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2
INTRODUCTION
es onychomycoses représentent les étiologies les plus fréquentes parmi
les onychopathies. Cette fréquence, en ascension continue, est
probablement due aux changements qu‟a connu notre mode de vie
durant ces dernières décennies. Mal supportées par les patients, elles sont
devenues l‟un des principaux motifs de consultation en dermatologie
mycologique.
Le plus souvent, ces onychomycoses sont causées par des Dermatophytes au
niveau des ongles des pieds et par des Candida au niveau des ongles des mains.
Moins fréquemment, elles peuvent être dues à des champignons filamenteux
non dermatophytiques appelés communément « Moisissures ». Ces moisissures
sont des saprophytes omniprésents, peuplant chaque recoin de notre
environnement et dont certains, dotés d‟une virulence latente, peuvent
outrepasser ce caractère saprophyte et se transformer en opportunistes. Ces
dernières années, les onychomycoses engendrées par ces moisissures ont attiré
une grande attention dans le milieu médical. En effet, cette famille de
champignon est de plus en plus pointée des doigts en tant que responsable de
l‟échec de traitement des onychomycoses. Elle est également accusée d‟être
potentiellement responsable d'infections systémiques chez les patients
immunodéprimés et de certaines complications qui peuvent être fatales chez les
diabétiques.
La prévalence des onychomycoses à moisissures varie énormément selon les
études et les laboratoires et oscille généralement entre 1,5% et 20% de
l‟ensemble des cas d‟onychomycoses. Au Maroc, quoique la prévalence
L
3
enregistrée reste très basse, une prise de conscience relativement à ce type
d‟atteintes commence à s‟installer dans le milieu scientifique.
L‟objectif de ce travail est d‟abord d‟essayer de combler un vide concernant la
documentation autour des onychomycoses à moisissures puisque les ouvrages
scientifiques traitant ce sujet dans sa globalité sont quasi-absents. Un autre
objectif tout aussi important est de présenter, en les discutant, les résultats de
l‟étude rétrospective menée par le « Laboratoire de Parasitologie et de
Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat » sur les onychomycoses
au Maroc. Le présent recueil se propose ainsi, d‟expliciter les différentes
facettes du sujet en parlant, dans un premier temps des moisissures puis des
onychomycoses dans un cadre général pour passer ensuite à une présentation de
l‟état des lieux relatif aux onychomycoses à moisissures en s‟appuyant sur les
publications et les recherches faites dans différents pays et dans des contextes
variés dans le but de dégager une vue aussi large que possible sur ce sujet. Une
attention particulière sera accordée à l‟étude susmentionnée du « Laboratoire de
Parasitologie et de Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat » qui a
permis, entre autres, de tracer une cartographie des mycoses unguéales au
Maroc, une cartographie qui ne peut être que fiable et représentative, vu
l‟étalement de l‟étude dans le temps et le nombre important des patients étudiés.
5
CHAPITRE I : GENERALITES SUR LES MOISISSURES
II DDEEFFIINNIITTIIOONN
Les moisissures sont des champignons pluricellulaires microscopiques
ubiquistes, à croissance filamenteuse, qui regroupent des milliers d‟espèces. Le
terme familier de « moisissures » fait généralement référence à leur texture
laineuse, poudreuse ou cotonneuse, qui peut être observée à divers endroits [1].
Les moisissures produisent des structures de reproduction appelées spores ;
celles-ci sont invisibles à l‟œil nu. Elles peuvent également élaborer des
substances chimiques susceptibles de demeurer à l‟intérieur des spores, d‟être
libérées dans les matériaux qu‟elles colonisent (ex. : enzymes, mycotoxines) ou
encore d‟être libérées dans l‟air ambiant (ex. : composés organiques volatils).
IIII MMOODDEE EETT CCOONNDDIITTIIOONNSS DDEE DDEEVVEELLOOPPPPEEMMEENNTT
Chez les moisissures, l'appareil végétatif, qui permet la croissance et le
développement, est composé de filaments appelés « hyphes » dont l'ensemble
constitue un réseau: le mycélium. Celui-ci est parfois visible sous forme de
petites tâches colorées à la surface de substrats moisis. Il va à la recherche de ses
aliments, dégrade le support par émission d'enzymes et d'acides, transforme les
composants à l'intérieur de la cellule et rejette les déchets à l'extérieur ou les
stocke. La dégradation du substrat peut être infime ou considérable, selon
l'adaptation spécifique du champignon, la durée et les conditions de son
développement. Cette activité de dégradation est cause de la détérioration des
supports.
6
La colonisation du substrat est donc réalisée par extension et ramification des
hyphes. L'accroissement de celles-ci s'effectue par le sommet où se réalise
l'essentiel des réactions de synthèse et de dégradation. Il s‟agit là du
métabolisme primaire, indispensable à la construction de la cellule du
champignon. Les régions apicales des hyphes sont caractérisées par la présence
de nombreuses vésicules cytoplasmiques contenant les enzymes et les
précurseurs de synthèse de nouveaux polymères. Les produits du métabolisme
"secondaire" non indispensable au fonctionnement de la cellule, sont plutôt
stockés en région subapicale. Les métabolites secondaires les plus connus sont
les pigments, les antibiotiques, les mycotoxines [2]...
Les hyphes sont appliquées sur le substrat ou parfois immergées dans celui-ci.
Elles absorbent, à travers leur paroi, l'eau, les substances nutritives et les ions
qui y sont contenus. Cette fonction implique une perméabilité pariétale qui
diminue de l'apex vers les zones plus âgées. Dans les zones actives, il y a en
permanence des échanges entre l'intérieur et l'extérieur de la cellule.
Au point de vue structural, ces hyphes sont des sortes de tuyaux contenant le
cytoplasme, les noyaux et autres organites cellulaires. Elles sont généralement
cloisonnées. Dans les parties jeunes du mycélium les cloisons sont percées de
pores qui permettent le passage du contenu cellulaire d'un compartiment à
l'autre. Dans les parties les plus âgées, les cloisons sont fermées, isolant les
parties en voie de dégénérescence des parties actives.
Bien qu‟elles soient peu exigeantes, la réunion de certains facteurs, nutritifs et
environnementaux est néanmoins nécessaire au développement des moisissures.
Ainsi, le Carbone et l‟Azote sont les éléments nutritifs les plus importants pour
les moisissures en sus de quelques ions minéraux (Potassium, Phosphore,
Magnésium…) et ce, en très faibles quantités. Les moisissures peuvent
7
également avoir besoin d‟autres éléments tels que les acides aminés, les
protéines, l‟amidon et la cellulose.
Ces substances nutritives sont souvent abondantes mais c‟est généralement une
bonne combinaison des facteurs environnementaux déterminants que sont
l‟humidité, l‟oxygénation, la température et le pH qui fait défaut entravant ainsi
le développement des moisissures [2].
IIIIII PPRRIINNCCIIPPAAUUXX EEFFFFEETTSS DDEESS MMOOIISSIISSSSUURREESS SSUURR LLAA SSAANNTTEE HHUUMMAAIINNEE
Toutes les moisissures sont saprophytes se développant sur et au détriment de
matériaux très variés (papiers, bois, aliments, peau, phanères..). Parfois,
certaines d‟entre elles peuvent devenir "opportunistes" en parasitant l‟organisme
hôte. Un tel comportement peut occasionner chez certaines personnes dont les
défenses sont affaiblies, des effets néfastes sur la santé [3,4]. Ces effets sont de
type irritatif, immunologique (réactions allergiques et réponses immunitaires
nocives) ou toxique (réactions aiguës à de fortes concentrations et réactions
systémiques suite à l‟exposition répétée aux mycotoxines). Plus rarement ces
effets sont cancérigènes ou prennent la forme d‟infections opportunistes chez
des individus sévèrement immunodéprimés comme par exemples des fusarioses
ou des aspergilloses disséminées, ou profitant de l‟absence normale d‟une
défense immunitaire dans l‟appareil unguéal pour provoquer une onychomycose
[1]. Ce dernier effet, sujet de la présente thèse, peut être provoqué par de
nombreuses espèces de moisissures dont la classification est abordée dans le
paragraphe ci-après, l‟accent étant mis sur la classe reconnue à l‟origine desdites
onychomycoses à moisissures.
8
IIVV PPLLAACCEE DDEESS MMOOIISSIISSSSUURREESS RREESSPPOONNSSAABBLLEESS DD’’OONNYYCCHHOOMMYYCCOOSSEESS
DDAANNSS LLEE RREEGGNNEE DDEESS MMYYCCEETTEESS
Comme les autres champignons, la classification des moisissures, est d‟abord
basée sur le mode de reproduction sexuée autrement appelée « phase
téléomorphe » [1]. Ce critère définit quatre des cinq divisions des mycètes, soit
les Chytridiomycotina, les Zygomycotina, les Basidiomycotina et les
Ascomycotina. Certaines moisissures sont le plus souvent ou exclusivement
rencontrées à des stades de multiplication asexuée dits « anamorphes », et sont
alors classées d‟après le mode de production des spores asexuées ou conidies
dans la cinquième division des Deutéromycotina, ou Fungi imperfecti qui
regroupe la plupart des moisissures d‟intérêt médical.
Les Deuteromycotina sont divisés en trois classes :
Les Blastomycètes qui regroupent l‟ensemble des champignons
levuriformes.
Les Hyphomycètes qui regroupent tous les champignons filamenteux à
thalle septé dont les cellules conidiogènes (productrices de spores ou
conidies) sont libres.
Les Coelomycètes qui rassemblent les champignons filamenteux dont les
cellules conidiogènes sont contenues dans des organes protecteurs appelés
pycnides ou acervules.
Le schéma suivant montre la classification de la division des Deuteromycotina :
9
Fig. 1 : Classification de la division des Deuteromycotina [3]
C‟est parmi ces champignons filamenteux de la classe des Hyphomycètes qu‟on
retrouve incriminée la plupart des espèces de moisissures responsables
d‟onychomycoses.
CHAMPIGNONS Règne
Deuteromycotina (Fungi Imperfecti)
Phylum
Blastomycètes Coelomycètes Hyphomycètes Classe
Cryptococcales Moniliales Ordre
Famille Dematiaceae
(phaéohyphomycètes)
Moniliaceae
(hyalohyphomycètes)
Genre Candida sp.
Cryptococcus sp.
Malassezia sp.
Trichosporon sp
Nattrassia sp.
Phoma sp. Acremonium sp. Alternaria sp.
Aspergillus sp. Aureobasidium sp.
Beauveria sp. Bipolaris sp.
Chrysosporium sp. Cladosporium sp.
Cylindrocarpon sp. Curvularia sp.
Fusarium sp Exophiala sp
Onychocola sp. Phialophora sp.
Paecilomyces sp. Scytalidium sp
Penicillium sp Ulocladium sp
Scedosporium sp.
Scopulariopsis sp.
Scytalidium sp.
Trichoderma sp.
10
LLeess HHyyaalloohhyypphhoommyyccèètteess
11..11 EEppiiddéémmiioollooggiiee
Les Hyalohyphomycètes sont des micromycètes cosmopolites appartenant à la
famille des Moniliaceae. Ils vivent pour la plupart en saprophyte, dans le sol, sur
des végétaux en décomposition ou sur des substrats telluriques divers comme les
débris kératiniques. Certains sont des pathogènes de plantes (surtout les espèces
appartenant au genre Fusarium), ou d‟insectes comme Beauveria bassiana [3].
A partir de leur habitat naturel, ces champignons dispersent leurs spores qui,
véhiculées par le vent, seront présentes dans l‟air de manière permanente. C‟est
le cas, par exemple, des spores de Penicillium qui se situent en 3ème
position des
spores fongiques atmosphériques [3].
Ces Hyalohyphomycètes se développent bien sur tous les milieux utilisés en
mycologie. Leur croissance est cependant inhibée par le cycloheximide. La
température optimale de croissance varie selon les espèces entre 20 et 30 °C.
Seules les espèces isolées de prélèvements profonds poussent à 37 °C [2,3].
11..22 CCaarraaccttéérriissttiiqquueess mmiiccrroossccooppiiqquueess
Les genres appartenant à cette famille ont certains caractéristiques
microscopiques en commun :
Un mycélium végétatif clair ou hyalin [3].
Des filaments mycéliens, de diamètre fin et régulier, septés et ramifiés.
L‟organisation conidiogène change et varie selon les espèces [3].
LLeess PPhhaaééoohhyypphhoommyyccèètteess ((oouu DDèèmmaattiiééss))
22..11 EEppiiddéémmiioollooggiiee
Les Dématiés sont des moisissures issues du sol, de la terre ou de végétaux en
décomposition. Ils sont parfois parasites de plantes et certains sont de véritables
11
opportunistes chez l‟homme. Leur caractéristique commune est de produire des
pigments de type mélanine qui imprègnent la paroi des filaments, d‟où l‟aspect
foncé ou noir des colonies en culture et des filaments dans les tissus parasités
[5,6].
22..22 CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx
Les Phaéohyphomycètes se développent bien sur tous les milieux utilisés en
mycologie. Leur croissance rapide est le plus souvent inhibée par le
cycloheximide. Les températures optimales de croissance sont comprises entre
25 et 30 °C. Seules quelques espèces isolées de prélèvements profonds poussent
à 37 °C [7,3].
22..33 MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee
Les filaments végétatifs, initialement hyalins, brunissent en vieillissant, mais
certains restent incolores. Ces champignons se reproduisent en général
seulement sur le mode asexué, et l‟organisation conidiogène varie selon les
espèces. En outre, si les spores sont souvent foncées ou noires pour ces
champignons, d‟autres produisent des spores hyalines [7,3]
12
CHAPITRE II : LES ONYCHOMYCOSES
II RRAAPPPPEELL SSUURR LL’’AANNAATTOOMMIIEE EETT LLAA PPHHYYSSIIOOLLOOGGIIEE DDEE LL’’AAPPPPAARREEIILL
UUNNGGUUEEAALL
Une bonne connaissance de l‟anatomie et de la physiologie de l‟ongle est
nécessaire à la compréhension de l‟onychomycose, de ses caractères cliniques et
de la réponse au traitement. C‟est ainsi que le présent paragraphe sera dédié à la
description de l‟anatomie et de la physiologie de l‟ongle normal.
11.. AAnnaattoommiiee ddee ll’’aappppaarreeiill uunngguuééaall
L‟appareil unguéal est constitué de cinq parties (FIG. 2):
la tablette unguéale,
la matrice unguéale,
le repli proximal ou sus-unguéal et les replis latéraux,
le lit de l‟ongle,
l‟hyponychium
13
La figure ci-dessous représente une coupe sagittale de l‟appareil unguéal. :
1. Cul-de-sac unguéal ; 2. derme du repli sus-unguéal ; 3. couche cornée de la face supérieure du repli sus-
unguéal ; 4. couche cornée de la face inférieure du repli sus-unguéal ; 5. épiderme du repli sus-unguéal : face
postérieure ; 6. épiderme du repli sus-unguéal : face inférieure ; 7. sillon proximal ; 8. cuticule ; 9. limite
inférieure de la lunule ; 10. partie supérieure de la lame ; 11. partie moyenne de la lame ; 12. partie profonde de
la lame ; 13. bord libre de la lame unguéale ; 14. sillon distal ; 15. derme de l‟extrémité digitale ; 16. épiderme de
l‟extrémité digitale ; 17. épiderme de l‟hyponychium ; 18. épiderme du lit unguéal ; 19. médullaire osseuse ; 20.
périoste ; 21. derme du lit unguéal ; 22. fibres verticales de collagène ; 23. matrice distale ; 24. matrice
proximale.
Fig. 2 : Coupe sagittale de l‟appareil unguéal [19]
11..11 LLaa ttaabblleettttee uunngguuééaallee
La tablette unguéale est une plaque rectangulaire dure, cornée, lisse,
transparente faite de kératine produite de manière continue par la matrice. Cette
plaque est encastrée en arrière dans une large cavité, le cul-de-sac proximal et
latéralement dans les sillons latéraux. La partie proximale, est constitué de
lunule. Puis l‟ongle paraît rosé du fait de la vascularisation du lit unguéal sur
lequel il repose. Cette coloration, se renforce dans la région distale pour laisser
place ensuite à une zone étroite plus pâle, “la bande onychodermique”, qui
correspond à la jonction du lit et de l‟hyponychium et représente une importante
barrière anatomique contre les agressions [8]. L‟infection de la couche cornée de
14
l‟hyponychium par un champignon peut favoriser la rupture de cette jonction et
une onycholyse [9]. L‟extrémité distale est blanche et n‟adhère pas à
l‟hyponychium, c‟est le “bord libre” de la tablette unguéale sous lequel
persistent généralement des débris de kératine, en particulier aux orteils.
La tablette n‟est pas du tout adhérente à la matrice sous-jacente dans sa partie
proximale. Elle adhère par contre fortement au lit de l‟ongle qui participe à la
formation des couches inférieures de la tablette. Au niveau des sillons latéraux,
l‟adhérence de la tablette est faible, particulièrement dans la moitié distale. Cette
faible adhérence au niveau des sillons latéraux peut expliquer les échecs des
traitements antifongiques oraux [9].
11..22 LLaa mmaattrriiccee uunngguuééaallee
La matrice a la même structure histologique que l‟épithélium cutané, mais la
couche superficielle ne comporte pas de couche granuleuse.
11..33 LLee lliitt ddee ll’’oonnggllee
Il s‟étend de la lunule à l‟hyponychium. Il est composé de l‟épiderme dont la
kératinisation se fait également sans couche granuleuse et qui participe à la
formation des couches inférieures de la tablette unguéale [9,10] à laquelle il
adhère fortement, et du derme, dépourvu de tissu sous-cutané et en contact direct
avec le périoste de la phalange sous-jacente.
11..44 LL’’hhyyppoonnyycchhiiuumm
C‟est la partie située entre la bande onychodermique et le sillon antérieur qui
borde le bourrelet antérieur. L‟épiderme ne diffère pas de l‟épiderme palmo-
plantaire, on y retrouve une couche granuleuse [9].
15
11..55 LLee rreeppllii pprrooxxiimmaall
C‟est une invagination de l‟épiderme de la face dorsale du doigt. Il recouvre la
partie proximale de la tablette unguéale et se termine par la cuticule, expansion
cornée constituée de cellules orthokératosiques formées par la kératinisation de
la tablette proximale et qui adhère très fortement à la tablette. La cuticule ferme
le cul-de-sac unguéal, protégeant ainsi la région matricielle; elle s‟oppose à la
pénétration de corps étrangers ou d‟agents infectieux [8].
La matrice proximale produit les couches superficielles de l‟ongle, la matrice
distale produit les couches moyennes et le lit unguéal produit les couches
profondes.
22.. CCoommppoossiittiioonn cchhiimmiiqquuee ddee ll’’oonnggllee
22..11 LLaa kkéérraattiinnee
L‟ongle est composé de kératines ; scléroprotéines riches en acides aminés
soufrés, dont la structure et l‟agencement sont responsables de la dureté de la
tablette et de sa flexibilité.
Cette richesse en kératine de l‟ongle explique la potentialité de pathogénicité de
certains micro-organismes.
Certains champignons sont capables de pénétrer les kératinocytes en produisant
des enzymes. C‟est le cas des dermatophytes qui produisent les kératinases. Les
Candida, n‟ont pas cette faculté et ne peuvent par conséquent pénétrer un ongle
sain, hormis le Candida albicans qui produit une peptidase capable de digérer la
kératine. Quant à elles, les moisissures du genre Aspergillus, Acremonium,
Penicillium ne sont pas capables de détruire la kératine saine, mais peuvent
devenir pathogènes à l‟occasion d‟une altération de kératine qui peut être
mécanique ou causée par un autre champignon. Ce dernier cas de figure
16
explique les infections mixtes par des dermatophytes ou des Candida d‟une
part, et des moisissures d‟une autre part [11]. Quelques espèces de
Scopulariopsis telles que le S.brumptii, le S. candida, le S. carbonaria et le S.
koningii ont une activité kératolytique [12].
22..22 LLeess aauuttrreess ccoonnssttiittuuaannttss ddee ll’’oonnggllee
En sus de la Kératine, les autres constituants de l‟ongle sont :
L’eau dont la teneur (16 % à 18 %) est dépendante du degré hygrométrique
[9]. La perte transonychiale d‟eau est moins importante dans les ongles
infectés par les champignons que dans les ongles sains.
La tablette est non seulement perméable à l‟eau, mais également au
méthanol, à l‟éthanol et à de nombreuses autres substances dont des
substances antifongiques [9]. La pénétration de ces substances est améliorée
par l‟utilisation de certains véhicules comme l‟urée [13]. La mise au point de
vernis transunguéaux a permis d‟améliorer considérablement la pénétration
de certaines de ces substances antifongiques [14].
Les lipides 0,1 à 1%. Principalement le cholestérol, intervenant dans
l‟élasticité de l‟ongle.
Les minéraux : Particulièrement le calcium, dont le faible taux (1 %) est
sans rapport avec la dureté de l‟ongle, le soufre (5 %), le fer, le zinc, le
cuivre, le manganèse… La composition chimique se modifie avec l‟âge, la
teneur en calcium augmente, celle du fer diminue [9].
CCrrooiissssaannccee ddee ll’’oonnggllee
La matrice unguéale produit une lame de kératine de manière continue tout au
long de la vie. La vitesse de croissance est variable selon l‟âge, diminuant chez
le sujet âgé [15], le sexe, les saisons, l‟activité manuelle, les traumatismes,
17
certaines maladies…. Elle est deux fois plus rapide aux mains (1/10 mm par
jour) qu‟aux pieds ; c‟est probablement une des raisons pour laquelle les ongles
des orteils sont beaucoup plus souvent infectés que les ongles des doigts; cela
explique également la nécessité d‟un traitement deux fois plus long pour les
onychomycoses des orteils que pour celles des doigts. L‟épaisseur de l‟ongle
(0,5 à 0,75 mm aux mains, 0,5 à 1 mm aux pieds) dépend de la longueur de la
matrice.
IIII DDEEFFIINNIITTIIOONN DD’’UUNNEE OONNYYCCHHOOMMYYCCOOSSEE
Une onychomycose est une mycose des ongles, des mains ou des pieds,
provoquée par des champignons microscopiques qui se développent sur l‟ongle
et le détruise en partie ou en totalité. Ces champignons peuvent être des
dermatophytes, des levures ou des moisissures, se nourrissant de kératine de
l‟ongle et se développant surtout dans les zones chaudes et humides.
IIIIII LLEESS OONNYYCCHHOOMMYYCCOOSSEESS AA DDEERRMMAATTOOPPHHYYTTEESS
11.. CCaarraaccttéérriissttiiqquueess ddeess ddeerrmmaattoopphhyytteess
Les dermatophytes sont des Champignons filamenteux caractérisés par [16] :
Un mycélium cloisonné
Une activité kératinolytique et Kératinophile
La sécrétion des métabolites antigéniques
Leur culture sur des milieux artificiels peptonés et sucrés
Leurs responsabilités dans les mycoses superficielles.
18
AAggeennttss ééttiioollooggiiqquueess eett ffaacctteeuurrss ffaavvoorriissaannttss
Les dermatophytes responsables d‟onychomycoses sont :
Le Trichophyton rubrum: le plus fréquent (mains et pieds)
Le Trichophyton mentagrophytes avec une fréquence modérée
L‟Epidermophyton floccosum, le Trichophyton violaceum et le
Trichophyton schönleinii qui sont moins fréquents
Leur transmission est interhumaine. L‟onychomycose est presque toujours la
complication secondaire d‟une atteinte dermatophytique interorteil et plantaire
favorisée par [17] :
L‟humidité et la chaleur
La fréquence de contact avec une ou plusieurs sources de contamination :
piscine, douche commune, salle de bain, ... (ils passent très facilement
d‟un doigt à l‟autre ou d‟un pied à un tapis de salle de bain puis à un autre
pied)
Le caractère pathogène élevé des dermatophytes dû à leur équipement
enzymatique représenté notamment par les kératinases capables de digérer
une kératine unguéale saine et par la résistance de leur forme de
dissémination. En effet certaines spores de ces champignons peuvent
demeurer viables et infectieuses dans l‟environnement, pour une période
pouvant aller jusqu‟à 5 ans ! [170].
LLaa cclliinniiqquuee ddee ll’’aatttteeiinnttee
Les ongles des orteils et les ongles des doigts sont atteints respectivement dans
80 % et dans 20 % des cas. L‟atteinte est mixte dans 3 % des cas.
La voie de pénétration du dermatophyte dans l‟appareil unguéal conditionne la
variété clinique de l‟onychomycose à dermatophytes [18,187] :
19
L‟onychomycose sous-unguéale distolatérale: L‟envahissement par le
dermatophyte débute presque toujours au niveau de la zone jonctionnelle
entre la kératine pulpaire et le lit unguéal. Il en résulte une hyperkératose
sous-unguéale, puis une onycholyse par détachement de la tablette de son
lit.
L‟onychomycose sous-unguéale proximale : Les dermatophytes pénètrent
sous le repli sus-unguéal pour envahir toute la partie proximale de la
lame unguéale avant de s‟étendre progressivement. Cette forme est rare en
dehors d‟une immundépression sous-jacente.
La leuconychie superficielle : La lame superficielle de l‟ongle est attaquée
par les filaments mycéliens. Une ou plusieurs taches blanches siégent au
milieu de l‟ongle et disparaissent au grattage.
La dystrophie unguéale : Evolution prolongée de l‟une des formes
précédentes.
TTrraaiitteemmeenntt
La confirmation du diagnostic d'onychomycose par l'examen mycologique est
indispensable, car la thérapeutique diffère selon l'agent en cause.
Dans le cas des dermatophytes, le traitement préconisé varie selon l‟état de la
zone matricielle [187] :
Zone matricielle respectée :
Traitement local : crème sous occlusion (Kétoconazole,
Ciclopiroxolamine), après avulsion chimique ou mécanique, ou
solution filmogène quotidienne ou hebdomadaire (Ciclopiro-
xolamine , Amorolfine)
Si échec, associer le traitement systémique.
20
Zone matricielle atteinte :
Terbinafine 250 mg/jour pendant 3 mois ou griséofulvine 18 à 24
mois
Si échec : Kétoconazole (200 mg/jour pour doigts, 400 pour orteils)
ou Itraconazole.
IIVV LLEESS OONNYYCCHHOOMMYYCCOOSSEESS AA CCAANNDDIIDDAA
11.. DDééffiinniittiioonn ddeess ccaannddiiddaa
Ce sont des champignons unicellulaires de forme variable, très répandus dans
tout le monde habité, et qui sont normalement des commensaux parfaitement
tolérés par l'homme sain [21,22], mais qui peuvent provoquer parfois des
mycoses (candidiase ou candidose) chez les personnes dont le système
immunitaire est affaibli ou chez des personnes soumis à des facteurs favorisants
le développement de ce type de champignons. Candida albicans est l‟espèce la
plus fréquemment rencontrée en pathologie.
AAggeennttss ééttiioollooggiiqquueess eett ffaacctteeuurrss ffaavvoorriissaannttss
Dans plus de 90 % des cas d‟onychomycoses à candida [187], Candida albicans
est isolé comme agent étiologique. Les autres espèces de Candida (C. tropicalis,
C.krusei, C.parapilosis, C.glabrata) sont rarement impliquées dans ce type
d‟atteinte.
Des surinfections bactériennes, en particulier à Pseudomonas aeruginosa sont
possibles et donnent une teinte bleue foncée à l'ongle.
Lorsque l'examen mycologique direct met en évidence des blastospores et un
pseudomycélium et que la culture isole la Candida albicans, celui-ci peut être
alors reconnu comme agent responsable. Si une autre espèce de Candida est
21
isolée, il est difficile de statuer sur son rôle pathogène. Il peut s'agir par exemple
d'une simple colonisation cutanée après une onycholyse relevant d'une autre
affection dermatologique (traumatisme, psoriasis...).
Les facteurs favorisant le développement d'une onychomycose à Candida spp.
peuvent être [187] :
Les traumatismes locaux : manucurie, détergents, ...
Le contact répété avec l'eau, le sucre (souvent pour des raisons
professionnelles)…
Le blanchiment des mains au jus de citron
La modification de l'immunité à cause du diabète, d‟une candidose muco-
cutanée chronique…ou encore suite à l‟action de corticoïdes, d‟agents
immunosuppresseurs...
CClliinniiqquuee ddee ll’’aatttteeiinnttee
Les symptômes et caractéristiques suivants forment généralement les signes
cliniques de l‟atteinte [187] :
Les ongles des doigts sont atteints préférentiellement, l'atteinte des ongles
des orteils est rare.
Habituellement, l'onychomycose à Candida. sp. débute par un périonyxis
(paronychie). Il s'agit d'une tuméfaction douloureuse de la zone
matricielle et du repli sus-unguéal.
La pression peut faire sourdre du pus.
L'évolution se fait sur un mode subaigu ou chronique.
La tablette unguéale est envahie secondairement et chaque poussée se
traduit par un sillon transversal. Progressivement, celle-ci prend une teinte
marron verdâtre, en particulier dans les régions proximales et latérales.
22
Plus rarement, il s'agit d'une onycholyse latérodistale : la tablette unguéale
n'adhère plus au lit de l'ongle sur une surface variable.
TTrraaiitteemmeenntt
Le principe du traitement des onychomycoses à candida est le suivant [187]:
D‟abord, il faut rechercher les facteurs favorisants et les éliminer si
possible.
Si un seul ongle est atteint, un traitement local peut être tenté : il associe
un traitement antiseptique (Bétadine solution dermique, Hexomédine
transcutanée, par exemple) et un antifongique local (dérivés imidazolés,
ciclopiroxolamine, fungizone) dont l'application doit être renouvelée
plusieurs fois dans la journée, et en particulier après chaque lavage des
mains (un gel ou une solution sont souvent préférables aux crèmes pour
les doigts).
Le port des gants est souvent illusoire et semble plutôt entretenir un
facteur d'humidité.
En cas d'échec, un traitement per os par kétoconazole, 200 à 400 mg/j,
peut être associé au moins jusqu'à disparition du périonyxis (2 à 3 mois).
Si plusieurs ongles sont atteints, le traitement associera d'emblée du
kétoconazole et un traitement local.
23
CHAPITRE III : LES ONYCHOMYCOSES A MOISISSURES
II EEPPIIDDEEMMIIOOLLOOGGIIEE
Historiquement, les moisissures ont été souvent considérées comme de simples
contaminants des cultures, surtout quand un dermatophyte était présent
simultanément. Cependant, lors de ces dernières décennies, leur implication en
pathologies unguéales est de plus en plus mise en évidence. Selon des études
publiées, leur prévalence varie entre 1,5 % et 20 % [18].
Le tableau I montre pour certains pays [23], la fréquence des onychomycoses
dans la population générale, selon qu‟elles soient suspectées cliniquement ou
confirmées mycologiquement. Il met également en évidence la variation de la
fréquence d‟onychomycoses à moisissures entre lesdits pays tout en la
comparant à celle des onychomycoses à dermatophytes et à levures.
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25
Dans une étude colombienne menée dans deux laboratoires différents, les
prévalences des infections unguéales causées par les moisissures étaient de 4,5
% et de 9,5 % [24]. Au Gabon, en Afrique le Scytalidium dimidiatum cause 20
% des infections des ongles du pied [24]. Enfin, au Nigeria H. GUGNANI a
montré que jusqu'à 40 % des onychomycoses des ongles du pied chez les
mineurs étaient dues à Scytalidium dimidiatum [24].
D‟après ces études, la variation de la prévalence des onychomycoses à
moisissures varie considérablement selon les pays. Ceci peut s‟expliquer par le
fait qu‟il n‟est pas toujours facile d‟affirmer le caractère pathogène d‟une
moisissure dans une onychomycose, par le recours à des méthodes de diagnostic
différentes selon les laboratoires, par la dissemblance de la distribution
géographique des moisissures, mais aussi et surtout par la différence du climat
régnant dans chaque pays. En effet, les onychomycoses à moisissures sont plus
répandues dans les régions tropicales et subtropicales caractérisées par un climat
chaud et humide faisant d‟elles des zones endémiques [24].
Dans notre pays à climat tempéré, les onychomycoses à moisissures ne sont que
rarement suspectées. En effet, une étude rétrospective menée par A. AGOUMI
[26] à propos des onychomycoses diagnostiquées au Laboratoire de
Parasitologie et de Mycologie Médicale (Hôpital d‟Enfants de Rabat) sur une
période de 22 ans (1982-2003) montre un faible taux d‟onychomycoses à
moisissures (1,53 %) par rapport aux onychomycoses causées par les
dermatophytes (61,46 %) et par le Candida albicans (25,5 %).
26
IIII LLEESS AAGGEENNTTSS EETTIIOOLLOOGGIIQQUUEESS EETT LLEEUURRSS PPRRIINNCCIIPPAALLEESS
CCAARRAACCTTEERRIISSTTIIQQUUEESS
Le développement des méthodes d‟analyses a permis de confirmer le rôle de
certaines moisissures dans les onychomycoses et d‟infirmer l‟hypothèse qui
considérait que les moisissures étaient toujours de simples contaminants des
cultures. Ces méthodes exigent ainsi pour confirmer la responsabilité d'une
moisissure dans une infection unguéale, un examen microscopique direct
montrant des filaments pouvant être accompagnés de spores. Elles exigent
également 2 cultures successives isolant un grand nombre de colonies de la
même espèce (au moins 5/20 points d'ensemencement), et parfois même une
histologie visualisant des filaments mycéliens dans la kératine unguéale associés
à de fins filaments perforants [22,112]. Tout ceci a fait augmenter la liste des
espèces de moisissures responsables d‟onychomycoses.
11.. LLeess ccaarraaccttéérriissttiiqquueess ddeess pprriinncciippaalleess mmooiissiissssuurreess aaggeennttss
dd’’oonnyycchhoommyyccoosseess
Certaines moisissures sont beaucoup plus impliquées que d‟autres dans les
onychomycoses. En outre, les études s‟accordent, à quelques différences près,
dans la détermination des genres et des espèces principalement incriminés dans
ce type d‟atteinte.
Le tableau II, récapitule ces principales moisissures (genres et espèces) en
donnant une idée sur la localisation de l‟atteinte préférentielle pour chacune
d‟entre elles.
27
Tableau II : Principales moisissures agents d‟onychomycoses
Famille
Genre
Espèces majoritaires
Niche écologique
Localisation
mains pieds
Hyalohypho-
mycètes
Fusarium F.oxysporum
F. solani
Nature
(rôle de l‟eau ++)
++
+++
+++
++
Aspergillus A.niger A.versicolor
A.sydowii
Nature et habitat
++
+++
Scytalidium S.hyalinum Nature
(région tropicale et subtr-
opical)
++
+++
Scopulariopsis S. brevicaulis Nature ++ +++
Acremonium Acremonium sp
Nature et habitations
(rôle de l‟eau ++)
++ ++
Phaéhypho
mycètes
Scytalidium S. dimidiatum Nature
(région tropicale et subtr-
opical)
++
+++
Fréquents (+++) ; peu fréquents (++) ; rares (+) ; exceptionnels (+/-)
La suite de ce paragraphe sera consacrée à l‟étude de ces moisissures via des
fiches descriptives de chaque genre précisant ses principaux caractères culturaux
et sa morphologie microscopique en décrivant, le cas échéant, une ou plusieurs
de ses espèces majoritairement rencontrées dans les mycoses unguéales.
11..11 LLeess HHyyaalloohhyypphhoommyyccèètteess
Fusarium
Ce genre, décrit pour la première fois en 1809 [188], très cosmopolite, est
présent dans les zones tropicales, les régions tempérées, les zones désertiques,
montagneuses et même arctiques [29]. Il regroupe des espèces telluriques
saprophytes et des pathogènes de plantes. Ces organismes sont également
impliqués en pathologie humaine, causant des mycotoxicoses et des infections
qui peuvent être locales ou disséminées [30].
28
Depuis les travaux de N. ZAIAS [31] et de F. RUSH-MUNRO [32], le rôle
pathogène des Fusarium dans les lésions unguéales a été mis en évidence.
Le rôle des onychomycoses à Fusarium comme point de départ de dissémination
en cas d‟immunodépression doit être souligné. Plusieurs observations, dont
certaines d‟évolution fatale, décrivent ce phénomène [33, 34], suggérant la
nécessité d‟un dépistage systématique chez les sujets devant subir
une immunodépression iatrogène
aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx
Les Fusarium poussent sur le milieu de Sabouraud sans cycloheximide, mais se
développent mieux sur un milieu gélosé au malt ou sur milieu PDA. La
température optimale de croissance varie entre 22 et 37 °C [3].
Les colonies duveteuses ou cotonneuses sont de couleur variable (blanche,
crème, jaune, rose, rouge, violette ou lilas) selon les espèces. Un pigment peut
être diffusé dans la gélose.
bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee
Multiplication végétative :
Du thalle végétatif, naissent des conidiophores courts et souvent ramifiés. Ils
portent des phialides qui peuvent avoir un ou plusieurs sites de bourgeonnement
pour la production des conidies. Le plus souvent, les phialides présentent un site
de bourgeonnement unique (monophialide) situé à l‟extrémité d‟un col allongé
(F. solani) ou court et trapu (F.oxysporum). Chez d‟autres espèces comme F.
proliferatum, les phialides présentent plusieurs sites de bourgeonnement
(polyphialides) [35].
Les conidies produites par les phialides sont de 2 types. On distingue :
29
Des micronidies : conidies uni (ou bi) cellulaires, de 4 à 8 µm de long,
allongées, ovales ou cylindriques, isolées, solitaires ou groupées,
disposées en verticilles ou plus rarement en chaînettes (F. moniliforme).
Des macroconidies : conidies pluricellulaires à cloisons seulement
transversales. Elles mesurent de 18 à 80 µm de long, et sont souvent
groupées en paquets. Elles sont fusiformes, courbées, assez pointues aux
extrémités, avec une cellule podale formant une sorte de talon plus ou
moins visible. Enfin, des chlamydospores sont parfois présentes,
terminales ou intercalaires (au sein des filaments ou déformant une
macroconidie).
Le diagnostic d‟espèce repose sur l‟aspect des colonies (pigmentation), mais
surtout sur la morphologie microscopique : présence d‟un seul type ou de deux
types de spores, disposition en chaîne ou en amas des microconidies, taille des
phialides et nombre de sites de bourgeonnement (monophialides, polyphialides),
taille des macroconidies et nombre de logettes, aspect de la cellule podale,
abondance des chlamydospores, …
Reproduction sexuée possible pour certaines espèces, mais pas dans les
milieux habituellement utilisés en mycologie médicale. Les formes sexuées
appartiennent aux Ascomycètes, genres Gibberella, ou Nectria [3].
cc)) EExxeemmppllee dd’’eessppèèccee ((FFuussaarriimm ooxxyyssppoorruumm))
Fusarim oxysporum est l‟espèce la plus souvent retrouvée en pathologie
unguéale [36]. Sur le milieu Sabouraud, les colonies sont duveteuses à
floconneuses, blanches au départ, puis devenant rosées à pourpres. Le verso est
foncé. (Fig. 3 et 4)
La multiplication végétative est caractérisée par [3] :
des conidiophores courts et ramifiés naissant sur le mycélium végétatif.
30
des phialides (monophialides) courtes et solitaires (Fig. 5) (8 à 20 µm de
long sur 3 à 5 µm de large)
des macroconidies qui peuvent être abondantes, discrètement incurvées,
avec une cellule basale bien marquée et contenant 3 à 5 logettes (23 à 54
µm de long sur 3 à 4,5 µm de large)
de nombreuses microconidies, unicellulaires, d‟aspect ellipsoïdal ou
cylindrique, droites ou légèrement courbées (5 à 12 µm de long sur 2,3 à
3,5 µm de large) et disposées en « fausses têtes ».
de nombreuses chlamydospores qui peuvent être fréquemment observées
(Fig. 6)
Cette espèce n‟a pas de reproduction sexuée connue.
Fig. 3 et 4: Culture de Fusarium oxysporum sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso)
[3]
31
Fig. 5: Monophialides solitaires (MO objectif 40) — Fig 6 :Chamydospores ( MO objectif 10) [3]
MO : microscope optique
Aspergillus
Les Aspergillus vivent en saprophyte dans le sol au niveau de la rhizosphère,
mais aussi à la surface du sol, sur les végétaux en voie de décomposition [4], sur
les fleurs, les aiguilles de conifères, les grains moisis, les foins, dans le terreau
des plantes, les fientes de pigeon, de volailles...
À partir de ces réservoirs, les spores aspergillaires sont disséminées dans
l‟atmosphère ( ils représentent 1 à 5 % des isolements de moisissures dans
l‟atmosphère) et peuvent pénétrer à la faveur des courants d‟air dans les habitats.
Cette moisissure est peu exigeante puisqu‟elle peut se développer dans des
milieux très pauvres, dans l‟eau, mais aussi dans des conditions de sécheresse
extrême [37]. Le genre Aspergillus comprend plus de 300 espèces dont
seulement 5 ou 6 sont reconnues impliquées en pathologie humaine et
vétérinaire. Ces espèces pathogènes sont thermotolérantes, supportant des
températures allant de 12 à 70°C [37]. Leur durée de vie est sans doute longue,
puisqu‟un même génotype peut rester présent dans l‟environnement de 6 mois à
1 an .
Ce genre à un net pouvoir de colonisation de la kératine. De nombreuses espèces
peuvent être isolées d'onyxis. Deux sont particulièrement fréquentes : A.
32
versicolor et A. sydowii. Sont également incrimines A. candidus, A. unguis,
A.flavus, A. niger, A. nidulans, A. terreus, A.ochraceus et A. sclerotiorum [22].
Lorsqu‟un Aspergillus colonise un ongle dystrophique, il est souvent considéré
comme un opportuniste envahisseur de kératine déjà altéré par d‟autres
pathologies [38]. Aspergillus versicolor est l‟espèce principalement rencontrée
chez les personnes âgées (>60 ans) et touche surtout le gros orteil.
aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx
Ces champignons présentent une croissance rapide sur milieu de Sabouraud
additionné d‟antibiotiques. Ils sont cependant, pour la plupart, inhibés par le
cycloheximide. Après 24 à 48 h de culture, on observe des colonies plates,
formées de courts filaments aériens blancs. C‟est en effet avec la maturation des
structures conidiogènes (48 à 96 h selon les espèces) que ces colonies vont
prendre leur teinte caractéristique, brune, verte, jaune ou noire selon les espèces.
La couleur de la culture permet ainsi une orientation rapide du diagnostic
d‟espèce. Au recto, les colonies sont gris-vert pour A. fumigatus, vert-jaune pour
A. flavus et les espèces du groupe glaucus, vert foncé à chamois pour A.
nidulans, brun cannelle pour A. terreus, chamois clair, jaunes et roses pour A.
versicolor, jaunes puis noires pour A. niger. Elles restent blanches pour A.
candidus. Le revers de la colonie est incolore à jaune, il peut aussi brunir ou
rougir avec le temps. (A. nidulans) [3].
Les Aspergillus se développent habituellement bien sur les milieux classiques de
mycologie comme le milieu de Sabouraud. Si nécessaire, leur fructification peut
être stimulée par repiquage de la colonie sur gélose au malt ou sur milieu de
Czapek qui constituent les milieux de référence pour ces champignons. Enfin,
les Aspergillus poussent à 22-25 °C et à 37 °C pour les espèces thermophiles (A.
fumigatus) [3].
33
bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee
Les Aspergillus sont caractérisés par un thalle végétatif formé de filaments
mycéliens hyalins, de diamètre fin et régulier, septés et ramifiés. L‟identification
du genre Aspergillus reposera sur la mise en évidence des têtes aspergillaires à
l‟examen microscopique des colonies. Sur les filaments végétatifs, prennent en
effet naissance des filaments dressés, non cloisonnés. Ces derniers, qu‟on
appelle conidiophores, se terminent par une vésicule de forme variable sur
laquelle sont disposées les cellules conidiogènes ou phialides [3]. La
conidiogénèse s‟effectue en effet sur le mode blastique phialidique, par
bourgeonnement à l‟apex des phialides d‟une série de spores ou conidies qui
restent accolées les unes aux autres en chaînes non ramifiées, basipètes, la plus
jeune étant à la base de la chaîne. Les spores, toujours unicellulaires, sont de
formes variables, globuleuses, subglobuleuses ou elliptiques. Diversement
pigmentées, elles peuvent être lisses ou recouvertes d‟aspérités plus ou moins
marquées. Les phialides peuvent être insérées directement sur la vésicule (têtes
unisériées), ou portées par des métules insérées sur la vésicule, (têtes bisériées).
L‟ensemble vésicule, (métules) + phialides + conidies constitue la tête
aspergillaire qui caractérise le genre Aspergillus [3].
cc)) EExxeemmppllee dd’’eessppèèccee ((AAssppeerrggiilllluuss nniiggeerr))
L’Aspergillus niger en culture est caractérisé par :
Des colonies d‟abord blanches, puis jaunes, et enfin granuleuses noires au
recto (fig. 7) , incolore à jaune pâle au verso (fig.8).
Une croissance rapide (2 à 3 jours).
Un optimum thermique : 25-30 °C (mais il peut pousser jusqu‟à 42 °C).
Sous microscope les principaux caractéristiques morphologiques d’Aspergillus
niger sont :
34
Les conidiophore : lisse, hyalin ou brunâtre dans sa moitié supérieure, très
long (1,5 à 3 mm)
La vésicule : globuleuse, 30 à 100 µm (en moyenne 45 à 75 µm)
Les phialides : insérées sur la vésicule par l‟intermédiaire de métules
disposées sur tout le pourtour de la vésicule
Les conidies : globuleuses (3,5 à 5 µm de diamètre), brunes, échinulées à
très verruqueuses, souvent disposées en chaînes
La tête aspergillaire : bisériée radiée, noire à maturité (fig.9)
Fig. 7 et 8 : Culture d’Aspergillus niger sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso) [3]
Fig. 9 :Têtes aspergillaires d’Aspergillus niger visualisées au MO à l‟objectif 40 [3]
Scopulariopsis brevicaulis
Le genre Scopulariopsis, décrit par BAINIER en 1907 [188] en même temps
que le genre Paecilomyces, est principalement composé d‟espèces telluriques,
35
fréquemment retrouvées dans la nourriture et le papier, mais également
présentées comme contaminants de laboratoires. Ils sont rarement responsables
d‟infections profondes et disséminées, surtout chez les patients
immunodéprimés.
Les Scopulariopsis sont parmi les champignons non-dermatophytiques les plus
fréquemment rencontrés en cas d‟onychomycoses [44,45]. Ils ont un net pouvoir
kératinophile et kératinolytique. Ils seraient responsables de 1 à 10 % des
onychomycoses particulièrement au niveau des gros orteils et donnent souvent
une hyperkeratose unguéal. Comme le Scytalidium, le Scopulariopsis
brevicaulis donne des onyxis cliniquement indistinguables de ceux causés par
les dermatophytes. La notion de traumatisme est toujours retrouvée, et
l‟infection mixte avec un dermatophyte peut exister. Au Maroc, d‟après l‟étude
menée par A. AGOUMI [26], cette espèce représente la deuxième cause
d‟onychomycoses à moisissures avec un taux de 16%.
aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx
Scopulariopsis brevicaulis pousse bien sur les milieux usuels de mycologie,
mais sa croissance est freinée en présence de cycloheximide. En l‟absence de
cycloheximide, les colonies sont extensives, veloutées, devenant vite poudreuses
ou granuleuses. Initialement blanchâtres, elles deviennent ensuite beiges à brun-
noisette (fig.10). Le revers est crème à brunâtre (fig.11). La température
optimale de croissance est comprise entre 25 et 30 °C [3].
bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee
Les cellules conidiogènes (annellides), cylindriques, plus ou moins renflées à
leur base, sont isolées ou groupées à l‟extrémité de conidiophores courts, septés
et hyalins. Elles sont insérées soit directement, soit par l‟intermédiaire de
métules. L‟ensemble évoque un pénicille (pinceau de Penicillium). Les
36
annellides présentent à leur sommet des cicatrices liées aux reprises de
croissance terminale, et produisent des conidies globuleuses à base tronquée
(forme d‟ampoule) disposées en chaînes basipètes (fig.12). Ces conidies,
initialement lisses, puis verruqueuses à maturité, mesurent 5 à 8 µm de long sur
5 µm de large [3].
N.B : Pas de reproduction sexuée connue
Fig. 10 et 11: Culture de Scopulariopsis brevicaulis sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto &
verso) [3]
Fig. 12 : Conidies unicellulaires en chaînes basipètes (MO à objectif 40) [3]
Acremonium
Ce genre que l‟on retrouve également sous le nom de Cephalosporium a été
décrit pour la première fois par FRIES en 1809 [188]. Il regroupe des
champignons cosmopolites vivant en saprophyte dans le sol, sur des végétaux et
sur d‟autres champignons. L‟inhalation de leurs conidies peut, dans un contexte
opportuniste, provoquer diverses pathologies [53]. La majorité des infections
37
produites par Acremonium sp. sont des mycétomes [52] ou des infections
oculaires [54]. Néanmoins, ces espèces peuvent occasionnellement entraîner des
infections superficielles , des onychomycoses et des complications chez les
brûlés [43,51]. Les atteintes profondes ou viscérales ne se voient que chez les
sujets immunodéprimés [43].
aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx
Ils poussent sur tous les milieux de mycologie en l‟absence de cycloheximide.
Les colonies sont parfois finement poudreuses, ou le plus souvent humides et
muqueuses. La couleur varie du blanc au rose orangé (fig.13 et 14). La
température optimale de croissance varie de 25°C à 37°C et la croissance est
restreinte [3].
bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee
Le thalle végétatif est constitué de filaments septés, isolés ou disposés
parallèlement les uns aux autres (fig. 15). Les phialides naissent directement des
filaments végétatifs. Elles sont fines et cylindriques, plus étroites à l‟extrémité
apicale qu‟à la base (phialides aciculaires). Elles sont solitaires, plus rarement
groupées par 2 ou 3 [50]. Les conidies cylindriques ou elliptiques (3,5 µm de
long sur 1 à 2 µm de large) sont regroupées en amas à l‟extrémité des phialides.
Elles sont généralement unicellulaires (parfois bicellulaires) et hyalines
[43,182].
38
Fig. 13 et 14 : Culture d‟Acremonium sp sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso) [3]
Fig. 15 : Aspect du thalle végétatif d‟Acremonium (MO à l‟objectif 100) [3]
Scytalidium hyalinum
Le genre Scytalidium est représenté par deux variantes ; la première, pigmentée,
est le Scytalidium dimidiatum appartenant à la famille des Phaéohyphomycètes
qui sera traitée dans le paragraphe suivant. La seconde, de couleur blanche, est
le Scytalidium hyalinum. Cette dernière variété, fréquemment isolée d'onyxis et
d'intertrigo des pieds dans les pays tropicaux [41] et en Europe dans les grandes
villes cosmopolites a été décrite par CAMPBELL [40]
Le genre Scytalidium constitue avec l‟espèce Onychocola canadensis ce qu‟on
appelle les pseudo-dermatophytes et ce, parce qu‟ils présentent une réelle
affinité pour la kératine, non seulement de l'ongle, mais aussi des espaces
interorteils, des plantes et des paumes. Lorsqu‟ils sont isolés en culture, ils sont
à priori considérés comme des pathogènes. Généralement le Scytalidium donne
des onyxis des mains et des pieds, des intertrigos des pieds et des hyperkeratoses
palmo-plantaires évoquant ceux provoqués par Trichophyton rubrum. Les
39
onychomycoses qu‟ils provoquent sont habituellement au départ de type sous-
unguéal distal [42].
aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx
Le Scytalidium hyalinum pousse rapidement à 25 °C sur milieu de Sabouraud
sans cycloheximide. Il produit des colonies extensives, laineuses ou cotonneuses
avec un mycélium aérien important. La couleur est blanche à gris clair (fig.16)
et le verso est pâle (fig.17) [3].
bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee
Les hyphes sont réguliers, septés, hyalins. Ils produisent au départ des
arthroconidies unicellulaires de 5 à 12 μm de long sur 2,5 à 3,5 μm de large [43].
Puis, tardivement, ces arthroconidies peuvent s‟élargir (4-6 μm de large) et
présenter une cloison centrale (fig.18)
Fig. 16 et 17 : Culture de Scytalidium hyalinum sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto &
verso) [3]
40
Fig. 18 : Arthroconidies de Scytalidium hyalinum (MO à l'objectif 100) [3]
11..22 LLeess pphhaaééoohhyypphhoommyyccèètteess
A. Scytalidium dimidiatum
Le Scytalidium dimidiatum a été décrit en 1970 par J. GENTLES et E. EVANS
[39], chez 8 patients. Son nom ancien est Hendersonula toruloidea, (forme
pycnidienne : Nattrassia mangiferae). C‟est une moisissure de la nature,
présente dans les pays chauds, et particulièrement phytopathogène (provoque
des chancres des arbres fruitiers).
aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx
Ce champignon pousse bien sur milieu de Sabouraud à 25 °C sans
cycloheximide. La croissance est cependant plus rapide à 37 °C. Il produit des
colonies extensives, duveteuses ou floconneuses, aériennes, grises au départ
devenant noirâtres ensuite (fig.19) Au verso, les colonies sont foncées avec un
pigment noir diffusible (fig.20)[3].
bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee
Les hyphes, septés, sont de deux types : certains sont hyalins, étroits, de 2 à 3
μm de diamètre, alors que d‟autres, plus larges, ont une paroi épaisse et
41
pigmentée. Ces derniers produisent des arthrospores uni ou bicellulaires,
rectangulaires ou en forme de tonnelet (fig.21).
Parfois on obtient des pycnides de 200 à 300 μm de diamètre, surtout à partir de
cultures anciennes (6 à 8 semaines) exposées aux rayons UV. A maturité, ces
pycnides produisent des spores hyalines ou brunes, uni ou bicellulaires de 4 à 6
μm de long sur 3 à 5 μm de large. Lorsque les pycnides sont présentes, le
champignon prend le nom de Nattrassia mangiferae [3].
Fig. 19 et 20 : Culture de Scytalidium dimidiatum sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours [3]
Fig. 21 : Hyphes hyalins étroits et hyphes plus larges fortement pigmentés (MO à l‟objectif 100) [3]
CCaarraaccttéérriissttiiqquueess ddee cceerrttaaiinneess mmooiissiissssuurreess rraarreemmeenntt iimmpplliiqquuééeess ddaannss
uunnee oonnyycchhoommyyccoossee
La liste des moisissures rarement impliquées dans les onychomycoses est reprise
par le tableau ci-dessous [18] :
42
Tableau III : Liste des moisissures rarement impliquées dans une onychomycose
A l‟instar des espèces fréquemment isolées dans les onychomycoses à
moisissures, ce paragraphe traitera quelques exemples de moisissures rarement
impliquées dans ce type d‟atteinte, telles que l’Onychocola canadensis,
Penicillium, Cladosporium et Scedosporium apiospermum. Il est à noter que les
Espèces fongiques isolées
Acremonium potronii Curvularia lunata
Alternaria alternata Geotrichum candidum
Alternaria terreus Gymnascella dankaliensis
Alternaria tenuis Lasiodiplodia theobromae
Aphanoascus fulvescens Malbranchae gybsea
Arthroderma tuberculatum Microascus cinereus
Aspergillus flavus Microascus cirrosus
Aspergillus fumigatus Myrodontium keratinophilum
Aspergillus nidulans Onychocola canadensis
Aspergillus candidus Paecilomyces lilacinus
Aspergillus ochraceus Paecilomyces variotii
Aspergillus sclérotique Penicillium citrinum
Aspergillus ustus Pseudorotium ovale
Aspergillus varians Pyrenochaeta unguis-jominis
Cladophialophora carrionii Renispora flavissima
Chrysosporium lobatum Scedosporium apiospermum
Geomyces pannorum Schyzophylum commune
Ulocladium botrytis
43
trois dernières espèces susmentionnées, quoique rarement rencontrées, ont été
reconnues responsables de cas d‟onychomycoses dans notre pays.
22..11 LLeess HHyyaalloohhyypphhoommyyccèètteess
A. Onychocola canadensis
Isolé pour la première fois au Canada en 1990 [46] puis en Nouvelle Zélande,
elle présente la seul espèce du genre Onychocola qui est responsable de
manifestations cliniques chez l‟Homme, sa forme parfaite (Arachnomyces
nodosetosus) a été décrite en 1994 [47]. Par la suite, cette moisissure a été isolée
en France puis dans d'autres pays européens et récemment en Turquie [48]. Sa
fréquence en pathologie humaine reste limitée [55]. Le réservoir de cette
moisissure des pays froids et tempérés est encore inconnu.
Ce champignon est principalement associé à des cas d‟onychomycoses dans des
régions froides et tempérées, mais il peut également être l‟agent
d‟épidermomycoses et d‟intertrigos des mains et des pieds [49]. Le site
d‟infection privilégié est le gros orteil. L‟infection est progressive elle débute
par le bord distal de l'ongle. Les ongles prennent une couleur blanche-jaunâtre
deviennent friables et cassants , on ne constate pas d'hyperkeratose.
aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx
Les colonies se développent très lentement sur milieu de Sabouraud à 25 °C,
mais résistent au cycloheximide. Après 15 jours environ, on observe des
colonies de petite taille, de couleur blanchâtre (fig.22), glabres au départ,
devenant en 5 à 6 semaines duveteuses et cotonneuses. Avec l‟âge, les cultures
deviennent brunâtres et le verso foncé (fig.23) [3].
44
bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee
Au départ, les colonies ne montrent que des filaments fins, hyalins, lisses sans
aucune fructification. C‟est sur des cultures tardives (après 4 semaines) que
certains filaments deviennent toruloïdes et verruqueux, formant des chaînes
d‟arthrospores souvent articulées à angle droit (fig.24). Ces dernières sont ovales
à cylindriques (2,5 à 4µm de diamètre), uni ou bicellulaires [50,182]. Ces
arthrospores se révèlent plus abondantes sur des milieux pauvres (eau gélosée à
2 %, milieu de Takashio, milieu PDA). Sur les vieilles cultures, on observe sur
la paroi de certains filaments des protubérances sombres [3].
Fig. 22 et 23: Culture d’Onychocola canadensis sur gélose de Sabouraud âgée de 8 semaines (recto &
verso) [3]
Fig. 24 : Chaînes d'arthrospores ramifiées à angles droits (MO à l‟objectif 10) [3]
45
B. Pénicillium
bb)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx
Ces champignons poussent facilement sur les milieux utilisés en mycologie,
mais sont inhibés par le cycloheximide. Leur croissance est rapide, la colonie est
habituellement duveteuse, poudreuse, de couleur variable, le plus souvent verte,
mais parfois grise, jaune ou rose (fig.25). Le revers est incolore ou foncé
(fig.26). Un pigment diffuse parfois dans la gélose [43,3].
cc)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee
Les hyphes septés, hyalins, portent des conidiophores simples ou ramifiés,
parfois regroupés en buisson ou corémie. Les phialides sont disposées en
verticilles à l‟extrémité des conidiophores. Elles sont insérées directement
(Penicillium monoverticillés) ou par l‟intermédiaire d‟une rangée de métules
(Penicillium biverticillés) ou de deux rangées successives de métules
(Penicillium triverticillés) sur les conidiophores. Les phialides sont serrées les
unes contre les autres, l‟ensemble donne une image de pinceau (ou pénicille).
Les phialides donnent naissance à des spores unicellulaires disposées en chaînes
(chaînes basipètes, non ramifiées). Les conidies sont rondes à ovoïdes, hyalines
ou pigmentées, lisses ou échinulées, mesurant de 2 à 4 µm de diamètre
[182,43,3].
N.B : Certaines espèces ont une reproduction sexuée (Ascomycètes, famille des
Trichocomaceae).
46
Fig. 25 et 26 : Culture de Penicillium chrysogenum sur gélose de Sabouraud âgées de 8 jours : (recto
& verso)[3]
C. Scedosporium apiospermum
aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx
Scedosporium apiospermum pousse bien sur tous les milieux usuels de
mycologie, mais sa croissance est souvent freinée en présence de cycloheximide
[3]. Les colonies sont cotonneuses, laineuses, de couleur blanchâtre au début,
devenant grises en vieillissant (fig.27) [50]; le verso est foncé (fig.28). La
croissance est possible jusqu‟à 40 °C [3].
bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee
La reproduction asexuée peut s‟effectuer selon deux modalités distinctes.
La conidiogénèse s‟effectue essentiellement sur le mode thallique solitaire
avec formation d‟aleuries naissant directement sur les côtés des filaments
végétatifs ou à l‟extrémité de conidiophores fins, dressés à angle droit sur
le thalle végétatif (fig.29). Ces conidies ovoïdes ou claviformes, brunes,
mesurent 6 à 14 µm de long sur 5 à 6 µm de large [50,182,183].
L‟autre mode de conidiogénèse fait intervenir des annellides groupées en
corémies (stade Graphium) donnant naissance à des conidies hyalines,
plus fines, allongées, mesurant 5 à 7 µm de long sur 2 à 3 µm de large
[50,182,183].
47
Reproduction sexuée : Pseudallescheria boydii
La forme sexuée, obtenue parfois après trois semaines de culture ou sur des
milieux pauvres, est caractérisée par des cléistothèces jaunes à bruns, arrondis,
de 140 à 180 µm de diamètre, contenant des asques sphériques octosporés de
teinte cuivrée
Fig. 27 et 28 : Culture de Scedosporium apiospermum sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto
et verso)[3]
Fig. 29 :. Aleuries unicellulaires hyalines ( MO à l‟objectif 40) [3]
22..22 LLeess PPhhaaééoohhyypphhoommyyccèètteess
A. Cladosporium
aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx
Les Cladosporium ont une croissance lente à modérément rapide sur tous les
milieux de mycologie. Ils ne sont pas inhibés par le cycloheximide. Ils ne
poussent généralement qu‟à 20-25 °C, mais certaines espèces comme C.
carrionii et C. bantianum sont thermophiles.
48
Les colonies ont une texture veloutée ou floconneuse, parfois poudreuse. La
couleur va du vert olive au brun noir très foncé (fig.30), et le revers est brun
noir (fig.31)[3].
bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee
Les hyphes, septés, sont pigmentés. Ils produisent des conidiophores (encore
plus foncés) de longueur variable. Les premières conidies formées à l‟extrémité
des conidiophores sont de grande taille, uni ou pluricellulaires ; les suivantes
sont plus petites et unicellulaires. L‟ensemble forme de longues chaînes
acropètes (fig. 32), ramifiées, réalisant des arbuscules fragiles qui se dissocient
lors du montage. La paroi des conidies, de forme généralement elliptique à
cylindrique, est lisse ou finement verruqueuse et présente souvent aux
extrémités des cicatrices de bourgeonnement ou de libération [3].
Fig. 30 et 31 :Culture de Cladosporium sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso) [3]
Fig. 32 : Blastospores unis ou pluricellulaires disposées en chaînes acropètes ( MO à objectif 10) [3]
49
IIIIII PPHHYYSSIIOOPPAATTHHOOLLOOGGIIEE EETT FFAACCTTEEUURRSS FFAAVVOORRIISSAANNTT LLEESS
OONNYYCCHHOOMMYYCCOOSSEESS AA MMOOIISSIISSSSUURREESS
11.. PPhhyyssiiooppaatthhoollooggiiee
D‟un point de vue clinique, les moisissures provoquent des infections unguéales,
le plus souvent identiques a celles provoquées par les dermatophytes.
Cependant, et du point de vue physiopathologique, ces infestions sont assez
différentes. Ceci est probablement dû à la différence d‟équipement enzymatique
que possèdent les micromycètes pathogènes pour l'Homme. En effet, et comme
vu précédemment, les dermatophytes produisent des kératinases, qui digèrent la
kératine, tandis que la plupart des moisissures ne produisent pas ces enzymes et
sont donc incapables de lyser une kératine saine [22,56,57]. Si tel est le cas,
comment se fait donc l'infection de l'ongle par ces moisissures ?
M. ENGLISH [58], en 1976, a étudié le développement des dermatophytes et
autres champignons filamenteux sur diverses sources de kératine in vitro. Elle a
démontré que les moisissures forment dans l'ongle de fins filaments perforateurs
qui provoquent des fractures de l'ongle, alors que les dermatophytes lysent et
digèrent les cornéocytes. Selon M. ENGLISH, les moisissures sont incapables
de lyser complètement la kératine de l'ongle et ne s'attaquent qu'au cément
présent entre les cornéocytes.
G. ACHTEN en 1979 [59 ] et en 1983 [60] a démontré avec la microscopie
électronique que les filaments des moisissures, comme ceux des dermatophytes,
pourraient être intra et extracellulaires et donc s'attaquer non seulement au
cément mais aussi à la kératine de l'ongle. Néanmoins, in vivo comme in vitro,
on constate que le processus d'attaque de la kératine par les moisissures est non
seulement différent de celui des dermatophytes, mais il est aussi beaucoup plus
50
lent. Si les dermatophytes agissent en digérant la kératine grâce à leurs
kératinases, les moisissures produisent, quant à elles, d'autres protéases,
probablement aptes à dégrader une kératine souvent altérée. Dans des cas plus
rares, certaines moisissures pseudo-dermatophytes (Scytalidium et Onychocola
canadensis) peuvent s‟attaquer à une kératine saine.
FFaacctteeuurrss ffaavvoorriissaannttss
Les moisissures, agents causaux d‟onychomycoses, sont des organismes très
ubiquistes provenant de la terre, de l‟air, des plantes... comme ils peuvent bien
préexister préalablement chez le patient. Le début de l‟atteinte unguéale par ces
organismes est favorisé comme susmentionné par l‟altération préalable de la
kératine ou par n‟importe quel autre facteur associé à ladite altération ou
l‟engendrant. De rares moisissures peuvent s‟attaquer directement à l‟ongle
sain. Tel est le cas de Scytalidium et Onychocola canadensis.
Plusieurs facteurs favorisant ces onychomycoses à moisissures le sont également
pour les autres types d‟onychomycoses.
Les principaux facteurs favorisant ce type d‟onychomycose sont explicités dans
les paragraphes ci-après.
22..11 LL’’ââggee
Toutes les études s‟accordent pour montrer que la fréquence des onychomycoses
varie selon les différentes tranches d‟âge [23,61,62]. Chez le jeune enfant, elle
est rare, comme l‟illustre le travail de CM. PHILPOT qui n‟observe qu‟un seul
cas d‟onyxis à dermatophytes sur 494 enfants examinés dans une école primaire.
Selon une étude menée aux USA, les prévalences des onychomycoses pour les
tranches d‟âge de 6-11 ans et de 12-17 ans, sont respectivement de 0,09% et de
0,19% ; dans cette étude, aucun cas d‟onychomycose dûment authentifié n‟aurait
51
été observé avant 6 ans [23]. Au total, les onychomycoses n‟affecteraient pas
plus de 0,6% dans l‟ensemble des infections fongiques chez l‟enfant [63]. La
raison de ces faibles prévalences est expliquée par la rapidité de la pousse de
l‟ongle et la rareté des traumatismes des pieds observés chez le jeune enfant ce
qui empêcherait le champignon de s‟implanter durablement [64].
Chez l‟adulte jeune (20-30 ans), la prévalence des onychomycoses oscille selon
les études entre 0,44% [65] et 3,6% [65, 66].
Cette prévalence est plus élevée chez l‟adulte âgé. En effet, pour la tranche
d‟âge de 40 à 60 ans, elle oscille habituellement entre 15 et 20%. À partir de 60
ans, elle dépasse souvent 30% [23,67,68] comme le montre une étude réalisée
aux USA où elle atteint 48% chez des sujets âgés de plus de 70 ans [62].
Une étude tunisienne [70] portée sur 120 personnes âgée de 65 ans et plus, ayant
des onyxis des mains et /ou des pieds, n‟a confirmé aucun cas d‟onyxis à
moisissures. Les seuls champignons reconnus alors responsables de ces
onychomycoses furent des dermatophytes et des levures. L‟absence
d‟onychomycoses à moisissures lors de cette étude a été expliquée par le faible
effectif des agriculteurs (5,8 %), par la faible fréquence de la prise des
corticoïdes (5 %) et par la rareté des traumatismes unguéaux (7,5 %).
Il est donc judicieux de conclure, à partir des résultats de cette étude, que même
à un âge avancé, les autres facteurs favorisants ont un rôle important dans le
début de parasitisme par une moisissure.
22..22 LLeess ffaacctteeuurrss lliiééss àà uunn ééttaatt mmoorrbbiiddee oouu ppaatthhoollooggiiqquuee ssoouuss--jjaacceenntt
A. Les ongles pathologiques et la malposition des orteils
Un ongle traumatisé (chocs répétés, chaussures trop étroites, chevauchement
d‟orteils…), voire fréquemment sollicité par la pratique de certains sports
(judokas…), est à lui seul, indépendamment d‟une pathologie sous-jacente, un
52
facteur favorisant d‟onychomycose surtout pour les moisissures puisqu‟il
engendre une kératine altérée facilement attaquable par ce type de
champignons. La malposition permanente de la pulpe d‟un orteil sur l‟ongle
d‟un orteil voisin, par exemple, favorise à partir d‟un foyer inter-orteil le
développement des leuconychies superficielles sur l‟ongle recouvert [74]. La
correction de ces déformations est nécessaire pour empêcher tout risque de
récidive [79].
B. Le diabète
Le diabète, par ses conséquences sur la microcirculation, peut faciliter la
survenue d‟une onychomycose [23, 72, 73]. Une étude, réalisée conjointement à
Londres, en Ontario au Canada et à Boston aux USA, portant sur 550 patients
diabétiques, révèle un taux d‟onychomycose 2,7 fois plus élevé que dans la
population contrôle du même âge, avec une fréquence trois fois plus élevée chez
l‟homme par rapport à la femme [23]. Dans une étude indienne [84], la
prévalence des onychomycoses chez des patients diabétiques par rapport à un
groupe contrôle témoin serait respectivement de 17 % et 6,8 %, la différence
étant significative. Chez ces patients, le pourcentage respectif des onyxis à
levures, à dermatophytes et à moisissures sont respectivement 48,1 % ; 37 % et
14,8 %. Si le diabète peut être un facteur favorisant en raison des troubles
trophiques et du déficit circulatoire qu‟il engendre, il représente visiblement un
facteur aggravant (risque de surinfection, érysipèle) qu‟il convient de prendre en
compte et de traiter efficacement [74].
53
C. Les déficits immunitaires
Le sujet VIH positif :
Les dermatomycoses (en particulier les onychomycoses) sont plus fréquentes
chez les patients VIH positifs, par comparaison avec une population VIH
négative de même âge [75,76]. Selon l‟étude de CRIBIER B [77], aux USA dans
l‟État d‟Ohio, 30,3 % des patients VIH positifs ont un onyxis, tandis que dans la
population générale (VIH négatif), la prévalence ne dépasse pas 13 %. L‟aspect
clinique des onychomycoses chez le VIH diffère peu de celui rencontré dans la
population non-VIH, cependant, chez le patient sidéen, les ongles des pouces et
des orteils sont plus souvent touchés. De même, l‟atteinte sousunguéale à début
proximal, de coloration blanchâtre, d‟allure polydactylique d‟apparition
simultanée et d‟évolution aiguë, est évocatrice chez ces porteurs de virus de
l‟immunodéficience humaine [74]. Dans la série colligée par Dompmartin [75],
88,7 % des patients VIH positifs ont une onychomycose sous-unguéale
proximale.
Les autres dysfonctionnements immunitaires
De façon générale, les dysfonctionnements immunitaires portant sur la réponse
cellulaire favorisent l‟implantation et le développement des mycètes à tropisme
cutané [23]. Parmi les pathologies pouvant avoir un impact sur le système
immunitaire dans le sens d‟une immunodépression, l‟hypercorticisme ou
maladie de Cushing, les corticoïdes prescrits sur de longues périodes comme
dans les connectivites et autres maladies de système, favorisent nettement
l‟implantation d‟une mycose et, de ce fait, le développement des champignons
dans l‟ongle [74, 78]. De même, chez les patients insuffisants rénaux et/ou les
greffés du rein, la prévalence des onychomycoses serait plus élevée que dans la
population générale [23].
54
D. Les troubles circulatoires
Les troubles circulatoires périphériques touchant surtout la microcirculation,
indépendamment d‟une pathologie immunitaire ou de l‟âge, sont en soi des
facteurs favorisant les onychomycoses, en particulier des pieds. Ils peuvent aussi
se rencontrer associés à une pathologie locale (malposition des orteils) ou
générale qui, par elle-même, favorise ainsi la survenue d‟une mycose [23,69,71].
22..33 LLeess ffaacctteeuurrss eennvviirroonnnneemmeennttaauuxx eett//oouu ccoommppoorrtteemmeennttaauuxx
A. Les facteurs climatiques
Comme vu précédemment, les facteurs climatiques influencent la prévalence des
onychomycoses. Ainsi à titre illustratif, le genre Scytalidium est un agent
prépondérant des onychomycoses dans les pays chauds ou tropicaux comme la
Martinique [41, 26] où il est isolé chez 42 % des patients (dans 91% des cas il
s'agit de S. hyalinum). L‟Onychocola canadensis cause ce genre d‟atteinte
principalement dans les pays froids et tempérés. Généralement, les
onychomycoses à moisissures sont plus répondues dans les régions tropicales et
subtropicales chaudes et humides.
B. Le port régulier de chaussures
Il est largement admis aujourd‟hui que les onychomycoses des pieds,
rencontrées avec une certaine fréquence dans les pays développés, sont
principalement liées au port de chaussures fermées [80]. L‟incidence dans les
pays du Nord peut atteindre 15 % de la population générale, alors qu‟elle n‟est
que de 2 % ou 3 % dans les pays économiquement pauvres, en particulier, dans
les régions intertropicales [81]. Les études menées sous les tropiques sont rares.
Au nord du Malawi [82] où quelques 200 sujets ont été systématiquement
examinés cliniquement, aucune lésion unguéale suspecte n‟aurait été objectivée
55
en zone rurale, alors qu‟en milieu urbain, l‟incidence approcherait de 2,5 %.
L‟explication apportée serait l‟absence habituelle du port de chaussures chez les
ruraux tandis que les urbains, plus occidentalisés, portent volontiers des
chaussures. La survenue d‟une onychomycose serait donc le prix à payer pour
ces populations qui accèdent au développement économique, c‟est à dire à
l‟abandon de coutumes ancestrales liées à la marche habituelle nus pieds [83].
Aux pieds, la température et l‟humidité seraient déterminantes pour assurer le
développement des dermatophytes et des moisissures au niveau des ongles .
C. La pratique sportive
La pratique sportive favorise la survenue d‟une mycose aux pieds [84]. Ce sont
surtout les adeptes de sports nautiques, mais aussi les judokas et les
marathoniens qui sont les plus touchés [23]. Selon une étude réalisée sur une
piscine à Reykjavik en Islande [86] auprès de 266 nageurs, 40 % d‟entre eux
examinés par un médecin avaient une onychopathie. La prévalence des
onychomycoses, confirmées par l‟examen mycologique, était respectivement de
15 % chez les femmes et de 26 % chez les hommes, soit, selon cette étude, trois
fois plus que dans la population générale. Ce sont les sports pratiqués pieds nus
(natation, judo, karaté, kendo..) où les taux de prévalence sont élevés en raison
d‟un contact direct avec le sol, mais aussi par les nombreux traumatismes
engendrés par la pratique sportive [84]. Pour les sports pratiqués avec
chaussettes et chaussures étanches, le pied semble protégé du risque de
contamination à même le sol, mais en revanche, les pieds se retrouvent dans une
atmosphère tout à fait favorable (chaleur, humidité) à l‟implantation et au
développement du champignon.
56
IIVV LLAA CCLLIINNIIQQUUEE DDEESS OONNYYCCHHOOMMYYCCOOSSEESS AA MMOOIISSIISSSSUURREESS ::
Plusieurs espèces de moisissures, agents responsables d‟onychomycoses,
peuvent donner des manifestations cliniques assez semblables les unes aux
autres voire à d‟autres espèces de dermatophytes et de candida. Les dites
manifestations peuvent être classées en fonction de la voie par laquelle l‟agent
pathogène pénètre l‟appareil unguéal et en fonction du stade évolutif de la
pathologie . En effet , une classification proposée par N. ZAIAS et modifiée par
R. HAY et R. BARAN [84] permet de distinguer 4 types d'onychomycoses:
Onychomycose sous unguéale proximale (OSP)
Onychomycose blanche superficielle (OBS) ou leuconychie superficielle
mycosique.
Onychomycose sous-unguéale disto-latérale (OSDL).
Onychomycodystrophie totale (ODT)
11.. OOnnyycchhoommyyccoossee ssoouuss--uunngguuééaallee pprrooxxiimmaallee ((OOSSPP))
L‟onychomycose sous-unguéale proximale est la variété clinique des
onychomycoses à moisissures la plus fréquente. Différentes moisissures peuvent
être responsables de cette variété [88] :
Fusarium,
Aspergillus,
Scopulariopsis brevicaulis,
Scytalidium.
L‟atteinte commence par une pénétration de l‟agent pathogène par la face
ventrale du repli sus-unguéal, elle peut être mono ou pauci-dactyliques,
touchant les doigts ou les orteils, pour les ongles des orteils le gros orteil est le
plus souvent atteint. L‟OSP peut être limitée à la région de la lunule ou affecte la
57
tablette entière de l‟ongle (fig.33,34,35.36) se manifestant par un périonyxis
souvent avec pus [163,88] associé à des leuconychies proximales plus ou moins
étendues [89,90] (fig. 37). Aux doigts, le repli sus-unguéal est tendu, tuméfié,
parfois érythémateux ; la cuticule peut être en place. Ultérieurement, la lame
unguéale décollée avec souvent une hypercourbure transversale apparaît blanche
ou jaunâtre, voire noirâtre (Aspergillus niger) ; le lit unguéal sous-jacent est peu
hyperkératosique [88].
Le Fusarium oxysporum est l‟agent le plus souvent identifié [88], l‟association
d‟une onychomycose sous-unguéale proximale à une paronychie aiguë ou
subaiguë peut orienter vers l‟origine fusarienne de l‟onychomycose [91]. Au
niveau de la main, l‟inflammation est fréquente et peut gagner la première
phalange. Contrairement aux atteintes dermatophytiques, l‟évolution semble
plus rapide, de quelques semaines à quelques mois. En l‟absence de traitement,
une onychogryphose ou une panonycholyse peuvent s‟observer [91].
Les onychomycoses sous-unguéales proximales à moisissures sont souvent
associées à une paronychie les différentiant de celles observées en cas de
dermatophytes, mais les espèces de candida donnent aussi la paronychie que
seul le diagnostique mycologique permet de la différencier de celle
accompagnant l‟onychomycose à moisissure .
58
Fig. 33 : OSP Fusarium oxysporum. Fig :34 : OSP à Scopulariopsis brevicaulis [129]
Fig. 35 OSP à Fusarium oxysporum. Fig.36 : OSP à Aspergillus terreus [129]
Fig. 37 : Onychomycose sous unguéale proximal du gros orteil à Fusarium oxysporum [88]
59
OOnnyycchhoommyyccoossee ssuuppeerrffiicciieellllee bbllaanncchhee oouu lleeuuccoonnyycchhiiee ssuuppeerrffiicciieellllee
mmyyccoossiiqquuee
Il est généralement admis que l‟onychomycose superficielle blanche (OSB)
serait une variété clinique des onychomycoses à dermatophytes et notamment
celle causée par le Trichophyton Interdigitale [92,93]. Pourtant, d‟après N.
ZAIAS [94], 5% des OSB seraient causées par des non-dermatophytes. Une
autre étude récemment menée, affirme même que ces non-dermatophytes
causeraient jusqu‟à 21 % des cas des OSB [95].
Les moisissures pouvant être à l‟origine de ces OSB sont :
Aspergillus
Fusarium
Scytalidium dimidiatum
Acremonium et particulièrement Acremonium strictum (l‟implication de
ce genre dans cette variété clinique reste rare)
Onychocola canadensis (rarement impliqué)
L‟OSB causée par les moisissures touche surtout les ongles des orteils et
principalement le gros orteil et peut ressembler à celle causée par les
dermatophytes avec notamment une ou plusieurs taches blanches siégeant au
milieu de l‟ongle et disparaissant au grattage (fig. 38), comme elle peut bien se
manifester par un envahissement en largeur et en profondeur du pathogène dans
l‟ongle [95]. Ce dernier effet est spécifique aux atteintes par les moisissures
surtout dans le cas du Fusarium (où on trouve le 3ème
ou le 4ème
orteil touchés
plus volontairement ) et Aspergillus [92,95]. Dans ce cas l‟ongle devient opaque,
friable de couleur blanche avec des taches jaune brun (fig. 39,40) [95]. La
production de conidies pigmentées par le pathogène au sein de l‟ongle peut être
60
à l‟origine de cette coloration [95]. Celle-ci peut couvrir toute la surface de la
lame unguéale qui est alors ramollie et arrive souvent au repli proximal [95]. Le
grattage de la lésion à la curette ou au bistouri révèle des pénétrations des
hyphes qui atteignent parfois la partie ventrale de la tablette unguéale.
L‟évolution est habituellement rapide.
Scytalidium dimidiatum peut causer une onychomycose superficielle noire
caractérisée par de petites taches noires opaques qui peuvent être curetées
aisément [95].
Les OSB sont associées généralement à un périonyxis souvent sans pus. La
pigmentation de la partie proximale et l‟invasion profonde de la tablette
unguéale par le pathogène rendent souvent la distinction entre OSB et OSP
difficile. Histologiquement, l‟OSB causée par les moisissures est caractérisée
par la présence de courtes ramifications de filaments dans des fentes dans la
tablette depuis la surface vers l‟intérieur [95], tandis que dans l‟OSP la
pénétration du champignon commence par la matrice alors que le plat superficiel
de l‟ongle reste normal [92].
Le diagnostic différentiel se pose avec la desquamation superficielle des
tablettes unguéales (granulations de kératine) observée lors du port permanent
de vernis ; cependant, cette friabilité superficielle ne donne pas de plages
leuconychiques confluentes [88].
61
Fig. 38 : Leuconychie superficielle mycosique à Fusarium oxysporum [88]
Fig. 39 : Onychomycose superficielle blanche à Fusarium solani [95]
Fig. 40 : Leuconychie superficielle blanche à Aspergillus candidus [92]
62
OOnnyycchhoommyyccoossee ssoouuss--uunngguuééaallee ddiissttoollaattéérraallee ((OOSSDDLL))
Les dermatophytes sont les principaux agents étiologiques de cette variété
clinique et peuvent causer jusqu‟à 90 % des cas. Il est à noter que certaines
moisissures, dont notamment le Scytalidium [88], peuvent causer des
onychomycoses ayant une clinique similaire pouvant atteindre 40 % des OSDL
dans les zones d‟endémie.
Les moisissures pouvant être derrière ces OSDL sont :
Scytalidium avec ses deux variétés, S. dimidiatum et S. hyalinum , peut
provoquer des OSDL des mains et des pieds, ainsi que des intertrigos des
pieds [22].
Onychocola canadensis provoque principalement des OSDL [96], dont Le
gros orteil est le plus fréquemment atteint [96]. Cette moisissure semble
des troubles vasculaires des membres inférieurs (lymphoedeme, ulcères
de jambe) [22], tandis que chez les enfants aucun cas n‟a été décrit
jusqu‟à présent. Une répartition des cas d‟OSDL à Onychocola
canadensis selon le sexe, montre une nette fréquence chez les femmes
[96]. On note également qu‟une grande majorité des sujets atteints vivent
en région rurale et ont des occupations ou loisirs en rapport avec le travail
de la terre [96].
Les autres moisissures ; Fusarium spp, Acremonium spp, Aspergillus spp,
Scopulariopsis brevicaulis, Alternaria..., ne provoquent que rarement
cette variété clinique d‟onychomycose.
Dans les OSDL l‟atteinte commence par la pénétration des micro-organismes
dans la région sous-unguéale par la rainure distale, envahissant l‟hyponychium,
63
le lit de l‟ongle et la face ventrale de la tablette suite à une fragilisation des
attaches de celle-ci [88].
L‟infection se traduit par une hyperkeratose sous-unguéale distale responsable
d‟une onycholyse distale ou disto-latérale. Le découpage de la tablette
pathologique est facile, compte tenu de l‟onycholyse, et, est non douloureux. Il
permet d‟observer l‟aspect très particulier de l‟hyperkeratose sous-unguéale ;
friable, poudreuse, souvent jaune, voire orangée notamment dans les ongles des
orteils (fig. 41) [88] (à différencier d‟une hyperkératose dure compacte
adhérente au lit unguéal ou à la face ventrale de la tablette, d‟origine mécanique
par micro-traumatismes répétés). Pour les ongles des doigts, l‟onycholyse distale
laisse apparaître un lit peu hyperkératosique et l‟hyperkératose sous-unguéale
est en général moins friable et poudreuse qu‟aux orteils, donc moins
caractéristique, voire psoriasiforme micassée [88].
La progression ascendante du pathogène entraîne une progression des signes
cliniques vers la région lunulaire puis la région cuticulaire. La totalité de la lame
est alors atteinte devenant épaisse et dyschromique. La lame unguéale devient
partiellement ou totalement pigmentée de brun [97] (par exemple le
Scopulariopsis brevicaulis engendre une coloration brun-cannelle). Les travées
longitudinales leuconychiques, ou xanthonychiques qui peuvent apparaître au
cours de l‟infection remontent jusqu‟à la base de la lame unguéale laissant
suspecter une atteinte de la lame unguéale proximale située sous le repli sus-
unguéal [88]
Dans le cas de Scytalidium (Sc. dimidiatum, Sc. hyalinum), l‟OSDL produite est
souvent similaire a celle engendrée par les dermatophytes, particulièrement pour
les ongles des orteils [22]. Cependant, certaines caractéristiques de l'infection
par cette moisissure peuvent orienter le clinicien à la suspecter dont notamment
64
l‟atteinte d‟un seul ongle et l‟association à une paronychie et à des fractures
transversales de la tablette unguéale proximale [122], Aux mains,
l‟hyperkératose sousunguéale est parfois de coloration brune [88].
Fig. 41 : OSDL à Onychocola canadensis [96]
OOnnyycchhooddyyssttrroopphhiiee mmyyccoossiiqquuee ttoottaallee
Elle est surtout secondaire après l‟évolution plus ou moins longue d‟une des
formes précédentes dont elle représente le point culminant. La lame unguéale
épaissie et dyschromique en totalité, reste plus ou moins adhérente au lit unguéal
sous-jacent ; ou alors sa friabilité et son effritement laissent place à un lit
hyperkératosique plus ou moins recouvert de vestiges unguéaux. Cependant, elle
peut être primitive dans le cadre d‟une candidose cutanéo-muqueuse chronique
[88].
VV LLEE DDIIAAGGNNOOSSTTIICC DDIIFFFFEERREENNTTIIEELL DDEE LLAA PPAATTHHOOLLOOGGIIEE UUNNGGUUEEAALLEE
Les onychomycoses présentent souvent une clinique évocatrice. Cependant,
certaines pathologies non fongiques peuvent se manifester par une clinique
pareille rendant ainsi le diagnostic assez difficile même pour le médecin
clinicien le plus expérimenté.
65
Dans ce qui suit, seront traités les principaux aspects cliniques des
onychopathies non fongiques à en tenir compte lors du diagnostic d‟une
onychomycose et notamment dans le cas particulier des onychomycoses à
moisissures.
11.. LL’’aatttteeiinnttee lleeuuccoonnyycchhiiqquuee
Dans les onychomycoses, une atteinte leuconychique distale profonde peut
s‟observer plus particulièrement lors d‟une immunodépression sous-jacente
survenue suite à une corticothérapie systémique ou à la prise d‟autres
immunosuppresseurs mais aussi à cause des maladies immunodépressives. Dans
ce cas précis d‟une atteinte leuconychique distale profonde, différents
champignons peuvent en être responsables.
Quant à elle, une leuconychie superficielle annonce qu‟une infection à
moisissures serait plus probable qu‟une dermatophytose. Cette infection à
moisissure, peut être limitée au début, et envahir l‟ensemble de l‟appareil
unguéal par la suite. La leuconychie superficielle est à différencier :
De la leuconychie traumatique proximale ou distale parfois responsable
de stries blanches transversales de 1 à 2 mm de hauteur, séparées par des
bandes d‟ongles sains [98]. Quelquefois, ces stries sont filiformes et
longitudinales.
Des manifestions au niveau unguéal de certaines pathologies. Les ongles
blancs dans le cas de l‟insuffisance rénale ou hépatique par exemple
peuvent constituer un leurre en évoquant une onychomycose à
moisissures après envahissement total ou subtotal. Toutefois, ces
pathologies occasionnent l‟atteinte de tous les ongles qui montrent une
consistance dure avec une surface lisse (fig. 42), contrairement aux
66
onychomycoses à moisissures dont l‟atteinte se limite à un ongle ou à
quelques ongles avec une consistance crayeuse et lamellaire [99].
Fig. 42 : Leuconychie non fongique (Examen mycologique négatif) [99]
LL’’aatttteeiinnttee ddiissttoo--llaattéérraallee aavveecc hhyyppeerrkkéérraattoossee ddoommiinnaannttee dduu lliitt ddee
ll’’oonnggllee eett ddee llaa ttaabblleettttee uunngguuééaallee,, aassssoocciiééee àà uunnee oonnyycchhoollyyssee
Ce type d‟atteinte est plus fréquent dans le cas des onychomycoses dues aux
dermatophytes que dans le cas de celles dues aux moisissures, tant au niveau des
ongles des orteils (80 % des cas) que des doigts (20 % des cas). Différentes
affections peuvent être responsables d‟une même symptomatologie pouvant
toucher les ongles des orteils et ceux des doigts. Seront explicitées ci-dessous
quelques unes de ces affections:
Les dystrophies unguéales mécaniques [98] associées à des traumatismes
locaux siègent préférentiellement au niveau des ongles des orteils. Elles
sont la conséquence de microtraumatismes occasionnés par la marche ou
par des activités sportives sollicitant particulièrement les pieds (judo,
karaté, danse, tennis, jogging, randonnée, ski...). Généralement les orteils
atteints sont ceux qui, du fait de certaines déformations (hallus erectus,
orteils en marteau, chevauchement des orteils, pieds “grec” ou
“égyptien”...)., sont exposés aux frottements et aux microtraumatismes
répétés contre le cuir, les coutures ou l‟extrémité des chaussures [99].
67
L‟hyperkératose sous-unguéale est un équivalent de “cor”. D‟autres cors
sont habituellement visibles au niveau des articulations et au niveau des
pulpes des orteils sollicités par l‟appui. Lors du découpage, cette
hyperkératose est dure et compacte contrairement à celle d‟une
onychomycose beaucoup plus friable. En particulier chez les sportifs, la
paronychie a souvent un aspect en bulbe d‟oignon.
Les troubles de la statique [99], engendrés par une mauvaise répartition
du poids corporel au niveau des pieds, sont également responsables
d‟autres onychopathies parfois confondues avec une onychomycose telle
qu‟une onychogryphose des ongles en pince (ou en cornet). Il n‟est pas
rare que des hématomes sous-unguéaux, responsables de dyschromies
unguéales, voire des phlyctènes, soient associés à ces onychopathies
traumatiques.
Le psoriasis dans sa forme hyperkératosique sousunguéale représente un
autre diagnostic différentiel au niveau des ongles des orteils et des
doigts. La présence d‟une hyperkératose fissurée des talons, d‟une
desquamation inflammatoire, lamellaire et fissurée des plantes et des
zones de frottement des orteils, des paumes ou toute autre localisation
psoriasique cutanée orienteront vers ce diagnostic. Un examen soigneux
de tous les ongles des mains et des pieds recherchera des signes plus
spécifiques comme des érosions ponctiformes “en dés à coudre”, un
aspect “en tache d‟huile orangée” de Millian [100]. L‟interrogatoire peut
noter l‟existence d‟antécédents personnels ou familiaux de psoriasis et la
prise de médicaments favorisant l‟affection (-bloquants, sels de
lithium...) [100]. Cependant, l‟association psoriasis et dermatomycose est
présente dans 27 % des cas environ [101].
68
L‟acrokératose de Bazex [102], bien que très rare, ne doit pas être
oubliée dans les diagnostics différentiels. L‟atteinte unguéale associant
une hyperkératose sous-unguéale et une dystrophie unguéale
psoriasiforme est constante, touchant aussi bien les doigts que les orteils.
D‟autres lésions psoriasiformes des extrémités, particulièrement du nez
et des oreilles, pourront orienter le diagnostic.
L‟atteinte unguéale associée à un lymphoedème dans le syndrome
xanthonychique décrit en 1964 par P. SAMMAN et WF. WHITE [102],
suffisamment caractéristique par l‟épaississement des tablettes
unguéales, s‟accompagnant d‟une courbure exagérée transversalement et
prenant une couleur jaunâtre, touchant tous les ongles à des degrés
variables, ne devrait pas être confondue avec une onychomycose.
LLaa mmééllaannoonnyycchhiiee
Les onychomycoses à Scytalidium dimidiatum et à Trichophyton rubrum
émettent un pigment mélanique diffusible et peuvent se présenter sous la forme
d‟une mélanonychie en bande. Le principal problème est d‟éliminer une
prolifération tumorale mélanocytaire ; lentigo, nævus et surtout mélanome dans
une forme pigmentée [103, 104,99]. Il est alors très important d‟examiner le
repli sus-unguéal qui est coloré en cas de mélanome. Un simple découpage, non
traumatique, de la zone distale permet de découvrir, en cas d‟onychomycose,
une hyperkératose poudreuse noirâtre sous-unguéale sans pigmentation
inquiétante du lit.
LLaa ppaarroonnyycchhiiee ((oouu ppéérriioonnyyxxiiss))
Une paronychie peut s‟observer, préférentiellement au niveau des doigts, c‟est
habituellement le mode de début d‟une candidose unguéale à Candida albicans,
69
comme elle peut traduire l‟atteinte matricielle d‟une infection à Scytalidium sp
ou par une autre moisissure (Fusarium sp, Acremonium sp).
Le principal diagnostic différentiel est une paronychie chronique
secondaire à une dermite de contact et traumatique [105, 106,99].
L‟inflammation chronique des replis périunguéaux, surtout du repli
postérieur, produit un coussinet plus saillant et plus ferme que dans une
paronychie fongique faisant disparaître la cuticule tandis que la tablette
unguéale se trouve bosselée sur toute sa hauteur. L‟interrogatoire
retrouve souvent la notion de contacts répétés avec l‟eau et de travaux
irritant le pourtour des doigts (frottement du linge, épluchage de légumes
et de fruits, paille de fer, ponçage d‟objets...). Plusieurs doigts sur les
deux mains sont habituellement atteints.
Quelques autres diagnostics se discutent parfois : le plus difficile à
reconnaître est un psoriasis, surtout dans sa forme d‟acropustulose [100].
Souvent monodactylique, il se caractérise par une atteinte inflammatoire
récidivante associant paronychie, onycholyse et pustules sous-unguéales,
visibles après découpage de la tablette.
Au cours d‟un eczéma des mains ou des pieds, une atteinte unguéale peut
compliquer l‟atteinte cutanée étendue à la région matricielle.
Certaines affections ostéo-articulaires (rhumatisme, goutte,
sarcoïdose...), surtout si elles touchent les mains, peuvent entraîner, au
cours d‟une poussée inflammatoire un gonflement de la dernière
phalange simulant une paronychie avec une dystrophie secondaire de la
tablette unguéale.
Le pseudo-kyste mucoïde [103], survenant volontiers sur un terrain
arthrosique, pose peu de problèmes diagnostiques, lorsqu‟il se manifeste
70
par une tuméfaction rénitente du repli sus-unguéal dont l‟appui sur la
matrice entraîne la formation d‟une gouttière longitudinale. La pression
de cette tuméfaction fait sourdre un liquide translucide, gélatiniforme.
Le panaris bactérien (tourniole) [105] est facilement reconnaissable par
son caractère aigu et très douloureux. L‟infection succède en général à
un traumatisme local mineur (arrachage de petites peaux, piqûre
septique, écharde). Il représente une urgence thérapeutique.
LL’’oonnyycchhoollyyssee ddiissttoo--llaattéérraallee
Aux orteils, une onycholyse isolée sans hyperkératose sous-unguéale ne
témoigne pas habituellement d‟une infection fongique. Le décollement
des lames unguéales est avant tout d‟origine traumatique, surtout au
niveau des gros orteils ou secondaire au chevauchement des orteils dans
des souliers trop étroits (fig. 43).
Fig. 43 : Onycholyse traumatique [99]
Le traumatisme mécanique par une manucurie trop intense surtout par
introduction répétée d‟une lime à ongle aboutit au décollement des lames
unguéales. La zone décollée est blanche et bien limitée [99].
Dans le psoriasis, la zone d‟onycholyse psoriasique distale est limitée par
un liseré érythémateux très évocateur. Elle est souvent douloureuse à la
pression. On recherche d‟autres signes évocateurs du psoriasis au niveau
71
des ongles comme les érosions ponctiformes “en dés à coudre” et
l‟aspect “en tache d‟huile orangée” de Millian [100].
Il faut parfois évoquer une maladie systémique (dysfonctionnement
thyroïdien, sarcoïdose) ou une origine iatrogène médicamenteuse par
photosensibilité (photo-onycholyse) lorsque plusieurs ongles ou tous les
ongles sont atteints [102].
Mais il ne faut pas oublier que tout processus tumoral du lit de l‟ongle,
du derme ou de l‟os sous-jacent, bénin (exostose, fibrome, verrue) ou
malin (carcinome épidermoïde, mélanome) peut également être
responsable d‟une onycholyse au niveau des orteils et des doigts. Après
découpage de la tablette, la tumeur est visible et peut faire l‟objet d‟une
biopsie, voire d‟une biopsie exérèse au moindre doute de malignité.
L‟exostose est confirmée par une radiographie [103,106].
DDeessttrruuccttiioonn ddee ll’’eennsseemmbbllee ddee llaa ttaabblleettttee uunngguuééaallee
L‟onychomycose à moisissures, particulièrement à Scytalidium à
dermatophyte, et parfois à Candida albicans, si elle n‟est pas traitée, finit par
aboutir à une onychomycodystrophie totale secondaire représentée au stade
ultime par un lit unguéal kératosique, jonché de vestiges unguéaux [99,105].
Lorsque plusieurs ongles sont atteints, certains diagnostics différentiels
peuvent être évoqués tels qu‟un lichen plan, une pelade ou un psoriasis,
voire, plus rarement, une érythrodermie (mycosis fongoïde) dans une
localisation unguéale évoluée. Ces dermatoses siègent plus volontiers sur
les ongles des doigts, mais les ongles des orteils peuvent également être
touchés. L‟examen des ongles notera ou non la présence de ptérygion, de
trachyonychie en faveur d‟un lichen ou d‟une pelade. Cependant, les
72
localisations unguéales de ces dermatoses s‟intègrent dans un cadre plus
général de la maladie et un examen clinique attentif du revêtement
cutané, du cuir chevelu et des muqueuses recherche d‟autres lésions plus
évocatrices du diagnostic [100,102].
Si l‟atteinte est monodactylique, il ne faut surtout pas méconnaître une
tumeur maligne : maladie de Bowen, mélanome acral, carcinome
épidermoïde, qui malheureusement peut n‟être diagnostiquée qu‟à un
stade évolutif aussi tardif [3].
73
VVII LLEE DDIIAAGGNNOOSSTTIICC
Comme susmentionné, les onychomycoses causées par une moisissure ou par un
autre champignon peuvent parfois avoir une clinique similaire à une
onychopathie non fongique. De plus ces onychopathies peuvent être
secondairement surinfectées par des éléments fongiques, compliquant davantage
l‟approche diagnostique. D‟autre part, en cas de suspicion d‟une onychomycose
à moisissure, l‟aspect clinique n‟étant pas forcement spécifique à un agent
fongique unique, ne permet pas l‟identification dudit agent. Ainsi, le diagnostic
mycologique s‟impose comme une démarche indispensable pour l‟identification
de l‟agent étiologique et par la suite le choix du traitement approprié afin
d‟éviter au patient des traitements longs, inutiles et coûteux. D‟autres méthodes
ont été mises au point et dans le but est de confirmer le rôle pathogène d‟un
micromycète dans une infection unguéale.
11.. LLee ddiiaaggnnoossttiicc mmyyccoollooggiiqquuee dd’’uunnee oonnyycchhoommyyccoossee àà mmooiissiissssuurreess
Le diagnostique mycologique est constitué de trois étapes indispensables, la
première étant le prélèvement biologique mycologique, la seconde, l‟examen
direct qui cherche les éléments fongiques dans le matériel unguéal et enfin la
culture dont le but est d‟isoler l‟agent pathogène.
11..11 PPrrééllèèvveemmeenntt mmyyccoollooggiiqquuee
A. Anamnèse et examen clinique
L‟interrogatoire et l‟examen clinique du patient font partie intégrante du
prélèvement en facilitant la confrontation clinico-mycologique et permettent
ainsi de préciser :
74
L‟ancienneté des lésions, leur mode d‟évolution dans le temps (rapide pour
une candidose, lent pour un dermatophyte ou une moisissure), leur forme
(début par le bord libre ou par la région matricielle) [107] et enfin
l‟existence de traitements antérieurs avec leurs durées et leurs efficacités.
Les facteurs favorisants qu‟ils soient professionnels, liés à la pratique d‟un
sport etc…
Les antécédents dermatologiques (psoriasis, eczéma...) [107],
L‟existence de lésions cutanées associées, anciennes ou préalablement
traitées, qui peuvent nécessiter un prélèvement si elles sont de nature à
modifier le traitement [107],
L‟examen du pied dans son ensemble, à la recherche d‟anomalies
podologiques pouvant expliquer une onycholyse ou une hyperkératose.
B. Prélèvement mycologique proprement dit
Idéalement, le prélèvement doit être pratiqué par un médecin ou un biologiste
ayant une profonde connaissance en mycologie et dans le mode d‟évolution des
lésions (afin de prélever la lésion “au bon endroit” ) et il doit être
impérativement fait à distance de tout traitement antifongique tenant compte des
délais conseillés pour éviter les faux négatifs ou les résultats discordants
(examen direct positif et culture négative) et que sont :
15 jours pour une crème antifongique
15 jours et la repousse de l‟ongle après traitement kératolytique à l‟urée
2 mois pour la Griséofulvine et le Kétoconazole
3 mois pour les solutions filmogènes et la Terbinafine [107].
Il est important d‟éviter tout soin de pédicurie au préalable, d‟enlever un
éventuel vernis cosmétique 48 heures avant.
75
Contrairement aux idées reçues, le prélèvement doit être réalisé sur des ongles
propres, brossés avec un savon neutre avant l‟examen afin d‟éliminer au mieux
les moisissures de l‟environnement qui peuvent être présent sur les ongles .
Le matériel utilisé pour ce prélèvement est simple et doit être stérile ; instrument
de grattage, ciseaux, pince à ongles, vaccinostyle ou instrument équivalent, boîte
de Pétri…
La manière de prélever un ongle dépend entièrement de l‟aspect de la lésion : il
faut aller chercher le matériel unguéal parasité là où le champignon est vivant
afin que celui-ci pousse en culture :
Pour une atteinte distolatérale avec hyperkératose sousunguéale et
détachement de la tablette, un découpage à la pince à ongle est pratiqué
jusqu‟à la jonction zone unguéale infectée-zone saine, puis un grattage des
débris kératosiques friables recouvrant le lit unguéal est réalisé dans cette
zone [108].
En cas de leuconychie superficielle ou profonde, après avoir nettoyé la
tablette avec de l‟alcool, un grattage ou un découpage de la leuconychie est
effectué jusqu‟à atteindre la zone blanche friable au sein de laquelle est
recueilli l‟échantillon [108].
S‟il existe une paronychie avec atteinte des sillons latéraux, comme c‟est
habituellement le cas pour une candidose unguéale ou avec certaines
moisissures tel le Fusarium, un grattage est réalisé sous le repli sus-
unguéal, puis dans les zones latérales après découpage de la tablette [108].
11..22 EExxaammeenn ddiirreecctt
Lecture à l’aide du microscope optique : Le matériel collecté est mis
entre lame et lamelle dans une solution dissociant les kératinocytes telle
que la potasse aqueuse (KOH 10 %), l‟hydoroxyde de sodium (NaOH 10
76
%) ou mieux dans la solution de noir chlorazole, qui permet de colorer
que les structures fongiques et élimine beaucoup d'artefacts. La lecture se
fait à l‟aide du microscope optique. Cet outil est le plus utilisé par les
laboratoires vu son coût relativement bas.
Un examen direct bien conçu et un oeil de biologiste très averti,
permettent en quelques heures de confirmer la présence ou l‟absence du
champignon dans le produit pathologique et de donner bien souvent une
idée, en cas de positivité, sur l‟origine mycosique de l‟onychomycose. En
effet si les filaments sont septés, grossiers et irréguliers (aspect
chlamydosporé) formant des vésicules, le diagnostic dénoncera une
moisissure. Les filaments mycéliens des moisissures doivent être
différenciés de ceux des dermatophytes qui sont septés et réguliers. Ils
sont également à différencier des pseudo-filaments des Candida. Un
aspect de filaments “vides” doit pousser à suspecter un traitement
antifongique arrêté trop peu de temps avant le prélèvement ou un
prélèvement trop distal [111].
Lecture à l’aide du microscope à fluorescence : En mycologie
médicale, les techniques de fluorescence sont particulièrement appréciées
lorsque les éléments fongiques sont peu nombreux. De plus, elles
permettent une meilleure observation de la morphologie des
champignons.
Dans le cas précis des onychomycoses, certains mycologues utilisent cette
technique [108] parce qu‟elle présente l‟avantage de donner un meilleur
contraste des éléments fongiques. Ceci est obtenu en utilisant des
fluorochromes qui se fixent spécifiquement sur la chitine et les β1-3
glucanes de la paroi fongique [110]. Ces fluorochromes sont solubles dans
77
le réactif au sulfure de sodium mais non pas dans l‟hydroxyde de
potassium ou de sodium (KOH ou NaOH 10%). Excités par un
rayonnement de longueur d‟ondes comprise entre 400 et 440 nm (violet-
bleu) à l‟aide d‟un microscope à fluorescence, les éléments fongiques
deviennent fluorescents, et peuvent être immédiatement détectés (fig.44).
Cette méthode se pratique en une seule étape, ne nécessite pas de
chauffage de la préparation et permet une dissociation plus rapide que par
du KOH [110]. Mais malheureusement son coût élevé limite son
utilisation.
Fig. 44 : Examen direct d‟une moisissure observée par microscope à fluorescence [119]
Dans tous les cas, un examen direct positif (attestant de la présence du
champignon dans le produit pathologique) permet bien souvent d‟orienter
l‟identification de la nature de l'agent pathogène. L‟identification précise de ce
dernier (genre et espèce) est l‟objet de la troisième et avant dernière étape du
diagnostic mycologique qui est la culture, sujet du suivant paragraphe.
11..33 LLaa ccuullttuurree
L‟isolement du champignon se fait après avoir déposé l‟échantillon unguéal
pathologique collecté sur un milieu nutritif gélosé. Les composants nécessaires
pour les milieux de culture sont :
78
Le milieu de Sabouraud modifié : gélose glucosée à 2% et peptonée. C‟est
le milieu de base qui entre dans la composition de tous les tubes
nécessaires à la culture d‟un échantillon. Ce milieu est le plus utilisé en
mycologie médicale.
Le Chloramphénicol ou la Gentamycine : Une des deux molécules est
ajoutée au milieu de Sabouraud pour inhiber la croissance des bactéries.
La Cycloheximide (Actidione®), molécule inhibant la croissance de
nombreuses moisissures [24].
Les tubes ensemencés, additionnés ou non au Cycloheximide, sont ensuite
incubés à 26-30°C en atmosphère humide pour stimuler le développement des
champignons. Généralement les tubes sont incubés pendant 3 semaines pour
permettre la croissance des espèces dont la vitesse de pousse est lente [107].
Habituellement, la plupart des moisissures se développent en 8-10 jours [24].
11..44 LLaa lleeccttuurree ddeess rrééssuullttaattss
Le diagnostic du genre et d‟espèce de champignons filamenteux non
dermatophytiques est obtenu par confrontation des caractères macroscopiques
et microscopiques des champignons obtenus en culture. L‟aspect macroscopique
note la vitesse de pousse du mycélium, la couleur, la forme et la consistance des
colonies, ce qui oriente vers son genre. De son côté, l‟aspect microscopique
complète cette orientation en précisant l‟espèce en cause. ( cf. paragraphe II)
11..55 LLeess ccrriittèèrreess ddee ppaatthhooggéénniicciittéé dd’’uunnee mmooiissiissssuurree eenn uunnee oonnyycchhoommyyccoossee
Etant donné que la même moisissure peut aussi bien être un agent étiologique
qu‟un contaminant, la confirmation qu‟elle soit impliquée dans une infection
unguéale s‟avère nécessaire même après un examen direct positif. Ceci, et tel
que précédemment mentionné (cf. paragraphe II), ne peut être démontré
79
qu‟après avoir effectué au moins 2 cultures successives mettant en évidence un
grand nombre de colonies de la même moisissure (au moins 5/20 points
d'ensemencement) sans pour autant révéler l‟existence d‟aucun dermatophyte
[22,112]. Cette dernière condition est primordiale dans la mesure où les
statistiques montrent que 10 à 25% des infections unguéales ne révèlent pas à
l‟issue de la première culture l‟agent dermatophytique causal [113], qui est
souvent masqué par une moisissure dont le développement en culture est bien
plus rapide que celui du dermatophyte.
Afin d‟éviter l‟obligation d‟effectuer plusieurs cultures espacées par le temps,
M. ENGLISH suppose que si on réalise simultanément 20 inoculum dont au
moins 5 mettent en évidence la même moisissure, alors cette dernière est
vraisemblablement l‟agent étiologique, pourvu que l‟examen direct soit positif
[114].
Récemment, il a été démontré que cette technique d‟ENGLISH produirait plus
de résultats faux-positifs que de vrais-positifs. En effet le suivi à long terme par
des cultures successives des ongles infectés, effectué simultanément avec la
technique d‟ENGLISH montre que cette dernière échoue dans plus de 75% des
cas qu‟elle déclare positifs (114). Néanmoins, dans certaines conditions où le
patient ne peut se présenter plusieurs fois pour effectuer des prélèvements afin
de réaliser des cultures espacées dans le temps, le test d‟ENGLISH peut donner
une idée insuffisante mais utile pour le diagnostic [114].
AAuuttrreess mméétthhooddeess ddee ddiiaaggnnoossttiiqquuee
22..11 HHiissttoommyyccoollooggiiee
L‟examen histomycologique peut être informatif et complémentaire à la culture
pour confirmer (ou infirmer) la responsabilité d‟une moisissure dans une
80
onychomycose, tout en donnant une idée sur la charge, la localisation et
l‟étendue de l‟infection fongique.
C. Nature de l’infection fongique
L‟examen microscopique de coupes d‟ongles infectés, après coloration au PAS,
au Gomori-Grocott ou encore au bleu de toluidine permet souvent de distinguer
les trois catégories de champignons pathogènes d‟ongles :
Cas d‟infection par des moisissures ;
Les filaments mycéliens sont observés dans la kératine unguéale en
association avec de fins filaments perforants (fig. 45) [22]. Les champignons
ont alors des aspects protéiformes parfois indicateurs de leur identité
[115,116]. Le Scopulariopsis brevicaulis se reconnaît ainsi par la présence de
larges cellules piriformes à la paroi épaisse et par de fins filaments
perforateurs. Les Dématiées, dont l‘Alternaria sp. et le Scytalidium
dimidiatum, sont caractérisées par la présence d‟un pigment mélanique dans
le mycélium [117] (la mélanonychie induite dans ce cas doit être distinguée
de celle produite par T. rubrum) [118]. D‟autres moisissures ont des
filaments dont le calibre peut être irrégulier avec des formes de reproduction
variables [115]. Les infections fongiques mixtes associant des moisissures et
d‟autres micromycétes, dont notamment les dermatophytes, ne sont pas rares
puisqu‟elles peuvent représenter entre 0 à 11 % des cas d‟onychomycoses .
L‟histomycologie dans ces cas représente un outil de diagnostic très
important pour confirmer que les deux champignons (la moisissure et l‟autre
micromycéte) sont des pathogènes indépendants et déterminera par la même
occasion s‟ils se trouvent au même site unguéal (fig. 46) ou en des sites
différents.
81
Cas d‟infection par des dermatophytes ;
La kératine unguéale se trouve lysée autour des filaments mycéliens, Ces
derniers sont souvent longs, rectilignes, septés, d‟un calibre uniforme et d‟un
diamètre régulier (fig.47). La présence d‟arthroconidies monomorphes est
également observée.
Cas d‟infection par des levures ;
Les levures sont fréquemment groupées en petits amas desquels émergent
des pseudo-filaments courts et circonvolués [115,116].
Fig. 45 : Histologie d‟une coupe d‟ongle montrant les filaments perforant d‟Onychocola canadensis
[22]
Fig. 46. Onychomycose mixte bipolaire à dermatophyte et Scopulariopsis brevicaulis [116]
82
Fig. 47 : Histologie d‟une coupe d‟ongle colonisé par un dermatophyte [22]
D. Localisation, charge et étendue de l’infection fongique
Le choix du traitement topique ou oral ainsi que sa durée d‟administration
peuvent être influencés énormément par la localisation, la charge, et l‟extension
de l‟infection fongique dans l‟appareil unguéal surtout lorsque des moisissures
réputées résistantes aux traitements antifongiques, sont derrière cette infection.
L‟observation clinique, à elle seule, est peu précise pour déterminer ces trois
caractéristiques de l‟infection fongique, ce qui nécessite le recours à
l‟histomycologie qui peut être très informative à cet égard [116].
22..22 LLaa tteecchhnniiqquuee PPCCRR
Le PCR « Polymerase Chain Reaction », est une technique simple et rapide qui
permet d‟identifier in situ les champignons dans les ongles. Pour ces avantages,
différentes enquêtes ont été portées, principalement sur l'identification de
dermatophytes et de Scytalidium spp. (Baek et al., 1998; Turin et al., 2000;
Machoua rt -Dubach et al., 2001; Menotti et al.; 2004; Kardjeva et al., 2006)
[120].
Récemment, une méthode a été développée par M. MONOD [119] pour
l‟identification directe d‟un grand nombre d‟espèces de Fusarium et d‟autres
moisissures pathogènes des ongles ; il s‟agit du PCR/sequencing .
La technique présentée par M. MONOD [119] commence par une extraction
d‟ADN fongique d‟un fragment de l‟ongle suspecté infecté et dont l‟examen
83
mycologique direct s‟est révélé positif. Pour cette extraction, une dissolution de
l‟ongle dans une solution de sulfure de sodium (Na2S) suivie d‟une
centrifugation de la solution puis d‟un lavage du culot permettent d‟isoler les
éléments fongiques desquels l‟ADN est finalement extraite (pour réaliser une
telle extraction M. MONOD a utilisé un kit commercial). Une partie de l‟ADN
codant pour la sous-unité 28S des ribosomes est ensuite amplifiée par PCR en
utilisant des amorces universelles (LSU1 et LSU2) utilisables pour toutes les
espèces de champignons. Pour identifier l‟espèce de champignon incriminée
dans l‟onychomycose, soit le fragment amplifié est ensuite séquencé, soit son
profile de digestion par des enzymes de restriction est analysé (fig.48) [120].
Durant ce processus, des ongles sains de volontaires sont utilisés comme
contrôles négatifs
M: Marqueurs pour évaluer la taille des fragments; U: produit d‟amplification non digéré; R: digestion par
l‟enzyme RsaI ; H: digestion par l‟enzyme HinfI. T, F, C, A, P et NI codent respectivement pour Trichophyton,
Fusarium, Candida, Aspergillus, Penicillium et espèce non identifiée. Quatre cas d‟infections mixtes sont
présentés sur cette figure.
Fig. 48. Profil de digestion des fragments amplifiés de l‟ADN ribosomique [102]
84
Pour valider sa méthode, M. MONOD a testé des ongles à partir desquels un
dermatophyte (Trichophyton rubrum ou Trichophyton mentagrophytes) avait
poussé en culture. Les résultats obtenus ont confirmé l‟identification du
champignon dans 100% des cas avec PCR. Avec la même méthode, Fusarium
spp. et Scopulariopsis brevicaulis ont été identifiés dans 80% des cas où ces
moisissures avaient poussé en culture. Dans 20% des cas, d‟autres espèces de
champignons ont été révélées, ou le champignon n‟a pas pu être identifié car les
séquences obtenues n‟étaient pas interprétables [119].
M. MONOD a finalement cherché à identifier les champignons dans des ongles
où les prélèvements étaient demeurés stériles en culture ou avaient généré des
moisissures autres que Fusarium spp et S. brevicaulis. Il a pu montrer que les
Acremonium spp., Aspergillus oryzae, Aspergillus versicolor, Penicillium
citinum isolés en culture étaient effectivement les espèces de champignons
infectant l‟ongle [119]. D‟autres moisissures telles que Alternaria spp.,
Aspergillus niger, et Aspergillus fumigatus étaient des contaminants. Ces
champignons avaient poussé en culture, mais d‟autres espèces étaient révélées
par PCR en prenant comme cible l‟ADN extrait du même ongle.
En cas de suspicion d‟une infection mixte, des fragments d‟ADN fongique
amplifiés par PCR sont analysés par RFLP (Polymorphisme de longueur des
fragments de restriction) qui est une technique permettant de différencier et de
comparer des molécules d'ADN provenant d‟espèces différentes dans le but de
confirmer que les champignons incriminés sont des pathogènes indépendantes
[119]. Ce dernier cas de figure est souvent rencontré avec des moisissures et des
dermatophytes.
Pour conclure, les résultats obtenus par PCR donnent une image de l‟infection à
l‟instant où a été fait le prélèvement. C‟est un état des lieux. Il est possible qu‟au
85
fil du temps, certaines moisissures identifiées aient infecté l‟ongle après un autre
champignon (par exemple Trichophyton rubrum). Cependant, les méthodes
d‟identification des champignons in situ dans les ongles par PCR permettent de
substantielles améliorations du diagnostic des onychomycoses :
L‟identification de l‟agent infectieux peut être obtenue en 48h versus 1-3
semaines avec des cultures.
Il a été possible de montrer que la majorité des Fusarium spp. et S.
brevicaulis identifiés en culture étaient en fait l‟agent infectieux. D‟autres
moisissures ont été reconnues comme agents infectieux et distinguées
d‟autres moisissures qui sont des contaminants.
L‟identification de l‟agent infectieux peut être possible même après le début
d‟un traitement antifongique. Ceci est difficile à obtenir avec la culture
puisque les résultats sont fréquemment négatifs suite à la prise
d‟antifongiques.
L‟identification des champignons dans les ongles par PCR est à la fois
simple, rapide et beaucoup plus sensible que les cultures. Les bons résultats
obtenus font qu‟elle est appelée à être utilisée en routine lorsque la présence
de champignon a été démontrée par un examen direct positif et qu‟assez de
matériel a été prélevé par le médecin.
Malheureusement, c‟est une technique coûteuse et qui n‟est pas disponible pour
un grand nombre de laboratoires de mycologie.
22..33 LLeess ppeerrssppeeccttiivveess dd’’aavveenniirr
La microscopie confocale in vivo permet de déceler la présence de
champignons à l‟intérieur de l‟ongle. Cet examen ne nécessite aucun
prélèvement ni aucune autre préparation particulière [115]. Il utilise la
lumière réfléchie pour examiner le tissu vivant à diverses profondeurs. La
86
profondeur que le microscope confocale peut pénétrer est limitée seulement
par la pénétration de la lumière dans le tissu et la réflectivité des structures
observées. La microscopie confocale peut être une méthode rapide de
diagnostic d‟onychomycoses à moisissures [121]. Cependant sa capacité de
distinguer entre les moisissures et les dermatophytes est très limitée.
L’immunohistochimie peut être définie comme étant un processus de
détection d'antigènes dans les tissus au moyen d'anticorps qui peuvent être
d'origine polyclonale ou monoclonale, les anticorps monoclonaux étant plus
spécifiques par essence.
Dans le contexte précis des onychomycoses, cette méthode permet
l‟identification du champignon sur les coupes d'ongles lorsqu‟un anticorps
suffisamment spécifique est disponible. Cette possibilité reste exceptionnelle
et réservée à quelques champignons seulement. Elle est surtout utile lors de
l'identification des infections mixtes [121].
La cytométrie en flux est une technique permettant de faire défiler des
particules, molécules ou cellules à grande vitesse dans le faisceau d'un laser.
La lumière réémise (par diffusion ou fluorescence) permet de classer la
population suivant plusieurs critères et de les trier.
Cette méthode peut être exploitée donc pour différencier les champignons
sur la base des différences moléculaires et donner par la suite une idée sur la
charge fongique, ainsi que sur la famille à laquelle appartient le champignon
[121]. Par ces informations qu‟elle peut fournir, elle peut représenter un outil
de diagnostic des onychomycoses à moisissures plus spécifiquement.
Toutefois, ces méthodes, ne sont pas disponibles dans la plupart des laboratoires.
87
VVIIII TTRRAAIITTEEMMEENNTT EETT PPRROOPPHHYYLLAAXXIIEE
11.. TTrraaiitteemmeenntt ddeess oonnyycchhoommyyccoosseess àà mmooiissiissssuurreess
11..11 NNéécceessssiittéé ddee ttrraaiitteemmeenntt ddeevvaanntt uunnee oonnyycchhoommyyccoossee àà mmooiissiissssuurreess
De nombreux patients atteints d‟onychomycoses provoquées par des moisissures
ressentent des douleurs de l‟appareil unguéal et notamment s‟ils présentent un
périonyxis qui est souvent associé aux différentes variétés cliniques d‟onyxis à
moisissures. En outre, une gêne limitant le port de chaussures, la marche ou les
activités sportives et au pire, les activités professionnelles, est fréquemment
occasionnée. De plus, les dystrophies unguéales peuvent provoquer chez ces
patients des plaies et des nécroses des tissus entourant la tablette, en particulier
chez les sujets atteints de neuropathie périphérique. D‟autre part l‟infection
mixte des ongles des orteils par une moisissure et des bactéries peut se
comporter comme un réservoir responsable de lymphangites ou d‟autres
infections bactériennes graves, dont la sanction thérapeutique peut conduire à
l‟amputation [123]. Le patient diabétique (surtout à diabète mal équilibré) est
particulièrement sensible à ces complications. Mais la conséquence la plus
dramatique résulte bien entendu d‟une dissémination interne du champignon
avec issue fatale qui est possible chez le sujet immunodéprimé ou tout sujet sous
traitement immunosuppresseur. En effet, des cas de fusarioses disséminées
mortelles dont la porte d‟entrée fut un onyxis à Fusarium passé inaperçu [124]
ont été rapportés.
La réalisation d‟un examen attentif des ongles de ces patients immunodéprimés
ou devant subir une immunodépression iatrogène doit être donc systématique
[123].
88
Outre leurs conséquences sur la santé, les onychomycoses à moisissure posent,
au même titre que les autres types d‟onychomycoses, des problèmes relationnels
et professionnels du fait de l‟aspect inesthétique des ongles qu‟elles engendrent.
L‟ongle, étant un territoire de l‟organisme humain hors de portée des défenses
immunitaires acquises, tout champignon (moisissure ou autre) qui y a élu
domicile est donc dans un bastion privilégié, et sa survie y est garantie malgré la
présence de peptides naturels antifongiques dans l‟appareil unguéal [125]. En
effet, on ne rapporte pas de cas d‟autoguérison des onychomycoses.
Eu égard à toutes ces répercutions des onychomycoses à moisissures sur la
qualité de vie et devant cette impossibilité d‟autoguérison, le traitement
antifongique s‟avère indispensable.
11..22 CChhooiixx dduu ttrraaiitteemmeenntt
Le traitement de l'onychomycose causée par les moisissures n'est pas encore
bien standardisé. Plusieurs auteurs soulignent le fait qu‟elle est difficile à
éradiquer vu l‟inexistence, du moins jusqu‟à présent, d‟antifongique spécifique
aux moisissures comme il en existe pour les levures ou pour les dermatophytes.
De plus, on note une très grande différence entre les résultats obtenus in vivo et
les résultats attendus au vu des CMI (Concentrations Minimales Inhibitrices) ; in
vitro[126]. Cependant de nombreuses études ont prouvé une certaine efficacité
de nouvelles molécules antifongiques sur de nombreuses espèces de moisissures
mais avec un traitement très long et souvent plus long que celui des
dermatophytes [127]. Lorsque la matrice unguéale est saine un traitement
topique est largement suffisant, mais si cette dernière est atteinte un traitement
systémique s‟impose.
89
A. Le traitement topique
Le traitement topique constitue dans le cas des onychomycoses à moisissures le
traitement de premier choix à prescrire si l‟atteinte de l‟ongle n‟est pas profonde
[128,129]. Dans ce cas l‟application d‟un antifongique topique doit être
précédée d‟une destruction répétée mécanique de la partie atteinte de la tablette
unguéale ou d‟une avulsion chimique ou encore chirurgicale. Cette dernière peut
être très utile lorsqu‟une hyperkératose de la tablette unguéale, accompagnant
certaines variétés cliniques d‟onychomycoses à moisissures, est observée. Le
traitement topique nécessitera généralement une période allant de 6 mois à un
an.
aa)) DDeessttrruuccttiioonn mmééccaanniiqquuee ddee llaa ttaabblleettttee uunngguuééaallee
La destruction mécanique de la tablette unguéale se fait par nettoyage de la
tablette à la curette ou au papier de verre, mais cette attitude ne doit cependant
pas s‟appliquer en cas d‟immunodépression sous-jacente, compte tenu du risque
de dissémination
bb)) DDeessttrruuccttiioonn cchhiimmiiqquuee ddee llaa ttaabblleettttee uunngguuééaallee
La technique d'avulsion chimique est de réalisation simple et doit se dérouler
comme suit:
Toilette de la région avec savon antiseptique puis rinçage, séchage et
application d'un antiseptique.
Protection des tissus péri-unguéaux par un sparadrap épais ou des
hydrocolloïdes, puis occlusion sous film plastique après application d'une
couche épaisse de la préparation à l'urée.
Après huit jours l'ongle est soulevé et seul la partie pathologique est
découpée aux ciseaux (l‟onychine normale reste adhérente aux tissus
90
unguéaux). Il faudra éventuellement répéter l'opération en fonction de
l'épaisseur de la tablette.
cc)) AAvvuullssiioonn uunngguuééaallee ppaarrttiieellllee oouu ttoottaallee ppaarr cchhiirruurrggiiee
C‟est une chirurgie minutieuse qui demande une parfaite connaissance de
l‟anatomie et de la physiologie de l‟ongle afin de minimiser le risque de
séquelles dystrophiques. Elle se passe dans la majorité des cas, sous anesthésie
locorégionale. C‟est un geste indispensable en cas d‟onychomycose à
moisissures, lorsque l‟envahissement de la tablette se traduit par épaississement
important de cette dernière [130]. Elle permet d‟accélérer la réponse aux
traitements antimycosiques, surtout au niveau des orteils.
dd)) LLeess aannttiiffoonnggiiqquueess ttooppiiqquueess
Les principaux antifongiques topiques agissant sur les moisissures sont cités ci-
après :
Le ciclopirox : Le ciclopirox est un antifongique topique qui a une action
fongistatique inhibant l'entrée d'ions métalliques, du phosphate et du
potassium dans la cellule fongique en sus d‟une action fongicide perturbant
l'activité des chaînes respiratoires du champignon (en chélatant le fer en
particulier).
Il est utilisé sous forme de solution filmogène à 8%. Cette formulation
répond à deux points essentiels : tout d‟abord le principe actif reste au
contact de l‟ongle pour une longue durée, ensuite après l‟évaporation des
solvants, la concentration du principe actif dans la couche filmogène s‟élève,
établissant ainsi un gradient de concentration élevé indispensable à une
pénétration maximale du principe actif.
Cette molécule a prouvé une efficacité de traitement chez de nombreux
patients avec onyxis à moisissures (fig. 49, 50). Le spectre d‟activité in vitro
91
est large, il agie sur les dermatophytes, les levures et des moisissures dont
Aspergillus, Fusarium oxysporum et Scopulariopsis brevicaulis [127,131].
L'activité antifongique est inconstante sur Scytalidium dimidiatum (126).
Cette molécule possède aussi une action anti-inflammatoire importante.
Les applications sont journalières, et la concentration utile à la saturation de
la tablette unguéale est obtenue après 14 à 30 jours sur les ongles des mains,
30 à 45 jours pour ceux des orteils. La rémanence du produit est de 8 jours
pour les ongles des mains et de 15 jours pour les ongles des pieds.
Les effets secondaires se produisent dans moins de 2% de patients et incluent
la brûlure et la rougeur autour de l'ongle [134].
Fig. 49 et 50: Onychomycose subunguale Proximale du gros orteil causé par Fusarium oxysporum
avant et après 12 mois de traitement avec ciclopirox solution filmogène à 8% [129]
L’Amorolfine : L‟Amorolfine est un dérivé de la morpholine, fongistatique
et fongicide. Sa fongicidie vient d‟une double action sur la synthèse de
l‟ergostérol : inhibition de deux enzymes, la delta-4 réductase et la delta-7-8
isomérase. Cela conduit à une hyper fluidité de la membrane du champignon,
modifiant la perméabilité, provoquant un dépôt de chitine anormale et des
anomalies de croissance cellulaire. Elle est utilisée sous forme de solution
filmogène, concentrée à 5 % dans la solution. Après évaporation du solvant
la concentration s‟élève alors à 25 % dans la couche filmogène [132].
92
L‟Amorolfine a un large spectre antifongique ; elle agit sur les
dermatophytes, sur les levures mais aussi sur certaines moisissures telles que
Scytalidium dimidiatum et Scopulariopsis brevicaulis. Son efficacité a été
même marquante dans certaines cas d‟onychomycoses à Scytalidium.
Les espèces peu sensibles à l‟amorolfine sont Aspergillus spp et Fusarium
spp[133].
L‟Amorolfine est appliquée une à deux fois par semaine pendant six mois sur
les ongles des mains et pendant neuf à douze mois pour les ongles des pieds.
La durée de traitement dépend essentiellement de l'intensité, de la
localisation de l'infection et de la surface de l'ongle atteinte.
L‟Amorolfine donne de rares cas de brûlure siégeant dans la région
périunguéale en application unguéale [184].
Le Bifonazole : Il a une action fongicide due probablement à une inhibition
de l‟hydroxy-3-méthyl glutaryl coenzyme A (HMGCoA) actif sur les
dermatophytes, les levures, certaines moisissures (Aspergillus fumigatus,
Aspergillus niger)[184], divers champignons dimorphes et sur
Corynebacterium minutissimum. Le Bifonazole 1% est associé à de l‟urée à
40 %, cette association permet de ramollir la tablette unguéale afin de
faciliter son découpage. Il est utilisé si possible après un bain de pieds
prolongé sous occlusion de 24 heures et renouvelé quotidiennement une à
trois semaines. Le délitement est obtenu en une à trois semaines. Il est très
utile dans les hyperkératoses de l'appareil unguéal. Ensuite le Bifonazole est
appliqué, seul, jusqu‟à la repousse complète de l‟ongle [108].
Le Bifonazole en application locale donne de rares cas de prurit et d‟éruption
cutanée [184].
93
L’Amphotéricine B : L‟Amphotéricine B se fixe directement sur les
ergostérols de la membrane fongique et a une action détersive. Elle existe
sous forme de lotion dermique.
Elle est active sur le genre Candida et la plupart des moisissures in vitro ce
qui la rend utile dans le rare cas d‟infection mixte à moisissure et à un
candida. Elle ne pénètre pas dans la tablette unguéale, mais s‟applique sur le
lit de l‟ongle après découpage de la tablette.
La voie d‟administration de cette molécule conditionne sa toxicité ; elle est
toxique par voie intraveineuse mais reste bien tolérée par voie locale hormis
quelques effets indésirables se manifestant sous forme de prurit et
d‟érythème.
En somme, dans le cas des onychomycoses à moisissures le traitement local a
été jugé plus efficace que le traitement systémique et notamment dans le cas
d‟onyxis à S. brevicaulis, à Acremonium et à Fusarium [129]. Cependant dans
certains cas le traitement systémique s‟impose.
B. Le traitement oral
Le traitement oral est bien indiqué si :
Echec de traitement topique
Atteinte matricielle provoquée par la moisissure
Plusieurs ongles sont touchés
Risque de dissémination (patient immunodéprimé)
Dans ces cas, le traitement systémique doit être instauré, soit seul soit associé,
comme c‟est très souvent le cas dans les onychomycoses à moisissures, à
94
l‟avulsion de la tablette unguéale ( mécanique, chimique ou chirurgicale) et à un
antifongique topique (la trithérapie)[163].
aa)) GGrriissééooffuullvviinnee eett KKééttooccoonnaazzoollee
La Griséofulvine n‟a pas d‟activité sur les moisissures comme c‟est le cas pour
les dermatophytes(1).
Le Kétoconazole peut agire contre quelque moisissure : (Scytadium dimidiatum,
Aspergillus. sp) mais son efficacité est inconstante surtout pour l’Aspergillus.sp.
En plus, son utilisation est limitée à cause des effets secondaires et des
interactions médicamenteuses qu‟il engendre. Certes de telles complications
sont rares mais il est bon de noter que des cas d„hépatites idiosyncrasiques
mortelles ont été rapportés.
bb)) LLeess nnoouuvveeaauuxx aannttiiffoonnggiiqquueess ::
Les nouveaux antifongiques systémiques ont en commun une action biphasique
avec :
Une diffusion rapide vers le stratum corneum à travers le mésenchyme du lit,
puis à travers l‟épiderme. Le produit est décelé dès la fin de la première
semaine ;
Une pénétration dans la kératine unguéale par voie matricielle. Des taux
efficaces, supérieurs aux CMI sont détectables dans la tablette 5 à 9 mois
après l‟arrêt du traitement, selon le produit, expliquant la possibilité de
proposer des traitements courts. Enfin, une accélération de la croissance
unguéale peu être observée.
Parmi ces nouveaux antifongiques, deux ont connu un succès dans le traitement
des onyxis à moisissures. Il s‟agit de l‟Itraconazole et de la Terbinafine. En
effet, ces deux molécules présentent un taux de guérison élevé et une baisse des
taux de rechute considérable par apport aux anciens agents antifongiques.
95
Terbinafine :
Mode d’action : La Terbinafine est un antifongique de la famille des
allylamines. Comme les autres molécules appartenant à cette famille, elle
agie sur la synthèse de l‟ergostérol de la membrane fongique au stade de
l‟époxydation du squalène dont l‟accumulation entraîne la mort du
champignon. [126].
Activité antifongique sur les moisissures : Il a été démontré que l'activité
antifongique de la Terbinafine in vitro est supérieure à celles de
l'Itraconazole et de la Griséofulvine contre des espèces de Scytalidium, de
Scopulariopsis, d’Aspergillus, et d‟Acremonium. Cependant l'efficacité in
vivo et la réponse clinique ne sont pas toujours conformes aux résultats in
vitro.
Les donnés de littérature suggèrent que la Terbinafine aurait une certaine
efficacité contre S. brevicaulis, Aspergillus.sp et Fusarium. Sp [136]. Pour
prouver cette efficacité et déterminer par la suite la durée de traitement, une
étude a été menée par MG. LEBOHL [135]. Elle a porté sur des sujets
atteints d‟onychomycoses des ongles des orteils. Les uns étaient infectés
par des moisissures tandis que les autres l‟étaient par des infections mixtes
(dermatophyte + moisissure). Les patients ont été répartis ensuite, de
manière aléatoire, en 3 groupes. Le premier groupe a reçu de la Terbinafine
pendant 12 semaines puis un placebo pendant 12 semaines. Le second,
quant à lui, a reçu de la Terbinafine pendant 24 semaines et enfin le
troisième, un placebo pendant 24 semaines. Pour les trois groupes et
pendant les 24 semaines la posologie était toujours de 250 mg/j. L‟équipe a
ainsi démontré que le traitement de 12 semaines était suffisamment
concluant et qu‟un traitement plus long (24 semaines en l‟occurrence) ne
96
serait pas forcément plus efficace, aussi bien dans le cas des infections
mixtes que dans le cas des infections par des moisissures seules.
L‟efficacité de la Terbinafine a été prouvée contre l'Alternaria et
l’Aspergillus.sp ce qui n‟exclut pas son éventuelle efficacité contre d‟autres
moisissures non isolées des ongles pathologiques des patients, sujets de
cette étude. Il a été également conclu des résultats de cette étude, que cette
molécule est bien tolérée. En effet, hormis quelques cas de troubles gastro-
intestinaux et de goût, l‟équipe n‟a pas noté d‟effets indésirables chez les
patients recevant la Terbinafine par apport au groupe recevant le placebo
[135].
D‟autres études ont montré que la Terbinafine a également une certaine
efficacité contre les onychomycoses à Fusarium sp et inconstamment
contrer celles à S. brevicaulis, avec la même posologie, mais avec une
durée de traitement de 48 semaines [24,137, 138].
En cas d‟infection mixte, la Terbinafine présente l‟avantage d‟être active
sur les dermatophytes, les candida [135] et les moisissures. Son action sur
les autres moisissures est probable mais non encore démontrée.
Chez la population à haut risque de survenue d‟onychomycoses à
moisissures, la Terbinafine a été jugée efficace surtout chez les diabétiques
avec un taux de guérison de 62-78 %. Chez les patients recevant un
immunosuppresseur, son efficacité fut comparable à celle chez les patients
immunocompétents. De même, deux petites études ont indiqué que la
Terbinafine est également efficace chez les patients HIV séropositifs.
Toutefois, la majorité de ces études chez cette population dite à haut risque
de survenue d‟onychomycoses ne comprenait que de petits nombres de
97
patients. Des études incluant un nombre de sujets plus grand s‟imposent
notamment chez les patients ayant une infection par le VIH.
Effets indésirables : Les effets indésirables décrits dans la littérature sont :
Des troubles digestifs (nausées, douleurs abdominales, diarrhées,
anorexie),
Des troubles du goût (agueusie ou dysgueusie) réversibles après arrêt du
traitement en 1 à 2 mois le plus souvent [140],
Des éruptions cutanées transitoires (urticaires ou rashs non spécifiques,
érythèmes polymorphes), un exanthème pustuleux généralisé [141]. Des
réactions cutanées sévères ont été décrites, de façon exceptionnelle, à
type de syndrome de Stevens-Johnson, de syndrome de Lyell [142], qui
sont apparues dans les 2 premiers mois de traitement.
Des troubles neurologiques (céphalées, vertiges) ont été décrits, ainsi
que des troubles hépatiques (hépatites de type mixte, à prédominance
cholestatique [143], avec un risque de 2,5/100 000 [144]. Une
augmentation des transaminases peut se produire, en cas de traitement,
dans un cas sur 10000.
Des modifications de la formule sanguine (neutropénie, thrombopénie,
agranu- ocytose), réversibles à l‟arrêt du traitement, ont été notées [145,
1146].
Des cas de lupus érythémateux sont apparus ou ont été exacerbés par la
Terbinafine [147]
L‟apparition de psoriasis pustuleux sur terrain psoriasique, est
également notée [148].
98
N.B : Les atteintes hépatiques, qui sont rares et imprévisibles, justifient une
surveillance sanguine tous les mois en cas de traitement long. Une NFS et
un dosage des enzymes hépatiques peuvent aussi être demandés.
Interactions médicamenteuses :
Lors du traitement par la ciclosporine, une surveillance est conseillée car
une baisse des taux sériques de celui-ci a été rapportée en cas de
traitement concomitant avec la Terbinafine mais sans effets cliniques
[149].
Quelques cas de cycles menstruels irréguliers et de saignements
intermenstruels ont été observés chez des patientes traitées de façon
concomitante avec la Terbinafine et des contraceptifs oraux.
La clairance plasmatique de la Terbinafine peut être accélérée par des
médicaments qui induisent le métabolisme (exp. rifampicine), ou
ralentie par des médicaments qui inhibent le cytochrome P-450 (exp.
cimétidine). Lorsque ces produits doivent être administrés
simultanément, il y a lieu d'ajuster la posologie de la Terbinafine en
conséquence. [185].
Pour conclure, le traitement par la Terbinafine présente plusieurs avantages
indéniables, malheureusement, ce traitement reste très onéreux. Divers
protocoles d'administration intermittente (pulsée) ont été évalués pour limiter les
coûts du traitement. Cependant, ces études portaient sur un nombre trop restreint
de patients pour pouvoir comparer entre l‟efficacité du régime intermittent et
celle du régime continu, mais le traitement pulsé s'est clairement montré moins
efficace que le traitement continu [139].
99
Itraconazole
Mode d’action : Comme les autres dérivés azolés, l‟action antifongique de
l‟itraconazole est produite par l‟intervention de deux mécanismes
principaux, le premier est physico-chimique, le second est métabolique. Le
mécanisme physico-chimique concerne la phase de croissance du
champignon et comporte des altérations de ses fonctions respiratoires,
tandis que Le mécanisme métabolique inhibe la synthèse de l‟ergostérol
membranaire par une action compétitive vis-à-vis du système enzymatique
oxydatif de la C14 déméthylase dépendant du CYP 450 [128].
Activité antifongique sur les moisissures : L‟Itraconazole semble
présenter une certaine activité dans le cas des onychomycoses à
moisissures. Dans le but d‟évaluer cette activité, une étude multicentrique
sur 36 patients atteints d'onychomycoses des ongles du pied causées par des
moisissures ou par des moisissures et des dermatphytes a était menée
[150,161]. Ces patients ont reçu un traitement d‟Itraconazole selon deux
régimes, continu et pulsé:
Régime continu pour 9 patients : La posologie durant ce régime fut
de : 100 mg/j pendant 20 semaines pour 1 patient, 200 mg/ j pendant 6
semaines pour 1 patient et pendant 12 semaines pour 7 patients. Les
organismes traités chez ces 9 patients étaient: Aspergillus flavus (2 cas),
Aspergillus niger (1 cas), Alternaria spp. (1 cas), Fusarium spp (1 cas),
Trichophyton rubrum + Scopulariopsis brevicaulis (2 cas), T. rubrum+
A. niger (1 cas) et de T. mentagrophytes + A. niger (1 cas).
Ce régime continu a donné un taux de guérison clinique et mycologique
de 88%.
100
Régime pulsé chez 27 patients : Le régime intermittent a consisté en
une semaine de traitement par mois pendant 2 à 4 mois avec deux doses
journalières de 200mg/j chacune. Les durées étaient de : 2 mois pour 1
patient, 3 mois pour 12 patients et 4 mois pour 14 patients. Les
organismes traités chez ces 27 patients étaient : Aspergillus spp. (1 cas),
Fusarium oxysporum (1 cas), Scopulariopsis brevicaulis (10 cas), T.
rubrum + S. brevicaulis (8 cas), T. rubrum+ Fusarium sp. (2 cas), T.
rubrum+ A. niger (2 cas), et T. mentagrophytes + S. brevicaulis (3 cas)
Avec ce régime les taux de guérison clinique et mycologique ont atteint
85% et 74% respectivement.
D‟après cette étude où les taux de guérison clinique et mycologique pour
l‟ensemble des 36 patients furent de 86% de 78% respectivement,
l‟administration de l‟Itraconazole selon les deux régimes ; continu ou
intermittent est efficace contre certaines moisissures, agents
d‟onychomycoses telles que : Aspergillus (fig 51,52), Fusarium , S.
brevicaulis (fig. 53,54) ainsi que dans certaines infections mixtes par des
moisissures et des dermatophytes.
Au-delà des résultats de cette étude, l’Onychocola canadensis connu par sa
résistance aux traitements habituels antifongiques, aurait manifesté une
certaine sensibilité à l‟Itraconazole [162] (au même titre qu‟à la
Griséofulvine, au Kétoconazole et à l‟Amorolfine). Il est cependant très
difficile d‟étudier cette sensibilité principalement en raison de la croissance
extrêmement lente de l’Onychocola canadensis. On pourrait toutefois
proposer une triple thérapie combinant l‟administration séquentielle
d‟Itraconazole , l‟application d‟un vernis à base d‟Amorolfine et l‟avulsion
101
chimique de l‟ongle malade [162]. Il n‟y a cependant jusqu‟à présent dans
la littérature aucun cas de guérison complète, clinique et mycologique,
après traitement [160].
Fig. 51 et 52 :OSP des ongles des orteils causé par Aspergillus terreus avant et après 4 mois de
traitement avec l‟itraconazole [129]
Fig. 53 et 54 : OSP des ongles des orteils causé par Scopulariopsis brevicaulis avant et après 4 mois de
traitement avec l‟itraconazole [129]
Effets indésirables : Le traitement par l‟itraconazole de plus d‟un mois,
même selon un régime intermittent, favorise chez certains patients la
survenue de troubles à type de [186] :
Nausées (1,6 %), épigastralgies ,
Douleurs abdominales (1,9 %) et troubles digestifs,
Céphalée (1,3 %)
Prurit, éruption cutané (rare cas)
102
Anomalies des enzymes hépatiques dans 3,8 % et des hépatites
symptomatiques rares mais dangereuses dans le cas du régime continu.
Interactions médicamenteuses :
Les associations contre-indiquées avec l‟itraconazole sont les
antihistaminiques H1 (terfénadine et astémizole) : le cisapride, le
triazolam.
Association déconseillée : le midazolam
Certaines associations nécessitent des précautions :
o Les antagonistes du calcium de la famille des dihydropyridines
(risque majoré d‟oedèmes). L‟association avec les anticoagulants
oraux (warfarine) (risque hémorragique),
o La ciclosporine, la digoxine, les inducteurs enzymatiques,
o Les anticonvulsivants (sauf la dépakine), les quinidiniques, la
rifampicine
o L‟itraconazole est à prendre 2 heures avant ou 6 heures après les
antiacides ou la didanosine. [126].
Pour conclure, il y‟a fort à penser que l‟activité antifongique de
l‟Itraconazole est supérieure à celle de la Terbinafine pour le traitement des
onychomycoses à moisissures [152,154]. Toutefois, les effets indésirables du
traitement continu à l‟Itraconazole étalé sur une durée supérieure à 1 mois
limitent le recours à ce type d‟administration. Actuellement les auteurs
encouragent le régime intermittent qui ne provoque aucun endommagement
du foie et ne nécessite par la suite aucun test de la fonction hépatique avant le
début du traitement contrairement au régime continu[151], sauf lorsque le
patient a des antécédents de maladies hépatiques.
103
Généralement, le rythme d‟administration de l‟Itraconazole selon le régime
intermittent est d‟une semaine par mois, à raison de 200 mg matin et soir
pendant 2 mois pour l‟atteinte des doigts et pendant 3 à 4 mois pour celle des
orteils.
Voriconazole
Mode d’action : Similaire à celui de l‟Itraconazole.
Activité antifongique sur les onychomycoses à moisissures : Le
Voriconazole est un nouveau médicament antifongique de la famille des
triazolés. Il a été étudié pour ses propriétés antifongiques sur les
champignons opportunistes (moisissures) [155]. Il dérive du Fluconazole
par rapport auquel il est 10 à 500 fois plus efficace [126]. In vitro le
Voriconazole est actif sur de nombreuses moisissures telles que,
Aspergillus, Scytalidium, Scedosporium, Paecylomyces, Fusarium sp.,
Penicillium marneferii, et Scopulariopsis brevicaulis [126,156, 157]. Cette
dernière espèce présente une CMI avec le Voriconazole élevée. Toutefois,
cette molécule a une activité antifongique supérieure à l‟Ampothéricine B
et l‟Itraconazole contre Scopulariopsis brevicaulis [157]. Malheureusement
son indication actuelle est limitée au traitement d‟aspergilloses invasives et
d‟infections systémiques graves à Candida et aux espèces Scedosporium et
Fusarium. Son utilisation dans le traitement des onychomycoses à
moisissures particulièrement dans le cas du Scytalidium dimidiatum,
résistant aux antifongiques actuels, est une espérance d‟avenir [157,158].
Effets indésirables : Par rapport à l‟Itraconazole, le Voriconazole
provoque nettement moins d‟effets indésirables. Les principaux effets
indésirables qui ont été signalés et qui dépendent des doses utilisées,
104
comprennent des troubles visuels transitoires, des éruptions cutanées
morbilliformes et une élévation du taux d‟enzymes hépatiques [159].
Interactions médicamenteuses : Plusieurs médicaments diminuent la
concentration plasmatique du Voriconazole :Rifampicine, Rifadine,
Phénitoïne, les Barbituriques… tandis que d‟autres l‟augmente:
Ciclosporine, Warfarine, Benzodiazépine… [159].
Tableau IV : Tableau récapitulant les principaux traitements utilisés dans les onychomycoses à moisissures
Molécule Action antifongique sur les
moisissures
Dose et durée de
traitement
Principaux effets
secondaires
Interactions
médicamenteuses
An
tifo
ngiq
ues
top
iqu
es
C
iclo
pir
ox
Aspergillus,
Fusarium oxysporum
Scopulariopsis brevicaulis
+/- Scytalidium dimidiatum
1 app / j de 6 à 12 mois Brûlures
Rougeurs autour de l'ongle
Am
oro
lfin
e
Scytalidium
Scopulariopsis brevicaulis
1 à 2 app / semaines de 6
à 12 mois
Brûlures périunguéales
Bif
on
azo
le
Aspergillus fumigatus,
Aspergillus niger
1 app / j 1 à 3 semaines de
Bifonazole + urée suivie
de Bifonazole seul
jusqu‟à repousse complète
de l‟ongle
Prurit
Éruptions cutanées
Am
ph
oth
éri
cin
e B
La plupart des moisissures in
vitro
Prurit
Érythème
An
tifo
ngiq
ues
syst
émiq
ues
syst
émiq
ues
T
erb
ina
fin
e
Aspergillus.sp
Alternaria
Fusarium sp
+/-Scopulariopsis
brevicaulis
250 mg/j 12 à 48
semaines
Troubles digestifs
Troubles du goût
Éruptions cutanées transitoires
Troubles neurologiques
Modifications de la formule
sanguine
Psoriasis pustuleux
Lupus érythémateux
Ciclosporine, Contraceptifs
oraux, Rifampicine,
Cimétidine
105
Itra
con
azo
le
Aspergillus
Fusarium ,
S. Brevicaulis
+/- Onychocola canadensis
400mg/j en 2 prise en 1
semaine par mois pendant
2 à 4 mois
Nausées
Epigastralgies
Douleurs abdominales
Troubles digestifs
Céphalée
Prurit
Éruptions cutanés
Anomalies des enzymes
hépatiques
Hépatites symptomatiques
Antihistaminiques H1,
Cisapride, triazolam,
Midazolam, Antagonistes du
calcium de la famille des
dihydropyridines Ciclosporine,
digoxine, inducteurs
enzymatiques,
Anticonvulsivants,
Quinidiniques, Rifampicine,
Antiacides, Didanosine
Vo
ric
on
azo
le
Aspergillus,
Scytalidium,
Scedosporium,
Paecylomyces,
Fusarium sp.,
Penicillium marneferii
Troubles visuels transitoires,
Éruptions cutanées
Morbilliformes
Elévation du taux d‟enzymes
hépatiques
Rifampicine, Rifadine,
Phénitoïne, les
Barbituriques… ,
Ciclosporine, Warfarine,
Benzodiazépine
Malgré la présence de ces molécules antifongiques, actives sur de nombreuses
moisissures, les résultats des traitements des onyxis qu‟elles enregistrent, restent
encore modestes. Ceci est dû, bien entendu à l‟inexistence d‟une codification de
traitement des onychomycoses à moisissures, du moins jusqu‟à présent.
L‟absence d‟une telle codification est expliquée par l‟insuffisance des études et
par le nombre restreint de patients, sujets des rares études menées dans ce sens
ce qui entrave l‟obtention de résultats concluants vu le caractère non
représentatif de ces quelques échantillons étudiés.
L‟insuffisance des études sur des patients (in vivo), oblige les médecins
cliniciens de se référer aux résultats des études menées in vitro pour le
traitement des moisissures ce qui reste sans garantie de réussite. En effet,
certains antifongiques ayant une action positive, in vitro, sur plusieurs
moisissures se retrouvent inefficaces contre ces mêmes moisissures in vivo,
compliquant davantage le choix du traitement.
106
L‟efficacité du traitement des onychomycoses à moisissures peut également être
influencée par des facteurs liés au choix dudit traitement ou au patient lui
même :
Facteurs liés au choix du traitement :
Qualité de l‟indication du traitement
Interactions médicamenteuses
Maladies et traitements concomitants (immunodépression)
Résistance de certains champignons (Scytalidium)
Facteurs liés au patient
Motivation du patient et compréhension des consignes
Épaisseur de la tablette unguéale
Vitesse de pousse des ongles : lente chez les patients âgés
PPrroopphhyyllaaxxiiee
Les mesures d‟accompagnement du traitement des onychomycoses à
moisissures peuvent être déterminants pour obtenir une guérison, éviter les
récidives et prévenir la diffusion de l‟infection à l‟entourage [ 164].
Les principales mesures devant accompagner les traitements des onychomycoses
à moisissures sont :
Une bonne hygiène des pieds ; garder les ongles d'orteils courts et désinfecter
les instruments utilisés pour les nettoyer.
Séchage minutieux des pieds,
Lavage à l‟eau de javel du bac de douche,
Utilisation de caillebotis en plastique au lieu de ceux d‟en bois,
107
Limitation de l‟application de tous les vernis esthétiques : pose ponctuelle, ne
dépassant pas quelques heures.
Port de chaussures ouvertes ou aérées, de préférence avec des semelles
intérieures en cuir et utilisation de chaussettes en coton.
Décontamination des chaussures, chaussettes et tapis de bain (lavage à 60
°C),
Traitement de l‟hyperhidrose (un anti-transpirant à base de chlorure
d‟aluminium à 20 % en cas de transpiration excessive)
Traitement des lésions cutanées associées aux onychomycoses à moisissures
(présentes chez les diabétiques et les immunodéprimés)
Ne pas marcher pieds nus sur les sols publics (salles de sport, piscines…),
Ne pas arrêter le traitement d‟une mycose qu‟après sa complète guérison.
109
CHAPITRE IV: PARTIE PRATIQUE
II OOBBJJEECCTTIIFFSS
L‟étude menée dans notre laboratoire a pour buts de :
Déterminer la prévalence des onychomycoses à moisissures tout en la
comparant à celle des onychomycoses à dermatophytes et à Candida
Identifier les principales espèces de moisissures engendrant une
onychomycose
Evaluer l‟influence du sexe et de l‟âge dans ce type d‟onychomycose.
IIII MMAATTEERRIIEELL EETT MMEETTHHOODDEESS
Cette étude rétrospective a été réalisée sur une période de 14 ans, entre 1993 et
septembre 2007 sur 5385 patients, généralement adultes, adressés par les
différents services de dermatologie du Centre Hospitalier Universitaire Ibn Sina
de Rabat, au Laboratoire de Parasitologie et de Mycologie Médicale de l‟Hôpital
d‟Enfants de Rabat. Dans ce laboratoire, sont effectués les prélèvements au
niveau des ongles dans le but de confirmer ou d‟infirmer l‟origine fongique des
onyxis.
Le travail effectué consiste en une consultation des registres sur la période citée
afin de déterminer les caractéristiques épidémiologiques et mycologiques des
onychomycoses à moisissures tout en les comparant à celles des onychomycoses
à dermatophytes et à Candida. Les informations particulièrement ciblées sont :
Le nombre de patients présentant une onychomycose (examen directe
positif).
110
Le nombre de patients présentant une infection par des espèces de
moisissures en fonction du sexe et selon la localisation des ongles
atteints (mains ou pieds).
Le nombre de patients présentant une infection par des dermatophytes
tout en notant le sexe de ces patients.
Le nombre de patients ayant une infection à levure en fonction du sexe.
L‟âge des patients
11.. EExxaammeenn mmyyccoollooggiiqquuee
11..11 LLee pprrééllèèvveemmeenntt
Les prélèvements sont effectués au Laboratoire de Parasitologie et de Mycologie
Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat par un personnel expérimenté.
La zone à prélever est soigneusement choisie. En cas d‟une atteinte distolatérale
avec hyperkératose sous unguéale, le bord libre est coupé à l‟aide d‟une pince à
ongles pour pouvoir prélever des débris sous unguéaux friables à la jonction
zone saine - zone infectée. Dans le cas d‟une atteinte à périonyxis ou à
leuconychie, un grattage de l‟ongle est effectué. Le prélèvement se fait alors à la
base de l‟ongle avec un écouvillon stérile.
11..22 LL’’eexxaammeenn ddiirreecctt
Le matériel biologique collecté est déposé entre lame et lamelle dans une goutte
de potasse à 30 %. L‟observation microscopique est effectuée à l‟objectif 10
puis à l‟objectif 40. Un examen direct positif permet d‟observer des fragments
de filaments ou des spores, s‟il s‟agit d‟une moisissure ou d‟un dermatophyte.
Dans le cas d‟une espèce de Candida ledit examen montre des levures
bourgeonnantes de 2 à 4 µm.
111
11..33 LLaa ccuullttuurree
Pour chaque matériel biologique prélevé, 3 tubes (gélifiés en position inclinée)
sont ensemencés, La gélose de Sabouraud simple, additionnée de
chloramphénicol seul et le troisième associé à l‟actidione®. Ensuite les tubes
sont mis à l‟étuve à 28 °C pendant 3 semaines.
L‟identification du champignon se fait par l‟observation de l‟aspect
macroscopique et microscopique des cultures.
Identification macroscopique. Elle consiste à noter :
La vitesse de pousse ;
Les moisissures se développent en 8-10 jours tandis que les
dermatophytes, à croissances plus lente, ne peuvent être identifiés
qu‟après 3 semaines. La vitesse de pousse peut orienter le diagnostic.
L‟aspect des colonies ;
Les colonies peuvent avoir une texture laineuse, cotonneuse, poudreuse,
duveteuse, veloutée, granuleuse ou encore glabre.
La consistance qui peut être molle, friable ou dure.
La taille des colonies
Le relief de la colonie, plat, lisse ou cérébriforme
La couleur de la colonie avec la présence ou l‟absence du pigment sur la
gélose. La couleur permet de distinguer:
Les Hyalohyphomycètes qui donnent des colonies blanches, ou
aussi colorées (verte, jaunâtre, gris orange, rose),
Les Phaéohyphomycètes qui donnent des colonies devenant
rapidement foncées (brunes ou noires).
112
Identification microscopique : A l‟aide d‟un oêse, des échantillons de
colonies sont prélevés si ces dernières sont glabres. Si elles sont poudreuses
ou cotonneuses, la technique de drapeau est utilisée.
La lecture se fait au microscope optique à l‟objectif 10 permettant de
déterminer la longueur des hyphes pour certaines espèces, et à l‟objectif 40
qui permet de préciser :
Le thalle végétatif : siphonné ou septé ;
La couleur du thalle : hyalin et clair ou foncé et mélanisé ;
L‟origine endogène ou exogène des spores ;
113
IIIIII RREESSUULLTTAATTSS
A l‟issue de cette étude, quelques résultats d‟ordre général ont été recueillis.
Nombre de prélèvements : 5385 prélèvements mycologiques au niveau
des ongles.
Nombre de patients présentant une onychomycose :
o Examen direct et culture positifs : 3671 cas.
o Examen direct positif et culture négative : 1055 cas.
Nombre de patients présentant une onychopathie autre qu‟une
onychomycose : 659 cas.
Fig. 55 : Prévalence des onychomycoses parmi les onychopathies
Onychomycoses (examen direct et culture positifs)
Onychomycoses (examen direct positif et culture négatiive)
Autres onychopathies
114
11.. RRééppaarrttiittiioonn ddeess oonnyycchhoommyyccoosseess sseelloonn llee sseexxee ttoouutteess ééttiioollooggiieess
ccoonnffoonndduueess
Dans notre série nous avons remarqué, qu‟indépendamment de l‟agent fongique
causal, les onychomycoses touchent nettement le sexe féminin (70,47 %)
beaucoup plus que le sexe masculin (29,53 %) ( voir tableau V et Fig. 55)
Tableau V : Répartition des onychomycoses selon le sexe
Sexe féminin Sexe masculin
Patients présentant une onychomycose
2587 cas 1084 cas
Total 3671 cas
29,53%
70,47%
Sexe féminin
Sexe masculin
Fig. 56: Prévalence des onychomycoses selon le sexe
RRééppaarrttiittiioonn ddeess oonnyycchhoommyyccoosseess sseelloonn ll’’ââggee ttoouutteess ééttiioollooggiieess ccoonnffoonndduueess
115
Lors de cette étude, le pourcentage des patients atteints d‟onychomycoses
varie considérablement selon la tranche d‟âge. Le tableau VI et le figure 57
montrent ces variations.
Tableau VI : Nombre de cas d‟onychomycoses selon la tranche d‟âge
Tranche d’âge Nombre de cas
9 mois-10 ans 110
10-20 ans
175
20-30 ans 731
30-40 ans
942
40-50 ans
944
50-60 ans
462
60-80 ans
307
Total 3671
Fig. 57: Prévalence des onychomycoses selon la tranche d‟âge
116
LLeess oonnyycchhoommyyccoosseess àà mmooiissiissssuurreess
33..11 PPrréévvaalleennccee ddeess oonnyycchhoommyyccoosseess àà mmooiissiissssuurreess ppaarr rraappppoorrtt àà cceelllleess
ccaauussééeess ppaarr lleess aauuttrreess aaggeennttss ffoonnggiiqquueess
La méthode adoptée dans notre laboratoire pour la confirmation de la
responsabilité d‟une moisissure dans une onychomycose est la plus fiable et la
plus répandue. Elle consiste à réaliser deux cultures successives après un
examen direct positif. L‟isolement de la même moisissure de ces deux cultures
confirme le rôle pathogène de celle-ci dans l‟atteinte unguéale. Grâce à cette
méthode, 57 cas d‟onychomycoses à moisissures ont été décelés, avec une
prévalence de 1,55 % de l‟ensemble des cas d‟onychomycoses confirmés
mycologiquement (voir tableau VII et Fig. 58). Les levures du genre Candida,
viennent en second rang avec 1022 cas. Quant à eux, les dermatophytes,
s‟avèrent être les plus impliqués dans les onychomycoses avec 2592 cas.
9 mois-10 ans 10-20 ans 20-30 ans 30-40 ans 40-50 ans 50-60 ans 60-80 ans
3 %
4,77 %
19,91%
25,66 % 25,71%
12,60%
8,36 %
5 %
10 %
15 %
20 %
25 %
30 %
117
Tableau VII : Nombre de cas d‟onychomycoses confirmées selon la classe fongique
Classe fongique Nombre de cas
Moisissures 57
Dermatophytes
2592
Candida
1022
Total
3671
1,55%
70,60%
27,83%
Moisissures
Dermatophytes
Candida
Fig. 58 : Prévalence des différentes classes fongiques dans les cas d‟onychomycoses confirmées
Les genres de moisissures impliqués dans ces cas étaient au nombre de 7 dont 6
appartenant à la famille des Hyalohyphomycétes. La famille des
Phaéohyphomycètes (ou Dematiaceae) n‟était représentée que par un seul genre.
33..22 LLeess MMooiissiissssuurreess HHyyaalloohhyypphhoommyyccéétteess rreessppoonnssaabblleess dd’’oonnyycchhoommyyccoosseess
Les genres isolés
La répartition des moisissures Hyalohyphomycétes isolées des ongles
pathologiques selon le genre (voir tableau VIII et Fig. 59) , montre que le
Fusarium est le genre le plus fréquemment identifié dans notre laboratoire, avec
24 cas soit 46,15 % de l‟ensemble des Hyalohyphomycétes responsables
d‟onychomycoses dans notre laboratoire, suivi du genre Aspergillus avec 17 cas
118
soit 32,7 % des Hyalohyphomycétes. Le Scopulariopsis vient en troisième rang
avec 13,46 % des cas. Enfin, le Penicillium, le Scedosporium et l’Acremonium
ne sont que rarement isolés.
Tableau VIII : Nombres de cas de moisissures isolées des ongles selon le genre
Moisissures
Nombre de cas
Fusarium 24
Aspergillus 17
Scopulariopsis 7
Penicillium 2
Acremonium 1
Scedosporium 1
Total 52
La fréquence des genres de moisissures isolées est récapitulée par le graphique
ci-dessous :
119
Fig. 59 : Fréquence des genres de moisissures isolées
Les espèces d’Aspergillus isolées
Parmi les espèces d‟Aspergillus responsables d‟onychomycoses, Aspergillus
niger est l‟espèce la plus fréquemment isolée dans cette étude avec 13 cas
représentant 22.80 % de l‟ensemble des moisissures isolées.
Tableau IX: Nombre de cas des espèces d‟Aspergillus isolées
Espèce Nombre de cas pourcentage
Aspergillus niger
13 76,47%
Aspergillus flavus
3 17,64%
Aspergillus nidulans
1 5.88%
Fusarium Aspergillus Scopulariopsis Penicillium Acrémonium Scedosporium
10%
20%
30%
40%
50%
1,92 % 1,92 % 3,84 %
13,46 %
32,7 %
46,15 %
120
33..33 LLeess ggeennrreess ddeess PPhhaaééoohhyypphhoommyyccèètteess rreessppoonnssaabblleess dd’’oonnyycchhoommyyccoosseess
Dans notre série, la famille des phaéohyphomycètes n‟est représentée que par un
seul genre qui est Cladosporium avec 5 cas, soit 8,77 % de l‟ensemble des
atteintes des ongles par des moisissures
33..44 RRééppaarrttiittiioonn ddeess ccaass dd’’oonnyycchhoommyyccoosseess àà mmooiissiissssuurreess sseelloonn llee sseexxee
Le tableau de répartition des cas d‟onychomycoses à moisissures selon le sexe
montre que les moisissures, et à l‟instar des autres champignons, s‟attaquent
préférentiellement aux ongles du sexe féminin avec une fréquence de 75,43 %.
Tableau X : Fréquence des moisissures responsables d‟onychomycoses selon le sexe :
Sexe féminin Sexe masculin
Moisissures Nombre Fréquence Nombre Fréquence
Fusarium 19 33,33 % 5 8,77 %
Aspergillus 13 22,81 % 4 7 %
Scopulariopsis 4 7 % 3 5,62 %
Cladosporium 4 7 % 1 1,75 %
Penicillium 2 3,51 % 0 0 %
Acremonium 0 0 % 1 1,75 %
Scedosporium 1 1,75 % 0 0 %
Total 43 75,43 % 14 24,56 %
33..55 RRééppaarrttiittiioonn ddeess ccaass dd’’oonnyycchhoommyyccoosseess àà mmooiissiissssuurreess sseelloonn ll’’ââggee
L‟un des facteurs déterminants dans la probabilité de l‟infection unguéale par les
moisissures est bien entendu, l‟âge de l‟individu. Le tableau XI et Fig. 60,
montrent la répartition des atteintes selon ce facteur.
121
Tableau XI : Répartition des onychomycoses à moisissures selon la tranche d‟âge
Tranche d’âge
Nombre de cas Pourcentage
6-10 ans 1 1,75 %
10-20 ans 2 3,50 %
20-30 ans 9 15,80 %
30-40 ans 16 28,07 %
40-50 ans 14 24,56 %
50-60 ans 10 17,54 %
60-80 ans 5 8,77 %
Fig. 60 : Répartition des onychomycoses à moisissures selon la tranche d‟âge
1,75 %
3,50 %
15,80 %
28,07 %
24,56 %
17,54 %
8,77 %
6-10 ans 10-20 ans 20-30 ans 30-40 ans 40-50 ans 50-60 ans 60-80 ans
3,75 %
7,5 %
11,25 %
15 %
18,75 %
22,5 %
26,25 %
30 %
122
33..66 RRééppaarrttiittiioonn ddeess ccaass dd’’oonnyycchhoommyyccoosseess àà mmooiissiissssuurreess sseelloonn llaa llooccaalliissaattiioonn
Nous avons noté également une différence de fréquence des espèces isolées
mais cette fois-ci par rapport à la localisation de l‟atteinte (voir tableau XII et
Fig.61). Les principaux siéges des lésions sont les pieds (92,98 %). Les atteintes
des mains, associées ou non à celles des pieds sont beaucoup plus rares. Un,
plusieurs ou tous les ongles peuvent être touchés à la fois.
Tableau XII : Espèces de moisissures isolées des ongles selon la localisation (mains ou pieds) :
Moisissure
Mains Pieds Mains + pieds
Aspergillus flavus 0 3 0
Aspergillus niger 0 9 1
Aspergillus.sp 0 4 0
Aspergillus nidulans 0 1 0
Fusarium 3 21 0
Acremonium 0 1 0
Scopulariopsis 0 7 0
Penicillium 0 2 0
Cladosporium 1 4 0
Scedosporium 0 1 0
Total des moisissures 4 53 1
123
1,75 %
92,98 %
7,01 %
Mains
Pieds
Mains + pieds
Fig. 61 : Espèces de moisissures isolées des ongles selon la localisation (mains ou pieds) :
124
IIVV DDIISSCCUUSSSSIIOONN
Les onychomycoses sont les pathologies de l‟ongle les plus communes et les
plus répandues. Les champignons impliqués dans ces mycoses sont variés et
peuvent être des dermatophytes, des levures ou des moisissures. Ces
champignons présentent des différences tant au niveau de la physiopathologie de
l‟atteinte qu‟au niveau de la thérapeutique recommandée. Cependant, les
onychomycoses qu‟ils engendrent, peuvent être cliniquement indiscernables, ce
qui impose le recours au diagnostic mycologique. Celui-ci nécessite des
prélèvements unguéaux au niveau de la lésion active pour isoler le champignon
à son état vivant afin de réussir les cultures et déterminer ainsi de manière plus
spécifique et plus précise l‟agent fongique dont la nature reste difficile à définir
à partir de l‟examen direct seul.
Ayant pour but principal de constituer une image aussi fidèle que possible sur la
cartographie des onychomycoses à moisissures au Laboratoire de Parasitologie
et de Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat, cette étude
rétrospective a été réalisée sur une période de 14 ans, entre 1993 et septembre
2007. 5386 prélèvements mycologiques au niveau des ongles ont été alors
effectués révélant dans 68,17% des cas un examen direct et une culture positifs
confirmant l‟atteinte par une onychomycose. D‟autres cas représentant 19,59 %
de l‟ensemble des patients, ont accusé d‟un examen direct positif et une culture
négative. Pourtant, il s‟agissait vraisemblablement de mycoses unguéales. Parmi
les raisons qui auraient pu être derrière ces résultats, citons ; des examens
mycologiques qui n‟ont pas été répétés, des lésions parfois trop anciennes ou
encore une automédication à base d‟antifongiques utilisés par ces patients. En
125
somme, le taux d‟onychomycoses observé dans notre laboratoire se situerait
entre les deux valeurs limites 68,17% et 87,76% (le taux maximal étant celui des
cas avec examen direct et culture positifs augmenté du taux des cas avec examen
direct positif et culture négative). Ceci démontre bien, et au même titre que les
études précédemment menées [165], que les onychomycoses sont les
pathologies unguéales les plus fréquentes au Maroc. Les autres onychopathies,
tout type d‟atteinte confondu, restent minoritaires et peuvent être des
traumatismes mécaniques répétés, des psoriasis ou des paronychies chroniques
secondaires à une dermite de contact.
Dans notre étude, les onychomycoses touchent principalement les femmes. En
effet le sex-ratio entre les femmes et les hommes, indépendamment de la famille
de l‟agent causal, est de 2,4 environ. Dans une étude finlandaise, les hommes
sont quatre fois plus atteints que les femmes [172]. Aux USA, l‟écart serait plus
réduit avec un taux d‟atteinte chez les hommes trois fois plus important que chez
les femmes [173]. Une étude écossaise par sondage [174] montre des taux
d‟atteinte comparables chez les deux sexes. D‟après ces résultats on peut
affirmer qu‟il n‟y a pas de différences notables entre les deux sexes qui
prédisposerait l‟un à développer une onychomycose par rapport à l‟autre. Ce
sont plutôt les facteurs culturels et/ou comportementaux qui peuvent expliquer
de tels écarts. Au Maroc par exemple, la haute fréquence des onychomycoses
chez les femmes peut être due aux tâches ménagères (cuisine, pâtisserie,
lessive…) qui occasionnent de façon importante l‟humidité et les traumatismes
au niveau des ongles. On pourrait également penser que les femmes seraient
appelées à consulter beaucoup plus que les hommes dans le cas de ces atteintes,
et ce, pour des raisons esthétiques dont l‟importance qui leur est accordée diffère
selon le sexe.
126
Quant à la répartition des onychomycoses selon l‟âge, notre étude montre une
rareté de l‟atteinte chez les enfants. A contrario, le taux d‟atteinte augmente
significativement avec l‟âge et la tranche d‟âge la plus touchée est celle
comprise entre 40 - 50 ans, pour diminuer par la suite chez les patients âgés. Il
est bon de noter que la limite inférieure des atteintes relativement à l‟âge a été
enregistrée chez des nourrissons (9 mois) où l‟agent étiologique était un
Candida. Plusieurs facteurs peuvent expliquer l‟atteinte dès le plus jeune âge
par le Candida, citons à titre d‟exemples la simultanéité avec une candidose
buccale, la succion répétée du pouce, une dermatite atopique, etc…. Dans cette
dernière éventualité, la candidose est associée à un eczéma périunguéal.
Dans le cadre de cette étude, la prévalence des onychomycoses à moisissures est
de 1,55% de l‟ensemble des cas d‟onychomycoses confirmés mycologiquement.
Cette prévalence n‟a pas changé depuis les années quatre-vingt, puisque l‟étude
menée par A. AGOUMI sur la période s‟étalant entre 1982 et 2003 (22 ans) [26]
a mis en évidence un taux similaire, soit 1,53%. La rareté de ce type
d‟onychomycoses, peut être expliquée par le climat tempéré du pays qui n‟est
pas aussi bien adapté à la prolifération et à l‟implantation de ces champignons
que celui des régions tropicales et subtropicales. Une autre explication toute
aussi plausible, pourrait être le faible nombre des sujets âgés consultants dans
notre laboratoire et chez lesquels les conditions environnementales, circulatoires
et anatomiques favorisent la greffe unguéale des moisissures. Quant aux
onychomycoses à dermatophytes et à Candida, leurs prévalences ont été plus
grandes ( 70,60% et 27,83% respectivement).
Malgré la rareté statistique des onychomycoses à moisissures dans notre pays,
un examen attentif des ongles pour chercher ce type d‟atteinte chez le sujet
127
immunodéprimé ou tout autre sujet sous traitement immunosuppresseur s‟avère
impératif, afin d‟éviter toute dissémination interne d‟une moisissure à partir de
l‟issue unguéale. Une telle dissémination constitue dans de tels cas une
complication dramatique pour ce genre de patients. En effet des cas de
fusarioses disséminées mortelles dont la porte d‟entrée était des ongles atteints
d‟onyxis à Fusarium passé inaperçu, ont été rapportés [166]. Idem, les patients
diabétiques (ceux à diabète mal équilibré spécialement) sont particulièrement
sensibles aux onychomycoses à moisissures vu la possibilité de dissémination
cutanée et viscérale des moisissures à partir des ongles, ce qui pourrait conduire
dans le pire des cas à une amputation. Une fois de plus, un examen attentif de
l‟appareil unguéal s‟avère de première nécessité [166].
Plusieurs facteurs favorisant les onychomycoses à moisissures sont en commun
avec ceux favorisant les onychomycoses à dermatophytes. Toutefois, le facteur
déterminant pour l‟infection avec une moisissure est bien entendu lié aux
traumatismes répétés qui favorisent l‟altération préalable de la kératine de
l‟ongle et permettent par la suite à ce type de champignons d‟outrepasser le
caractère saprophyte et d‟agir en pathogène. Rappelons que hormis Scytalidium
et Onychocola , jamais isolés dans notre laboratoire, les autres types de
moisissures ne peuvent s‟attaquer qu‟à une kératine altérée contrairement aux
dermatophytes qui peuvent digérer une kératine saine grâce à leurs kératinases.
D‟après notre étude, les Hyallohyphomycètes constituent la famille la plus
fréquemment incriminée dans les onychomycoses à moisissures avec un taux
d‟atteinte atteignant 91,23%. La famille des Phéahyphomycètes, qui fût
représentée par le seul genre Cladosporium, a été beaucoup moins impliquée
avec un taux d‟atteinte de 8,77%. En général, de très rares études ont confirmé
128
quelques cas d‟atteintes unguéales par ce genre dont une menée en Turquie
[178] et une autre en Inde [179] ayant signalé chacune 1 seul cas.
La prédominance des Hyallohyphomycètes trouve sa justification dans la
pathogénicité de certains de ses genres, notamment Fusarium et Aspergillus. En
effet, Fusarium est majoritairement responsable de ce type d‟atteintes parmi
toutes les moisissures de cette famille avec un taux de 46,15%. Ceci s‟accorde
avec les résultats de l‟étude effectuée par A. AGOUMI qui a révélé une
responsabilité de Fusarium dans 47 % des cas d‟onychomycoses à moisissures
[26]. D‟autres études, dont une menée par H. VELEZ et F. DIAZ [167] en
Colombie confirment ce fait en mettant en évidence une incrimination de
Fusarium dans 40 % des infections des ongles de pieds par des moisissures, ces
dernières étant responsables elles-mêmes de 4 à 10 % de l‟ensemble des cas
d‟onychomycoses. Même constat en France où la prévalence croissante des
onyxis à Fusarium, a récemment dépassé celle des onychomycoses à
Scopulariopsis, jusqu‟alors considérées comme la première infection unguéale
non-dermatophytique [33]. Selon la même source, Fusarium oxysporum serait la
principale espèce responsable d‟onychomycoses à moisissures parmi le genre
Fusarium, infectant essentiellement les ongles des orteils. La pathogénicité
propre de ce genre et sa capacité d‟adhérence et de production d‟enzymes de
type protéinase, associées à un ou plusieurs facteurs locaux ou généraux,
favorisent la prolifération unguéale de ce champignon. Parmi ces facteurs, se
sont la notion de marche pieds nus, la fréquentation de piscines et de douches
extérieures, la dystrophie préalable de l‟ongle, la malposition des orteils, les
troubles vasculaires et les traumatismes ou l‟infection préalable par un
dermatophyte [33, 168 169 ] qui sont les plus cités. De sont côté, Aspergillus est
le deuxième genre isolé dans notre laboratoire en étant à l‟origine de 32,7 % des
129
cas. L‟espèce dominante de ce genre est Aspergillus niger avec 22.80 % des
onychomycoses à moisissures. Ce genre vient de se substituer au Scopulariopsis
qui constituait jadis la deuxième cause d‟infections unguéales non
dermatophytiques conformément aux résultats de l‟étude menée par A.
AGOUMI [26]. Aspergillus doit sa haute fréquence d‟atteinte à son net pouvoir
de colonisation d‟une kératine préalablement altérée, à l‟abondance des spores
de ses différentes espèces dans la nature [180-] et à la durée de vie desdites
spores qui est sans doute longue. En effet, un même génotype peut rester
présent dans l‟environnement de 6 mois à 1 an [37]. L‟abondance des spores de
l’Aspergillus a été également illustrée par une étude mycologique réalisée durant
la période estivale de 2004 à Casablanca (Maroc) sur le sable de deux plages de
la ville et qui a révélé l‟existence de 25 souches d’Aspergillus sp., contre 13
souches de Penicillium sp., 2 souches de Cladosporium et 2 souches de
Scedosporium [181-].
Les autres moisissures de cette même famille ne sont que moins ou rarement
isolées dans notre étude ; c‟est le cas du, Penicillium, du Scedosporium et de
l‟Acremonium. Cette rareté d‟atteinte par ces moisissures peut être due à leur
pathogénicité relativement basse malgré l‟ubiquité de leurs spores dans la
nature.
Il est à noter que les pseudo-dermatophytes (Scytalidium et Onychocola) n‟ont
pas été isolés dans le cadre de notre étude. Cette absence peut s‟expliquer
essentiellement par la non adéquation du climat du Maroc au développement de
ces deux moisissures, la première, préférant un climat tropical et chaud et la
seconde, un climat froid tel que celui régnant au Canada. En général, la
fréquence d’Onychocola en pathologie humaine reste très limitée [170]. Dans
130
les rares cas où il a été isolé, il était derrière des onyxis des pieds et des
intertrigos chez des personnes âgées, ayant des troubles vasculaires des
membres inférieurs (lymphœdème, ulcères de jambe). Scytalidium, quant à lui,
représente jusqu‟à 40 % des atteintes fongiques des pieds en zone d‟endémie
[83] telles l‟ouest de l‟Inde, la Guyane française, l‟Afrique sub-saharienne, les
îles Comores et la Réunion....
Notre étude a enregistré une disparité de l‟atteinte selon l‟âge. En effet, chez les
enfants de moins de 6 ans, aucun cas d‟onychomycoses à moisissures n‟a été
signalé. Ce résultat est en accord avec la plupart des études réalisées dans le
même cadre [175]. La raison d‟une telle absence est expliquée par la rapidité de
la pousse de l‟ongle de l‟enfant et par la rareté des traumatismes des pieds
observés chez lui, ce qui empêcherait la moisissure de s‟implanter durablement
[23].
Concernant les autres tranches d‟âge, notre étude a enregistré le taux le plus
élevé d‟onychomycoses à moisissures dans la tranche d‟âge entre 30 et 40 ans
avec une prévalence de 28,07 %. Ce taux diminue ensuite dans la tranche d‟âge
allant de 50 à 60 ans pour atteindre 8,77%. Ceci s‟oppose aux résultats obtenus
par la plupart des études, qui montrent généralement une fréquence élevée des
onychomycoses à moisissures chez les sujets âgés [23,176,177]. Selon les
données de la littérature, les personnes âgées seraient même les plus touchées
par les onychomycoses à moisissures, et ce, vu la vitesse ralentie de pousse de
leurs ongles, la difficulté qu‟elles éprouvent parfois pour assurer une hygiène
correcte des pieds (ongles difficiles à couper, absence de soins réguliers…) mais
aussi et surtout à cause de certains facteurs locaux (troubles trophiques,
insuffisance circulatoire périphérique, malposition des orteils) [23, 63, 69]. Dans
131
notre série, la faible prévalence chez cette tranche d‟âge serait principalement
due au nombre restreint des sujets âgés qui consentent à la consultation et au
prélèvement suite à l‟atteinte par une onychomycose contrairement aux sujets
jeunes. Un tel comportement est justifié, chez cette catégorie de patients, par des
raisons socioéconomiques faisant des onychomycoses un sujet d‟une grande
banalité, voire futile devant les malaises communément sentis chez eux.
L‟étude a fait l‟état d‟une autre disparité de l‟atteinte mais cette fois-ci selon le
sexe et ce, au même titre que les autres types d‟onychomycoses. En effet les
moisissures touchent les ongles des femmes beaucoup plus que ceux des
hommes (le taux d‟atteinte chez les femmes est de 75,43 %). Les causes de la
fréquence des onychomycoses à moisissures chez les femmes sont généralement
celles expliquant la fréquence de l‟atteinte chez le sexe féminin dans les autres
types d‟onychomycoses.
Une dernière disparité enregistrée est relative à la localisation de l‟atteinte. En
effet les principaux siéges des lésions unguéales à moisissures sont les pieds
avec un taux de 92,98 %. Les atteintes des mains associées ou non à celles des
pieds sont plus rares et représentent respectivement 1,75 % et 7,01 %. Ceci
pourrait s‟expliquer par l‟exposition plus fréquente du pied aux traumatismes
répétés, par la vitesse de pousse des ongles du pied, beaucoup plus lente que
celle des ongles des mains, ce qui permet aux passants occasionnels d‟y
séjourner plus longtemps et enfin par le microclimat chaud et humide
occasionné par les chaussures mal adaptées favorisant le développement des
moisissures. Un, plusieurs ou tous les ongles peuvent être touchés à la fois ce
qui porte à croire que la consultation pour un onyxis mycosique est souvent
tardive.
133
CONCLUSION
Les moisissures sont habituellement impliquées dans les onychomycoses partout
dans le monde. Le degré de cette implication varie considérablement
dépendamment des régions géographiques, du climat et même des mœurs des
gens. Il en résulte ainsi une prévalence qui oscille entre 1,5% et 20 %.
Les onychomycoses à moisissures présentent généralement une clinique
similaire à celle des onychomycoses causées par les autres champignons.
Cependant, la majorité des variétés cliniques des onychomycoses à moisissures -
l‟OSP étant la variété la plus souvent rencontrée- est très souvent associée à une
paronychie.
Le rôle exact des moisissures dans les onychomycoses est parfois difficile à
déterminer puisqu‟elles peuvent être aussi bien un envahisseur primaire qu‟un
envahisseur secondaire infectant une lésion préexistante ou même un simple
contaminant.
Eu égard à la similitude de la clinique des onyxis et aux différentes natures
d‟implication possible, le recours au diagnostic mycologique et parfois même à
l‟histomycologie s‟avère incontournable pour la détermination précise du rôle
pathogène des moisissures dans les onychomycoses.
D‟autres méthodes de diagnostic ont vu le jour dont notamment le PCR qui est
une méthode très prometteuse, actuellement en expérimentation dans quelques
laboratoires.
Quant à leur traitement, les onychomycoses à moisissures semblent répondre
mieux à un traitement topique plutôt qu‟à un traitement systémique quoiqu‟en
général les résultats des traitements restent encore decevants. Pour combler ce
134
vide thérapeutique, une plus grande importance doit être accordée aux études
ciblant une codification du traitement des onychomycoses à moisissures.
Au terme de cette étude menée dans le Laboratoire de Parasitologie et de
Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat, nous retiendrons que les
onychomycoses constituent les pathologies unguéales les plus fréquemment
rencontrées dans ce laboratoire et que les onychomycoses à moisissures
présentent une prévalence de 1,55%.
L‟étude a également démontré une prédominance de certaines moisissures dans
ce type d‟atteintes unguéales, le Fusarium étant le plus incriminé suivi de
l‟Aspergillus et du Scopulariopssi brevicaulis.
La prévalence des onychomycoses à moisissures varie notablement selon
certains critères ou grandeurs. En effet cette prévalence diffère suivant la tranche
d‟âge, selon le sexe et enfin d‟après la localisation de l‟appareil unguéal.
Enfin, nous tenons à rappeler, sans prétendre le répéter assez, que le diagnostic
et le traitement des onychomycoses à moisissures doivent revêtir une grande
importance notamment lors de la prise en charge de sujets diabétiques et
immunodéprimés.