020 », PwC, 2010

La taille mondiale des entreprises les oblige donc à créer également des centres de décision géographiques régionaux, ce qui initie « naturellement » un éclatement de la localisation des centres de décision.

b) Du centre de décision… au réseau décisionnel

Au sein de ces grandes entreprises, des évolutions organisationnelles ont par ailleurs poussé à la fragmentation des processus décisionnels, que ce soit sur le plan des organes de décision eux-mêmes, qui se sont fragmentés avec le développement des organisations, ou de celui de la localisation des directions et des acteurs de la prise de décisions. En 2014, la notion de centre de décision, en dehors d’une structure pyramidale qui n’est plus celle des grands groupes, a des contours assez flous en termes de périmètre d’activité et de localisation.

7 « Who is Us », Harvard Business Review, 1990. 8 « Talent Mobility 2020 », PwC, 2010.

0

5

10

15

20

25

30

35

1998 2009 2020

Nombre moyen de localisations internationales des grands groupes

Nombre d'implantations internationales

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Le siège social, la direction de la stratégie, la direction financière, des fonctions tertiaires supérieures, les centres de recherche et de développement, des directions opérationnelles comme les directions marketing, commerciales, achats... nombreux sont les organes de l’entreprise impliqués dans les processus décisionnels. On peut d’ailleurs parler d’un réseau décisionnel regroupant les centres de décision au sein des grands groupes… Et ce réseau décisionnel a autant de contours qu’il y a de groupes, ce qui compromet l’analyse statistique des migrations de centres de décision car elle requerrait une analyse approfondie au cas par cas.

c) Des modèles d’organisation qui diffèrent selon les secteurs d’activité et des choix organisationnels

En d’autres termes, il est impossible de définir un périmètre générique des centres de décision, tant ce dernier dépend du secteur et, comme le soulignent divers experts interrogés, de choix d’organisation propres à l’entreprise.

d) Le Comité Exécutif comme marqueur de centre de décision

La notion de Comité Exécutif qui rassemble les têtes des différents centres de décision est intéressante.

La composition du COMEX est donc un indicateur des directions qui font partie du réseau décisionnel de l’entreprise.

« La notion de centre de décision est étroitement liée au secteur d’activité des sociétés. Par exemple, dans certains secteurs, la R&D est hautement stratégique. Pour d’autres comme pour la grande consommation, le marketing est une fonction stratégique, fondamentale pour la génération de valeur, ce qui en fait un vrai centre de décision. C’est par exemple le cas pour un groupe comme L’Oréal. » Interviewé, Frank TANNERY, Professeur des Universités, Lyon 2

« Il faut plutôt associer la notion de centre de décision aux fonctions créatrices de valeur pour les groupes concernés, fonctions qui sont à la source de l’avantage concurrentiel de la société et du dynamisme de l’entreprise. Le fait qu’une entité soit un centre de décision est donc fondamentalement dépendant de ce sur quoi l’entreprise appuie son développement, de la ‘formule de développement de l’entreprise’. » Interviewé, Frank TANNERY, Professeur des Universités, Lyon 2

« Avec l’éclatement des organisations, les prises de décisions ne se font pas nécessairement à la tête stratégique de l’entreprise, il existe des centres de décision secondaires qui revêtent une importance notoire. En effet, il n’est pas rare que l’équipe de direction d’un centre de production de services ou de produits qui fonctionne bien et crée de la valeur pour le groupe soit assez autonome en termes de prise de décisions. Cela dépend étroitement de choix organisationnels et de la philosophie d’entreprise impulsés par les dirigeants. » Interviewé, Spécialiste de la gouvernance

Selon la définition donnée par GDF SUEZ, « le Comité Exécutif examine les questions et décisions relatives à la stratégie, au développement ou à l’organisation d’une société ou d’un groupe et à son pilotage d’ensemble. Le Comité Exécutif est une instance de réflexion, de concertation et de décision sur les grandes orientations » d’une société ou d’un groupe. « Il étudie la stratégie et les perspectives […] à long terme et s’assure de la réalisation des objectifs à court terme. »

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L’activité d’une DSI de grand groupe a en effet un impact considérable sur la structuration des processus de décisions, comme le souligne Frédérique Alexandre-Bailly, Interviewé, Professeur à ESCP Europe. Par

ailleurs, il est bon de noter que l’activité induite par les DSI des sociétés est importante étant donnée le volume de prestations de conseils en informatique consommées par les grands groupes. Ainsi, cette direction devrait souvent être considérée comme un centre de décision même si le dirigeant de la DSI n’est pas intégré au COMEX. L’appartenance du dirigeant d’une fonction au COMEX est par conséquent un bon signe du caractère stratégique de la fonction et de sa contribution au développement de l’entreprise mais le lien n’est pas systématique.

2. Les caractéristiques-clés des centres de décision On entend donc par « centres de décision » d’une entreprise, les structures internes dont le dirigeant et les équipes participent aux prises de décisions stratégiques, engageant l’avenir de toute ou partie de l’entreprise, notamment en matière d’investissement et d’emploi. Ces structures sont, soit directement, soit indirectement créatrices de valeur et essentielles pour le dynamisme de la société ou du groupe auquel elles appartiennent ainsi qu’à celui des territoires sur lesquels elles sont implantées. Lorsqu’un comité exécutif est formalisé, l’appartenance du dirigeant d’une structure à ce « COMEX », est souvent une traduction de l’appartenance de cette structure au « réseau décisionnel » de la société, regroupant les centres de décision primaires et secondaires du groupe. 3. Comment naissent les centres de décision ? Trois « sources » de centres de décisions coexistent sur nos territoires :

- Le maintien et le développement des centres de décision déjà présents sur nos territoires, pilotant les activités de grands groupes et d’ETI ;

- La naissance de nouvelles ETI par la croissance de nos PME, puis de grands groupes dans des centres de décision régionaux ou pilotes d’activité ;

- L’attraction des investissements étrangers. Si les discours de stimulation de l’attractivité sont souvent orientés vers le monde extérieur, la mise en compétition des territoires au niveau mondial dans de nombreuses activités met en exergue la pertinence d’une politique d’attractivité visant aussi à fidéliser les centres de décision déjà présents sur les territoires et à la création d’un environnement permettant le développement des PME en ETI. On s’attachera ici plus spécifiquement aux questions de rétention des centres de décision et d’attraction des investissements étrangers, la croissance des PME étant un sujet très vaste, qui donnent lieu à de nombreuses réflexions et recommandations.

Ainsi, « Le COMEX peut donner une bonne idée des personnes-clés dans le processus décisionnel d’une société. En revanche, il ne faut pas oublier d’y ajouter d’autres directions comme les directions juridiques et les directions des Systèmes d’Informations qui ne sont parfois pas intégrées aux COMEX mais qui constituent souvent de véritables organes-clés dans les prises de décisions stratégiques. » Interviewé, Membre du COMEX d’un grand groupe

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4. La présence de centres de décision crée un cercle vertueux de l’attractivité

a) Le secteur des services aux entreprises, un fort pourvoyeur d’emplois alimenté par les centres de décision L’activité de services aux entreprises représentait 24 % de l’emploi salarié francilien en 2010 (CCI Paris Île-de-France CROCIS, enjeux IDF 2012) et 15 % dans le reste de la France.

Les services aux entreprises sont étroitement dépendants des centres de décision qui sont des donneurs d’ordre majeurs, spécialement pour ceux à haute valeur ajoutée dont la présence sur un territoire contribue à l’attractivité de la région. En effet, ces services sont des viviers de talents qui créent un écosystème attractif et favorable au développement et à l’implantation des activités. Ici, nous faisons allusion aux services de conseil aux dirigeants (cabinets d’avocats, cabinets de conseil en stratégie, banques d’affaires, cabinets de chasse de têtes, agences de communication, etc.) ainsi qu’à la communauté financière au sens large (analystes, divers conseils financiers, etc.). Ainsi, le maintien et l’attractivité des centres de décision en France et plus particulièrement en Île-de-France est un enjeu majeur pour le maintien de ces emplois « indirects » du secteur des services aux entreprises. Au-delà des services à haute valeur ajoutée, les services « support » qui ont été externalisés (nettoyage, gardiennage, gestion de flottes de véhicules, agences de voyages, etc.) durant les dernières décennies sont aussi fondamentaux.

Ils représenteraient environ 51 % de l’emploi salarié dans les services aux entreprises, en particulier, la présence de centres de décisions mondiaux a un impact direct sur les activités à haute valeur ajoutée de la Place financière.

Par ailleurs, il convient de souligner les conséquences sur les activités d’immobilier de bureaux ou du transport aérien.

L’Ile-de-France rassemble, comme le rappelle le CROCIS, une « forte concentration de services de type prestations intellectuelles à forte valeur ajoutée (professions juridiques et comptables, conseil, recrutement, études, ingénierie, etc.), grâce notamment à une population plus diplômée que dans le reste de la France : plus de 27 % de la population active francilienne est titulaire d'un diplôme de 2ème ou 3ème cycle universitaire, contre 14 % en province. »

« Le départ des dirigeants et par extension, des centres de direction, entraîne le départ des conseils, ce qui appauvrit l’écosystème parisien et français. Tout l’univers biologique des centres de décision suit ses clients. Un « avocat historique » de la place parisienne a récemment quitté Paris pour suivre ses clients qui se sont installés à Londres, il y a peu. » Interviewé, membre du COMEX d’un grand groupe

« Le risque est grand de voir les centres de décision de ces sociétés se délocaliser, mais aussi les conseillers juridiques, les conseillers financiers, les banques… L’impact pour l’innovation et la capacité de développement d’un pays peuvent en être très fortement affectés si ce mouvement se généralise et il y a un vrai risque que cela s’amplifie dans les années à venir. » Olivier de Guerre, Président de PhiTrust Active Investors (« Une piste pour limiter l’exil des dirigeants », Les Echos, 25/08/2014).

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b) Les centres de décision portent en germe un pool de talents riche et attractif Les centres de décision, qui selon le secteur d’activité et le périmètre du réseau décisionnel peuvent employer à l’échelle d’un grand groupe quelques centaines de

personnes comme quelques milliers, emploient une main d’œuvre formée, pointue sur des sujets qui peuvent être techniques. Ces profils sont en concurrence sur un marché du travail mondialisé. Il est donc important d’être un territoire compétitif pour les attirer, les former, les retenir. La présence de chercheurs et de cadres dirigeants sur un territoire suscite un effet d’entraînement sur la productivité et l’innovation. À l’inverse, la délocalisation de sièges sociaux ou de centres de recherche se traduit souvent par une perte de capital humain dommageable. En la matière, « il existe aussi ce que les économistes appellent les « effets d’agglomération » : l’implantation de grandes entreprises ou de centres de recherche en un lieu donné peut inciter d’autres entreprises et d’autres chercheurs à les rejoindre, par exemple pour recruter plus aisément du personnel qualifié ou pour monter des collaborations entre chercheurs. Les exemples de ce type abondent aux États-Unis, qu’il s’agisse de la Silicon Valley ou de la route 128 à Boston. »9 La richesse de l’ « écosystème » est un facteur d’attractivité majeur et cela devrait se renforcer avec le poids prépondérant que va peser la génération Y dans les fonctions de direction, dans les années à venir. En effet, cette génération est très mobile et sensible au fait d’évoluer dans un écosystème riche avec une diversité de profils d’excellence. 5. Les centres de décision génèrent beaucoup d’emploi hautement qualifiés sur les territoires

a) Une stimulation du tissu industriel français

Il ressort de nos interviews que les grands groupes et les ETI ont tendance à favoriser l’installation des activités R&D et des activités productives dans le pays du siège régional. Motorola dont le siège européen est en France a, par exemple, installé son centre de développement nanométrique à Crolles, près de Grenoble.

b) L’effet d’entraînement sur les PME

Étant donné le rôle-clé que jouent les grandes entreprises dans la stimulation de l’activité des entreprises de taille intermédiaire et des PME, les centres de décision revêtent un caractère stratégique pour l’économie française. Autrement dit, lorsqu’un centre de décision corporate d’un grand

groupe quitte le territoire français, les conséquences vont bien au-delà de l’impact direct sur l’activité du groupe concerné. 9 Audition au Sénat, le 19 octobre 2006 de Jean-Philippe COTIS « Réflexion sur la notion de centres de décision économique et sur les risques de délocalisation associés ».

« Les entreprises d’envergure internationale installent souvent des activités opérationnelles dans les pays dans lesquels les centres de décision du groupe sont implantés. » Interviewé, Chasseur de têtes

« Les grands groupes sont ceux qui captent la croissance mondiale et qui la transmettent aux PME et ETI. L'emploi en France est dépendant de cette chaîne de valeur. Quand les ténors de la cote sont tentés de délocaliser une partie de leurs activités et de leurs effectifs, voire de leurs centres de décision, c'est tout l'écosystème qui en pâtit. » (René Ricol : « Tous les grands groupes envisagent de délocaliser certaines de leurs directions », Les Echos, 12/11/2013)

« Entre deux groupes de dimension équivalente, on peut avoir un rapport de 1 à 10 entre la taille des fonctions stratégiques car cela dépend hautement du secteur. En général, plus l’activité est diversifiée, plus le siège social est réduit (ex de GE) et inversement. » Interviewé, Franck TANNERY, Professeur des Universités, Lyon 2

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c) Une partie de l’emploi national induite par la création d’emplois en Île-de-France

On relève un rôle d’entraînement des centres de décision sur l’économie nationale. Preuve en est : les 207 000 sociétés ayant leur siège en Île-de-France emploient plus de 5 millions de salariés en France métropolitaine dont près de la moitié en province.10 On notera que le Nord-Pas-de-Calais est la seconde région en matière de contrôle de l’emploi par les centres de décision régionaux.

Chaînes de valeur et sièges sociaux On appelle chaîne de valeur, l’ensemble des activités d’une entreprise de la conception à son utilisation finale (élaboration, conception, fabrication, logistique, commercialisation, SAV, etc.). Avec la mondialisation et le développement des nouveaux outils de communication, ces chaînes de valeur ont tendance à devenir plus longues et plus complexes en fonction des avantages comparatifs des territoires. Ces derniers sont de plus en plus mis en concurrence par les grandes entreprises, qui localiseront différemment leurs sites de production, mais aussi leurs centres de R&D ou leurs bases logistiques. À proprement parler, les centres de décisions stratégiques n’appartiennent pas à la chaîne de valeur. Pour autant, ils jouent un rôle essentiel puisque ce sont eux qui vont la concevoir, qui vont décider de l’étendre (ou non), qui vont faire les choix d’implantation géographiques des différents maillons de cette chaîne. Même si l’on peut théoriquement concevoir que la localisation des centres de décisions stratégiques puisse être indépendante de celles des différentes composantes de la chaîne de valeur, l’expérience montre, cependant, que certaines activités (relevant des services aux entreprises, des finances, de l’immobilier etc.) sont souvent géographiquement très proches du siège et des instances de direction. Au moment d’arbitrer entre les localisations des différentes composantes de la chaîne, et à condition que le surcoût reste « raisonnable », les centres de décision stratégiques tendront ainsi plutôt à privilégier, pour certaines parties de la chaîne de valeur, des lieux proches d’eux.

10 INSEE, CROCIS, Île-de-France à la page, avril 2014, « Un quart des salariés de province du secteur marchand dépend d’un centre de décision francilien. »

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d) La proximité des pouvoirs publics et le « réflexe France » Lorsque les centres de décision d’un groupe et leurs dirigeants sont situés en France et que des questions d’implantation de nouvelles activités ou de laboratoires de R & D sont en cours, la proximité avec les pouvoirs publics français permet d’engager des discussions qui peuvent être bénéfiques au développement de ces activités en France. De même, il est plus simple pour les pouvoirs politiques français de mener des négociations d’ordre social en cas de crise économique d’une société dont les centres de décision sont basés en France et d’optimiser, par conséquent, le maintien de l’emploi sur les territoires. 6. L’attractivité des territoires et leur capacité à attirer des centres de décision d’entreprises

étrangères Avant d’aborder le rôle économique clé que jouent les centres de décision d’entreprises étrangères, il est essentiel de noter que l’implantation de centres de décision de multinationales aux racines étrangères participe du cercle vertueux de l’attractivité. En effet, dans un monde qui met les territoires en concurrence, le fait pour des dirigeants de décider que leur entreprise serait plus compétitive si des activités clés étaient localisées sur le sol français donne des signaux très positifs à l’investissement étranger et aux décideurs étrangers. En Île-de-France, un emploi sur six dépend d’un groupe étranger (16 %), et environ un sur huit (13 %) en moyenne nationale. L’enjeu de l’attractivité économique de la France aux yeux des investisseurs étrangers est de taille : les entreprises étrangères emploieraient 2 millions de salariés en France, seraient à l’origine d’un cinquième des dépenses recherche et développement réalisées par les entreprises sur le territoire national et créeraient plus de 30 000 emplois par an. Si un employé sur sept en France travaille dans une filiale de groupe étranger, contre toute attente, c’est le cas d’un employé sur quatre dans l’industrie. Au vue des décisions d’implantation de fleurons de la nouvelle économie comme Microsoft à Paris (son siège européen est à Issy-les-Moulineaux), la France semble jouer un rôle de premier plan dans la concurrence internationale des pays d’accueil de centres de décision. L’implantation récente du groupe chinois Huawei montre que cette attractivité existe aussi aux yeux des investisseurs en provenance des pays émergents, ce qui n’est pas négligeable.

A l’inverse, comme le note Jérôme CALVET, « l’éloignement par rapport à la France influence les décisions prises, et fait ressortir plus encore le cadre relativement peu propice aux entreprises créé au fil des trente dernières années » (Fabrice Anselmi, « La localisation en jeu », AGEFI,15 mai 2014)

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L’ECONOMIE FRANÇAISE CONFRONTEE A LA FUITE DES CENTRES DE DECISION

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Les dirigeants et experts interviewés dressent un tableau assez alarmant de la situation : Si l’ampleur des phénomènes est très difficile à évaluer étant donné l’inertie ou l’absence de statistiques en la matière, il semble urgent de se pencher activement sur une analyse poussée de ces mouvements de départs. Tout porte à penser qu’un « traitement de choc » est nécessaire pour endiguer la situation.

Le maintien et l’attraction de fonctions de directions régionales et globales sur les territoires français, allant au-delà des fonctions de pilotage des opérations ciblant le marché français semble être un enjeu sensible pour s’inscrire dans un cercle vertueux de l’attractivité.

1. Comment se manifeste la fuite des centres de décision ? « L’Etat est en train de perdre la main dans la conduite des affaires économiques qui se déroulent sur son sol, là où l’Etat exerce encore sa souveraineté vis-à-vis des citoyens et sur lesquels il peut prélever des impôts et aménager son territoire. » Jean-Michel SAUSSOIS, « La grande entreprise », Collège des Bernardins, 2011, Ch. 6. 7.

a) Des départs d’abord de personnes physiques avant des centres de décision Les départs effectifs de centres de décision corporate sont encore rares, la complexité de notre droit social jouant sûrement, sinon un rôle protecteur au moins un rôle de « retardateur ». En outre, le déplacement d’un siège ou d’un centre de décision fait du bruit, ce genre de phénomène ayant rarement bonne presse, ce qui calme les ardeurs.

Si des départs de centres de décision sont à l’étude au sein des grands groupes et des ETI localisés en France, il semble que les mouvements actés de délocalisation des centres de décision soient limités, ce qui ne veut pas dire que la situation n’est pas alarmante. En effet, un phénomène tout autant insidieux se manifeste avec le départ de membres de COMEX et de cadres dirigeants.

Comme l’ont remarqué plusieurs membres de COMEX de sociétés du CAC 40 interviewés, aussi trivial que cela puisse l’être, il faut rappeler que les entreprises sont détenues par des actionnaires qui

« Les délocalisations de sièges d’entreprises ou de centres de recherche sont ainsi perçues, et souvent à juste titre, comme de mauvais augure pour la prospérité économique. Elles sont porteuses de risques à un double titre : la perte d’autonomie stratégique et la perte de substance économique. » Audition au Sénat, le 19 octobre 2006 de Jean-Philippe COTIS « Réflexion sur la notion de centres de décision économique et sur les risques de délocalisation associés ».

« Paris, aux yeux des dirigeants, reste une ville très attractive pour les vacances mais plus pour y travailler. » Interviewé, Chasseur de têtes

Comme le souligne, néanmoins, un Administrateur de Grand groupe interviewé : « On ne peut pas dire que tout le monde s’en va. L’entreprise aux racines françaises a beaucoup de sites en France. On conserve les personnes pour gérer

« Le mouvement ne date pas de l'arrivée de la gauche au pouvoir - précise le banquier, Philippe Villin -, mais la taxation des salaires à 75 % et les mesures prises dans la loi de finances 2013 ont fait déborder le vase ». « Alstom, PSA, Publicis,… France, tes entreprises foutent le camp. », Le Nouvel Observateur, 4 mai 2014)

« On a avant tout un ras le bol des dirigeants. Nombreux sont les ceux qui demandent des études comparées entre différents lieux d’installation potentiels. » Interviewé, Avocat fiscaliste

« Depuis quelques années, nous réalisons beaucoup d’études d’impact fiscal de départ de dirigeant en comparant les avantages liés à l’installation dans différentes destination, parfois proche comme la Belgique ou le Royaume-Uni ou plus lointaines comme Singapour. » Interviewé, Avocat fiscaliste

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sont in fine des personnes physiques et dirigées par des femmes et des hommes. En d’autres termes, si on a l’habitude de désincarner les entreprises, il semblerait bien que les motivations personnelles des uns et des autres joueraient un rôle prégnant dans les problématiques de localisation des centres de décision. On ne citera ici que les départs publics de dirigeants de grands groupes, mais il est clair que c’est la partie émergée de l’iceberg :

• Jean-François PALUS, Directeur Général délégué du groupe Kering, à Londres, depuis le 1er juillet 2013 ;

• Jean-Pascal TRICOIRE, PDG du groupe Schneider, accompagné de quatre autres membres de son comité exécutif dont son directeur des ressources humaines et son directeur de la stratégie, à Hong-Kong ;

• Andrea Rossi, Patron d’Axa Investment Managers, à Londres ; • Christophe Navarre, Directeur exécutif de Moët Hennessy, à Londres ; • Chris Viehbacher, Directeur général de Sanofi, près de Boston, aux Etats-Unis.

Les avocats fiscalistes interrogés insistent sur le fait que de nombreux départs de personnes physiques ont été actés ou sont à l’étude. Leur quantification et leur suivi statistique, basés sur les déclarations d’impôts est difficile en raison du décalage entre le temps du départ et celui de la déclaration fiscale et de la publication de statistiques y afférant. Si certains départs sont « totaux », des optimisations d’imposition ont lieu et une véritable ingénierie du nombre de jours passés dans certains pays est parfois mise en œuvre.

Ainsi, le Franco-Canadien Hubert Sagnières, PDG d’Essilor, numéro un mondial des verres correcteurs, paye ses impôts dans les trois pays où il répartit son temps à parts égales : le Canada (sa base fiscale principale), la France et Singapour.

Les départs de dirigeants sont aujourd’hui facilités par les nouvelles technologies.

L’ancrage de nos grands groupes dans une économie mondialisée donne au marché du travail un caractère global pour les cadres dirigeants ; les évolutions technologiques majeures de ces dernières années en matière de technologies de télécommunication permettent d’organiser de manière beaucoup plus efficace le travail à distance, notamment grâce à la visioconférence.

b) Des départs de personnes physiques de mauvais augure pour les centres de décision Ces départs, que l’on n’a pas pu analyser de manière approfondie dans l’étude « Les Français à l'étranger - l'expatriation des Français, quelle réalité ? », en raison là-aussi de l’inertie de la statistique, sembleraient en effet s’accélérer depuis l’exercice fiscal 2012 d’après plusieurs fiscalistes interrogés. Le départ d’un dirigeant est rarement de bon augure. Cette situation limite de fait sa consommation de services à haute valeur ajoutée sur le territoire quitté, lui fait perdre peu à peu son attachement à la France et réoriente, petit à petit, le développement des activités à l’extérieur du territoire national.

« Ceux qui concourent à l’élaboration de la stratégie d’un groupe, ne sont pas nécessairement au même endroit, ni dans le même pays. Les évolutions / révolutions technologiques apportées notamment par la visio-conférence permettent de nouvelles formes de réunions transnationales. » Interviewé, DRH d’un grand groupe

« Lorsque des dirigeants quittent la France ou demandent à être localisés à l’étranger, cela peut avoir des conséquences opérationnelles importantes à court ou moyen terme. Déjà, les services à haute valeur ajoutée comme la chasse de tête de ses proches collaborateurs, les différents conseils et avocats ont de forte chance d’être sollicités localement. Ensuite, lorsque l’activité est industrielle ou dans les hautes technologies, les dirigeants aiment en général être assez proches de la R&D et de la production, du coup, cela accentue les mouvements de délocalisation des activités de recherche et développement et des activités productives. » Interviewé, Chasseur de tête

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De là, on peut analyser les départs de membres de COMEX comme un pas vers le déplacement de centres de décision. Au-delà, il est fondamental de se poser la question des répercussions de ce phénomène à court, moyen, voire long terme, dans la chaîne de valeur industrielle.

2. Les causes de déplacement de centres de décision

Les déplacements de centres de décision semblent rarement dus à une unique cause. Ils sont en général la conséquence d’une croisée entre des intérêts stratégiques, des intérêts économiques et comme on l’a introduit, des intérêts qui peuvent concerner autant les personnes-clés de ces groupes que les sociétés elles-mêmes.

a) Le rapprochement des marchés clients est souvent avancé comme l’argument-clé Le développement de centres de décision internationaux pour se rapprocher de ses marchés clients : un phénomène incontournable.

Il y a peu de « produits mondiaux » comme le Coca Cola. Ainsi, afin de s’adapter aux spécificités de marché, de culture, de plus en plus d’entreprises implantent des centres de décision à l’étranger. C’est, à l’opposé, la même démarche qui pousse des entreprises étrangères à s’implanter en France afin de se rapprocher des marchés européens ou français.

Autrement dit, ce mouvement n’est pas unilatéral : comme le détaille l’AFI dans son rapport annuel 2013, on relève quelques exemples d’implantations réalisées la même année suivant cette logique de rapprochement de marché-clé :

• Arkadin, groupe japonais spécialisé dans le développement de solution de travail à distance s’est implanté en France et offre aujourd’hui sa solution de conférences audio et web à de grands clients français comme le groupe Orange.

• Light boy, une autre société nipponne spécialisée dans la fabrication de tours d’éclairage mobiles a créé son premier bureau de représentation à l’étranger en France.

• Emakina, groupe belge spécialiste de l’accompagnement des entreprises dans la digitalisation de leur activité s’est implanté en France pour y développer son portefeuille-clients.

« Nous sommes dans un monde multipolaire, mais sur des marchés locaux pour ce qui concerne notre industrie. Les pays émergents pèsent aujourd’hui plus de 50 % du PIB mondial. Dans cette période, il faut faire l’histoire pour ne pas la subir. » Bruno Lafont, PDG de Lafarge

« Plus le business des organisations s’internationalise, plus il est nécessaire d’avoir des personnes-clés / des centres de décision, proches des marchés. » Interviewé, DRH d’un grand groupe

« La montée en puissance de pays comme la Chine, l'Inde et le Brésil peut aussi obliger un groupe à y déplacer certaines responsabilités en matière de finance et de ressources humaines. Rapprocher ces fonctions du terrain où l'entreprise réalise une part grandissante de sa croissance et de ses revenus évite un ralentissement dans la prise et l'exécution des décisions », Karim Zerhouni, Directeur en transformation et organisations et coauteur de l'étude « Redéfinir et adapter le rôle du siège ». Voir également très clairement en ce sens Yann Le Galès, « Les entreprises installent leur siège là où est le business », Lefigaro.fr, 16 mai 2014.

« Après le départ de plusieurs membres d’une direction à Londres, un collaborateur d’une entité parisienne va par exemple perdre son poste car son représentant au COMEX est parti à Londres et souhaite avoir ses collaborateurs sur place. » Interviewé, Secrétaire Général d’un grand groupe

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Il est donc fondamental de distinguer deux cas de figure :

• Le déplacement d’une direction « géographique » : L’Oréal a par exemple déplacé en Asie et aux US, ses divisions géographiques régionales. On peut difficilement nier la pertinence de se rapprocher de ses clients et des parties prenantes locales.

Cela permet d’être au plus proche des centres de productions de services ou de produits aux consommateurs qui sont en général localisés près des marchés de consommation, notamment lorsque les produits sont périssables ou à faible valeur unitaire.

Le fait d’avoir ses coûts en devises locales permet, pour finir, de limiter les problématiques de risque de change. Les marchés étrangers et en particulier les marchés émergents étant les relais de croissance les plus importants pour les grands groupes aux racines françaises, il paraît essentiel aux yeux des actionnaires et des dirigeants de piloter les activités au plus proche du terrain.

• Le déplacement d’un centre de décision « corporate » : Le déplacement d’un centre de décision mondial d’une société, voire d’un groupe historiquement français, à l’étranger est un signal plus négatif : cela marque vraiment la perte d’ancrage du groupe sur le territoire et un assèchement de la richesse créée par le groupe sur le territoire français ou du pilotage de la création de richesse par l’entité basée en France. Le passé éclaire le présent à travers l’exemple de Schlumberger qui avait déplacé ses principaux centres de décision mondiaux aux USA en raison de leur caractère stratégique pré-supposé en matière d’industrie pétrolière. Au-delà de cette distinction, il est intéressant d’analyser la part du chiffre d’affaires des grands groupes d’origine française et de la mettre en parallèle avec la part de leurs salariés en France.

« L’internationalisation des activités a débouché sur la création de grosses directions régionales qui ont très vite été implantées dans les zones concernées. L’organisation de notre groupe s’est d’ailleurs transformée d’une organisation par ligne métier à une organisation avant tout géographique. » Interviewé, Membre du COMEX d’un grand groupe

« Quand la France pèse de moins en moins dans le chiffre d’affaires d’un groupe, les liens avec le pays et les pouvoirs s’affaiblissent ; il se peut que des tentations de déplacer le COMEX et le Comité de direction traversent l’esprit de certains. » Interviewé, Membre du COMEX d’un grand groupe

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D’après l’analyse des données ci-dessus, collectées par le cabinet Ricol-Lasteyrie et publiée par les Echos11 (dont les séries sont complètes pour 37 des 40 sociétés du CAC 40), en moyenne 25 % du chiffre d'affaires des entreprises du CAC 40 est réalisé en France, alors que 21,75 % des 4,35 millions de personnes employées par elles travaillent dans l'Hexagone. Il semblerait, en revanche, lorsqu’on se livre à une analyse société par société, que la proportion des salariés sur le territoire français soit plus importante que la proportion du chiffre d’affaires réalisé en France dans une majeure partie des sociétés. En effet, 21 sur les 37 sociétés ont un delta positif entre la proportion des salariés présents sur le territoire français et la proportion du CA français, dont la moyenne est de 21 % alors que les 16 sociétés dont le delta est négatif, affichent une moyenne d’écart de -8 %.

On remarquera que les sociétés qui emploient le plus de salariés en France sont souvent d’anciennes sociétés publiques dans lesquelles l’Etat est encore actionnaire, comme EDF, Orange ou GDF Suez…

b) La complexité et l’instabilité réglementaire qui génèrent trop d’incertitudes aux yeux des dirigeants

Les experts et dirigeants d’entreprises sont formels sur ce point. La complexité de notre droit et pis encore, son instabilité sont préjudiciables à notre attractivité. En effet, les chefs d’entreprises ont besoin de visibilité pour pouvoir prendre des décisions critiques, notamment en termes d’investissement.

11 Marina Alcaraz et Laurence Boisseau, Les Echos, 12/11/2013, « CAC 40, des effectifs stables en France. »

« Pour les entreprises, il n’y a rien de pire que les modifications sans cesse de la réglementation, notamment fiscale. » Jean-Paul HUCHON, Président de la Région Ile-de-France (Lors du Forum « Compétitivité et attractivité, le double défi des global cities » organisé par la CCI Paris Ile-de-France en partenariat avec Paris Capitale Économique le 21 mai 2014)

« La complexité et l’instabilité de notre droit sont perverses. Elles contribuent à l’affaiblissement de l’attractivité de la France. En effet, quand un grand groupe choisit d’appliquer le droit anglais ou le droit luxembourgeois pour une émission d’EMTN, c’est l’écosystème financier et les conseils anglais et luxembourgeois qui sont consultés et bénéficient de l’opération. » Interviewé, Membre du COMEX d’un grand groupe

« Au-delà de l’écosystème industriel, financier ou fiscal, dont la stabilité des régimes et la perception extérieure sont cruciaux, nous regardons l’attitude des régulateurs sur différents points : contrôle des investissements étrangers, droit boursier, droit de la concurrence, contrôle sectoriel, droit du travail, actions collectives… » Thierry Schoen et Reinhard Dammann, associées chez Clifford Chance

« L’instabilité réglementaire encourage les grands groupes à installer leurs centres de décision dans des pays où il est plus simple de se projeter, où la visibilité est plus grande quant à la politique économique et fiscale. » Interviewé, Ex membre du COMEX d’un grand groupe

« En masse, le nombre de collaborateurs comptabilisés en France a relativement peu varié entre 2008 et 2012 : le CAC 40 emploie aujourd'hui presque 1,4 million de collaborateurs dans l'Hexagone, en recul de 2,25 % en quatre ans. Les effectifs mondiaux ont, eux, reculé de 3 %. Et pour cause, « tout le mouvement d'internationalisation des grandes entreprises européennes s'est fait surtout sur la décennie passée ». explique Jean-Michel Caye, Directeur associé senior chez BCG (Boston Consulting Group). »

(Marina Alcaraz et Laurence Boisseau, Les Echos, 12/11/2013, « CAC 40, des effectifs stables en France. »)

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Les témoignages sont pléthores,… Il est patent que le sujet de la sécurité juridique dans l’élaboration des normes est récurrent depuis quelques années. Dans un contexte de plus en plus globalisé, en termes de compétitivité, un environnement source d’insécurité juridique s’avère défavorable aux entreprises par rapport à leurs concurrents étrangers. Corrélativement, l’attractivité d’un territoire dépend également de la stabilité et de la prévisibilité du droit applicable ; il s’agit là d’un enjeu de « law shopping ». Des réflexions ont été menées et des actions engagées pour remédier à ces dérives qui pénalisent notre économie. Au niveau des pouvoirs publics, citons par exemple le rapport remis au gouvernement en mars 2013 sur la lutte contre l’inflation normative, réalisé par Alain Lambert et Jean-Claude Boulard12. Il prône un « choc de compétitivité juridique » en s’inquiétant du « passage progressif d’un Etat de droit à un Etat de paralysie par le droit ». Il indique qu’aujourd’hui, « le stock est évalué à 400 000 normes. Il s’est constitué au fil du temps par addition, sédimentation, superposition, comme les couches d’une géologie juridique ». Pour la CCI Paris Île-de-France, la difficulté à appréhender cette mouvance constante de l’environnement législatif et réglementaire prend une acuité particulière lorsque sont en jeu des données économiques. Dans certains cas, les entreprises ont à peine le temps d’intégrer de nouvelles règles que ces dernières sont déjà en cours de révision13… D’une manière générale, « trop de lois tue la loi », « harcèlement textuel »… les expressions se multiplient pour dénoncer les excès de la production normative comme frein global à l’activité : moins d’investissements, moins de création d’emplois, moins de croissance. Afin d’enrayer cette profusion des textes, un progrès a été réalisé avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 200814 qui prévoit notamment la réalisation d’études d’impact avant tout dépôt de projet de loi. En effet, comme cela est pratiqué dans de nombreux pays15, il est de la responsabilité du gouvernement de « peser minutieusement les avantages et les inconvénients d’une réforme législative », en évaluant, en amont, les bénéfices attendus et les coûts prévisibles. Cette évolution positive doit encore être poursuivie, au plus près des entreprises. La CCI Paris Île-de-France insiste sur la nécessité d’associer la société civile, notamment les acteurs économiques, dans l’élaboration des réformes, afin de définir des normes à la fois adaptées à leurs contraintes et répondant au mieux à leurs besoins. La matière fiscale est, en particulier, en perpétuelle mouvance, la durée de vie moyenne d’un dispositif fiscal a été un temps estimé à 6 mois ! Et que dire dans le contexte actuel de crise… En octobre 2013, lors des débats entourant le projet de loi de finances pour 2014, l’épisode sur le projet de nouvelle taxe EBE finalement abandonnée - devenue ensuite ENE pour finir par être remplacée par une hausse du taux de la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés portant ainsi à 38 % le taux de l’impôt sur les sociétés16,- aura bien résumé ce climat d’instabilité, d’illisibilité et d’incertitudes entourant la politique fiscale française…

12 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000199/0000.pdf 13 Pour exemple, citons le rapport de décembre 2003 de la Mission d’information sur la réforme du droit des sociétés, mise en place au sein de la Commission des lois de l’Assemblée nationale et présidée par Pascal Clément. Ce document préconisait d’abaisser à 14 le nombre maximum des administrateurs au sein des conseils d'administration. Or, ce plafond avait déjà été ramené de 24 à 18 par la loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001, avec un délai de 3 ans pour s’y conformer. En d’autres termes, si cette mesure – à laquelle la CCIP s’était d’ailleurs opposée – avait abouti, certains conseils qui venaient tout juste de réduire leurs effectifs au regard de la loi « NRE », auraient dû à nouveau revoir leur composition, ce qui aurait été extrêmement lourd et contraignant. 14 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, précitée. 15 En particulier, Canada, Etats-Unis, Espagne, Allemagne, Danemark, Pays-Bas. 16 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 des finances pour 2014, JORF du 30 décembre 2013, page 21829, art. 16.

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De surcroît, la rétroactivité fréquente des normes est un facteur d’insécurité juridique majeur pour les entreprises. Lors des Assises de la Fiscalité des entreprises de 2014, il a été relevé qu’il s’agit là d’une préoccupation essentielle pour les entreprises. L’année 2013 a en effet été le point d’orgue d’une instabilité et d’une illisibilité devenue telle qu’il importait de tirer la sonnette d’alarme. Il est en effet nécessaire d’aller plus loin que les exigences juridiques minimales entourant la rétroactivité pour restaurer la confiance des entrepreneurs et attirer les investisseurs étrangers.17

c) La diabolisation des patrons et l’environnement défavorable aux affaires Facteur difficile à mesurer mais qui est avancé par l’intégralité des dirigeants interviewés, le fait que l’environnement n’est pas favorable aux affaires et que les dirigeants d’entreprises sont diabolisés là où, ailleurs, ils sont valorisés est un facteur aggravant. Les témoignages ici aussi ne manquent pas :

d) La fiscalité des entreprises

D’après une étude du cabinet PwC et de la Banque mondiale, de novembre 2013, le total des prélèvements - impôts, taxes et charges sociales pesant sur les bénéfices d'exploitation des entreprises atteint en moyenne 64,7 % en France contre 41 % en moyenne dans le monde : un chiffre parlant…

Certes, la fiscalité est rarement « avancée » par les directions de sociétés qui délocalisent leur siège ou d’autres centres de décision mais lorsqu’on observe les pays de destination, ce sont en général des pays à la fiscalité plus avantageuse que la fiscalité française.

17 De nombreuses réflexions sont actuellement en cours, notamment l’idée d’un code de conduite qui pourrait prendre la forme d’une circulaire du Premier ministre, comme cela avait été pratiqué avec succès pour établir en matière fiscale le monopole des lois de finances. Elle préciserait en détail la façon dont est déterminée la date d’entrée en vigueur des dispositions fiscales, en privilégiant dans la mesure du possible l’application non rétroactive, même aux exercices en cours lors de la discussion de la loi de finances, voire en prévoyant une entrée en vigueur différée.

« La France a un problème d’image, nous sommes le pays des 35 et des 75 aux yeux des étrangers. Nous ne semblons pas encourager le travail. » Interviewé, Ex membre du COMEX d’un grand groupe « Les départs des cadres dirigeants et le déficit

d’attractivité de l’Ile-de-France et de la France aux yeux des grands dirigeants internationaux sont dus en grande partie à une diabolisation des dirigeants. Les dirigeants ont l’impression de ne pas avoir leur place en France. » Interviewé, Chasseur de tête

« Les étrangers ne comprennent pas pourquoi l’Etat s’immisce dans certains dossiers de fusions-acquisitions n’impliquant pas des entreprises dans lesquelles l’Etat a des participations. Il faut être très vigilent à la manière dont on gère ce genre de situations car un trop grand interventionnisme fait peur aux étrangers et limite les vrais investissements directs à l’étranger. » Avocat fiscaliste

« La question de délocaliser certaines activités clés (M&A notamment) s’est posée pour le groupe. Les principales motivations étant essentiellement fiscales. On peut cibler principalement l’Amérique du Nord, l’Asie (notamment Singapour) et en Europe, les Pays-Bas qui offrent une position intéressante. » Interviewé, DRH d’un grand groupe

Les spécialistes s’accordent sur la question : « Le millefeuille fiscal qui pèse sur l’activité des entreprises et rend notre système illisible et rebutant pour des acteurs étrangers, pourtant a priori intéressés par la France, nous handicape. » Interviewé, Avocat fiscaliste.

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En effet, au-delà des messages de communication financière qui cherchent à rationaliser des départs sans mentionner ce point susceptible de froisser les politiques dont l’entreprise pourrait avoir besoin, la fiscalité semble bien centrale dans le choix de déplacer des centres de décision.

Mais en réalité, ce ne sont pas certains impôts emblématiques comme l’impôt sur les sociétés qui seraient la principale cause du volet fiscal de la perte d’attractivité et des déclenchements de départs de sièges sociaux et de centres de décision : c’est la pression fiscale cumulée qui est problématique…

Ici, un point important mérite d’être souligné : une étude récente du Trésor public a mis en évidence lors des assises de la fiscalité des entreprises (février-mars 2014) le niveau important des impôts sur la production, véritable fardeau pesant sur les entreprises : pour la France, plus de 3 % du PIB.

i. La compétitivité fiscale dépend des secteurs d’activité

La fiscalité est très dépendante des secteurs d’activité. Avec une centaine de prélèvements obligatoires, la France se distingue nettement de ses voisins de l’Union européenne. La multiplication des « petites taxes » (dont certaines sont sectorielles) est une spécificité française, qui a pris de l’ampleur dans un contexte de recherche de ressources fiscales. C’est pourquoi, la CCI Paris Île-de-France avait proposé dès juin 2012 dans son rapport consacré aux multiples petites taxes, des pistes pour une rationalisation de ces « petites taxes », fortement pénalisantes pour les entreprises y compris pour les grandes (cf. Rapport de Bruno Laubard, CCIP « 30 milliards de ‘‘petites taxes’’ sur les entreprises à rationaliser », 21 juin 2012). Elle note avec satisfaction que l’Inspection Générale des Finances (IGF) y fait référence dans son rapport présenté dans le cadre des Assises et que ce sujet est désormais considéré comme majeur. L’IGF a ainsi recensé pas moins de 192 prélèvements divers, touchant une quinzaine de secteurs d’activité et rapportant chaque année au global 5,3 milliards d’euros. Parmi ces 192 taxes, 179 d’entre elles rapportent moins de 100 millions d’euros, tout affectataire confondu.

« Il y a un certain nombre de centres de décision qui pourraient être déplacés si des mauvais choix de politique fiscale sont faits par l’Etat. Le ‘driver fiscal’ est fondamental. » Interviewé, Membre du COMEX d’un grand groupe

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Si la France est aussi peu attractive fiscalement, elle se distingue néanmoins par une fiscalité plus légère dans certains secteurs. Par exemple, dans le secteur des services numériques, d’après « Choix concurrentiels 2014 », KPMG, « c’est au Canada, au Royaume-Uni et en France que les taux d’impositions effectifs sont les plus faibles. »

ii. Des départs de sièges limités par l’imposition sur les plus-values latentes qui n’empêchent pas la perte de substance des sociétés situées en France

L’imposition sur les plus-values latentes limite et rend, en tout cas, le phénomène moins visible : Si un changement de siège a lieu, la société conserve une structure française qui porte les actifs susceptibles d’être soumis à l’imposition sur les plus-values latentes, par exemple les marques ; quant aux nouvelles marques, elles sont développées à l’étranger, notamment domiciliées au Luxembourg qui présente un cadre légal intéressant pour la propriété intellectuelle.

iii. La taxe sur les salaires perçue comme un handicap pour la Place financière de Paris Une nuance toutefois : rappelons que cette taxe ne concerne que les secteurs non assujettis à la TVA…

iv. Le projet de taxe sur les transactions financières : un véritable danger N’oublions pas que la place financière de Paris reste sous la menace d’une taxe sur les transactions financières qui constituerait un handicap majeur avec la compétition avec Londres.

v. La Taxe dite « à 75 % » s’est révélée redoutable Si on devait faire un parallèle avec l’étude publiée sur la problématique de l’expatriation des Français, on serait tentés de dire que cette taxe est la « Circulaire Guéant des dirigeants » étant donné l’impact dommageable sur l’image de la France. D’après le magazine Challenge, cette taxe qui prend la forme d’une contribution de l’employeur de 50 % de la fraction du salaire brute supérieure à 1 million d’euros concernerait en effet seulement « 470 entreprises et 1.000 dirigeants ou salariés […] pour un coût total de 260 millions d’euros en 2014. »18

18 David Bensoussan, « Budget 2014 – impôts-taxes : quel impact sur les revenus des contribuables (ménages et entreprises) », challenges.fr, 25 septembre 2013

« Ce n’est pas la tête des groupes qui part, ça se passe beaucoup en dessous. On vide les entités françaises de leur substance mais on ne bouge parfois pas le siège car la taxation sur les plus–values latentes est dissuasive. » Interviewé, Avocat fiscaliste

« La fuite de nos équipes de pointe en finance est grandement due à la fiscalité. On a du mal à justifier le fait que les institutions bancaires installées en France doivent dégager au titre de cette loi, jusqu’à 20 % de valeur ajoutée en plus que leurs concurrents internationaux. Les banquiers hauts potentiels et dirigeants concernés sont pragmatiques et très mobiles, c’est la raison pour laquelle ils quittent facilement la place parisienne. Ainsi, il y a un véritable paradoxe entre l’Etat qui souhaite avoir une place financière forte à Paris et des décisions politiques qui font fuir notre élite bancaire. Rares sont par exemple les équipes de trading encore présentes à Paris. Au niveau de la gestion d’actifs, les équipes de gestion sont désormais largement à Londres et dans une moindre mesure à Bruxelles pour des considérations fiscales, et en même temps, les fonds sous gestion sont en général « partis » au Luxembourg. » Interviewé, Avocat fiscaliste

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Pesant sur l’employeur, c’est une taxe sur les coûts. Même si elle concerne peu de monde, elle a un poids psychologique important. Dans un monde où le marché de l’emploi des cadres dirigeants est plus que jamais mondial, cette pression fiscale pousse « au départ » au lieu de limiter le niveau des rémunérations… Ainsi, ce sera particulièrement bienvenu si cette taxe disparaît comme annoncé par le Gouvernement…

vi. Le niveau élevé de l’impôt sur les sociétés n’est que rarement le driver de départ mais il contribue fortement aux prises de décision et a des effets pervers

L’IS n’est pas « le » sujet car les grandes entreprises s’arrangent pour l’optimiser. Selon les avocats fiscalistes, en général les entreprises étrangères ne renoncent pas à une implantation en France à cause du taux d’IS. Ceci mérite toutefois des réserves car le taux nominal de l’IS est quand même le premier indicateur observé par les investisseurs étrangers. À cet égard, notre pays souffre d’un handicap majeur avec le taux nominal d’impôt sur les sociétés (IS) le plus élevé de l’Union européenne, que l’on prenne ce taux normal de 33,33 % ou de 38 % pour celui applicable aux entreprises de plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, sans compter celui de 41 % sur les bénéfices distribués avec la taxe de 3 % sur les dividendes. Ces taux se comparent à un taux de 30 % en Espagne et de moins de 25 % en Allemagne et au Royaume-Uni.

Comme la CCI Paris Île-de-France le soulignait déjà dans le cadre de son Observatoire Européen de la Fiscalité des entreprises (OEFE), la France a le plus fort taux de prélèvements sur les entreprises de l’Union européenne avant la Suède (18,3 % du PIB en France contre 16,5 % pour la Suède). Un taux haut pousse à localiser les profits dans un pays où l’IS est plus bas et les charges en France, notamment les charges d’intérêts. Du coup, l’État aurait intérêt à réduire le taux d’IS pour augmenter le rendement de l’impôt.

Une baisse du taux de l’IS favoriserait une meilleure attractivité du territoire vis-à-vis des investisseurs étrangers, ainsi qu’une relocalisation en France de la base fiscale des bénéfices imposables des entreprises françaises, générant un supplément de recettes de l’IS. La CCI Paris Île-de-France demande donc d’abaisser à 25 % le taux de l’impôt sur les sociétés afin de l’harmoniser avec celui de nos principaux partenaires économiques européens. Cette baisse de taux ne doit s’accompagner d’aucune mesure d’élargissement de l’assiette, celle-ci ayant été élargie à plusieurs reprises ces dernières années.19 L’exemple de la situation américaine est édifiant. En effet, la polémique consécutive à l’acquisition de la chaîne de café canadienne Tim Hortons par Burger King, qui compte par la même délocaliser son siège au Canada où la fiscalité serait plus avantageuse montre que la concurrence fiscale est une réalité à l’échelle mondiale. Outre le taux d’IS très élevé (39,1 %), l’imposition de l’ensemble des bénéfices de leurs entreprises, y compris ceux réalisés en dehors de leur frontière sont en cause. . Les départs de multinationales aux racines américaines comme le groupe agro-alimentaire Chiquita, le groupe d’assurance Aon et Médrotnic et Abbvie dans les secteurs du médical et de la pharmacie sont de mauvais augure car, comme le souligne Elisabeth Guedel dans l’article « Les entreprises américaines fuient le matraquage fiscal. »20, cela poussent leurs concurrents à partir pour « ne pas perdre leur avantage compétitif ». Le taux d’IS américain très élevé, 39,1 %, se traduirait d’après l’Opinion par des avoirs évalués à environ 2 000 milliards de dollars stockés à l’étranger qui pourraient être « rapatriés » en partie aux États-Unis si la fiscalité y 19 Cf. prise de position de la CCI Paris Île-de-France, avril 2014, Contribution des cci aux assises de la fiscalité des entreprises. 20 L’Opinion, 1er septembre 2014.

« La taxe « à 75 % » concerne peu de monde mais a fait perdre beaucoup d’énergie aux entreprises qui ont cherché à essaimer l’activité des dirigeants entre différents pays (split contract) et a surtout eu des conséquences d’image dramatiques à l’international… et aucun impact sur les niveaux de rémunération. » Interviewé, Avocat fiscaliste

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était plus avantageuse, ce qui ferait en théorie bien plus que compenser la perte de revenus fiscaux liés à une baisse d’IS. En définitive, une amélioration du cadre de la fiscalité des entreprises est donc à envisager à court terme, ce qui impliquerait a minima :

- Un alignement de la pression et de la complexité fiscales sur les entreprises sur les best practices internationales ;

- La refonte en profondeur de la fiscalité du capital ; - La confirmation de la suppression de la taxe « à 75 % ».

e) Le poids de la fiscalité sur les dirigeants

Même si cela n’est pas nécessairement assumé et dit publiquement, il ne faut pas négliger que les décisions d’implantation et de départ sont prises par des personnes physiques et que l’impôt qui pèse sur ces personnes occupe une position non négligeable dans les raisonnements de localisation des dirigeants et des centres de décision. Les différentes composantes de la rémunération des dirigeants rendent la problématique fiscale d’autant plus complexe et critique. Au-delà de la rémunération en monnaie sonnante et trébuchante, les stock-options et les distributions d’actions gratuites, entre autres mécanismes, soulèvent des questions importantes. On peut y ajouter la question des plus-values mobilières qui constitue un handicap majeur pour des sociétés en forte croissance, en particulier dans le digital. Dans ce domaine, la France se distingue des pratiques observées dans les autres grands pays occidentaux, avec des taux de prélèvements réellement confiscatoires.

De façon générale, les retours des personnes interviewées sont formels. La fiscalité personnelle est un des facteurs majeurs de déplacement des dirigeants et, par extension, des centres de décision.

Cela a déjà été souligné par l’OCDE, en 2006 : « C’est donc en amont, via la qualité de nos politiques structurelles que nous réussirons à conserver, voire à renforcer les centres de décision stratégiques. Des sujets tels que, par exemple, la pression sociale et fiscale supportée par les cadres supérieurs, dans un contexte où la mobilité du travail s’accroît continûment ou encore le sous-investissement et la rigidité de nos systèmes de recherche et d’enseignement supérieur appellent des réponses de fond, ambitieuses et déterminées. » (Audition au Sénat, le 19 octobre 2006 de Jean-Philippe COTIS

« Les dirigeants comparent leur rémunération « net in the pocket » (cela se traduit notamment par des « clauses de gross-up » lors de changements de pays) et, pour que les salaires soient compétitifs au niveau global, la localisation d’un dirigeant en France a un coût supplémentaire important pour l’entreprise. » Interviewé, Avocat fiscaliste

« En ce qui concerne les emplois qualifiés, les écarts de traitement fiscal favorisent autant l'expatriation des cadres de hauts niveaux que celle des sièges sociaux. » Interviewé, Administrateur d’un grand groupe

« Ce sont souvent plus des éléments de fiscalité personnelle des dirigeants que de fiscalité de l’entreprise en tant que telle qui déclenche les départs. » Interviewé, Membre du COMEX d’un grand groupe

« La logique fiscale personnelle des patrons de groupe est un élément fort des décisions de départ. La localisation en Suisse du siège de la future entité Lafarge-Holcim n’a pas été choisie innocemment par les dirigeants. » Interviewé, Secrétaire Général d’un grand groupe

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Les grands groupes opérant en France sont donc souvent contraints de proposer des « gross-ups », une prise en charge de la différence d’imposition entre le pays d’origine et la France, qui vient peser sur le compte de résultat des sociétés. Il n’existe pas de statistiques officielles révélées mais d’’après les avocats fiscalistes interviewés, le mouvement s’accélérerait depuis l’année dernière. On devrait s’en rendre compte sur les déclarations fiscales 2013. Les personnes qui ont quitté la France seront en effet prises en charge par le centre des non-résidents en 2015.

Aux yeux des dirigeants, l’imposition des dividendes à la CSG / CRDS et, par là même, l’alignement de la fiscalité des revenus du patrimoine sur celle des revenus du travail a encore plus grevé l’image de la France et découragé les dirigeants qui souvent détiennent des actions de la société qu’ils dirigent. S’ajoute, en cumulé, l’ISF, exception française :

f) La lourdeur du droit social

Le droit social est constamment dénoncé comme l’un des facteurs entravant l’investissement et la réactivité des entreprises. Sont traditionnellement dénoncés le coût du travail élevé, la pesanteur du cadre

réglementaire, notamment en matière de gestion des institutions représentatives du personnel et la complexité sociale des restructurations. Si l’ensemble de ces critiques reposent sur des données objectives, leur analyse invite néanmoins à plus de nuances.

« Il n’y a pas de raison que le capital couvre le déficit du système social. C’est extrêmement difficile à expliquer aux investisseurs étrangers. » Interviewé, Avocat fiscaliste

« Les résidents fiscaux français sont assujettis à l'ISF à raison de l'ensemble de leurs biens, droits et valeurs, situés en France et à l'étranger. Comme cela s’ajoute aux questions d’IR et de « taxe à 75 % », il est difficile de convaincre un dirigeant de « centre de décision » de résider en France. Cela, d’autant plus que l’évolution des techniques NTIC fait qu’il est aujourd’hui parfois indifférent qu’un dirigeant soit basé dans un pays ou un autre. C’est donc le déterminant fiscal qui entre en compte dans le choix de localisation des états-majors. Les Banques qui ont délocalisé leurs équipes de gestions d’actifs à Londres l’ont souvent en raison de la pression mise par les employés qui menaçaient de partir à la concurrence si les équipes n’étaient pas déplacées à Londres. » Interviewé, Avocat fiscaliste

« Le droit social français est une barrière majeure. Un investisseur normalement constitué n’investit pas en France. » Interviewé, DRH d’un grand groupe

« La fiscalité des personnes physiques décourage les cadres internationaux et les détourne de la France qui, par ailleurs, a de nombreux atouts qui pourraient les attirer. Les cadres sont effrayés par le mille-feuille fiscal. Deux types de personnes sont concernés, les cadres dirigeants, souvent au niveau des COMEX et les entrepreneurs qui, pour des raisons de transmission de patrimoine, sont contraints de quitter la France. Le couplage des fortes impositions sur le travail, le patrimoine et la transmission est explosif. » Interviewé, Avocat fiscaliste

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i. Un coût du travail trop élevé

Le poids croissant des services dans l’économie rend encore plus prégnant le critère du coût de la main-d’œuvre, dès lors qu’il représente 75 à 90 % des coûts variables, selon l’emplacement, contre 45 à 60 % dans le secteur de la fabrication21. Sur ce point, il est parfaitement vérifiable22 qu’en s’établissant à 35,63 euros - contre 33,15 euros en Allemagne par exemple - le salaire horaire français est l’un des plus élevés d’Europe.

Si l’on tient compte, au surplus, de notre 27ème place européenne (sur 28) en termes de durée effective du travail23, on comprend a priori les réticences des entreprises à implanter ou maintenir en France leur activité et leur centre de décision.

21 « Choix concurrentiels 2014 », KPMG. 22 Les coûts de la main-d’œuvre dans l’Union européenne au 1er trimestre 2014, COE-Rexecode, 19 juin 2014. 23 La durée effective du travail en France et en Europe en 2013, COE-Rexecode, juin 2014.

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Pour autant, il convient de rappeler que la main-d’œuvre française jouit d’une très bonne formation qui explique, notamment, sa forte productivité horaire, une des plus élevées des pays membres de l’OCDE, à 49,33 USD de l’heure en 201324, un niveau identique à celui de notre voisin allemand mais bien supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE, du G7 ou encore de la zone euro.

ii. La pesanteur du cadre réglementaire Avec ses 3.500 pages, le Code du travail français fait figure d’ogre. Il traduit surtout l’extrême complexité de notre réglementation du travail constituée d’un empilement incessant de normes, peut-être plus encore que dans d’autres domaines du droit. Cette boulimie a un coût qui entrave la croissance des entreprises : 4 % de la masse salariale lorsque le 50ème salarié est embauché. Principalement mise en cause, la réglementation relative à la représentation collective du personnel se révèle un casse-tête pour l’investisseur étranger.

Or, si de premières mesures de rationalisation et de sécurisation ont été mises en œuvre par la loi de sécurisation de l’emploi25 – instauration de la base de données unique, encadrement des processus d’information-consultation notamment - ce n’est qu’au prix de nouvelles obligations – représentants des salariés aux conseils d’administration, consultation sur

les orientations stratégiques de l’entreprise par exemple – qui annihilent les efforts engagés.

24 Eurostats, 2014 (cf. Annexe 3). 25 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, JORF n° 0138 du 16 juin 2013, page 9958.

« La longueur des processus de décision dans le cadre d’opérations de fusions-acquisitions liées à la consultation des organes sociaux est un facteur bloquant. » Interviewé, DRH d’un grand groupe

« Les consultations des organes de représentation du personnel complexifient lourdement les opérations. Cela impacte aussi souvent la clientèle qui est informée et rend les groupes qui incluent des filiales françaises moins attractifs aux yeux des investisseurs. » Interviewé, Avocat fiscaliste

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En la matière, il est donc nécessaire qu’une réelle volonté simplificatrice s’empare du sujet et la CCI Paris Île-de-France espère que les négociations engagées en matière d’efficacité et de qualité du dialogue social aboutiront notamment à une vraie réforme des seuils sociaux et des blocages qu’ils engendrent et à un redimensionnement de la représentation des salariés.

iii. La complexité sociale des restructurations

Il est indéniable que la rigueur de notre réglementation protectrice de l’emploi (contrat à durée déterminée, procédures de licenciement économique) constitue de longue date un frein à la nécessaire réactivité des entreprises intervenant dans un contexte mondialisé en mutation permanente. De ce point de vue toutefois, la loi de sécurisation de l’emploi précitée a sensiblement amélioré la situation : encadrement des délais de procédures, ouverture du plan de sauvegarde de l’emploi à la négociation collective, réduction des délais de contestation, centralisation du contentieux notamment. Plus encore, la création d’outils nécessaires à l’adaptation anticipée des effectifs de l’entreprise à ses besoins – accord de maintien de l’emploi, accord de mobilité interne - permet aux entreprises la mise en œuvre d’une réelle GPEC à même de leur redonner toute la latitude d’action dont elles ont besoin.

Pour autant, beaucoup reste encore à faire et, d’abord, l’aménagement du régime du licenciement des salariés refusant la mise en œuvre de la modification de leur contrat de travail dans le cadre des accords précités. Sur ce point, on peut s’interroger sur l’opportunité de faire prévaloir l’autonomie conventionnelle des partenaires sociaux dans l’entreprise sur la volonté individuelle des salariés dès lors que les engagements des premiers bénéficient d’une double légitimité issue à la fois de la mesure de leur représentativité et de l’exigence de majorité comme condition de validité des accords collectifs de travail.

« Le système de l’administrateur salarié est assez difficile à justifier auprès des investisseurs internationaux. De même, la politique de transparence qui ajoute des obligations de communication au CE et en rend les administrateurs responsables pénalement est une barrière importante ; cela crée le délit d’entrave sur la non communication d’informations stratégiques qui, si elles sont diffusées par les membres du CE, ne vaudront pas de lourdes sanctions à leur égard… L’infraction à l’obligation de secret n’est pas sanctionnée pénalement, cela relève en effet de la responsabilité civile, ce qui peut poser de gros problèmes aux groupes cotés car si la politique révélée est un peu différente de la ‘guidance’ donnée aux marchés, les analystes perdent confiance. » Interviewé, Ex Administrateur d’un grand groupe

« Les grandes entreprises ont […] régulièrement besoin de réorganiser leur activité, au gré de leurs innovations techniques ou organisationnelles. Elles ont […] besoin de réorienter leurs activités de R&D vers les domaines les plus porteurs. Cette restructuration de l’activité est d’autant plus difficile que les coûts d’ajustement de l’emploi sont élevés. Les travaux de l’OCDE confirment en particulier qu’une législation de la protection de l’emploi trop stricte obère la capacité des entreprises à introduire des innovations majeures telles que les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Or, en France, le coût des procédures de licenciement est à la fois élevé et difficilement prévisible. Ce coût et cette incertitude font obstacle à la réorganisation des entreprises et, ce faisant, nuisent à l’attractivité du territoire français. Comparativement, la législation de la protection est plus souple à la fois dans les pays anglo-saxons et dans les pays nordiques. » (Audition au Sénat, le 19 octobre 2006 de Jean-Philippe COTIS, « Réflexion sur la notion de centres de décision économique et sur les risques de délocalisation associés »)

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g) Les entreprises patrimoniales sont un cas à part Les experts interviewés ont rattaché d’eux-mêmes le sujet des entreprises patrimoniales avec le départ de centre de décision, notamment à travers le lien entre problématiques personnelles et devenir de l’entreprise. C’est pourquoi on y a consacré un développement même si la question ne se pose pas de la même façon que pour les autres sociétés. Pour les chefs d'entreprise, l'enjeu est d'organiser les conditions de l'héritage pour que la cohérence du groupe ne soit pas menacée, et ce avec des mécanismes juridiquement inattaquables.

i. Un constat s’impose : les entreprises familiales disparaissent de France À une époque marquée par l'arrivée à la retraite de la génération du baby-boom, de moins en moins d'entreprises sont pourtant transmises aux héritiers (moins de 10 % des transmissions d'entreprise aujourd'hui). Déjà, entre 1996 et 2000, 500 entreprises patrimoniales se sont vendues à des groupes étrangers faute de relève familiale26. La France compterait aujourd'hui seulement 4.600 entreprises familiales de taille moyenne (de 50 millions à 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires et de 250 à 5.000 salariés), contre 12.500 en Allemagne - le Mittelstand27 - et 10.000 en Grande-Bretagne.

ii. La multiplication des héritiers se croisant avec une fiscalité peu favorable précipitent la chute des empires

Dans une entreprise familiale, il y a ceux qui travaillent dans l'entreprise, qui ne paient pas l’ISF, et les autres. Si à la première génération, la plupart des héritiers s'entendent en général pour s'attribuer les postes au sein de l'entreprise, cela se complique dès la deuxième génération. Et que dire à la sixième ! Les membres de la famille élargie (cousins, cousines, conjoints…) qui sont actionnaires de l'entreprise doivent alors payer l’ISF chaque année, même s'ils détiennent moins de parts sociales que le dirigeant issu de leur rang. Le cas de l’empire des Taittinger est révélateur : la multiplication des héritiers, la fiscalité et les problèmes de gouvernance en ont précipité l'éclatement. A la tête d'un conglomérat présent dans l'hôtellerie, le luxe, les champagnes et les vins, cet emblème du capitalisme familial a été démembré en 200528.

iii. Holding familial et pacte Dutreil : une solution certes, mais avec ses limites En attendant d'organiser leur succession, nombre de groupes créent un holding familial comme outil de cohésion et de transmission, permettant ainsi de racheter chaque année entre 0 et 5 % du capital pour permettre à son actionnariat de « respirer ». Les groupes familiaux peuvent aussi bénéficier d'un outil fiscal particulièrement avantageux, apparemment « un paradis fiscal pour la transmission d’entreprise » : le pacte Dutreil

26 Source : l'Asmep, syndicat des entreprises de taille intermédiaire. 27 Le Mittelstand renvoie, en Allemagne, à la notion d’entreprises familiales indépendantes, de taille moyenne. Elles sont un des pivots de l'avantage compétitif allemand. 28 Le groupe ne parvenait plus à générer assez de dividendes pour permettre à ses actionnaires de payer leur impôt. Il a depuis été repris par une partie de la famille Taittinger.

« En France, il y a une négation du risque lié à l’entreprise dès lors que l’on aligne revenu du capital et revenu du travail. On relève de nombreux cas de dirigeants qui ont créé leur entreprise, l’ont fait croître et quittent le territoire pour des questions de transmission alors qu’ils sont au cœur de ce qui doit dynamiser le pays. » Interviewé, Chasseur de tête

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En cas de donation aux héritiers, ce pacte permet de bénéficier d'une exonération de 75 % de la valeur des droits taxables à condition que ceux-là s'engagent à conserver les titres pendant au moins 2 ans après le décès du dirigeant. Mais en réalité, cette solution comporte une vraie limite en termes de gouvernance, notamment dans le cas d’une donation avec réserve d’usufruit, le cas le plus fréquent : le chef d'entreprise qui reste aux commandes voit son droit de vote limité à la distribution des dividendes, ce qui donne au dirigeant l'impression d'être dépouillé de ses pouvoirs. En matière d’ISF, la situation est encore autre. Dans le silence de la loi, la doctrine administrative accorde aux détenteurs de parts ou actions de holdings animatrices de groupe l’exonération d’ISF au titre des biens professionnels. Toutefois, depuis quelques mois, l’administration fiscale montre de fortes velléités de restreindre la définition de la notion de holding animatrice, ce qui créé une instabilité très néfaste aux contribuables et un sentiment d’insécurité juridique très fort.

iv. La délocalisation à l’étranger des entreprises patrimoniales pour échapper à une instabilité juridique française croissante ?

Malgré ces outils pourtant bien rôdés (du moins jusqu’aux récents durcissements évoqués préalablement), certains persistent à choisir la délocalisation en Suisse, en Belgique ou surtout aux Pays-Bas pour y créer des fondations, trusts ou « stitchings ». Ces structures juridiques sont interdites sous cette forme dans l'hexagone. Depuis 2011, pas moins de 5 lois de finances rectificatives sont venues changer le paysage normatif français29, avec de nombreuses mesures rétroactives venant ainsi déstabiliser certaines prises de décisions stratégiques. Dès lors les trusts et les fondations apparaissent comme de vrais refuges, offrant au fondateur une réelle souplesse (tant dans la durée de la structure que dans ses contours), le principal intérêt étant de pouvoir se construire une structure « sur mesure » solide et pérenne afin d'être sûr que ses volontés seront respectées. L’on notera que la société ne peut pas être vendue par les héritiers, qui ne peuvent pas non plus la détourner de son objet. Dans la plupart des cas, il s'agit de confier à une entité ad hoc les titres de son groupe par un démembrement de propriété : par exemple, à la fondation ou au trust, la nue-propriété des titres, aux héritiers, les dividendes. Ainsi, la fondation peut voter à l'assemblée générale, proposer une liste d'administrateurs qui désignent, eux, le président.

29 Cf page 22, les développements sur l’inflation normative.

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h) La perte d’influence de la place financière de Paris aurait un effet relatif suivant les caractéristiques des

entreprises Si les avis des experts divergent ainsi sur la portée de l’affaiblissement de la place financière de Paris sur les départs de membres de COMEX et de centres de décision, il est néanmoins certain que le mouvement participe de l’appauvrissement de l’écosystème économique parisien. Dans tous les cas, directement ou indirectement, le manque de vigueur et de substance de la place financière est défavorable à l’attractivité du territoire.

Redonner de la vigueur à la place financière ne peut que peser positivement dans la balance de l’attractivité. A cet égard, on ne peut que recommander :

- le développement des Euro Private Placements (Euro PP) à Paris (en poursuivant les actes du Comité de la Charte Euro PP),

- de façon globale, la conservation d’un marché Actions à Paris permettant le financement des entreprises,

- la définition des « niches » sur lesquelles Paris pourrait se positionner. Sur ce dernier aspect, Paris Capitale Économique et la CCI Paris Île-de-France enjoignent dans les conclusions du Forum « Compétitivité et attractivité, le double défi des global cities » à faire porter les efforts sur :

- un positionnement comme plate-forme off-shore leader en Europe pour le trading de la monnaie

chinoise, - la constitution d’un pôle d’expertise de la finance islamique, - et le développement d’un marché actions pour les entreprises africaines.

i) Un rôle de la société européenne à tempérer

Les sociétés européennes, créées par le règlement 2157/2001 du 8 octobre 2001, sont mentionnées aux articles L. 229-1 et suivants du Code de commerce.

« Les financements se faisant de plus en plus sur des ‘private funds’, car les fonds d’investissements prêtent avec des covenants plus simples que les banques, avec notamment moins d’obligations de cautionnement d’actifs, les directions financières vont où ces financements se trouvent. Ces outils sont beaucoup plus présents dans les pays anglo-saxons et en Allemagne, qu’en France. Les directeurs financiers, responsables juridiques et secrétaires généraux ont tendance à se rapprocher des marchés financiers les plus cruciaux pour le développement de leurs groupes. Il n’y a plus de place financière à Paris, il n’y a plus de possibilité d’introduction en Bourse en France. Je ne vois pas comment cela peut changer. » Interviewé, Administrateur d’un grand groupe

« La France devient une puissance moyenne. La place financière a vraiment fait perdre de la stature au pays. » Interviewé, Secrétaire général d’un grand groupe

« La faiblesse de la place financière a une importance relative suivant l’activité de l’entreprise, sa structure actionnariale et les modes de financement qu’elle utilise. Des sociétés à l’actionnariat très stable ou à l’actionnariat familial ou salarié important sont moins sensibles à cette problématique. » Interviewé, Ex membre du COMEX d’un grand groupe

« Le fait que certaines directions partent à Londres pour se rapprocher d’une place financière plus forte est davantage un argument de communication financière qu’autre chose. On peut gérer une IPO de n’importe où dans le monde dès lors que l’on peut être en confcall avec ses conseils banquiers et avocats. » Interviewé, DRH d’un grand groupe

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En dépit de leur appellation, il n’existe pas un seul modèle de société européenne pour toute l’Union européenne. En effet, la réglementation applicable à cette forme sociale est commune pour une partie, et propre à chaque Etat membre pour l’autre partie. En d’autres termes, il existe 28 formes de sociétés européennes, chacune ayant notamment des règles fiscales et sociales différentes. De ce fait, le lieu d’implantation du siège social statutaire est un élément fondamental pour optimiser l’outil que représente la société européenne. Pour sa création, deux modalités sont prévues :

- la fusion transfrontalière entre deux sociétés de nationalités différentes au sein de l’Union européenne. Soit les sociétés participantes disparaissent toutes deux pour donner naissance à une société européenne ; soit une société d’un État membre se fait absorber par une société européenne préexistante ;

- la transformation d’une société d’un État membre en société européenne. A cette fin, il est nécessaire qu’un ou plusieurs commissaires à la transformation rédigent un rapport attestant « que la société dispose d'actifs nets au moins équivalents au capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer ». Outre cette condition, la société qui se transforme doit détenir, depuis au moins deux ans, une filiale relevant d’un droit d’un autre État membre30.

Les conditions de formation des sociétés européennes, et notamment celles qui ont trait à la transformation, sont particulièrement contraignantes et ont pu expliquer le faible nombre de SE aux premières années d’application du règlement31. Cela est d’autant plus vrai que cette forme sociale doit avoir un capital social minimal de 120 000 euros, ce qui est plus que le minimum exigé dans tous les pays de l’UE pour constituer des sociétés32. Pourtant, on note depuis peu une accélération des créations des sociétés européennes33. La raison principale est simple : la société européenne étant une figure connue au sein de toute l’Union européenne, elle représente un passeport, une « image » européenne. Les partenaires – effectifs ou potentiels – de la société européenne sont ainsi rassurés par l’identité de leur cocontractant. De ce fait, les sociétés européennes peuvent constituer un facteur d’attractivité pour les différentes entreprises en tant qu’outil de développement de leur activité au sein de l’Union européenne.

30 Article 2.4 du règlement 2157/2001. 31 Philippe MERLE, Sociétés commerciales, 16ème éd., Paris, Dalloz, 2013, § 20-1. Voir aussi : Anders CARLSON, Melinda KELEMEN, Michael STOLLT, Overview of current state of SE founding in Europe. 32 Seule l’Italie, avec sa società per azioni, conserve ce minimum légal. 33 A. CARLSON, M. KELEMEN, M. STOLLT, op. cit., note 30.

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Le développement des SE ne semble pas traduire une volonté de « shopping fiscal et social » bien que les transferts de sièges entre pays de l’Union soient facilités par ce statut. La croissance du nombre de créations de sociétés européennes s’accompagne d’un second mouvement : l’accroissement du nombre de transfert de sièges sociaux de ces sociétés dans l’Union européenne. Deux avantages de la SE peuvent être mis en exergue comme justification : une facilitation de la mobilité de leur siège social34, décidée à la majorité qualifiée des deux-tiers35 ; et l’exercice de leur activité dans un Etat membre autre que celui au sein duquel se trouve le siège social statutaire. Le transfert du siège social statutaire étant un fait incontestable36 bien que relativement faible37, il convient de confronter le nombre de sociétés européennes implantées dans les États membres aux éléments communément retenus comme étant des facteurs d’attractivité des sièges sociaux. Dans un premier temps, la fiscalité – ou l’absence de fiscalité – est un critère souvent avancé pour expliquer l’implantation de sièges sociaux. Si tel était effectivement le cas, le nombre de sociétés européennes immatriculées dans des États fiscalement cléments pour les entreprises comme l’Irlande, le Luxembourg ou

34 Si le principe du transfert des sièges sociaux statutaire des sociétés européennes paraît aisé, une restriction existe dans le cadre de la transformation d’une société de forme nationale en société européenne. Dans ce cas, le transfert du siège social ne peut être concomitant à la décision de transformation et il est nécessaire de laisser s’écouler un délai entre les deux délibérations (article 37.3 du règlement 2157/2001). 35 A titre de comparaison, le droit national exige l’unanimité pour les sociétés en nom collectif (article L. 222-9 du Code de commerce) et pour la SARL (article L. 223-30 du Code de commerce). Pour les sociétés anonymes, la majorité qualifiée est exigée, mais aussi la nécessité de la conclusion d’une convention spéciale entre la France et le nouvel Etat d’accueil (article L. 225-97 du Code de commerce). 36 Dernièrement, la France a connu 16 mouvements de sièges sociaux de sociétés européennes : 9 sociétés européennes choisissant de s’implanter en France, 7 décidant de la quitter. Voir en ce sens : Claire BOULEAU, « La société européenne, un statut avantageux qui fait beaucoup d’adeptes », Challenges.fr, 21 mars 2014. 37 A ce jour, seules 3,71 % des sociétés européennes ont transféré leur siège social : A. CARLSON, M. KELEMEN, M. STOLLT, op. cit. note 30

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encore Chypre devrait être important. Or, ces trois États ne revendiquent que 1,92 % des sociétés européennes38. Dans un second temps, la souplesse du droit – social ou des sociétés – est invoquée pour justifier de l’attractivité d’un État au détriment d’un autre. Une nouvelle fois, cet énoncé n’est pas vérifié par le nombre d’immatriculations de SE. Par exemple, le Royaume-Uni – connu pour la flexibilité de son système juridique – n’a attiré que 2,87 % des sociétés européennes à ce jour. En d’autres termes, les facteurs communs d’attractivité d’un ordre juridique ne sont pas dirimants pour l’implantation des sociétés européennes.

Il résulte de ces premiers éléments d’analyse que l’implantation et/ou le transfert des sièges dépendent plus vraisemblablement de l’activité, de l’organigramme ou encore de la situation géographique des principaux clients de chaque société. Les sociétés européennes semblent apporter la preuve que la logique d’implantation des sièges sociaux n’est pas la même que celle ayant cours outre-Atlantique, où on assiste à une concurrence entre les différents États, qui a pu être qualifiée de « course au moins-disant »39 juridique pour attirer les sièges sociaux40. D’autres déterminants ont pu pousser des sociétés à se transformer en SE, notamment dans le domaine de la Banque-Assurance, où cette transformation a permis à plusieurs grandes institutions de bénéficier d’un cadre plus souple en termes de critères prudentiels. En bref, le rôle présupposé de la SE dans les mouvements de fuites de centres de décision est à tempérer. Si la SE facilite les transferts de sièges sociaux, d’après les avocats fiscalistes interviewés, il semblerait qu’elle ne soit que très rarement utilisée afin de faciliter une fuite de centre de décision.

3. Des situations propices aux délocalisations de centres de décision Les changements de dirigeants et les opérations de fusions-acquisitions apparaissent comme les situations les plus propices au départ de centres de décision :

38 Le premier Etat d’élection de sièges sociaux statutaires des sociétés européennes est la République tchèque, attirant plus de 70 % de ces sociétés. La raison en est simple, l’extrême majorité (95.6 %) des SE immatriculées à Prague sont des filiales sans aucun salarié. Voir : A. CARLSON, M. KELEMEN, M. STOLLT, op. cit. note 30 39 Traduction du terme « race to the bottom ». 40 Le droit américain des sociétés connaît une spécificité due au fédéralisme : certains pans du droit sont communs, mais la majeure partie des règles applicables aux sociétés sont propres à chaque Etat fédéré. A ce jeu de la concurrence, le Delaware sort largement vainqueur : Leslie WAYNE, « How delaware thrives as a corporate tax haven », The New York Times, 30 juin 2012 [En ligne].

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a) Les changements de dirigeants

Si les dirigeants de grands groupes restent en moyenne une dizaine d’années à la tête d’une organisation d’après les experts interviewés, l’arrivée d’une nouvelle personne au pouvoir fait peser un risque de délocalisation d’une partie des équipes dirigeantes et, par extension, des centres de décision. La vision, la personnalité et la philosophie des dirigeants d’une manière générale peuvent avoir un impact majeur sur les questions de localisation.

En outre, le recrutement de dirigeants internationaux n’est pas sans incidence.

b) Les opérations de fusions-acquisitions C’est bien dans ce cadre que les questions de localisation ont fait manifestement surface. Le phénomène n’est pas nouveau et les exemples du passé éclairent ceux du présent :

• En 1996, le français Ecco, suite à sa fusion avec le suisse Adia pour former Adecca a vu ses centres de décision corporate déplacés en Suisse ;

• En 2002, lors de sa fusion avec l’espagnol Aceralia et le luxembourgeois Arbed qui a créé le groupe Arcelor, Usinor a changé de nationalité. Le siège social et les quartiers généraux ont été déplacés au Luxembourg ;

• En 2003, l’OPA du canadien Alcan sur le groupe français Péchiney a déplacé vers le Canada les principaux centres de décision.

Pour en venir à l’actualité récente, des cas de figures assez différents se sont présentés en 2013 et 2014. Le groupe Publicis, en plein développement international, a saisi l’opportunité de s’allier avec un autre géant de la publicité, le groupe américain Omnicom. Lafarge, en s’associant avec le suisse Holcim, prendra de l’envergure et devrait mieux résister à la concurrence asiatique. Les débats engagés sur la localisation des centres de décision dans le cadre du dossier Alstom ne font qu’étayer cette analyse. Toutes ces affaires, quelles qu’en soient les justifications avancées, se sont accompagnées de départs de centres de décision.

En effet, « l’internationalisation des COMEX et de l’actionnariat dans une moindre mesure sont des facteurs qui rendent plus évidentes les questions de délocalisations de COMEX et de centres de décision. Les dirigeants internationaux sont moins attachés au microcosme du triangle d’or parisien. » Interviewé, Membre du COMEX d’un grand groupe

« Les velléités de départ pour les groupes historiquement français sont étroitement liées à la personnalité des dirigeants. Il y a quelques années, un de nos dirigeants a été moteur sur des problématiques de délocalisations d’une partie de notre direction financière. Des départs pour Londres et Bruxelles étaient à l’étude, mais cette personne a quitté ses fonctions et ces questions ne sont plus à l’ordre du jour. » Interviewé, Membre du COMEX d’un grand groupe

« Les grandes fusions-acquisitions internationales se multiplient pour des raisons d’ordre macro-économique (liquidités, taux d’intérêt bas, réserves de cash, recherche de croissance…), mais aussi du fait d’un affaiblissement de certains « fleurons » dans la crise. « Qu’elles soient défensives ou offensives, ces opérations répondent avant tout à des considérations stratégiques à moyen ou long terme » - affirme Jérôme Calvet, co-président de Nomura France - ; avec pour conséquences notables qu’il semble de plus en plus difficile d’organiser la répartition des centres de décision et d’identifier la « nationalité » de ces grandes entreprises. » (Fabrice Anselmi, « La localisation en jeu », AGEFI,15 mai 2014).

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De fait, il n’est pas simple de relocaliser un siège social ou un centre de décision en dehors d’un contexte de fusion-acquisition, comme le souligne un banquier d’affaires interviewé par le Nouvel Observateur : "Sinon, les patrons craignent la réaction de l'opinion publique et la pression des politiques". Ainsi, l’opération de fusion-acquisition correspond sûrement au moment où il est le plus simple de « faire accepter » des déplacements de centres de décision. Cette idée est partagée par les experts interrogés. Et ce sont alors souvent des centres de décision entiers qui sont déplacés ou supprimés au titre de synergies... A cet égard, les grands groupes Français, en quête de relais de croissance à l’international, avec un accès à de la dette peu chère, devraient saisir des opportunités M&A dans les mois à venir.

Toutefois, certaines idées reçues sont à nuancer car les flux vont dans les deux sens, des entreprises françaises font des acquisitions à l’étranger en maintenant parfois certains centres de décision en France, aux dépens de centres localisés dans les pays d’origine des cibles des acquisitions. Ainsi, entre 2009 et 2013, les sociétés françaises auraient acquis pour 183,5 milliards d’euros de participations étrangères alors que les entreprises étrangères durant la même période auraient acquis 100,8 milliards d’euros de participations en France41. A titre d’exemple, Total a repris SunPower (Etats-Unis) pour 1,1 milliards d’euros, LVMH a racheté Loro Piana (Italie) pour 2 milliards d’euros ou bien encore Sanofi42 a repris Genzyme (USA) pour 19,3 milliards d’euros. Dans le contexte de grandes opérations transnationales, le lever du bouclier étatique et de l’opinion publique traduit une remise en question de la mondialisation, ce qui est vain car cela nie la réalité économique et ne peut que contribuer à l’isolement et à la baisse de compétitivité de la France. Ces réactions, comme le rappelle un Administrateur de grand groupe, sont extrêmement mal perçues par les acteurs internationaux. La France doit être vigilante afin de ne pas déclencher des actions similaires de la part de ses partenaires internationaux. Cela aurait un impact négatif sur les échanges internationaux et, même par là, sur la croissance de notre économie. En réalité, ces flux à double sens nécessitent une ouverture sans entrave :

41 Source : Dealogic. 42 Sanofi offre de surcroît un exemple historique intéressant. Lorsque l’allemand Hoechst et le français Rhône-Poulenc ont fusionné en 1999, le siège du groupe Aventis nouvellement créé a été localisé en France, ce qui a fait grand bruit dans la classe politique et les milieux d’affaires allemands. Puis, suite à l’OPA menée par Sanofi-Synthélabo en 2004, le groupe a été renommé Sanofi-Aventis puis Sanofi.

« Les fusions-acquisitions jouent un rôle majeur dans le déclenchement de flux de centres de décision. La société absorbante a souvent plus de poids dans la décision de localisation des centres de décision. En revanche, lorsque l’on fusionne « deux égaux », la question de la délocalisation des centres de décision se pose différemment. L’intervention de conseillers fiscaux est clé, même si la fiscalité n’est pas le seul déterminant. On écarte les endroits fiscalement défavorables et en même temps une fiscalité avantageuse est une condition nécessaire mais pas suffisante pour installer un centre de décision… à moins que la société recherche un paradis fiscal. » Interviewé, Ex membre du COMEX d’un grand groupe

« Il est […] essentiel que les règles de la concurrence et l’ouverture des marchés s’appliquent pleinement chez nos partenaires. Pour sauvegarder notre souveraineté nationale, un système économique international « ouvert » est indispensable. Cette « police d’assurance » internationale appelle, en retour, le respect des principes d’ouverture du côté de la France. » (Audition au Sénat, le 19 octobre 2006 de Jean-Philippe COTIS, « Réflexion sur la notion de centres de décision économique et sur les risques de délocalisation associés »)

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4. Les investissements directs étrangers, un bon indicateur d’attractivité Les investissements directs étrangers (IDE) se concentrent dans les métropoles mondiales et d’après l’étude publiée par Paris Capitale Economique et KPMG « Global Cities Investment Monitor », pour Paris et l’Île-de-France, il s’agirait de 50 % des investissements greenfield43 réalisés en France. Néanmoins, il est difficile de parler de l’attractivité de Paris-Ile-de-France sans parler de la France, dans la mesure où de nombreux critères fondamentaux tels que le cadre réglementaire et fiscal ou le droit social sont essentiellement définis au niveau national. Par ailleurs, l’étude de l’attractivité, ainsi que l’analyse de l’évolution des investissements directs étrangers sont l’image en négatif, incontournable, de l’étude de la rétention des centres de décision. Les deux sujets sont étroitement liés et corrélés et participent du cercle, soit vicieux, soit vertueux de l’attractivité, d’un enrichissement ou d’un appauvrissement de l’écosystème. En revanche, il ne faut pas perdre de vue que le choix de la destination d’un investissement vers un territoire se fait au détriment d’autres territoires concurrents. Ainsi, l’attractivité du territoire France et de l’Île-de-France doit être comparée avec celle de nos deux voisins les plus performants, le Royaume-Uni et l’Allemagne.

a) Une inversion de la courbe en ce qui concerne les investissements directs étrangers (IDE) vers la France

Source : EY, Baromètre de l’attractivité de la France 2014

L’année 2013 marque le retour à la croissance du nombre de projets d’IDE en France, après deux exercices consécutifs caractérisés par des fortes baisses.

43 Concernant des nouvelles implantations.

« Une attitude ouverte à l'égard des investissements étrangers est une des conditions de l'attractivité en France et en Île de France plus particulièrement. » Jean-Paul HUCHON (lors du Forum « Compétitivité et attractivité, le double défi des global cities » organisé par la CCI Paris Ile-de-France en partenariat avec Paris Capitale Economique le 21 mai 2014).

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Du côté du nombre d’emplois créés - sans doute l’indicateur le plus intéressant - les signaux sont encore plus encourageants. On revient presque au niveau de 2010 avec 14 122 créations d’emplois initiéés par ces implantations étrangères. Ainsi la France, qui s’est laissée distanciée par le Royaume-Uni et l’Allemagne en termes de nombre de projets, reste la deuxième destination européenne pour cet indicateur, loin derrière le Royaume-Uni (cf. infra). Au demeurant, si la part de la France dans le nombre d’emplois créés par les IDE en Europe est plus faible que la part de la France dans le nombre de projets, cela est dû aux questions de coût du travail et de manque de flexibilité du droit social français qui n’encouragent pas les investisseurs étrangers à recruter et à maintenir de nombreux emplois en France.

Source : EY, Baromètre de l’attractivité de la France 2014

Si les États-Unis restent la première source d’investissements directs étrangers en France, nos voisins européens sont aussi assez actifs, l’Allemagne en tête, avec des investissements fortement créateurs d’emplois (respectivement 29 emplois et 21 emplois par projet en provenance des Etats-Unis et de l’Allemagne).

Source : EY, Baromètre de l’attractivité de la France 2014

Pour finir, contre toute attente, la France est la première destination d’IDE dans le secteur industriel en Europe. Cependant, le cabinet EY souligne (Baromètre de l’attractivité de la France 2014) qu‘« elle est largement devancée par 7 pays européens pour la création d’emplois associée à ces implantations. Par ailleurs, 61 % des investisseurs déclarent vouloir y maintenir des activités de production sur la prochaine décennie, contre 89 % au niveau européen."

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b) La perte de substance de l’économie française se traduit par de grandes difficultés à fixer les centres de décision d’entreprises internationales

Le faible nombre d’implantations de centres de R&D et de sièges sociaux mis en exergue par le baromètre de l’attractivité de la France 2014 de EY témoigne de cette difficulté à attirer et par la même à fixer sur nos territoires les centres de décision. Or, la France était en deuxième position européenne en la matière jusqu’en 2008, elle est descendue jusqu’à la cinquième place du classement en 2013, devancée par le Royaume Uni, qui affiche 29 implantations contre 18 en France, 25 aux Pays Bas, 24 en Irlande ; et l’Allemagne devance de peu la France avec 19 implantations de centres de R&D ou de sièges sociaux. Parmi les quelques implantations majeures de centres de décision en 2013, on retiendra celle du centre de recherche de Huawei à Boulogne-Billancourt ou le centre de recherche de Saudi Aramco à Rueil-Malmaison.

c) Le faible pouvoir d’attraction de la France aux yeux des Grands Emergents doit donner lieu à une réflexion

Selon Goldman Sachs, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) pourraient peser plus en termes de PIB cumulé que l’ensemble des PIB du G7 actuel en 2032.44 Partenaires commerciaux et diplomatiques essentiels aujourd’hui, ils le seront encore plus demain. Ainsi, il est fondamental de réaliser un monitoring précis de l’évolution de l’investissement en provenance de ces économies et de mettre en place des politiques et des actions qui rendent nos territoires plus attractifs aux yeux de ces grandes puissances. Or, la France semble peiner à attirer ces investisseurs. Les données publiées par EY (cf.infra) concernant les investissements en provenance du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine sont révélatrices, nos voisins anglais et allemands profitant beaucoup plus de cette manne que la France. Seuls 19 projets d’implantation en provenance de ces pays ont été recensés en France en 2013 contre 107 en Allemagne et 87 au Royaume-Uni. Sur ces 19 projets, 14 proviennent de Chine, 3 d’Inde et 2 du Brésil.

Cet écart d’attractivité est préoccupant et appelle une réaction rapide de la part des pouvoirs politiques français. 44 Rapport annuel 2013 de l’AFII.

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En revanche, et même si la performance de la France ces dernières années ne semble pas être très satisfaisante, il est intéressant, voire rassurant, de constater qu’elle jouit d’une bonne image auprès de ces investisseurs. 90 % des investisseurs chinois et 92 % des investisseurs indiens estiment que la France est une destination d’investissement attractive. Par conséquent, ce serait donc notre attractivité relative par rapport à nos pays voisins, davantage qu’un désamour de la France, qui serait à l’origine de notre piètre performance.

Source : AFII, Rapport annuel 2013 À cet égard, les relations de la France avec les économies africaines ainsi que ses compétences en matière de gestion des affaires avec ces économies d’avenir sembleraient être un atout pour la France aux yeux des investisseurs en provenance des grands pays émergents.

Dès lors, il semble important de communiquer des messages forts, rendant « l’offre France » plus lisible, notamment au niveau de secteurs d’excellence. Cette excellence dans le secteur des télécommunications, qui s’appuie sur des filières de formations à la pointe, a, par exemple, conduit deux géants Chinois, Huawei et ZTE à implanter leurs sièges régionaux en France, comme le souligne le délégué général du CCPIT en France. Suite à l’interview de Jufen YAN, Délégué Général du CCPIT en France sur la démarche des investisseurs chinois, il résulte qu’ils ont trois raisons principales de s’implanter en France :

• Les acquisitions ont pour but d’accéder à des nouvelles technologies car la Chine n’est pas encore une puissance en termes de R&D.

« La France est attractive pour ses bonnes relations avec l’Afrique, terre de croissance d’avenir. Le Royaume-Uni jouit aussi de cet avantage concernant l’Afrique anglophone. » Interview d’un DRH, Grand groupe

« La France jouit, elle, d’un avantage de taille grâce à ses relations privilégiées avec l’Afrique. Dès lors qu’une société chinoise souhaite commercer avec l’Afrique, la France est une destination clef de localisation d’un centre régionale euro-africain. La France a l’avantage de savoir communiquer avec les acteurs africains et de savoir gérer des entreprises sur le continent africain. » Interview du Délégué Général, CCPIT

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• Les acquisitions ont pour objectif de sécuriser un approvisionnement en matières premières. (Ex. de la prise de participation par le géant chinois Biostime de 20 % de la coopérative normande Isigny Sainte-Mère, qui regroupe 700 producteurs laitiers ou de nombreux investissements réalisés en Afrique).

• Une partie des entreprises se développe à l’international pour faciliter le développement commercial afin de se rapprocher de nouveaux marchés et de nouveaux partenaires. Ex de Huawei.

Le recrutement de ressortissants chinois au sein des entreprises implantées sur nos territoires et des entreprises de conseil à haute valeur ajoutée qui sont impliquées dans le cadre d’opérations d’implantations ou de fusions-acquisitions est un atout à ne pas négliger. En effet, il est rassurant pour un investisseur chinois de pouvoir échanger avec des conseils maîtrisant la langue chinoise dans les cabinets d’audit, de conseil ou d’avocats, par exemple. De la même manière, il est important d’encourager l’expatriation vers les BRICs, notamment pour permettre de tisser des liens et de créer des réflexes. Si les entreprises en provenance des Grands Émergents réalisent des acquisitions depuis plusieurs années en majorité dans une logique d’acquisition de savoir-faire et de techniques, leur expansion géographique devrait s’accélérer avec une recherche de nouveaux marchés dans les prochaines années. Mais, nos atouts ne suffiront pas à bénéficier de cette manne si les réformes structurelles concernant la stabilité de l’environnement réglementaire, le droit social et la pression fiscale ne sont pas réalisées.

5. Étude de cas : Les Pays-Bas sont-ils un paradis fiscal en Europe ?

Les capitaux étant censés circuler librement entre les pays de l’Union Européenne, des différences sensibles de législations fiscales suscitent des mouvements d’attraction vers certains d’entre eux. Le cas des Pays-Bas est particulièrement intéressant. Son système fiscal est celui qui a été cité le plus fréquemment par les interviewés comme le plus attractif, tant en raison de sa stabilité que de la fiscalité avantageuse sur les holdings. Bien que cette problématique soit davantage à relier avec l’attractivité des sièges sociaux, elle n’est pas sans enseignement sur la question du départ des « centres de décision » au sens large. C’est pourquoi on renvoie à l’annexe 4 qui développe cette étude de cas.

a) Points sur les avantages fiscaux offerts par les Pays-Bas

Les Pays-Bas constituent traditionnellement une juridiction de référence pour la structuration d’investissements transfrontaliers grâce notamment à : leurs régimes mère-fille, leurs vastes et avantageux réseaux de conventions fiscales ainsi que pour des raisons non fiscales telles que des traités bilatéraux d’investissements, un droit des sociétés souple, une situation centrale, un marché du travail et des services bien développés et un environnement politique et juridique stable45. Plus globalement, les Pays-Bas offrent une réelle stabilité fiscale. Le régime fiscal des entreprises n’y a pas changé depuis des décennies46, alors que la sédimentation de la fiscalité en France, projet de loi de finances après projet de loi de finances, empêche toute visibilité stratégique à trois, six ou dix ans pour les entreprises. Si le mouvement du recours à des holdings financières installées aux Pays-Bas s’est accéléré, c’est donc en partie du fait d’une législation fiscale néerlandaise avantageuse, mais aussi en raison de l’instabilité de la loi fiscale française et de son imprévisibilité47. Par ailleurs, le droit des sociétés néerlandais est réputé pour sa souplesse, en particulier en matière de restructuration. Une entreprise étrangère pourrait ouvrir en une semaine une holding

45 Voir annexe 4. 46 Par exemple, contrairement à ce qui se passe en France, le régime des Soparfi luxembourgeoises est le même depuis 25 ans. On peut rapprocher le cas du taux d’impôt sur les sociétés irlandais qui n’a pas bougé depuis 20 ans malgré la crise ! 47 Cf. page 24.

« Le départ de directions financières et M&A a vraiment pour but la simplification des organisations fiscales, notamment au niveau de la fiscalité sur les holdings. Les Pays-Bas sont bien plus compétitifs sur ce point.» Interviewé, DRH d’un grand groupe

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aux Pays-Bas qui lui permettrait de profiter d’un régime fiscal attractif. La loi n’impose en effet aucune taxation sur les dividendes et sur les plus-values de cession à ces entités juridiques. Autre nouveauté, les Pays-Bas ont modernisé leur droit des sociétés pour les BV (l’équivalent de nos SARL ou SAS) en créant la législation appelée "FlexBV", entrée en vigueur en 2012. Ce régime offre de la flexibilité par la création de catégories d’actions sans droit de vote, et permet de tenir son Assemblée générale hors des Pays-Bas, à certaines conditions précises et avec des impacts fiscaux48.

On le comprend, ces différents avantages expliquent sans nul doute pourquoi, en 2011, les flux financiers entrants aux Pays-Bas (3 207 milliards de dollars) ont représenté près de quatre fois le PIB du pays (840 milliards de dollars), et les flux sortants près de cinq fois (4 002 milliards de dollars)49. Les bénéfices d’une telle juridiction deviennent encore plus attractifs dans un contexte de durcissement des législations fiscales nationales dans plusieurs pays européens, en particulier en France.

b) D’autres pratiques d’optimisation fiscales plus agressives sont autorisées aux Pays-Bas, parfois considérés comme la porte d’entrée européenne vers les paradis fiscaux

Combinée au « Double irlandais », la technique dite du « sandwich hollandais » permet à des entreprises comme Google, Facebook ou encore Microsoft par un jeu complexe de transfert de droits et de redevances, de ne payer quasiment aucun impôt en Europe, et ce grâce à la directive « Intérêts et redevances » de 2003. Cette dernière exonère ces catégories de revenus de toute imposition lorsqu’ils sont payés par une société d’un État membre de l’Union européenne à une société ou à un établissement stable d’un autre État membre de l’UE50. Il faut signaler le danger que représente la concurrence déloyale des grands acteurs de l’Internet – les fameux « GAFA » (Google, Apple, Facebook et Amazon) – basés dans les pays à fiscalité basse, ainsi que l’érosion des recettes fiscales de TVA, d’impôt sur les sociétés et des divers prélèvements permettant de financer la culture. Il semblerait équitable que les pays où ces sociétés conduisent leurs activités soient en capacité de percevoir leur juste part d’impôt.

* * * * * *

On insistera sur le fait que la globalisation modifie la façon de penser les économies inscrites dans les Etats-nations. Ces derniers, dépassés géographiquement, sont confrontés au droit qui devient une ressource que les entreprises manipulent, ainsi qu’en témoigne l’exemple des « GAFA »…

48 Source : NautaDutilh. 49 Voir rapport des députés Pierre-Alain Muet (PS) et Eric Woerth (UMP) sur l’optimisation fiscale des entreprises, juillet 2013. 50 Voir annexe 4.

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AGIR POUR ATTIRER LES CENTRES DE DECISION

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1. Critères d’attractivité et performance de la France

Permettant d’affiner ces considérations, EY a établi, à partir d’une enquête réalisée auprès de 808 dirigeants, la liste des critères sur lesquels ils se basent pour établir leur stratégie d’implantation.

Tout d’abord, les critères qui offrent de la visibilité aux investisseurs apparaissent comme les plus importants. Ainsi, la stabilité et la transparence de l’environnement politique, législatif et réglementaire, la taille et le dynamisme du marché local ainsi que la croissance potentielle de la productivité et le coût du travail seraient les quatre premiers critères pris en compte. Le positionnement de la France sur ces critères de « performance et de visibilité » laisse à désirer et des engagements forts en la matière seraient souhaitables à court terme.

« Pour les questions de localisation des activités, les chefs de groupes internationaux sont très pragmatiques, ils s’intéressent au marché, à la fiscalité, à la simplicité d’organisation, aux contraintes sociales, à la présence de conseils, et à des éléments directement liés à leurs types d’opérations comme la logistique si c’est pertinent. » Interview d’un DRH, Grand group

« Lorsque l’on discute avec des dirigeants, on se rend compte que la fiscalité est un facteur important mais au final secondaire comparé à des critères comme la stabilité réglementaire, le dynamisme des marchés et la disponibilité de ressources compétentes. » Interview de Franck TANNERY, Professeur des Universités, Lyon 2

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Ensuite, viennent les infrastructures logistiques et de transport. À cet égard, la France jouit d’une très bonne réputation, ce qu’affirme le rapport du Forum Économique Mondial 2014-2015. Néanmoins, comme le soulignent les experts interviewés, il est nécessaire de veiller à leur bon entretien afin de maintenir l’excellence française dans ce domaine.

Bien qu’il ne se situe qu’en sixième position, après une série de conditions quasi sine qua non, le critère de qualification de la main-d’œuvre est de plus en plus important, d’autant plus que la richesse d’un bassin de compétence le rend très attractif aux yeux d’autres talents qui pourraient être recrutés au niveau national ou international. Le dynamisme de l’économie et du marché du travail sont également fondamentaux pour maintenir et attirer ces talents comme le montrent les conclusions des analyses de l’étude « Les Français à l'étranger - l'expatriation des Français, quelle réalité ? », publiée en mars 2014 par la CCI Paris Île-de-France.

Au demeurant, un dispositif du droit fiscal, trop méconnu, participe de cette dynamique. Il s’agit du régime dit de l’impatriation aussi attractif pour la venue des cadres étrangers en France que pour le retour de salariés expatriés de grands groupes51. Enfin, sur les quatre derniers critères qui semblent retenus par les investisseurs, si la France excelle dans les infrastructures de communication, elle n’occupe pas une place de choix, loin de là, pour ce qui a trait au

climat social, à la taxation des entreprises et à la flexibilité du travail. Il en résulte qu’une politique d’attractivité doit nécessairement s’appuyer sur l’amélioration de la performance relative de la France sur ces différents critères. Le classement des facteurs les plus problématiques pour travailler en France, publié dans le Rapport 2014-2015 du Forum Economique Mondial, valide ces éléments (cf. infra).

51 La France dispose d'un régime fiscal méconnu mais relativement favorable dit de l'impatriation. Mis en place pour les salariés expatriés de grands groupes, afin de faciliter leur retour en France, et surtout pour attirer des cadres de haut niveau étrangers en France, il concernait, à l'origine, seulement l'imposition sur le revenu. Mais la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a amélioré et étendu ce régime aux revenus du capital et même à l'ISF. Pour bénéficier de ce régime, il faut avoir été résident fiscal à l'étranger pendant au moins cinq ans et revenir s'installer en France. A cette condition, les bénéficiaires peuvent être exonérés jusqu'à 50 % de leur rémunération pour le calcul de l'impôt sur le revenu, à 50 % également de leurs revenus financiers (intérêts, dividendes, plus-values) pour la taxation de leur épargne à condition qu'ils proviennent de l'étranger, et ne payer aucun ISF sur le patrimoine situé à l'étranger. L’inconvénient de ce régime réside dans le fait qu’il n’est valable que pour cinq ans maximum après le retour en France. C’est ainsi que certaines grandes entreprises l’utilisent pour faire venir des cadres internationaux en France, comme Total qui accueillent 700 impatriés en France, qui viennent des différentes régions du monde (source : commission d’enquête sur l’exil des forces vives de France, séance mercredi 9 juillet 2014, Assemblée nationale).

« La France est bien située, à une distance correcte de l’Asie et de l’Amérique du Nord. La desserte aérienne est très bonne et les infrastructures de transport et de logistique de notre pays sont remarquables. » Interview d’un DRH, Grand groupe

« Notre infrastructure routière est d’un bon niveau mais tend à se détériorer depuis qu’elle est de la responsabilité des conseils généraux, il faut veiller à maintenir au mieux ce capital. » Interview d’un spécialiste de la gouvernance

« Aujourd’hui, le capital humain revient au centre des préoccupations. Les dirigeants veulent trouver une main d’œuvre bien formée, disponible et bon marché. Il faut qu’il y ait à la fois un bassin d’emploi suffisant pour faire jouer la concurrence et un droit social acceptable pour l’employeur. » Interview de Frédérique Alexandre-Bailly, Professeur affilié à ESCP Europe

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Source : Forum Economique Mondial, Rapport 2014-2015 Les conditions qui représentent des investissements lourds et longs à mettre en œuvre, comme les infrastructures de transport ou de communication, étant déjà bien remplies par la France, il faut avoir le courage d’engager les réformes concernant les critères de coût et de flexibilité du travail, de fiscalité et de stabilité réglementaire afin de restaurer l’attractivité de la France et de ses territoires. Ces paramètres relevant principalement de la politique nationale, la réforme est essentielle afin de doter les régions des arguments nécessaires à l’attractivité des investisseurs nationaux et internationaux.

2. Des atouts sur lesquels s’appuyer pour définir un plan stratégique d’attractivité La situation est alarmante, néanmoins la France dispose de nombreux atouts qui sont salués par les dirigeants étrangers comme en témoignent les réponses des répondants au Baromètre EY de l’attractivité du site France 2014 (cf. infra). Certes, la capacité de notre économie à créer de nouvelles sociétés qui feront leur entrée dans le classement Fortune Global 500 regroupant les plus grands groupes mondiaux fait débat. Toutefois, on notera aujourd’hui la « surreprésentation de la France » avec 28 groupes d’origine française sur les 500, ce qui est une force pour l’Hexagone. Par ailleurs, on rappellera que bien que la France souffre encore des scories de la circulaire Guéant, l’excellence de l’éducation supérieure est un atout extraordinaire. Ainsi, on notera que la 5ème puissance mondiale compte parmi les pays les plus attractifs pour les étudiants étrangers, ce qui contribue à enrichir notre écosystème (cf. CCI Paris Ile-de-France, « Les Français à l'étranger - l'expatriation des Français, quelle réalité ? », étude précitée).

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La capacité d’innovation - qui va de pair avec l’esprit d’entreprise - ainsi que la force de nos spécificités sectorielles méritent d’être analysées spécifiquement.

a) La France peut devenir une destination « entrepreneuriale » de choix

i. A partir de ses atouts… Le dynamisme d’une ville en termes de capacité d’innovation et son terrain fertile pour les entreprises de croissance est très valorisé par les investisseurs internationaux car cela participe de la création d’un écosystème favorable au maintien et à l’attraction de centres de décision. En la matière, la France et en particulier la région Île-de-France se positionnent plutôt bien. L’excellence de l’Île-de-France a d’ailleurs été distinguée par la palme mondiale de l’innovation et du capital intellectuel dans le classement Cities of opportunities 2014 établi par PricewaterhouseCoopers (PwC). En outre, le fait que non seulement les acteurs publics mais aussi des entrepreneurs à succès mènent des initiatives favorables au développement des startups devraient dans les années à venir, peser positivement sur la balance de l’attractivité. Par exemple, le développement de nombreux incubateurs ou les projets de la Halle Freyssinet et de l’École 42 vont devenir des vraies vitrines de la capacité d’innovation de Paris Île-de-France et de la France. Autrement dit, bien que la France n’ait pas une réputation de pays « business friendly », - en témoigne le classement de l’Hexagone en 38ème position du palmarès « Doing Business 2014 » de la Banque Mondiale, qui classe les économies selon la facilité d’y « faire des affaires » -, elle se distingue pour sa capacité d’innovation. Tout laisse à penser qu’un environnement et un cadre réglementaire plus favorables pourraient stimuler une « révolution entrepreneuriale » française.

ii. … et en développant son attractivité aux yeux des entrepreneurs étrangers tout en facilitant l’accès au financement des entreprises de croissance

Le développement des écosystèmes entrepreneuriaux est reconnu comme un facteur d’attractivité croissant. Ainsi, la stimulation de ces environnements innovants est corrélée à notre capacité à attirer et retenir les centres de décision sur nos territoires.

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D’une part, ce qui manque vraiment aujourd’hui est un dispositif d’attractivité des entrepreneurs internationaux qui fassent de la France, une « destination entrepreneuriale » privilégiée. Un projet de « visa entrepreneur » devrait être présenté à l’Assemblée Nationale dans les prochains mois, il serait bon qu’il soit adopté au plus vite, au même titre qu’un certain nombre de mesures de « traitement de choc », afin que non seulement la venue sur le sol français d’entrepreneurs étrangers motivés soit possible et que notre système réglementaire, notamment fiscal et social, ne les décourage pas. De tels dispositifs ont été expérimentés par d’autres pays comme le Canada avec le « Start-Up Visa Program ». Certains ont accompagné les facilités d’installation de subventions s’élevant pour le cas du Chili à 40 000 USD par startup étrangère accueillie dans le cadre de « Start-up Chile » D’autre part, l’accès au financement des jeunes pousses reste insatisfaisant. Les startups se développant sur nos territoires lèveraient en moyenne 62 % de fonds en moins que leurs homologues américaines52… D’après BPI France, si la France est à la première place européenne en termes de capital-innovation, elle est seulement à la troisième place pour le capital-risque ! Ainsi, sur le deuxième semestre 2013, les start-ups françaises ont levé 13 % des montants totaux en Europe, très proches derrière l’Allemagne (18 %) mais loin derrière le Royaume-Uni (41 %) qui offre un accès au financement et un environnement des affaires plus attractifs, ce qui a été souligné par différents entrepreneurs interviewés à l’occasion de notre étude « Les Français à l'étranger - l'expatriation des Français, quelle réalité ? ». Des chiffres qui devraient faire réagir les pouvoirs publics… Pour finir, la question de l’imposition sur les plus-values de cession étant centrale dans les problématiques d’investissement dans les entreprises de croissance, la France doit réagir rapidement en rendant leur imposition plus compétitive afin de permettre à ces entreprises de trouver les fonds privés nécessaires à leur croissance.

b) Il est crucial de s’appuyer sur les atouts stratégiques régionaux et nationaux et de les valoriser D’après l’enquête réalisée par Ernst & Young, les spécialisations sectorielles de la France sont pour les investisseurs étrangers, son deuxième atout après sa capacité d’innovation. La « marque France » est aujourd’hui synonyme d’excellence dans les télécommunications, l’aéronautique, le luxe ou bien encore les biotechnologies. Cette force serait d’ailleurs en grande partie à l’origine des quelques implantations de sièges régionaux de groupes originaires des Grands Emergents en France, les cas de Huawei et ZTE, déjà cités, reflétant l’excellence française en matière de télécommunications et l’implantation en 2013 du siège européen de Shenzen TFF, leader chinois de la joaillerie de luxe, validant le statut de Paris, capitale du luxe mondial. L’excellence multi-spécialité à la française sera confortée dès qu’une culture d’innovation globale (technologique/non technologique) sera mise en œuvre. La montée en puissance des start-up d’ores et déjà au point en sera amplifiée. La digitalisation systématique du tissu entrepreneurial est également essentiel dans le dispositif de transformation sur lequel il faut largement communiquer sur la scène internationale.

52 Sébastien Pommier, « Le palmarès mondial des meilleures villes pour les start-ups. », lentreprise.lexpress.fr, 21 novembre 2012.

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Pour que cette démarche aboutisse pleinement, il faut accepter que d’autres comptent dans le Monde en élaborant une stratégie qui donne à la France une lisibilité et une visibilité comme territoire d’excellence dans certains domaines, en y rendant par la même l’implantation d’activités « évidentes ».

3. Les réalisations du Grand Paris pourraient renforcer l’attractivité de l’Île-de-France

a) Parce que le Grand Paris relève d’une stratégie fondée sur le renforcement et la mise en réseau des pôles de développement de l’Ile-de-France, il est un fort levier d’attractivité potentiel.

Par la mise en réseau de tous les territoires de la métropole (notamment les portes à l’international que sont les aéroports et les gares TGV), la nouvelle infrastructure est appelée à avoir un impact puissant et durable sur le potentiel de croissance de la région-capitale et l’attractivité de son territoire. Pour produire pleinement leurs effets, les différents volets du Grand Paris Express doivent être réalisés dans leur intégralité et dans des délais adaptés aux besoins du monde économique. Mais, d’une manière générale, le discours politique sur le chantier du Grand Paris ne suffit pas, les grands décideurs internationaux étant très pragmatiques, ils attendent d’en voir les réalisations et espèrent constater des impacts positifs. A l’instar des Franciliens, les employés et cadres internationaux escomptent en particulier des évolutions sensibles au niveau des transports et du logement. On soulignera le problème crucial de la desserte des aéroports et de leur connexion avec les grands quartiers d’affaires comme le recul permanent de la réalisation du « Charles de Gaulle express ». En outre, la nécessité de développer une offre résidentielle qui donne à la classe moyenne des salariés la capacité de se loger en Ile-de-France est fondamentale. Le Grand Paris pourrait, par les améliorations qu’il se doit d’apporter, constituer un élément-clé de réponse à la problématique de maintien des centres de décision, par le renforcement de l’attractivité du territoire vis-à-vis des fonctions-clés qui contribuent à ancrer les centres de décisions dans une métropole, notamment la R&D et la production de biens à haute valeur ajoutée. Quelques premiers résultats encourageants : les investissements publics dans les infrastructures et les équipements liés au secteur de la santé en Val de Marne, notamment au sein du Cluster Campus Sciences et Santé ont créé un réel effet d’entrainement pour la filière sur ce territoire. Concrètement, Sanofi a investi plus de 500 millions € à Vitry et Gentilly où il installe le « Campus Sanofi », SGD (emballage pharmaceutique) a investi 46 millions € à Sucy, Essilor : 30 millions € à Créteil et Septodont (matériel dentaire) 25 millions € à Saint-Maur.

« Il faut repenser la politique industrielle et définir un plan stratégique du pays. Certains secteurs industriels sont à créer ou à reconquérir. La France doit se doter d’une vraie politique d’innovation avec un accès au financement facilité pour le développement d’activités en ligne avec les objectifs stratégiques. » Interview d’un Secrétaire Général, Grand Groupe

« Des décisions politiques sont à prendre en termes de « secteurs stratégiques » pour une région. Il faut donc par conséquent définir aussi des compétences stratégiques afin de mettre en place rapidement les filières de formation adaptées à ces secteurs stratégiques, notamment des formations techniques poussées. » Interview de Frank TANNERY, Professeur des Universités, Lyon 2

Le Grand Paris n’est pas du tout perçu comme facteur d’attractivité par les investisseurs à ce stade. Les dirigeants attendent des réalisations. » Interviewé, DRH d’un grand groupe

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b) Parce que le Grand Paris est au service d’une stratégie économique ambitieuse, il vise au

développement d’un modèle multi-spécialisé innovant Aujourd’hui, parmi les grands schémas identifiés au niveau mondial53, les dernières études montrent que Paris Ile-de-France se situe entre les modèles généraliste et multi-spécialiste innovant54. Son ambition doit être, avec le projet du Grand Paris, de basculer pleinement dans le cadre multi-spécialiste, fondé sur le développement de secteurs-clés.

* * *

Il y a donc des attentes et des espoirs qui ont besoin d’être confirmés par des réalisations dans un futur très proche. De même, la représentation du Monde économique dans la construction du Grand Paris paraît insuffisante et en particulier aucun représentant d’un groupe français dont le siège social est installé dans la métropole parisienne n’est formellement impliqué, à l’inverse, par exemple, du London Enterprise Panel. C’est pourtant une nécessité absolue. C’est dans ces conditions que le projet du Grand Paris deviendra un facteur très puissant d’attractivité pour les centres de décision, ne serait-ce, ainsi, que par les investissements en infrastructures et en immobilier tertiaire qu’il induira !

53 Le modèle généraliste (croissance 2000-2010 : 0 à 1%/an en moyenne) repose sur une économie diversifiée, issu d’une position de capitale économique nationale ou continentale : Tokyo,Los Angeles, Chicago. Le modèle fonctionnel (croissance 2000-2010 : +2%/an en moyenne) est fondé sur la valorisation d’un savoir-faire particulier et d’un positionnement économique unique permettant de concentrer les atouts : San Francisco, Barcelone, Berlin Le modèle multi-spécialiste (croissance 2000-2010 : +2%/anen moyenne) est fondé sur une base généraliste solide et le développement proactif de secteurs innovants : New York, Londres, Séoul. Le modèle « hub » (croissance 2000-2010 : +6%/an) cumule une plateforme logistique centrale et une ambition de place financière de rang mondial et d’accueil de sièges sociaux : Singapour, Hong-Kong, Dubaï. 54 CCI Paris Ile-de-France & Paris Ile-de-France Capitale Economique. Mai 2014. Global cities : réinventer le modèle économique de Paris Ile-de-France

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RECOMMANDATIONS

Le diagnostic est clair, la solution s’impose : dans la compétition mondiale pour les centres de décision, il est urgent d’agir pour rétablir l’attractivité de nos territoires en prescrivant un traitement de choc, réelle rupture tant psychologique que structurelle, visible aux yeux des dirigeants français et des investisseurs internationaux - notamment en provenance des Grands Émergents. Il s’agit de faire de la France un pays « business friendly ».

OPÉRER UNE VÉRITABLE RUPTURE PSYCHOLOGIQUE

Reconnaître la place déterminante des grands groupes, de leurs dirigeants et de leur personnel.

AVOIR LE COURAGE D’AGIR SUR LA FISCALITÉ

Des sociétés Des personnes physiques

• Aligner la pression fiscale et la complexité fiscale sur les best practices internationales

• Baisser le taux d’IS à 25 % • Confirmer la suppression de la « taxe à 75 % »

• Refondre en profondeur la fiscalité du capital ;

aligner l’imposition des stocks options, des plus-values mobilières et des revenus du capital sur les best practices internationales

GARANTIR LA STABILITE DE NOTRE CADRE REGLEMENTAIRE ASSOUPLIR NOTRE DROIT SOCIAL

S’engager sur : • un horizon de stabilité réglementaire • la non-rétroactivité garantie pour les majeures

évolutions réglementaires futures

• Acter une volonté simplificatrice en matière

d’efficacité et de qualité du dialogue social • Réformer les seuils sociaux • Mieux redimensionner la représentation des

salariés

RESTAURER LA PLACE FINANCIERE VALORISER NOS ATOUTS STRATEGIQUES

• Abandonner le projet de taxe sur les

transactions financières • Définir des objectifs de place financière de

niches faisant de Paris une place reconnue (RMB…)

• Conserver les métiers-clefs de la finance au service des entreprises et du financement (Euro PP…) et une bourse locale créant un écosystème dynamique

S’appuyer : • sur les secteurs-clés régionaux et nationaux

(luxe, aéronautique, santé, tourisme…) • sur la diversité et le niveau des talents • sur les réussites en matière d’innovation et

d’entreprenariat • et, enfin, sur le Grand Paris

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CONCLUSION

Il est illusoire de penser qu’il y a une exception française en matière d’attractivité, tout comme il est vain d’espérer soigner les symptômes du manque de compétitivité en stigmatisant ou en « punissant » ceux qui font le choix de partir. A l’heure de la mondialisation, il ne faut en aucun cas fermer notre économie et vouloir à tout prix retenir l’ensemble des activités aujourd’hui présentes sur nos territoires ; certaines ont un intérêt évident à être délocalisées pour assurer la compétitivité des groupes, puisque d’autres pays ou régions ont fait un choix de spécialisation dans leurs filières ou présentent des conditions plus attractives pour celles-ci. En revanche, des centres de décision nous échappent à cause de notre réglementation ou de critères que nous pourrions améliorer par des choix politiques. C’est le maintien de ceux-ci qui doit être notre préoccupation première. Afin que les grands groupes d’origine française et internationale trouvent un intérêt à opérer depuis l’Île-de-France ou toute autre région française, nous devons nous rendre plus attractifs que les territoires étrangers concurrents. Les atouts dont nous disposons en termes de situation géographique, de qualité des infrastructures, d’excellence sectorielle, de capacité à former des talents et à stimuler l’innovation ne suffisent en effet pas à contrebalancer le fardeau fiscal qui pèse sur les cadres dirigeants et les sociétés, ainsi que la complexité et la rigidité de notre administration et de notre droit. Il y a donc urgence à lancer un débat public autour du départ de centres de décision afin de prendre pleinement conscience des enjeux liés à leur déplacement, au demeurant de plus en plus souvent insidieux, vers d’autres Etats. Nous en appelons au courage de nos dirigeants politiques pour prendre des mesures structurelles visant à rétablir la compétitivité de nos entreprises, l’ancrage des centres de décision corporate et des emplois en Île-de-France comme dans les autres régions. Qu’on ne s’y trompe pas : seule une stratégie audacieuse permettra de changer la donne.

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ANNEXES

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ANNEXE 1 – Liste des personnes interviewées 12 personnes interviewées de manière anonyme :

• Avocats fiscalistes (3) • Spécialiste de la gouvernance • Chasseur de tête • DRH d’un grand groupe • Secrétaire Général d’un grand groupe • Administrateur d’un grand groupe • Membres du COMEX d’un grand groupe (3) • Ex Membre du COMEX d’un grand groupe

Pour rappel, les dirigeants interviewés sont représentatifs des grands secteurs de l’économie nationale. Les groupes qu’ils dirigent représentent 385 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploient plus d’un million de personnes à travers le Monde. 5 personnes interviewées et citées nommément :

• Jufen YAN, Délégué Général du CCPIT en France • Hervé LAROCHE, Professeur associé, ESCP Europe • Frédérique ALEXANDRE-BAILLY, Doyen du Corps professoral, ESCP Europe • Frank TANNERY, Professeur de stratégie, Université Lyon 2 • Anna GLASER, Professeur Assistant, Novancia Business School

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ANNEXE 2 – Quelques définitions À propos de la notion de centres de décision :

a) Selon Jean Peyrelevade

Cette approche, extraite du rapport de 2007, paraît très moderne, elle insiste sur le poids stratégique des centres de décision et sur le fait que certains centres de décision sont « corporate » ou primaires et engage l’avenir du groupe tout entier et que d’autres sont secondaires, pouvant d’ailleurs être relatifs à un axe géographique ou à un axe d’activité.

b) Selon Denis Ranque Denis Ranque tentait alors de marquer un périmètre des centres de décision « primaires » et affirmait leur lien « indissoluble » avec le siège. Mais, en quelques années, la donne a changé et, on le verra, la finance ou d’autres directions majeures s’éloignent parfois géographiquement du siège social et du siège opérationnel de la société.

c) L’Agence Française des Investissements Internationaux L’AFII a proposé, en 2007, une typologie des fonctions tertiaires des multinationales implantées en Europe : Au sein des grandes entreprises multinationales possédant de nombreux sites en Europe, les fonctions tertiaires d’appui, y compris celles liées à la décision sont généralement organisées en réseaux. Ces réseaux comprennent notamment : 1. un quartier général mondial, dans le cas où le groupe considéré est d’origine européenne ; 2. des centres de décision régionaux, dont le champ géographique peut dépasser l’Europe pour englober

également l’Afrique du Nord ou le Moyen-Orient ; 3. des centres de décisions subrégionaux (par exemple, un quartier général pour l’Europe du nord, un autre

pour l’Europe du sud) ; 4. des centres de coordination ou de décision spécialisés par produit, dont la compétence peut être tantôt

mondiale, tantôt régionale ; 5. des centres administratifs spécialisés (parfois appelés « centres de services partagés »), regroupant une

fonction d’appui au service de toutes les filiales du groupe (par exemple, un centre de trésorerie pour l’Europe ; un centre de gestion du personnel pour l’Europe du sud, etc.).

Source : AFII, 2007

« Je crois que l’entreprise, comme un corps humain, a des centres nerveux de direction : il y a un cerveau central et, s’agissant de l’entreprise, des cerveaux secondaires, c’est-à-dire des centres régionaux. Quelle est la caractéristique d’un centre de décisions ? C’est, comme son nom l’indique, d’avoir la capacité de prendre des décisions qui engagent l’avenir de toute l’entreprise ou de la partie de l’entreprise se trouvant sous l’autorité du centre de décisions concerné. »

M. Denis Ranque, Président-Directeur général du groupe Thalès en 2007 soulignait que « Certains domaines resteront indissolublement rattachés au siège : très certainement la stratégie, la finance, ainsi que toutes les activités régaliennes, c’est-à-dire tout ce qui concourt au respect des règles que l’entreprise s’est fixées »

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Définition des typologies d’entreprises :

ETI Une « entreprise de taille intermédiaire » (ETI) est une entreprise qui :

- d’une part emploie plus de 250 salariés, mais moins de 5 000 ; - et, d’autre part, a soit un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros, mais inférieur à 1 500 millions

d’euros, soit un total de bilan supérieur à 43 millions d’euros et inférieur à 2 000 millions d’euros. Voir : article 3 du décret 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, JORF du 20 décembre 2008, p. 19544

Grand groupe

« Un grand groupe est un groupe composé d'une entreprise mère et d'entreprises filiales comprises dans une consolidation et qui, à la date de clôture du bilan de l'entreprise mère, dépasse, sur une base consolidée, les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants: a) total du bilan: 20 000 000 EUR; b) chiffre d'affaires net: 40 000 000 EUR; c) nombre moyen de salariés au cours de l'exercice: 250 ». Voir : article 3.7 de la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, JOUE L. 182 du 29 juin 2013, p. 19.

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ANNEXE 3 – Productivité du travail - Données Eurostat 2014 en USD

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Pays

Australie 38,536 40,052 40,252 41,172 41,501 41,812 42,27 42,599 42,769 43,723 43,496 44,426 45,946 46,554 Autriche 37,843 38,176 38,914 39,19 39,831 40,714 42,067 42,982 43,182 43,081 43,887 44,126 44,517 45,019 Belgique 47,381 47,304 48,201 48,789 50,029 50,426 50,888 51,359 51,15 50,391 51,076 50,89 50,774 51,045 Canada 38,251 38,654 39,191 39,399 39,526 40,482 40,921 40,913 40,889 41,24 41,857 42,276 42,276 42,739 Chili 13,683 14,1 14,168 14,243 14,884 15,743 16,295 16,965 17,299 17,407 17,896 18,326 19,19 19,859 République tchèque 19,278 20,778 21,111 22,205 23,175 24,241 25,862 27,002 27,106 26,686 27,129 27,63 27,373 27,324 Danemark 41,721 41,506 41,837 42,603 43,843 44,607 44,991 45,247 44,372 43,244 45,484 45,56 45,606 46,332 Estonie 13,876 14,688 15,416 16,36 17,304 18,338 19,247 20,558 19,973 20,474 21,5 21,516 22,272 22,302 Finlande 35,239 35,928 36,388 37,258 38,541 39,298 40,455 41,765 41,268 39,121 40,357 40,954 40,469 40,669 France 44,093 44,511 45,846 46,298 46,52 47,234 48,607 48,639 48,139 47,862 48,413 49,018 49,132 49,336 Allemagne 43,003 44,07 44,69 45,081 45,459 46,006 47,68 48,482 48,424 47,229 48,075 48,964 49,184 49,329 Grèce 23,947 24,915 25,351 26,622 27,397 27,753 29,135 30,167 31,062 29,555 28,567 27,804 28,284 28,311 Hongrie 16,21 17,172 17,854 18,795 19,807 20,645 21,393 21,32 21,869 21,082 21,195 21,276 21,89 22,093 Islande 28,489 29,721 30,783 31,507 33,871 35,341 35,403 36,382 36,516 37,998 36,867 36,901 37,566 37,596 Irlande 38,771 39,663 41,581 42,738 43,336 43,635 44,105 44,689 44,502 46,006 47,718 49,636 49,885 48,316 Israël 27,433 27,489 27,16 27,612 28,808 29,305 30,232 30,812 31,149 30,868 31,763 32,383 32,62 32,973 Italie 36,978 37,288 37,07 36,613 37,074 37,354 37,522 37,646 37,39 36,564 37,445 37,502 37,144 37,191 Japon 30,557 31,104 31,756 32,256 33,05 33,464 33,695 34,268 34,342 34,045 35,389 35,4 35,553 36,074 Corée 16,601 17,015 18,039 18,813 19,556 20,407 21,24 22,436 23,427 23,716 25,389 27,076 26,223 26,586 Luxembourg 61,907 60,714 61,625 62,509 63,895 66,173 67,097 68,127 63,851 62,289 62,979 62,424 61,109 60,077 Mexique 14,748 14,903 14,339 14,779 15,024 14,929 15,485 15,84 15,353 15,438 14,681 15,119 15,218 15,102 Pays-Bas 46,073 46,381 46,685 47,324 48,864 49,833 50,717 51,512 51,557 50,312 51,378 51,468 50,852 51,096 Nouvelle-Zélande 26,21 26,63 27,092 27,542 27,444 27,748 27,917 28,678 28,156 29,463 29,171 29,532 30,436 30,165 Norvège 58,517 60,542 61,88 63,819 65,119 65,846 65,253 64,052 61,901 62,135 62,381 62,067 62,607 62,633

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2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Pologne 14,956 15,465 16,217 16,996 17,7 18,001 18,519 18,952 19,22 19,636 20,353 21,158 22,34 22,833 Portugal 21,847 22,098 22,251 22,253 22,548 22,799 23,128 23,527 23,578 23,541 24,408 24,735 24,86 25,03 République slovaque 18,654 19,352 20,758 22,232 22,813 23,573 24,95 26,751 27,373 26,735 27,923 28,482 29,044 29,86 Slovénie 25,137 25,948 26,144 26,941 27,806 29,738 31,539 32,894 32,851 32,782 33,694 35,007 34,851 34,917 Espagne 35,65 35,681 35,816 36,08 36,268 36,471 36,786 37,279 37,552 38,449 39,169 39,805 41,182 41,953 Suède 36,616 36,85 38,299 39,753 41,107 42,306 43,55 43,641 42,843 41,897 43,519 43,927 44,412 44,984 Suisse 37,4 38,133 38,429 38,267 38,384 39,247 40,106 40,853 40,992 40,221 40,942 40,86 41,061 41,802 Turquie 14,629 13,796 14,753 15,678 18,676 19,633 20,545 21,536 21,346 20,443 21,087 21,671 21,617 22,161 Royaume-Uni 37,135 37,644 38,616 40,05 41,253 41,717 42,638 43,734 43,637 42,227 42,752 43,007 42,213 42,127 États-Unis 45,799 46,801 48,137 49,584 50,873 51,877 52,294 52,815 53,22 54,745 56,261 56,473 56,988 57,466 Union européenne 33,408 33,99 34,564 35,105 35,694 36,159 36,926 37,467 37,299 36,741 37,617 38,11 38,247 38,471 Zone euro 38,832 39,314 39,738 39,967 40,424 40,83 41,717 42,233 42,185 41,675 42,496 43,052 43,376 43,68 G7 40,606 41,359 42,302 43,164 44,098 44,85 45,453 45,974 46,098 46,353 47,5 47,828 48,056 48,452 OCDE – Total 33,607 34,179 34,784 35,614 36,556 37,137 37,766 38,35 38,315 38,385 38,974 39,415 39,61 39,921

Économies non-membres de l'OCDE

Fédération de Russie 9,77 10,27 10,498 11,241 11,896 12,514 13,339 14,119 14,792 14,128 14,64 15,041 15,479 15,723

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ANNEXE 4 – Régime fiscal néerlandais Quelques éléments clés de l’environnement fiscal et juridique néerlandais : Sociétés « holding » Bien que le taux général de l’impôt sur les sociétés aux Pays-Bas soit de 25,5  %, sous le régime mère-fille néerlandais, dont le champ d’application est large, une société bénéficie d’une exonération de 100  % sur les dividendes et sur les plus-values. Ainsi, les groupes internationaux constituent généralement une holding néerlandaise pour détenir leurs filiales étrangères et pour une gestion optimale des flux financiers au travers de cette holding. A titre de comparaison : L’impôt sur les sociétés étant de 25 % en moyenne en Europe, il se trouve par exemple à 12,5 % en Irlande. Il sera de 20 % en Angleterre ; aux Pays-Bas, il n’est qu’à 25,5 % pour les sociétés (et à 5 % pour les revenus de brevets). Il est de moins de 30 % au Luxembourg et de moins de 6 % sur les royalties. Dans ces deux derniers pays, les dividendes intragroupes, sont, eux, exonérés d’impôt, de même que les plus-values de cession de participation, ce qui en fait un régime d’actionnaires plus favorable qu’en France. En France, l’impôt sur les sociétés atteint 38 % pour les grandes entreprises, et est augmenté d’une taxe de 3 % sur les dividendes55. Sur 100 euros de bénéfices avant impôt qui seront distribués, les actionnaires percevront 60 euros nets d’une société installée en France, et 75 euros si elle est aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni ! Réseau de conventions fiscales Aux Pays-Bas, pour éviter une double imposition, un vaste et avantageux réseau de conventions fiscales (environ 90) réduisent ou éliminent l’imposition des dividendes, des intérêts, des redevances et des plus-values dans le pays de source. Pour en bénéficier, une présence réelle est exigée (« substance ») aux Pays-Bas, qui se détermine au cas par cas. Cette exigence de substance peut, comme le souligne un avocat fiscaliste interviewé, freiner les mouvements de délocalisation de sièges vers les Pays-Bas. On peut constater aujourd’hui un climat bien plus tendu dans l’ensemble des pays européens, où les administrations recherchent des recettes fiscales supplémentaires. Cela doit certainement se traduire par un renforcement des contrôles et ce dans une volonté de lutter contre la fraude et les montages abusifs56, avec la création de coquilles vides, sans activité réelle, s’apparentant à des structures écrans pour éviter certaines impositions (cf. sandwich hollandais, voir ci-après).

55 Cf. page 29. 56 Ce durcissement se révèle à travers la proposition de modification législative de la Commission Européenne pour pallier les lacunes de la directive «mères-filiales»56 et ainsi «réduire sensiblement» l'évasion fiscale en Europe. En particulier, les entreprises ne pourront plus exploiter les différences entre États membres dans le traitement fiscal appliqué aux paiements intra-groupe afin d'éviter de payer le moindre impôt ; ce pour garantir des conditions de concurrence équitables au sein du marché unique - sans pour autant ouvrir la voie à la planification fiscale agressive. En bref, les États membres devront adopter un dispositif anti-abus commun, leur permettant de contrecarrer les montages artificiels et de veiller à ce que l’imposition s’effectue sur la base de la réalité économique des activités. Dans cet esprit, certains montages fiscaux spécifiques (dispositifs de prêts hybrides) ne pourraient plus bénéficier d’exonérations fiscales. La directive modifiée devra être mise en œuvre dans les États membres au plus tard le 31 décembre 2015. Reste à savoir si certains pays, qui ont attiré de nombreuses entreprises étrangères grâce à leur faible fiscalité, respecteront ces délais... Sans compter l'innovation juridique qui pourrait trouver d'autres montages pour échapper au fisc.

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Propriété intellectuelle Les Pays-Bas disposent de régimes particuliers favorables pour la détention de propriétés intellectuelles (IP). Les revenus IP y sont effectivement imposables au taux de 5  %. Ce régime a été introduit pour attirer les activités de recherche et développement pour les actifs immatériels et s’applique notamment aux brevets. Rapatriement de bénéfices La retenue à la source sur les dividendes aux Pays-Bas est en principe de 15  %. Les conventions fiscales et les directives européennes permettent soit une réduction, soit une exonération de l’imposition néerlandaise sur les dividendes distribués et les plus-values réalisées.57 Régimes spéciaux pour les impatriés Pour attirer des personnes expertes dans leurs métiers et des cadres dirigeants, le régime fiscal des impatriés aux Pays-Bas offre certaines caractéristiques très attractives. Il inclut une prime d’impatriation forfaitaire de 30  % et l’option d’avoir le statut de non-résident fiscal. Le droit du travail de ce pays est généralement plus flexible qu’en France. Accord préalable Les autorités fiscales néerlandaises sont réputées pour leur facilité de dialogue et leur accessibilité. Il est possible d’obtenir auprès de ces administrations un accord préalable écrit sur l’interprétation de la loi fiscale à un cas particulier, la procédure de rescrit y étant très développée. En quoi consiste le « sandwich hollandais » ?

Cette technique consiste à faire circuler les bénéfices réalisés dans plusieurs pays jusqu'à les faire atterrir aux Bermudes, où l'impôt sur les sociétés est inexistant. • Étape 1 : Google réalise en France des bénéfices grâce à la vente d'espaces publicitaires. Pour ne pas être soumis à l'impôt à Paris, Google France dépend d'une société-mère, appelée Google Ireland Limited (GIL), basée en Irlande. Le régime fiscal permet en effet à Google d'être imposé sur ses bénéfices français non pas dans l'Hexagone, mais à Dublin, où le taux d'impôt sur les sociétés est beaucoup plus faible (12,5 % au lieu de 33 %). • Étape 2 : Mais pour échapper au taux de 12,5 % d'imposition, Google a créé une autre entreprise, baptisée Google Holdings Ireland (GHI), basée aux Bermudes où l'impôt sur les sociétés n'existe pas. Entre l'Irlande et les Bermudes, les bénéfices transitent sous la forme d'une redevance. En pratique, la société basée à Dublin reverse à celle basée aux Bermudes une redevance pour l'exploitation de la marque Google. Cette redevance, évaluée selon le sénateur Philippe Marini à 4,26 milliards d'euros58, est à peu près égale au montant des recettes réalisées par Google Ireland Limited. Celle-ci ne déclare donc aucun bénéfice en Irlande, et n'y paye donc aucun impôt. • Étape 3 : A noter que le versement d'une redevance est soumis à imposition en Irlande, sauf dans un cas : quand l'entreprise destinataire est basée en Europe. Google a donc créé une société-écran aux Pays-Bas, par laquelle transite la redevance. C'est cette société-écran qu'on appelle le "sandwich hollandais". • Étape 4 : Pour boucler l’opération, il faut renvoyer les bénéfices des Bermudes aux Etats-Unis. En principe, cette opération devrait être taxée à 35 %. Pour y échapper, Google US concède les droits de propriété intellectuelle à Google Ireland, contre une redevance modique.

57 D’ailleurs, il est possible de distribuer des dividendes en franchise d’impôt sous le droit local. Aux Pays-Bas par exemple, une société coopérative peut distribuer ses bénéfices sans retenue à la source, tout en bénéficiant de tous les avantages de l’environnement fiscal néerlandais, voire même d’une souplesse juridique additionnelle. 58 Rapport d’information Sénat n° 614, déposé par le sénateur Ph. Marini le 27 juin 2012.

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Source : Sénat Français, Lettre Europolitics, jeudi 12 juin 2014, n° 4885.

Des solutions sont recherchées par les ministres des finances du G5 pour lutter contre les pratiques d’optimisation fiscale agressive. « Les ministres du G5 ont convenu de l’intérêt de travailler sur des interprétations flexibles des règles de territorialité actuellement en vigueur, sans s’interdire d’envisager, si cela apparaît nécessaire, l’adoption de notions nouvelles telles que la « présence fiscale numérique » (Digital Tax Presence) », précise le communiqué du Ministère des finances et des comptes publics59

59 Communiqué de presse, ministère des finances et des comptes publics, « Réunion des ministres du G5 sur la fraude et l’évasion fiscales à Paris », 28 avril 2014

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économique et sur les risques de délocalisation associés • Caroline MICHEL, Alstom, PSA, Publicis... France, tes entreprises foutent le camp !, Le Nouvel Observateur,

4 mai 2014 • CCI Paris Ile-de-France, Les Français à l'étranger - l'expatriation des Français, quelle réalité ?, mars 2014 • Cécile ANDRE-LERUSTE, Proposition de directive relative aux sociétés unipersonnelles à responsabilité

limitée – Observations de la CCI Paris Ile-de-France, 5 juin 2014 • CENTRE FOR EUROPEAN ECONOMIC RESEARCH, Effective tax levels using the Devereux/Griffith

methodology, 2012 • CCI Paris Ile-de-France et Paris Ile-de-France Capitale Économique, Compétitivité et attractivité : le double

défi des Global Cities, mai 2014 • Claire BOULEAU, La société européenne, un statut avantageux qui fait beaucoup d’adeptes, Challenges.fr,

21 mars 2014 • CONSEIL DE L’UNION EUROPEENNE, Proposal for a Council Regulation on a European private company –

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entreprises), challenges.fr, 25 septembre 2013 • Elisabeth GUEDEL, Les entreprises américaines fuient le matraquage fiscal, L’Opinion, 1er septembre 2014 • EY, Baromètre de l’attractivité de la France, 2014 • EY, European Investment Monitor, 2014 • Fabrice ANSELMI, Multinationales, la localisation en jeu, AGEFI, 15 mai 2014 • Forum Economique Mondial, Rapport 2014-2015 • Guillaume DE CALIGNON, La France compte 640 champions parmi les entreprises de taille intermédiaire,

Les échos, 3 juin 2014 • INSEE, CCI Paris Ile-de-France CROCIS, Ile de France à la page, Un emploi salarié francilien sur deux dans

les services marchands, février 2014 • INSEE, CCI Paris-Ile-de-France CROCIS, Ile de France à la page, Un quart des salariés de province du

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12 novembre 2013 • Olivier de GUERRE, Une piste pour limiter l’exil des dirigeants, Les Echos, 25 août 2014 • Philippe MERLE, Sociétés commerciales, 16ème éd., Paris, Dalloz, 2013, § 20-1 • PwC, L’entreprise familiale, un modèle durable, 2012 • PwC, Talent Mobility 2020, 2010 • René RICOL, Tous les grands groupes envisagent de délocaliser certaines de leurs directions, Les Échos,

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Directeur de la publication : Etienne GUYOT CCI de région Paris Ile-de-France 27 avenue de Friedland - 75 382 Paris cedex 08 Rapports consultables ou téléchargeables sur le site : www.cci-paris-idf.fr/etudes Dépôt légal : Octobre 2014 ISSN : 0995-4457 – Gratuit