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    N° 292  Janvier 2014

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    Ces Sétois qui viventsur leur bateau

    En toute discrétion, ils habitent sur leur navire, même en hiver.Loin de la plaisance chic comme du pis-aller miséreux, unequarantaine de Sétois affirment un sacré choix de vie. Pétris degrand air, de partage, de simplicité et de bricolage. La Gazette

    s’invite dans leur intimité.

    Pour sonner, on toque à la coque. Onenjambe pour gagner le pont, avant de seglisser vers le bas par le petit escalier raide.Installation sur les banquettes du carrésalon-cuisine, le temps d’un café. Plafond

     bas, tabac à rouler, ordinateur portable et rangement impeccable. Photos coincéesentre deux lattes de bois, lampe de pocheet boussole. À travers les hublots, vue surles mâts.En pleine ville ou en bord d’étang, cespetits bouts d’ailleurs séduisent les amou-reux de la mer. Dans les ports de Sète, deMarseillan, ou de Balaruc, une quaran-taine de voiliers sont habités à l’année.Loin du yacht de luxe et même du bateaude “plaisance”, où l’on fait couler le cham-pagne dans le cockpit en signe de réus-site sociale, qu’on sort 10 jours par an.Loin aussi, d’un habitat de fortune pour“clochards des mers”.Souvent célibataires, parfois en couple,rarement en famille, les habitants flot-tants assument des choix sincères et radi-caux. Outre les couples de retraités, lesactifs de “classe moyenne” aussi déve-loppent des projets de vie centrés autour

    Laurent et Valérie

    en familleDans l’ambiance boisée duLova :une déco de Noël, les écransde télé et d’ordinateur, la chienneLazy, et le poulet qui cuit. Au fond,la mini-salle de jeux sous unearcade et même une salle debains! À l’extérieur, une passerelle

     pour accéder au navire de 13 m,des serviettes et des jeans qui sèchent sur le bastingage, et un

     filet tout autour, pour les filles netombent pas dans l’eau. Car à 6 et 8 ans, Maëlle et Morgane ont toujours vécu sur les flots. Maisvont à l’école “normalement” à

    Sète. Ici, seules deux familleshabitent sur leur bateau. Auvergnat, Laurent s’est spécialisé dans le gréement et l’accastillage de bateaux. Aprèsavoir géré son entreprise à Port-Camargue et en Tunisie, il travaille ici comme chauffeur routier en intérim. Avec Valérie,salariée à la biscuiterie desZézettes de Sète, ils vivent depuis10 ans en bateau. Et que font leurs filles comme activités extra-scolaires? De l’Optimist et de lanatation!

    La Gazette n° 292 - Du 2 au 29 janvier 2014

    repor tage8

    de leur bateau. À n’échanger pour rien aumonde contre un appartement avec vuesur mer.“Entre quatre murs, je me sens oppressé(e),témoignent-ils. À l’inverse, pour Helena,Philippe, Yannick, ou Sonia, le bateaudevient “un espace de liberté”, “un cocon protecteur” ultra-tranquille. Qui éloignedes préoccupations superficielles:“on n’a pas besoin d’acheter le dernier truc à lamode.” On y vit plus en autonomie, dansun “rythme plus sain” .

    Rêves de gossesNi ermites, ni marginaux, juste hors-normes. “On est éduqué à acheter une mai- son, fonder une famille. Mais on peut aussivivre sans rentrer dans le moule” , assureDidier.“Pour moi, c’est une fierté, même sic’est parfois rock’n roll” , milite Nadia, pureSétoise (voir p.10). L’entourage, lui, semontre curieux et inquiet:“l’hiver, t’as pas froid?”,“et quand il y a de l’orage?” . Maispas toujours compréhensif:“Tu vis commeune manouche!”, “t’as pas de micro- ondes?!” Ce choix de vie, on peut y venir par rupture,

    ou par amour. Mais, le plus souvent, pourréaliser son “rêve de gosse” . Peuplé desrécits de grands navigateurs, de Vikings,de pirates et de corsaires.À faire de la voile en vacances, sur les

     bateaux des copains, on se prend à vouloirson propre bateau. Jusqu’à y vivre, “pour larguer les amarres quand on veut, tout enrestant chez soi”. De l’air, du large. Et sur-tout, la liberté. Pour les comédiennesMaude et Helena, vivre en bateau, “c’est  presque une réponse politique au ‘système’” .Face à l’argent-roi, à l’exigence de vitesseet d’efficacité, l’éloge de la lenteur et de lasimplicité.Encore faut-il trouver le bateau de sesrêves. À chacun l’histoire de son coupde foudre. Cherché loin, déniché près. Oul’inverse. Mais pas question d’un voilierde course effilé ! Le top : au moins dixmètres de long, des formes larges et généreuses, une coque lourde et solide,en acier, aluminium, ferro-ciment ourésine de qualité.

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    Maude, comédienne embarquée

    Comédienne de 24 ans à Toulouse, Maude a tout plaqué pour vivre et jouer hors dela terre ferme. Sur son petit Chavaroche , amarré à Balaruc, décoré en baleineau,qu’elle voit comme une scène de spectacles pour enfants, mais aussi sur deux vieux gréements, le Jusqu’au bout (ci-dessus) et la Maria-Gilberte. L’idée : distribuer lesspectacles dans les ports de Méditerranée et faire de Sète son port d’attache. Entransformant le quai de la République en lieu culturel flottant.

    Réalisé par Raquel Hadida/photos Guillaume Bonnefont - Raquel Hadida /

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     Vivre sur son bateau: un statut mal défini

    CAucun texte de loi n’interdit de vivre sur un bateau, mais aucune loi n’encadre cette pratique.Les habitants se retrouvent alors dans des situations administratives complexes.

    • Chaque port et canal décide de sa politique : autorisé avec ou sans supplément (forfait “vie à bord”),toléré, interdit… (carte).• Pour la boîte aux lettres, ces habitants utilisent l’adresse du port (si autorisé). Ou se font “héberger”par un chantier naval, par un ami. Ou, très souvent, auprès du CCAS (centre communal d’actionsociale) ou de centres d’hébergement: “Juridiquement, on est considérés comme des SDF, alors qu’ontravaille ! Alors qu’avant, on pouvait planter notre boîte aux lettres et la déclare r à la Poste, noussommes désormais marginalisés par la loi sur la sécurité intérieure de Sarkozy”, s’indigne Olivier.• Les assurances couvrent le bateau et les équipements, mais pas les effets personnels : il faut yrattacher une responsabilité civile indépendante.• Pour un port, la présence d’habitants dissuade les rôdeurs des pontons, et prévient les soucis sur lesautres bateaux (bouée mal mise, hublot ouvert, amarres qui lâchent). Mais peut poser des problèmesde rejets des “eaux noires et grises” sanitaires, lorsque les bateaux ne sont pas équipés de cuves. Leshabitants utilisent des produits biodégradables.

     À partager Jusqu’au bout C’est un magnifique vieux gréement, unthonier des Sables-d’Olonne de 1949, qui 

     fait rêver de pirates et d’aventures en mer. À Marseillan, ou ailleurs sur le bassindeThau, Yannick vit dans le Jusqu’au bout ,et ne manque pas une occasion de letransformer en bateau-spectacle. Poésie,ateliers pour enfants, projections sur les

    voiles, comédies musicales… “Nous(le bateau et moi) fonctionnons en partage– d’autant plus qu’il faut être quatre pourle manœuvrer.” Pas question de jouer lesermites: Yannick accueille une constellationde copains qui passent, se rencontrent, font vivre le bateau, donnent des coups de main.Ex de la marine nationale et du transport routier, Yannick a décidé, à 50 ans, dechanger de vie. Et de faire revivre ce bateau,ou plutôt cette épave vermoulue dégotéeà Narbonne en 1996. Pendant six ans, il laretape de la quille au mât, avec desmatériaux traditionnels, tout en vivant duRMI, dans un confort minimum. “Je n’ai

     jamais douté que ce bateau allait repartir” ,assure-t-il, heureux. “Je n’ai pas vu grandirmes enfants. Aujourd’hui, je me sensdisponible aux gens. Le bateau s’occupe demoi et je m’occupe des gens. J’essaie defaire passer le p laisir d’être ici.”

    BA  TE AU

    40 à 50 bateaux habités sur le bassin de Thau

    1 - Marseillan• Dans les ports : autorisé, payant, sans surcoût de place.Quatre couples de retraités.• Sur le canal du Midi :interdit…mais toléré. Yannick y  passe l’hiver sur leJusqu’aubout (ci-dessus).2 - Mèze et Bouzigues• Interdit dans les ports.• Mouillage permanent interdit sur l’étang.

    3 - Balaruc-les-Bains Anse de Port-Suttel, dit “lemarigot” : port “sauvage”,inexistant juridiquement.Gratuit, sans eau ni électricité.Une dizaine de navires habitésl’hiver, amarrés ou aumouillage, dont celui d’Olivier 

    et Nadia et celui de Maude(ci-contre).4 - FrontignanPas de résidents en bateau.5 - Parc aquatechnique SèteLocation d’emplacements sur le terrain de trois chantiersnavals, pour rénovation debateaux.Une dizaine de navires habités,dont ceux de Didier et Vincent (p. 11)

    6 - Port de Sète Autorisé depuis le 1er  janvier 2013, avec 30% de surcoût de place. Une quinzaine de navireshabités, dont cinqofficiellement. On y trouveLaurent et Valérie (à g.), ainsi que Philippe et Richard (p. 11).

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    0 dossierUn bateau qui porte un vécu. On se tourne versles occasions des années 80, jouables pour le por-tefeuille (voir Budget p.11).Décision prise, on répartit ses affaires dans lescaves des copains, on les revend aux puces. Par-fums, chaises, canapé, vêtements, déco: pas deplace pour le superflu. “J’ai fait mon deuil des

     paires de chaussures illimitées: si on tombe en panne, les outils sont plus utiles !”, rit Valérie.Nadia se sent libérée:“Ce matériel, ça encombrait la tête!”Seuls rescapés du grand ménage: les bou-quins et les BD, triés sur le volet.

    Tout retaper soi-mêmeOn se lance ensuite dans la grande rénovation.Pendant un an, pendant six ans, tout en jon-glant avec le boulot. Moteur, menuiserie, élec-tricité, pompes, peinture, meulage, soudure,masticage… quand l’étanchéité est en jeu, chaquematériau, chaque finition compte. Formé oupas, on se fait conseiller sur “radio ponton”.Mais aussi par des pros, comme Jean-LouisFraisse, du chantier naval de Marseillan, ouDenis Kergomard, architecte naval de Balaruc.Et on apprend sur le tas. Et chacun aménage àsa sauce: isolation, rangements malins pour

    l’espace, couchettes pour accueillir, et gazinièresà bascule pour éviter de tout renverser! À force,certains s’épuisent, et revendent le bateau. Lesplus têtus gardent le cap jusqu’à la mise à l’eaudu bateau. Fête et soulagement. Ensuite, l’en-tretien, quotidien: “Tous les jours, il y a quelquechose qui se casse.” Tout sortir sur le ponton,trouver le matériel spécialisé, tout rentrer lesoir: sur un bateau, le petit bricolage prend untemps dingue! Une contrainte? Au contraire,cette sollicitation permanente, cette lenteur obli-gée créent “un lien affectif avec le bateau” .

    Lovés à l’abri, “comme dans le ventre d’une mère” ,ou“d’une baleine” , ils considèrent ce lieu intimecomme un organisme vivant. Avec lequel ilsforment un couple, indéfectible. Pour “moi et mon bateau”, ils disent “nous” . Les couples assu-rent “vivre à trois sur l’eau” . Et tous en parlent comme d’un amoureux: “Je vis avec lui, je sors

    avec lui” , “j’ai confiance en lui”, “je sais ce qu’on peut faire ensemble”, “je prends soin de lui”, “il s’oc- cupe bien de moi”, “il me manque” …Les sensations à bord participent de cette rela-tion fusionnelle. “La nuit, on est bercé, on sent levent d’est, ou quand un bateau de pêcheur  passe…” , se ravit Philippe. Helena y apprécieles mouvements : “Dans cet espace restreint, tousles gestes ont un sens. Ils deviennent une choré-  graphie, un rituel où on recherche l’équilibre.” Nadia s’y trouve apaisée: “On ressent l’eau, l’air,le soleil, on sent le bateau bouger. Il nous rap-  proche des éléments, il est vivant!” 

    L’âme du bateauPlus “connectés avec la nature” , même à quai,plus limités en eau et électricité, les habitantsflottants en deviennent“plus humbles” . Et adop-tent une forme de simplicité. À contre-courant 

    de la société de consommation, ils ne cuisinent plus que du frais — exit le surgelé — et font sou- vent leur propre pain. N’achètent que du pra-tique et du durable. Et rangent: pas de placepour la négligence.Pour la lessive: les chaussettes dans l’évier et lereste, direction la laverie, avec étendoir sur lepont. Et le fer à repasser, on oublie! Vaisselle àla main avec des produits biodégradables (enabsence de cuve à eau grise), et quasi à sec. Pourl’électricité, des lampes Led, mais on ne se priveni de musique, ni d’ordinateur, avec des clés

    3G pour Internet. Reliés à une borne d’eau et d’électricité (place payante), les navires restent confortables. En famille, Laurent et Valérie ont une salle de bains. Les autres adoptent des cuvesà eau — une corvée pour la remplir. Et pour selaver, utilisent les sanitaires du port ou du chan-tier naval. Pour le chauffage : souffleuses de salle

    de bains, convecteurs ou chauffages à bain d’huile.Dans ce petit volume, leur chaleur suffit à chauf-fer tout l’habitat.

    Zéro gaspillageEn revanche, sans être relié au réseau, c’est plusspartiate. Pas de mini-frigo. Pour se laver: augant, avec l’eau chauffée à la casserole. Et dessessions aux bains-douches municipales ou chezles copains. Pour Yannick, “la douche, c’est untruc de terrien”. Pour le chauffage, un poêle àgasoil, avec cheminée. Voire carrément un poêleà bois, comme Yannick, qui stocke ses bûchessur le pont! Relié au moteur, voire à un pan-neau solaire et une mini-éolienne, un parc de

     batteries génère un peu d’électricité. À utiliseravec parcimonie, quitte à s’éclairer aux lampesà pétrole.Dans ces conditions, l’hiver, on joue, on bricole,

    “on réapprend à lire” . L’été, on tourne aux apé-ros avec les voisins. Dans une ambiance bien dif-férente qu’en immeuble impersonnel. “J’ai vécu22 ans à Sète sans connaître personne. Alors quesur les pontons, il y a une convivialité, une entraidequ’on ne trouve pas à terre” , s’enthousiasmeRichard. Pas de “communauté”, mais un réseaufluctuant, tissé de port en port autour de l’étang.La solidarité maritime n’est pas un vain mot.Même à quai, en attendant le grand voyage.

    Une fenêtre sur le monde

    Vue du hublot, depuis le bateaud’Olivier et Nadia*, dans “le

     Marigot”, à Balaruc. Sur les cargos,Olivier, commandant breton aulong cours, a fait trois fois le tour de la planète, avant de sereconvertir dans la pêche “petit-métiers”, à Sète. Que se passe-t-il quand ce loup de mer de 40 ansrencontre Nadia, une Sétoise pur 

     jus de 26 ans, serveuse sur lesrestaurants de plage, qui n’est quasiment jamais sortie de

    l’Hérault? Ils emménagent dansle neuvième bateau d’Olivier.Rudimentaire au départ, il gagneen confort et en féminité.

     Mosaïque devant l’évier,chauffage, projet debibliothèque…Nadia passe son deuxième hiver àdeux pas de son ancien chez elle.La découverte est totale: “À Sète,à part avoir des barques pour sepromener et pour les barbecues,

     je n’ai jamais fait attention auxbateaux habitables! Aujourd’hui,

     j’y suis tellement bien que je neretournerais pas en appart’. Cettevie m’a fait découvrir lasimplicité” Désormais, l’objectif de Nadia et Olivier: mettre lesvoiles dès cet été vers des villages

    des côtes africaines ou d’Amériquelatine. Et vivre encore plussimplement, en complèteharmonie avec l’élément liquide.*Les prénoms ont été changés.

    … suite dela page 8 

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    11Réalisé par Raquel Hadida/

    photos Raquel Hadida - Helena remiejers/

    La Gazette n° 292 - Du 2 au 29 janvier 2014

    BA  TE AU

    BUDGET BATEAU

    Vivre sur un bateau ne coûte pasvraiment moins cher que vivreen appartement! “Ça revient aumême que pour une maison enlotissement”, calculent Valérie etLaurent. Et peut même s’avérer“un sac d’emmerdes et un gouffre

    à pognon”, dixit Vincent.Les estimations indiquées ci-dessous concernent un bateaude 10 mètres, idéal pour la vieseule ou en couple.

    • À l’achat, un bateau neuf coûte aisément plus de100000. Pour y habiter, laplupart des gens optent pour unbateau des années 80 (30 ans),à35000env. À la revente, lebateau se dévalue comme unevoiture.

    • Crédit bateau: que sur 10 ansmax. Donc mensualités de 500par mois. Difficile à décrocherpour une habitation: malgréleurs deux CDI, Laurent et Valérieont fait 17 demandes!

    • Place de port à l’année: 235par mois (à Sète, forfait “vie àbord”). Mais la liste d’attente estlongue… Sinon, il faut payer uneplace “passager”: 32 la nuit enété.

    Emplacement sur un chantier,à sec: 150 à 250par mois.

    • Taxe: pas de taxe d’habitationpour un habitat mobile.

    • CAF: mais pas d’allocationsfamiliales non plus, alors qu’ellespourraient alléger le crédit.

    • Matériel courant: peinture,plaques de cuisson, vis, moussede banquette… tous lesmatériaux doivent être “de

    qualité marine” – inoxydables,étanches, etc. –donc plus chers.Sans compter que, même à quai,tout s’abîme plus rapidement,exposé à l’humidité et au sel.

    • Mauvaise manœuvre: çapeut coûter cher. Une voiledéchirée, et il faut débourser2000au bas mot.

     Vincent: cap sur la photo Magnifique, mais lourde à porter. Vincent vient d’acquérir, en février dernier,une goélette de 16 mètres de long, porteuse de vécu, tout en bois et enaluminium… Mais “tout est pourri. Le chantier durera plus qu’un an etcoûtera plus de 10 000, suite aux découvertes imprévues. Et encore, je n’aipas sorti le moteur !” Et sur ce chantier naval-là, point de connexion à l’eau et à l’électricité.Photographe de presse, Vincent doit, pour pouvoir travailler dans de bonnesconditions, alterner avec des périodes chez les copains. Quitte à retourner rénover son bateau, avec l’appui d’un skipper et de sa compagne, “pour seredonner de l’énergie et des coups de main”.Car si, à 32 ans, Vincent a investi dans ce grand bateau pour y vivre, c’est aussi “pour le partager, et parce que j’ai acquis l’expérience et l’entouragenécessaire”. Notamment auprès de l’association sétoise Cap au large*, qu’il 

     préside désormais. Il imagine aussi stages photo et reportages à bord:“J’aimerais utiliser ce bateau comme outil de travail, pour ajouter une autrecorde à mon arc.” Son rêve de voilier, Vincent le nourrit depuis son adolescenceen Normandie, non loin d’un chantier naval. Et s’il rêve d’Islande et du Cap-Vert, les prochains mois, il va sans doute surtout profiter d’une splendide vuesur l’étang de Thau… “Je ne regrette pas!” assure-t-il. Bon courage…*École de croisière en voilier pour valides et handicapés.http://cap.aularge.free.fr 

    Les célibataires des pontonsPhilippe et Richard vivent chacun sur leur bateaudans le port de Sète, près du môle. Divorcés tous lesdeux, à 37 et 61 ans, ils semblent trouver, à quai,une nouvelle force. “Je me sens épanoui, je passeles plus beaux moments de ma vie!”, “C’est unebulle d’oxygène, une bouée”, s’enthousiasment-ils.Le mont Saint-Clair qui s’illumine à l’aube, lescopains de ponton, et du bar du Vieux-Port…Pourtant, rien ne les prédestinait à un tel choix devie. Richard, ex-serrurier et Sétois d’origine, a sestrois sœurs à Sète, a habité dans trois villas de100m2 à Cournonterral, et “gamin, de voir lesbateaux bouger, j’avais mal au cœur”. Philippe,lui, était responsable d’un magasin de musique àParis. Il s’entiche de Sète et d’un bateau, comme

     pied-à-terre du week-end, avant d’y emménager,dès son licenciement économique: “C’était

    l’occasion de changer de vie. Mon fils de 6 ansvient en vacances dessus, et il s’éclate!” Certes,Philippe et Richard font des escapades en appart' à l’occasion de rencontres amoureuses. Mais viteoppressés, ils reviennent dans leur cocon flottant.Loin de se définir comme grands navigateurs, ils“sortent” à la journée. Et Philippe ne s’interdit pasde rêver à une traversée en solo,” pour me prouverdes choses à moi-même.”

    “Je veux vivre sur un bateau, en faisant duthéâtre pour raconter des histoires gla- nées dans les ports.” Sétoise le temps

    d’une longue étape de deux ans, Helena, laNéerlandaise de 30 ans, replaque tout pourpoursuivre sa “mission”, son “projet Fabel”,direction le Brésil.Après avoir navigué dans l’hémisphère Sudavec ses grands-parents, Helena travers l’At-lantique en “bateau-stop”… à 19 ans. Acadé-mie de théâtre et formation en “capitaine de

     vieux gréement”… Et hop, en 2011, grâce àun mécène, elle part d’Amsterdam avec son

     Ranaen bois, à travers les canaux, fait escaleen organisant des contes musicaux, des “nuitsdes fables”. On lui parle d’une “île pirate” dansle Sud, sans règles…“Je m’intéresse aux espacesde liberté où germe une vie alternative, aux 

     ponts entre la réalité et l’imagination. J’ai prisça très au sérieux!” Alors ce lieu, elle le rejoint.C’est l’anse de Balaruc-les-Bains: Port-Suttel

    pour l’administration, “Le Marigot” pour leshabitants temporaires.

    Longue escale à SètePour refaire la caisse de bord, elle travaillecomme “ship manager” sur le Sans-souci star ,un yacht basé sur le quai d’Orient à Sète. Là,elle participe aux photos de Li Wei, le photo-graphe chinois invité par Dock Sud… et se

     blesse, en tombant avec lui déguisé en Boud-dha! Amoureuse de Sète, amoureuse d’unhomme sur un domaine viticole, elle s’attarde,finit par délaisser son bateau amarré à Mar-seillan. “Mais j’étais malheureuse loin de lui,et j’avais peur que mon rêve m’échappe.”Alors,enrichie de ses rencontres sétoises, Helenaremet en route son spectacle flottant. Repar-tie à Amsterdam pour rechercher des finan-

    cements, elle devrait revenir à Sète pour uneavant-première le 30 mars… Une aventure àsuivre aussi sur www.projectfabel.org

    Didier: nomade sur terre et mer

    Helena ou l’aventure des fables

    Pour accéder à sa coque de noix en travaux, Didier grimpe sur une échelle de trois mètresde haut. Il vit depuis cinq ans sur les chantiers Rive Sud, au parc aquatechnique de Sète,pour rénover son bateau en acier. Tout “en faisant les 3x 8”, comme chauffeur routier. À

    l’intérieur, le strict minimum: une guitare, un ordi portable, du plexiglas et des plaques de bois à la place des hublots.Formé à la maintenance de voiliers, cet Alsacien de 43 ans a vécu dix ans en saisonnier surles chantiers navals, en habitant en caravane.

    Boulot-bateau-dodoMais “pour obtenir le crédit pour acheter un bateau – mon objectif –, j’ai dû changer de job”.Alors Didier devient chauffeur de poids lourd, décroche un CDI “bien payé” , le sésame pourle crédit. Mais pour réparer son bateau trentenaire, encore faut-il du temps et de l’argent àla fois. Alors Didier tente de jongler entre intérim, CDD et chantier, selon budget et météo.

    Le temps s’étire : “J’estimais les travaux à un ou deux ans, mais en démontant – il y a cent trousrien que sur le pont… –, je vois qu’il faudra six ans.” 3000 heures de travail, bloqué sur lechantier, alors que Didier n’a qu’une envie: “Bouger, casser la routine. D’abord prendre durepos au Cap-d’Agde, puis tourner en Méditerranée, puis aux Antilles. Dans les ports, il y a tou- 

     jours moyen de travailler.” 

    Helena est arrivée à Sète en bateau, il y a deux ans. Pour cette rayonnante Néerlandaise, il est l’heure de repartir pour aller conter des histoires d’ici et d’ailleurs…

     Au parc aquatechniquede Sète, Didier vit 

     perché sur son bateauen chantier, à sec sur des cales.

    Le point de vue du chantier naval:

    C

    Alain Borsotti, gérant du chantier Rive Sud, a lui-même vécu 15 ans

    en bateau : “Je les comprends parfaitement, et au niveau de la viequotidienne, ça ne pose pas de problème (le terrain du chantier est équipéde sanitaires, NDLR). Mais on évite d’avoir trop de bateaux habités, rapport aux coûts d’électricité et surtout au bricolage : quand la limaille de fer vavoler sur les bateaux de nos propriétaires, c’est gênant…”