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GAÏA SCIENZA 6 potagers d’xl permaculture 21 septembre 2012 - équinoxe d’automne gazette du centre d’écologie urbaine histoire de l’agriculture urbaine à Bruxelles économie végétarienne 2

Gaïa Scienza #6

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Gazette du Centre d'écologie urbaine sur le thème de l'agriculture urbaine et de l'alimentation

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éditoL’homme qui n’avalait pas les couleuvres

Un petit gars du Centre d’écologie urbaine m’a demandé un jour, après qu’on avait causé une bonne paire d’heures dans un estaminet Bruxellois, d’écrire l’éditorial de leur gazette sur le thème de l’alimentation. Je sais pas pourquoi il m’a demandé à moi particulièrement. « J’ai pas fait d’étude » que je lui ai dit. Il m’a répondu : « on s’en fout, parle de tout et de rien, de toi et de ce que tu penses, l’important n’est pas là, tu es l’homme providentiel ». « Eh bien comme tu veux » que je lui ai répondu en lui topant la main.

Alors voilà : Je m’appelle Govert et j’ai 89 printemps. J’habite sur le grand boulevard qui pourfend la ville de Bruxelles, celui qui va de la gare du Midi jusqu’à la place De Brouckère. Il est long, ce boulevard. Alors pour éviter trop de voiture, de bruit et de pollution, on a décidé de le couper en deux en lui donnant deux noms différents: Lemonnier et Anspach. Du coup c’est un peu comme s’il y avait deux fois moins de voitures sur le grand boulevard, c’est très astucieux. Mais je dois dire que concrètement ça marche pas vraiment parce qu’ il y a toujours beaucoup de voitures, de bruit et de pollution. Et il paraît que je suis pas tout seul à penser ça parce que j’ai entendu quelque part qu’il y a des tas d’associations qui veulent en faire comme un parc avec de l’herbe, des arbres et de la place pour se promener et tout. Ah bah! C’est les automobilistes qui vont pas être contents! Déjà que je me fais klaxonner en vélo quand je longe pas comme il faut les voitures qui sont garées sur la piste cyclable... un parc, ils vont pas être d’accord, c’est moi qui vous le dit.

Mais vous savez on en dit tellement des choses, c’est pas toujours facile de séparer les torchons et les serviettes. Parfois j’ai la tête qui tourne et les oreilles qui se mettent à bourdonner. Puis c’est comme si toute la ville chuchotait en même temps à mon oreille et c’est... comment dire... fascinant. J’ai l’impression

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de tomber dans une marmite d’opinion qui cuit à feu doux. Ce que je veux dire, c’est que parfois je sais plus quoi penser... alors je me dis qu’il faut peut-être que je revienne à l’essentiel, que je ferais peut-être mieux de regarder ce qu’il y a dans mon assiette plutôt que d’essayer de comprendre ce qu’il y a dans celles des autres. Je sais pas si je suis clair mais ce que je me dis c’est que j’ai pas envie d’avaler des couleuvres. Je suis pas si bête que ça et je vois bien leur manège dans les banques, les grands magasins, les supermarchés et tout le tintamarre. Ils veulent tous être « vert ». Je vois bien que maintenant c’est à la mode d’être « éco ». Mais moi je m’en moque de tout ça, je veux savoir à qui je parle, savoir qui c’est qui me vend les œufs et les légumes. Il peut bien me mentir le maraîcher, mais ça va finir par se savoir, c’est moi qui vous le dis. Parce que si on raconte trop d’histoires, eh bien personne viendra vous sauver quand le loup il viendra pour vous manger, voilà tout.

Mais attention, faut pas me prendre pour un vieux con. Moi aussi j’ai vu ce que c’est que la nouveauté quand on m’a branché l’eau courante à la maison et que j’ai pu acheter une machine à laver. Je suis pas un rétrograde, j’ai un ordinateur à la maison et même que je trouve ça pratique. Mais c’est comme tout, faut pas en abuser sinon on finit fada. Et moi je vous le dit, y en des fadas. Et même que c’est eux qui pensent que je le suis quand ils me voient cultiver ma livèche dans mon petit bout de terrain que je partage avec des copains un peu plus loin. Eh bien moi je vous le dis : je les trouvent livides ces fadas qui me dénigrent depuis leur grosse berline. Ils feraient peut-être bien de surveiller leur alimentation et ceux qui la produisent.

Sur ce, cher lecteur, je vous laisse à votre lecture, je vais repiquer mes fraisiers.

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sommaireL’histoire des potagers de BruxellesClaire Billen, Swen Oré et Emeline Aucagne

DOSSIER: les potagers d’Ixelles

Les potagers d’Ixelles dans l’ombre de la spéculation immobilièreSwen Oré

Balade à Boendael Vinz Otesanek

Densification urbaine: problème ou solution?Chantal de Laveleye

BARADÉBA: l’économie végétarienneSwen Oré et Simon de Muynck

Y a t-il une éthique végétarienne?Grégoire Wallenborn

Le régime végétarien expliqué par une diététicienne Alexandra Gatel

Les jeudi végétariens en BelgiqueAnnemarie IJkema

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Se lancer en permaculturePablo Sevigné

L’agriculture urbaine

Pourquoi?Filippo Dattola

Potagers collectifs, un panier de cultures...Xavier Leroy

Projet potage-toitSwen Oré

Des poissons et des plantes: l’aquaponieJérôme Veriter

En bref

Et à Bruxelles, quel soutien institutionnel? Catherine Rousseau

Dis moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es!Swen Oré et Simon de Muynck

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L’agriculture urbaine dans l’hagiographieL’un des premiers textes qui nous est parvenu et qui mentionne le nom de Bruxelles traite, et c’est une heureuse coïncidence pour la question de l’agriculture urbaine, de production maraîchère sur le territoire même de la cité naissante. Ce texte est extrait des Miracles de Saint Véron, de la première partie du XIe siècle. Ce miracle conte l’histoire d’une femme surprise par le divin alors qu’elle travaillait dans son jardin potager un jour férié. Dieu, passablement courroucé de cette infraction au chômage obligatoire de ce jour, la punit en faisant adhérer ses légumes à ses mains, la rendant ainsi incapable de rien faire. Implorant les reliques de Saint Véron, de passage dans le ‘portus’ de Bruxelles, la maraîchère retrouva l’usage de ses mains.

Le développement de l’agriculture de jardinageSi l’historiographie atteste que la région de Bruxelles est exportatrice de grain dès le XIe siècle, le portus de Bruxelles en étant le site de transit, l’hagiographie nous révèle également l’existence, dans l’agglomération ou en bordure d’elle, d’une agriculture de jardinage. Cette agriculture de jardinage – par opposition à l’agriculture de plein champ où l’on cultive essentiellement des céréales en sols secs – exploite les marais qui, comme leur nom l’indique, sont propices aux cultures maraîchères. Selon l’étymologie la plus répandue d’ailleurs, le nom de Bruxelles est issu de Broek-zele qui signifie en langue germanique l’habitat (zele) des marais (broek). Notons néanmoins que cette étymologie a été récemment discutée. Il ne s’agit pas ici

de contester le caractère humide de la vallée de la Senne sur son parcours Bruxellois mais d’envisager que le site de l’agglomération ait été dépendant de la capture du cours d’un ruisseau coulant sur le territoire d’Anderlecht: le Broek. (Deligne, 2003)

L’agriculture de jardinage joue un rôle déterminant dans le développement de l’économie agricole et la répartition des premiers noyaux d’habitats dans la vallée de la Senne. Cela signifie aussi que la pauvre femme aux mains provisoirement transformées en plantoir, serfouette et bouquet garni voulait certainement vendre ses légumes et non en faire une consommation personnelle ce qui, donc, explique qu’elle se soit rendue coupable de travailler un jour de fête religieuse. L’agriculture urbaine peut à ce stade être définie comme une agriculture de jardin, lucrative, correspondant à un travail féminin. En profitant en effet de l’expansion du commerce et de l’urbanisation de l’Europe septentrionale, grâce notamment à un réseau dense de cours d’eau, Bruxelles et les villages avoisinants connaissent tout au long des XIIe et XIIIe siècles une croissance économique et démographique presque constante. C’est pourquoi l’exploitation des zones humides (palus, marais, pâtures) pour l’approvisionnement des marchés urbains en fruits, légumes et produits d’élevage, des brasseurs en herbes aromatiques – le houblon dans la composition de la bière ne faisant son apparition qu’au XVe – devient un élément nécessaire à une économie urbaine en pleine essor (on notera ainsi la présence à Bruxelles d’une corporation des jardiniers). Ce développement entraîne également

L’histoire des potagers de Bruxellesrédaction

CLaire BiLLen Swen Oré

emeLine auCagne

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conseille alors aux riches industriels d’adjoindre aux logements ouvriers des jardins potagers. Mais les vertus du jardin ouvriers sont plébiscitées au-delà des frontières du paternalisme. En Allemagne, le médecin Moritz Schreber les promeut dans le cadre de ses recherches sur la santé publique. En France, l’abbé Lemine, que l’on tient dans l’hexagone pour le fondateur des jardins ouvriers, écrit : « Les jardins ouvriers professent une vocation sociale et défendent un certain ordre social : s’ils permettent aux ouvriers d’échapper à leur taudis en profitant d’un air plus respirable, ils les éloignent aussi des cabarets et encouragent les activités familiales au sein de ces espaces verts ». A ce tableau il faut tout de même retrancher le fait que la plus part des jardins sont individuels et non collectifs ; car en « défendant un certain ordre social » il est surtout question d’endiguer les ardeurs révolutionnaires en contrariant les rassemblements et en promouvant la propriété privée.

Malgré tout, les jardins ouvriers séduisent car ils répondent à de vrais besoins. Les initiatives privées parfois soutenues par les pouvoirs publics font des jardins ouvriers des lieux agréables de vie, de réflexion et de savoir dont les prolongements sont encore bien vivants, en témoignent par exemple les jardins de la fraternité ouvrière à Mouscron. L’activité potagère n’est plus par ailleurs l’apanage exclusif des femmes. Dans l’organisation rêvée par le patronat de la vie ouvrière, on voit celles-ci davantage à la cuisine et à la buanderie. L’enseignement ouvrier conçoit l’apprentissage du jardinage comme une matière destinée aux garçons. Ce savoir-faire sera bientôt détourné de ses objectifs utilitaires et moralisateurs. Les jardins ouvriers seront souvent le lieu de réjouissances collectives imprévues, notamment les concours, très populaires, du légume le plus gros, le plus étrange ou le plus beau.

dans son sillage l’intensification des rivalités pour le contrôle des terres entre les habitudes villageoises, les institutions religieuses et une bourgeoisie puissante et nombreuse. Ces rivalités s’accentuent d’autant plus que l’industrie textile et drapière qui fait son apparition dès le XIIIe siècle a besoin des mêmes types d’espaces que l’agriculture maraîchère: plats, humides, vastes et dégagés.

L’agriculture urbaine continue de se perfectionner jusqu’à la révolution industrielle. Des techniques de fertilisation des sols sont sans cesse expérimentées : des textes du XIVe - XVe siècles mentionnent par exemple la réutilisation systématique des boues urbaines, tandis que des modalités innovantes de rotation des espèces sont identifiables. De la même façon, les recherches sur les productions légumières et fruitières se multiplient et de nouvelles espèces apparaissent par croisements (la cerise de Schaerbeek en est un bon exemple).

La révolution industrielle et les jardins ouvriersL’agriculture urbaine et péri-urbaine rencontre un nouveau concurrent au tournant du XIXe siècle : l’industrialisation de masse. La production s’accroît considérablement en même temps que la densité de population. La production de textile, comme les fabriques d’indiennes (cotonnades imprimées), disputent l’espace à l’agriculture périurbaine. La production agricole s’éloigne des villes en même temps que les transports, profitant du développement foudroyant de l’économie carbone, permettent le ravitaillement quotidien de la ville depuis des distances de plus en plus longues. Les cultures tendent aussi à se spécialiser et à se standardiser. Les industries lourdes se développant, les patrons doivent fixer la main d’œuvre qui arrive des contrées rurales. La doctrine du paternalisme

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L’agriculture urbaine pendant la guerreAvec les guerres mondiales et les pénuries alimentaires, l’agriculture urbaine connaît un regain d’activité. Elle participe à l’effort de guerre en subvenant aux besoins alimentaires de la population. Les parcs publics sont ainsi ouverts aux hommes et aux femmes pour qu’ils s’emploient à cultiver les terres, alors que nous allons ouvrir nous-mêmes une parenthèse pour nous cultiver.Le topinambour, résistant à la plus part des nuisibles, vivace, proliférant même dans les sols les plus pauvres, fut le légume-phare de la guerre. Il marqua ainsi durablement les esprits en devenant le symbole de la disette et de l’impécuniosité. Ceci expliquant cela, voilà pourquoi le délicieux topinambour n’est pas si courant dans les supermarchés. Fin de la parenthèse.

Depuis les années cinquante... … on a des survivances, des abandons, puis des résurgences. Alors que l’ONU et la FAO encouragent l’agriculture urbaine dans les pays du sud en vue de la sécurité alimentaire, l’agriculture urbaine dans les pays du nord fait plutôt l’objet de revendications sociales et environnementales. C’est le cas par exemple dans la région Bruxelles-capitale de la ferme Maximilien1, de la ferme d’Uccle2, de la ferme Nos Pilifs3

ou de la ferme de l’asbl le début des haricots à Neder-Over-Heembeek4 : ces fermes urbaines ont avant tout des vocations pédagogiques et sociales. Les acteurs de l’agriculture urbaine s’accordent en effet sur le fait qu’il s’agit souvent de recréer des liens là où la révolution industrielle a cloisonné consommateurs et producteurs par le biais de circuits d’échanges longs et impersonnels. A l’instar des jardins ouvriers, il est autant question de lien social que d’échange de savoirs et de connaissances.

Reste que les obstacles au développement de cette agriculture de jardin ont eux aussi évolué. Il y a d’une part la pression immobilière5 mais aussi la pollution des sols qui rend difficile la reconquête des chancres et des friches industrielles. Les quelque cent jardins potagers de Bruxelles font donc également office de champ de batailles politiques où s’opposent en rangs d’oignons des intérêts et des idées pas toujours convergents. Les travailleurs sociaux y voient le lieu de festivités et de rencontres, les environnementalistes un lieu de ressources et de biodiversité, les riverains un lieu de quiétude et de détente, les investisseurs un lieu où construire et bétonner...

Des initiatives, enfin, fleurissent ici et là pour faire de l’agriculture urbaine une nouvelle manne qui pourrait suppléer à l’industrie alimentaire classique. Le projet « potage toit »6 à Bruxelles explore par exemple les potentialités qu’il y a à cultiver sur les toits. Des systèmes d’ « aquaponie » ou de « window farming » s’inventent. Et c’est bien sûr sans compter les

L’histoire des potagers de Bruxelles

1.http://www.lafermeduparc-maximilien.be/2.http://www.tournesol-zonne-bloem.be/3.http://www.fermenospilifs.be/

4.http://www.haricots.org/?q=agriculture/NOH-0202095.Ce fut le cas des jardins de Boitforts où des immeubles sociaux ont été implantés, et c’est le cas encore aujourd’hui avec les potagers de Boondael dans la commune d’Ixelles, où un projet de Plan Particulier d’Affectation des Sols (PPAS) a reçu un avis favorable par la commission de concertation le 29 juin 2011. Alors que les riverains et les usagers sont actuellement mobilisés, l’issue du combat reste incertain. Pour plus d’info : http://www.potagersxl-en-danger.org/ 6.http://potage-toit.blogspot.be/

constellations de balcons où se déploient une production et une biodiversité formidable. L’agriculture urbaine semble donc avoir de beaux jours devant elle, mais son potentiel est loin d’être exploité et Saint Véron n’est plus là pour libérer les mains des bruxellois. Gageons que la simple envie de cultiver sa propre consommation puisse avoir des effets tout aussi miraculeux!

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A Bruxelles l’affaire est connue et la mobilisation citoyenne ne cesse de s’organiser depuis quelques années1. L’objet de la lutte est un terrain de 3 hectares situé à Ixelles entre la chaussée de Boitfort et la rue Louis Ernotte où se cultivent depuis plusieurs générations, aujourd’hui à l’ombre de hautes futaies, 40 jardins potagers communautaires. Le 6 septembre 2009 était déjà donné le premier coup de bulldozer pour raser la moitié sud de ces terrains, entre la chaussée de Boitfort et l’avenue de l’Uruguay, et construire plus de 300 logements2. La question se pose donc du devenir de la moitié nord, unique vestige de ces zones de diversité

DOSSIER: les potagers d’IxellesrédactionSwen Oré

Le script de l’intrigue

Situation initiale: des terrains communaux d’abord utilisés par la SNCB puis délaissés, sont peu à peu réinvestis par les classes ouvrières qui y font pousser des légumes et des fruits. Une tradition et une mémoire se forgent dans une réelle mixité sociale. élément perturbateur: La croissance de la population Bruxelloise et de l’activité économique justifie, pour la Région et à sa suite les Communes, de projeter sur ce petit paradis* l’ombre de la spéculation immobilière.

ChrOnOLOgie6 septembre 2007 marché attribué, feu vert du conseil d’État20 décembre 2007 introduction du permis23 juillet 2008 permis d’urbanisme accordé à la SLRB (société de Logement de la Région Bruxelles) pour la partie sud6 décembre 2009 début des travaux pour la partie sud24 mars 2011 nouveau PPAS 29 juin 2011 concertation publique avec avis favorable29 septembre 2011 la commission de concertation pour le projet PPAS rend un avis favorable 17 novembre 2011 séance publique du Conseil communal d’Ixelles. Protestation des riverains 15 mai - 13 juillet 2012 Enquête publique pour modification du PRAS

*Le mot « paradis », dont la représentation est souvent celle d’un jardin luxuriant, est issu de l’avestique, une langue indo-iranienne archaïque « pairidaeza » et signifie littéralement « jardin, enclos, espace clos » composé de pairi (« autour ») et de daeza (« mur »). (Pierre LECOQ, 1997)

1. Les formes et les acteurs de cette mobilisation sont exposés sur le site des potagers: www.potagersxl-en-danger.org On y compte notamment des manifestations festives, des pétitions, des lettres, de courts reportages télé, un projet de film et l’intérêt de la ministre Huytebroek au détour de son voyage à Rio...2. Les photos de Philippe Graton témoignent de ces jardins disparus. Elles sont disponibles à cette adresse: www.keopsphotographs.com/philippe-graton.html#id=VanishingGardens&num=1

Transformation: Une première partie de ces espaces disparaissent. La résistance se corse. L’« homme carotte » fait son apparition et s’invite ici et là pour secouer l’immobilisme politique. Le 29 septembre 2011, la commission de concertation pour le projet PPAS rend un avis favorable. Des manifestions de soutien, des lettres ouvertes et des pétitions se font régulièrement. Climax: Élections communales du 14 octobre 2012?résolution: Ça dépend de nous !

Les potagers d’Ixelles dans l’ombre de la spéculation immobilière

culturelle et biologique. Il appartient surtout, quelque soient les décisions qui seront prises, d’élucider les intérêts des parties prenantes. En plus de poser les termes et les enjeux du débat, on veillera à clarifier notre propre position qui rentre évidemment en ligne de compte dans notre traitement de l’information.

Il apparaît d’abord que la question des jardins potagers de Boondael oppose deux enjeux également légitimes, à savoir le besoin d’espaces verts et le besoin de nouveaux logements. Or, malgré des essais répétés pour conjuguer dans les projets d’aménagements du territoire ces deux revendications, l’opposition demeure souvent insurmontable. Enjeux environnementaux et

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DOSSIER: les potagers d’Ixelles

enjeux démographiques semblent, plus que jamais, incompatibles. Ne peut-on pas, si je puis dire, avoir le beurre et l’argent du beurre ? C’est trop demander, se dira-t-on. Alors on hésite. Cette hésitation peut notamment s’expliquer par le flou de l’éventail de notions que chaque camp utilise à son propre compte dans ses argumentaires : « biodiversité », « démocratie », « mixité sociale », « développement durable », « croissance », « intégration », … l’imprécision et le « politiquement correct » de ces termes rend en effet difficile le choix pour l’un ou pour l’autre.

Viennent ensuite des forces politiques, économiques et administratives particulières à la Région de Bruxelles-Capitale. Le projet de construction à Boondael-Ernotte est ainsi pensé dans le cadre d’un PPAS3 mis en place par la Commune en conformité avec les directives régionales4. Une commission de concertation réunissant trois représentants de la commune, un représentant de l’urbanisme et de la direction de l’AATL5, un représentant de l’IBGE6 et un représentant de la SDRB7, soit sept personnes au total, a rendu ses conclusions le 29 septembre 2011. Les choses s’éclaircissent alors au regard de la majorité favorable au projet : celle-ci n’est formée que de deux institutions, soit quatre représentants : la Commune d’Ixelles et la Société de Développement de la Région de Bruxelles (SDRB).

Voilà donc une des clés de l’affaire : la commune d’Ixelles, qui table sur environ 30 000 habitants supplémentaires dans les trente prochaines années, voit un intérêt financier évident à bâtir ses dernières réserves foncières. Quant à la SDRB, qui est en grande partie financée par la Région et dont le slogan est « avec nous Bruxelles est à vous », son objectif vise l’accès à la propriété pour les revenus « moyens »8. Or, pour construire des quartiers « durables »

à haute « mixité sociale », il lui faut des réserves foncières.... Chacun comprendra donc que les carottes, les panais et les éperviers sont le cadet de leur souci : il leur faut construire pour surfer avec la commune sur la vague de l’immobilier.

a qui profitent les politiques d’aides au logement ? Devant la croissance démographique prédit à Bruxelles, il n’est en effet pas tolérable que les Bruxellois soient mal lotis ou à la rue faute de logements à prix décent, c’est là une chose bien entendue. La Région mène donc par le biais de différentes organismes, dont la SDRB fait partie, une politique d’aide au logement acquisitif. Mais on peut se demander à qui ces politiques de densification – qui représentent en 2011 environ 6% de l’ensemble des dépenses régionales – profitent réellement.9

3.Plan Particulier d’Affectation des Sols4.Le Plan Particulier d’Affectation des Sols (PPAS) est lui-même sous l’autorité d’un Plan Régional d’Affectation des Sols (PRAS), modifié en juillet 2012, en conformité avec le Règlement Régional d’Urbanisme (RRU) – il existe également un règlement communal. Le tout est régi par le Code Bruxellois d’Aménagement du Territoire (CoBAT).

5.Administration de l’Aménagement du Territoire et du Logement6.Institut Bruxellois pour la Gestion de l’Environnement7.Société de développement pour la Région Bruxelles-Capitale8.Le revenu brut maximum pour une personne seule pour bénéficier des services de la SDRB est tout de même de 57.683,82 €

9.Alice Romainville, A qui profitent les politiques d’aides à l’acquisition de logements à Bruxelles ?, Brussels Studies, numéro 34, 25 janvier 2010.

Dans une étude publié en 2010 dans Brussels Studies, la géographe Alice Romainville s’interroge sur les vrais bénéficiaires des politiques d’aides au logement. Si ces aides ont permis à de nombreux ménages d’améliorer leur situation, leur succès est très mitigé et les conclusions de l’auteur de l’étude sont sans équivoque :

« A Bruxelles, la Région canalise clairement l’investissement privé vers les zones qu’elle aimerait voir réinvesties, à la fois par les capitaux et par une population plus aisée. Par des subsides aux investisseurs privés, la rénovation des espaces publics, les primes et les abattements fiscaux pour les propriétaires, des règlements en

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matière de commerce de détail, etc. les pouvoirs publics structurent le déploiement spatial du processus de gentrification. »10

De fait, une large partie des logements rénovés ou construits ayant bénéficié d’une aide retourne après une dizaine d’années au privé et, si l’on considère que rien n’est entrepris pour réguler les loyers, alors on comprend que l’effet des politiques d’« aides » au logement est de défavoriser les plus démunis en les repoussant. Scénario classique.

Mais le diable aussi à droit à son avocat. Ainsi faut-il écouter sa plaidoirie. Car au fond, est-il bien raisonnable de plaider pour la défense de ces petits jardins potagers sans grande valeur ? Cela ne revient-il pas à faire l’aveu d’un désir de paupérisation de la ville ? Plutôt que de laisser un chancre à l’usage de petits jardiniers, bâtissons par exemple un hypermarché ! Nous créerons ainsi de l’emploi et de la richesse.11 Car puisque « la réalité des riches n’est finalement pas très éloignée des aspirations des pauvres »12, la concurrence s’avère toujours être le moteur le plus efficace de l’innovation et de la création. De ce point de vue, la gentrification n’est pas une mauvaise chose car elle tend à tirer l’économie vers le haut. Si les riches sont un peu plus riches et que les pauvres sont un peu moins pauvres, alors tout le monde trouve

recycler » et qui assure avec aplomb « ne pas polluer les terres » ne montre-t-il pas ses préoccupations en matière d’écologie ? Quelles raisons y a-t-il donc à vouloir s’y opposer ? Le paysage lui-même sera plus beau et plus cohérent car il « assure le maillage vert entre le bois de la Cambre, le petit bois de la rue Simoneau, le bois des commères et le bois longé par le chemin des châblis ». C’est écrit noir sur blanc : il s’agit d’architecture verte pour tous !

Le papier ne refuse pas l’encreL’esprit critique, méfiant diront certains, doute naturellement de la sincérité de ces promesses en matière d’« écologie », d’autant que toutes ces petites allégations vertes n’ont aucune valeur contractuelle. Il est en effet stipulé dans le code de l’urbanisme qu’à l’exception des affectations, il est possible de déroger à toutes les dispositions du PPAS. Tiens, tiens...

Par ailleurs, se clôturait en juillet 2012, pendant les vacances, l’enquête publique pour la modification du Plan Régional d’Affectation des Sols (PRAS)13. Ce plan se trouvant en position numéro 1 des plans réglementaires pour la délivrance des permis d’urbanisme, voyons voir ce qu’il s’y dit...

Comme on peut s’y attendre, la modification de ce Plan continue de reposer sur ce même argument démographique. Les termes du débat sont donc à peu près les mêmes qu’à propos du PPAS Boondael-Ernotte. Ainsi, le compte rendu de la lecture de ce PRAS par l’association Inter-Environnement de Bruxelles abonde dans le sens de ce qu’Alice Romainville affirmait dans son étude, à savoir que l’« argument [démographique] sert de prétexte pour couvrir une série d’opérations immobilières publiques (un centre commercial au Heysel, par exemple) et privées (principalement du logement haut de gamme) qui

10.L’étude complète est disponible sur le site de Brussels Studies, www.brusselsstudies.be/medias/publications/FR_121_BruS34FR.pdf 11. C’est précisément la logique du projet à Tour et Taxi, le long du canal.12.Pierre Desproges13.Voir l’article « PRAS démographique, clash démocratique », signé par une série d’associations actives à Bruxelles. 14. Association Inter Environnement de Bruxelles, avis PRAS démographique, www.ieb.be/ IMG/pdf /av is- ieb_pras-demographique_20120711.pdf

son intérêt dans la croissance économique ! Quant aux défis environnementaux, ils peuvent tout à fait trouver leur place dans ce paradigme de pensée : d’importants « investissements verts » peuvent être effectués. Le PPAS de Boondael-Ernotte, qui « prône la biodiversité », s’engage à « réduire l’impact écologique global des habitants », « favoriser la mobilité douce », « récupérer l’eau de pluie » « développer les écosystèmes », « gaspiller moins de ressources, produire moins de déchets,

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DOSSIER: les potagers d’Ixelles

ne résoudront en rien la crise du logement. »14 Rien de nouveau donc sous le soleil. Les préoccupations environnementales quant à elles figurent dans le Rapport sur les Incidences Environnementales (RIE) qui est agrafé à ce PRAS... et c’est là où se joue la partie de greenwashing. Celui-ci n’est en effet pas seulement à l’œuvre dans la publicité, il l’est aussi dans les documents publics. Cela n’a pas échappé à Inter Environnement dont les conclusions ne manquent pas de causticité... nous vous en offrons la lecture :

« L’eau est traitée dans le RIE comme un point tout à fait marginal. Seules les zones où il existe des problèmes aujourd’hui sont relevées. L’impact de l’urbanisation de plateaux entiers est uniquement géré sur le mode du dimensionnement adéquat des canalisations. Toute la problématique de l’eau est donc envisagée sur le mode des tuyaux et des collecteurs, sans proposer d’alternatives plus douces, plus durables, telles que revendiquées par les Etats Généraux de l’Eau à Bruxelles (EGEB).

En ce qui concerne l’environnement, le RIE est d’une vacuité qui frise l’ironie. Toutes les recommandations sont tellement générales qu’elles pourraient concerner n’importe quelle zone. On se demande si les rédacteurs savaient exactement de quelle zone ils parlaient. Aucune de ces recommandations n’est suffisamment reliée à un territoire que pour être pertinente ou pour engendrer des actions spécifiques. On nous recommande de ‘favoriser une mixité de fonctions’, de ‘créer des connexions urbaines’, de ‘mettre en valeur le patrimoine’, de ‘favoriser le maillage vert’, etc. Toutes ces recommandations pourraient être faites à propos de n’importe quelle zone.

Le tout est noyé dans un labyrinthe textuel agrémenté de schémas sans grand intérêt, et qui ne font qu’énoncer une série de banalités. Perdu au milieu de ces centaines de pages, le lecteur qui a l’imprudence de croire que ce RIE est important s’y perdra de suite. L’effet produit n’est que l’endormissement ou le désintérêt, voire l’énervement pour ceux qui tenteraient d’y trouver des idées. A se demander si ce RIE est écrit pour être lu, ou pour donner de

l’importance à un plan sur la seule base de son épaisseur.

Le tableau de synthèse des recommandations est presque un chef-d’œuvre de vacuité. Il fallait réussir à étaler sur plus de 20 pages autant de phrases à l’emporte-pièce, vides de sens, et qui n’auront pour effet que d’offrir aux promoteurs immobiliers tout le langage du greenwashing dont ils auront besoin. Vous voulez faire un énorme parking à ciel ouvert au Heysel ? Dites que vous allez ‘les traiter au niveau paysager’, ça passera mieux, afin d’offrir ‘une bonne accessibilité au site’ en ‘favorisant l’usage de la A12 en matière d’accessibilité automobile’ (il n’y manque que : ‘avec des voitures à moteur munies de roues’ pour surajouter à la tautologie permanente).

Les recommandations sur l’eau sont tout à fait du même ordre. Si le rapport avait eu le courage de nous recommander de mal dimensionner les tuyaux, on aurait au moins pu en dire quelque chose. Mais non, on nous recommande malheureusement de ‘veiller au bon dimensionnement du réseau d’égouttage’... et l’auteur rajoute que ‘l’infiltration des eaux mérite d’être étudiée’. Quel courage ! »

Il y a ainsi tout lieu de penser que les promesses « green » dans les différents plans d’affectation des sols ne sont qu’une couche de vernis sur un bois exotique rongé par les termites... et le flou sémantique s’érige en obstacle politique15 ! Que faire ?

Vers un statut légal des jardins potagers ?L’exercice consisterait maintenant à dresser un tableau, du genre « Carré noir sur fond noir », d’où nous inférerions la nécessité et l’opportunité

15.Voir Gaia Scienza numéro 4, « The natures of nature » par Dr Rabbit.16.Patrick Viveret est un philosophe et essayiste altermondialiste français né en 1948. Il a notamment été conseiller référendaire à la Cour des Comptes sous le gouvernement Jospin, en France, entre 2001 et 2004.

d’investir le maximum de temps et d’énergie disponible dans le développement d’une « économie réelle », selon le terme de Patrick Viveret16, résolument plus propre et florissante. Nous haranguerions alors ainsi les foules : « Oyé oyé ! Avec un taux de chômage autour des

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20%, un déficit budgétaire de 313 millions d’euros en 2011, une dette publique qui a augmenté par rapport aux recettes de plus de 100% depuis 200717, un manque de transparence et de clarté des comptes partout critiqué, il n’y a pas pour la Région Bruxelles-Capitale, Mesdames et Messieurs, de quoi pavoiser. Est-ce en construisant de fastueux hypermarchés que la Région compte faire notre avenir et notre santé ? Est-ce à vos enfants en culottes courtes de payer les folies

dépensières de ces spéculateurs aux idées courtes ? Non... ! »Un peu partout dans le monde, les analyses, les faits et les initiatives se multiplient qui tendent à montrer qu’il est possible et surtout souhaitable de sortir d’un modèle économique autiste qui ne jure que par la croissance économique. D’autres croissances sont en effet désirables et l’agriculture urbaine en fait partie. Pourquoi ? Ils nous faut là convaincre ceux et celles qui ne sont pas d’accord avec nous. :

«

»

17.Conférence de Presse du 13 décembre 2011 sur une analyse du budget 2012 de la Région Bruxelloise et de la COCOF de Didier Gosuin et Serge De Patoul, respectivement chefs de groupe Fédéraliste Démocrates Francophones (FDF) au Parlement Bruxellois et à la Commission Communautaire Française (COCOF).

Cher spéculateur et cher investisseur, vous qui êtes soutenus par vos amis banquiers et politiciens, je le sais, ne pensez pas forcément à mal en considérant que les jardins potagers ne sont que de pauvres chancres à faible rendement économique qu’il faut transformer. Vous vous dites peut-être qu’en réalisant une opération qui va créer de la valeur, vous accélérez la marche vers le progrès. Car par le gonflement des recettes fiscales et l’utilisation éclairée des budgets de l’Etat, dissertez-vous peut-être un verre de whisky à la main, la recherche scientifique sera boostée, la matière grise chauffera sous les chapeaux et nous donnera bientôt les technologies salvatrices. Demain, c’est sûr. Sinon après-demain. Mais bientôt en tout cas, c’est certain.

On n’arrête pas la marche du monde, vous avez raison. Il faut toujours bâtir des pyramides, c’est plus fort que nous. Il faut nous donner les moyens de faire du jamais-vu, certes. Il est aussi parfaitement compréhensible que vous préfériez que tout cela se fasse de votre vivant : « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », comme disait ma grand-mère. « Franchement, ce ne sont pas des petits jardins potagers qui vont payer les crédits, les routes et les écoles. Soyez donc raisonnables ! » , diriez-vous peut-être en levant les mains au ciel.

Mais voilà, nous voyons les « choses » de manière moins mécanique. Tout bien considéré, une horloge suisse est d’une déconcertante simplicité en comparaison d’une tomate arbuznyi. « Je ne puis regarder une feuille d’arbre sans me sentir écrasé par la perfection de l’univers », avait écrit quelque part Victor Hugo qui avait le sens de la formule. Sous cet angle, un jardin potager est un espace de complexité inouïe et

assainissent... Elles filtrent l’eau, isolent nos bâtiments, embellissent nos façades... Elles nous calment, nous ravissent, nous inspirent... et pourtant, malgré tout cela, notre utilisation de leur capacités est encore largement sous-développée. C’est à peine si l’homme ordinaire sait distinguer un topinambour d’une rhubarbe, un basilique d’une sauge. Depuis son indéniable supériorité culturelle et technique, l’homme moderne à chapeau melon, le conquistador à casque morion, l’encyclopédiste frénétique, l’homme qui mesure tout ce qui bouge et tout ce qui ne bouge pas, s’est donné les moyens au fur et à mesure des siècles de s’entasser dans des villes débordantes de bruit, de pollution et de violence. Mais il est inutile de peindre des tableaux tout noirs quand il existe partout des initiatives et des volontés pleines

de richesse incalculable où les plantes sont des organismes bien plus aboutis que nos technologies de demain et d’après-demain. Ce dont nous avons besoin se trouve donc sous nos yeux. Les plantes nourrissent, soignent, dépolluent,

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d’optimisme et de talent : mieux vaut s’ingénier à mettre ses intelligences sur le devant de la scène, c’est-à-dire au cœur des villes, là où plus de la moitié des homo-sapiens vaquent à leurs activités de primate supérieur.

Certains allégueront pourtant que ces intelligences sont déjà à l’œuvre, actives dans les universités ou les instituts de recherche et que ce n’est pas dans un jardin potager que l’on décortiquera le génome de la patate ou que l’on concoctera la recette qui nous guérira de la vie. Voilà un point important qui fonde notre positionnement et notre conviction : le savoir, l’intelligence et la science doivent être définis collectivement en impliquant théoriquement et pratiquement la société civile18. Il y a en effet d’autres moyens de savoir que celui de la connaissance rationnelle notamment basée sur des critères de vérifiabilité et de falsifiabilité. Il y a des hommes qui, empiriquement ou pragmatiquement, en savent parfois plus long que les plus diplômés : voilà ce que nous pensons.

Il est en effet aujourd’hui traditionnellement admis qu’un expert formé aux méthodes scientifiques d’universités ou d’écoles « réputées » est plus apte à décider pour la communauté que la communauté elle-même qui macère dans les ténèbres de l’ignorance. Je m’interroge : l’expert est-il plus intelligent ? On dira plutôt qu’il sait plus de choses et que cela lui permet d’émettre un jugement plus juste. Mais sur quoi cette quantité de choses porte-t-elle ? D’une part sur des règles, des processus et des méthodes à respecter pour leur propre logique et communication interne, mais aussi, d’autre part, sur les objectifs in fine de ceux qui les financent. C’est ainsi que les expertises et les analyses se renvoient les unes les autres en se critiquant, en se citant, en se référant, chacune cherchant à convaincre de son objectivité et de son désintéressement car, comme le disait Pierre Bourdieu, le désintéressement

en science est un intérêt.

Voici donc l’intérêt poursuivi par ce dossier, puisqu’il n’est plus permis de se cacher : convaincre du bien fondé de développer et de protéger les zones de jardins potagers en auto-gestion, c’est-à-dire par et pour la société civile elle-même qui gagnera ainsi des libertés : liberté de s’associer, d’innover, de transmettre, de subvenir en partie à ses propres besoins, de faire un pas vers l’autonomie et l’intelligence collective. Nulle part dans les codes et les plans d’urbanisme pour l’aménagement du territoire de Bruxelles-Capitale ne figurent des zones réservées à une gestion collective de la terre. Les jardins potagers prodiguent pourtant suffisamment de bienfaits pour qu’ils soient pris au sérieux. Un infime pourcentage du budget de la PAC19 permettrait par exemple de développer une véritable production maraichère en ville qui pourrait bien se révéler beaucoup plus efficace que les productivistes le croient...

Dans l’immédiat et en attendant le royaume vert de l’abondance, on s’active partout pour préserver ce qu’il y a encore à préserver de terrains sains à Bruxelles. Tout le monde peut et doit participer : experts et ouvriers spécialisés, traders et poètes, agents immobiliers et peintres en bâtiment. Vous qui passerez le seuil de ce jardin, perdez toutes professions et tous présupposés. Chômeur, lève-toi et marche ! Ça pourrait être ça, the European dream !

DOSSIER: les potagers d’Ixelles

18.C’est un peu là le point de vue du philosophe Feyerabend. 19.Politique Agricole Commune.

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DOSSIER: les potagers d’Ixelles

Balade à Boendaelrédaction

Vinz OTeSanek

C’est un arbre qui sert de blason à la commune d’Ixelles. Non pas un tilleul, comme on pourrait le croire – le dessin est assez sommaire – l’arbre bénit de la chanson d’André Bialek. Mais un aulne, arbre autrefois très courant à l’époque où Ixelles était encore une vallée humide, une succession d’étangs autour desquels ces arbres se plaisaient à pousser. Le nom flamand de la commune, Elsene, signifie demeure des aulnes. La commune s’est urbanisée très vite, au XIXe siècle, à partir de l’ancien noyau villageois de la place Sainte-Croix (place Flagey). A l’époque, Ixelles était réputé pour ses brasseries, installées à cause des plans d’eau, et qui alimentaient Bruxelles-Ville grâce à un régime d’octroi favorable.

De ce passé agricole, il ne reste rien. La rivière Maelbeek a été enterrée, les étangs asséchés (sauf ledit « étang d’Ixelles »), les brasseries n’existent plus. Pour en trouver des reliques, il faut aller de l’autre côté de la commune, à Boendael, en empruntant la chaussée du même nom. La chaussée de Boendael, tout le monde la connaît à Bruxelles, mais perd sa trace au-delà du cimetière d’Ixelles, car on ne vient pas dans ce quartier résidentiel si on n’y habite pas. La place du Vieux-Tilleul forme l’ancien centre villageois. Le quartier resta le dernier refuge rural d’Ixelles jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Après quoi il s’urbanisa rapidement. Il faut fermer les yeux un instant pour imaginer l’ancien hameau, avec ses quelques masures serrées autour d’un petit oratoire, l’ancienne église paroissiale Saint-Adrien, remplacée en 1941 par l’austère et massive église de briques « Klampsteen » grises-rouges, bâties un peu plus haut. L’église n’est plus au milieu du village.

Originellement publié dans le C4

n°205-206L’ancienne chapelle, désacralisée, est devenue un espace culturel, à l’instar de la vieille église de Berchem-Sainte-Agathe. Longtemps inutilisée, sous-exploitée, elle réserve toutefois quelques bonnes surprises, à l’occasion. Outre les expositions le « Centre d’art » de la chapelle de Boendael s’était même profilé comme lieu d’innovation dans le domaine de la musique expérimentale – Luc Ferrari y donna un concert mémorable en 2004. A côté de la chapelle, l’Auberge de Boendael, où plus d’un on fêté leur anniversaire, où la communion de leur petit neveu, est une ancienne ferme. C’est le plus ancien bâtiment de la place. Une de ses dépendances a abrité, l’espace de quelques années, la Maison du Vieux-Tilleul, un atelier d’artistes faisant office de cabaret occasionnel. La chanteuse Barbara y passa, au début des années 50, ses récitals y étaient chahutés par les étudiants de l’Université toute proche. Comme les artistes n’avaient aucune licence pour débiter des boissons fortes, la police fit fermer les lieux. Depuis, la maison est devenue un club de tennis très smart.

Banlieue bousculée par BruxellesSi le square, dans sa partie sud, a conservé, vaille que vaille, son aspect d’antan, avec sa ferme de 1756, son vieux puits bourguignon, son point d’eau dissimulé sous les frondaisons du tilleul séculaire (le premier arbre classé en région bruxelloise) – Charles-Quint himlself vint paraît-il s’y abreuver au retour d’une chasse – le côté nord est entièrement loti : une barre d’immeuble si haute que votre serviteur a renoncé à en compter les niveaux, un grand magasin GB, qui s’ajoute au Delhaize de style hangar

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du coin de la chaussée de Boitsfort. Le marché vient de déménager (avril 2011) sur la place. Autrefois établi plus haut sur la chaussée, à mi-chemin du cimetière d’Ixelles, à hauteur de la cité sociale Volta, les marchands ambulants se plaignaient du manque d’affluence des riverains. A la fin de l’été, une brocante plutôt élégante y est organisée. C’est que la sociologie du quartier a bien évolué.

Néanmoins, on trouve des « poches » de petits revenus, éparpillées dans ce coin de Bruxelles assez huppé. Des immeubles sociaux avenue du Bois de la Cambre, d’autres plus haut vers la chaussée de Boitsfort et le « Dries », là où dans les années 70 et 80, la « bande du bled », des petits délinquants, enquiquinaient leur monde. Au bout de la rue Louis Ernotte (un philanthrope du XIXe qui s’occupa de nécessiteux), un autre immeuble social, le « Mélèze », que le Foyer ixellois a fait ériger en 1973. La maison sur l’autre coin, avec ses dépendances, était jadis à usage de ferme. Elle est aujourd’hui à l’abandon. Curieusement, plusieurs villas de cette rue limitrophe entre Boendael (Ixelles) et Watermael, sont à l’abandon, effondrées, expropriées il y a des lustres au profit de la SNCB et de la Commune d’Ixelles pour on ne sait trop quel projet spéculatif. Entre deux villas abandonnées, un cheval se sent bien seul dans son enclos improvisé. La rue Ernotte est une de ces rues où les habitations sociales côtoient les villas cossues, modernes et habitées celles-là.

Cette rue s’appelait autrefois la rue de la Charrette, toponyme qui dit bien l’ancienne vocation agricole de Boendael. Elle coupait la ligne de chemin de fer Schaerbeek- Hal (ou plus exactement : le chemin de fer coupa cette voie ancienne) et se prolongeait vers Ixelles dans l’actuelle rue du Relais. Une passerelle piétonne remplace désormais cette traversée risquée, mais la lisibilité de l’ancien tracé est perdue, sauf à regarder une

carte. La rue Ernotte longe les derniers potagers d’Ixelles, ultimes souvenirs de l’activité maraîchère jadis fertile de Boendael, depuis que les prés de l’avenue d’Italie ont été lotis, au début des années 90. Quatre-vingt riverains de tous âges et de toutes conditions et nationalités, sans compter les chats sauvages et les corneilles, ont colonisés les parcelles, bâtis des cabanes de bric et de broc, plantés leurs légumes, leurs fleurs, leurs transats. Ils sont aujourd’hui menacés. D’ailleurs, le « plan Logement » de la Région bruxelloise a déjà détruit la moitié de cet espace potager, de l’autre côté de la chaussée de Boitsfort. Les riverains se battent pour préserver ce qui reste.

C’est que la constructite aiguë a gagné Boendael, pourtant déjà densément lotie. L’ancien bâtiment de l’Institut de l’Enfant-Jésus (1910) est en train d’être converti en logement pour une néo-bourgeoisie qui trouve très « fun » d’habiter des lieux qui n’étaient à l’origine pas destiné au logement. L’ancienne sablière du Schoolgat est désormais entièrement lotie. Les promoteurs ont donné aux nouvelles rues des noms aussi ridicules que « Clos Médicis ». Pourquoi pas « Drève du Paysan parvenu », en hommage à Marivaux ? Comme la brique a partout remplacé le sable et les friches et que l’espace se fait rare, une ancienne propriété de la chaussée de Boitsfort, cachée par un mur de végétation, va être rasée pour que le terrain soit loti. Les projets de ce genre se multiplient dans le quartier.

au carrefour de l’ancien DiewegEn 2008, un nouvel immeuble d’appartement a été construit sur le petit côté est, le long de la rue de la Treille, mettant fin à un vieux chancre. Les maisons mitoyennes de l’îlot avaient été démolies en 1970, vingt ans plus tard, c’était au tour de l’ancien troquet « L’Armoire de Boondael », à l’angle de la place, de passer à la casserole

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des démolisseurs. Les riverains purent alors encore contempler quinze ans l’énorme panneau qui annonçait la construction imminente d’un nouvel immeuble écrasant, projet qui échoua. Comme tout cela traînait quelque peu, la Commune, propriétaire d’une bonne moitié des parcelles non contiguës, voulut installer un parc provisoire avec des jeux pour les enfants. Mais outre les mauvais rapport avec le promoteur, propriétaire des parcelles restantes (non contiguës donc), et des caves non comblées qui menaçaient de transformer les attractions communales en toboggan de la mort, ce parc ne vit jamais le jour et les jeux, déjà payés, restèrent en dépôt chez le fournisseur. Un dossier brillantissime, mené de mains de maître, qui, sur plusieurs législatures, valut quelques beaux échanges de noms d’oiseaux lors des conseils communaux.

Au rez-de-chaussée entièrement vitré de cet immeuble résolument contemporain, les employés de l’agence immobilière s’affairent derrière leurs ordinateurs. C’est que, dans un grand élan fantasmatique de transparence, la société tertiaire aime à se donner en spectacle. C’en est presque gênant pour les passants. De l’autre côté de la place, un sans-abri squatte l’abri d’un minuscule parc public. Devant les deux grandes surfaces commerciales, des désoeuvrés tapent le chaland, profitant du confort relatif des bancs léopoldiens, avant de se décider pour une éventuelle tournée des grands ducs. Celle-ci se ramènera à vrai dire à peu de choses, le nombre de café du quartier s’étant rétréci comme peau de chagrin. Il n’y en a plus sur la place, ni sur l’ancien « Dieweg »1, l’actuelle avenue du Bois de la Cambre. Sauf au bout de cette avenue, où l’on est déjà à Watermael, le « Coq d’or » est devenu, sous les auspices de sa patronne, le foyer de la contestation des petits cafetiers encore un peu plus garrottés par l’interdiction de fumer qui menace leur affaire autant que le bon sens. Plus de cafés, mais quelques

restaurants bien côtés, quoique la disparition guette là aussi : le Chalet rose a non seulement fermé, mais son terrain a été loti – on racontait volontiers dans le quartier que c’était l’endroit de prédilection des ministres pour y emmener leurs maîtresses, mais c’était il y a longtemps, l’époque bénie où les ministres avaient encore des maîtresses.

La disparition menace aussi le Club-house Solvay de l’avenue du Pérou, tout à l’autre bout du quartier, vers l’hippodrome. Une société britannique, bien connue pour ses clubs de fitness haut de gamme, a racheté le domaine où les employés de Solvay (et leurs descendants) pouvaient, depuis 1929, venir se détendre et profiter d’un grand parc qui compte quelques remarquables spécimen d’arbres. Mais le capitalisme social lui aussi à une fin. Le club-house, à l’architecture « 1958 » typique, était au programme des journées du patrimoine en 2008. Les plafonniers à eux seuls valent le détour. Il n’est malheureusement pas classé, ce qui est bien dommage, vu

1.Ce très vieux nom (il est cité dès 1245) reste toujours mystérieux. Il signifierait « chemin du peuple » ou « chemin public » (diet pour peuple et weg pour chemin). Il est de fait que le Dieweg n’est jamais repris dans les anciens relevés cadastraux, contrairement aux autres chemins dont l’entretien incombait aux riverains. L’artère est non seulement très ancienne mais était aussi beaucoup plus longue que le modeste tronçon actuel, s’étendant de Uccle à Watermael et Auderghem. (D’après P. Ameew, Cercle d’Histoire d’Uccle.) Cf. « L’histoire d’Ixelles en quelques pages », fascicule introductif édité par la Commune d’Ixelles, 1998 ; « A la découverte de l’histoire d’Ixelles (10) [Boendael] ».

que les Anglais veulent le raser. Les riverains se mobilisent, là encore. A-t-on vraiment besoin d’un centre de fitness (avec spa et centre de conférence) de plus ?

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Densification urbaine: problème ou solution ?rédactionChanTaL De LaVeLeye

Originellement publié par Etopia1

en février 2011

Chacun sent que ce n’est pas en faisant toujours un peu plus de la même chose que nous sortirons nos sociétés, où qu’elles se trouvent sur la planète, des multiples impasses dans lesquelles les plonge un mode de développement irrespectueux des personnes, des générations futures et des ressources naturelles. L’écologie politique a l’ambition de répondre dans leur globalité et dans la durée à ces nouveaux défis. Etopia est un nouvel instrument pour cette ambition. http://www.etopia.be

La densité de peuplement est une notion chère aux géographes. Ils ont largement décrit l’inégale répartition des populations humaines à l’échelle de la planète et proposé des hypothèses d’explication. Leurs conclusions convergent vers l’idée que les conditions du milieu naturel (relief, climat, sol, sous-sol…) sont loin d’être déterminantes à cet égard. C’est le regard que les sociétés posent sur un milieu naturel et les techniques dont elles se dotent pour l’exploiter qui déterminent le nombre d’hommes qui pourront y vivre. Et l’histoire des civilisations témoigne que ce regard peut profondément changer au cours du temps. Ma réflexion ne portera ici que sur les densités urbaines.

Depuis le 20ème siècle, le mouvement de concentration des habitants dans les villes est manifeste. On estime que plus de la moitié de la population mondiale est aujourd’hui urbanisée. Et l’exode rural se poursuit dans la plupart des Etats. Les pouvoirs publics s’efforcent de canaliser cette tendance spontanée par des politiques d’aménagement du territoire plus ou moins efficaces. Les questions cruciales se posent de la mise en place des infrastructures nécessaires, du choix des zones à densifier et des limites de densité d’habitat compatibles avec le maintien d’une bonne qualité de vie.

Stop à la séparation des fonctions et à l’étalement des villes !

Pendant des décennies, au 20ème

siècle, on a privilégié un urbanisme marqué par l’esprit de la « Charte d’Athènes » qui prônait la séparation des différentes fonctions urbaines. Dans les villes du monde occidental, des zones résidentielles, des centres de services, des quartiers de bureaux et des zonings industriels se sont développés nettement distincts les uns des autres. Ce type d’aménagement du territoire a été favorisé par l’essor de l’automobile, un essor qu’il a en même temps contribué à renforcer. Les lieux de travail sont devenus de plus en plus distants des lieux de résidence ; des hypercentres commerciaux séduisants se sont implantés en périphérie. Un urbanisme « diffus » s’est développé avec le remplacement progressif des anciennes couches paysannes par une population citadine en quête de la maison unifamiliale dans un cadre de verdure. L’habitude de longs et fréquents déplacements quotidiens s’est instaurée, qu’il a semblé normal de faire en voiture particulière. Insidieusement, nous sommes entrés dans l’ère des « bouchons » aux heures de pointe, avec la naïveté de croire qu’il suffira d’élargir les voiries routières pour assurer la fluidité d’un trafic toujours croissant.L’objectif d’un développement durable a remis fondamentalement en question ce mode d’aménagement de l’espace. Il conduit à favoriser la densification des noyaux construits plutôt qu’un éclatement de l’habitat (à l’image des lotissements wallons), pour réduire les besoins de chauffage et de mobilité

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DOSSIER: les potagers d’Ixelles

individuelle et viabiliser les services de proximité par un nombre suffisant de clients.Densifier où et comment ?Il n’est pas sans intérêt de rappeler que la densité moyenne à Bruxelles est relativement faible par rapport à celle d’autres grandes villes européennes (60 habitants à l’hectare pour 200 à Paris). Et que, dans cette région corsetée à l’intérieur de ses 19 communes, l’espace constructible se fait rare et coûte de plus en plus cher. Une densification de la ville permet donc de réduire l’impact financier du foncier sur le prix des constructions. L’exemple de Copenhague est intéressant : la capitale danoise a réussi à augmenter sa population ces vingt dernières années sans s’étaler en superficie.Après la « bruxellisation » de l’après-guerre de triste mémoire, Bruxelles est à nouveau une ville en mutation dont la population est en croissance. On cherche à implanter les bureaux dans des zones bien desservies par

les transports en commun (notamment près des gares). On envisage de construire des logements sociaux et moyens conventionnés sur les derniers espaces verts « de fait » non légalement protégés par le PRAS (Plan Régional d’Affectation du Sol)…au grand dam des riverains. La question des tours est particulièrement sensible. Tout en reconnaissant la nécessité de répondre au besoin de logements accessibles à des revenus faibles et moyens, des associations comme l’ARAU et Inter-environnement-Bruxelles craignent, à juste titre, un « retour aux tours » qui ont jadis défiguré Bruxelles. Quant aux habitants des communes de la deuxième couronne, c’est très simple, ils n’en veulent à aucun prix ! Leur première revendication, lors des enquêtes publiques d’urbanisme, est une limitation du gabarit des bâtiments projetés. Mais, faute de pouvoir « s’élever en hauteur », si l’on veut construire du logement en grand nombre, il faut s’étaler en surface ; ce

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qui revient à supprimer les « espaces de respiration » au sein du tissu urbain… ce dont les mêmes habitants ne veulent pas non plus !L’architecte Jacques Ferrier a pourtant conçu récemment (pour le quartier parisien de La Défense) un nouveau type de gratte-ciel écologique. Il s’agit d’un immeuble de 250m de haut, démontable sans générer de poussières, constitué d’une armature de béton préfabriquée enveloppée d’une résille de béton largement ouverte au rayonnement du soleil. L’autonomie énergétique est assurée par dix éoliennes, 3.000m_ de capteurs solaires et des pompes à chaleur, avec une climatisation naturelle par puits canadien. L’alimentation en eau provient d’une récupération des eaux de pluie. Ce projet n’a pas été retenu. Dans cette tour « Hypergreen » cohabitent des jardins suspendus et des espaces collectifs et privés imbriqués. On y trouve du logement, des bureaux, des commerces et du parking. Plus novateur encore : le projet « Dragonfly » de l’architecte belge Vincent Callebaut d’une tour cristalline en forme d’ailes de papillon capable d’assurer son autosuffisance énergétique et alimentaire. Visions utopistes ou architectures du futur ?

En guise de conclusion : un beau défi à relever pour l’avenir !

La densification en ville et la promotion d’une mixité urbaine (fonctionnelle et sociale) se heurte à un conflit de valeurs. Dans le conflit qui oppose défenseurs d’un droit au logement et militants de la qualité de vie de leur quartier, l’arbitrage du politique est particulièrement délicat.Le principe doit être affirmé qu’il appartient aux communes plus vertes de la deuxième couronne d’assumer solidairement une part de la densification régionale bruxelloise ; ce qui suppose d’accepter de construire soit plus haut, soit de façon plus compacte.Mais le besoin d’un habitat favorable à la préservation d’une intimité familiale

ne doit pas être sous-estimé par les aménageurs de l’espace urbain : le jardin autour de la maison est bien plus qu’un cadre de verdure ; il apparaît aussi comme une protection de sa vie privée. Soyons aussi conscients qu’un aménagement de l’espace urbain dense et hétérogène du point de vue social n’induit pas forcément le renforcement espéré des liens sociaux ; les réactions de replis sur soi sont bien connues dans les grands ensembles.La question se pose donc du coût social d’une densification trop élevée en terme de cohabitation autant que celle de l’exclusion sociale qui résulte du manque de logements accessibles aux ménages à bas revenus. L’expérience de la ville allemande de Fribourg est particulièrement intéressante à méditer. Ses nouveaux « quartiers durables » sont des quartiers denses et mixtes, où la verdurisation demeure très présente. Pour Bruxelles, la sagesse me semble être de chercher à combiner au mieux toutes les options possibles d’accroissement du parc de logements. La rénovation d’immeubles existants, la récupération du maximum possible des immeubles non occupés, des projets de nouveaux complexes au gabarit adapté au tissu urbain environnant et dotés des services de proximité nécessaires, et, pourquoi pas, quelques tours mixtes érigées sur des sites judicieusement choisis. Il n’est pas facile d’intégrer l’idée que la « ville durable » sera une cité dense où les besoins d’espace, de mobilité et de régulation thermique sont réduits.

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L’économie végétarienneLe jeudi 31 mai 2012, le Centre d’écologie urbaine et Etopia organisaient au 789 de la chaussée de Waterloo un « baradéba » - autrement dit une conférence-débat - sur la question de l’économie végétarienne. Quatre « experts » étaient présents. Les éléments éclairants de leurs interventions et les formes concrètes d’action sont résumés dans cet article rédigé par des zoophages.

Les enjeux environnementaux sont parfois gênants quand ils vont jusqu’à remettre en question des certitudes ou des habitudes acquises au fil des siècles.Que l’on parle du changement climatique ou du pic pétrolier, ils mettent en avant l’évidence de la non soutenabilité de nos modes de vie et questionnent depuis quelques décennies1 nos manières d’habiter, de circuler, de gérer nos déchets et, plus récemment encore, de nous nourrir.

considérablement notre empreinte écologique (voir page 32 pour le jeu) et constitue l’une des causes du réchauffement climatique. La consommation mondiale de viande a quintuplé depuis 1950. Face à cela, le végétarisme apparaît souvent comme une réponse radicale peu convaincante pour les zoophages souvent farouchement attachés à leurs habitudes. Pourtant, le développement d’une économie végétarienne pourrait bien jouer le rôle d’une soupape éthique, physiologique et environnementale...

Pour nous éclairer de leur lanterne : grégOire waLLenBOrn : Physicien, philosophe, doctorant sur les modes de consommation durables, chercheur à l’unité de recherche Centre d’Etudes du Développement Durable (CEDD, IGEAT – ULB) depuis plus de dix ans et professeur du cours « Ethique et philosophie du développement durable » à l’IEP de Lille 2. annemarie ijkema : Chef de projet à l’ASBL EVA (Ethique Végétarienne Alternative), qui vise à inciter les citoyens à manger davantage d’aliments végétariens, pour des raisons éthiques, sanitaires et environnementales. aLexanDra gaTeL : Diététicienne-nutritionniste à Dietconsult - centre pluridisciplinaire paramédical, restauratrice et spécialisée en alimentation végétarienneCaTherine rOuSSeau : Chargée du soutien à la transition écologique dans le domaine alimentaire du Cabinet Huytebroeck dont l’un des axes de travail est la réduction de la consommation de viande et la consommation de viande de meilleure qualité.

1.Grosso modo, depuis les débuts de l’écologie politique, apparue dans les années 1970.

La consommation de viande augmente en effet

importation de soja et de maïs pour nourrir vache : déforestation du Brésil – STOP - 20% des gaz à effet de serre et d’énormes quantités d’eau sont liés à l’élevage de bétail – STOP - Le bien-être des animaux destinés à notre alimentation est très contestable – STOP - la consommation de poissons mène à la surpêche et à la pollution aux métaux lourds, - STOP - il y a aujourd’hui plus d’obèses que de personnes souffrant de la faim dans le monde – STOP

interdit aux pessimistes et AUX dépressifs

rédactionSwen Ore eT SimOn De muynCk

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baradéba: l’économie végétarienne

Après une bonne demi-heure à attendre que les zoophages viennent honorer notre beau panel d’intervenants, Grégoire Wallenborn ouvre le bal.

Il nous rappelle que la part du budget total d’un ménage consacrée à l’alimentation avoisinait les 40% au sortir de la deuxième guerre mondiale. Elle tourne autour des 15 à 20 % à l’heure actuelle. Les moyens à disposition des ménages pour leur alimentation sont donc globalement plus élevés que par le passé.

Du point de vue environnemental, les choses se corsent. La question des impacts liés à la nature de notre alimentation est de plus en plus placée sur le devant de la scène. Elle est aussi très complexe car elle fait appel à des éléments de réponse multiples et désordonnés.

Ces impacts sur l’environnement peuvent être mesurés en prenant en compte certains paramètres clefs comme le mode de transport des denrées alimentaires1, l’efficacité énergétique du transport, les modes de production des aliments2 et les impacts sociaux et économiques. Mais cette approche essentiellement quantitative qui engendre des considérations morales parfois simplistes - « c’est mal de manger des bananes qui ont voyagé par avion », n’est pas suffisante pour fonder une éthique végétarienne.

Grégoire Wallenborn poursuit donc en posant le débat du rapport aux êtres vivants sous un angle plus philosophique. Selon lui, chaque être vivant doté de raison a une valeur :

• intrinsèque dans la mesure où on considère qu’il a ses propres fins. Cette valeur accorde alors à l’être vivant raisonnable une dignité particulière qui trouve son expression populaire au travers de l’adage « ne fais pas à

Y a t-il une éthique végétarienne ?

intervention degrégOire waLLenBOrn

autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ».

• instrumentale dans la mesure où je peux l’utiliser a mes propres fins.

Un problème se pose ensuite lorsqu’on veut donner une valeur intrinsèque aux êtres vivants non raisonnables. Deux approches s’offrent alors à nous.

• L’approche diocentrique qui est cohérente sur le plan éthique mais qui mène à une impasse en ce qu’elle proscrit tout rapport de prédation.

1.Par tonne transportée, l’avion a par exemple un impact important sur le changement climatique, le transport routier engendre des pollutions atmosphériques et auditives ainsi que des problèmes de congestion. C’est encore le transport maritime qui semble être le plus efficient. 2. Qui ont parfois des effets contrintuitifs, lire notamment l’article de Pierre Ozer, chargé de recherches au Département des Sciences et Gestion de l’Environnement à l’Université de Liège. In : P. OZER (2008), « Combien de litres de kérosène dans notre assiette ? », http://www.ficow.be/ficow/website/Upload/Com23.pdf

3.Est-ce qu’un enfant, par exemple, est raisonnable ? Si tel n’est pas le cas, pourrions-nous manger des enfants pour réduire la croissance démographique ? Ainsi s’interroge l’ogre. 4.Dans son ouvrage qui constitue un des piliers de la défense du droit des animaux et de la critique du spécisme, Peter Singer défend l’idée est que tous les êtres sensibles pouvant souffrir et éprouver du plaisir doivent être considérés comme moralement égaux. P. SINGER (1975), La libération animale. Sa thèse défend ainsi le végétarisme.

• L’approche écocentrique qui avance que les espèces entretiennent entre elles des rapports de prédation et que c’est l’équilibre de ces rapports qui permet la survie de toutes les espèces.

Il y a pourtant dans cette manière de présenter les choses un hic considérable. Quid de la définition de ce qu’est le « raisonnable » et surtout de qui il désigne ? On sait en effet que les esclaves, les indigènes ou les femmes n’ont pas toujours été considérés comme « dotés de raison » ni même d’ailleurs comme des êtres humains3. De la même façon, il s’élève aujourd’hui des voix pour conférer à certains animaux un statut un peu plus respectable4. Certains auteurs vont même jusqu’à poser la question de l’extension de l’éthique aux plantes, qui

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possèdent d’après certains un système de communication, voire une certaine intelligence5…

La question reste bien sûr ouverte. Mais l’éthique apparaît à certains comme un des leviers importants d’une modification de la consommation alimentaire humaine. La difficulté réside dans le fait que cette approche qualitative est particulièrement instable dans ses fondements définitoires. Reste que la dimension éthique et non violente du végétarisme est historiquement marquée et qu’il est possible de s’en inspirer pour le futur.

5.J. NARBY (2005), Intelligence dans la nature : en quête du savoir, éd. Buchet Chastel, 292p. Il rappelle que le mot intelligence provient du latin « intelligentare » (faculté de comprendre) dérivé du latin « intellegere » (comprendre) dont le préfixe « inter » signifie « entre » et le suffixe « legere » signifie choisir, cueillir, lier. L’intelligence signifierait donc la « capacité de choisir », de prendre une décision, la plus pertinente, dans une situation donnée. C’est notamment ce qu’est capable de réaliser la plante cuscute, qui juge du contenu nutritionnel de sa victime potentielle et qui choisit ou non de l’exploiter. C’est même le cas d’organismes unicellulaires qui sont capables de franchir des labyrinthes.

Le régime végétarien expliqué par une diététicienneSi le levier éthique vous parait être du pinaillage verbeux, le végétarisme avance également de solides arguments du point de vue de la santé. Mais la diététicienne Alexandra Gatel nous a également mis en garde à propos des points d’attention à respecter.

D’abord, rappelons qu’il existe plein de sous-obédiences au végétarisme : l’ « ovo végétarisme » qui exclut tout produit laitier mais inclut les œufs, le « lacto-végétarisme » qui inclut les produits laitiers mais exclut les œufs ou encore l’ « ovo-lacto-végétarisme » qui inclut notamment les œufs, les produits laitiers et le miel.

Mais ce qu’il faut retenir, c’est que le végétarisme exclut la consommation de chair d’animaux et que certaines sous-obédiences autorisent ou non la consommation de lait et d’œufs. Les végétaliens quant à eux refusent de manger tout produit issu du règne

Elle a énoncé les points suivants : • l’augmentation de l’ingestion d’antioxydants (vitamines C présentes dans les agrumes, E dans les huiles) engendre la diminution du risque de formation de certains cancers1. Cette faible incidence de cancers chez les végétariens s’explique aussi par le fait que ces derniers fument moins, boivent moins d’alcool et font davantage de sport.

• l’augmentation de l’ingestion de fibres (présentes dans les fruits, céréales, pâtes complètes, …), qui facilitent le transit intestinal, diminuent le taux de cholestérol, l’hypertension et le risque de contracter un cancer.

• le régime végétarien diminue les risque de diabète de type 2 - dû à un excès de poids dans l’abdomen engendrant une résistance à l’insuline, premier pas vers le diabète.

• le régime végétarien augmente de manière générale l’espérance de vie.

1. Des épidémiologistes

d’Oxford affirment que la pratique

du végétarisme engendre une

diminution de 11% du risque

de formation des cancers (à

l’exception des cancers du

colon et de la prostate), Le

Figaro.fr, http://sante.lefigaro.

fr/actualite/2009/03/17/9470-

vegetariens-sont-moins-touches-

par-cancer

animal. Ils se nourrissent donc uniquement de végétaux, de levures, de bactéries (…).

Les bienfaits du régime végétarienAlexandra Gatel assure que le végétarisme est bénéfique pour la santé.

intervention d’aLexanDragaTeL

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baradéba: l’économie végétarienne

Les points d’attention du régime végétarien Ce régime plein de bienfaits peut néanmoins être la source de certaines carences qui doivent retenir l’attention. Ces carences concernent quelques oligo-éléments. Principalement le fer, l’iode et les acides gras comme les acides gras oméga-3.

Explication et solutions point par point.Les carences en fer sont notamment dues au fait que le fer végétal est moins bien absorbé par l’organisme que le fer animal. Le régime végétarien contient en outre beaucoup d’éléments qui inhibent l’absorption du fer végétal, comme par exemple les protéines de l’œuf ou les excès de calcium. Mais ces carences peuvent être très réglées par l’ingestion de vitamines C en complément de végétaux contenant du fer. Ainsi, une salade de lentilles sera accompagnée d’un jus de kiwi,

la laitue. Les carences en Vitamine D, qui fixe le calcium sur les os, est présent dans les poissons (saumon, hareng, anchois, …) et leurs huiles (huiles de flétan, de carpe, de thon, …). Ces carences peuvent être également comblées par l’exposition au soleil en été. En hiver, il est conseillé de prendre un complément de vitamine D. Les carences en vitamine B12, enfin, peuvent être comblées en prenant des suppléments de vitamines B12 – qui, au passage, réduisent les risques d’accidents cardiovasculaires.

Certaines réticences se font sentir en ce qui concerne la partie gastronomique2

du régime végétarien. Il demande assurément plus de temps et plus de connaissances pour maîtriser les nombreuses associations d’aliments offertes par le régime végétarien. Il est donc important de savoir que ce régime doit se composer du diptyque essentiel : Céréales + Légumineuses. Les céréales et les légumineuses contiennent en effet chacun 11 Acides Aminés3. Leur association permet d’atteindre un nombre d’acides aminés (12) satisfaisant pour l’organisme.

« »Le corps se dirige naturellement vers ce dont il a besoin.

les épinards seront associés à un jus de citron. Les carences en iode sont dues au manque d’aliments marins présents dans le régime végétarien - excepté les algues que les végétariens peuvent manger, mais qui n’ont pas vraiment la cote. Le sel iodé ne suffisant pas, il est conseillé d’ingérer quelques grammes d’algues lyophilisées si les soupes d’algues vous donnent le mal de mer. Les carences en Omega-3, qui sont les acides gras essentiels que l’on trouve dans les poissons gras (harengs, sardines). Ils sont d’excellents remparts contre les maladies cardiovasculaires, s’expliquent en partie par la forte présence d’Omega-6 dans le régime végétarien. Ces carences peuvent être très facilement comblées par l’ingestion d’huile de colza et de légumes verts à feuilles comme la mâche, le chou ou

2.La gastronomie est ici entendue comme les connaissances liées à l’art de se nourrir. Elles concernent le goût, la préparation des aliments et la façon de manger.3.Composés chimiques jouant un rôle biochimique essentiel en tant que constituants élémentaires des protéines. Ils polymérisent (réaction chimique qui consiste à lier des monomères pour obtenir une macromolécule), et forment des liaisons peptidiques, qui engendrent des chaines macromoléculaires (peptides).

On retrouve d’ailleurs ce diptyque dans le régime de nombreuses cultures, à travers le monde : Pois chiche + Semoule au Maroc, Pain/Riz + Lentilles en Inde, Haricots rouges + Maïs en Amérique du Sud… « Le corps se dirige naturellement vers ce dont il a besoin » affirme Alexandra Gatel.

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Les jeudi végétariens en Belgiqueintervention d’annemarie ijkema De L’aSSOCiaTiOn eVa

eVa (ethique Végétarienne alternative) informe les gens de manière accessible et positive à propos des bienfaits de manger moins de viande et de poisson. Elle souhaite changer le monde en faisant découvrir au plus grand nombre des habitudes alimentaires végétariennes originales et alléchantes. L’association organise ainsi de nombreuses activités dont les « Jeudi Veggie » et publie notamment EVA Magazine.

Pour en savoir plus : www.evavzw.be et www.jeudiveggie.be

C’est un fait, seuls 2% à 3% des belges sont végétariens. EVA ASBL a donc décidé de les séduire en leur rendant la cuisine végétarienne alléchante. L’association a ainsi instauré à Gand des « jeudi veggie » qui sont soutenus par le cabinet Huyebroeck et la ville de Gand. Ces jeudi végétariens feront peut-être prochainement leur entrée dans les écoles bruxelloises...

Quels sont les buts de la campagne «jeudi Veggie» ?La campagne veut :• donner confiance au consommateur dans la nourriture végétarienne ;• donner confiance au consommateur dans les bienfaits de ne pas manger de viande ;• que le profil d’alimentation du consommateur se confonde plus avec le profil d’alimentation recommandé ;• donner confiance aux professionnels de l’horeca et de la restauration dans une nourriture végétarienne saine, et les stimuler pour qu’ils mettent sur leur carte de délicieux et consistants plats végétariens, et en premier lieu le jeudi.

Que s’y passe-t-il exactement ?Des plans veggies sont distribués et les restaurants recoivent la publication « Veggie pour les chefs ». L’offre dans les restaurants de la ville a été rendues plus « durable » avec plus de possibilités végétariennes ; d’autres restaurants ont été approchés pour faire de même. En octobre, la campagne a été introduite également dans les écoles de la ville

Quelles ont été les réactions vis-à-vis de l’initiative à gand ? La campagne et la ville ont été sous les projecteurs des médias, du Canada au Japon et de la Suède à l’Australie. Dans notre pays, Hasselt suit le mouvement, et peut-être aussi Anvers. Et sur le plan international, de nombreuses villes et organisations examinent comment elles peuvent imiter cette initiative. Gand joue là un rôle pionnier !

Que se passe-t-il dans les écoles communales et les crèches de la ville de gand? Depuis le 1er octobre, la campagne a été prolongée vers les écoles communales et les crèches gantoises, et le repas de midi pour les enfants le jeudi est végétarien pour tous.Les parents ont été informés sur le pourquoi et le comment. Les parents qui ne veulent pas que leur enfant participe peuvent faire la demande d’un repas avec viande.Les enseignants sont soutenus grâce une information consistante, et EVA développe en collaboration avec la ville de Gand un kit éducatif pour l’enseignement qui, depuis janvier 2010, peut être donné aux écoles. Pourquoi est-il sain d’adopter un jour végétarien hebdomadaire?Grâce à l’Enquête Nationale sur la Consommation Alimentaire de 2004, nous savons que les Belges consomment trop de produits animaux et pas assez de fruits et légumes. Le plan d’action Nutrition et Santé (Actieplan Voeding en Gezondheid) du gouvernement flamand veut encourager les gens à manger plus en adéquation avec le triangle alimentaire : plus végétal et moins animal donc. Un jour végétarien par semaine signifie une consommation moindre de viande et une consommation plus élevée de légumes, de fruits et d’autres produits végétaux. Le Fonds Mondial Contre le Cancer conseille dans un grand rapport de 2007 de limiter sa consommation de viande rouge et de charcuterie. Sa conclusion dit : « Fruits et légumes, et pas la nourriture d’origine animale, sont la base recommandée de la nourriture quotidienne »

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baradéba: l’économie végétariennecr

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Et à Bruxelles, quel soutien institutionnel ? intervention deCaTherine rOuSSeau Un des objectifs principaux du programme de travail de Catherine Rousseau est la diminution

de la consommation de protéines animales. Elle souligne qu’elle s’inscrit dans bon nombre des affirmations et des constats qui ont été fait lors de cette conférence-débat

Elle rappelle que la Déclaration de Politique Générale Bruxelloise 2009-20141 témoigne de l’intention du gouvernement bruxellois d’être un exemple en matière d’alimentation en créant des filières d’alimentation durable et d’agriculture

1.Document stratégique de

référence du gouvernement

bruxellois (PS, CDH, Ecolo, CD&V,

Open VLD, Groen !) pour une série

de thématiques sociétales (emploi,

logement, Développement Durable,

mobilité, démographie, services

publics, …).

2.Voir le récent Rapport Greenloop

à ce sujet

3. Gouvernement bruxellois,

Déclaration de Politique Générale

2009-2014, http://www.bruxelles.

regionale.ecolo.be/IMG/pdf/texte_

accord_12_juillet-2.pdf (p.36)

4. Entre un quart et un tiers des

aliments achetés à Bruxelles ne sont

jamais consommés !

animales, des aliments préparés, du gaspillage alimentaire4 ; augmentation de la production alimentaire biologique, promotion des aliments frais, locaux, de saison, issus du commerce équitable ;

• la construction, à Bruxelles, d’un système destinée à promouvoir l’alimentation durable : incluant des parties prenantes pertinentes, soutenant l’agriculture urbaine et l’alimentation durable dans l’horeca, utilisant un repère (assimilé à un label) signifiant que telle cantine, tel magasin ou tel bar propose une alimentation durable ;

• le fait que l’Etat et l’administration publique montrent l’exemple via l’achat de produits issus d’une alimentation considéré comme durable ;

• la sensibilisation et la diffusion des constats résumés dans cet article, auprès de la société civile (la population) ;

urbaine2. « L’éducation à une alimentation saine, équilibrée et respectueuse de l’environnement sera également intégrée dans les programmes de distribution de nourriture collective (écoles, crèches, hôpitaux, cantines...) » 3.

Pour Catherine Rousseau, l’alimentation durable passe donc par une série d’étapes :

• Un nouvel équilibre du contenu de l’assiette : diminution des quantités au profit de la qualité ; diminution des protéines

En guise de conclusiondis moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es!

Les réactions de la salle ont mit en évidence la complexité des enjeux et des freins à l’économie végétarienne. En 2005, Tim Jackson, professeur à 1. T. JACKSON (2005) “Motivating Sustainable Consumption: a review of evidence on consumer behaviour and behavioural change”. SDRN, London: Policy Studies Institute, p. 6,http://www.c2p2online.com/documents/MotivatingSC.pdf (traduction libre). L’auteur montre que les comportements de consommation sont enchâssés dans un contexte institutionnel et normatif donné, dans des habitudes, et servent à combler des besoins mais aussi des désirs ainsi qu’à communiquer socialement.

l’université de Surrey et spécialiste de la consommation et des changements de comportement, déclarait ceci : « les motivations [de consommation] sont si multiples que la chose qu’on puisse affirmer avec une absolue certitude est qu’il est pratiquement impossible de construire des modèles causaux universels avec lesquels on pourrait construire des politiques de changement de comportement dans différents domaines »1.(C’est pour cela que sur le modèle de notre jeu de l’Empreinte Ecologique page 32, nous vous invitons à nous envoyer par mail le descriptif de vos motivations et comportements de consommation.) Pour sortir de cette impasse décrite par Tim Jackson, il faudra donc débloquer nos habitudes pour en créer de nouvelles sur base

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baradéba: l’économie végétarienne

peut-être d’une expérience directe et positive du végétarisme qui permet mieux que les mots et les raisonnements de comprendre et de démystifier le contexte social, institutionnel et normatif dans lesquels sont insérés nos comportements de consommation. De la même manière que l’association EVA souhaite rendre le végétarisme sympathique et attractif, nous sommes certains que ce ne n’est pas au travers de la culpabilisation que ce régime gagnera du terrain.

EVA ASBL, Jeudis Veggie, http://www.jeudiveggie.be/

DIETCONSULT, http://www.dietconsult.be/Bienvenue.html

P.SINGER (1975), La libération animale, (traduction française 1993, éd. Grasset).

GOUVERNEMENT BRUXELLOIS, « Déclaration de Politique Générale Bruxelloise 2009-2014 », http://www.bruxelles.regionale.ecolo.be/IMG/pdf/texte_accord_12_juillet-2.pdf

T.JACKSON (2005), “Motivating Sustainable Consumption: a review of evidence on consumer behaviour and behavioural change”. SDRN, London: Policy Studies Institute, 154p. http://www.c2p2online.com/documents/MotivatingSC.pdf

J. NARBY (2005), Intelligence dans la nature : en quête du savoir, éd. Buchet Chastel, 292p.

M. COEMAN, LoveMEATender, AT Productions (documentaire).

C.NATIVEL (2009), « Empreinte écologique et alimentation durable », Majeure Alternative Management - HEC Paris, 17p. http://www.needocs.com/document/academique-cours-management-empreinte-ecologique-et-alimentation-durable,5320

aller plus loin

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Le jeu de l'Empreinte Ecologique (EE) *

Rire, faire l’amour et jouer de la musique ne polluent pas. Mais faire des voyages en train, manger des grillages ou se chauffer au fuel prélèvent des ressources naturelles bio productives (terres, eau, etc.) et rejettent des déchets (ici, seul le « déchet » CO2 est pris en compte). Ces ressources naturelles sont calculées en hectares globaux (hag). C’est l’unité de surface de l’impact environnemental de l’activité humaine. Sur terre et dans l’eau, la planète possède environ 12 milliards d’hectares (u) bio productifs pour répondre à nos besoins et assimiler les déchets que l’on produit.

*Notons que l’EE ne prend pas en

compte la consommation d’eau, la

biodiversité, les pollutions autres que

le CO2 et Dieu sait s’il y en a.

En 2006, les équipes de recensement ont compté environ 6,6 milliards de têtes (de têtes «raisonnables» dirait peut-être Grégoire Wallenborn). La bio capacité de la terre équivalait donc à 1,8 hectare global (hag) par personne.Or chaque bruxellois a une EE de 4,7 ha dont un tiers est rogné par l’alimentation. Donc, si chaque bruxellois veut respecter son EE sans changer son alimentation, il doit faire avec les 0,24 ha qui lui reste...

Je considère le problème et je me noie dans des explications interminables et des logiques fumeuses pour justifier que je continue à manger de la viande.

Je suis pescétarien car je trouve que les poissons sont nettement moins sympathiques que les mammifères. Si je suis français, je suis perplexe devant un escargot.

Je suis omnivore sélectif. Je ne fréquente plus que des magasins bios et des boucheries bios qui ne tuent que des animaux heureux et en pleine forme.

Je considère que la manière de poser le problème n’est pas bonne. L’Empreinte Ecologique est un calcul réducteur qui ne soulève pas les vrais problèmes. D’ailleurs cette gazette est à côté de la plaque et je perd mon temps à la lire.

Je ne comprends pas, je suis un âne. Je considère votre point de vue et votre anxiété et je continue à manger de la viande car je suis un homme/femme riche et cultivé(e), donc plus raisonnable que la plèbe et les animaux.

Rien du tout. Touche pas à mon hamburger, va voir ailleurs si tu trouves de la salade. Les pauvres n’ont qu’à arrêter de se reproduire. De toutes façons on est trop nombreux sur la planète et c’est pas moi qui cèderai du terrain devant les chinois ou les arabes.

...en sachant cela, que faites-vous?

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baradéba: l’économie végétarienne

Je suis flexitarien. La souffrance animale me parle et je suis au courant des méthodes productivistes de l’industrie. Mais j’accorde aussi une grande importance aux cultures carnivores. Je ne mange donc de la viande que dans certain cas, par exemple quand je suis invité chez des amis ou qu’il n’y a que ça à manger autour de moi.

Je suis végétarien car je ne veux pas être complice du meurtre d’animaux que je considère comme des êtres sensibles et intelligents, et même plus intelligents que mon voisin que je ne mangerai pas non plus.

Je suis végétalien pour faire mieux que tout le monde. Je ne veux rien avoir à faire avec les animaux qui sont aussi libres que moi. Je ne fais pas de cheval non plus.

Je ne mange plus. Je me sacrifie purement et simplement pour le bien de l’humanité. Je suis un martyr de l’éthique végétarienne.

Je ne me reconnais dans aucun de ces profils et je souhaiterais vous expliquer.

Veuillez nous envoyer votre réponse à [email protected], nous sommes curieux de connaître votre éthique personnelle.

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Se lancer en permaculturerédaction

PaBLO SerVigne

La permaculture est un concept qui attire, mais qui n’est pas facile à cerner. Elle est souvent considérée comme une méthode de jardinage sur butte ou de couverture du sol, mais en réalité elle est bien plus que cela. C’est une manière de penser le monde, basée sur des principes issus de l’observation du monde vivant, et sur une méthode de design…

L’épopée commence en Tasmanie dans les années 70 après le premier choc pétrolier1. En 1978, Bill Mollison et David Holmgren forgent le mot « permaculture » et le définissent comme « un système intégré et évolutif d’espèces de plantes pérennes et d’animaux utiles à l’être humain. »2 Il s’agit de construire des systèmes agricoles locaux, durables et autosuffisants en inter-connectant les plantes, les animaux et les humains de manière bien réfléchie.

Dans les années 80, le concept se répand dans le monde entier à travers des livres, des conférences et surtout certaines expériences qui marchent bien. Les systèmes de permaculture sont hautement productifs et très économes en énergie. Avec le succès, le concept s’élargit. À l’origine tourné vers l’autosuffisance alimentaire, il s’étend à d’autres domaines comme l’éco-construction, la gestion de l’eau, de l’énergie ou même la structure sociale des groupes. Finalement on touche à tous les aspects de la vie humaine. Selon David Holmgren, « la vision d’une agriculture permanente a peu à peu évolué vers celle d’une culture permanente. »3

L’éthique au centreCe qu’il y a de réellement original en permaculture, ce sont les principes de base. D’abord trois principes éthiques, puis des principes de design. Ces principes ne sont pas tombés du ciel. Les concepteurs sont allés fouiller du côté des sociétés pré-industrielles et ont retenu les principes éthiques qui guidaient les sociétés les plus durables. Trois principes éthiques ont

donc émergé :1. Prendre soin de la terre (ce qui implique de la connaître) ; 2. Prendre soin de l’humain et 3. Redistribuer les surplus, ce qui implique une autolimitation en conscience.

Ce dernier principe, plus difficile à saisir, implique de reconnaître que nous vivons dans un environnement fini et que nous devons limiter nos besoins et notre consommation. C’est précisément l’inverse du message que produit notre société industrielle. « Le processus de fournir selon ses besoins dans des limites écologiques nécessite une révolution culturelle. Or, nous avons très peu de temps pour effectuer cette révolution. C’est dans ce contexte historique que l’idée d’un ensemble très simple de principes ayant une application quasi-universelle est évidemment très attractive. »4

Utopique direz-vous ? Pas si sûr. Toujours selon David Holmgren, « c’est par son aspect pratique

1.pour une histoire plus complète

de la permaculture, voir le site (en

anglais) http://pacific-edge.info/a-

short-and-incomplete-history-of-

permaculture/

2.Permaculture One, Bill Mollison

& David Holmgren, 1978.

3.Permaculture. Principles &

Pathways Beyond Sustainability.

David Holmgren, 2002.

4.D. Holmgren, Ibid.

5.D. Holmgren, Ibid.

6.Le terme est difficilement

traduisible car il n’implique pas

seulement une notion de dessin,

mais également une idée de

cohérence et d’ergonomie du

système.

« ici et maintenant » que la permaculture a su éviter ces blocages typiques des pensées révolutionnaires. » Et d’enfoncer le clou : « le mouvement de la permacutlure et ses concepts ont déjà changé la vie de milliers de personnes à travers le monde et en ont peut-être affecté des millions de différentes manières. Et tout ceci sans l’appui substanciel de puissantes institutions, entreprises ou même gouvernements. »5

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Le design comme méthodeLa deuxième idée originale de la permaculture, c’est sa méthode : le design6. Il s’agit d’abord de comprendre comment s’emboitent les pièces du puzzle d’un écosystème. Le job du permaculteur est alors de recréer un écosystème viable en y intégrant l’être humain comme un des éléments du système. Et cela ne peut être viable que si l’humain est en inter-relation avec tous les autres éléments. Calculer les flux d’énergie, d’eau et de nutriments… le design est un peu technique au début, mais cela s’apprend vite.

Les permaculteurs ont retenu une dizaine de principes de design. De la même manière que les principes éthiques, ils sont issus de l’observation du fonctionnement de la nature et ressemblent à des slogans facilement mémorisables. Ainsi, même dans les situations les plus complexes, ils servent de repères pour s’adapter à toutes les situations de terrain : ville ou campagne, climat sec ou humide, montagne ou plaine, forêt ou potager, balcon ou mare... Ils s’appliquent évidemment avec succès à nos vies

a pas de problèmes, il n’y a que des opportunités. Et Bill Mollison prend un exemple : « En permaculture, on ne dit pas qu’il y a trop de limaces, on dit qu’il n’y a pas assez de canards. » Chaque problème peut être vu comme le point de départ d’un nouveau processus. On ferme les cycles et ça tourne tout seul.

Préparer la grande descente énergétique La difficulté que l’on peut avoir à expliquer la permaculture vient du fait qu’elle navigue à contre-courant des valeurs dans lesquelles nous baignons depuis longtemps. On doit tout réapprendre : la complexité contre la simplification, la lenteur contre la rapidité, l’éthique contre les normes, la diversité contre l’uniformisation, la pensée holiste contre la pensée réductionniste.

Radicale mais pas utopique, la permaculture est simplement une réponse à un monde qui subira très bientôt un déclin en énergie et en ressources. Pour David Holmgren, « le vrai enjeu de notre ère est de trouver comment réaliser cette « descente » de manière éthique et gracieuse ». Et si la permaculture peut nous donner quelques clés, elle est finalement l’opposé d’une solution clé en main : les principes sont universels mais les solutions seront locales.

6.Le terme est difficilement

traduisible car il n’implique pas

seulement une notion de dessin,

mais également une idée de

cohérence et d’ergonomie du

système.

personnelles, à l’économie ou à l’organisation sociale des groupes.

Par exemple, un principe très utile : il n’y

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37

Prochaines initiations à la permaculture :• Centre d’écologie urbaine (rendez-vous sur le site internet)

• Journée d’initiation le samedi 6 octobre 2012 de 10h à 17h au Potager de Tétra asbl, Elisabethlaan, 3080 Tervuren. Par Fabian FERAUX et Pablo SERVIGNE. Organisé par Terre et Conscience. Plus d’info sur http://www.tetra-asbl.be

• Deux jours d’initiation le 19 et 20 octobre 2012 au Hub (Ixelles)Renseignements sur http://brussels.the-hub.net

Livres en françaisGraines de permaculture, Patrick Whitfield, Ed. Passerelle Eco, 2009.Créer un jardin-forêt, Patrick Whitfield, Ed. Imagine un colibri, 2012.

Livres en anglaisPermaculture. Principles & Pathways Beyond Sustainability, David Holmgren, Ed. Holmgren Design Services, 2002.The Earth Care Manual, Patrick Whitfield, Ed. Permanent Publications, 2004.

aller plus loin

permaculture

CE

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L’agriculture urbainePourquoi?D’ici 2015, près de 26 villes à travers le monde auront dépassé les 10 millions d’habitants. Pour nourrir une ville de cette taille, au moins 6 000 tonnes de nourriture doivent être importées chaque jour. Dans le cas de la région Bruxelles-Capitale il s’agit de nourrir 1.1 millions d’habitants. Le transport de ces marchandises est exclusivement possible grâce à l’extraction de ressources fossiles qui dégradent notre environnement. Cette prise de conscience croissante a inspiré la création de différents modèles d’agriculture urbaine à travers le monde. Des plus anciens modèles comme celui de Machu Picchu jusqu’aux conceptions de

rédaction FiLiPPO DaTTOLa

fermes urbaines, l’idée de cultiver en ville prend de nombreuses formes, à New-York, Montréal, Shangai, Dar-Es-Salam ou Amiens. Tous les modèles répondent à un besoin d’alimentation des cités et met en œuvre des circuits courts, bénéfiques à l’économie locale.

Ces circuits-courts permettent d’offrir des produits de qualité à un prix correct car ils soustraient tous les intermédiaires entre le producteur et l’acheteur, tout en mettant à profit des espaces urbains inutilisés, en diminuant l’impact de l’alimentation en ville et en favorisant la création d’emploi. Ces espaces ont également une fonction sociale, car ils permettent

Potagers collectifs : un panier de cultures…

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Pourquoi?

de créer des liens entres citoyens, de sensibiliser à l’alimentation durable et à l’environnement.

L’agriculture urbaine contribue à la sécurité alimentaire et l’hygiène alimentaire de deux façons: d’abord, elle augmente la quantité de nourriture disponible pour les personnes qui vivent dans les villes, et d’autre part, elle met à disposition des consommateurs urbains des produits frais et biologiques de

saison. L’agriculture urbaine s’intègre aussi dans le mouvement « villes en transition », qui naît du constat que les énergies fossiles sont limitées et tente, par des initiatives locales, de se préparer au mieux aux chocs des futurs pics pétroliers. Considérant que l’agriculture urbaine permet des économies d’énergie et la production locale d’aliments en favorisant la biodiversité urbaine, cette forme d’agriculture est considérée comme durable.

Potagers collectifs : un panier de cultures…rédaction

xaVier LerOy,CenTre aVeC aSBL

l’agriculture urbaine

Le Centre aVeC est un centre de recherche et d’action sociales. D’inspiration chrétienne, nous nous caractérisons par notre volonté d’engagement et notre participation à des réseaux pluralistes. Par nos analyses, par nos formations, nous entendons promouvoir une vision solidaire de la société, en réfléchissant aux questions clés qui se posent, aujourd’hui, au niveau tant local que global.Dans le souci de la promotion de la démocratie et des droits humains, notre attention se porte en particulier sur le vivre ensemble interreligieux et interconvictionnel, les migra-tions, la lutte contre le racisme, l’économie solidaire. http://www.centreavec.be

green is the colourCultiver son jardin ou, à défaut, participer à un potager collectif fait désormais partie du profil « IN » des gens branchés. Phénomène de mode ? Il y a sans doute quelque chose de cela dans l’émergence d’une activité qu’on considérait il n’y a pas longtemps encore comme relevant d’un autre âge ou que l’on croyait réservée à quelques poètes du retour à la terre. Pourquoi ces nouveaux agriculteurs se sont-ils armés de binettes, houes et racloirs ?

Une activité qui est saine et procure du plaisir, ou au moins du contentement, à ceux qui s’y livrent volontairement n’a aucun besoin d’être justifiée. C’est un peu comme les confitures. Dans les Contes du lundi, André Maurois met en scène une personne en train de préparer des confitures. Elle reçoit la visite d’un marchand qui lui démontre que la confiture industrielle est meilleure et moins coûteuse que celle qu’elle prépare. Elle lui répond alors du tac au tac : « Mais, monsieur, nous faisons de la confiture uniquement pour le parfum, pour que la maison en soit embaumée. Après, nous la jetons».

Pour celui qui s’y livre, l’activité de

jardinage a du sens. Une fois qu’on la pratique à plusieurs et que ce jardin, collectif ou non, prend place dans l’espace urbain, elle entretient des relations avec le cadre de vie dans lequel elle s’insère. Comment le fait-elle aujourd’hui ? Pour le savoir, écoutons ce que ces jardiniers disent de leur travail. Car c’est quand même un travail. Ensuite nous verrons que ces initiatives, apparemment spontanées, ont une histoire et qu’elles font l’objet de prises de position officielles et parfois d’un soutien de la part des pouvoirs publics. Enfin, constatant que de nombreuses études ont été consacrées à l’analyse de ce phénomène, à l’évaluation de son importance et à son impact par rapport à des questions telles que le développement urbain, l’agriculture urbaine et les besoins alimentaires de la population, nous nous efforcerons d’en faire une brève présentation et d’en tirer quelques conclusions.

Le jardin collectif vécu par ses jardiniersPour une première prise de contact, écoutons comment le potager collectif est présenté par l’asbl « Le début des haricots » lorsqu’elle lance un

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appel à projets soutenu par Bruxelles Environnement en 2011.

Un potager collectif en ville, c’est d’abord un coin de verdure, un lieu où la nature a son mot à dire et où on se sent bien ! Qu’est-ce qu’on y fait ? On y cultive toutes sortes de choses : des légumes de toutes les variétés (qui sont parfois impossibles à trouver en supermarché), des fruits succulents, des plantes aromatiques et médicinales, des fleurs et puis surtout, on y cultive la convivialité ! Quel plaisir de se retrouver sur le potager, de mettre les mains dans la terre et de se réapproprier son alimentation. Le potager collectif est avant tout un lieu de partage et d’échanges : chacun apporte ses connaissances et sa motivation et c’est le mélange de toutes ces ressources qui rendra le projet possible... Sur un potager collectif, on travaille généralement la terre tous ensemble et les récoltes sont partagées, mais ce n’est pas une recette universelle : c’est à chaque groupe de trouver son mode de fonctionnement ! En bref, un potager collectif, c’est un lieu où il fait bon vivre, avec la nature et avec les autres jardiniers.

Tous les éléments de cette présentation sont typiques du discours des adeptes actuels du potager collectif, y compris l’affirmation qu’il n’y a pas de recette universelle et que donc chaque groupe décide de sa propre organisation. Nulle part on n’essaie de prouver quoi que ce soit en fonction d’objectifs à atteindre. C’est comme cela ; si tu aimes, tu t’y mets. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y ait pas de motivations sous-jacentes, bien au contraire. Seulement elles sont rarement exprimées, ni même toujours conscientes. Pour

certaines personnes, le jardinage est ainsi lié à une conviction, un engagement dans l’ «écologie», le «bio», le «développement durable»... Le jardinage apporte alors une réponse concrète contre la dégradation de l’environnement et les anxiétés qu’elle génère. Un potager collectif est ainsi le lieu d’une recherche de bien-être passant par un « être avec les autres», une convivialité, un partage, une gestion démocratique. On en oublierait presque que le jardinage participe aussi d’une production alimentaire...

Projet Potage-toitrédaction Swen Ore

L’un des problèmes majeurs se posant en ville pour le développement de l’agriculture urbaine, c’est le manque de terrain. Souvent dans l’ombre de la spéculation immobilière1 ou les brumes de la pollution, les terres potentiellement disponibles en ville pour le maraîchage sont impropres à la culture de fruits et de légumes. C’est sur constat que Felippo Dattola de l’asbl le début des haricots, soutenu e par Bruxelles-Environnement, a lancé le projet d’installer une petite ferme

serre, pompe solaire et système de récupération d’eau. La production est écoulée dans le restaurant de la bibliothèque et vendue à l’occasion de petits marchés festifs sur le lieu même de la production. Potage-toit, c’est le nom du projet, coule de source, et c’est une première à Bruxelles.

Le concept en revanche n’est pas nouveau. Il se développe un peu partout dans le monde et au Canada particulièrement. A Montréal par exemple, la Lufa2 distribue hebdomadairement des paniers produits en grande partie dans des

1.Voir le dossier sur les potagers

d’Ixelles page 10.

2.lufa.com

sur le toit de la Bibliothèque Royale de Bruxelles avec bacs de culture,

Pour en savoir plus, consultez l’étude publiée sur le site du Centre Avec:www.centreavec.be/analyses/Potagers%20collectifs.pdf

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l’agriculture urbaine

serres, sur des toits, sur le mode d’un groupement d’achat commun. Le projet est en outre construit sur un système d’aquaponie et la volonté d’une rentabilité économique réelle, c’est-à-dire sans subventionnement. Et ça marche.

Les avantages de ce type d’agriculture sont nombreux: production locale, donc pas de transport. Pas de pesticide ou engrais chimique, donc pas de pollution supplémentaire. Production sur les toits, donc isolation des bâtiments. Verdure en ville, donc bien-être. Fantastique. C’est comme sur votre balcon, mais en plus grand.

Mais il faut garder une oreille pour les considérations des amoureux du sol, de la terre mère, qui restent sceptiques. Il ne faudrait pas que l’agriculture sur les toits soit perçue comme la solution à tous les problèmes environnementaux

et ainsi justifier une densification accrue des villes qui emporte avec elle les derniers espaces disponibles. Les freins au développement de cette agriculture sur les toits sont nombreux: structure des bâtiments, entretiens, investissements conséquents pour une production rentable (…) Reste que le projet Potage-toit a aussi une vocation symbolique et pédagogique. Il est en ce sens artistique et esthétique. Il met la puce à l’oreille à ceux qui se demandent de quoi le futur des villes et de ses citadins sera fait... sur les toits, on est plus près du soleil.

Chacun peut le visiter et y participer. Pour plus de renseignements le site du projet : http://potage-toit.blogspot.be/

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Des poissons et des plantes: l’aquaponierédaction jerOme VeriTergrOuPe One

L’asbl le groupe One, groupe de recherche et d’action sur le développement durable et le développement économique local, a pour mission de responsabiliser les acteurs économiques au développement durable, de soutenir les initiatives économiques dans des zones défavorisées et de favoriser la création d’entreprises responsables, dans un esprit d’innovation, de décloisonnement et de transparence. L’asbl est ainsi engagé à renforcer ses actions en faveur de la protection de l’environnement, thème qu’elle considère fondamental pour un développement durable, et dans le but de diminuer sa propre empreinte écologique. En un mot, elle oeuvre pour l’entreprenariat et l’économie responsables dans un esprit d’innovation, de décloisonnement et de transparence.

Aqua Poney ?! Une histoire de cheval de mer et d’hippocampe ?! Quel rapport avec l’écologie urbaine ? Ah, Akwapwnee, une tribu amérindienne spirituellement inspirante, c’est déjà mieux ! Toujours pas.

Le 3 mai 2012, à l’occasion d’un baradébà sur l’auto-production alimentaire en collaboration avec le Centre de recherche Etopia, Jerôme Veriter de l’association Groupe One présentait au Centre d’écologie urbaine l’ „aquaponie“. Cet article en présente les principes théoriques et les possibilité de développement. Pourtant, bien que ce système soit séduisant et que nous soyions favorable à sa diffusion, la rédaction reste réservée et critique du fait notable que l’aquaponie se révèle au fond très énergivore. Mais il n’empêche, le système offre techniquement et symboliquement de belles perspectives d’avenir.

L’aquaponie, c’est tout simplement l’art de faire pousser des légumes et des poissons en même temps. En bref, c’est la recréation d’un écosystème symbiotique entre la biomasse animale et végétale. Explication graphique.

Et pour l’expliquer à sa grand-mère, c’est comment ? • L’eau qui circule en circuit fermé est à la base de tout : • Des poissons aux plantes : Les déchets organiques des poissons (c’est-à-dire principalement leurs excréments) sont utilisés et transformés par des bactéries en composés azotés. Ceux ci sont utilisés par les légumes/herbes aromatiques pour leur croissance. • Des plantes aux poissons : Cette absorption filtre l’eau et la rend propre

pour les poissons.

Et voila, la sainte cyclicité durable est accomplie – Lavoisier Reunited – rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ! Ah, déjà vos yeux incrédules chuchotent à votre cerveau : « trop beau pour être vrai ». Y a forcément une attrape. Oui, ok, d’accord mais une petite. Le système n’est pas entièrement auto-suffisant – c’est pas le mouvement perpétuel. D’abord, il faut le construire et il faut bien nourrir

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les poissons, faire circuler l’eau et rajouter de l’eau de temps en temps parce que circuit fermé ou pas, l’eau s’évapore toujours. Tout cela peut néanmoins se faire de manière bien réfléchie aussi. Les matériaux peuvent facilement être de récupération, l’énergie être renouvelable et l’eau… de pluie. Quant à l’alimentation des poissons, si ceux-ci sont bien choisis, elle peut-être constituée de vers de terre d’un vermicompost ou de lentilles d’eau. L’idée bien sûr est d’être le plus autosuffisant, l’écosystème doit grandir !

Très bien mais pourquoi se casser la tête avec un système qui devient un peu complexe alors qu’avec un jardin et des poules on arrive plus ou moins au même résultat ? Parce qu’on est en zone urbaine et que l’espace est limité. Tout le monde n’a pas de jardin. L’aquaponie est une façon de ramener du vivant au cœur même du minéral. Et avec le bruit de l’eau qui circule, c’est comme des jardins japonais comestibles.

Poésie à part, les enjeux sont bien là : changement climatique, croissance démographique et urbaine, raréfaction des ressources et des aliments de

qualité. Pouvoir produire partout, et a fortiori là où on est le plus nombreux, en optimisant l’usagedes ressources : l’aquaponie n’est pas une option négligeable. Et cerise sur la gâteau, les rendements sont excellents. Pour 1 kilo de poissons, on peut espérer 20 kg de légumes tout ça pour 1.2 kg d’aliments à poissons (et oui, comme ils ont le sang froid, ça convertit beaucoup mieux qu’un bœuf – quel comble!)

Après comme toujours, il y a différente vision – de la super ferme au système DIY1. Sur les toits ou dans des hangars désaffectés. Du projet associatif au business pur et dur. Pour soi ou pour la communauté. Il y plein de manières de réinvestir la ville en tant qu’espace productif agricole. Et il y a fort à parier que ce type de production va croitre et prendre des formes variables selon les approches. La preuve ? Quasi absente de l’Europe il y a peu, elle fleurit actuellement, et pas seulement en Angleterre et en Allemagne. Trois unités, dont deux publiques, ont vu le jour cette année … à Bruxelles! L’une se trouve au village partenaire de Saint-Gilles, une autre du côté d’éco-innovation et la troisième en face du Kaaitheater au moment où ces lignes sont écrites. 1.„Do it yourself“

l’aquaponie

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en brefCoup dur pour l’association Kokopelli qui se bat pour la biodiversité cultivée en diffusant des variétés anciennes et modernes de semences: la Cour Européenne de Justice a condamné l’association à verser 12.000 euros au grainetier Baumaux et 23.000 euros à l’État et à la Fédération des industriels de la semence. En commercialisant des graines de semences potagères ne figurant ni sur le catalogue français ni sur le catalogue commun des variétés des espèces de légumes de l’Union Européenne, Kokopelli se livre à des actes de... concurrence déloyale! Kokopelli est désormais un pirate des semences. No pasaran!

Lu sur le site d’Inter-environnement Bruxelles: «Sur le site de Tour et Taxis dans la zone située sur Bruxelles-Ville , le promoteur T&T Project a introduit une demande de permis pour la construction du futur siège de Bruxelles Environnement. L’analyse du projet fait apparaître plusieurs contradictions […] notamment une demande démesurée d’emplacements de stationnement. […] Un comble pour un lieu qui se veut à la pointe du progrès et qui entend accueillir l’administration bruxelloise en charge des matières environnementales».Le développement durable, ca roule!

A Todmorden, petite ville du nord de l’Angleterre frappée par la crise des subprimes, des citoyens résistent à la crise en faisant pousser fruits et légumes partout dans la ville et les 14 000 habitants n’auraient ainsi plus qu’à se baisser pour se nourrir. « Il n’a pas été utile de mettre un panneau “Merci de ne prendre que ce dont vous avez besoin”, car on n’a jamais vu quelqu’un prendre plus que ce dont il avait besoin. Ça appartient à tout le monde, donc il ne peut pas y avoir de vol. »L’abondance plutôt que la rareté: vous l’avez rêvé, la permaculture le fait.

Lu sur la page facebook de éco-innovation:«Eco innovation is now a leader in urban potagers in the Brussels Capital Region (RBC)». Eco-innovation n’a qu’à bien se tenir: le Centre d’écologie urbaine est leader de la récupération.

Depuis mars 2012, des voitures électriques, les «zen car», sont disponibles à la location à Bruxelles. Avec Zen Car, on réduit sa dépendance au pétrole, on voyage de manière soutenable et on a des places de parking durables. La batterie est biodégradable, sans doute. Et l’électricité? L’électricité zen vient de «VertPlus» d’électrabel. Et si quelqu’un demande ce que c’est que VertPlus, alors on dira que c’est mieux et donc un peu plus cher. Vertplus est quelque part entre le nucléaire Zen, le charbon Cool et le gaz Bouddhiste.

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Le trafic routier grossit et la ceinture de Bruxelles devient trop petite, il n’y a plus de place pour les voitures Zens. Le gouvernement flamand veut donc doubler la largeur du ring. Du coup, des associations comme PlaceOvélo et Camp(r)ing se mobilisent. Dans la nuit du 31 au 1er septembre, ils ont festivement occupé le ring dans le but d’arrêter ce projet shadockien.En période de crise, il faut se serrer la ceinture !

Désobéir ! L’air du Centre ville de Bruxelles sent mauvais, il est plein de voitures et les autorité sont molles et lentes, sauf notre respect. A l’appel de Philippe Van Parijs, professeur aux Universités de Louvain et d’Oxford, «un brin de désobéissance civile douce est plus que légitime». Il invite à des pique-niques sauvages devant la bourse. Il rappel au passage que «Le 7 mai 1971, le magazine anglophone bruxellois The Bulletin lançait une pétition pour obtenir de libérer de toute circulation automobile la Grand-Place de Bruxelles, « the word’s most beautiful car park ». Signée par de nombreux Bruxellois, dont Jacques Brel, elle ne parvient pas à faire bouger les autorités communales. Le Bulletin organise alors un sit-down protest sous forme d’un pique-nique bloquant gentiment l’accès à la Grand-Place à tout véhicule. Quelques mois plus tard, le bourgmestre Cooremans cède enfin. Qui s’en plaint aujourd’hui ?» Vinci peut-être qui a perdu l’occasion d’exploiter le palace des parkings.

Sur une initiative du Bral vzw, un large réseau d’associations a diffusé un appel à idée pour l’aménagement du boulevard Anspach. Les copies ont été rendues le 16 septembre 2012 et les lauréats seront donnés début octobre sur www.bralvzw.be et www.anspachpark.be. Chacun peut en attendant donner son avis. Vous pouvez écrire à piet@bralvzw pour vos questions. A bientôt le boulevard Ansparc ?

Une partie du potager de Tours et Taxi subventionné par Bruxelles-Environnement a été détruit par les bulldozers en charge de faire place nette pour la construction, roulement de tambours, du siège de Bruxelles-Environnement. Comme dirait le Canard Enchaîné, le mur du çon a été franchit!

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Gaïa Scienza est la gazette du Centre d’écologie urbaineConcept et coordination Pierre Honoré

Equipe éditoriale Swen Oré, Dr Rabbit, Stephan Kampelmann, Simon de Muynck, Juliette Duchange

Conception graphique Olga Constant

E-mail [email protected] www.urban-ecology.be

ISSN 2034-0133

Photo de couverture les jardiniers d’Ernotte.

crédit photo: www.dyod.be

Photo de dernière de couverture

cyvlo-nudistacrédit photo: creative

commons - bara-koukoug

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