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[email protected] Version juin 2018 Fiche d’information Gaz naturel Biogaz Power - to - Gas Potentiels, limites, besoins en infrastructures Résumé L’objectif ancré dans l’Accord de Paris sur le climat, visant à éviter les bouleversements climatiques catas- trophiques, exige que la combustion de gaz naturel d’origine fossile cesse presque totalement en Suisse, au plus tard au cours des deux décennies à venir. Cette échéance soulève la question de savoir dans quelle mesure le gaz naturel peut être remplacé, dans ce dé- lai, par des alternatives plus respectueuses du climat comme le biogaz ou le gaz synthétique. Pour qu’à moyen terme, le biogaz devienne respectueux du cli- mat, son bilan en matière d’émissions de gaz à effet de serre doit être amélioré de manière significative. D’une manière ou d’une autre, le biogaz indigène n’est pas en mesure de se substituer à plus d’un neuvième des ventes actuelles de gaz naturel fossile, même en exploitant son plein potentiel. Le biogaz importé © GLOBAL WARMING IMAGES / WWF

Gaz naturel–Biogaz–Power-to-Gas - WWF

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Fiche d’information

Gaz naturel – Biogaz – Power-to-GasPotentiels, limites, besoins en infrastructures

RésuméL’objectif ancré dans l’Accord de Paris sur le climat,visant à éviter les bouleversements climatiques catas-trophiques, exige que la combustion de gaz natureld’origine fossile cesse presque totalement en Suisse,au plus tard au cours des deux décennies à venir. Cetteéchéance soulève la question de savoir dans quellemesure le gaz naturel peut être remplacé, dans ce dé-lai, par des alternatives plus respectueuses du climatcomme le biogaz ou le gaz synthétique. Pour qu’àmoyen terme, le biogaz devienne respectueux du cli-mat, son bilan en matière d’émissions de gaz à effet deserre doit être amélioré de manière significative.D’une manière ou d’une autre, le biogaz indigène n’estpas en mesure de se substituer à plus d’un neuvièmedes ventes actuelles de gaz naturel fossile, même enexploitant son plein potentiel. Le biogaz importé

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n’entre pas en ligne de compte à titre de solution en-visageable à terme, par le simple fait que son potentieldurable en Europe est bien trop faible pour la décar-bonisation du secteur énergétique. Par ailleurs, leclient suisse achetant actuellement du biogaz importéne profite pas de l’entière plus-value écologique de sonbiogaz – mais reçoit du gaz naturel fossile certifié. Lesgaz synthétiques ne ménagent le climat que s’ils sontproduits, entre autres, avec 100% de courant renouve-lable produit en plus. Les pertes de rendement élevéesdes procédés Power-to-Gas (PtG) ont pour effet derendre les coûts du gaz synthétique nettement plusélevés que ceux de l’utilisation directe de l’électricité(pompes à chaleur, mobilité électrique), et d’accroîtrefortement le besoin de production de courant supplé-mentaire, avant tout d’origine éolienne et solaire.Dans le secteur du bâtiment, la baisse des besoinsénergétiques, l’utilisation directe d’énergies renouve-lables (géothermie en profondeur, énergie solairethermique, bois) ainsi que les pompes à chaleur ali-mentées par du courant renouvelable doivent être pri-vilégiées. Il reste au gaz synthétique avant tout leschamps d’application où une utilisation efficace et di-recte de l’électricité n’est pas possible. On ignore en-core si le PtG sera nécessaire pour le stockage saison-nier de l’électricité. Même si le PtG était utilisé dans cebut, le réseau de distribution de gaz serait superflu.

Il faut donc s’attendre à voir reculer massivement lesventes d’agents énergétiques gazeux en Suisse en l’es-pace de quelques décennies. Cette évolution aura desconséquences pour les propriétaires et les exploitantsde réseaux de distribution de gaz, c’est-à-dire pour lesfournisseurs ainsi que les villes et communes: desadaptations de la durée d’amortissement, de la tarifi-cation et de la planification de l’entretien sont doncurgentes, comme la mise en œuvre d’une planificationintelligente, régionale et différenciée du démantèle-ment des réseaux de distribution de gaz. Si ces me-sures ne sont pas prises, l’exposition au risque des ex-ploitants et propriétaires de réseaux va fortementaugmenter et les objectifs de l’Accord de Paris sur leclimat vont devenir difficilement accessibles.

Comment et pourquoiutilisons-nousdu gaz naturel aujourd’hui?La part du gaz naturel dans la consommation finaled’énergie en Suisse est de tout juste 14%, plaçant cetagent énergétique en troisième position derrière le

1 OFEN. Statistique globale suisse de l’énergie 20162 Ces chiffres et les suivants sont extraits de: Statistique an-nuelle de l’ASIG 2017

pétrole et l’énergie hydraulique1. Tandis que la con-sommation de gaz naturel est restée plutôt constanteen chiffres absolus (environ 36 000 GWh en 2016), sapart dans la consommation globale (en baisse) aug-mente sans cesse2. Près des deux tiers du gaz naturelservent à des applications à basse température (chauf-fage de locaux et d’eau) dans les foyers et les entre-prises de services, tandis qu’un tiers revient à l’indus-trie (chaleur utilisée dans les processus). Les agentsénergétiques gazeux n’ont joué à ce jour qu’un rôle mi-nimal dans le trafic et la production d’électricité enSuisse. L’ensemble du gaz naturel consommé enSuisse est importé, pour l’essentiel de l’UE, de Russieet de Norvège.

Le réseau de conduites en Suisse, sans les raccorde-ments aux ménages, s’étend sur près de 20 000 km –la majeure partie (environ 17 500 km) faisant partiedes réseaux de distribution régionaux. En comparai-son internationale, le réseau suisse est plutôt petit (leréseau de gaz naturel allemand complet est environ 25fois plus grand3). Il n’est pas conçu pour stocker d’im-portantes quantités de gaz naturel: sa limite est de 28GWh (en raison des variations de pression). S’y ajou-tent de petites installations de stockage journalier,d’une capacité totale de 49 GWh, permettant de cou-vrir la consommation de gaz naturel en Suisse pen-dant 18 heures. Il n’existe par ailleurs pas d’installa-tion de stockage de grande ampleur en Suisse. Pourcompenser les petites variations et assurer l’approvi-sionnement, notre pays s’est assuré, par un accord bi-latéral, un droit d’accès au réservoir naturel d’Etrez,en France. La capacité de stockage disponiblepour le gaz naturel se monte ainsi à 1510 GWh4

en tout et couvre la consommation suisse pour15 jours.

Quelle est la pertinence du gaznaturel pour la protectiondu climat?La combustion de gaz naturel dégage du CO2, un gaz àeffet de serre. L’effet du gaz naturel sur le climat estencore plus important lorsqu’il n’est pas brûlé et qu’ilest libéré directement dans l’atmosphère, le potentieldu méthane en matière d’effet de serre étant nette-ment plus élevé que celui du CO2. Pour des raisons deprotection du climat, le gaz naturel devrait rester sipossible sous la surface de la terre.

3 https://www.fnb-gas.de/de/fernleitungsnetze-/zahlen-und-fakten/zahlen-und-fakten.html4 HSR. Speicherkapazität von Erdgas in der Schweiz. 2017

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Le facteur d’émission du gaz naturel est de 228 g CO2eq

par kWh de teneur en énergie finale en prenant encompte la production et le transport en Suisse5. Lesémissions spécifiques sont ainsi d’un quart inférieuresà celles du mazout, près de deux fois plus élevées quecelles du biogaz (130 g CO2eq par kWh) et environ neuffois plus importantes que celles des pellets en bois6.L’utilisation du gaz naturel comme combustible occa-sionne en Suisse près de 7 millions de tonnes de CO2eq,par année, soit près d’un cinquième des émissions deCO2 liées à l’énergie en Suisse.7

Si la Suisse prend au sérieux l’Accord de Paris sur leclimat qu’elle a ratifié au niveau international, sonbudget d’émissions nationales nettes à compter del’année d’entrée en vigueur de l’accord (2016) est li-mité à 450 millions de tonnes de CO2eq maximum. Encas de diminution linéaire, la Suisse devra réduire sesémissions nettes à zéro sur son territoire au plus tardjusqu’en 2038.8 Et même si l’on se base sur des hypo-thèses moins strictes et que l’on accorde à la Suissequelques années d’émissions fossiles supplémen-taires, la conclusion reste la même: la combustion detoutes les matières premières fossiles, et donc aussicelle du gaz naturel, doit être terminée au plus tarddans deux à trois décennies. Le futur proche est placésous le signe du 100% renouvelable et du 0% gaspil-lage. En effet, l’objectif «zéro net» tolère encore aumieux les émissions que les connaissances actuellesne permettent pas totalement d’éliminer, commecelles de l’agriculture, et qui doivent donc être com-pensées par des émissions négatives. Les usages pré-vus du gaz naturel dans notre pays – chaleur dans leshabitations, eau chaude, processus industriels – peu-vent et doivent en revanche pouvoir fonctionner sans

5 Selon certaines études, les fuites de méthane durant l’ex-traction et le transport sont nettement sous-estimées. Entout cas, le gaz issu du fracking présenterait un facteurd’émission nettement plus élevé. https://jere-myleggett.net/2016/05/09/an-open-letter-to-solar-compa-nies-beware-alliance-with-the-gas-and-oil-industry/ consultéle 23.5.20186 KBOB. Données des écobilans dans la construction2009/1:2016 20177 OFEV. Emissions des gaz à effet de serre d’après la loisur le CO2 et d’après le Protocole de Kyoto, seconde pé-riode d’engagement (2013-2020). 2017

énergies fossiles. Dans le secteur du bâtiment en par-ticulier, les besoins énergétiques actuels peuvent êtrefortement réduits et le reste couvert par les énergiesrenouvelables9.

En bref: l’objectif global porté par l’ensemblede la société visant à éviter les bouleverse-ments climatiques catastrophiques exige,entre autres, que la combustion de gaz natureld’origine fossile en Suisse cesse presque tota-lement au cours des deux décennies à venir auplus tard.

Si le gaz naturel fossile n’a plus sa place dans le sys-tème d’approvisionnement énergétique du futurproche, la question se pose de savoir quel rôle peuventjouer les agents énergétiques plus respectueux du cli-mat comme le biogaz ou le gaz synthétique et quellessont les infrastructures nécessaires dans ce but.

Quel est le rôle joué par le bio-gaz?D’après la statistique globale suisse de l’énergie del’OFS, près de 1360 GWh d’énergie brute ont été pro-duits sous forme de biogaz en 201610. Sur cette quan-tité, moins d’un quart (317 GWh) s’est retrouvé dansle réseau, le reste ayant servi à produire de l’électri-cité et/ou de la chaleur sur le lieu de sa production.En effet, en raison de la complexité technique, le trai-tement et l’injection du gaz dans le réseau ne sont ac-tuellement judicieux que pour les installations de

8 EBP. Budget CO2 de la Suisse. Rapport succinct. 2017Le cas échéant plus tôt encore: Eckardt et al. Paris-Abkom-men, Menschenrechte und Klimaklagen. 20189 Agora Energiewende. Efficiency First: Wie sieht ein effi-zientes Energiesystem in Zeiten der Sektorkopplung aus?2017: «La réduction de la consommation d’énergie primairedes bâtiments a une importance décisive dans la réalisationdes objectifs climatiques.»10 OFEN. Statistique globale suisse de l’énergie 2016. 2017

301228

130 10827

MazoutEL

Gaznaturel

Biogaz Chauffageà distance

Granules(pellets)

Emissions influençant le climatg CO2eq/ kWh énergie finale

01020304050

1990

1994

1998

2002

2006

2010

2014

2018

2022

2026

2030

2034

2038

Mio

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Objectif de protection climatique dela Suisse compatible avec l'Accord

de Paris

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production de très grande taille (au nombre de seule-ment 27 en Suisse en 2016). Au biogaz suisse injectés’est ajoutée en 2016 environ la même quantité (294GWh) de biogaz importé de l’étranger (surtout d’Alle-magne et du Danemark). Récemment, tant l’injectionde biogaz que l’importation de biogaz ont fortementaugmenté. Cependant, le biogaz représente à ce jourmoins de 2% des ventes totales de gaz.11 Dans cesconditions, la marque «gaz naturel/biogaz»(ou même dans l’ordre inverse «biogaz/gaznaturel) utilisée par la branche dans sa com-munication frise la tromperie à l’égard desconsommateurs. Pour correspondre aux pro-portions réelles, le logo «Biogaz» devrait être50 fois plus petit que le logo «Gaz naturel».

Biogaz suisseQuelle quantité de biogaz supplémentaire peut êtreproduite de façon durable en Suisse? Ce n’est pas unhasard si les données varient suivant les études, enfonction des hypothèses de départ12. Seul point d’en-tente: le substrat présentant les meilleures perspec-tives est l’engrais de ferme. Si l’on se base sur la publi-cation la plus récente, on parvient à un potentielexploitable techniquement et durablement, non en-core totalement utilisé à l’heure actuelle, de maximum6750 GWh/an de teneur en énergie primaire. S’y

11 Statistique annuelle de l’ASIG 2017.12 Steubing et al. Bioenergy in Switzerland: Assessing thedomestic sustainable biomass potential. 2010.econcept. Gekoppelte Wärme- und Stromproduktion aus Bi-omasse für die Schweiz: Vision – Strategie - Massnahmen.2011.WSL. Biomassepotenziale der Schweiz für die energetischeNutzung. 2017.13 WSL. Biomassepotenziale der Schweiz für die energeti-sche Nutzung. 2017.14 Avec un rendement moyen de fermentation et de traite-ment de 45%, selon econcept. Gekoppelte Wärme- undStromproduktion aus Biomasse für die Schweiz: Vision –Strategie - Massnahmen. 2011

ajoutent encore jusqu’à 1640 GWh/an de teneur enénergie primaire de diverses sources (notamment dé-chets biogènes de l’industrie alimentaire, sous-pro-duits animaux et déchets de la transformation de laviande, déchets de la gastronomie, part biogène desdéchets des ménages, déchets biogènes de la collectedes déchets biodégradables, ainsi que biomasse à tex-ture solide des aires de circulation, des berges et desaires naturelles protégées) 13. Pris ensemble, ces élé-ments correspondent à un rendement du biométhanesupplémentaire à base de substrats indigènes de toutjuste 4000 GWh/an14. Comparé à la production ac-tuelle de 317 GWh/an, cela revient à un potentiel mul-tiplié par 12. Celui-ci ne pourra toutefois être pleine-ment exploité que dans des conditions optimales etune disposition maximale à en payer le prix15. En effet,dans les conditions actuelles, les petites installationsde production de biogaz basées uniquement sur l’en-grais de ferme ne sont pas rentables. De plus, le mar-ché des co-substrats nécessaires comme les déchetsorganiques de la gastronomie ou de l’industrie ou lesdéchets biodégradables est soumis à une concurrencede plus en plus féroce16. Même si tout le potentieldu biogaz en Suisse, ou presque, était dispo-nible, cet agent énergétique ne remplaceraitqu’un neuvième des ventes actuelles de gaz na-turel fossile (soit 36 000 GWh/an).

Le secteur de la restauration s’est fixé pour objectif in-termédiaire d’accroître à 30% la part de biogaz et degaz synthétique d’ici 203017. Pourtant, un élément estsouvent passé sous silence dans ce contexte: cet objec-tif ne fait pas référence à la consommation totale degaz, mais uniquement au secteur du chauffage (oumême seulement à la consommation de gaz des mé-nages18). Suivant la valeur de référence, il resterait en2030 encore entre 80 et 90% d’agent énergétique fos-sile dans le réseau de gaz en 2030 d’après la concep-tion du secteur de la gastronomie! Si l’on ne partpas du principe d’une baisse massive de la con-sommation de gaz, l’objectif du secteur de lagastronomie en matière de durabilité est par-faitement insuffisant en regard des exigencesde la protection du climat (voir ci-dessus).

15 Dans le scénario le plus favorable, les perspectives éner-gétiques 2050 du Conseil fédéral estiment qu’en 2030, le po-tentiel supplémentaire exploitable du biogaz sera de 1100GWh/an. Les ventes de biogaz en 2050 (indigène/importé)sont chiffrées à 2860 GWh/an.Prognos. Die Energieperspektiven für die Schweiz bis 2050.2012.16 USP. Praktischer Leitfaden Biogas. 2013La lutte contre le gaspillage alimentaire, nécessaire en poli-tique climatique, pourrait même contribuer à abaisser signifi-cativement les quantités de substrat correspondantes.17 ASIG. Notre avenir énergétique. Prise de position. 201618 Présentation de H.C. Angele le 18.5.2018

98.3%

0.9%0.8%

Agents énergétiques en reseau dedistribution de gaz 2016

Biogaz CHBiogazétranger

Gaz naturel fossile

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Etant donné que les potentiels techniques et écolo-giques du biogaz indigène susmentionnés s’entendentcomme limites supérieures à long terme, il manqueen outre au secteur une stratégie sur la manièred’abaisser, dans le temps limité à disposition de deuxdécennies, la part du gaz naturel d’origine fossile auniveau zéro, ou presque.

Le biogaz suisse est-il durable?

La Suisse ne prévoit pas de critères durables légauxpour l’utilisation du biogaz en tant que combustible(contrairement au biogaz utilisé comme carburant).En raison du cadre légal, il serait donc possible qu’unfabricant indigène de biogaz se mette à produire dugaz à base de matières premières renouvelables culti-vées spécialement à cet effet et à l’injecter dans le ré-seau, sans pour autant s’acquitter de l’impôt sur leshuiles minérales ni de la taxe sur le CO2, et sans res-pecter d’exigences minimales, quelles qu’elles soient.Le secteur gazier s’engage cependant en faveur du bio-gaz de production durable: celui-ci ne doit pas êtreissu de matières renouvelables produites spéciale-ment dans ce but; par ailleurs, les matières premièresservant à la production de biogaz ne doivent pas con-currencer directement la production de denrées ali-mentaires ou de fourrage19. La production de biogaz àbase de matières premières renouvelables en Suissene serait de toute manière pas rentable sans subven-tions spécifiques, du moins à l’heure actuelle.

En ce qui concerne le bilan écologique du biogaz issud’engrais agricole, le principe valable est le suivant: ilvaut mieux laisser fermenter le lisier et le fumier pourobtenir du biogaz que de ne pas utiliser ces matières.En effet, l’épandage d’engrais agricoles non traités li-bère dans l’atmosphère du méthane et du peroxyded’azote, des gaz à effet de serre très puissants. Bienque cette situation soit prise en compte par des déduc-tions dans le bilan climatique du biogaz, ce derniern’est nullement neutre pour le climat (voir ci-dessus).Un combustible n’émettant «que» 130 g CO2eq parkWh n’a pas non plus sa place dans un monde où lesémissions de gaz à effet de serre doivent être réduitesà zéro net. Pour que le biogaz devienne donc ré-ellement durable du point de vue de la protec-tion du climat, son bilan climatique doit être

19 ASIG. Les principes directeurs de l’industrie gazière suisseen matière de biogaz.20 Effenberger et al. Klassifizierung der Treibhausgas- undEnergiebilanz landwirtschaftlicher Biogasanlagen. 2014.Deutscher Bundestag. Wissenschaftliche Dienste. Treib-hausgasemissionen von Biogasanlagen. 2014.Vogel. Methanverluste vermeiden. 2013.21 Ecofys. Gas for Climate. 201822 Ainsi, 40% (!) des substrats sont des matières premièresrenouvelables. Des procédés de culture séquentiels (culturetout au long de l’année), utilisés à ce jour uniquement dansla production de biogaz en Italie, doivent en plus être étendus

amélioré de manière significative. Pour cela, lesémissions de méthane diffuses générées lors du stock-age préalable du substrat, dans l’installation de fer-mentation et dans l’entrepôt des restes de fermenta-tion doivent être évitées de manière conséquente. Ilexiste par ailleurs des potentiels d’optimisation enmatière de besoins énergétiques et d’émissions de CO2

lors du transport, du stockage, de la fermentation etde la fermentation ultérieure du substrat, de mêmeque lors du traitement du biogaz20.

Biogaz importéEtant donné qu’à l’avenir, le biogaz indigène ne serade loin pas en mesure de se substituer au gaz naturelvendu, le secteur mise fortement sur l’importation debiogaz. Aujourd’hui déjà, les importations représen-tent près de la moitié du biogaz écoulé en Suisse via leréseau de distribution. Ici, les questions suivantes seposent obligatoirement:

· Quel est le potentiel du biogaz durable en Europe?· Quelle part de ce biogaz sera vraisemblablement

utilisée à l’étranger même et quelle part sera dispo-nible pour les exportations à destination de laSuisse?

· Comment peut-on garantir que le bénéfice pourl’environnement du biogaz importé profite entière-ment au consommateur en Suisse?

L’étude la plus récente sur le potentiel du biogaz dansl’UE a été commandée par l’un des plus grands distri-buteurs de gaz européens21. Ce fait doit être pris encompte dans l’interprétation des résultats. L’étudeidentifie un potentiel pour l’ensemble de l’Europe(rendement du méthane et non énergie primaire) de1072 TWh/an de biogaz et de 263 TWh/an de gaz syn-thétique – soit en tout 1335 TWh/an. Ces chiffres re-posent sur des hypothèses en partie audacieuses etquestionnables, tant sur le plan de la politique clima-tique que de la protection de la nature22. Pour éviterde trop s’avancer, il est recommandé de réduire le ren-dement envisagé du biogaz de 50%. De la sorte, le bio-gaz dans l’UE couvrirait – comme en Suisse – aumaximum un neuvième des besoins actuels en la ma-tière (4500 TWh/an)23. Avec le potentiel du gaz syn-thétique, ce serait ainsi un sixième à un cinquième de

à presque tout le territoire européen (donc aussi dans deszones climatiques plus froides) dans un délai de seulementtrois décennies.A l’inverse, diverses études calculent même un recul de laproduction de biogaz et en particulier de son injection dansle réseau, du moins pour l’Allemagne. Pour une vuegénérale, consulter:Agentur für Erneuerbare Energien. Metaanalyse: Die Rolleerneuerbarer Gase in der Energiewende. 2018.23 http://ec.europa.eu/eurostat/web/products-datasets/-/nrg_103a – consulté le 6.4.2018

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la consommation de gaz actuelle de l’UE qui pourraitêtre couverte.

Pour la décarbonisation complète du secteurénergétique, l’UE devrait donc réduire la con-sommation actuelle de gaz d’au moins 80%. Cen’est qu’alors qu’il resterait quelque chose dupotentiel renouvelable du gaz de l’UE pour laSuisse. Il n’est absolument pas possible d’évaluer laquantité de gaz renouvelable qui serait réellement dis-ponible pour les exportations à destination de laSuisse, ni à quel moment. Il apparaît donc logique quela Suisse doive réduire ses besoins en gaz par des me-sures d’efficacité et le remplacement des agents éner-gétiques, au moins dans la même mesure que l’UE.

Le biogaz importé est-il réellement du biogaz?

Si le biogaz est injecté à un réseau de gaz local àl’étranger, ses molécules ne parviennent qu’excep-tionnellement jusqu’à la frontière suisse. D’un pointde vue physique, c’est donc du gaz naturel fossile quiest importé24. Par le biais du réseau, seul du biogaz«virtuel» peut être importé en Suisse. En d’autrestermes, cela signifie qu’à la frontière, du gaz naturelest physiquement importé, tandis que l’importateurreçoit un certificat garantissant entre autres que laquantité de biogaz correspondante a été injectée dansun réseau de gaz naturel étranger.25 Si le biogaz pro-vient d’Allemagne, la quantité correspondante est dé-comptée du registre allemand du biogaz lors de sonexportation en Suisse pour exclure qu’elle soit utiliséeà double pour un autre client26. Selon le Conseil fédé-ral, aucune garantie ne permet de s’assurer que c’estaussi le cas dans d’autres pays exportateurs27.

Même dans le cas contraire, serait-on certain que laplus-value écologique profite dans tous les cas entiè-rement aux clients suisses achetant du biogaz? – Non.La quantité de biogaz produite en Allemagne dépenden fin de compte des conditions-cadre locales. Etcelles-ci, à leur tour, sont fonction des objectifs

24 Il doit en conséquence aussi être déclaré comme gaz na-turel à la douane helvétique et grevé des impôts et taxes cor-respondants.25 Une telle attestation d’origine devrait à l’avenir aussi êtreutilisée pour le gaz naturel d’origine fossile, afin de permettresa traçabilité et, par exemple, d’exclure l’importation de gazde schistes (issu du fracking), qui nuit particulièrement à l’en-vironnement.26 Renseignement donné par écrit par le registre allemand dubiogaz le 15 mars 2018, voir aussi www.biogasregister.de27 Lors des importations de gaz «les doubles comptabilisa-tions ne peuvent pas être exclues et les exigences écolo-giques minimales ne peuvent pas être garanties.» Conseilfédéral. Message relatif à la révision totale de la loi sur le CO2

pour la période postérieure à 2020. 201728 Renseignement donné par écrit par le Ministère fédéral del’environnement allemand le 4.5.2018 et par l’OFEV. Marché

allemands de protection climatique. En effet, le biogazproduit en Allemagne est imputé au bilan CO2 alle-mand, et non aux objectifs suisses28. En d’autrestermes, si le biogaz est exporté en Suisse après sa pro-duction, cela n’a aucun effet sur la réalisation des ob-jectifs en Allemagne. D’un point de vue physique, dugaz naturel est exporté d’Allemagne en Suisse et lamême quantité de gaz naturel est importée en plus del’étranger vers l’Allemagne. Le client suisse ache-tant du biogaz importé ne profite donc pas del’entière plus-value écologique de son biogaz –mais obtient du gaz naturel fossile certifié.

Il manque par ailleurs le biogaz importé d’Europepour la décarbonisation locale (voir ci-dessous). Lastratégie d’importation de biogaz n’est donc certaine-ment pas durable.

Quel rôle joue le gaz synthé-tique?Sont qualifiés ici de «gaz synthétiques» tous les com-bustibles de forme gazeuse produits à l’aide d’électri-cité renouvelable (ci-après aussi «combustibles syn-thétiques»). Ce processus chimique, souvent appeléaussi «power-to-gas» (PtG), vise à produire de l’hy-drogène par électrolyse, à l’aide de courant renouve-lable. Pour des raisons techniques toutefois, l’hydro-gène ne peut être injecté directement dans le réseaugazier que de manière très limitée. Il est donc généra-lement transformé en méthane avec le CO2 au coursd’une étape ultérieure29. Le processus PtG peut aussiêtre combiné à la production de biogaz: lors de la mé-thanisation dite directe, le CO2 contenu dans le biogazréagit avec l’hydrogène et se transforme en méthane,ce qui permet de l’injecter dans le réseau de gaz avecle méthane contenu dans le gaz brut30.

international du biogaz dans le secteur des combustibles.2015Les objectifs de développement des énergies renouvelablesen Allemagne ne tiennent en revanche pas compte du bio-gaz exporté virtuellement par attestation d’origine. Rensei-gnement donné par écrit par le Ministère fédéral de l’environ-nement allemand le 8.5.2018.Il faudrait encore confirmer que ceci est également le casdans tous les autres pays exportateurs de biogaz pertinentspour la Suisse.29 En Suisse, la teneur en hydrogène est limitée à 2% de vo-lume, une limite qui est fixée à 5% en Allemagne. Elle pour-rait être augmentée à 10 ou 15%.Agora Energiewende. «Die zukünftigen Kosten strombasier-ter synthetischer Brennstoffe.» 201830 https://www.energie360.ch/de/energie-360/projekte/po-wer-to-gas-aus-erneuerbarem-strom-wird-gas/ – consulté le13.4.2018

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L’éventualité que le gaz synthétique ou les combus-tibles liquides («Power-to-Liquid», PtL) soient néces-saires pour la décarbonisation complète tient au faitqu’il n’y a pas suffisamment de biomasse issue de pro-duction durable pour remplacer les combustibles uti-lisés que sont le charbon, le pétrole ou le gaz par dubois, du biogaz ou des biocombustibles partout où lesprocessus de combustion joueront un rôle à l’avenir31.La question est de savoir dans quels buts d’utilisationet dans quelles quantités le gaz synthétique pourra oudevra jouer un rôle technique et économique32.

Le gaz synthétique est-il écologique?Le gaz synthétique n’est écologique quelorsqu’il remplit au moins trois conditions33:

· Le courant nécessaire à l’électrolyse doit provenirexclusivement de sources renouvelables.

· L’électricité doit par ailleurs être purement excé-dentaire (c’est-à-dire que si elle n’était pas utiliséede cette manière, les éoliennes devraient être arrê-tées) ou être produite en plus. Dans le cas contraire,il s’agit d’un pur déplacement d’énergie renouve-lable d’un secteur à l’autre: «l’excédent» versé dansle secteur de la production de chaleur ou des trans-ports s’accompagnerait d’un déficit d’énergie renou-velable dans celui de l’électricité.

· Le CO2 nécessaire à la méthanisation doit être ex-trait de l’air («Direct Air Capture») ou de sourcesbiogènes durables. Le CO2 fossile n’entre plus enquestion à moyen terme, puisque la combustion dugaz synthétique le libérerait dans l’atmosphère. Oualors, il devrait être éliminé et stocké en sécuritéhors de l’atmosphère ou être injecté dans un circuitcarbone fermé, ce qui exigerait à son tour une dé-pense d’énergie élevée. Dans la perspective d’unedécarbonisation complète, la disponibilité du CO2

fossile est de toute manière fortement limitée34.

Le PtG n’est pas non plus entièrement neutre sur leplan climatique, en raison de la dépense énergétiquenécessaire à la mise en place de l’infrastructure et en

31 Agora Energiewende. «Die zukünftigen Kosten stromba-sierter synthetischer Brennstoffe.» 201832 voir p. ex. Panos & Kanan. Challenges and Opportunitiesfor the Swiss Energy System in Meeting Stringent ClimateMitigation Targets. 2018. Les auteurs partent p. ex. du prin-cipe qu’en 2050, 1600 GWh H2 seront produits à partir decourant d’origine renouvelable, mais que sur cette quantité,seulement 230 GWh de CH4 ou de H2 pourront être injectésdans le réseau gazier.33 Agora Energiewende. «Die zukünftigen Kosten stromba-sierter synthetischer Brennstoffe.» 201834 Agora Energiewende. «Die zukünftigen Kosten stromba-sierter synthetischer Brennstoffe.» 2018Institut Öko. «Prüfung der klimapolitischen Konsistenz undder Kosten von Methanisierungsstrategien.» 201435 Agentur für Erneuerbare Energien. Metaanalyse: Die Rolleerneuerbarer Gase in der Energiewende. 2018.

particulier en raison des émissions de méthane, qui nepeuvent entièrement être évitées, lors de la productionet du transport du gaz.

Le gaz synthétique peut-il se maintenir sur lemarché?Les installations PtG/PtL exigent d’importants capi-taux et engendrent des coûts fixes élevés. Chaqueheure d’exploitation réalisée en plus est en consé-quence essentielle pour les coûts des combustiblessynthétiques, puisque plus l’utilisation des installa-tions est importante, meilleur marché sont les coûtsde l’électrolyse35. Les études réalisées montrent queles installations PtG/PtL ont besoin d’au moins 3000à 4000 heures à pleine charge par année et d’électri-cité très bon marché pour pouvoir être rentables. Ceciest d’autant plus valable pour les électrolyseurs àhautes températures, plus efficaces, qui doivent fonc-tionner en permanence36. Sur le long terme, mêmel’Allemagne – dont la part de production électriqueéolienne et solaire fluctuante est nettement plus éle-vées qu’en Suisse – ne produira pas d’électricité excé-dentaire dans ce cadre temporel37. Les parts modestesde courant excédentaire disponible à l’échelle localedevraient être complétées par d’importantes quantitésd’électricité renouvelable bon marché38. Comme

36 Agora Energiewende. «Die zukünftigen Kosten stromba-sierter synthetischer Brennstoffe.» 2018Energy Brainpool contredit cette hypothèse. Auf dem Weg indie Wettbewerbsfähigkeit: Elektrolysegase erneuerbaren Ur-sprungs. 2018. Selon sa thèse, les coûts fixes vont nette-ment baisser à l’avenir et, dans leur sillage, la pertinence desheures à pleine charge.37 Agora Energiewende. «Die zukünftigen Kosten stromba-sierter synthetischer Brennstoffe.» 2018Ce n’est qu’à partir d’environ 90% (!) d’énergie éolienne etsolaire fluctuante que l’Allemagne produirait un excédentd’électricité issue de sources renouvelables pendant près de4000 heures par année.38 Agora Energiewende. «Die zukünftigen Kosten stromba-sierter synthetischer Brennstoffe.» 2018. A cela s’ajoute lefait qu’en matière d’utilisation du courant excédentaire gra-tuit, les installations PtG/PtL entreraient en concurrence au

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montré ci-dessus, ce courant doit être produit en plus,afin que le PtG/PtL contribue à la protection du cli-mat. En conséquence, les installations PtG/PtL nepeuvent pas seulement prendre en compte, dans leurcalcul, les «déchets de la production électrique» gra-tuits, mais doivent assumer les coûts entiers de la pro-duction du courant à base d’énergies renouvelablesnécessaire en plus. La question de savoir si les fraisd’utilisation du réseau pour le courant utilisé serontprélevés ou non est également pertinente.39

S’ajoutent à cela les coûts non négligeables du proces-sus de méthanisation lorsque la production ne se li-mite pas au seul hydrogène. C’est particulièrement lecas quand le CO2 nécessaire doit avant tout provenirde la technologie onéreuse de «Direct Air Capture» etmoins de sources ponctuelles concentrées (combus-tion et fermentation de biomasse). Dès que des quan-tités importantes de gaz synthétique doivent être pro-duites, la technique de «Direct Air Capture» devrait,selon les connaissances actuelles, être de plus en plusutilisée, le potentiel quantitatif du CO2 de sources bio-gènes durables étant limité.

Même dans l’hypothèse, improbable, où l’électricitéserait disponible gratuitement en quantité nécessaire(heures à pleine charge), il faut s’attendre à ce que lescoûts de production du méthane synthétique soientimportants. Quoi qu’il en soit, les coûts de pro-duction des combustibles et des carburantssynthétiques devraient rester durablementplus élevés que les coûts d’exploitation deleurs alternatives fossiles – pour autant qu’au-cune tarification suffisamment élevée du CO2

ne s’applique40.

A quelle quantité de gaz synthétique est-on endroit de s’attendre?Les quantités potentielles de gaz synthétique sont enthéorie très importantes. En effet, sa production nenécessite «que» du courant excédentaire, de l’eau etdu CO2. Si l’on met provisoirement de côté les obs-tacles économiques susmentionnés à la compétitivitédu gaz synthétique sur le marché, la question la plusintéressante est alors celle de savoir combien de cou-rant excédentaire serait nécessaire: si la

niveau local avec d’autres charges raccordables, souventnettement meilleur marché, telles que les systèmes «Power-to-Heat», les batteries et les applications industrielles.39 Energy Brainpool. Auf dem Weg in die Wettbewerbsfähig-keit: Elektrolysegase erneuerbaren Ursprungs. 2018.40 Energy Brainpool ne contredit pas non plus ce point. Aufdem Weg in die Wettbewerbsfähigkeit: Elektrolysegase er-neuerbaren Ursprungs. 201841 32ʼ000 GWh PtG produits à base d’électricité avec un ren-dement moyen de 0,56.

consommation de gaz en Suisse reste au niveau actuel(soit env. 36 000 GWh) et si le potentiel du biogaz in-digène est exploité au maximum (env. 4000 GWh),une production d’électricité supplémentaire d’env.57 000 GWhel serait nécessaire pour couvrir les be-soins restants avec le PtG41! Cela correspond assezexactement à la production d’électricité actuelle enSuisse (qui n’est de loin pas complètement renouve-lable). En d’autres termes, en plus du remplacementdes centrales nucléaires vieillissantes, en plus de lafourniture d’électricité nécessaire à l’électromobilitécroissante et en plus de la consommation électriquedes nouvelles pompes à chaleur (qui seraient néces-saires dans ce scénario, au moins pour le remplace-ment des chauffages à mazout), la productiond’électricité en Suisse devrait être doublée – etceci dans un délai de deux à trois décennies42.L’ampleur de la tâche montre clairementqu’un maintien complet de l’infrastructure ga-zière en Suisse dans l’espoir de pouvoir utili-ser du biogaz et des gaz synthétiques n’est pasjustifié.

Le gaz synthétique est-il nécessaire dans lesecteur du bâtiment?Les avantages du gaz synthétique (ou aussi ceux ducombustible et du carburant liquide) par rapport àl’utilisation directe de l’électricité résident dans sadensité énergétique élevée, la capacité à le stocker etl’infrastructure en partie déjà en place – des caracté-ristiques que les combustibles synthétiques partagentavec les combustibles fossiles43. Les combustibles fos-siles ont toutefois un gros désavantage: comparée àl’utilisation directe de l’électricité, leur production en-traîne d’importantes pertes énergétiques lors de latransformation. Deux conséquences immédiates enrésultent: d’une part, les coûts du PtG (et duPtL) sont en principe nettement plus élevésque ceux de l’utilisation directe de l’électricité.D’autre part, il en résulte un besoin sensible-ment plus important de production d’électri-cité d’origine éolienne et solaire44. Ainsi, le PtGne permet aujourd’hui de ne produire en moyenne que0,56 kWh de combustible à partir de 1 kWh de courantde production renouvelable45.

42 Ces calculs sont naturellement très simplifiés et ne tiennentpar exemple pas compte des importations. Mais comme pourle biogaz et le PtG, la Suisse ne doit pas, en matière d’élec-tricité renouvelable, compter sur une capacité d’importationillimitée de l’étranger.43 Agora Energiewende. «Die zukünftigen Kosten stromba-sierter synthetischer Brennstoffe.» 201844 Agora Energiewende. «Die zukünftigen Kosten stromba-sierter synthetischer Brennstoffe.» 201845 Institut Öko. «Prüfung der klimapolitischen Konsistenz undder Kosten von Methanisierungsstrategien.» 2014

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Les conséquences des pertes de rendement au coursde la chaîne de production peuvent être illustrées àl’exemple des différents systèmes de chauffage, par-tant de l’électricité produite à base de sources renou-velables (voir illustration). Le rendement total maxi-mum est réalisé par la pompe à chaleur électrique,avec une performance de 285%. Contrairement à de

nombreuses autres technologies, celle-ci occasionneun effet de levier particulier: elle permet en effet d’ex-ploiter la chaleur de l’environnement (présente dansl’air, le sol ou l’eau), dont la quantité est supérieure àcelle de l’électricité nécessaire pour faire fonctionnerla pompe, de sorte que des valeurs supérieures à 100%peuvent être réalisées. Dans l’exemple choisi ici, lapompe à chaleur met à disposition une quantité dechaleur trois fois supérieure à la quantité d’électriciténécessaire (JAZ=3.0). Suit la chaudière à gaz à con-densation avec un rendement total de 50%. Le chauf-fage à piles à combustible ferme la marche avec 45%.Ses produits finis peuvent être répartis en parts plutôt

46 On pourrait également partir du principe que l’électricitéproduite est transformée en chaleur (dans la maison voisine)par une pompe à chaleur présentant un rendement corres-pondant. Cela aurait pour effet d’augmenter le rendement to-tal, p. ex. de faire passer celui des piles à combustible PtG àenviron 84%. Cela reste toutefois 3,5 fois inférieur à la per-formance des pompes à chaleur.47 Agentur für Erneuerbare Energien. Metaanalyse: Die Rolleerneuerbarer Gase in der Energiewende. 2018.48 voir FNB Gas. Der Wert der Gasinfrastruktur für die Ener-giewende in Deutschland. 2017.

égales, entre les deux composants que sont la chaleur(24%) et l’électricité (21%), de manière similaire à cequi se passerait avec un moteur à gaz CCF46. Le ren-dement total d’une pompe à chaleur électriqueest ainsi cinq à six fois supérieur à celui des so-lutions alternatives alimentées par des gazsynthétiques. Bien entendu, le rendement de l’élec-

trolyse et de la méthanisation va encore s’améliorerdans le sillage du progrès technique, des investisse-ments dans la recherche et le développement, et d’unepénétration accrue sur le marché47. Cependant, detelles améliorations devraient aussi se produire dansle domaine des pompes à chaleur.

Tant qu’il n’est pas clairement attesté que ce désavan-tage indéniable des gaz synthétiques, qui repose surdes principes physiques, ne peut pas être surcom-pensé par d’autres avantages48 – par exemple en ma-tière de coûts d’infrastructures –, il semble évident desuivre en premier lieu toutes les solutions techniques

Les hypothèses sur lesquelles repose la justification del’avantage pour l’économie globale d’un scénario PtG danscette étude paraissent toutefois discutables. Ainsi, plus de80% des économies avancées sont le fait des coûts d’inves-tissement plus élevés des voitures électriques par rapportaux voitures équipées de moteurs à combustion ainsi quedes pompes à chaleur vis-à-vis des chauffages à gaz. Oùsont les coûts d’exploitation bas de l’électricité utilisée direc-tement?

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possibles offrant de faibles pertes de transformation –c’est-à-dire l’utilisation directe de l’énergie électrique.

Dans le secteur du chauffage des bâtiments,cela signifie que la baisse importante des be-soins énergétiques49, l’utilisation directe desénergies renouvelables (soit avant tout l’utili-sation de la géothermie profonde, de la ther-mie solaire et, dans une mesure limitée dubois), ainsi que les pompes à chaleur alimen-tées par de l’énergie renouvelable constituentla voie à suivre. Ce n’est que lorsque l’isolation suf-fisante des bâtiments n’est pas possible pour des rai-sons techniques ou économiques que les combustiblessynthétiques peuvent représenter une alternative; soitcomme agent énergétique unique – avec des piles àcombustible CCF ou des chaudières à condensation –ou en lien avec des pompes à chaleur en guise dechauffages hybrides50. Il serait toutefois contrepro-ductif que la perspective de l’utilisation des combus-tibles synthétiques basée sur l’électricité dans deschaudières à gaz ou à pétrole mène à une réduction dunombre de bâtiments rénovés pour en optimiser l’effi-cacité énergétique. Ce point relève notamment de lalongue durée de vie des bâtiments: en effet, seule unerénovation énergétique permet de conserver toutes lesoptions pour des décisions ultérieures en matière detechnologie de chauffage – que ce soit en faveur d’unepompe à chaleur ou du gaz synthétique – et d’offrir laflexibilité nécessaire pour le cas où des attentes parti-culières à l’égard de l’évolution future des coûts desagents énergétiques devaient ne pas se concrétiser51.

Il reste au gaz synthétique avant tout leschamps d’application où une utilisation effi-cace et directe de l’électricité n’est pas pos-sible. En font partie, le cas échéant, le transport rou-tier sur de longues distances, le secteur des transportsaériens et maritimes, les processus à très hautes tem-pératures dans l’industrie, les substances organiqueschimiques et éventuellement le stockage saisonnier del’électricité (voir plus bas). Ce constat confirme les ré-sultats des nombreux scénarios de protection du cli-mat établis à ce jour pour le système énergétique glo-bal (surtout en Allemagne) jusqu’en 205052. Sur le

49 Agora Energiewende. Efficiency First: Wie sieht ein effizi-entes Energiesystem in Zeiten der Sektorkopplung aus?201750 Agora Energiewende. «Die zukünftigen Kosten stromba-sierter synthetischer Brennstoffe.» 2018Chauffer un parc immobilier mal isolé, sans isolation supplé-mentaire, à 100% avec des combustibles synthétiques de-vrait toutefois s’avérer très peu rentable à long terme – enparticulier si la demande des secteurs disposant d’un fortpouvoir d’achat fait grimper le prix des combustibles.51 Agora Energiewende. «Die zukünftigen Kosten stromba-sierter synthetischer Brennstoffe.» 201852 Agentur für Erneuerbare Energien. Metaanalyse: Die Rolleerneuerbarer Gase in der Energiewende. 2018. «Alors que

plan de l’infrastructure, il en résulte d’autres exi-gences que celles valant à ce jour – l’une des consé-quences étant que le réseau de distribution de gazexistant perd sa raison d’être essentielle, c’est-à-direl’approvisionnement de différents biens immobilierspour des applications à faible température.

Le gaz synthétique est-il nécessaire pour lestockage saisonnier de l’électricité?L’argument le plus souvent avancé pour la préserva-tion du réseau de distribution de gaz et le développe-ment éventuel d’une infrastructure PtG est l’utilisa-tion des excédents d’électricité en été et l’assurance dela sécurité de l’approvisionnement électrique en hiver.Les phases prolongées au cours desquelles le vent etl’ensoleillement sont faibles dans de grandes partiesde l’Europe centrale, ce qui a plutôt tendance à se pro-duire en hiver, ne doivent pas présenter de dangerpour la couverture de la demande d’électricité. Ceci estd’autant plus valable que la charge électrique en hiverdevrait encore augmenter en raison d’un développe-ment massif des pompes à chaleur et de la mobilitéélectrique, et ce malgré l’exploitation des potentielsd’efficacité existants53. L’excédent de production élec-trique d’origine solaire et éolienne pourrait être stockésous forme de gaz synthétique à un rythme saisonnier,

toutes les études défendant des objectifs de protection duclimat ambitieux s’entendent pour dire que le PtG est indis-pensable comme option de flexibilité dans le secteur élec-trique, le potentiel le plus important pour le PtG se dessine,tous comptes faits, dans le secteur des transports et de l’in-dustrie.»53 SATW. Die Rolle von dezentralen Speichern für die Bewäl-tigung der Energiewende. 2016Ce serait pourtant indispensable si l’utilisation du gaz dansle secteur des bâtiments et des transports était faible et s’ac-compagnait du démantèlement correspondant du réseau dedistribution du gaz.

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pour être réinjecté dans les turbines à gaz ou les cen-trales à cycle combiné en hiver.

La littérature est partagée sur la question de savoirdans quelle mesure le cas, extrême, d’une baisse deproduction de deux semaines en Europe centrale re-présenterait un danger pour la sécurité de l’approvi-sionnement de la Suisse54. L’étude la plus récentecommandée par l’OFEN arrive à la conclusion qu’en2035, le besoin de stockage supplémentaire pour lacouverture de la charge résiduelle – c’est-à-dire de lademande non couverte par la production d’électricitédisponible – pendant deux semaines complètes, serade 500 GWhel au maximum, même avec les hypo-thèses les plus conservatrices55. A titre de comparai-son: la contenance énergétique des centrales hydrau-liques à accumulation en Suisse est actuellement deprès de 9000 GWhel56. A moyen terme, le développe-ment nécessaire par rapport au potentiel de stockageactuel est donc modéré.

Pour finir, il n’apparaît pas clairement quand,ni dans quelle mesure la Suisse aura besoin desolutions saisonnières supplémentaires pourle stockage de l’électricité. Les conditions àl’égard de l’infrastructure sont en revanche limpides sil’on désire miser sur le PtG. Et cet aspect est souventoublié: le réseau de distribution de gaz n’est pasnécessaire, puisque son potentiel de stockageest de toute manière faible (voir plus haut) etparce que le processus PtG comme la réinjec-tion s’avèrent plus rentables dans les unitéscentrales, de plus grandes dimensions. En re-vanche, des réservoirs de gaz de taille suffisante (dontla Suisse ne dispose actuellement que de manière li-mitée, voir plus haut) ainsi que quelques conduites degaz restantes du réseau de transport et turbines à gazraccordées à celles-ci et/ou des centrales à cycle com-biné seraient nécessaires57. Toute l’infrastructure de-vrait pouvoir se refinancer avec un nombre extrême-ment limité d’heures à pleine charge, sa capacité totalen’étant exploitée que dans l’éventualité assez impro-bable d’une baisse de la production européenne.

54 Pour une vue d’ensemble des différentes études, voir la«Fiche d’information sécurité de l’environnement» de l’Al-liance-Environnement55 OFEN. Modélisation de l’adéquation du système électriqueen Suisse. 201756 SATW. Die Rolle von dezentralen Speichern für die Bewäl-tigung der Energiewende. 2016

57 Les centrales CCF jouent ici aussi un rôle plutôt secon-daire, puisqu’en plus du courant, elles produisent avant toutde la chaleur à basse température, pour laquelle d’autres so-lutions plus judicieuses peuvent être exploitées (voir plushaut). – aussi parce que la chaleur ne serait disponible quequelques heures par année.

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Conclusions: quel avenir pour l’infrastructure gazière?Dans l’état des connaissances actuelles et enregard des développements attendus à l’ave-nir, la vente d’agents énergétiques gazeux enSuisse va devoir massivement reculer en l’es-pace de quelques décennies. Ce n’est qu’ainsi quel’approvisionnement en gaz pourra contribuer commeil se doit à l’objectif global, porté par la communautéinternationale, pour éviter une crise climatique dan-gereuse. Le recul de la consommation de gaz devrait,selon les prévisions, être de l’ordre d’au moins 80% sil’on tient compte des potentiels limités du biogaz indi-gène et importé, ainsi que des perspectives incertainesdu PtG.

Les conséquences pour l’infrastructure nécessairesont significatives. Elles sont d’une part de naturequantitative, étant donné que son utilisation va dimi-nuer de manière drastique. D’autre part, elles sontqualitatives, différents éléments (p. ex. les réseaux dedistribution régionaux) étant probablement (encore)moins utilisés que d’autres (p. ex. conduites de trans-port à distance ou stockage). Indépendamment dulieu et de la rapidité à laquelle les ventes recu-leront, une adaptation de la durée d’amortis-sement, de la tarification et de la planification

de l’entretien s’avère nécessaire, de mêmequ’une planification du démantèlement intel-ligente et différenciée à l’échelle régionale. Sices mesures ne sont pas prises, l’exposition aurisque des exploitants et propriétaires de ré-seaux – c’est-à-dire les fournisseurs de gaz,mais aussi les villes et les communes – va for-tement augmenter. La question d’une adaptationde l’infrastructure du réseau gazier respectueuse duclimat va devenir une question de conformité légaledès que toutes les conséquences juridiques de l’Accordde Paris auront été évaluées à l’échelle nationale. Pourles cités de l’énergie ou les autres communes souhai-tant œuvrer de manière exemplaire sur le plan clima-tique, la question ne se pose plus: la planification del’infrastructure gazière communale ne doit plus igno-rer les exigences de la protection climatique.

Ce risque a jusqu’à présent été négligé, activement ounon, par la plupart des directions et conseils d’admi-nistration des fournisseurs de gaz, que ce soit parignorance ou par peur des conséquences. Pourtant,des solutions existent encore: il s’agit de s’engagersans réserve à contribuer à la protection du climat, deréunir les connaissances nécessaires, mais aussi de re-connaître et de tirer les conséquences qui s’imposentpour l’entreprise en toute impartialité.

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