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LIBRAIRIE LE SQUARE LE SQUARE LIBRAIRIE DE L’UNIVERSITE La Gazette Septembre 2009 du Square mail : [email protected] - site : www.librairielesquare.fr G G r r o o s s p p l l a a n n s s Jean-Philippe Toussaint, Thierry Hesse Richard Price, Joseph Boyden C C o o u u p p s s d d e e c c o o e e u u r r l l i i t t t t é é r r a a t t u u r r e e romans français, romans étrangers, premiers romans P P o o r r t t r r a a i i t t Michelle Perrot R R e e n n c c o o n n t t r r e e s s Pierre Péju, Colum McCann, Lyonel Trouillot, Gwenaelle Aubry, Thierry Hesse, Anne-Laure Bondoux Laurent Mauvignier, Jean-Philippe Toussaint, Gilles Clément et Gilles A. Tiberghien, Bruno Tessarech et Yannick Haenel, Michelle Perrot. Arlette Farge S S P P E E C C I I A A L L R R E E N N T T R R É É E E L L I I T T T T É É R R A A I I R R E E 09090139_gazette_rentree09.qxp 07/09/2009 16:23 Page 1

Gazette rentrée 2009 - Librairie Le Square

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Gazette rentrée 2009 - Librairie Le Square

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LE SQUARE LIBRAIRIE DE L’UNIVERSITE

La Gazette Septembre 2009

du Squaremail : [email protected] - site : www.librairielesquare.fr

GGGGrrrroooossss ppppllllaaaannnnssss

Jean-Philippe Toussaint, Thierry Hesse

Richard Price, Joseph Boyden

CCCCoooouuuuppppssss ddddeeee ccccooooeeeeuuuurrrr llll iiii tttt ttttéééérrrraaaattttuuuurrrreeee

romans français, romans étrangers, premiers romans

PPPPoooorrrr tttt rrrraaaaiiii tttt

Michelle Perrot

RRRReeeennnnccccoooonnnntttt rrrreeeessss

Pierre Péju, Colum McCann, Lyonel Trouillot, Gwenaelle Aubry, Thierry Hesse,

Anne-Laure Bondoux Laurent Mauvignier, Jean-Philippe Toussaint, Gilles Clément

et Gilles A. Tiberghien, Bruno Tessarech et Yannick Haenel, Michelle Perrot. Arlette Farge

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JJeeaann--PPhhiilliippppee TToouussssaaiinntt

Ecrivain belge, Jean-Philippe Toussaint est

né à Bruxelles le 29 novembre 1957.

Diplômé de L’Institut des sciences poli-

tiques de Paris et titulaire d’un DEA en

Histoire contemporaine, il enseigne en

Algérie de 1982 à 1984. Son premier

roman La salle de bain, paru en 1985 con-

naît immédiatement le succès. Etonnant

roman, plein d’humour, qui nous raconte

sur un ton résolument décalé les aventures

d’un jeune homme distrait et fantasque qui

installe sa bibliothèque dans la salle de

bain. Un auteur est né, un post-moderne

comme certains ont aimé le définir, un

mini-maliste selon d’autres. En tout cas un

merveilleux prosateur qui sait jouer des

mots et des détails, renverser une situation

et nous entraîner à son gré dans un bur-

lesque à la Buster Keaton ou dans des

évènements absolument kafkaïens.

Depuis La salle de bain, Toussaint a été

publié huit fois encore aux Editions de

Minuit et produit quelques petits chefs

d’oeuvre. Entre autres L’appareil photo,

formidable roman d’une drôlerie irrésistible

où l’imagination débridée mais infiniment

maîtrisée de l’auteur se joue de tout pour

notre extrême plaisir. Avec Jean-

PhilippeToussaint, tout peut arriver et il suf-

fit d’un rien pour que tout déraille et que la

réalité devienne une pure “fiction”. Ajoutez

à cela des personnages souvent retenus,

maîtres d’eux-mêmes et en même temps

perdus, pince sans rire, voire narquois

pour certains ou qui paraissent tout simple-

ment indifférents au déferlement des

évènements. Passé maître dans l’art du

détail révélateur et des associations

d’idées ravageuses, Jean-Philippe

Toussaint associe l’observation raffinée de

ses contemporains à une construction

impeccable qui permet à l’improbable de

survenir et de prendre sa place dans une

narration dense et fluide. On ne saurait

parler de Jean-Philippe Toussaint sans

évoquer le cinéphile averti qu’il est, lui qui

a coadapté La salle de bain et réalisé

Monsieur, La Sévillane et La patinoire. Ce

qui naturellement nous fait penser à un

certain Tati, dont les personnages sem-

blent parfois dans leur rapport au monde et

aux choses des cousins assez rapprochés

de ceux des romans de Jean-Philippe

Toussaint. Mais Il faudrait aussi parler pour

rendre compte de la complexité de cet

univers, d’exotisme, d’amour, d’érotisme,

de sexe enfin, particulièrement présent

depuis Faire l’amour et Fuir où l’on rencon-

tre Marie, Marie sur laquelle dans son

dernier roman l’écrivain nous dira la vérité.

GR

OS

PLAN

BIBLIOGRAPHIE romans

Editions de Minuit

La salle de bain, 1985 (“double”, n°32)

Monsieur, 1986

L’appareil-photo, 1989 (“double”, n°45 )

La réticence, 1991

La télévision , 1997 (“double, n°19)

Autoportrait (à l’étranger), 2000

Faire l’amour, 2002 (double n°61)

Fuir, 2005 (“double n°62)

La mélancolie de Zidane, 2006

La vérité sur Marie, 2009

La vérité sur Marie, 14,50€

Peut-être faut-il revenir sur les deux premiers volets du

tryptique pour parler de La vérité sur Marie, mais pas

nécessairement. On comprendra très vite que le nar-

rateur et Marie ont eu une histoire d’amour, que les

péripéties en aient eu lieu au Japon puis en Chine, que

de nombreux malentendus, dérapages, décalages

aient jalonné et façonné cette histoire, finalement les

toutes premières scènes du roman suffiront à, d’em-

blée et de façon magistrale, nous donner le ton de

cette relation qu’on hésite à définir. Faut-il raconter Lavérité sur Marie ? Non, il vous suffit de savoir que l’an-

goisse de Marie suite à la mort soudaine et sidérante

de son amant permettra à notre narrateur de renouer

les fils et de nous faire entrevoir, souvent au coeur de

la nuit, une certaine “vérité” sur Marie. Mais ce qu’on

retiendra par dessus tout ce sont l’écriture admirable

de Jean-Philippe Toussaint, les moments de pur bon-

heur que nous procurent certaines scènes qui reste-

ront gravées à jamais sur notre rétine. Car l’écrivain

n’a pas son pareil pour avec les mots créer la lumière

et les sons, faire palpiter les objets, nous immerger

totalement dans l’instant et le lieu, et maître du rythme

et du temps capter et ne plus lâcher, beaucoup plus

que notre attention, notre entière communion avec le

récit. La plus belle illustration en est sans doute la des-

cription merveilleuse de la fuite d’un cheval dans un

hangar d’aéroport, nuit et pluie venant composer avec

le martèlement des sabots du pur-sang sur le sol et

ses brusques revirements un tableau proprement

époustouflant. Peut-être le meilleur roman de

Toussaint. A lire absolument.

JJeeaann--PPhhiilliippppee TToouussssaaiinntt sseerraa àà llaa lliibbrraaiirriiee llee 2222 ooccttoobbrree 22000088 àà 1188hh3300EEssppaaccee --rreennccoonnttrree,, eennttrrééee 2200,, rruuee ddee SSaauulltt

F.Folliot

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TThhiieerrrryy HHeessssee

Thierry Hesse est né en 1959 à Metz. Professeur de philoso-

phie, il a dirigé la revue Animal de 1996 à 2001. Il créait la sur-

prise en 2003 avec un étonnant premier roman Le cimetiereaméricain, édité par Champ Vallon. Il nous contait alors la

disparition d’une adolescente, sa mort dans cette vallée de la

Lorraine où bien au delà de ce fait divers sur lequel enquête le

narratreur c’est tout un monde qui se meurt. Celui des ouvriers

des filatures, des fabriques peu à peu disparues. Thierry Hesse

interroge l’histoire, ceux qui dorment dans les cimetières et

nous fait entendre les voix des cassés de la vie, ces ouvriers

qui ont vu fermer les fabriques de cette vallée où les maisons

sont grises comme les usines, ces jeunes qui n’ont plus

d’espérance, ces femmes usées. Roman de la ruine, de la dé-

sespérance, écrit dans une langue teintée souvent de mélan-

colie, le premier roman de Thierry Hesse fut une révélation. Il

obtint le prix Robert Walser.

Avec Jura, paru en 2005, l’écrivain pour la seconde fois signe

un excellent roman, qui explore avec justesse la question de la

trahison des idéaux, de l’enfance, des combats de chacun. Un

livre sensible où l’on croise plusieurs destinées, marquées par

la même fêlure.

GROS PL

AN

BIBLIOGRAPHIE

Le cimetière américain, Champ Vallon, 2003

Jura, Champ Vallon, 2005

Démon, L’Olivier, 2009

le. On croisera ainsi Staline qu’on verra mourir et l’on suivra le destin d’un petit apparatchik russe, entre autres évènements

qui tous nous racontent l’Histoire au travers de destins individuels. Thierry Hesse met en scène de multiples personnages,

lieux et époques, il nous offre analyse et réflexion sur un passé relié comme jamais aux tragédies du présent. C’est d’ailleurs

à Grozny que Pierre Rotko décide de partir. Nous sommes en décembre 2001. Il sait que là-bas, sans doute, alors que la

Russie mêne une guerre sans merci, il comprendra et éprouvera peut-être ce qu’ont vécu ses grands parents. Il y rencon-

trera Zinan, la femme renard, dans une cité totalement dévastée.

Une construction magnifique, du souffle, de l’émotion, Démon est à placer dans la lignée des grands romans russes. Livre

de chevet qui nous fait voyager et appréhender infiniment de mondes, méditer sur l’histoire des hommes et les guerres et

traverser des temps sombres dont les plaies sont loin d’être refermées.

Il réveille en nous de mutiples échos et nous montre comme de nombreux romans de cette rentrée que la littérature fran-

çaise et ses écrivains se préoccupent éminemment de l’Histoire et qu’il y a bien des façons de traquer la vérité d’une

époque. Un roman passionant, engagé et résolument sincère.

TThhiieerrrryy HHeessssee sseerraa àà llaa lliibbrraaiirriiee

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F.Folliot

Avec Démon, troisième roman de Thierry Hesse, c’est une tout autre ambition qui anime l’écrivain.

La fresque quasi épique qui se déploie dans cet extraordiaire roman couvre une grande partie du XX

ième siècle européen jusqu’à aujourd’hui. Le regard politique du narrateur sur quelques unes des

grandes tragédies de ce siècle nous permet outre d’apprendre ou de revisiter des pans entiers de

notre histoire, de vivre l’histoire auprès de ceux qu’on a abandonnés, meurtris, anéantis et pour cer-

tains totalement oubliés. Qui se souvient du massacre des juifs d’Ukraine ?

C’est à Paris que commence le roman. Pierre Rotko, grand reporter, après la mort de son père, déci-

de finalement de partir en Tchétchénie. Avant de mourir Lev Rotko a enfin révélé à Pierre le secret

de la disparition de ses grands-parents à Stavropol en 1942. Qui étaient Franz et Elena, les grands

parents russes de Pierre, comment sont-ils morts et qu’ont-ils vécu ? C’est à la recherche de ce

passé familial douloureux et caché que se lance Pierre. Dans les archives et documents tout d’a-

bord. Il remplit des pages et des pages de carnet. Et dans cette quête il éclaire pour nous les

moments terribles vécus par des milliers d’hommes en Russie pendant la seconde guerre mondia-

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PLANG

RO

S

RRiicchhaarrdd PPrriiccee

BIBLIOGRAPHIE

Les marrons, Vents d’ailleurs, 2003

Le samaritain, Presses de la Cité, 2004 (10/18,2009)

Les seigneurs, Presses de la Cité, 2005 (10/18,2007)

La couleur du crime : ville noire, ville blanche, Presses

de la Cité, 2006 (10/18, 2009)

Souvenez-vous de moi, Presses de la cité, 2009.

Scorsese, “Mélodie pour un meurtre”, “Mad dog and glory”, “Shaft” et la formidable série “Wire”

(Sur Ecoute en français à laquelle participe notamment Dennis Lehane et Georges Pelecanos).

Mais c’est en 1974 que parait Les Seigneurs, premier roman où en plein Bronx s’affrontent gangs

Italo-Américains dans les années 60. Premier succès salué par un William Burroughs plus qu’en-

thousiaste. Suivront Bloodbrothers ( 1976 ), Ladie’s Man ( 1979 ) et The Break ( 1983 ) mais

indisponibles en France pour le moment. Il faudra attendre 1992 pour lire Clockers où l’on suit le

personnage de Strike, jeune noir de 19 ans dealer pris au piège dans une histoire sordide où son

frère est accusé de meurtre. Livre très émouvant sur les ghettos et sur l’univers des Clockers :

petits revendeurs de drogue. Cest dans cette ambiance particulière qu’évoluent, si on peut dire,

les protagonistes du chef d’oeuvre Ville Noire, Ville Blanche ( 1998 ), qui débute par la figure de

Brenda Martin angoissée et bouleversée qui affirme avoir été agressée par un Noir kidnappant

son fils de quatre ans. Dès l’arrivée de la police ce fait divers met le feu aux poudres et embrase

la cité de façon démente.

Lorsqu’il quitta la Côte Ouest pour New York en

Septembre 1951 l’acteur James Dean avait declaré :

“ New York est une ville féconde et généreuse si vous

en acceptez la violence et la décadence “. Fécond,

généreux, violent sont des mots qui définissent bien la

Big Apple si l’on en croit les grands romans qui lui sont

consacrés (La trilogie New-yorkaise de Paul Auster,

Nécropolis d’Herbert Lieberman, le 87eme District de

Ed Mc Bain et tant d’autres encore). Richard Price n’est

pas Georges Perec et pourtant l’ensemble de son oeu-

vre pourrait facilement porter le titre de « New York

mode d’emploi ». Né en 1949 dans le Bronx où il passe

son enfance, Price comme nombre d’écrivains améri-

cains aura écrit partout et pour tous : New York Times,

Esquire, Play Boy, Village Voice...

Il faudrait une colonne entière pour évoquer sa carrière

de scénariste depuis 1978 au cinéma mais citons

quand même “ La couleur de l’argent “ de Martin

En 2003 Le Samaritain aborde le thème cher à la littératu-

re nord américaine : culpabilité- rédemption et Price là enco-

re écrit une merveille poignante dont le coeur du roman est

porté par Ray Mitchell. Ce dernier est scénariste et auteur

d’une série à succès. Aussi revient-il sur les lieux de son

enfance, une banlieue triste de New-York. L’homme qui a

réussi aujourd’hui constate la misère, la détresse sociale

bref peu de choses ont changé peut-être est-ce pire mainte-

nant. Dans un élan d’aide à son prochain il désire changer

ce monde des bas-fonds. Fierté mal placée ou réelle dévo-

tion ( les deux peut-être ) Mitchell connaît la désillusion et

même bien pire avec une chute romanesque absolument

sidérante digne des plus grands romanciers américains.

Depuis le 13 Août le nouveau Richard Price est dans les

librairies et nous emmène bien sûr à New York dans Lower

East Side, héros veritable du roman.

Ici, l’auteur ne décrit plus New York, il est New York. On

saura tout de chaque rue et de ses numéros. Manhattan

comme on ne l’a jamais lu. Price est un génie du dialogue

ciselé, ça va vite, très vite, du coup les 500 pages défilent

plus vite qu’un taxi pressé sur le pont de Brooklyn. Tout com-

L.Blondel

mence par une soirée entre amis, Eric Cash gérant de res-

taurant, Ike Marcus le barman et Steven Boulware. A quatre

heures du matin un flic du nom de Maty reçoit un appel du

central, deux hommes ont tué Ike Marcus, Eric est entendu

comme témoin, nous sommes à la page 60 du roman et la

visite de la ville peut commencer : population, architecture,

où manger, où dormir,à qui parler, à qui ne surtout pas par-

ler, qui brusquer, qui ne pas effleurer et même où prier,

Richard Price est plus qu’un guide, c’est un maître.

Le livre s’appelle Souvenez-vous de moi mais qui pourrait

oublier un livre pareil ?

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Auteur canadien, au sang mêlé indien, écossais et irlandais,

Joseph Boyden est né en 1966. Il partage sa vie entre

l'Ontario et la Nouvelle-Orléans où il enseigne à l'université.

Il s'est fait connaître grâce à son premier roman, Le chemindes âmes. Ce livre est traduit dans une vingtaine de langues

et c’est le premier roman traduit en Cree ; une adaptation

cinématographique est en cours. Joseph Boyden a mis cinq

ans à écrire ce roman, il s'est rendu plusieurs jours sur les

champs de bataille français et notamment sur la crête de

Vimy où eu lieu un épouvantable massacre en 1917.

Le chemin des âmes est un récit bouleversant et d'un réalis-

me terrifiant sur l'engagement de quatre mille soldats amé-

rindiens pendant la première guerre mondiale, un très bel

hommage à ces soldats engagés volontairement. L'histoire

se base sur la vie de Francis Pegahmagabow, issu de la

réserve où grandit la mère de Boyden. Tireur d'élite d'excep-

tion il aurait tué près de quatre cent soldats allemands. Il est

mort oublié de tous et dans la misère.

JJoosseepphh BBooyyddeenn

GROS PL

AN

Will, fils de Xavier Bird, âgé d'une soixantaine d'années, est plongé dans le coma à la suite d'une agression. Son esprit erre

dans les méandres de sa mémoire pour construire le récit des derniers mois de son existence. La narration est basée sur le

même principe que dans Le chemin des âmes: deux voix s'entremêlent, une femme qui veille sur un homme inconscient et

tente de le maintenir en vie. Annie sa nièce lui rend visite tous les jours à l'hôpital. A son chevet elle va lui conter son par-

cours pour retrouver sa soeur dont elle est sans nouvelle. Là encore le talent de Joseph Boyden offre une très belle fresque

intimiste, individuelle et familiale qui mène le lecteur des forêts du Grand Nord à la vie bouillonnante de New York. Boyden

oscille toujours entre deux mondes, le mode de vie ancestral des Indiens et la vie urbaine et occidentale des Blancs. Cette

dualité est sa richesse et contribue à faire de Joseph Boyden un grand auteur salué par Jim Harrison.

L'histoire débute en 1919, dans le nord de

l'Ontario. Niska, une vieille indienne, attend le

retour d'Elijah à la gare. Mais à sa grande sur-

prise c'est Xavier, son neveu qu'elle croyait mort

qui descend du train. Trois jours de canoë lui

sont nécessaires pour ramener son neveu au

village. Cette lente progression du bateau jus-

qu'à la baie James est le fil conducteur du

roman. Pendant ces trois jours Niska parle à son

neveu affaibli et devenu morphinomane, elle lui

conte sa jeunesse, sa vie d'indienne, ses difficul-

tés à se faire respecter dans un monde de

blancs. Boyden évoque à travers cette femme

toute la richesse de rites indiens Cree, leur

respect de la mort et leur croyance dans l'au-

delà. En parallèle à ce récit on entend celui très

contrasté de Xavier qui revit les sombres heures

de ces quatre années passées sur les champs

de bataille en compagnie de son ami Elijah.

Dans ce roman l'auteur aborde la question des

répercussions de tous ces morts sur ceux qui

restent et comment la guerre peut broyer les

amitiés les plus fortes.

En août 2009 vient de paraître le deuxième volet

intitulé Les saisons de la solitude. Ce roman a

obtenu le prix Giller en 2008, prestigieux prix de

littérature canadien.

BIBLIOGRAPHIE

Le chemin des âmes, Albin Michel, 2006 (GF, 2008) Là haut vers le Nord, Albin Michel, 2008

Les saisons de la solitude, Albin Michel, 2009

C.Méaudre

“Le noir des nuits de janvier dans la baie James,c’est quelque chose que, vous, vous connaissezbien, les filles. Annie, tu es assez grande pour te sou-venir de ton grand père. Suzanne, je ne sais pas.J’espère que oui. Votre “moshum, rien ne lui plaisaitdavantage que momies, regarder les étoiles, et sur-tout les aurores boréales, qui scintillaient au dessusde la baie. Il vous racontait qu’elles dansaient rienque pour vous et il vous montrait comment frottervos poings l’un contre l’autre pour qu’elles brillentplus. Vous vous rappelez ? “ extrait Page 13

09090139_gazette_rentree09.qxp 07/09/2009 16:29 Page 5

CO

UP

SDE COEUR

RRoommaannss ffrraannççaaiiss

Jan Karski, Yannick Haenel, Editions NRF, collection L’infini, 16,50€

Paraît pour cette même rentrée, le roman de Yanick Haenel consacré à Jan Karski. Terrible et émou-

vant il s’attache à cet homme qui, réussissant à rentrer dans le ghetto de Varsovie, en sortit ravagé et

transformé à jamais, en charge d’un message à transmettre au monde qu’il n’aura de cesse de déliv-

rer. Parti pris esthétique totalement différent, le roman de Haenel au croisement du reportage et de la

fiction nous donne à lire plusieurs strates d’une même réalité. La première revient sur le témoignage

de Karski face à la caméra de Claude Lanzman (Shoah) le prolongeant par le regard de celui qui reçoit

le témoignage d’un homme à qui les mots échappent mais dont le visage exsude la souffrance. La

deuxième ce sont les mémoires de Jan Karski (livre sorti en 1944 aux USA) “re-racontées” en quelque

sorte par l’auteur. Et la troisième c’est la tentative fictionnelle de Haenel pour nous faire vivre l’après

de Jan Karski, ce qu’il pense, ce qu’il vit jusqu’à sa mort en 2000. L’écrivain prend véritablement la

parole pour Karski, épouse ses sentiments et nous dit ce qui fut si longtemps indicible. Une gageure

formidable absolument réussie. Ce livre est un bouleversement. Vous n’en sortirez pas indemne et

lorsque vous le refermerez il vous apparaîtra comme une nécessité.

Les sentinelles, Bruno Tessarech, Editions Grasset, 19 €

Formidable roman que celui de Bruno Tessarech qui nous raconte l’histoire de ces “sentinelles”, ceux

qui savaient, ceux qui ont essayé de dire au monde ce qui se passait là-bas en Pologne, l’extermi-

nation qui s’est mise en marche. Un roman qui raconte l’incrédulité, la passivité des gouvernants, cet

impensable ballet diplomatique à la conférence d’Evian (1938) qui rejeta toute possibilité d’aide par

les grandes démocraties pour ceux qu’on appelait “réfugiés politiques”. Roman historique certes

mais qui dit aussi de l’intérieur le cheminement psychologique de personnages qui se heurtent à un

mur infranchissable, qui butent contre une réalité dont ils savent toute l’horreur et dont ils échouent

à changer le cours. Parmi eux ce jeune diplomate français à Londres et bien sûr Jan Karski, résis-

tant polonais, témoin de la tragédie du ghetto de Varsovie, infatigable et impuissant à convaincre,

mais aussi le SS Gerstein, inventeur du gaz Zyklon B utilisé dans l’extermination des juifs, qui dans

le même temps essaie de prévenir le monde de cette folie. Bruno Tessarech signe là un roman admi-

rable et profond qu’on aimerait voir lire par toutes les jeunes générations. Classique dans sa forme,

il met en scène des personnages qui pour la plupart ont existé, reconstruisant autour d’eux la matiè-

re du roman, faisant entendre au lecteur leurs interrogations, leur douleur, explorant l’âme humaine,

devenant par là aussi un témoin à transmettre, la trace de l’Histoire et des hommes.

Des hommes, Laurent Mauvignier, Editions de Minuit, 17,50€

Après Loin d’eux, Apprendre à finir, Dans la foule et quelques autres la voix inimitable de Laurent Mauvignier se

fait de nouveau entendre avec force dans son tout dernier roman Des hommes. Si Dans la foule avait marqué

l’ouverture de Mauvignier de l’intime vers le collectif avec l’inscription des personnages dans un fait divers mar-

quant, la tragédie du Hesel, c’est cette fois l’Histoire avec un sujet grave et sensible qui est au centre du roman.

La guerre d’Algérie, les traumatismes présents à jamais, les sentiments complexes et douloureux de ceux qui

en furent les protagonistes... Laurent Mauvignier, avec une grande sensibilité et une remarquable intelligence,

nous parle de violence, de souffrance et d’une mémoire qui écrase le présent, le rend à jamais pour chacun des

personnages relié au déroulement de son histoire et de cette guerre à laquelle, jeunes appelés, ils participèrent.

Tout commence par le geste de “Feu-de-bois” qui, avant tout cela, un jour, s’appelait Bernard. Une fête de

famille, le cadeau que Feu-de-Bois veut donner à sa soeur, une réaction hostile, un enchaînement des situa-

tions...Le roman est lancé et les années une à une remontées pour comprendre qui sont Feu-de-Bois, Rabut et

Février, ce qu’ils ont vécu, ce qui s’est tramé au fil du temps.

Comment Bernard est-il devenu cet être de rancoeur, alcoolique et

socialement marginal, rejeté par tous ? Car c’est bien lui le centre

du roman, le seul qu’on n’entende jamais mais celui dont tout le

monde parle, celui qui cristallise les ressentiments, celui qui bous-

cule les normes, un être chez qui se concentre une violence venue

de très loin. On entendra la voix de Rabut le cousin de Bernard et

celle de Février rapportée par Rabut entre lesquelles s’intercalera

une autre voix plus difficile à définir, encore une question. Entre le

geste raciste de Feu-de-Bois et les terribles scènes de cette guer-

re, que s’est-il passé ? Peut-on se décharger de ce qui vous a écra-

sé d’horreur ? Comment se tisse la vie de chacun ? Laurent

Mauvignier avec un indéniable talent réussit à nous faire véritable-

ment ressentir la douleur et la déchirure des êtres. Il laisse au lec-

teur des images terribles et un questionnement sans réponse.

L’écriture tour à tour se fait violente, vociférante, hachée, écorchée

même puis sombre, retenue, elle épouse la folie et la tragédie. Elle

traque et débusque les non-dits, laissant les voix s’entremêler, sui-

vre les méandres d’une conscience en marche. Un grand roman

sur la guerre sur laquelle toute une génération brisée a fait silence,

une plongée à l’écoute des faiblesses et de la difficile conscience

des hommes.

F.Folliot

LLaauurreenntt MMaauuvviiggnniieerr sseerraa àà llaa lliibbrraaiirriiee llee mmaarrddii 1133 ooccttoobbrree 22000099 àà 1188hh3300

BBrruunnoo TTeessssaarreecchh eett YYaannnniicckk HHaaeenneell sseerroonntt àà llaa lliibbrraaiirriiee llee jjeeuuddii 1122 nnoovveemmbbrree 22000099 àà 1188hh3300

09090139_gazette_rentree09.qxp 07/09/2009 16:30 Page 6

COUPS DE

CO

EU

R

RRoommaannss ffrraannççaaiissPersonne, Gwenaëlle Aubry, Mercure de France, 15 €

« Transcrivant ses mots, croisant nos chronologies, je retrouve à la fois ma mémoire et la sien-ne, et cette contagion silencieuse qui me liait à lui, baignée dans son malheur, portée dans lemalheur de mon père comme l’enfant dans le ventre de sa mère, rusant avec lui, pourtant,comme avec la corne du taureau, sans cesse l’approchant, pour mieux l’esquiver, absorbanttout ce qui malgré tout s’infiltrait d’air, de vie et de lumière, et c’est comme si, lisant ses mots,je comprenais soudain que, quand bien même, peut-être, je serais née de lui, ce malheur étaitsien . »

Que faire d’une parole malade ? Comment rassembler ce

que la folie a patiemment saccagé ?

Un père, personnage réel, s’enferme dans la mélancolie. A

sa mort, il laisse un manuscrit, « Le mouton noir mélanco-

lique » avec cette mention-injonction, « à romancer ».

Personne est une tentative pour faire le portrait de cet

homme. Un homme qui se fuyait lui-même, laissait d’autres

« je » prendre place en lui pour se perdre derrière plusieurs

masques (persona en latin) et n’être personne.

Personne est un texte à deux voix : celle de la fille qui lève,

accompagne les mots du père, un texte des gouffres, terri-

fiant de lucidité.

Gwenaëlle Aubry ne pouvait raconter sa dérive de façon

linéaire et en s’imposant la contrainte, béquille, d’un ordre,

elle louvoie entre les facettes d’un moi éclaté. Et c’est là que

la beauté de son regard sidère : aucune effusion, la sobrié-

té de la douleur. On la voit patiemment rassembler, pour

aller, surmontant la honte et la peine, retrouver son père

dans une complicité nouvelle.

N.T

La diagonale du vide, Pierre Péju, Editions Gallimard, 18,50 €

« Ne plus bouger, ne plus partir. Surtout ne plus parler. Trouver au plus vite un endroit retiré .Avec du silence. De la lenteur. Peut-être un brin de tristesse. De préférence dans une régionsauvage ».

Ainsi s’exprime Marc Travenne, dès le début du nouveau roman de Pierre Péju. Cet homme marqué

par la mort de Mathieu Wolf son associé mais surtout ami de longue date a décidé de disparaître dit-

il quelque temps. C’est en milieu plutôt sauvage quelque part en Ardèche que notre homme s’instal-

le. Très vite la quiètude de ce retrait volontaire est troublé par l’arrivée d’une étrange femme qui fas-

cine Travenne. C’est une rencontre bouleversante ( mais il n’imagine pas à quel point ) que l’ancien

designer fait ici. Quel est son véritable nom ? Elisabeth Walter, Marion Keller ou encore Lucie ? Ce

qui est sûr c’est qu’une partie de son identité réside en Afghanistan mais pourquoi ? Autant de ques-

tions, de vies que nous racontent Pierre Péju dans La diagonale du vide, titre qui revêt bien des sens

mais l’écrivain n’enlise pas le lecteur, au contraire, on s’aperçoit plus que jamais qu’il est un admira-

ble conteur. L.B

GGwweennaaëëllllee AAuubbrryy sseerraa àà llaa lliibbrraaiirriiee llee mmeerrccrreeddii 3300 sseepptteemmbbrree àà 1188hh3300

PPiieerrrree PPééjjuu sseerraa àà llaa lliibbrraaiirriiee llee mmaarrddii 1155 sseepptteemmbbrree àà 1188hh3300

Je vous raconterai, Alain Monnier, Flammarion, 17 €

Pour être tout à fait honnête les toutes premières pages du livre d’Alain Monnier m’ont d’abord agacé,

voici les premières lignes « Vous qui parlez haut et fort, que savez-vous donc de la misère. De lamisère de la rue, de la faim et du froid, qui commence au matin etc…etc…et ce sur trois pages.

Premièrement je déteste qu’on m’apostrophe tout comme je déteste qu’on me tutoie. Deuxièmement

rien n’est pire que les discours pompeux sur la misère sociale. Troisièmement le bonheur de la lectu-

re réside dans le fait que ce moment n’appartient qu’à vous et il est hors de question qu’un livre vous

fasse la morale de façon plus pesante et plus bavarde qu’un être humain. Et puis passée la colère et

ces premières pages, on découvre que l’homme qui s’adresse à vous dans ce roman est un type bien,

bon, courageux, il devient même un ami sous la plume de l’auteur ( très doué) que vous insultiez enco-

re il y a peu. Cet ami a la cinquantaine, il est chômeur mais il ne gémit pas. Il passe beaucoup de temps

au café et un jour un homme du nom de Monsieur Igor fait son entrée. Après plusieurs vodkas et un

marché, notre anti-héros fait la connaissance de Monsieur Goulanov mais surtout de la roulette russe.

Impossible d’en dire plus, de dévoiler un infime mystère, c’est une histoire unique qui nous parle davan-

tage de mise-en-vie que de mise-à-mort. L.B

09090139_gazette_rentree09.qxp 07/09/2009 16:32 Page 7

CO

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SDE COEUR

PPrreemmiieerrss rroommaannss

RRoommaannss ffrraannççaaiiss

LLyyoonneell TTrroouuiilllloott sseerraa àà llaa lliibbrraaiirriiee llee mmeerrccrreeddii 2233 sseepptteemmbbrree àà 1188hh3300

Yanvalou pour Charlie, Lyonel Trouillot, Actes Sud, 18 €

Lyonel Trouillot est sans conteste un écrivain haïtien majeur, au côté de Dany Laferrière. Aussi à l'aise en prose, en

poésie, en créole ou en Français, il saisit la réalité de son pays sans complaisance.

Le roman est construit autour du personnage de Mathurin D. Saint-Fort, avocat d'affaire dans un cabinet de Port-au-

Prince. Il se déroule en quatre parties, portées chacune par une voix différente: celle de Mathurin, ou plutôt Dieutor

son nom usuel dans le village, dont il ne reste que le D. En dissimulant son nom c'est tout un passé qu'il refoule, une

origine pauvre qu'il dissimule, un village qu'il oublie, une famille qu'il efface. Mais Mathurin D. Saint-Fort, aussi riche

et élégant soit-il maintenant n'en demeure pas moins seul. Il vit avec sa guitare, un verre de whisky, et des femmes

de passage. Alors le jour où Charlie, un gamin de quatorze ans apeuré et perdu débarque à son cabinet lui deman-

der de l'aide au nom de liens communs au même village, Mathurin sort de son amnésie. Tout le passé qu'il a tenté

d'oublier ressurgit. La voix de Charlie est un cri de détresse, une révolte contre la délinquance et la violence qui règne

à Haïti. La voix de Nathanaël, compère de Charlie prend le relais pour raconter l'enfance de souffrance dans les cen-

tres sociaux et leur vie dans la rue. La quatrième voix est celle de l'amour, Anne l 'amie d' enfance de Dieutor lais-

sée au village et devenue institutrice. On assiste au fil des pages à un véritable retour au pays natal. C'est un voya-

ge initiatique et bouleversant au coeur de la misère, du désespoir, qui permet à Mathurin de renouer avec Dieutor et

de chanter un Yanvalou, ce chant-hommage à la terre qui prend tout son sens dans ce roman. C.M

Une jeune femme - la fille - le temps d’un voyage en avion. Dans un Berlin-Paris, de retour d’un court

séjour, ses pensées font des sauts, elle se retient de beugler.

Court roman, qui épouse la durée d’un vol. Cet entre deux durant lequel le temps s’arrête et un ques-

tionnement hérissé vient l’enfler, le distendre. Une langue impétueuse se cabre, inquiète et ironique.

Qu’entend-on ? Dans les boucles qu’ourle l’obsession, la parole ressasse les occasions manquées

d’une brève rencontre qui aurait pu se faire sur un accord parfait. Mais que s’est-il dit et qu’aurait-il pu

se dire entre la fille et le compositeur ? Un pianiste tout aussi inquiet qui après avoir vu L’autoportrait

en bleu de Schönberg prend la mesure de la force politique de la composition et de la nécessité d’é-

crire en résistance.

Dans une musique assourdissante se dessine peu à peu un autoportrait bleu, cette couleur que le

bon ton dit froide mais qui est en fait celle de l’intranquillité et de l’énergie éruptive, cette nécessaire

intolérance. Radicale, amusée, c’est bien une langue singulière que Noémi Lefebvre nous fait enten-

dre dans son premier roman. N.T

L’autoportrait bleu, Noémi Lefebvre, Verticales, 13,90€

« Le rire a marqué justement, le début de la fin, j’ai su à ce moment précis que le rire était le maximum du pianiste me concer-nant et que la descente allait commencer, à partir du rire je dirais toujours quelque chose en trop quoi que je dise, même si surle coup ça pouvait faire marrer le pianiste, parce que j’avais déjà beaucoup parlé au Café Einstein et au Kaiser Café et que toutce que je dirais ne pourrait jamais effacer tout ce que j’avais dit avant mais viendrait s’accumuler, beaucoup trop parlé en effetavant même d’avoir demandé au pianiste d’excuser mon langage, entschuldige, ich habe zu viel gesprochen, mais non, c’esttrès bien avait répondu le pianiste en français, mais il m’avait tout de même emmenée au cinéma du Sony Center ».

Un mal sans remède, Caballero, Belfond, 23 €

traduit de l’espagnol (Colombie) par Jean-Marie Saint Lu.

Ignacio Escobar, poète sans succès et fainéant notoire, se laisse doucement vivre dans une Bogota

qui va trop vite pour lui. Jusqu’à ce que, lassée de son inactivité et de son flegme, Fina sa compagne

fasse ses valises et le laisse seul dans son appartement rudimentaire et dans le vide incontestable de

son existence. Tiraillé entre une mère excentrique qui vit au milieu d’une cour de prétendants décré-

pis et séniles, des amis trotskistes un peu trop engagés qui rêvent de révolution et des femmes bel-

les et séduisantes qui ne cessent de détourner son attention, Ignacio ne sait plus où donner de la tête.

On le rêve fils modèle, banquier, époux fidèle, père ou encore poète engagé. Ignacio n’aspire qu’à la

vérité, la poésie et la liberté. Au fond, Ignacio veut simplement que Fina revienne.

Une plongée sans concession dans le Bogota d’aujourd’hui,

une galerie de personnages haute en couleurs, une aventu-

re touchante, profondément triste et incroyablement drôle,

un bel hommage à la poésie, Un Mal sans remède est tout

cela à la fois. Avec ce texte imposant et magistral, Antonio

Caballero réussit un vrai coup de maître pour un premier

roman que l’on ne peut que dévorer.

Un mal sans remède déjà devenu un livre culte est le fruit de

douze années de travail. E.P

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COUPS DE

C

OE

UR

Manituana, Wu Ming, Métailié, 24 €

Traduit de l’italien par Serge Quadruppani

Sous le terme de Wu Ming se cache un collectif de cinq jeunes auteurs italiens. Autant roman d' aven-

ture que roman historique, ce western retrace la naissance des états-unis vue du côté des perdants.

1775, vallée du fleuve Mohawk. Six nations iroquoises se sont alliées aux anglais, sous la protection

de Sir William Johnson, commissaire des affaires indiennes, fidèles au roi George III. Le roman retrace,

grâce à une solide documentation historique, la façon dont ces natifs américains perdirent leur terre,

leur famille et leurs biens à cause de traités non respectés, signés sous la menace de colons désireux

de rompre avec la couronne d' Angleterre. Une ambassade est envoyée à Londres consolider l'alliance

avec le roi, formée de Joseph Brant Thayendanega, chef de guerre, Philip dit le Grand Diable red-

outable guerrier mohawk amateur de Shakespeare, Molly, veuve de Sir Johnson, et Peter, son fils.

Cette grande fresque est la rencontre de deux mondes qui n'ont pas su cohabiter ensemble. Le roman

soulève des thèmes universels d'intégration, de liberté, d'exportation des cultures. Il restitue à merveille

la vie quotidienne, les combats, la nature grandiose du nord-est américain où apparaît la barbarie

déguisée en progrès.

Manituana a obtenu le prix Sergio Leone en 2007 et le prix Salgari du roman d'aventure 2008. C.M

RRoommaannss ééttrraannggeerrss

Mère Cuba, Wendy Guerra, Stock, 19 €

Traduit de l’Espagnol par Marianne Millon.

Une station de radio à Cuba aux heures creuses de la nuit. Avec un auditoire peut-être absent et une

censure sûrement appliquée. Nadia Guerra remplit ce moment de silence de son désarroi face à un

pays qui marche à l’inverse de ses idéaux. Elle dit son incompréhension pour ses parents qui ont acti-

vement participé auprès de Castro et du Che à engendrer ce monde privé de liberté. Son émission ter-

minée, Nadia Guerra va décider de partir à la recherche de sa mère, depuis si longtemps absente pour

obtenir explications, excuses et peut-être pardonner.

C’est une mère malade d’Alzheimer qu’elle retrouve, fragile et incohérente. Dans ses affaires restent

encore des bribes de son journal, de son enfance et de sa rencontre avec Celia Sanchez, fidèle amie

de Fidel Castro. Des bouts d’existence pour tenter de comprendre la lutte de toute une génération.

Entre travail de mémoire et culpabilité historique, Wendy Guerra dresse le portrait de trois femmes aux

destins opposés, trois portraits touchants et émouvants qui nous font voyager dans ce Cuba si énig-

matique et si complexe. E.P

Et que le vaste monde poursuive sacourse folle, Colum McCann, Belfond,

22 €

Traduit de l’Anglais par Jean-Luc Piningre.

Par un beau matin d'août 1974, New-York

se réveille. Des habitants amorphes pressentant

leur destinée s'y précipitent tête baissée au lieu

de s'y rendre tête haute, à pas lents, à l'image de

ce funanbule cent dix étages plus haut. Il a pré-

paré son coup comme on prépare l'attaque d'une

banque, avec pour seule motivation "le ravisse-

ment ultime d'une marche". Au-dessus d'un gouf-

fre béant, il transporte sa vie d'une tour à l'autre

du World Trade Center, son corps épousant la

forme du vent, il danse. A l'autre bout de la ville,

Corrigan traîne avec les ivrognes, les prostituées

et les sans espoirs. Ce prêtre irlandais s'occupe

des autres comme si une sorte d'affinité l'unissait

à la souffrance. Il se croit entièrement dévoué au

Seigneur mais avec la rencontre d'Adelita tout

vacille. Dans un autre quartier, quatre femmes

dans leurs tours de solitude avec l'impérieux besoin de dire

leurs histoires, celles de mères qui recoivent la visite d'un

sergent annonçant: "votre fils a été emporté, il est mort en

héros". Comme si l'on pouvait mourir en héros... Et ce funan-

bule, là-haut, dans le mépris absolu de la mort. Colum

McCann fait admirablement le portrait d'une société et d'in-

dividus sur la brèche, de la manière dont ils se relèvent ou

de celle dont ils tendent une corde au-dessus de leurs

désirs. Ce roman restitue les bruits que fait la vie à l'intérieur,

dans cette ville où toute chose ne peut être séparément, où

seule la collision des histoires peut avoir lieu. Et que le vaste

monde poursuive sa course folle est un roman vertigineux

sur ce qui nous fait tenir, sur ce "monde aux mains d'hom-mes brutaux avec leurs armées pour témoins où il fau-drait danser quand ils veulent te mettre au garde àvous". F.C

CCoolluumm MMccCCaannnn ddééddiiccaacceerraa sseess lliivvrreess aauu SSqquuaarree llee 1166 sseepptteemmbbrree 22000099 àà 1177hh0000UUnnee rreennccoonnttrree //ddéébbaatt ssuuiivvrraa àà llaa BBiibblliiootthhèèqquuee CCeennttrree vviillllee àà 1188hh3300

09090139_gazette_rentree09.qxp 07/09/2009 16:36 Page 9

Po

rtra

itPortrait

MMiicchheellllee PPeerrrroottN. Trigeassou

Le nom de Michelle Perrot est désormais associé à une entreprise pionnière, l’écriture

avec Georges Duby d’une histoire des femmes. Quel a été le parcours de celle qui est

devenue une historienne reconnue par tous bien au delà de l’histoire des femmes ?

Dans Essais d’ego-histoire, où à la demande de Pierre Nora des historiens essaient

d’expliciter le lien entre l’histoire qu’ils font et celle qui les a fait, Michelle Perrot livre

quelques éléments.

Son goût pour l’histoire naît du désir de sortir de sa condition, de découvrir l’autre. Et

pour la jeune bourgeoise, poussée par un solidarisme catholique, l’autre c’est d’abord

l’ouvrier.

Etudiante après-guerre à la Sorbonne, elle travaille sous la direction de Labrousse sur

le mouvement ouvrier au XIXe. Par des études sur des séries, il s’agit de faire accéder

le monde ouvrier à la reconnaissance scientifique. Elle consacre alors sa thèse à l’his-

toire de la grève.

Après Mai 68, elle quitte la Sorbonne pour Jussieu, université plus remuante et ouver-

te aux interrogations de l’époque.

Ce qui fait dire à Michelle Perrot par provocation qu’elle a répondu à « l’air du temps ».

Plutôt que de se tourner comme ses maîtres des Annales vers le Moyen-Age ou l’é-

poque moderne, elle choisit d’explorer sur le XIXe les généalogies de dominations

contemporaines. Ouvrir de nouveaux chantiers, et ce dans des démarches collectives,

c’est ce qui pourrait caractériser son oeuvre.

Ainsi, avec Michel Foucault, elle travaille sur l’enfermement

(L’impossible prison, Seuil 1980). Mais surtout en 1973, elle

consacre un premier séminaire à la question « Les femmes

ont-elles une Histoire ? ». Car si les sciences sociales s’in-

téressent alors déjà aux femmes, l’histoire les ignore. A côté

du mouvement féministe qui se bat pour ses droits, l’histoire

est conçue comme une arme critique : redonner aux fem-

mes, sans voix, leur histoire, une mémoire. Une histoire

qu’elle n’envisage pas seulement sous l’angle de la domina-

tion, il y eut aussi des résistantes, les béguines, les sorciè-

res.

Et l’aboutissement de cette quête, c’est la direction avec

Georges Duby (à la demande d’un éditeur italien), de la pre-

mière synthèse sur l’histoire des femmes (publiée après

chez Plon), une des entreprises marquantes de la Nouvelle

Histoire.

Mais si Michelle Perrot a tout fait pour renouveler le regard

sur les femmes, elle refuse d’être une spécialiste de l’histoi-

re des femmes et de faire de cette histoire une spécialité.

Animatrice depuis des années des Lundis de l’histoire

(France Culture), elle n’abandonne pas la joie du question-

nement et le souci de la transmission. Et aujourd’hui avec

Histoire de chambres, une enquête dans notre intimité, à tra-

vers des diagonales qui lui sont chères, le social, l’enferme-

ment, les femmes, la vie privée, elle aiguise à nouveau notre

regard avec un chef d’oeuvre.

Que se cache-t-il derrière ce titre énigmatique ? Une plon-

gée dans un des lieux les plus intimes de notre existence,

des coulisses où se jouent la vie, la joie, l’amour, la douleur,

la mort. Michelle Perrot n’écrit pas une histoire ou une

anthropologie de la chambre, elle entreprend un voyage en

empruntant différents chemins : la chambre comme espace

politique, la chambre et la division des sexes, l’accès social

à la chambre seule, la chambre dans l’alternance du jour et

de la nuit. En passant de la chambre du roi à la cellule, mais

aussi par la chambrée, le garni, la chambre d’hôtel anony-

me, elle nous livre dans une langue admirable, une poétique

déambulatoire de cette extraordinaire boîte à secrets. A vous

d’en prendre la clef !

Michelle Perrot viendra nous présenter sonlivre Mercredi 18 novembre à 18h30.

Blibliographie sélective

. ouvriers

Les ouvriers en grève, EHESS, 2001

. enfermement

Les ombres de l’histoire, Champs Flammarion,2003, 11 euros.

.femmes

Histoire de femmes en occident, 5 volumes,Tempus, 2002, 12,20 euros le volume.

Mon histoire des femmes, Points Seuil, 2006, 8euros.Les femmes ou les silences de l’histoire,Champs Flammarion, 2001, 10 euros.Femmes publiques, Textuel, 1997, 24,24 euros.

.vie privée

Histoire de la vie privée, t4, Points Seuil, 9euros. Histoire de chambres, Seuil, Librairie du XXIesiècle, 2009, 22 euros

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TIO

NS

ANIMA

RReennccoonnttrreess

Mercredi 23 septembre à 18h30

Lyonel Trouillot

Yanvalou pour CharlieEditions Actes Sud

(article page 7)

Mardi 13 octobre à 18h30

Laurent Mauvignier

Des hommes(article page 6) Editions de Minuit

Mardi 15 septembre à 18h30

Pierre Péju

La diagonale du videEditions Gallimard

(article page 7)

Jeudi 8 octobre à 18h30

Thierry Hesse

DémonEditions de L’Olivier

(gros-plan page 3)

Mercredi 30 septembre à 18h30

Gwenaëlle Aubry

PersonneEditions Mercure de France

(article page 7)

Sauf indication contraire, toutes les animations ont lieu dans l’espace rencontre du Square,

entrée 20, rue de Sault.

Mercredi 16 septembre à 17heures

Colum McCann

Et que le vaste monde poursuive sa course folleEditions Belfond

(voir page 8)

Colum McCann dédicacera ses ouvrages à la librairie à 17 heures. Une rencontre suivra à 18h30 à

la bibliothèque du centre ville.

crédit photo Haskell

Samedi 17 octobre à 16 heures

Anne-Laure Bondoux

Née dans la région parisienne, Anne-Laure Bondoux a publié sept romans dans des collections des-

tinées aux adolescents aux éditions Bayard. Ils ont été primés plusieurs fois autant par de jeunes

lecteurs que par des jurys d’adultes et sont traduits dans une vingtaine de langues.

Son dernier roman Le temps des miracles est paru en janvier 2009.

La rencontre se fera dans le rayon jeunesse de la librairie.

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TIONS

RReennccoonnttrreess ((ssuuiittee))

Le Squarelibrairie de l’Université

2, place Dr Léon Martin. Grenoble. Tel 0476466163

LLaa GGaazzeettttee dduu SSqquuaarree,, directrice de publication et rédactrice en chef : F.Folliot

Rédacteurs : F.Folliot, L.Blondel, C.Meaudre, N.Trigeassou, F.Calmettes, E.Pautus

Jeudi 5 novembre à 18h30

Gilles Clément et Gilles A.Tiberghien

Dans la vallée : biodiversité, art et paysageEditions Bayard

Un dialogue plein d’enseignement entre le créateur du jardin planétaire et le

philosophe spécialiste du Land Art sur la place de l’homme dans la nature.

Jeudi 12 novembre à 18h30

Bruno Tessarech et Yannick Haenel

Sentinelles Jan KarskiEditions Grasset Editions Gallimard

(articles page 6)

Jeudi 22 octobre à 18h30

Jean-Philippe Toussaint

La vérité sur MarieEditions de Minuit

( Gros-plan page 2)

Mercredi 18 novembre à 18h30

Michelle Perrot

Histoire de chambres

Editions du Seuil

Vendredi 27 novembre à 18h30

Arlette Farge

Essai pour une histoire des voix

Editions Bayard

En préparation : soirée le 3 décembre

autour de Marguerite Duras en colla-

boration avec la Cie Choses Dites et le

Cinéma Le Melies.

Lecture/rencontre avec Muriel Vernet,

au Square.

Projection de Moderato Cantabile au

Melies.

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