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1 Introduction

Généralités sur les moisissures

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1

Introduction

2

INTRODUCTION

es onychomycoses représentent les étiologies les plus fréquentes parmi

les onychopathies. Cette fréquence, en ascension continue, est

probablement due aux changements qu‟a connu notre mode de vie

durant ces dernières décennies. Mal supportées par les patients, elles sont

devenues l‟un des principaux motifs de consultation en dermatologie

mycologique.

Le plus souvent, ces onychomycoses sont causées par des Dermatophytes au

niveau des ongles des pieds et par des Candida au niveau des ongles des mains.

Moins fréquemment, elles peuvent être dues à des champignons filamenteux

non dermatophytiques appelés communément « Moisissures ». Ces moisissures

sont des saprophytes omniprésents, peuplant chaque recoin de notre

environnement et dont certains, dotés d‟une virulence latente, peuvent

outrepasser ce caractère saprophyte et se transformer en opportunistes. Ces

dernières années, les onychomycoses engendrées par ces moisissures ont attiré

une grande attention dans le milieu médical. En effet, cette famille de

champignon est de plus en plus pointée des doigts en tant que responsable de

l‟échec de traitement des onychomycoses. Elle est également accusée d‟être

potentiellement responsable d'infections systémiques chez les patients

immunodéprimés et de certaines complications qui peuvent être fatales chez les

diabétiques.

La prévalence des onychomycoses à moisissures varie énormément selon les

études et les laboratoires et oscille généralement entre 1,5% et 20% de

l‟ensemble des cas d‟onychomycoses. Au Maroc, quoique la prévalence

L

3

enregistrée reste très basse, une prise de conscience relativement à ce type

d‟atteintes commence à s‟installer dans le milieu scientifique.

L‟objectif de ce travail est d‟abord d‟essayer de combler un vide concernant la

documentation autour des onychomycoses à moisissures puisque les ouvrages

scientifiques traitant ce sujet dans sa globalité sont quasi-absents. Un autre

objectif tout aussi important est de présenter, en les discutant, les résultats de

l‟étude rétrospective menée par le « Laboratoire de Parasitologie et de

Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat » sur les onychomycoses

au Maroc. Le présent recueil se propose ainsi, d‟expliciter les différentes

facettes du sujet en parlant, dans un premier temps des moisissures puis des

onychomycoses dans un cadre général pour passer ensuite à une présentation de

l‟état des lieux relatif aux onychomycoses à moisissures en s‟appuyant sur les

publications et les recherches faites dans différents pays et dans des contextes

variés dans le but de dégager une vue aussi large que possible sur ce sujet. Une

attention particulière sera accordée à l‟étude susmentionnée du « Laboratoire de

Parasitologie et de Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat » qui a

permis, entre autres, de tracer une cartographie des mycoses unguéales au

Maroc, une cartographie qui ne peut être que fiable et représentative, vu

l‟étalement de l‟étude dans le temps et le nombre important des patients étudiés.

4

Partie théorique

5

CHAPITRE I : GENERALITES SUR LES MOISISSURES

II DDEEFFIINNIITTIIOONN

Les moisissures sont des champignons pluricellulaires microscopiques

ubiquistes, à croissance filamenteuse, qui regroupent des milliers d‟espèces. Le

terme familier de « moisissures » fait généralement référence à leur texture

laineuse, poudreuse ou cotonneuse, qui peut être observée à divers endroits [1].

Les moisissures produisent des structures de reproduction appelées spores ;

celles-ci sont invisibles à l‟œil nu. Elles peuvent également élaborer des

substances chimiques susceptibles de demeurer à l‟intérieur des spores, d‟être

libérées dans les matériaux qu‟elles colonisent (ex. : enzymes, mycotoxines) ou

encore d‟être libérées dans l‟air ambiant (ex. : composés organiques volatils).

IIII MMOODDEE EETT CCOONNDDIITTIIOONNSS DDEE DDEEVVEELLOOPPPPEEMMEENNTT

Chez les moisissures, l'appareil végétatif, qui permet la croissance et le

développement, est composé de filaments appelés « hyphes » dont l'ensemble

constitue un réseau: le mycélium. Celui-ci est parfois visible sous forme de

petites tâches colorées à la surface de substrats moisis. Il va à la recherche de ses

aliments, dégrade le support par émission d'enzymes et d'acides, transforme les

composants à l'intérieur de la cellule et rejette les déchets à l'extérieur ou les

stocke. La dégradation du substrat peut être infime ou considérable, selon

l'adaptation spécifique du champignon, la durée et les conditions de son

développement. Cette activité de dégradation est cause de la détérioration des

supports.

6

La colonisation du substrat est donc réalisée par extension et ramification des

hyphes. L'accroissement de celles-ci s'effectue par le sommet où se réalise

l'essentiel des réactions de synthèse et de dégradation. Il s‟agit là du

métabolisme primaire, indispensable à la construction de la cellule du

champignon. Les régions apicales des hyphes sont caractérisées par la présence

de nombreuses vésicules cytoplasmiques contenant les enzymes et les

précurseurs de synthèse de nouveaux polymères. Les produits du métabolisme

"secondaire" non indispensable au fonctionnement de la cellule, sont plutôt

stockés en région subapicale. Les métabolites secondaires les plus connus sont

les pigments, les antibiotiques, les mycotoxines [2]...

Les hyphes sont appliquées sur le substrat ou parfois immergées dans celui-ci.

Elles absorbent, à travers leur paroi, l'eau, les substances nutritives et les ions

qui y sont contenus. Cette fonction implique une perméabilité pariétale qui

diminue de l'apex vers les zones plus âgées. Dans les zones actives, il y a en

permanence des échanges entre l'intérieur et l'extérieur de la cellule.

Au point de vue structural, ces hyphes sont des sortes de tuyaux contenant le

cytoplasme, les noyaux et autres organites cellulaires. Elles sont généralement

cloisonnées. Dans les parties jeunes du mycélium les cloisons sont percées de

pores qui permettent le passage du contenu cellulaire d'un compartiment à

l'autre. Dans les parties les plus âgées, les cloisons sont fermées, isolant les

parties en voie de dégénérescence des parties actives.

Bien qu‟elles soient peu exigeantes, la réunion de certains facteurs, nutritifs et

environnementaux est néanmoins nécessaire au développement des moisissures.

Ainsi, le Carbone et l‟Azote sont les éléments nutritifs les plus importants pour

les moisissures en sus de quelques ions minéraux (Potassium, Phosphore,

Magnésium…) et ce, en très faibles quantités. Les moisissures peuvent

7

également avoir besoin d‟autres éléments tels que les acides aminés, les

protéines, l‟amidon et la cellulose.

Ces substances nutritives sont souvent abondantes mais c‟est généralement une

bonne combinaison des facteurs environnementaux déterminants que sont

l‟humidité, l‟oxygénation, la température et le pH qui fait défaut entravant ainsi

le développement des moisissures [2].

IIIIII PPRRIINNCCIIPPAAUUXX EEFFFFEETTSS DDEESS MMOOIISSIISSSSUURREESS SSUURR LLAA SSAANNTTEE HHUUMMAAIINNEE

Toutes les moisissures sont saprophytes se développant sur et au détriment de

matériaux très variés (papiers, bois, aliments, peau, phanères..). Parfois,

certaines d‟entre elles peuvent devenir "opportunistes" en parasitant l‟organisme

hôte. Un tel comportement peut occasionner chez certaines personnes dont les

défenses sont affaiblies, des effets néfastes sur la santé [3,4]. Ces effets sont de

type irritatif, immunologique (réactions allergiques et réponses immunitaires

nocives) ou toxique (réactions aiguës à de fortes concentrations et réactions

systémiques suite à l‟exposition répétée aux mycotoxines). Plus rarement ces

effets sont cancérigènes ou prennent la forme d‟infections opportunistes chez

des individus sévèrement immunodéprimés comme par exemples des fusarioses

ou des aspergilloses disséminées, ou profitant de l‟absence normale d‟une

défense immunitaire dans l‟appareil unguéal pour provoquer une onychomycose

[1]. Ce dernier effet, sujet de la présente thèse, peut être provoqué par de

nombreuses espèces de moisissures dont la classification est abordée dans le

paragraphe ci-après, l‟accent étant mis sur la classe reconnue à l‟origine desdites

onychomycoses à moisissures.

8

IIVV PPLLAACCEE DDEESS MMOOIISSIISSSSUURREESS RREESSPPOONNSSAABBLLEESS DD’’OONNYYCCHHOOMMYYCCOOSSEESS

DDAANNSS LLEE RREEGGNNEE DDEESS MMYYCCEETTEESS

Comme les autres champignons, la classification des moisissures, est d‟abord

basée sur le mode de reproduction sexuée autrement appelée « phase

téléomorphe » [1]. Ce critère définit quatre des cinq divisions des mycètes, soit

les Chytridiomycotina, les Zygomycotina, les Basidiomycotina et les

Ascomycotina. Certaines moisissures sont le plus souvent ou exclusivement

rencontrées à des stades de multiplication asexuée dits « anamorphes », et sont

alors classées d‟après le mode de production des spores asexuées ou conidies

dans la cinquième division des Deutéromycotina, ou Fungi imperfecti qui

regroupe la plupart des moisissures d‟intérêt médical.

Les Deuteromycotina sont divisés en trois classes :

Les Blastomycètes qui regroupent l‟ensemble des champignons

levuriformes.

Les Hyphomycètes qui regroupent tous les champignons filamenteux à

thalle septé dont les cellules conidiogènes (productrices de spores ou

conidies) sont libres.

Les Coelomycètes qui rassemblent les champignons filamenteux dont les

cellules conidiogènes sont contenues dans des organes protecteurs appelés

pycnides ou acervules.

Le schéma suivant montre la classification de la division des Deuteromycotina :

9

Fig. 1 : Classification de la division des Deuteromycotina [3]

C‟est parmi ces champignons filamenteux de la classe des Hyphomycètes qu‟on

retrouve incriminée la plupart des espèces de moisissures responsables

d‟onychomycoses.

CHAMPIGNONS Règne

Deuteromycotina (Fungi Imperfecti)

Phylum

Blastomycètes Coelomycètes Hyphomycètes Classe

Cryptococcales Moniliales Ordre

Famille Dematiaceae

(phaéohyphomycètes)

Moniliaceae

(hyalohyphomycètes)

Genre Candida sp.

Cryptococcus sp.

Malassezia sp.

Trichosporon sp

Nattrassia sp.

Phoma sp. Acremonium sp. Alternaria sp.

Aspergillus sp. Aureobasidium sp.

Beauveria sp. Bipolaris sp.

Chrysosporium sp. Cladosporium sp.

Cylindrocarpon sp. Curvularia sp.

Fusarium sp Exophiala sp

Onychocola sp. Phialophora sp.

Paecilomyces sp. Scytalidium sp

Penicillium sp Ulocladium sp

Scedosporium sp.

Scopulariopsis sp.

Scytalidium sp.

Trichoderma sp.

10

LLeess HHyyaalloohhyypphhoommyyccèètteess

11..11 EEppiiddéémmiioollooggiiee

Les Hyalohyphomycètes sont des micromycètes cosmopolites appartenant à la

famille des Moniliaceae. Ils vivent pour la plupart en saprophyte, dans le sol, sur

des végétaux en décomposition ou sur des substrats telluriques divers comme les

débris kératiniques. Certains sont des pathogènes de plantes (surtout les espèces

appartenant au genre Fusarium), ou d‟insectes comme Beauveria bassiana [3].

A partir de leur habitat naturel, ces champignons dispersent leurs spores qui,

véhiculées par le vent, seront présentes dans l‟air de manière permanente. C‟est

le cas, par exemple, des spores de Penicillium qui se situent en 3ème

position des

spores fongiques atmosphériques [3].

Ces Hyalohyphomycètes se développent bien sur tous les milieux utilisés en

mycologie. Leur croissance est cependant inhibée par le cycloheximide. La

température optimale de croissance varie selon les espèces entre 20 et 30 °C.

Seules les espèces isolées de prélèvements profonds poussent à 37 °C [2,3].

11..22 CCaarraaccttéérriissttiiqquueess mmiiccrroossccooppiiqquueess

Les genres appartenant à cette famille ont certains caractéristiques

microscopiques en commun :

Un mycélium végétatif clair ou hyalin [3].

Des filaments mycéliens, de diamètre fin et régulier, septés et ramifiés.

L‟organisation conidiogène change et varie selon les espèces [3].

LLeess PPhhaaééoohhyypphhoommyyccèètteess ((oouu DDèèmmaattiiééss))

22..11 EEppiiddéémmiioollooggiiee

Les Dématiés sont des moisissures issues du sol, de la terre ou de végétaux en

décomposition. Ils sont parfois parasites de plantes et certains sont de véritables

11

opportunistes chez l‟homme. Leur caractéristique commune est de produire des

pigments de type mélanine qui imprègnent la paroi des filaments, d‟où l‟aspect

foncé ou noir des colonies en culture et des filaments dans les tissus parasités

[5,6].

22..22 CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx

Les Phaéohyphomycètes se développent bien sur tous les milieux utilisés en

mycologie. Leur croissance rapide est le plus souvent inhibée par le

cycloheximide. Les températures optimales de croissance sont comprises entre

25 et 30 °C. Seules quelques espèces isolées de prélèvements profonds poussent

à 37 °C [7,3].

22..33 MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee

Les filaments végétatifs, initialement hyalins, brunissent en vieillissant, mais

certains restent incolores. Ces champignons se reproduisent en général

seulement sur le mode asexué, et l‟organisation conidiogène varie selon les

espèces. En outre, si les spores sont souvent foncées ou noires pour ces

champignons, d‟autres produisent des spores hyalines [7,3]

12

CHAPITRE II : LES ONYCHOMYCOSES

II RRAAPPPPEELL SSUURR LL’’AANNAATTOOMMIIEE EETT LLAA PPHHYYSSIIOOLLOOGGIIEE DDEE LL’’AAPPPPAARREEIILL

UUNNGGUUEEAALL

Une bonne connaissance de l‟anatomie et de la physiologie de l‟ongle est

nécessaire à la compréhension de l‟onychomycose, de ses caractères cliniques et

de la réponse au traitement. C‟est ainsi que le présent paragraphe sera dédié à la

description de l‟anatomie et de la physiologie de l‟ongle normal.

11.. AAnnaattoommiiee ddee ll’’aappppaarreeiill uunngguuééaall

L‟appareil unguéal est constitué de cinq parties (FIG. 2):

la tablette unguéale,

la matrice unguéale,

le repli proximal ou sus-unguéal et les replis latéraux,

le lit de l‟ongle,

l‟hyponychium

13

La figure ci-dessous représente une coupe sagittale de l‟appareil unguéal. :

1. Cul-de-sac unguéal ; 2. derme du repli sus-unguéal ; 3. couche cornée de la face supérieure du repli sus-

unguéal ; 4. couche cornée de la face inférieure du repli sus-unguéal ; 5. épiderme du repli sus-unguéal : face

postérieure ; 6. épiderme du repli sus-unguéal : face inférieure ; 7. sillon proximal ; 8. cuticule ; 9. limite

inférieure de la lunule ; 10. partie supérieure de la lame ; 11. partie moyenne de la lame ; 12. partie profonde de

la lame ; 13. bord libre de la lame unguéale ; 14. sillon distal ; 15. derme de l‟extrémité digitale ; 16. épiderme de

l‟extrémité digitale ; 17. épiderme de l‟hyponychium ; 18. épiderme du lit unguéal ; 19. médullaire osseuse ; 20.

périoste ; 21. derme du lit unguéal ; 22. fibres verticales de collagène ; 23. matrice distale ; 24. matrice

proximale.

Fig. 2 : Coupe sagittale de l‟appareil unguéal [19]

11..11 LLaa ttaabblleettttee uunngguuééaallee

La tablette unguéale est une plaque rectangulaire dure, cornée, lisse,

transparente faite de kératine produite de manière continue par la matrice. Cette

plaque est encastrée en arrière dans une large cavité, le cul-de-sac proximal et

latéralement dans les sillons latéraux. La partie proximale, est constitué de

lunule. Puis l‟ongle paraît rosé du fait de la vascularisation du lit unguéal sur

lequel il repose. Cette coloration, se renforce dans la région distale pour laisser

place ensuite à une zone étroite plus pâle, “la bande onychodermique”, qui

correspond à la jonction du lit et de l‟hyponychium et représente une importante

barrière anatomique contre les agressions [8]. L‟infection de la couche cornée de

14

l‟hyponychium par un champignon peut favoriser la rupture de cette jonction et

une onycholyse [9]. L‟extrémité distale est blanche et n‟adhère pas à

l‟hyponychium, c‟est le “bord libre” de la tablette unguéale sous lequel

persistent généralement des débris de kératine, en particulier aux orteils.

La tablette n‟est pas du tout adhérente à la matrice sous-jacente dans sa partie

proximale. Elle adhère par contre fortement au lit de l‟ongle qui participe à la

formation des couches inférieures de la tablette. Au niveau des sillons latéraux,

l‟adhérence de la tablette est faible, particulièrement dans la moitié distale. Cette

faible adhérence au niveau des sillons latéraux peut expliquer les échecs des

traitements antifongiques oraux [9].

11..22 LLaa mmaattrriiccee uunngguuééaallee

La matrice a la même structure histologique que l‟épithélium cutané, mais la

couche superficielle ne comporte pas de couche granuleuse.

11..33 LLee lliitt ddee ll’’oonnggllee

Il s‟étend de la lunule à l‟hyponychium. Il est composé de l‟épiderme dont la

kératinisation se fait également sans couche granuleuse et qui participe à la

formation des couches inférieures de la tablette unguéale [9,10] à laquelle il

adhère fortement, et du derme, dépourvu de tissu sous-cutané et en contact direct

avec le périoste de la phalange sous-jacente.

11..44 LL’’hhyyppoonnyycchhiiuumm

C‟est la partie située entre la bande onychodermique et le sillon antérieur qui

borde le bourrelet antérieur. L‟épiderme ne diffère pas de l‟épiderme palmo-

plantaire, on y retrouve une couche granuleuse [9].

15

11..55 LLee rreeppllii pprrooxxiimmaall

C‟est une invagination de l‟épiderme de la face dorsale du doigt. Il recouvre la

partie proximale de la tablette unguéale et se termine par la cuticule, expansion

cornée constituée de cellules orthokératosiques formées par la kératinisation de

la tablette proximale et qui adhère très fortement à la tablette. La cuticule ferme

le cul-de-sac unguéal, protégeant ainsi la région matricielle; elle s‟oppose à la

pénétration de corps étrangers ou d‟agents infectieux [8].

La matrice proximale produit les couches superficielles de l‟ongle, la matrice

distale produit les couches moyennes et le lit unguéal produit les couches

profondes.

22.. CCoommppoossiittiioonn cchhiimmiiqquuee ddee ll’’oonnggllee

22..11 LLaa kkéérraattiinnee

L‟ongle est composé de kératines ; scléroprotéines riches en acides aminés

soufrés, dont la structure et l‟agencement sont responsables de la dureté de la

tablette et de sa flexibilité.

Cette richesse en kératine de l‟ongle explique la potentialité de pathogénicité de

certains micro-organismes.

Certains champignons sont capables de pénétrer les kératinocytes en produisant

des enzymes. C‟est le cas des dermatophytes qui produisent les kératinases. Les

Candida, n‟ont pas cette faculté et ne peuvent par conséquent pénétrer un ongle

sain, hormis le Candida albicans qui produit une peptidase capable de digérer la

kératine. Quant à elles, les moisissures du genre Aspergillus, Acremonium,

Penicillium ne sont pas capables de détruire la kératine saine, mais peuvent

devenir pathogènes à l‟occasion d‟une altération de kératine qui peut être

mécanique ou causée par un autre champignon. Ce dernier cas de figure

16

explique les infections mixtes par des dermatophytes ou des Candida d‟une

part, et des moisissures d‟une autre part [11]. Quelques espèces de

Scopulariopsis telles que le S.brumptii, le S. candida, le S. carbonaria et le S.

koningii ont une activité kératolytique [12].

22..22 LLeess aauuttrreess ccoonnssttiittuuaannttss ddee ll’’oonnggllee

En sus de la Kératine, les autres constituants de l‟ongle sont :

L’eau dont la teneur (16 % à 18 %) est dépendante du degré hygrométrique

[9]. La perte transonychiale d‟eau est moins importante dans les ongles

infectés par les champignons que dans les ongles sains.

La tablette est non seulement perméable à l‟eau, mais également au

méthanol, à l‟éthanol et à de nombreuses autres substances dont des

substances antifongiques [9]. La pénétration de ces substances est améliorée

par l‟utilisation de certains véhicules comme l‟urée [13]. La mise au point de

vernis transunguéaux a permis d‟améliorer considérablement la pénétration

de certaines de ces substances antifongiques [14].

Les lipides 0,1 à 1%. Principalement le cholestérol, intervenant dans

l‟élasticité de l‟ongle.

Les minéraux : Particulièrement le calcium, dont le faible taux (1 %) est

sans rapport avec la dureté de l‟ongle, le soufre (5 %), le fer, le zinc, le

cuivre, le manganèse… La composition chimique se modifie avec l‟âge, la

teneur en calcium augmente, celle du fer diminue [9].

CCrrooiissssaannccee ddee ll’’oonnggllee

La matrice unguéale produit une lame de kératine de manière continue tout au

long de la vie. La vitesse de croissance est variable selon l‟âge, diminuant chez

le sujet âgé [15], le sexe, les saisons, l‟activité manuelle, les traumatismes,

17

certaines maladies…. Elle est deux fois plus rapide aux mains (1/10 mm par

jour) qu‟aux pieds ; c‟est probablement une des raisons pour laquelle les ongles

des orteils sont beaucoup plus souvent infectés que les ongles des doigts; cela

explique également la nécessité d‟un traitement deux fois plus long pour les

onychomycoses des orteils que pour celles des doigts. L‟épaisseur de l‟ongle

(0,5 à 0,75 mm aux mains, 0,5 à 1 mm aux pieds) dépend de la longueur de la

matrice.

IIII DDEEFFIINNIITTIIOONN DD’’UUNNEE OONNYYCCHHOOMMYYCCOOSSEE

Une onychomycose est une mycose des ongles, des mains ou des pieds,

provoquée par des champignons microscopiques qui se développent sur l‟ongle

et le détruise en partie ou en totalité. Ces champignons peuvent être des

dermatophytes, des levures ou des moisissures, se nourrissant de kératine de

l‟ongle et se développant surtout dans les zones chaudes et humides.

IIIIII LLEESS OONNYYCCHHOOMMYYCCOOSSEESS AA DDEERRMMAATTOOPPHHYYTTEESS

11.. CCaarraaccttéérriissttiiqquueess ddeess ddeerrmmaattoopphhyytteess

Les dermatophytes sont des Champignons filamenteux caractérisés par [16] :

Un mycélium cloisonné

Une activité kératinolytique et Kératinophile

La sécrétion des métabolites antigéniques

Leur culture sur des milieux artificiels peptonés et sucrés

Leurs responsabilités dans les mycoses superficielles.

18

AAggeennttss ééttiioollooggiiqquueess eett ffaacctteeuurrss ffaavvoorriissaannttss

Les dermatophytes responsables d‟onychomycoses sont :

Le Trichophyton rubrum: le plus fréquent (mains et pieds)

Le Trichophyton mentagrophytes avec une fréquence modérée

L‟Epidermophyton floccosum, le Trichophyton violaceum et le

Trichophyton schönleinii qui sont moins fréquents

Leur transmission est interhumaine. L‟onychomycose est presque toujours la

complication secondaire d‟une atteinte dermatophytique interorteil et plantaire

favorisée par [17] :

L‟humidité et la chaleur

La fréquence de contact avec une ou plusieurs sources de contamination :

piscine, douche commune, salle de bain, ... (ils passent très facilement

d‟un doigt à l‟autre ou d‟un pied à un tapis de salle de bain puis à un autre

pied)

Le caractère pathogène élevé des dermatophytes dû à leur équipement

enzymatique représenté notamment par les kératinases capables de digérer

une kératine unguéale saine et par la résistance de leur forme de

dissémination. En effet certaines spores de ces champignons peuvent

demeurer viables et infectieuses dans l‟environnement, pour une période

pouvant aller jusqu‟à 5 ans ! [170].

LLaa cclliinniiqquuee ddee ll’’aatttteeiinnttee

Les ongles des orteils et les ongles des doigts sont atteints respectivement dans

80 % et dans 20 % des cas. L‟atteinte est mixte dans 3 % des cas.

La voie de pénétration du dermatophyte dans l‟appareil unguéal conditionne la

variété clinique de l‟onychomycose à dermatophytes [18,187] :

19

L‟onychomycose sous-unguéale distolatérale: L‟envahissement par le

dermatophyte débute presque toujours au niveau de la zone jonctionnelle

entre la kératine pulpaire et le lit unguéal. Il en résulte une hyperkératose

sous-unguéale, puis une onycholyse par détachement de la tablette de son

lit.

L‟onychomycose sous-unguéale proximale : Les dermatophytes pénètrent

sous le repli sus-unguéal pour envahir toute la partie proximale de la

lame unguéale avant de s‟étendre progressivement. Cette forme est rare en

dehors d‟une immundépression sous-jacente.

La leuconychie superficielle : La lame superficielle de l‟ongle est attaquée

par les filaments mycéliens. Une ou plusieurs taches blanches siégent au

milieu de l‟ongle et disparaissent au grattage.

La dystrophie unguéale : Evolution prolongée de l‟une des formes

précédentes.

TTrraaiitteemmeenntt

La confirmation du diagnostic d'onychomycose par l'examen mycologique est

indispensable, car la thérapeutique diffère selon l'agent en cause.

Dans le cas des dermatophytes, le traitement préconisé varie selon l‟état de la

zone matricielle [187] :

Zone matricielle respectée :

Traitement local : crème sous occlusion (Kétoconazole,

Ciclopiroxolamine), après avulsion chimique ou mécanique, ou

solution filmogène quotidienne ou hebdomadaire (Ciclopiro-

xolamine , Amorolfine)

Si échec, associer le traitement systémique.

20

Zone matricielle atteinte :

Terbinafine 250 mg/jour pendant 3 mois ou griséofulvine 18 à 24

mois

Si échec : Kétoconazole (200 mg/jour pour doigts, 400 pour orteils)

ou Itraconazole.

IIVV LLEESS OONNYYCCHHOOMMYYCCOOSSEESS AA CCAANNDDIIDDAA

11.. DDééffiinniittiioonn ddeess ccaannddiiddaa

Ce sont des champignons unicellulaires de forme variable, très répandus dans

tout le monde habité, et qui sont normalement des commensaux parfaitement

tolérés par l'homme sain [21,22], mais qui peuvent provoquer parfois des

mycoses (candidiase ou candidose) chez les personnes dont le système

immunitaire est affaibli ou chez des personnes soumis à des facteurs favorisants

le développement de ce type de champignons. Candida albicans est l‟espèce la

plus fréquemment rencontrée en pathologie.

AAggeennttss ééttiioollooggiiqquueess eett ffaacctteeuurrss ffaavvoorriissaannttss

Dans plus de 90 % des cas d‟onychomycoses à candida [187], Candida albicans

est isolé comme agent étiologique. Les autres espèces de Candida (C. tropicalis,

C.krusei, C.parapilosis, C.glabrata) sont rarement impliquées dans ce type

d‟atteinte.

Des surinfections bactériennes, en particulier à Pseudomonas aeruginosa sont

possibles et donnent une teinte bleue foncée à l'ongle.

Lorsque l'examen mycologique direct met en évidence des blastospores et un

pseudomycélium et que la culture isole la Candida albicans, celui-ci peut être

alors reconnu comme agent responsable. Si une autre espèce de Candida est

21

isolée, il est difficile de statuer sur son rôle pathogène. Il peut s'agir par exemple

d'une simple colonisation cutanée après une onycholyse relevant d'une autre

affection dermatologique (traumatisme, psoriasis...).

Les facteurs favorisant le développement d'une onychomycose à Candida spp.

peuvent être [187] :

Les traumatismes locaux : manucurie, détergents, ...

Le contact répété avec l'eau, le sucre (souvent pour des raisons

professionnelles)…

Le blanchiment des mains au jus de citron

La modification de l'immunité à cause du diabète, d‟une candidose muco-

cutanée chronique…ou encore suite à l‟action de corticoïdes, d‟agents

immunosuppresseurs...

CClliinniiqquuee ddee ll’’aatttteeiinnttee

Les symptômes et caractéristiques suivants forment généralement les signes

cliniques de l‟atteinte [187] :

Les ongles des doigts sont atteints préférentiellement, l'atteinte des ongles

des orteils est rare.

Habituellement, l'onychomycose à Candida. sp. débute par un périonyxis

(paronychie). Il s'agit d'une tuméfaction douloureuse de la zone

matricielle et du repli sus-unguéal.

La pression peut faire sourdre du pus.

L'évolution se fait sur un mode subaigu ou chronique.

La tablette unguéale est envahie secondairement et chaque poussée se

traduit par un sillon transversal. Progressivement, celle-ci prend une teinte

marron verdâtre, en particulier dans les régions proximales et latérales.

22

Plus rarement, il s'agit d'une onycholyse latérodistale : la tablette unguéale

n'adhère plus au lit de l'ongle sur une surface variable.

TTrraaiitteemmeenntt

Le principe du traitement des onychomycoses à candida est le suivant [187]:

D‟abord, il faut rechercher les facteurs favorisants et les éliminer si

possible.

Si un seul ongle est atteint, un traitement local peut être tenté : il associe

un traitement antiseptique (Bétadine solution dermique, Hexomédine

transcutanée, par exemple) et un antifongique local (dérivés imidazolés,

ciclopiroxolamine, fungizone) dont l'application doit être renouvelée

plusieurs fois dans la journée, et en particulier après chaque lavage des

mains (un gel ou une solution sont souvent préférables aux crèmes pour

les doigts).

Le port des gants est souvent illusoire et semble plutôt entretenir un

facteur d'humidité.

En cas d'échec, un traitement per os par kétoconazole, 200 à 400 mg/j,

peut être associé au moins jusqu'à disparition du périonyxis (2 à 3 mois).

Si plusieurs ongles sont atteints, le traitement associera d'emblée du

kétoconazole et un traitement local.

23

CHAPITRE III : LES ONYCHOMYCOSES A MOISISSURES

II EEPPIIDDEEMMIIOOLLOOGGIIEE

Historiquement, les moisissures ont été souvent considérées comme de simples

contaminants des cultures, surtout quand un dermatophyte était présent

simultanément. Cependant, lors de ces dernières décennies, leur implication en

pathologies unguéales est de plus en plus mise en évidence. Selon des études

publiées, leur prévalence varie entre 1,5 % et 20 % [18].

Le tableau I montre pour certains pays [23], la fréquence des onychomycoses

dans la population générale, selon qu‟elles soient suspectées cliniquement ou

confirmées mycologiquement. Il met également en évidence la variation de la

fréquence d‟onychomycoses à moisissures entre lesdits pays tout en la

comparant à celle des onychomycoses à dermatophytes et à levures.

24

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25

Dans une étude colombienne menée dans deux laboratoires différents, les

prévalences des infections unguéales causées par les moisissures étaient de 4,5

% et de 9,5 % [24]. Au Gabon, en Afrique le Scytalidium dimidiatum cause 20

% des infections des ongles du pied [24]. Enfin, au Nigeria H. GUGNANI a

montré que jusqu'à 40 % des onychomycoses des ongles du pied chez les

mineurs étaient dues à Scytalidium dimidiatum [24].

D‟après ces études, la variation de la prévalence des onychomycoses à

moisissures varie considérablement selon les pays. Ceci peut s‟expliquer par le

fait qu‟il n‟est pas toujours facile d‟affirmer le caractère pathogène d‟une

moisissure dans une onychomycose, par le recours à des méthodes de diagnostic

différentes selon les laboratoires, par la dissemblance de la distribution

géographique des moisissures, mais aussi et surtout par la différence du climat

régnant dans chaque pays. En effet, les onychomycoses à moisissures sont plus

répandues dans les régions tropicales et subtropicales caractérisées par un climat

chaud et humide faisant d‟elles des zones endémiques [24].

Dans notre pays à climat tempéré, les onychomycoses à moisissures ne sont que

rarement suspectées. En effet, une étude rétrospective menée par A. AGOUMI

[26] à propos des onychomycoses diagnostiquées au Laboratoire de

Parasitologie et de Mycologie Médicale (Hôpital d‟Enfants de Rabat) sur une

période de 22 ans (1982-2003) montre un faible taux d‟onychomycoses à

moisissures (1,53 %) par rapport aux onychomycoses causées par les

dermatophytes (61,46 %) et par le Candida albicans (25,5 %).

26

IIII LLEESS AAGGEENNTTSS EETTIIOOLLOOGGIIQQUUEESS EETT LLEEUURRSS PPRRIINNCCIIPPAALLEESS

CCAARRAACCTTEERRIISSTTIIQQUUEESS

Le développement des méthodes d‟analyses a permis de confirmer le rôle de

certaines moisissures dans les onychomycoses et d‟infirmer l‟hypothèse qui

considérait que les moisissures étaient toujours de simples contaminants des

cultures. Ces méthodes exigent ainsi pour confirmer la responsabilité d'une

moisissure dans une infection unguéale, un examen microscopique direct

montrant des filaments pouvant être accompagnés de spores. Elles exigent

également 2 cultures successives isolant un grand nombre de colonies de la

même espèce (au moins 5/20 points d'ensemencement), et parfois même une

histologie visualisant des filaments mycéliens dans la kératine unguéale associés

à de fins filaments perforants [22,112]. Tout ceci a fait augmenter la liste des

espèces de moisissures responsables d‟onychomycoses.

11.. LLeess ccaarraaccttéérriissttiiqquueess ddeess pprriinncciippaalleess mmooiissiissssuurreess aaggeennttss

dd’’oonnyycchhoommyyccoosseess

Certaines moisissures sont beaucoup plus impliquées que d‟autres dans les

onychomycoses. En outre, les études s‟accordent, à quelques différences près,

dans la détermination des genres et des espèces principalement incriminés dans

ce type d‟atteinte.

Le tableau II, récapitule ces principales moisissures (genres et espèces) en

donnant une idée sur la localisation de l‟atteinte préférentielle pour chacune

d‟entre elles.

27

Tableau II : Principales moisissures agents d‟onychomycoses

Famille

Genre

Espèces majoritaires

Niche écologique

Localisation

mains pieds

Hyalohypho-

mycètes

Fusarium F.oxysporum

F. solani

Nature

(rôle de l‟eau ++)

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+++

+++

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Nature et habitat

++

+++

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(région tropicale et subtr-

opical)

++

+++

Scopulariopsis S. brevicaulis Nature ++ +++

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Nature et habitations

(rôle de l‟eau ++)

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Phaéhypho

mycètes

Scytalidium S. dimidiatum Nature

(région tropicale et subtr-

opical)

++

+++

Fréquents (+++) ; peu fréquents (++) ; rares (+) ; exceptionnels (+/-)

La suite de ce paragraphe sera consacrée à l‟étude de ces moisissures via des

fiches descriptives de chaque genre précisant ses principaux caractères culturaux

et sa morphologie microscopique en décrivant, le cas échéant, une ou plusieurs

de ses espèces majoritairement rencontrées dans les mycoses unguéales.

11..11 LLeess HHyyaalloohhyypphhoommyyccèètteess

Fusarium

Ce genre, décrit pour la première fois en 1809 [188], très cosmopolite, est

présent dans les zones tropicales, les régions tempérées, les zones désertiques,

montagneuses et même arctiques [29]. Il regroupe des espèces telluriques

saprophytes et des pathogènes de plantes. Ces organismes sont également

impliqués en pathologie humaine, causant des mycotoxicoses et des infections

qui peuvent être locales ou disséminées [30].

28

Depuis les travaux de N. ZAIAS [31] et de F. RUSH-MUNRO [32], le rôle

pathogène des Fusarium dans les lésions unguéales a été mis en évidence.

Le rôle des onychomycoses à Fusarium comme point de départ de dissémination

en cas d‟immunodépression doit être souligné. Plusieurs observations, dont

certaines d‟évolution fatale, décrivent ce phénomène [33, 34], suggérant la

nécessité d‟un dépistage systématique chez les sujets devant subir

une immunodépression iatrogène

aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx

Les Fusarium poussent sur le milieu de Sabouraud sans cycloheximide, mais se

développent mieux sur un milieu gélosé au malt ou sur milieu PDA. La

température optimale de croissance varie entre 22 et 37 °C [3].

Les colonies duveteuses ou cotonneuses sont de couleur variable (blanche,

crème, jaune, rose, rouge, violette ou lilas) selon les espèces. Un pigment peut

être diffusé dans la gélose.

bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee

Multiplication végétative :

Du thalle végétatif, naissent des conidiophores courts et souvent ramifiés. Ils

portent des phialides qui peuvent avoir un ou plusieurs sites de bourgeonnement

pour la production des conidies. Le plus souvent, les phialides présentent un site

de bourgeonnement unique (monophialide) situé à l‟extrémité d‟un col allongé

(F. solani) ou court et trapu (F.oxysporum). Chez d‟autres espèces comme F.

proliferatum, les phialides présentent plusieurs sites de bourgeonnement

(polyphialides) [35].

Les conidies produites par les phialides sont de 2 types. On distingue :

29

Des micronidies : conidies uni (ou bi) cellulaires, de 4 à 8 µm de long,

allongées, ovales ou cylindriques, isolées, solitaires ou groupées,

disposées en verticilles ou plus rarement en chaînettes (F. moniliforme).

Des macroconidies : conidies pluricellulaires à cloisons seulement

transversales. Elles mesurent de 18 à 80 µm de long, et sont souvent

groupées en paquets. Elles sont fusiformes, courbées, assez pointues aux

extrémités, avec une cellule podale formant une sorte de talon plus ou

moins visible. Enfin, des chlamydospores sont parfois présentes,

terminales ou intercalaires (au sein des filaments ou déformant une

macroconidie).

Le diagnostic d‟espèce repose sur l‟aspect des colonies (pigmentation), mais

surtout sur la morphologie microscopique : présence d‟un seul type ou de deux

types de spores, disposition en chaîne ou en amas des microconidies, taille des

phialides et nombre de sites de bourgeonnement (monophialides, polyphialides),

taille des macroconidies et nombre de logettes, aspect de la cellule podale,

abondance des chlamydospores, …

Reproduction sexuée possible pour certaines espèces, mais pas dans les

milieux habituellement utilisés en mycologie médicale. Les formes sexuées

appartiennent aux Ascomycètes, genres Gibberella, ou Nectria [3].

cc)) EExxeemmppllee dd’’eessppèèccee ((FFuussaarriimm ooxxyyssppoorruumm))

Fusarim oxysporum est l‟espèce la plus souvent retrouvée en pathologie

unguéale [36]. Sur le milieu Sabouraud, les colonies sont duveteuses à

floconneuses, blanches au départ, puis devenant rosées à pourpres. Le verso est

foncé. (Fig. 3 et 4)

La multiplication végétative est caractérisée par [3] :

des conidiophores courts et ramifiés naissant sur le mycélium végétatif.

30

des phialides (monophialides) courtes et solitaires (Fig. 5) (8 à 20 µm de

long sur 3 à 5 µm de large)

des macroconidies qui peuvent être abondantes, discrètement incurvées,

avec une cellule basale bien marquée et contenant 3 à 5 logettes (23 à 54

µm de long sur 3 à 4,5 µm de large)

de nombreuses microconidies, unicellulaires, d‟aspect ellipsoïdal ou

cylindrique, droites ou légèrement courbées (5 à 12 µm de long sur 2,3 à

3,5 µm de large) et disposées en « fausses têtes ».

de nombreuses chlamydospores qui peuvent être fréquemment observées

(Fig. 6)

Cette espèce n‟a pas de reproduction sexuée connue.

Fig. 3 et 4: Culture de Fusarium oxysporum sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso)

[3]

31

Fig. 5: Monophialides solitaires (MO objectif 40) — Fig 6 :Chamydospores ( MO objectif 10) [3]

MO : microscope optique

Aspergillus

Les Aspergillus vivent en saprophyte dans le sol au niveau de la rhizosphère,

mais aussi à la surface du sol, sur les végétaux en voie de décomposition [4], sur

les fleurs, les aiguilles de conifères, les grains moisis, les foins, dans le terreau

des plantes, les fientes de pigeon, de volailles...

À partir de ces réservoirs, les spores aspergillaires sont disséminées dans

l‟atmosphère ( ils représentent 1 à 5 % des isolements de moisissures dans

l‟atmosphère) et peuvent pénétrer à la faveur des courants d‟air dans les habitats.

Cette moisissure est peu exigeante puisqu‟elle peut se développer dans des

milieux très pauvres, dans l‟eau, mais aussi dans des conditions de sécheresse

extrême [37]. Le genre Aspergillus comprend plus de 300 espèces dont

seulement 5 ou 6 sont reconnues impliquées en pathologie humaine et

vétérinaire. Ces espèces pathogènes sont thermotolérantes, supportant des

températures allant de 12 à 70°C [37]. Leur durée de vie est sans doute longue,

puisqu‟un même génotype peut rester présent dans l‟environnement de 6 mois à

1 an .

Ce genre à un net pouvoir de colonisation de la kératine. De nombreuses espèces

peuvent être isolées d'onyxis. Deux sont particulièrement fréquentes : A.

32

versicolor et A. sydowii. Sont également incrimines A. candidus, A. unguis,

A.flavus, A. niger, A. nidulans, A. terreus, A.ochraceus et A. sclerotiorum [22].

Lorsqu‟un Aspergillus colonise un ongle dystrophique, il est souvent considéré

comme un opportuniste envahisseur de kératine déjà altéré par d‟autres

pathologies [38]. Aspergillus versicolor est l‟espèce principalement rencontrée

chez les personnes âgées (>60 ans) et touche surtout le gros orteil.

aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx

Ces champignons présentent une croissance rapide sur milieu de Sabouraud

additionné d‟antibiotiques. Ils sont cependant, pour la plupart, inhibés par le

cycloheximide. Après 24 à 48 h de culture, on observe des colonies plates,

formées de courts filaments aériens blancs. C‟est en effet avec la maturation des

structures conidiogènes (48 à 96 h selon les espèces) que ces colonies vont

prendre leur teinte caractéristique, brune, verte, jaune ou noire selon les espèces.

La couleur de la culture permet ainsi une orientation rapide du diagnostic

d‟espèce. Au recto, les colonies sont gris-vert pour A. fumigatus, vert-jaune pour

A. flavus et les espèces du groupe glaucus, vert foncé à chamois pour A.

nidulans, brun cannelle pour A. terreus, chamois clair, jaunes et roses pour A.

versicolor, jaunes puis noires pour A. niger. Elles restent blanches pour A.

candidus. Le revers de la colonie est incolore à jaune, il peut aussi brunir ou

rougir avec le temps. (A. nidulans) [3].

Les Aspergillus se développent habituellement bien sur les milieux classiques de

mycologie comme le milieu de Sabouraud. Si nécessaire, leur fructification peut

être stimulée par repiquage de la colonie sur gélose au malt ou sur milieu de

Czapek qui constituent les milieux de référence pour ces champignons. Enfin,

les Aspergillus poussent à 22-25 °C et à 37 °C pour les espèces thermophiles (A.

fumigatus) [3].

33

bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee

Les Aspergillus sont caractérisés par un thalle végétatif formé de filaments

mycéliens hyalins, de diamètre fin et régulier, septés et ramifiés. L‟identification

du genre Aspergillus reposera sur la mise en évidence des têtes aspergillaires à

l‟examen microscopique des colonies. Sur les filaments végétatifs, prennent en

effet naissance des filaments dressés, non cloisonnés. Ces derniers, qu‟on

appelle conidiophores, se terminent par une vésicule de forme variable sur

laquelle sont disposées les cellules conidiogènes ou phialides [3]. La

conidiogénèse s‟effectue en effet sur le mode blastique phialidique, par

bourgeonnement à l‟apex des phialides d‟une série de spores ou conidies qui

restent accolées les unes aux autres en chaînes non ramifiées, basipètes, la plus

jeune étant à la base de la chaîne. Les spores, toujours unicellulaires, sont de

formes variables, globuleuses, subglobuleuses ou elliptiques. Diversement

pigmentées, elles peuvent être lisses ou recouvertes d‟aspérités plus ou moins

marquées. Les phialides peuvent être insérées directement sur la vésicule (têtes

unisériées), ou portées par des métules insérées sur la vésicule, (têtes bisériées).

L‟ensemble vésicule, (métules) + phialides + conidies constitue la tête

aspergillaire qui caractérise le genre Aspergillus [3].

cc)) EExxeemmppllee dd’’eessppèèccee ((AAssppeerrggiilllluuss nniiggeerr))

L’Aspergillus niger en culture est caractérisé par :

Des colonies d‟abord blanches, puis jaunes, et enfin granuleuses noires au

recto (fig. 7) , incolore à jaune pâle au verso (fig.8).

Une croissance rapide (2 à 3 jours).

Un optimum thermique : 25-30 °C (mais il peut pousser jusqu‟à 42 °C).

Sous microscope les principaux caractéristiques morphologiques d’Aspergillus

niger sont :

34

Les conidiophore : lisse, hyalin ou brunâtre dans sa moitié supérieure, très

long (1,5 à 3 mm)

La vésicule : globuleuse, 30 à 100 µm (en moyenne 45 à 75 µm)

Les phialides : insérées sur la vésicule par l‟intermédiaire de métules

disposées sur tout le pourtour de la vésicule

Les conidies : globuleuses (3,5 à 5 µm de diamètre), brunes, échinulées à

très verruqueuses, souvent disposées en chaînes

La tête aspergillaire : bisériée radiée, noire à maturité (fig.9)

Fig. 7 et 8 : Culture d’Aspergillus niger sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso) [3]

Fig. 9 :Têtes aspergillaires d’Aspergillus niger visualisées au MO à l‟objectif 40 [3]

Scopulariopsis brevicaulis

Le genre Scopulariopsis, décrit par BAINIER en 1907 [188] en même temps

que le genre Paecilomyces, est principalement composé d‟espèces telluriques,

35

fréquemment retrouvées dans la nourriture et le papier, mais également

présentées comme contaminants de laboratoires. Ils sont rarement responsables

d‟infections profondes et disséminées, surtout chez les patients

immunodéprimés.

Les Scopulariopsis sont parmi les champignons non-dermatophytiques les plus

fréquemment rencontrés en cas d‟onychomycoses [44,45]. Ils ont un net pouvoir

kératinophile et kératinolytique. Ils seraient responsables de 1 à 10 % des

onychomycoses particulièrement au niveau des gros orteils et donnent souvent

une hyperkeratose unguéal. Comme le Scytalidium, le Scopulariopsis

brevicaulis donne des onyxis cliniquement indistinguables de ceux causés par

les dermatophytes. La notion de traumatisme est toujours retrouvée, et

l‟infection mixte avec un dermatophyte peut exister. Au Maroc, d‟après l‟étude

menée par A. AGOUMI [26], cette espèce représente la deuxième cause

d‟onychomycoses à moisissures avec un taux de 16%.

aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx

Scopulariopsis brevicaulis pousse bien sur les milieux usuels de mycologie,

mais sa croissance est freinée en présence de cycloheximide. En l‟absence de

cycloheximide, les colonies sont extensives, veloutées, devenant vite poudreuses

ou granuleuses. Initialement blanchâtres, elles deviennent ensuite beiges à brun-

noisette (fig.10). Le revers est crème à brunâtre (fig.11). La température

optimale de croissance est comprise entre 25 et 30 °C [3].

bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee

Les cellules conidiogènes (annellides), cylindriques, plus ou moins renflées à

leur base, sont isolées ou groupées à l‟extrémité de conidiophores courts, septés

et hyalins. Elles sont insérées soit directement, soit par l‟intermédiaire de

métules. L‟ensemble évoque un pénicille (pinceau de Penicillium). Les

36

annellides présentent à leur sommet des cicatrices liées aux reprises de

croissance terminale, et produisent des conidies globuleuses à base tronquée

(forme d‟ampoule) disposées en chaînes basipètes (fig.12). Ces conidies,

initialement lisses, puis verruqueuses à maturité, mesurent 5 à 8 µm de long sur

5 µm de large [3].

N.B : Pas de reproduction sexuée connue

Fig. 10 et 11: Culture de Scopulariopsis brevicaulis sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto &

verso) [3]

Fig. 12 : Conidies unicellulaires en chaînes basipètes (MO à objectif 40) [3]

Acremonium

Ce genre que l‟on retrouve également sous le nom de Cephalosporium a été

décrit pour la première fois par FRIES en 1809 [188]. Il regroupe des

champignons cosmopolites vivant en saprophyte dans le sol, sur des végétaux et

sur d‟autres champignons. L‟inhalation de leurs conidies peut, dans un contexte

opportuniste, provoquer diverses pathologies [53]. La majorité des infections

37

produites par Acremonium sp. sont des mycétomes [52] ou des infections

oculaires [54]. Néanmoins, ces espèces peuvent occasionnellement entraîner des

infections superficielles , des onychomycoses et des complications chez les

brûlés [43,51]. Les atteintes profondes ou viscérales ne se voient que chez les

sujets immunodéprimés [43].

aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx

Ils poussent sur tous les milieux de mycologie en l‟absence de cycloheximide.

Les colonies sont parfois finement poudreuses, ou le plus souvent humides et

muqueuses. La couleur varie du blanc au rose orangé (fig.13 et 14). La

température optimale de croissance varie de 25°C à 37°C et la croissance est

restreinte [3].

bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee

Le thalle végétatif est constitué de filaments septés, isolés ou disposés

parallèlement les uns aux autres (fig. 15). Les phialides naissent directement des

filaments végétatifs. Elles sont fines et cylindriques, plus étroites à l‟extrémité

apicale qu‟à la base (phialides aciculaires). Elles sont solitaires, plus rarement

groupées par 2 ou 3 [50]. Les conidies cylindriques ou elliptiques (3,5 µm de

long sur 1 à 2 µm de large) sont regroupées en amas à l‟extrémité des phialides.

Elles sont généralement unicellulaires (parfois bicellulaires) et hyalines

[43,182].

38

Fig. 13 et 14 : Culture d‟Acremonium sp sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso) [3]

Fig. 15 : Aspect du thalle végétatif d‟Acremonium (MO à l‟objectif 100) [3]

Scytalidium hyalinum

Le genre Scytalidium est représenté par deux variantes ; la première, pigmentée,

est le Scytalidium dimidiatum appartenant à la famille des Phaéohyphomycètes

qui sera traitée dans le paragraphe suivant. La seconde, de couleur blanche, est

le Scytalidium hyalinum. Cette dernière variété, fréquemment isolée d'onyxis et

d'intertrigo des pieds dans les pays tropicaux [41] et en Europe dans les grandes

villes cosmopolites a été décrite par CAMPBELL [40]

Le genre Scytalidium constitue avec l‟espèce Onychocola canadensis ce qu‟on

appelle les pseudo-dermatophytes et ce, parce qu‟ils présentent une réelle

affinité pour la kératine, non seulement de l'ongle, mais aussi des espaces

interorteils, des plantes et des paumes. Lorsqu‟ils sont isolés en culture, ils sont

à priori considérés comme des pathogènes. Généralement le Scytalidium donne

des onyxis des mains et des pieds, des intertrigos des pieds et des hyperkeratoses

palmo-plantaires évoquant ceux provoqués par Trichophyton rubrum. Les

39

onychomycoses qu‟ils provoquent sont habituellement au départ de type sous-

unguéal distal [42].

aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx

Le Scytalidium hyalinum pousse rapidement à 25 °C sur milieu de Sabouraud

sans cycloheximide. Il produit des colonies extensives, laineuses ou cotonneuses

avec un mycélium aérien important. La couleur est blanche à gris clair (fig.16)

et le verso est pâle (fig.17) [3].

bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee

Les hyphes sont réguliers, septés, hyalins. Ils produisent au départ des

arthroconidies unicellulaires de 5 à 12 μm de long sur 2,5 à 3,5 μm de large [43].

Puis, tardivement, ces arthroconidies peuvent s‟élargir (4-6 μm de large) et

présenter une cloison centrale (fig.18)

Fig. 16 et 17 : Culture de Scytalidium hyalinum sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto &

verso) [3]

40

Fig. 18 : Arthroconidies de Scytalidium hyalinum (MO à l'objectif 100) [3]

11..22 LLeess pphhaaééoohhyypphhoommyyccèètteess

A. Scytalidium dimidiatum

Le Scytalidium dimidiatum a été décrit en 1970 par J. GENTLES et E. EVANS

[39], chez 8 patients. Son nom ancien est Hendersonula toruloidea, (forme

pycnidienne : Nattrassia mangiferae). C‟est une moisissure de la nature,

présente dans les pays chauds, et particulièrement phytopathogène (provoque

des chancres des arbres fruitiers).

aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx

Ce champignon pousse bien sur milieu de Sabouraud à 25 °C sans

cycloheximide. La croissance est cependant plus rapide à 37 °C. Il produit des

colonies extensives, duveteuses ou floconneuses, aériennes, grises au départ

devenant noirâtres ensuite (fig.19) Au verso, les colonies sont foncées avec un

pigment noir diffusible (fig.20)[3].

bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee

Les hyphes, septés, sont de deux types : certains sont hyalins, étroits, de 2 à 3

μm de diamètre, alors que d‟autres, plus larges, ont une paroi épaisse et

41

pigmentée. Ces derniers produisent des arthrospores uni ou bicellulaires,

rectangulaires ou en forme de tonnelet (fig.21).

Parfois on obtient des pycnides de 200 à 300 μm de diamètre, surtout à partir de

cultures anciennes (6 à 8 semaines) exposées aux rayons UV. A maturité, ces

pycnides produisent des spores hyalines ou brunes, uni ou bicellulaires de 4 à 6

μm de long sur 3 à 5 μm de large. Lorsque les pycnides sont présentes, le

champignon prend le nom de Nattrassia mangiferae [3].

Fig. 19 et 20 : Culture de Scytalidium dimidiatum sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours [3]

Fig. 21 : Hyphes hyalins étroits et hyphes plus larges fortement pigmentés (MO à l‟objectif 100) [3]

CCaarraaccttéérriissttiiqquueess ddee cceerrttaaiinneess mmooiissiissssuurreess rraarreemmeenntt iimmpplliiqquuééeess ddaannss

uunnee oonnyycchhoommyyccoossee

La liste des moisissures rarement impliquées dans les onychomycoses est reprise

par le tableau ci-dessous [18] :

42

Tableau III : Liste des moisissures rarement impliquées dans une onychomycose

A l‟instar des espèces fréquemment isolées dans les onychomycoses à

moisissures, ce paragraphe traitera quelques exemples de moisissures rarement

impliquées dans ce type d‟atteinte, telles que l’Onychocola canadensis,

Penicillium, Cladosporium et Scedosporium apiospermum. Il est à noter que les

Espèces fongiques isolées

Acremonium potronii Curvularia lunata

Alternaria alternata Geotrichum candidum

Alternaria terreus Gymnascella dankaliensis

Alternaria tenuis Lasiodiplodia theobromae

Aphanoascus fulvescens Malbranchae gybsea

Arthroderma tuberculatum Microascus cinereus

Aspergillus flavus Microascus cirrosus

Aspergillus fumigatus Myrodontium keratinophilum

Aspergillus nidulans Onychocola canadensis

Aspergillus candidus Paecilomyces lilacinus

Aspergillus ochraceus Paecilomyces variotii

Aspergillus sclérotique Penicillium citrinum

Aspergillus ustus Pseudorotium ovale

Aspergillus varians Pyrenochaeta unguis-jominis

Cladophialophora carrionii Renispora flavissima

Chrysosporium lobatum Scedosporium apiospermum

Geomyces pannorum Schyzophylum commune

Ulocladium botrytis

43

trois dernières espèces susmentionnées, quoique rarement rencontrées, ont été

reconnues responsables de cas d‟onychomycoses dans notre pays.

22..11 LLeess HHyyaalloohhyypphhoommyyccèètteess

A. Onychocola canadensis

Isolé pour la première fois au Canada en 1990 [46] puis en Nouvelle Zélande,

elle présente la seul espèce du genre Onychocola qui est responsable de

manifestations cliniques chez l‟Homme, sa forme parfaite (Arachnomyces

nodosetosus) a été décrite en 1994 [47]. Par la suite, cette moisissure a été isolée

en France puis dans d'autres pays européens et récemment en Turquie [48]. Sa

fréquence en pathologie humaine reste limitée [55]. Le réservoir de cette

moisissure des pays froids et tempérés est encore inconnu.

Ce champignon est principalement associé à des cas d‟onychomycoses dans des

régions froides et tempérées, mais il peut également être l‟agent

d‟épidermomycoses et d‟intertrigos des mains et des pieds [49]. Le site

d‟infection privilégié est le gros orteil. L‟infection est progressive elle débute

par le bord distal de l'ongle. Les ongles prennent une couleur blanche-jaunâtre

deviennent friables et cassants , on ne constate pas d'hyperkeratose.

aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx

Les colonies se développent très lentement sur milieu de Sabouraud à 25 °C,

mais résistent au cycloheximide. Après 15 jours environ, on observe des

colonies de petite taille, de couleur blanchâtre (fig.22), glabres au départ,

devenant en 5 à 6 semaines duveteuses et cotonneuses. Avec l‟âge, les cultures

deviennent brunâtres et le verso foncé (fig.23) [3].

44

bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee

Au départ, les colonies ne montrent que des filaments fins, hyalins, lisses sans

aucune fructification. C‟est sur des cultures tardives (après 4 semaines) que

certains filaments deviennent toruloïdes et verruqueux, formant des chaînes

d‟arthrospores souvent articulées à angle droit (fig.24). Ces dernières sont ovales

à cylindriques (2,5 à 4µm de diamètre), uni ou bicellulaires [50,182]. Ces

arthrospores se révèlent plus abondantes sur des milieux pauvres (eau gélosée à

2 %, milieu de Takashio, milieu PDA). Sur les vieilles cultures, on observe sur

la paroi de certains filaments des protubérances sombres [3].

Fig. 22 et 23: Culture d’Onychocola canadensis sur gélose de Sabouraud âgée de 8 semaines (recto &

verso) [3]

Fig. 24 : Chaînes d'arthrospores ramifiées à angles droits (MO à l‟objectif 10) [3]

45

B. Pénicillium

bb)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx

Ces champignons poussent facilement sur les milieux utilisés en mycologie,

mais sont inhibés par le cycloheximide. Leur croissance est rapide, la colonie est

habituellement duveteuse, poudreuse, de couleur variable, le plus souvent verte,

mais parfois grise, jaune ou rose (fig.25). Le revers est incolore ou foncé

(fig.26). Un pigment diffuse parfois dans la gélose [43,3].

cc)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee

Les hyphes septés, hyalins, portent des conidiophores simples ou ramifiés,

parfois regroupés en buisson ou corémie. Les phialides sont disposées en

verticilles à l‟extrémité des conidiophores. Elles sont insérées directement

(Penicillium monoverticillés) ou par l‟intermédiaire d‟une rangée de métules

(Penicillium biverticillés) ou de deux rangées successives de métules

(Penicillium triverticillés) sur les conidiophores. Les phialides sont serrées les

unes contre les autres, l‟ensemble donne une image de pinceau (ou pénicille).

Les phialides donnent naissance à des spores unicellulaires disposées en chaînes

(chaînes basipètes, non ramifiées). Les conidies sont rondes à ovoïdes, hyalines

ou pigmentées, lisses ou échinulées, mesurant de 2 à 4 µm de diamètre

[182,43,3].

N.B : Certaines espèces ont une reproduction sexuée (Ascomycètes, famille des

Trichocomaceae).

46

Fig. 25 et 26 : Culture de Penicillium chrysogenum sur gélose de Sabouraud âgées de 8 jours : (recto

& verso)[3]

C. Scedosporium apiospermum

aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx

Scedosporium apiospermum pousse bien sur tous les milieux usuels de

mycologie, mais sa croissance est souvent freinée en présence de cycloheximide

[3]. Les colonies sont cotonneuses, laineuses, de couleur blanchâtre au début,

devenant grises en vieillissant (fig.27) [50]; le verso est foncé (fig.28). La

croissance est possible jusqu‟à 40 °C [3].

bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee

La reproduction asexuée peut s‟effectuer selon deux modalités distinctes.

La conidiogénèse s‟effectue essentiellement sur le mode thallique solitaire

avec formation d‟aleuries naissant directement sur les côtés des filaments

végétatifs ou à l‟extrémité de conidiophores fins, dressés à angle droit sur

le thalle végétatif (fig.29). Ces conidies ovoïdes ou claviformes, brunes,

mesurent 6 à 14 µm de long sur 5 à 6 µm de large [50,182,183].

L‟autre mode de conidiogénèse fait intervenir des annellides groupées en

corémies (stade Graphium) donnant naissance à des conidies hyalines,

plus fines, allongées, mesurant 5 à 7 µm de long sur 2 à 3 µm de large

[50,182,183].

47

Reproduction sexuée : Pseudallescheria boydii

La forme sexuée, obtenue parfois après trois semaines de culture ou sur des

milieux pauvres, est caractérisée par des cléistothèces jaunes à bruns, arrondis,

de 140 à 180 µm de diamètre, contenant des asques sphériques octosporés de

teinte cuivrée

Fig. 27 et 28 : Culture de Scedosporium apiospermum sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto

et verso)[3]

Fig. 29 :. Aleuries unicellulaires hyalines ( MO à l‟objectif 40) [3]

22..22 LLeess PPhhaaééoohhyypphhoommyyccèètteess

A. Cladosporium

aa)) CCaarraaccttèèrreess ccuullttuurraauuxx

Les Cladosporium ont une croissance lente à modérément rapide sur tous les

milieux de mycologie. Ils ne sont pas inhibés par le cycloheximide. Ils ne

poussent généralement qu‟à 20-25 °C, mais certaines espèces comme C.

carrionii et C. bantianum sont thermophiles.

48

Les colonies ont une texture veloutée ou floconneuse, parfois poudreuse. La

couleur va du vert olive au brun noir très foncé (fig.30), et le revers est brun

noir (fig.31)[3].

bb)) MMoorrpphhoollooggiiee mmiiccrroossccooppiiqquuee

Les hyphes, septés, sont pigmentés. Ils produisent des conidiophores (encore

plus foncés) de longueur variable. Les premières conidies formées à l‟extrémité

des conidiophores sont de grande taille, uni ou pluricellulaires ; les suivantes

sont plus petites et unicellulaires. L‟ensemble forme de longues chaînes

acropètes (fig. 32), ramifiées, réalisant des arbuscules fragiles qui se dissocient

lors du montage. La paroi des conidies, de forme généralement elliptique à

cylindrique, est lisse ou finement verruqueuse et présente souvent aux

extrémités des cicatrices de bourgeonnement ou de libération [3].

Fig. 30 et 31 :Culture de Cladosporium sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso) [3]

Fig. 32 : Blastospores unis ou pluricellulaires disposées en chaînes acropètes ( MO à objectif 10) [3]

49

IIIIII PPHHYYSSIIOOPPAATTHHOOLLOOGGIIEE EETT FFAACCTTEEUURRSS FFAAVVOORRIISSAANNTT LLEESS

OONNYYCCHHOOMMYYCCOOSSEESS AA MMOOIISSIISSSSUURREESS

11.. PPhhyyssiiooppaatthhoollooggiiee

D‟un point de vue clinique, les moisissures provoquent des infections unguéales,

le plus souvent identiques a celles provoquées par les dermatophytes.

Cependant, et du point de vue physiopathologique, ces infestions sont assez

différentes. Ceci est probablement dû à la différence d‟équipement enzymatique

que possèdent les micromycètes pathogènes pour l'Homme. En effet, et comme

vu précédemment, les dermatophytes produisent des kératinases, qui digèrent la

kératine, tandis que la plupart des moisissures ne produisent pas ces enzymes et

sont donc incapables de lyser une kératine saine [22,56,57]. Si tel est le cas,

comment se fait donc l'infection de l'ongle par ces moisissures ?

M. ENGLISH [58], en 1976, a étudié le développement des dermatophytes et

autres champignons filamenteux sur diverses sources de kératine in vitro. Elle a

démontré que les moisissures forment dans l'ongle de fins filaments perforateurs

qui provoquent des fractures de l'ongle, alors que les dermatophytes lysent et

digèrent les cornéocytes. Selon M. ENGLISH, les moisissures sont incapables

de lyser complètement la kératine de l'ongle et ne s'attaquent qu'au cément

présent entre les cornéocytes.

G. ACHTEN en 1979 [59 ] et en 1983 [60] a démontré avec la microscopie

électronique que les filaments des moisissures, comme ceux des dermatophytes,

pourraient être intra et extracellulaires et donc s'attaquer non seulement au

cément mais aussi à la kératine de l'ongle. Néanmoins, in vivo comme in vitro,

on constate que le processus d'attaque de la kératine par les moisissures est non

seulement différent de celui des dermatophytes, mais il est aussi beaucoup plus

50

lent. Si les dermatophytes agissent en digérant la kératine grâce à leurs

kératinases, les moisissures produisent, quant à elles, d'autres protéases,

probablement aptes à dégrader une kératine souvent altérée. Dans des cas plus

rares, certaines moisissures pseudo-dermatophytes (Scytalidium et Onychocola

canadensis) peuvent s‟attaquer à une kératine saine.

FFaacctteeuurrss ffaavvoorriissaannttss

Les moisissures, agents causaux d‟onychomycoses, sont des organismes très

ubiquistes provenant de la terre, de l‟air, des plantes... comme ils peuvent bien

préexister préalablement chez le patient. Le début de l‟atteinte unguéale par ces

organismes est favorisé comme susmentionné par l‟altération préalable de la

kératine ou par n‟importe quel autre facteur associé à ladite altération ou

l‟engendrant. De rares moisissures peuvent s‟attaquer directement à l‟ongle

sain. Tel est le cas de Scytalidium et Onychocola canadensis.

Plusieurs facteurs favorisant ces onychomycoses à moisissures le sont également

pour les autres types d‟onychomycoses.

Les principaux facteurs favorisant ce type d‟onychomycose sont explicités dans

les paragraphes ci-après.

22..11 LL’’ââggee

Toutes les études s‟accordent pour montrer que la fréquence des onychomycoses

varie selon les différentes tranches d‟âge [23,61,62]. Chez le jeune enfant, elle

est rare, comme l‟illustre le travail de CM. PHILPOT qui n‟observe qu‟un seul

cas d‟onyxis à dermatophytes sur 494 enfants examinés dans une école primaire.

Selon une étude menée aux USA, les prévalences des onychomycoses pour les

tranches d‟âge de 6-11 ans et de 12-17 ans, sont respectivement de 0,09% et de

0,19% ; dans cette étude, aucun cas d‟onychomycose dûment authentifié n‟aurait

51

été observé avant 6 ans [23]. Au total, les onychomycoses n‟affecteraient pas

plus de 0,6% dans l‟ensemble des infections fongiques chez l‟enfant [63]. La

raison de ces faibles prévalences est expliquée par la rapidité de la pousse de

l‟ongle et la rareté des traumatismes des pieds observés chez le jeune enfant ce

qui empêcherait le champignon de s‟implanter durablement [64].

Chez l‟adulte jeune (20-30 ans), la prévalence des onychomycoses oscille selon

les études entre 0,44% [65] et 3,6% [65, 66].

Cette prévalence est plus élevée chez l‟adulte âgé. En effet, pour la tranche

d‟âge de 40 à 60 ans, elle oscille habituellement entre 15 et 20%. À partir de 60

ans, elle dépasse souvent 30% [23,67,68] comme le montre une étude réalisée

aux USA où elle atteint 48% chez des sujets âgés de plus de 70 ans [62].

Une étude tunisienne [70] portée sur 120 personnes âgée de 65 ans et plus, ayant

des onyxis des mains et /ou des pieds, n‟a confirmé aucun cas d‟onyxis à

moisissures. Les seuls champignons reconnus alors responsables de ces

onychomycoses furent des dermatophytes et des levures. L‟absence

d‟onychomycoses à moisissures lors de cette étude a été expliquée par le faible

effectif des agriculteurs (5,8 %), par la faible fréquence de la prise des

corticoïdes (5 %) et par la rareté des traumatismes unguéaux (7,5 %).

Il est donc judicieux de conclure, à partir des résultats de cette étude, que même

à un âge avancé, les autres facteurs favorisants ont un rôle important dans le

début de parasitisme par une moisissure.

22..22 LLeess ffaacctteeuurrss lliiééss àà uunn ééttaatt mmoorrbbiiddee oouu ppaatthhoollooggiiqquuee ssoouuss--jjaacceenntt

A. Les ongles pathologiques et la malposition des orteils

Un ongle traumatisé (chocs répétés, chaussures trop étroites, chevauchement

d‟orteils…), voire fréquemment sollicité par la pratique de certains sports

(judokas…), est à lui seul, indépendamment d‟une pathologie sous-jacente, un

52

facteur favorisant d‟onychomycose surtout pour les moisissures puisqu‟il

engendre une kératine altérée facilement attaquable par ce type de

champignons. La malposition permanente de la pulpe d‟un orteil sur l‟ongle

d‟un orteil voisin, par exemple, favorise à partir d‟un foyer inter-orteil le

développement des leuconychies superficielles sur l‟ongle recouvert [74]. La

correction de ces déformations est nécessaire pour empêcher tout risque de

récidive [79].

B. Le diabète

Le diabète, par ses conséquences sur la microcirculation, peut faciliter la

survenue d‟une onychomycose [23, 72, 73]. Une étude, réalisée conjointement à

Londres, en Ontario au Canada et à Boston aux USA, portant sur 550 patients

diabétiques, révèle un taux d‟onychomycose 2,7 fois plus élevé que dans la

population contrôle du même âge, avec une fréquence trois fois plus élevée chez

l‟homme par rapport à la femme [23]. Dans une étude indienne [84], la

prévalence des onychomycoses chez des patients diabétiques par rapport à un

groupe contrôle témoin serait respectivement de 17 % et 6,8 %, la différence

étant significative. Chez ces patients, le pourcentage respectif des onyxis à

levures, à dermatophytes et à moisissures sont respectivement 48,1 % ; 37 % et

14,8 %. Si le diabète peut être un facteur favorisant en raison des troubles

trophiques et du déficit circulatoire qu‟il engendre, il représente visiblement un

facteur aggravant (risque de surinfection, érysipèle) qu‟il convient de prendre en

compte et de traiter efficacement [74].

53

C. Les déficits immunitaires

Le sujet VIH positif :

Les dermatomycoses (en particulier les onychomycoses) sont plus fréquentes

chez les patients VIH positifs, par comparaison avec une population VIH

négative de même âge [75,76]. Selon l‟étude de CRIBIER B [77], aux USA dans

l‟État d‟Ohio, 30,3 % des patients VIH positifs ont un onyxis, tandis que dans la

population générale (VIH négatif), la prévalence ne dépasse pas 13 %. L‟aspect

clinique des onychomycoses chez le VIH diffère peu de celui rencontré dans la

population non-VIH, cependant, chez le patient sidéen, les ongles des pouces et

des orteils sont plus souvent touchés. De même, l‟atteinte sousunguéale à début

proximal, de coloration blanchâtre, d‟allure polydactylique d‟apparition

simultanée et d‟évolution aiguë, est évocatrice chez ces porteurs de virus de

l‟immunodéficience humaine [74]. Dans la série colligée par Dompmartin [75],

88,7 % des patients VIH positifs ont une onychomycose sous-unguéale

proximale.

Les autres dysfonctionnements immunitaires

De façon générale, les dysfonctionnements immunitaires portant sur la réponse

cellulaire favorisent l‟implantation et le développement des mycètes à tropisme

cutané [23]. Parmi les pathologies pouvant avoir un impact sur le système

immunitaire dans le sens d‟une immunodépression, l‟hypercorticisme ou

maladie de Cushing, les corticoïdes prescrits sur de longues périodes comme

dans les connectivites et autres maladies de système, favorisent nettement

l‟implantation d‟une mycose et, de ce fait, le développement des champignons

dans l‟ongle [74, 78]. De même, chez les patients insuffisants rénaux et/ou les

greffés du rein, la prévalence des onychomycoses serait plus élevée que dans la

population générale [23].

54

D. Les troubles circulatoires

Les troubles circulatoires périphériques touchant surtout la microcirculation,

indépendamment d‟une pathologie immunitaire ou de l‟âge, sont en soi des

facteurs favorisant les onychomycoses, en particulier des pieds. Ils peuvent aussi

se rencontrer associés à une pathologie locale (malposition des orteils) ou

générale qui, par elle-même, favorise ainsi la survenue d‟une mycose [23,69,71].

22..33 LLeess ffaacctteeuurrss eennvviirroonnnneemmeennttaauuxx eett//oouu ccoommppoorrtteemmeennttaauuxx

A. Les facteurs climatiques

Comme vu précédemment, les facteurs climatiques influencent la prévalence des

onychomycoses. Ainsi à titre illustratif, le genre Scytalidium est un agent

prépondérant des onychomycoses dans les pays chauds ou tropicaux comme la

Martinique [41, 26] où il est isolé chez 42 % des patients (dans 91% des cas il

s'agit de S. hyalinum). L‟Onychocola canadensis cause ce genre d‟atteinte

principalement dans les pays froids et tempérés. Généralement, les

onychomycoses à moisissures sont plus répondues dans les régions tropicales et

subtropicales chaudes et humides.

B. Le port régulier de chaussures

Il est largement admis aujourd‟hui que les onychomycoses des pieds,

rencontrées avec une certaine fréquence dans les pays développés, sont

principalement liées au port de chaussures fermées [80]. L‟incidence dans les

pays du Nord peut atteindre 15 % de la population générale, alors qu‟elle n‟est

que de 2 % ou 3 % dans les pays économiquement pauvres, en particulier, dans

les régions intertropicales [81]. Les études menées sous les tropiques sont rares.

Au nord du Malawi [82] où quelques 200 sujets ont été systématiquement

examinés cliniquement, aucune lésion unguéale suspecte n‟aurait été objectivée

55

en zone rurale, alors qu‟en milieu urbain, l‟incidence approcherait de 2,5 %.

L‟explication apportée serait l‟absence habituelle du port de chaussures chez les

ruraux tandis que les urbains, plus occidentalisés, portent volontiers des

chaussures. La survenue d‟une onychomycose serait donc le prix à payer pour

ces populations qui accèdent au développement économique, c‟est à dire à

l‟abandon de coutumes ancestrales liées à la marche habituelle nus pieds [83].

Aux pieds, la température et l‟humidité seraient déterminantes pour assurer le

développement des dermatophytes et des moisissures au niveau des ongles .

C. La pratique sportive

La pratique sportive favorise la survenue d‟une mycose aux pieds [84]. Ce sont

surtout les adeptes de sports nautiques, mais aussi les judokas et les

marathoniens qui sont les plus touchés [23]. Selon une étude réalisée sur une

piscine à Reykjavik en Islande [86] auprès de 266 nageurs, 40 % d‟entre eux

examinés par un médecin avaient une onychopathie. La prévalence des

onychomycoses, confirmées par l‟examen mycologique, était respectivement de

15 % chez les femmes et de 26 % chez les hommes, soit, selon cette étude, trois

fois plus que dans la population générale. Ce sont les sports pratiqués pieds nus

(natation, judo, karaté, kendo..) où les taux de prévalence sont élevés en raison

d‟un contact direct avec le sol, mais aussi par les nombreux traumatismes

engendrés par la pratique sportive [84]. Pour les sports pratiqués avec

chaussettes et chaussures étanches, le pied semble protégé du risque de

contamination à même le sol, mais en revanche, les pieds se retrouvent dans une

atmosphère tout à fait favorable (chaleur, humidité) à l‟implantation et au

développement du champignon.

56

IIVV LLAA CCLLIINNIIQQUUEE DDEESS OONNYYCCHHOOMMYYCCOOSSEESS AA MMOOIISSIISSSSUURREESS ::

Plusieurs espèces de moisissures, agents responsables d‟onychomycoses,

peuvent donner des manifestations cliniques assez semblables les unes aux

autres voire à d‟autres espèces de dermatophytes et de candida. Les dites

manifestations peuvent être classées en fonction de la voie par laquelle l‟agent

pathogène pénètre l‟appareil unguéal et en fonction du stade évolutif de la

pathologie . En effet , une classification proposée par N. ZAIAS et modifiée par

R. HAY et R. BARAN [84] permet de distinguer 4 types d'onychomycoses:

Onychomycose sous unguéale proximale (OSP)

Onychomycose blanche superficielle (OBS) ou leuconychie superficielle

mycosique.

Onychomycose sous-unguéale disto-latérale (OSDL).

Onychomycodystrophie totale (ODT)

11.. OOnnyycchhoommyyccoossee ssoouuss--uunngguuééaallee pprrooxxiimmaallee ((OOSSPP))

L‟onychomycose sous-unguéale proximale est la variété clinique des

onychomycoses à moisissures la plus fréquente. Différentes moisissures peuvent

être responsables de cette variété [88] :

Fusarium,

Aspergillus,

Scopulariopsis brevicaulis,

Scytalidium.

L‟atteinte commence par une pénétration de l‟agent pathogène par la face

ventrale du repli sus-unguéal, elle peut être mono ou pauci-dactyliques,

touchant les doigts ou les orteils, pour les ongles des orteils le gros orteil est le

plus souvent atteint. L‟OSP peut être limitée à la région de la lunule ou affecte la

57

tablette entière de l‟ongle (fig.33,34,35.36) se manifestant par un périonyxis

souvent avec pus [163,88] associé à des leuconychies proximales plus ou moins

étendues [89,90] (fig. 37). Aux doigts, le repli sus-unguéal est tendu, tuméfié,

parfois érythémateux ; la cuticule peut être en place. Ultérieurement, la lame

unguéale décollée avec souvent une hypercourbure transversale apparaît blanche

ou jaunâtre, voire noirâtre (Aspergillus niger) ; le lit unguéal sous-jacent est peu

hyperkératosique [88].

Le Fusarium oxysporum est l‟agent le plus souvent identifié [88], l‟association

d‟une onychomycose sous-unguéale proximale à une paronychie aiguë ou

subaiguë peut orienter vers l‟origine fusarienne de l‟onychomycose [91]. Au

niveau de la main, l‟inflammation est fréquente et peut gagner la première

phalange. Contrairement aux atteintes dermatophytiques, l‟évolution semble

plus rapide, de quelques semaines à quelques mois. En l‟absence de traitement,

une onychogryphose ou une panonycholyse peuvent s‟observer [91].

Les onychomycoses sous-unguéales proximales à moisissures sont souvent

associées à une paronychie les différentiant de celles observées en cas de

dermatophytes, mais les espèces de candida donnent aussi la paronychie que

seul le diagnostique mycologique permet de la différencier de celle

accompagnant l‟onychomycose à moisissure .

58

Fig. 33 : OSP Fusarium oxysporum. Fig :34 : OSP à Scopulariopsis brevicaulis [129]

Fig. 35 OSP à Fusarium oxysporum. Fig.36 : OSP à Aspergillus terreus [129]

Fig. 37 : Onychomycose sous unguéale proximal du gros orteil à Fusarium oxysporum [88]

59

OOnnyycchhoommyyccoossee ssuuppeerrffiicciieellllee bbllaanncchhee oouu lleeuuccoonnyycchhiiee ssuuppeerrffiicciieellllee

mmyyccoossiiqquuee

Il est généralement admis que l‟onychomycose superficielle blanche (OSB)

serait une variété clinique des onychomycoses à dermatophytes et notamment

celle causée par le Trichophyton Interdigitale [92,93]. Pourtant, d‟après N.

ZAIAS [94], 5% des OSB seraient causées par des non-dermatophytes. Une

autre étude récemment menée, affirme même que ces non-dermatophytes

causeraient jusqu‟à 21 % des cas des OSB [95].

Les moisissures pouvant être à l‟origine de ces OSB sont :

Aspergillus

Fusarium

Scytalidium dimidiatum

Acremonium et particulièrement Acremonium strictum (l‟implication de

ce genre dans cette variété clinique reste rare)

Onychocola canadensis (rarement impliqué)

L‟OSB causée par les moisissures touche surtout les ongles des orteils et

principalement le gros orteil et peut ressembler à celle causée par les

dermatophytes avec notamment une ou plusieurs taches blanches siégeant au

milieu de l‟ongle et disparaissant au grattage (fig. 38), comme elle peut bien se

manifester par un envahissement en largeur et en profondeur du pathogène dans

l‟ongle [95]. Ce dernier effet est spécifique aux atteintes par les moisissures

surtout dans le cas du Fusarium (où on trouve le 3ème

ou le 4ème

orteil touchés

plus volontairement ) et Aspergillus [92,95]. Dans ce cas l‟ongle devient opaque,

friable de couleur blanche avec des taches jaune brun (fig. 39,40) [95]. La

production de conidies pigmentées par le pathogène au sein de l‟ongle peut être

60

à l‟origine de cette coloration [95]. Celle-ci peut couvrir toute la surface de la

lame unguéale qui est alors ramollie et arrive souvent au repli proximal [95]. Le

grattage de la lésion à la curette ou au bistouri révèle des pénétrations des

hyphes qui atteignent parfois la partie ventrale de la tablette unguéale.

L‟évolution est habituellement rapide.

Scytalidium dimidiatum peut causer une onychomycose superficielle noire

caractérisée par de petites taches noires opaques qui peuvent être curetées

aisément [95].

Les OSB sont associées généralement à un périonyxis souvent sans pus. La

pigmentation de la partie proximale et l‟invasion profonde de la tablette

unguéale par le pathogène rendent souvent la distinction entre OSB et OSP

difficile. Histologiquement, l‟OSB causée par les moisissures est caractérisée

par la présence de courtes ramifications de filaments dans des fentes dans la

tablette depuis la surface vers l‟intérieur [95], tandis que dans l‟OSP la

pénétration du champignon commence par la matrice alors que le plat superficiel

de l‟ongle reste normal [92].

Le diagnostic différentiel se pose avec la desquamation superficielle des

tablettes unguéales (granulations de kératine) observée lors du port permanent

de vernis ; cependant, cette friabilité superficielle ne donne pas de plages

leuconychiques confluentes [88].

61

Fig. 38 : Leuconychie superficielle mycosique à Fusarium oxysporum [88]

Fig. 39 : Onychomycose superficielle blanche à Fusarium solani [95]

Fig. 40 : Leuconychie superficielle blanche à Aspergillus candidus [92]

62

OOnnyycchhoommyyccoossee ssoouuss--uunngguuééaallee ddiissttoollaattéérraallee ((OOSSDDLL))

Les dermatophytes sont les principaux agents étiologiques de cette variété

clinique et peuvent causer jusqu‟à 90 % des cas. Il est à noter que certaines

moisissures, dont notamment le Scytalidium [88], peuvent causer des

onychomycoses ayant une clinique similaire pouvant atteindre 40 % des OSDL

dans les zones d‟endémie.

Les moisissures pouvant être derrière ces OSDL sont :

Scytalidium avec ses deux variétés, S. dimidiatum et S. hyalinum , peut

provoquer des OSDL des mains et des pieds, ainsi que des intertrigos des

pieds [22].

Onychocola canadensis provoque principalement des OSDL [96], dont Le

gros orteil est le plus fréquemment atteint [96]. Cette moisissure semble

des troubles vasculaires des membres inférieurs (lymphoedeme, ulcères

de jambe) [22], tandis que chez les enfants aucun cas n‟a été décrit

jusqu‟à présent. Une répartition des cas d‟OSDL à Onychocola

canadensis selon le sexe, montre une nette fréquence chez les femmes

[96]. On note également qu‟une grande majorité des sujets atteints vivent

en région rurale et ont des occupations ou loisirs en rapport avec le travail

de la terre [96].

Les autres moisissures ; Fusarium spp, Acremonium spp, Aspergillus spp,

Scopulariopsis brevicaulis, Alternaria..., ne provoquent que rarement

cette variété clinique d‟onychomycose.

Dans les OSDL l‟atteinte commence par la pénétration des micro-organismes

dans la région sous-unguéale par la rainure distale, envahissant l‟hyponychium,

63

le lit de l‟ongle et la face ventrale de la tablette suite à une fragilisation des

attaches de celle-ci [88].

L‟infection se traduit par une hyperkeratose sous-unguéale distale responsable

d‟une onycholyse distale ou disto-latérale. Le découpage de la tablette

pathologique est facile, compte tenu de l‟onycholyse, et, est non douloureux. Il

permet d‟observer l‟aspect très particulier de l‟hyperkeratose sous-unguéale ;

friable, poudreuse, souvent jaune, voire orangée notamment dans les ongles des

orteils (fig. 41) [88] (à différencier d‟une hyperkératose dure compacte

adhérente au lit unguéal ou à la face ventrale de la tablette, d‟origine mécanique

par micro-traumatismes répétés). Pour les ongles des doigts, l‟onycholyse distale

laisse apparaître un lit peu hyperkératosique et l‟hyperkératose sous-unguéale

est en général moins friable et poudreuse qu‟aux orteils, donc moins

caractéristique, voire psoriasiforme micassée [88].

La progression ascendante du pathogène entraîne une progression des signes

cliniques vers la région lunulaire puis la région cuticulaire. La totalité de la lame

est alors atteinte devenant épaisse et dyschromique. La lame unguéale devient

partiellement ou totalement pigmentée de brun [97] (par exemple le

Scopulariopsis brevicaulis engendre une coloration brun-cannelle). Les travées

longitudinales leuconychiques, ou xanthonychiques qui peuvent apparaître au

cours de l‟infection remontent jusqu‟à la base de la lame unguéale laissant

suspecter une atteinte de la lame unguéale proximale située sous le repli sus-

unguéal [88]

Dans le cas de Scytalidium (Sc. dimidiatum, Sc. hyalinum), l‟OSDL produite est

souvent similaire a celle engendrée par les dermatophytes, particulièrement pour

les ongles des orteils [22]. Cependant, certaines caractéristiques de l'infection

par cette moisissure peuvent orienter le clinicien à la suspecter dont notamment

64

l‟atteinte d‟un seul ongle et l‟association à une paronychie et à des fractures

transversales de la tablette unguéale proximale [122], Aux mains,

l‟hyperkératose sousunguéale est parfois de coloration brune [88].

Fig. 41 : OSDL à Onychocola canadensis [96]

OOnnyycchhooddyyssttrroopphhiiee mmyyccoossiiqquuee ttoottaallee

Elle est surtout secondaire après l‟évolution plus ou moins longue d‟une des

formes précédentes dont elle représente le point culminant. La lame unguéale

épaissie et dyschromique en totalité, reste plus ou moins adhérente au lit unguéal

sous-jacent ; ou alors sa friabilité et son effritement laissent place à un lit

hyperkératosique plus ou moins recouvert de vestiges unguéaux. Cependant, elle

peut être primitive dans le cadre d‟une candidose cutanéo-muqueuse chronique

[88].

VV LLEE DDIIAAGGNNOOSSTTIICC DDIIFFFFEERREENNTTIIEELL DDEE LLAA PPAATTHHOOLLOOGGIIEE UUNNGGUUEEAALLEE

Les onychomycoses présentent souvent une clinique évocatrice. Cependant,

certaines pathologies non fongiques peuvent se manifester par une clinique

pareille rendant ainsi le diagnostic assez difficile même pour le médecin

clinicien le plus expérimenté.

65

Dans ce qui suit, seront traités les principaux aspects cliniques des

onychopathies non fongiques à en tenir compte lors du diagnostic d‟une

onychomycose et notamment dans le cas particulier des onychomycoses à

moisissures.

11.. LL’’aatttteeiinnttee lleeuuccoonnyycchhiiqquuee

Dans les onychomycoses, une atteinte leuconychique distale profonde peut

s‟observer plus particulièrement lors d‟une immunodépression sous-jacente

survenue suite à une corticothérapie systémique ou à la prise d‟autres

immunosuppresseurs mais aussi à cause des maladies immunodépressives. Dans

ce cas précis d‟une atteinte leuconychique distale profonde, différents

champignons peuvent en être responsables.

Quant à elle, une leuconychie superficielle annonce qu‟une infection à

moisissures serait plus probable qu‟une dermatophytose. Cette infection à

moisissure, peut être limitée au début, et envahir l‟ensemble de l‟appareil

unguéal par la suite. La leuconychie superficielle est à différencier :

De la leuconychie traumatique proximale ou distale parfois responsable

de stries blanches transversales de 1 à 2 mm de hauteur, séparées par des

bandes d‟ongles sains [98]. Quelquefois, ces stries sont filiformes et

longitudinales.

Des manifestions au niveau unguéal de certaines pathologies. Les ongles

blancs dans le cas de l‟insuffisance rénale ou hépatique par exemple

peuvent constituer un leurre en évoquant une onychomycose à

moisissures après envahissement total ou subtotal. Toutefois, ces

pathologies occasionnent l‟atteinte de tous les ongles qui montrent une

consistance dure avec une surface lisse (fig. 42), contrairement aux

66

onychomycoses à moisissures dont l‟atteinte se limite à un ongle ou à

quelques ongles avec une consistance crayeuse et lamellaire [99].

Fig. 42 : Leuconychie non fongique (Examen mycologique négatif) [99]

LL’’aatttteeiinnttee ddiissttoo--llaattéérraallee aavveecc hhyyppeerrkkéérraattoossee ddoommiinnaannttee dduu lliitt ddee

ll’’oonnggllee eett ddee llaa ttaabblleettttee uunngguuééaallee,, aassssoocciiééee àà uunnee oonnyycchhoollyyssee

Ce type d‟atteinte est plus fréquent dans le cas des onychomycoses dues aux

dermatophytes que dans le cas de celles dues aux moisissures, tant au niveau des

ongles des orteils (80 % des cas) que des doigts (20 % des cas). Différentes

affections peuvent être responsables d‟une même symptomatologie pouvant

toucher les ongles des orteils et ceux des doigts. Seront explicitées ci-dessous

quelques unes de ces affections:

Les dystrophies unguéales mécaniques [98] associées à des traumatismes

locaux siègent préférentiellement au niveau des ongles des orteils. Elles

sont la conséquence de microtraumatismes occasionnés par la marche ou

par des activités sportives sollicitant particulièrement les pieds (judo,

karaté, danse, tennis, jogging, randonnée, ski...). Généralement les orteils

atteints sont ceux qui, du fait de certaines déformations (hallus erectus,

orteils en marteau, chevauchement des orteils, pieds “grec” ou

“égyptien”...)., sont exposés aux frottements et aux microtraumatismes

répétés contre le cuir, les coutures ou l‟extrémité des chaussures [99].

67

L‟hyperkératose sous-unguéale est un équivalent de “cor”. D‟autres cors

sont habituellement visibles au niveau des articulations et au niveau des

pulpes des orteils sollicités par l‟appui. Lors du découpage, cette

hyperkératose est dure et compacte contrairement à celle d‟une

onychomycose beaucoup plus friable. En particulier chez les sportifs, la

paronychie a souvent un aspect en bulbe d‟oignon.

Les troubles de la statique [99], engendrés par une mauvaise répartition

du poids corporel au niveau des pieds, sont également responsables

d‟autres onychopathies parfois confondues avec une onychomycose telle

qu‟une onychogryphose des ongles en pince (ou en cornet). Il n‟est pas

rare que des hématomes sous-unguéaux, responsables de dyschromies

unguéales, voire des phlyctènes, soient associés à ces onychopathies

traumatiques.

Le psoriasis dans sa forme hyperkératosique sousunguéale représente un

autre diagnostic différentiel au niveau des ongles des orteils et des

doigts. La présence d‟une hyperkératose fissurée des talons, d‟une

desquamation inflammatoire, lamellaire et fissurée des plantes et des

zones de frottement des orteils, des paumes ou toute autre localisation

psoriasique cutanée orienteront vers ce diagnostic. Un examen soigneux

de tous les ongles des mains et des pieds recherchera des signes plus

spécifiques comme des érosions ponctiformes “en dés à coudre”, un

aspect “en tache d‟huile orangée” de Millian [100]. L‟interrogatoire peut

noter l‟existence d‟antécédents personnels ou familiaux de psoriasis et la

prise de médicaments favorisant l‟affection (-bloquants, sels de

lithium...) [100]. Cependant, l‟association psoriasis et dermatomycose est

présente dans 27 % des cas environ [101].

68

L‟acrokératose de Bazex [102], bien que très rare, ne doit pas être

oubliée dans les diagnostics différentiels. L‟atteinte unguéale associant

une hyperkératose sous-unguéale et une dystrophie unguéale

psoriasiforme est constante, touchant aussi bien les doigts que les orteils.

D‟autres lésions psoriasiformes des extrémités, particulièrement du nez

et des oreilles, pourront orienter le diagnostic.

L‟atteinte unguéale associée à un lymphoedème dans le syndrome

xanthonychique décrit en 1964 par P. SAMMAN et WF. WHITE [102],

suffisamment caractéristique par l‟épaississement des tablettes

unguéales, s‟accompagnant d‟une courbure exagérée transversalement et

prenant une couleur jaunâtre, touchant tous les ongles à des degrés

variables, ne devrait pas être confondue avec une onychomycose.

LLaa mmééllaannoonnyycchhiiee

Les onychomycoses à Scytalidium dimidiatum et à Trichophyton rubrum

émettent un pigment mélanique diffusible et peuvent se présenter sous la forme

d‟une mélanonychie en bande. Le principal problème est d‟éliminer une

prolifération tumorale mélanocytaire ; lentigo, nævus et surtout mélanome dans

une forme pigmentée [103, 104,99]. Il est alors très important d‟examiner le

repli sus-unguéal qui est coloré en cas de mélanome. Un simple découpage, non

traumatique, de la zone distale permet de découvrir, en cas d‟onychomycose,

une hyperkératose poudreuse noirâtre sous-unguéale sans pigmentation

inquiétante du lit.

LLaa ppaarroonnyycchhiiee ((oouu ppéérriioonnyyxxiiss))

Une paronychie peut s‟observer, préférentiellement au niveau des doigts, c‟est

habituellement le mode de début d‟une candidose unguéale à Candida albicans,

69

comme elle peut traduire l‟atteinte matricielle d‟une infection à Scytalidium sp

ou par une autre moisissure (Fusarium sp, Acremonium sp).

Le principal diagnostic différentiel est une paronychie chronique

secondaire à une dermite de contact et traumatique [105, 106,99].

L‟inflammation chronique des replis périunguéaux, surtout du repli

postérieur, produit un coussinet plus saillant et plus ferme que dans une

paronychie fongique faisant disparaître la cuticule tandis que la tablette

unguéale se trouve bosselée sur toute sa hauteur. L‟interrogatoire

retrouve souvent la notion de contacts répétés avec l‟eau et de travaux

irritant le pourtour des doigts (frottement du linge, épluchage de légumes

et de fruits, paille de fer, ponçage d‟objets...). Plusieurs doigts sur les

deux mains sont habituellement atteints.

Quelques autres diagnostics se discutent parfois : le plus difficile à

reconnaître est un psoriasis, surtout dans sa forme d‟acropustulose [100].

Souvent monodactylique, il se caractérise par une atteinte inflammatoire

récidivante associant paronychie, onycholyse et pustules sous-unguéales,

visibles après découpage de la tablette.

Au cours d‟un eczéma des mains ou des pieds, une atteinte unguéale peut

compliquer l‟atteinte cutanée étendue à la région matricielle.

Certaines affections ostéo-articulaires (rhumatisme, goutte,

sarcoïdose...), surtout si elles touchent les mains, peuvent entraîner, au

cours d‟une poussée inflammatoire un gonflement de la dernière

phalange simulant une paronychie avec une dystrophie secondaire de la

tablette unguéale.

Le pseudo-kyste mucoïde [103], survenant volontiers sur un terrain

arthrosique, pose peu de problèmes diagnostiques, lorsqu‟il se manifeste

70

par une tuméfaction rénitente du repli sus-unguéal dont l‟appui sur la

matrice entraîne la formation d‟une gouttière longitudinale. La pression

de cette tuméfaction fait sourdre un liquide translucide, gélatiniforme.

Le panaris bactérien (tourniole) [105] est facilement reconnaissable par

son caractère aigu et très douloureux. L‟infection succède en général à

un traumatisme local mineur (arrachage de petites peaux, piqûre

septique, écharde). Il représente une urgence thérapeutique.

LL’’oonnyycchhoollyyssee ddiissttoo--llaattéérraallee

Aux orteils, une onycholyse isolée sans hyperkératose sous-unguéale ne

témoigne pas habituellement d‟une infection fongique. Le décollement

des lames unguéales est avant tout d‟origine traumatique, surtout au

niveau des gros orteils ou secondaire au chevauchement des orteils dans

des souliers trop étroits (fig. 43).

Fig. 43 : Onycholyse traumatique [99]

Le traumatisme mécanique par une manucurie trop intense surtout par

introduction répétée d‟une lime à ongle aboutit au décollement des lames

unguéales. La zone décollée est blanche et bien limitée [99].

Dans le psoriasis, la zone d‟onycholyse psoriasique distale est limitée par

un liseré érythémateux très évocateur. Elle est souvent douloureuse à la

pression. On recherche d‟autres signes évocateurs du psoriasis au niveau

71

des ongles comme les érosions ponctiformes “en dés à coudre” et

l‟aspect “en tache d‟huile orangée” de Millian [100].

Il faut parfois évoquer une maladie systémique (dysfonctionnement

thyroïdien, sarcoïdose) ou une origine iatrogène médicamenteuse par

photosensibilité (photo-onycholyse) lorsque plusieurs ongles ou tous les

ongles sont atteints [102].

Mais il ne faut pas oublier que tout processus tumoral du lit de l‟ongle,

du derme ou de l‟os sous-jacent, bénin (exostose, fibrome, verrue) ou

malin (carcinome épidermoïde, mélanome) peut également être

responsable d‟une onycholyse au niveau des orteils et des doigts. Après

découpage de la tablette, la tumeur est visible et peut faire l‟objet d‟une

biopsie, voire d‟une biopsie exérèse au moindre doute de malignité.

L‟exostose est confirmée par une radiographie [103,106].

DDeessttrruuccttiioonn ddee ll’’eennsseemmbbllee ddee llaa ttaabblleettttee uunngguuééaallee

L‟onychomycose à moisissures, particulièrement à Scytalidium à

dermatophyte, et parfois à Candida albicans, si elle n‟est pas traitée, finit par

aboutir à une onychomycodystrophie totale secondaire représentée au stade

ultime par un lit unguéal kératosique, jonché de vestiges unguéaux [99,105].

Lorsque plusieurs ongles sont atteints, certains diagnostics différentiels

peuvent être évoqués tels qu‟un lichen plan, une pelade ou un psoriasis,

voire, plus rarement, une érythrodermie (mycosis fongoïde) dans une

localisation unguéale évoluée. Ces dermatoses siègent plus volontiers sur

les ongles des doigts, mais les ongles des orteils peuvent également être

touchés. L‟examen des ongles notera ou non la présence de ptérygion, de

trachyonychie en faveur d‟un lichen ou d‟une pelade. Cependant, les

72

localisations unguéales de ces dermatoses s‟intègrent dans un cadre plus

général de la maladie et un examen clinique attentif du revêtement

cutané, du cuir chevelu et des muqueuses recherche d‟autres lésions plus

évocatrices du diagnostic [100,102].

Si l‟atteinte est monodactylique, il ne faut surtout pas méconnaître une

tumeur maligne : maladie de Bowen, mélanome acral, carcinome

épidermoïde, qui malheureusement peut n‟être diagnostiquée qu‟à un

stade évolutif aussi tardif [3].

73

VVII LLEE DDIIAAGGNNOOSSTTIICC

Comme susmentionné, les onychomycoses causées par une moisissure ou par un

autre champignon peuvent parfois avoir une clinique similaire à une

onychopathie non fongique. De plus ces onychopathies peuvent être

secondairement surinfectées par des éléments fongiques, compliquant davantage

l‟approche diagnostique. D‟autre part, en cas de suspicion d‟une onychomycose

à moisissure, l‟aspect clinique n‟étant pas forcement spécifique à un agent

fongique unique, ne permet pas l‟identification dudit agent. Ainsi, le diagnostic

mycologique s‟impose comme une démarche indispensable pour l‟identification

de l‟agent étiologique et par la suite le choix du traitement approprié afin

d‟éviter au patient des traitements longs, inutiles et coûteux. D‟autres méthodes

ont été mises au point et dans le but est de confirmer le rôle pathogène d‟un

micromycète dans une infection unguéale.

11.. LLee ddiiaaggnnoossttiicc mmyyccoollooggiiqquuee dd’’uunnee oonnyycchhoommyyccoossee àà mmooiissiissssuurreess

Le diagnostique mycologique est constitué de trois étapes indispensables, la

première étant le prélèvement biologique mycologique, la seconde, l‟examen

direct qui cherche les éléments fongiques dans le matériel unguéal et enfin la

culture dont le but est d‟isoler l‟agent pathogène.

11..11 PPrrééllèèvveemmeenntt mmyyccoollooggiiqquuee

A. Anamnèse et examen clinique

L‟interrogatoire et l‟examen clinique du patient font partie intégrante du

prélèvement en facilitant la confrontation clinico-mycologique et permettent

ainsi de préciser :

74

L‟ancienneté des lésions, leur mode d‟évolution dans le temps (rapide pour

une candidose, lent pour un dermatophyte ou une moisissure), leur forme

(début par le bord libre ou par la région matricielle) [107] et enfin

l‟existence de traitements antérieurs avec leurs durées et leurs efficacités.

Les facteurs favorisants qu‟ils soient professionnels, liés à la pratique d‟un

sport etc…

Les antécédents dermatologiques (psoriasis, eczéma...) [107],

L‟existence de lésions cutanées associées, anciennes ou préalablement

traitées, qui peuvent nécessiter un prélèvement si elles sont de nature à

modifier le traitement [107],

L‟examen du pied dans son ensemble, à la recherche d‟anomalies

podologiques pouvant expliquer une onycholyse ou une hyperkératose.

B. Prélèvement mycologique proprement dit

Idéalement, le prélèvement doit être pratiqué par un médecin ou un biologiste

ayant une profonde connaissance en mycologie et dans le mode d‟évolution des

lésions (afin de prélever la lésion “au bon endroit” ) et il doit être

impérativement fait à distance de tout traitement antifongique tenant compte des

délais conseillés pour éviter les faux négatifs ou les résultats discordants

(examen direct positif et culture négative) et que sont :

15 jours pour une crème antifongique

15 jours et la repousse de l‟ongle après traitement kératolytique à l‟urée

2 mois pour la Griséofulvine et le Kétoconazole

3 mois pour les solutions filmogènes et la Terbinafine [107].

Il est important d‟éviter tout soin de pédicurie au préalable, d‟enlever un

éventuel vernis cosmétique 48 heures avant.

75

Contrairement aux idées reçues, le prélèvement doit être réalisé sur des ongles

propres, brossés avec un savon neutre avant l‟examen afin d‟éliminer au mieux

les moisissures de l‟environnement qui peuvent être présent sur les ongles .

Le matériel utilisé pour ce prélèvement est simple et doit être stérile ; instrument

de grattage, ciseaux, pince à ongles, vaccinostyle ou instrument équivalent, boîte

de Pétri…

La manière de prélever un ongle dépend entièrement de l‟aspect de la lésion : il

faut aller chercher le matériel unguéal parasité là où le champignon est vivant

afin que celui-ci pousse en culture :

Pour une atteinte distolatérale avec hyperkératose sousunguéale et

détachement de la tablette, un découpage à la pince à ongle est pratiqué

jusqu‟à la jonction zone unguéale infectée-zone saine, puis un grattage des

débris kératosiques friables recouvrant le lit unguéal est réalisé dans cette

zone [108].

En cas de leuconychie superficielle ou profonde, après avoir nettoyé la

tablette avec de l‟alcool, un grattage ou un découpage de la leuconychie est

effectué jusqu‟à atteindre la zone blanche friable au sein de laquelle est

recueilli l‟échantillon [108].

S‟il existe une paronychie avec atteinte des sillons latéraux, comme c‟est

habituellement le cas pour une candidose unguéale ou avec certaines

moisissures tel le Fusarium, un grattage est réalisé sous le repli sus-

unguéal, puis dans les zones latérales après découpage de la tablette [108].

11..22 EExxaammeenn ddiirreecctt

Lecture à l’aide du microscope optique : Le matériel collecté est mis

entre lame et lamelle dans une solution dissociant les kératinocytes telle

que la potasse aqueuse (KOH 10 %), l‟hydoroxyde de sodium (NaOH 10

76

%) ou mieux dans la solution de noir chlorazole, qui permet de colorer

que les structures fongiques et élimine beaucoup d'artefacts. La lecture se

fait à l‟aide du microscope optique. Cet outil est le plus utilisé par les

laboratoires vu son coût relativement bas.

Un examen direct bien conçu et un oeil de biologiste très averti,

permettent en quelques heures de confirmer la présence ou l‟absence du

champignon dans le produit pathologique et de donner bien souvent une

idée, en cas de positivité, sur l‟origine mycosique de l‟onychomycose. En

effet si les filaments sont septés, grossiers et irréguliers (aspect

chlamydosporé) formant des vésicules, le diagnostic dénoncera une

moisissure. Les filaments mycéliens des moisissures doivent être

différenciés de ceux des dermatophytes qui sont septés et réguliers. Ils

sont également à différencier des pseudo-filaments des Candida. Un

aspect de filaments “vides” doit pousser à suspecter un traitement

antifongique arrêté trop peu de temps avant le prélèvement ou un

prélèvement trop distal [111].

Lecture à l’aide du microscope à fluorescence : En mycologie

médicale, les techniques de fluorescence sont particulièrement appréciées

lorsque les éléments fongiques sont peu nombreux. De plus, elles

permettent une meilleure observation de la morphologie des

champignons.

Dans le cas précis des onychomycoses, certains mycologues utilisent cette

technique [108] parce qu‟elle présente l‟avantage de donner un meilleur

contraste des éléments fongiques. Ceci est obtenu en utilisant des

fluorochromes qui se fixent spécifiquement sur la chitine et les β1-3

glucanes de la paroi fongique [110]. Ces fluorochromes sont solubles dans

77

le réactif au sulfure de sodium mais non pas dans l‟hydroxyde de

potassium ou de sodium (KOH ou NaOH 10%). Excités par un

rayonnement de longueur d‟ondes comprise entre 400 et 440 nm (violet-

bleu) à l‟aide d‟un microscope à fluorescence, les éléments fongiques

deviennent fluorescents, et peuvent être immédiatement détectés (fig.44).

Cette méthode se pratique en une seule étape, ne nécessite pas de

chauffage de la préparation et permet une dissociation plus rapide que par

du KOH [110]. Mais malheureusement son coût élevé limite son

utilisation.

Fig. 44 : Examen direct d‟une moisissure observée par microscope à fluorescence [119]

Dans tous les cas, un examen direct positif (attestant de la présence du

champignon dans le produit pathologique) permet bien souvent d‟orienter

l‟identification de la nature de l'agent pathogène. L‟identification précise de ce

dernier (genre et espèce) est l‟objet de la troisième et avant dernière étape du

diagnostic mycologique qui est la culture, sujet du suivant paragraphe.

11..33 LLaa ccuullttuurree

L‟isolement du champignon se fait après avoir déposé l‟échantillon unguéal

pathologique collecté sur un milieu nutritif gélosé. Les composants nécessaires

pour les milieux de culture sont :

78

Le milieu de Sabouraud modifié : gélose glucosée à 2% et peptonée. C‟est

le milieu de base qui entre dans la composition de tous les tubes

nécessaires à la culture d‟un échantillon. Ce milieu est le plus utilisé en

mycologie médicale.

Le Chloramphénicol ou la Gentamycine : Une des deux molécules est

ajoutée au milieu de Sabouraud pour inhiber la croissance des bactéries.

La Cycloheximide (Actidione®), molécule inhibant la croissance de

nombreuses moisissures [24].

Les tubes ensemencés, additionnés ou non au Cycloheximide, sont ensuite

incubés à 26-30°C en atmosphère humide pour stimuler le développement des

champignons. Généralement les tubes sont incubés pendant 3 semaines pour

permettre la croissance des espèces dont la vitesse de pousse est lente [107].

Habituellement, la plupart des moisissures se développent en 8-10 jours [24].

11..44 LLaa lleeccttuurree ddeess rrééssuullttaattss

Le diagnostic du genre et d‟espèce de champignons filamenteux non

dermatophytiques est obtenu par confrontation des caractères macroscopiques

et microscopiques des champignons obtenus en culture. L‟aspect macroscopique

note la vitesse de pousse du mycélium, la couleur, la forme et la consistance des

colonies, ce qui oriente vers son genre. De son côté, l‟aspect microscopique

complète cette orientation en précisant l‟espèce en cause. ( cf. paragraphe II)

11..55 LLeess ccrriittèèrreess ddee ppaatthhooggéénniicciittéé dd’’uunnee mmooiissiissssuurree eenn uunnee oonnyycchhoommyyccoossee

Etant donné que la même moisissure peut aussi bien être un agent étiologique

qu‟un contaminant, la confirmation qu‟elle soit impliquée dans une infection

unguéale s‟avère nécessaire même après un examen direct positif. Ceci, et tel

que précédemment mentionné (cf. paragraphe II), ne peut être démontré

79

qu‟après avoir effectué au moins 2 cultures successives mettant en évidence un

grand nombre de colonies de la même moisissure (au moins 5/20 points

d'ensemencement) sans pour autant révéler l‟existence d‟aucun dermatophyte

[22,112]. Cette dernière condition est primordiale dans la mesure où les

statistiques montrent que 10 à 25% des infections unguéales ne révèlent pas à

l‟issue de la première culture l‟agent dermatophytique causal [113], qui est

souvent masqué par une moisissure dont le développement en culture est bien

plus rapide que celui du dermatophyte.

Afin d‟éviter l‟obligation d‟effectuer plusieurs cultures espacées par le temps,

M. ENGLISH suppose que si on réalise simultanément 20 inoculum dont au

moins 5 mettent en évidence la même moisissure, alors cette dernière est

vraisemblablement l‟agent étiologique, pourvu que l‟examen direct soit positif

[114].

Récemment, il a été démontré que cette technique d‟ENGLISH produirait plus

de résultats faux-positifs que de vrais-positifs. En effet le suivi à long terme par

des cultures successives des ongles infectés, effectué simultanément avec la

technique d‟ENGLISH montre que cette dernière échoue dans plus de 75% des

cas qu‟elle déclare positifs (114). Néanmoins, dans certaines conditions où le

patient ne peut se présenter plusieurs fois pour effectuer des prélèvements afin

de réaliser des cultures espacées dans le temps, le test d‟ENGLISH peut donner

une idée insuffisante mais utile pour le diagnostic [114].

AAuuttrreess mméétthhooddeess ddee ddiiaaggnnoossttiiqquuee

22..11 HHiissttoommyyccoollooggiiee

L‟examen histomycologique peut être informatif et complémentaire à la culture

pour confirmer (ou infirmer) la responsabilité d‟une moisissure dans une

80

onychomycose, tout en donnant une idée sur la charge, la localisation et

l‟étendue de l‟infection fongique.

C. Nature de l’infection fongique

L‟examen microscopique de coupes d‟ongles infectés, après coloration au PAS,

au Gomori-Grocott ou encore au bleu de toluidine permet souvent de distinguer

les trois catégories de champignons pathogènes d‟ongles :

Cas d‟infection par des moisissures ;

Les filaments mycéliens sont observés dans la kératine unguéale en

association avec de fins filaments perforants (fig. 45) [22]. Les champignons

ont alors des aspects protéiformes parfois indicateurs de leur identité

[115,116]. Le Scopulariopsis brevicaulis se reconnaît ainsi par la présence de

larges cellules piriformes à la paroi épaisse et par de fins filaments

perforateurs. Les Dématiées, dont l‘Alternaria sp. et le Scytalidium

dimidiatum, sont caractérisées par la présence d‟un pigment mélanique dans

le mycélium [117] (la mélanonychie induite dans ce cas doit être distinguée

de celle produite par T. rubrum) [118]. D‟autres moisissures ont des

filaments dont le calibre peut être irrégulier avec des formes de reproduction

variables [115]. Les infections fongiques mixtes associant des moisissures et

d‟autres micromycétes, dont notamment les dermatophytes, ne sont pas rares

puisqu‟elles peuvent représenter entre 0 à 11 % des cas d‟onychomycoses .

L‟histomycologie dans ces cas représente un outil de diagnostic très

important pour confirmer que les deux champignons (la moisissure et l‟autre

micromycéte) sont des pathogènes indépendants et déterminera par la même

occasion s‟ils se trouvent au même site unguéal (fig. 46) ou en des sites

différents.

81

Cas d‟infection par des dermatophytes ;

La kératine unguéale se trouve lysée autour des filaments mycéliens, Ces

derniers sont souvent longs, rectilignes, septés, d‟un calibre uniforme et d‟un

diamètre régulier (fig.47). La présence d‟arthroconidies monomorphes est

également observée.

Cas d‟infection par des levures ;

Les levures sont fréquemment groupées en petits amas desquels émergent

des pseudo-filaments courts et circonvolués [115,116].

Fig. 45 : Histologie d‟une coupe d‟ongle montrant les filaments perforant d‟Onychocola canadensis

[22]

Fig. 46. Onychomycose mixte bipolaire à dermatophyte et Scopulariopsis brevicaulis [116]

82

Fig. 47 : Histologie d‟une coupe d‟ongle colonisé par un dermatophyte [22]

D. Localisation, charge et étendue de l’infection fongique

Le choix du traitement topique ou oral ainsi que sa durée d‟administration

peuvent être influencés énormément par la localisation, la charge, et l‟extension

de l‟infection fongique dans l‟appareil unguéal surtout lorsque des moisissures

réputées résistantes aux traitements antifongiques, sont derrière cette infection.

L‟observation clinique, à elle seule, est peu précise pour déterminer ces trois

caractéristiques de l‟infection fongique, ce qui nécessite le recours à

l‟histomycologie qui peut être très informative à cet égard [116].

22..22 LLaa tteecchhnniiqquuee PPCCRR

Le PCR « Polymerase Chain Reaction », est une technique simple et rapide qui

permet d‟identifier in situ les champignons dans les ongles. Pour ces avantages,

différentes enquêtes ont été portées, principalement sur l'identification de

dermatophytes et de Scytalidium spp. (Baek et al., 1998; Turin et al., 2000;

Machoua rt -Dubach et al., 2001; Menotti et al.; 2004; Kardjeva et al., 2006)

[120].

Récemment, une méthode a été développée par M. MONOD [119] pour

l‟identification directe d‟un grand nombre d‟espèces de Fusarium et d‟autres

moisissures pathogènes des ongles ; il s‟agit du PCR/sequencing .

La technique présentée par M. MONOD [119] commence par une extraction

d‟ADN fongique d‟un fragment de l‟ongle suspecté infecté et dont l‟examen

83

mycologique direct s‟est révélé positif. Pour cette extraction, une dissolution de

l‟ongle dans une solution de sulfure de sodium (Na2S) suivie d‟une

centrifugation de la solution puis d‟un lavage du culot permettent d‟isoler les

éléments fongiques desquels l‟ADN est finalement extraite (pour réaliser une

telle extraction M. MONOD a utilisé un kit commercial). Une partie de l‟ADN

codant pour la sous-unité 28S des ribosomes est ensuite amplifiée par PCR en

utilisant des amorces universelles (LSU1 et LSU2) utilisables pour toutes les

espèces de champignons. Pour identifier l‟espèce de champignon incriminée

dans l‟onychomycose, soit le fragment amplifié est ensuite séquencé, soit son

profile de digestion par des enzymes de restriction est analysé (fig.48) [120].

Durant ce processus, des ongles sains de volontaires sont utilisés comme

contrôles négatifs

M: Marqueurs pour évaluer la taille des fragments; U: produit d‟amplification non digéré; R: digestion par

l‟enzyme RsaI ; H: digestion par l‟enzyme HinfI. T, F, C, A, P et NI codent respectivement pour Trichophyton,

Fusarium, Candida, Aspergillus, Penicillium et espèce non identifiée. Quatre cas d‟infections mixtes sont

présentés sur cette figure.

Fig. 48. Profil de digestion des fragments amplifiés de l‟ADN ribosomique [102]

84

Pour valider sa méthode, M. MONOD a testé des ongles à partir desquels un

dermatophyte (Trichophyton rubrum ou Trichophyton mentagrophytes) avait

poussé en culture. Les résultats obtenus ont confirmé l‟identification du

champignon dans 100% des cas avec PCR. Avec la même méthode, Fusarium

spp. et Scopulariopsis brevicaulis ont été identifiés dans 80% des cas où ces

moisissures avaient poussé en culture. Dans 20% des cas, d‟autres espèces de

champignons ont été révélées, ou le champignon n‟a pas pu être identifié car les

séquences obtenues n‟étaient pas interprétables [119].

M. MONOD a finalement cherché à identifier les champignons dans des ongles

où les prélèvements étaient demeurés stériles en culture ou avaient généré des

moisissures autres que Fusarium spp et S. brevicaulis. Il a pu montrer que les

Acremonium spp., Aspergillus oryzae, Aspergillus versicolor, Penicillium

citinum isolés en culture étaient effectivement les espèces de champignons

infectant l‟ongle [119]. D‟autres moisissures telles que Alternaria spp.,

Aspergillus niger, et Aspergillus fumigatus étaient des contaminants. Ces

champignons avaient poussé en culture, mais d‟autres espèces étaient révélées

par PCR en prenant comme cible l‟ADN extrait du même ongle.

En cas de suspicion d‟une infection mixte, des fragments d‟ADN fongique

amplifiés par PCR sont analysés par RFLP (Polymorphisme de longueur des

fragments de restriction) qui est une technique permettant de différencier et de

comparer des molécules d'ADN provenant d‟espèces différentes dans le but de

confirmer que les champignons incriminés sont des pathogènes indépendantes

[119]. Ce dernier cas de figure est souvent rencontré avec des moisissures et des

dermatophytes.

Pour conclure, les résultats obtenus par PCR donnent une image de l‟infection à

l‟instant où a été fait le prélèvement. C‟est un état des lieux. Il est possible qu‟au

85

fil du temps, certaines moisissures identifiées aient infecté l‟ongle après un autre

champignon (par exemple Trichophyton rubrum). Cependant, les méthodes

d‟identification des champignons in situ dans les ongles par PCR permettent de

substantielles améliorations du diagnostic des onychomycoses :

L‟identification de l‟agent infectieux peut être obtenue en 48h versus 1-3

semaines avec des cultures.

Il a été possible de montrer que la majorité des Fusarium spp. et S.

brevicaulis identifiés en culture étaient en fait l‟agent infectieux. D‟autres

moisissures ont été reconnues comme agents infectieux et distinguées

d‟autres moisissures qui sont des contaminants.

L‟identification de l‟agent infectieux peut être possible même après le début

d‟un traitement antifongique. Ceci est difficile à obtenir avec la culture

puisque les résultats sont fréquemment négatifs suite à la prise

d‟antifongiques.

L‟identification des champignons dans les ongles par PCR est à la fois

simple, rapide et beaucoup plus sensible que les cultures. Les bons résultats

obtenus font qu‟elle est appelée à être utilisée en routine lorsque la présence

de champignon a été démontrée par un examen direct positif et qu‟assez de

matériel a été prélevé par le médecin.

Malheureusement, c‟est une technique coûteuse et qui n‟est pas disponible pour

un grand nombre de laboratoires de mycologie.

22..33 LLeess ppeerrssppeeccttiivveess dd’’aavveenniirr

La microscopie confocale in vivo permet de déceler la présence de

champignons à l‟intérieur de l‟ongle. Cet examen ne nécessite aucun

prélèvement ni aucune autre préparation particulière [115]. Il utilise la

lumière réfléchie pour examiner le tissu vivant à diverses profondeurs. La

86

profondeur que le microscope confocale peut pénétrer est limitée seulement

par la pénétration de la lumière dans le tissu et la réflectivité des structures

observées. La microscopie confocale peut être une méthode rapide de

diagnostic d‟onychomycoses à moisissures [121]. Cependant sa capacité de

distinguer entre les moisissures et les dermatophytes est très limitée.

L’immunohistochimie peut être définie comme étant un processus de

détection d'antigènes dans les tissus au moyen d'anticorps qui peuvent être

d'origine polyclonale ou monoclonale, les anticorps monoclonaux étant plus

spécifiques par essence.

Dans le contexte précis des onychomycoses, cette méthode permet

l‟identification du champignon sur les coupes d'ongles lorsqu‟un anticorps

suffisamment spécifique est disponible. Cette possibilité reste exceptionnelle

et réservée à quelques champignons seulement. Elle est surtout utile lors de

l'identification des infections mixtes [121].

La cytométrie en flux est une technique permettant de faire défiler des

particules, molécules ou cellules à grande vitesse dans le faisceau d'un laser.

La lumière réémise (par diffusion ou fluorescence) permet de classer la

population suivant plusieurs critères et de les trier.

Cette méthode peut être exploitée donc pour différencier les champignons

sur la base des différences moléculaires et donner par la suite une idée sur la

charge fongique, ainsi que sur la famille à laquelle appartient le champignon

[121]. Par ces informations qu‟elle peut fournir, elle peut représenter un outil

de diagnostic des onychomycoses à moisissures plus spécifiquement.

Toutefois, ces méthodes, ne sont pas disponibles dans la plupart des laboratoires.

87

VVIIII TTRRAAIITTEEMMEENNTT EETT PPRROOPPHHYYLLAAXXIIEE

11.. TTrraaiitteemmeenntt ddeess oonnyycchhoommyyccoosseess àà mmooiissiissssuurreess

11..11 NNéécceessssiittéé ddee ttrraaiitteemmeenntt ddeevvaanntt uunnee oonnyycchhoommyyccoossee àà mmooiissiissssuurreess

De nombreux patients atteints d‟onychomycoses provoquées par des moisissures

ressentent des douleurs de l‟appareil unguéal et notamment s‟ils présentent un

périonyxis qui est souvent associé aux différentes variétés cliniques d‟onyxis à

moisissures. En outre, une gêne limitant le port de chaussures, la marche ou les

activités sportives et au pire, les activités professionnelles, est fréquemment

occasionnée. De plus, les dystrophies unguéales peuvent provoquer chez ces

patients des plaies et des nécroses des tissus entourant la tablette, en particulier

chez les sujets atteints de neuropathie périphérique. D‟autre part l‟infection

mixte des ongles des orteils par une moisissure et des bactéries peut se

comporter comme un réservoir responsable de lymphangites ou d‟autres

infections bactériennes graves, dont la sanction thérapeutique peut conduire à

l‟amputation [123]. Le patient diabétique (surtout à diabète mal équilibré) est

particulièrement sensible à ces complications. Mais la conséquence la plus

dramatique résulte bien entendu d‟une dissémination interne du champignon

avec issue fatale qui est possible chez le sujet immunodéprimé ou tout sujet sous

traitement immunosuppresseur. En effet, des cas de fusarioses disséminées

mortelles dont la porte d‟entrée fut un onyxis à Fusarium passé inaperçu [124]

ont été rapportés.

La réalisation d‟un examen attentif des ongles de ces patients immunodéprimés

ou devant subir une immunodépression iatrogène doit être donc systématique

[123].

88

Outre leurs conséquences sur la santé, les onychomycoses à moisissure posent,

au même titre que les autres types d‟onychomycoses, des problèmes relationnels

et professionnels du fait de l‟aspect inesthétique des ongles qu‟elles engendrent.

L‟ongle, étant un territoire de l‟organisme humain hors de portée des défenses

immunitaires acquises, tout champignon (moisissure ou autre) qui y a élu

domicile est donc dans un bastion privilégié, et sa survie y est garantie malgré la

présence de peptides naturels antifongiques dans l‟appareil unguéal [125]. En

effet, on ne rapporte pas de cas d‟autoguérison des onychomycoses.

Eu égard à toutes ces répercutions des onychomycoses à moisissures sur la

qualité de vie et devant cette impossibilité d‟autoguérison, le traitement

antifongique s‟avère indispensable.

11..22 CChhooiixx dduu ttrraaiitteemmeenntt

Le traitement de l'onychomycose causée par les moisissures n'est pas encore

bien standardisé. Plusieurs auteurs soulignent le fait qu‟elle est difficile à

éradiquer vu l‟inexistence, du moins jusqu‟à présent, d‟antifongique spécifique

aux moisissures comme il en existe pour les levures ou pour les dermatophytes.

De plus, on note une très grande différence entre les résultats obtenus in vivo et

les résultats attendus au vu des CMI (Concentrations Minimales Inhibitrices) ; in

vitro[126]. Cependant de nombreuses études ont prouvé une certaine efficacité

de nouvelles molécules antifongiques sur de nombreuses espèces de moisissures

mais avec un traitement très long et souvent plus long que celui des

dermatophytes [127]. Lorsque la matrice unguéale est saine un traitement

topique est largement suffisant, mais si cette dernière est atteinte un traitement

systémique s‟impose.

89

A. Le traitement topique

Le traitement topique constitue dans le cas des onychomycoses à moisissures le

traitement de premier choix à prescrire si l‟atteinte de l‟ongle n‟est pas profonde

[128,129]. Dans ce cas l‟application d‟un antifongique topique doit être

précédée d‟une destruction répétée mécanique de la partie atteinte de la tablette

unguéale ou d‟une avulsion chimique ou encore chirurgicale. Cette dernière peut

être très utile lorsqu‟une hyperkératose de la tablette unguéale, accompagnant

certaines variétés cliniques d‟onychomycoses à moisissures, est observée. Le

traitement topique nécessitera généralement une période allant de 6 mois à un

an.

aa)) DDeessttrruuccttiioonn mmééccaanniiqquuee ddee llaa ttaabblleettttee uunngguuééaallee

La destruction mécanique de la tablette unguéale se fait par nettoyage de la

tablette à la curette ou au papier de verre, mais cette attitude ne doit cependant

pas s‟appliquer en cas d‟immunodépression sous-jacente, compte tenu du risque

de dissémination

bb)) DDeessttrruuccttiioonn cchhiimmiiqquuee ddee llaa ttaabblleettttee uunngguuééaallee

La technique d'avulsion chimique est de réalisation simple et doit se dérouler

comme suit:

Toilette de la région avec savon antiseptique puis rinçage, séchage et

application d'un antiseptique.

Protection des tissus péri-unguéaux par un sparadrap épais ou des

hydrocolloïdes, puis occlusion sous film plastique après application d'une

couche épaisse de la préparation à l'urée.

Après huit jours l'ongle est soulevé et seul la partie pathologique est

découpée aux ciseaux (l‟onychine normale reste adhérente aux tissus

90

unguéaux). Il faudra éventuellement répéter l'opération en fonction de

l'épaisseur de la tablette.

cc)) AAvvuullssiioonn uunngguuééaallee ppaarrttiieellllee oouu ttoottaallee ppaarr cchhiirruurrggiiee

C‟est une chirurgie minutieuse qui demande une parfaite connaissance de

l‟anatomie et de la physiologie de l‟ongle afin de minimiser le risque de

séquelles dystrophiques. Elle se passe dans la majorité des cas, sous anesthésie

locorégionale. C‟est un geste indispensable en cas d‟onychomycose à

moisissures, lorsque l‟envahissement de la tablette se traduit par épaississement

important de cette dernière [130]. Elle permet d‟accélérer la réponse aux

traitements antimycosiques, surtout au niveau des orteils.

dd)) LLeess aannttiiffoonnggiiqquueess ttooppiiqquueess

Les principaux antifongiques topiques agissant sur les moisissures sont cités ci-

après :

Le ciclopirox : Le ciclopirox est un antifongique topique qui a une action

fongistatique inhibant l'entrée d'ions métalliques, du phosphate et du

potassium dans la cellule fongique en sus d‟une action fongicide perturbant

l'activité des chaînes respiratoires du champignon (en chélatant le fer en

particulier).

Il est utilisé sous forme de solution filmogène à 8%. Cette formulation

répond à deux points essentiels : tout d‟abord le principe actif reste au

contact de l‟ongle pour une longue durée, ensuite après l‟évaporation des

solvants, la concentration du principe actif dans la couche filmogène s‟élève,

établissant ainsi un gradient de concentration élevé indispensable à une

pénétration maximale du principe actif.

Cette molécule a prouvé une efficacité de traitement chez de nombreux

patients avec onyxis à moisissures (fig. 49, 50). Le spectre d‟activité in vitro

91

est large, il agie sur les dermatophytes, les levures et des moisissures dont

Aspergillus, Fusarium oxysporum et Scopulariopsis brevicaulis [127,131].

L'activité antifongique est inconstante sur Scytalidium dimidiatum (126).

Cette molécule possède aussi une action anti-inflammatoire importante.

Les applications sont journalières, et la concentration utile à la saturation de

la tablette unguéale est obtenue après 14 à 30 jours sur les ongles des mains,

30 à 45 jours pour ceux des orteils. La rémanence du produit est de 8 jours

pour les ongles des mains et de 15 jours pour les ongles des pieds.

Les effets secondaires se produisent dans moins de 2% de patients et incluent

la brûlure et la rougeur autour de l'ongle [134].

Fig. 49 et 50: Onychomycose subunguale Proximale du gros orteil causé par Fusarium oxysporum

avant et après 12 mois de traitement avec ciclopirox solution filmogène à 8% [129]

L’Amorolfine : L‟Amorolfine est un dérivé de la morpholine, fongistatique

et fongicide. Sa fongicidie vient d‟une double action sur la synthèse de

l‟ergostérol : inhibition de deux enzymes, la delta-4 réductase et la delta-7-8

isomérase. Cela conduit à une hyper fluidité de la membrane du champignon,

modifiant la perméabilité, provoquant un dépôt de chitine anormale et des

anomalies de croissance cellulaire. Elle est utilisée sous forme de solution

filmogène, concentrée à 5 % dans la solution. Après évaporation du solvant

la concentration s‟élève alors à 25 % dans la couche filmogène [132].

92

L‟Amorolfine a un large spectre antifongique ; elle agit sur les

dermatophytes, sur les levures mais aussi sur certaines moisissures telles que

Scytalidium dimidiatum et Scopulariopsis brevicaulis. Son efficacité a été

même marquante dans certaines cas d‟onychomycoses à Scytalidium.

Les espèces peu sensibles à l‟amorolfine sont Aspergillus spp et Fusarium

spp[133].

L‟Amorolfine est appliquée une à deux fois par semaine pendant six mois sur

les ongles des mains et pendant neuf à douze mois pour les ongles des pieds.

La durée de traitement dépend essentiellement de l'intensité, de la

localisation de l'infection et de la surface de l'ongle atteinte.

L‟Amorolfine donne de rares cas de brûlure siégeant dans la région

périunguéale en application unguéale [184].

Le Bifonazole : Il a une action fongicide due probablement à une inhibition

de l‟hydroxy-3-méthyl glutaryl coenzyme A (HMGCoA) actif sur les

dermatophytes, les levures, certaines moisissures (Aspergillus fumigatus,

Aspergillus niger)[184], divers champignons dimorphes et sur

Corynebacterium minutissimum. Le Bifonazole 1% est associé à de l‟urée à

40 %, cette association permet de ramollir la tablette unguéale afin de

faciliter son découpage. Il est utilisé si possible après un bain de pieds

prolongé sous occlusion de 24 heures et renouvelé quotidiennement une à

trois semaines. Le délitement est obtenu en une à trois semaines. Il est très

utile dans les hyperkératoses de l'appareil unguéal. Ensuite le Bifonazole est

appliqué, seul, jusqu‟à la repousse complète de l‟ongle [108].

Le Bifonazole en application locale donne de rares cas de prurit et d‟éruption

cutanée [184].

93

L’Amphotéricine B : L‟Amphotéricine B se fixe directement sur les

ergostérols de la membrane fongique et a une action détersive. Elle existe

sous forme de lotion dermique.

Elle est active sur le genre Candida et la plupart des moisissures in vitro ce

qui la rend utile dans le rare cas d‟infection mixte à moisissure et à un

candida. Elle ne pénètre pas dans la tablette unguéale, mais s‟applique sur le

lit de l‟ongle après découpage de la tablette.

La voie d‟administration de cette molécule conditionne sa toxicité ; elle est

toxique par voie intraveineuse mais reste bien tolérée par voie locale hormis

quelques effets indésirables se manifestant sous forme de prurit et

d‟érythème.

En somme, dans le cas des onychomycoses à moisissures le traitement local a

été jugé plus efficace que le traitement systémique et notamment dans le cas

d‟onyxis à S. brevicaulis, à Acremonium et à Fusarium [129]. Cependant dans

certains cas le traitement systémique s‟impose.

B. Le traitement oral

Le traitement oral est bien indiqué si :

Echec de traitement topique

Atteinte matricielle provoquée par la moisissure

Plusieurs ongles sont touchés

Risque de dissémination (patient immunodéprimé)

Dans ces cas, le traitement systémique doit être instauré, soit seul soit associé,

comme c‟est très souvent le cas dans les onychomycoses à moisissures, à

94

l‟avulsion de la tablette unguéale ( mécanique, chimique ou chirurgicale) et à un

antifongique topique (la trithérapie)[163].

aa)) GGrriissééooffuullvviinnee eett KKééttooccoonnaazzoollee

La Griséofulvine n‟a pas d‟activité sur les moisissures comme c‟est le cas pour

les dermatophytes(1).

Le Kétoconazole peut agire contre quelque moisissure : (Scytadium dimidiatum,

Aspergillus. sp) mais son efficacité est inconstante surtout pour l’Aspergillus.sp.

En plus, son utilisation est limitée à cause des effets secondaires et des

interactions médicamenteuses qu‟il engendre. Certes de telles complications

sont rares mais il est bon de noter que des cas d„hépatites idiosyncrasiques

mortelles ont été rapportés.

bb)) LLeess nnoouuvveeaauuxx aannttiiffoonnggiiqquueess ::

Les nouveaux antifongiques systémiques ont en commun une action biphasique

avec :

Une diffusion rapide vers le stratum corneum à travers le mésenchyme du lit,

puis à travers l‟épiderme. Le produit est décelé dès la fin de la première

semaine ;

Une pénétration dans la kératine unguéale par voie matricielle. Des taux

efficaces, supérieurs aux CMI sont détectables dans la tablette 5 à 9 mois

après l‟arrêt du traitement, selon le produit, expliquant la possibilité de

proposer des traitements courts. Enfin, une accélération de la croissance

unguéale peu être observée.

Parmi ces nouveaux antifongiques, deux ont connu un succès dans le traitement

des onyxis à moisissures. Il s‟agit de l‟Itraconazole et de la Terbinafine. En

effet, ces deux molécules présentent un taux de guérison élevé et une baisse des

taux de rechute considérable par apport aux anciens agents antifongiques.

95

Terbinafine :

Mode d’action : La Terbinafine est un antifongique de la famille des

allylamines. Comme les autres molécules appartenant à cette famille, elle

agie sur la synthèse de l‟ergostérol de la membrane fongique au stade de

l‟époxydation du squalène dont l‟accumulation entraîne la mort du

champignon. [126].

Activité antifongique sur les moisissures : Il a été démontré que l'activité

antifongique de la Terbinafine in vitro est supérieure à celles de

l'Itraconazole et de la Griséofulvine contre des espèces de Scytalidium, de

Scopulariopsis, d’Aspergillus, et d‟Acremonium. Cependant l'efficacité in

vivo et la réponse clinique ne sont pas toujours conformes aux résultats in

vitro.

Les donnés de littérature suggèrent que la Terbinafine aurait une certaine

efficacité contre S. brevicaulis, Aspergillus.sp et Fusarium. Sp [136]. Pour

prouver cette efficacité et déterminer par la suite la durée de traitement, une

étude a été menée par MG. LEBOHL [135]. Elle a porté sur des sujets

atteints d‟onychomycoses des ongles des orteils. Les uns étaient infectés

par des moisissures tandis que les autres l‟étaient par des infections mixtes

(dermatophyte + moisissure). Les patients ont été répartis ensuite, de

manière aléatoire, en 3 groupes. Le premier groupe a reçu de la Terbinafine

pendant 12 semaines puis un placebo pendant 12 semaines. Le second,

quant à lui, a reçu de la Terbinafine pendant 24 semaines et enfin le

troisième, un placebo pendant 24 semaines. Pour les trois groupes et

pendant les 24 semaines la posologie était toujours de 250 mg/j. L‟équipe a

ainsi démontré que le traitement de 12 semaines était suffisamment

concluant et qu‟un traitement plus long (24 semaines en l‟occurrence) ne

96

serait pas forcément plus efficace, aussi bien dans le cas des infections

mixtes que dans le cas des infections par des moisissures seules.

L‟efficacité de la Terbinafine a été prouvée contre l'Alternaria et

l’Aspergillus.sp ce qui n‟exclut pas son éventuelle efficacité contre d‟autres

moisissures non isolées des ongles pathologiques des patients, sujets de

cette étude. Il a été également conclu des résultats de cette étude, que cette

molécule est bien tolérée. En effet, hormis quelques cas de troubles gastro-

intestinaux et de goût, l‟équipe n‟a pas noté d‟effets indésirables chez les

patients recevant la Terbinafine par apport au groupe recevant le placebo

[135].

D‟autres études ont montré que la Terbinafine a également une certaine

efficacité contre les onychomycoses à Fusarium sp et inconstamment

contrer celles à S. brevicaulis, avec la même posologie, mais avec une

durée de traitement de 48 semaines [24,137, 138].

En cas d‟infection mixte, la Terbinafine présente l‟avantage d‟être active

sur les dermatophytes, les candida [135] et les moisissures. Son action sur

les autres moisissures est probable mais non encore démontrée.

Chez la population à haut risque de survenue d‟onychomycoses à

moisissures, la Terbinafine a été jugée efficace surtout chez les diabétiques

avec un taux de guérison de 62-78 %. Chez les patients recevant un

immunosuppresseur, son efficacité fut comparable à celle chez les patients

immunocompétents. De même, deux petites études ont indiqué que la

Terbinafine est également efficace chez les patients HIV séropositifs.

Toutefois, la majorité de ces études chez cette population dite à haut risque

de survenue d‟onychomycoses ne comprenait que de petits nombres de

97

patients. Des études incluant un nombre de sujets plus grand s‟imposent

notamment chez les patients ayant une infection par le VIH.

Effets indésirables : Les effets indésirables décrits dans la littérature sont :

Des troubles digestifs (nausées, douleurs abdominales, diarrhées,

anorexie),

Des troubles du goût (agueusie ou dysgueusie) réversibles après arrêt du

traitement en 1 à 2 mois le plus souvent [140],

Des éruptions cutanées transitoires (urticaires ou rashs non spécifiques,

érythèmes polymorphes), un exanthème pustuleux généralisé [141]. Des

réactions cutanées sévères ont été décrites, de façon exceptionnelle, à

type de syndrome de Stevens-Johnson, de syndrome de Lyell [142], qui

sont apparues dans les 2 premiers mois de traitement.

Des troubles neurologiques (céphalées, vertiges) ont été décrits, ainsi

que des troubles hépatiques (hépatites de type mixte, à prédominance

cholestatique [143], avec un risque de 2,5/100 000 [144]. Une

augmentation des transaminases peut se produire, en cas de traitement,

dans un cas sur 10000.

Des modifications de la formule sanguine (neutropénie, thrombopénie,

agranu- ocytose), réversibles à l‟arrêt du traitement, ont été notées [145,

1146].

Des cas de lupus érythémateux sont apparus ou ont été exacerbés par la

Terbinafine [147]

L‟apparition de psoriasis pustuleux sur terrain psoriasique, est

également notée [148].

98

N.B : Les atteintes hépatiques, qui sont rares et imprévisibles, justifient une

surveillance sanguine tous les mois en cas de traitement long. Une NFS et

un dosage des enzymes hépatiques peuvent aussi être demandés.

Interactions médicamenteuses :

Lors du traitement par la ciclosporine, une surveillance est conseillée car

une baisse des taux sériques de celui-ci a été rapportée en cas de

traitement concomitant avec la Terbinafine mais sans effets cliniques

[149].

Quelques cas de cycles menstruels irréguliers et de saignements

intermenstruels ont été observés chez des patientes traitées de façon

concomitante avec la Terbinafine et des contraceptifs oraux.

La clairance plasmatique de la Terbinafine peut être accélérée par des

médicaments qui induisent le métabolisme (exp. rifampicine), ou

ralentie par des médicaments qui inhibent le cytochrome P-450 (exp.

cimétidine). Lorsque ces produits doivent être administrés

simultanément, il y a lieu d'ajuster la posologie de la Terbinafine en

conséquence. [185].

Pour conclure, le traitement par la Terbinafine présente plusieurs avantages

indéniables, malheureusement, ce traitement reste très onéreux. Divers

protocoles d'administration intermittente (pulsée) ont été évalués pour limiter les

coûts du traitement. Cependant, ces études portaient sur un nombre trop restreint

de patients pour pouvoir comparer entre l‟efficacité du régime intermittent et

celle du régime continu, mais le traitement pulsé s'est clairement montré moins

efficace que le traitement continu [139].

99

Itraconazole

Mode d’action : Comme les autres dérivés azolés, l‟action antifongique de

l‟itraconazole est produite par l‟intervention de deux mécanismes

principaux, le premier est physico-chimique, le second est métabolique. Le

mécanisme physico-chimique concerne la phase de croissance du

champignon et comporte des altérations de ses fonctions respiratoires,

tandis que Le mécanisme métabolique inhibe la synthèse de l‟ergostérol

membranaire par une action compétitive vis-à-vis du système enzymatique

oxydatif de la C14 déméthylase dépendant du CYP 450 [128].

Activité antifongique sur les moisissures : L‟Itraconazole semble

présenter une certaine activité dans le cas des onychomycoses à

moisissures. Dans le but d‟évaluer cette activité, une étude multicentrique

sur 36 patients atteints d'onychomycoses des ongles du pied causées par des

moisissures ou par des moisissures et des dermatphytes a était menée

[150,161]. Ces patients ont reçu un traitement d‟Itraconazole selon deux

régimes, continu et pulsé:

Régime continu pour 9 patients : La posologie durant ce régime fut

de : 100 mg/j pendant 20 semaines pour 1 patient, 200 mg/ j pendant 6

semaines pour 1 patient et pendant 12 semaines pour 7 patients. Les

organismes traités chez ces 9 patients étaient: Aspergillus flavus (2 cas),

Aspergillus niger (1 cas), Alternaria spp. (1 cas), Fusarium spp (1 cas),

Trichophyton rubrum + Scopulariopsis brevicaulis (2 cas), T. rubrum+

A. niger (1 cas) et de T. mentagrophytes + A. niger (1 cas).

Ce régime continu a donné un taux de guérison clinique et mycologique

de 88%.

100

Régime pulsé chez 27 patients : Le régime intermittent a consisté en

une semaine de traitement par mois pendant 2 à 4 mois avec deux doses

journalières de 200mg/j chacune. Les durées étaient de : 2 mois pour 1

patient, 3 mois pour 12 patients et 4 mois pour 14 patients. Les

organismes traités chez ces 27 patients étaient : Aspergillus spp. (1 cas),

Fusarium oxysporum (1 cas), Scopulariopsis brevicaulis (10 cas), T.

rubrum + S. brevicaulis (8 cas), T. rubrum+ Fusarium sp. (2 cas), T.

rubrum+ A. niger (2 cas), et T. mentagrophytes + S. brevicaulis (3 cas)

Avec ce régime les taux de guérison clinique et mycologique ont atteint

85% et 74% respectivement.

D‟après cette étude où les taux de guérison clinique et mycologique pour

l‟ensemble des 36 patients furent de 86% de 78% respectivement,

l‟administration de l‟Itraconazole selon les deux régimes ; continu ou

intermittent est efficace contre certaines moisissures, agents

d‟onychomycoses telles que : Aspergillus (fig 51,52), Fusarium , S.

brevicaulis (fig. 53,54) ainsi que dans certaines infections mixtes par des

moisissures et des dermatophytes.

Au-delà des résultats de cette étude, l’Onychocola canadensis connu par sa

résistance aux traitements habituels antifongiques, aurait manifesté une

certaine sensibilité à l‟Itraconazole [162] (au même titre qu‟à la

Griséofulvine, au Kétoconazole et à l‟Amorolfine). Il est cependant très

difficile d‟étudier cette sensibilité principalement en raison de la croissance

extrêmement lente de l’Onychocola canadensis. On pourrait toutefois

proposer une triple thérapie combinant l‟administration séquentielle

d‟Itraconazole , l‟application d‟un vernis à base d‟Amorolfine et l‟avulsion

101

chimique de l‟ongle malade [162]. Il n‟y a cependant jusqu‟à présent dans

la littérature aucun cas de guérison complète, clinique et mycologique,

après traitement [160].

Fig. 51 et 52 :OSP des ongles des orteils causé par Aspergillus terreus avant et après 4 mois de

traitement avec l‟itraconazole [129]

Fig. 53 et 54 : OSP des ongles des orteils causé par Scopulariopsis brevicaulis avant et après 4 mois de

traitement avec l‟itraconazole [129]

Effets indésirables : Le traitement par l‟itraconazole de plus d‟un mois,

même selon un régime intermittent, favorise chez certains patients la

survenue de troubles à type de [186] :

Nausées (1,6 %), épigastralgies ,

Douleurs abdominales (1,9 %) et troubles digestifs,

Céphalée (1,3 %)

Prurit, éruption cutané (rare cas)

102

Anomalies des enzymes hépatiques dans 3,8 % et des hépatites

symptomatiques rares mais dangereuses dans le cas du régime continu.

Interactions médicamenteuses :

Les associations contre-indiquées avec l‟itraconazole sont les

antihistaminiques H1 (terfénadine et astémizole) : le cisapride, le

triazolam.

Association déconseillée : le midazolam

Certaines associations nécessitent des précautions :

o Les antagonistes du calcium de la famille des dihydropyridines

(risque majoré d‟oedèmes). L‟association avec les anticoagulants

oraux (warfarine) (risque hémorragique),

o La ciclosporine, la digoxine, les inducteurs enzymatiques,

o Les anticonvulsivants (sauf la dépakine), les quinidiniques, la

rifampicine

o L‟itraconazole est à prendre 2 heures avant ou 6 heures après les

antiacides ou la didanosine. [126].

Pour conclure, il y‟a fort à penser que l‟activité antifongique de

l‟Itraconazole est supérieure à celle de la Terbinafine pour le traitement des

onychomycoses à moisissures [152,154]. Toutefois, les effets indésirables du

traitement continu à l‟Itraconazole étalé sur une durée supérieure à 1 mois

limitent le recours à ce type d‟administration. Actuellement les auteurs

encouragent le régime intermittent qui ne provoque aucun endommagement

du foie et ne nécessite par la suite aucun test de la fonction hépatique avant le

début du traitement contrairement au régime continu[151], sauf lorsque le

patient a des antécédents de maladies hépatiques.

103

Généralement, le rythme d‟administration de l‟Itraconazole selon le régime

intermittent est d‟une semaine par mois, à raison de 200 mg matin et soir

pendant 2 mois pour l‟atteinte des doigts et pendant 3 à 4 mois pour celle des

orteils.

Voriconazole

Mode d’action : Similaire à celui de l‟Itraconazole.

Activité antifongique sur les onychomycoses à moisissures : Le

Voriconazole est un nouveau médicament antifongique de la famille des

triazolés. Il a été étudié pour ses propriétés antifongiques sur les

champignons opportunistes (moisissures) [155]. Il dérive du Fluconazole

par rapport auquel il est 10 à 500 fois plus efficace [126]. In vitro le

Voriconazole est actif sur de nombreuses moisissures telles que,

Aspergillus, Scytalidium, Scedosporium, Paecylomyces, Fusarium sp.,

Penicillium marneferii, et Scopulariopsis brevicaulis [126,156, 157]. Cette

dernière espèce présente une CMI avec le Voriconazole élevée. Toutefois,

cette molécule a une activité antifongique supérieure à l‟Ampothéricine B

et l‟Itraconazole contre Scopulariopsis brevicaulis [157]. Malheureusement

son indication actuelle est limitée au traitement d‟aspergilloses invasives et

d‟infections systémiques graves à Candida et aux espèces Scedosporium et

Fusarium. Son utilisation dans le traitement des onychomycoses à

moisissures particulièrement dans le cas du Scytalidium dimidiatum,

résistant aux antifongiques actuels, est une espérance d‟avenir [157,158].

Effets indésirables : Par rapport à l‟Itraconazole, le Voriconazole

provoque nettement moins d‟effets indésirables. Les principaux effets

indésirables qui ont été signalés et qui dépendent des doses utilisées,

104

comprennent des troubles visuels transitoires, des éruptions cutanées

morbilliformes et une élévation du taux d‟enzymes hépatiques [159].

Interactions médicamenteuses : Plusieurs médicaments diminuent la

concentration plasmatique du Voriconazole :Rifampicine, Rifadine,

Phénitoïne, les Barbituriques… tandis que d‟autres l‟augmente:

Ciclosporine, Warfarine, Benzodiazépine… [159].

Tableau IV : Tableau récapitulant les principaux traitements utilisés dans les onychomycoses à moisissures

Molécule Action antifongique sur les

moisissures

Dose et durée de

traitement

Principaux effets

secondaires

Interactions

médicamenteuses

An

tifo

ngiq

ues

top

iqu

es

C

iclo

pir

ox

Aspergillus,

Fusarium oxysporum

Scopulariopsis brevicaulis

+/- Scytalidium dimidiatum

1 app / j de 6 à 12 mois Brûlures

Rougeurs autour de l'ongle

Am

oro

lfin

e

Scytalidium

Scopulariopsis brevicaulis

1 à 2 app / semaines de 6

à 12 mois

Brûlures périunguéales

Bif

on

azo

le

Aspergillus fumigatus,

Aspergillus niger

1 app / j 1 à 3 semaines de

Bifonazole + urée suivie

de Bifonazole seul

jusqu‟à repousse complète

de l‟ongle

Prurit

Éruptions cutanées

Am

ph

oth

éri

cin

e B

La plupart des moisissures in

vitro

Prurit

Érythème

An

tifo

ngiq

ues

syst

émiq

ues

syst

émiq

ues

T

erb

ina

fin

e

Aspergillus.sp

Alternaria

Fusarium sp

+/-Scopulariopsis

brevicaulis

250 mg/j 12 à 48

semaines

Troubles digestifs

Troubles du goût

Éruptions cutanées transitoires

Troubles neurologiques

Modifications de la formule

sanguine

Psoriasis pustuleux

Lupus érythémateux

Ciclosporine, Contraceptifs

oraux, Rifampicine,

Cimétidine

105

Itra

con

azo

le

Aspergillus

Fusarium ,

S. Brevicaulis

+/- Onychocola canadensis

400mg/j en 2 prise en 1

semaine par mois pendant

2 à 4 mois

Nausées

Epigastralgies

Douleurs abdominales

Troubles digestifs

Céphalée

Prurit

Éruptions cutanés

Anomalies des enzymes

hépatiques

Hépatites symptomatiques

Antihistaminiques H1,

Cisapride, triazolam,

Midazolam, Antagonistes du

calcium de la famille des

dihydropyridines Ciclosporine,

digoxine, inducteurs

enzymatiques,

Anticonvulsivants,

Quinidiniques, Rifampicine,

Antiacides, Didanosine

Vo

ric

on

azo

le

Aspergillus,

Scytalidium,

Scedosporium,

Paecylomyces,

Fusarium sp.,

Penicillium marneferii

Troubles visuels transitoires,

Éruptions cutanées

Morbilliformes

Elévation du taux d‟enzymes

hépatiques

Rifampicine, Rifadine,

Phénitoïne, les

Barbituriques… ,

Ciclosporine, Warfarine,

Benzodiazépine

Malgré la présence de ces molécules antifongiques, actives sur de nombreuses

moisissures, les résultats des traitements des onyxis qu‟elles enregistrent, restent

encore modestes. Ceci est dû, bien entendu à l‟inexistence d‟une codification de

traitement des onychomycoses à moisissures, du moins jusqu‟à présent.

L‟absence d‟une telle codification est expliquée par l‟insuffisance des études et

par le nombre restreint de patients, sujets des rares études menées dans ce sens

ce qui entrave l‟obtention de résultats concluants vu le caractère non

représentatif de ces quelques échantillons étudiés.

L‟insuffisance des études sur des patients (in vivo), oblige les médecins

cliniciens de se référer aux résultats des études menées in vitro pour le

traitement des moisissures ce qui reste sans garantie de réussite. En effet,

certains antifongiques ayant une action positive, in vitro, sur plusieurs

moisissures se retrouvent inefficaces contre ces mêmes moisissures in vivo,

compliquant davantage le choix du traitement.

106

L‟efficacité du traitement des onychomycoses à moisissures peut également être

influencée par des facteurs liés au choix dudit traitement ou au patient lui

même :

Facteurs liés au choix du traitement :

Qualité de l‟indication du traitement

Interactions médicamenteuses

Maladies et traitements concomitants (immunodépression)

Résistance de certains champignons (Scytalidium)

Facteurs liés au patient

Motivation du patient et compréhension des consignes

Épaisseur de la tablette unguéale

Vitesse de pousse des ongles : lente chez les patients âgés

PPrroopphhyyllaaxxiiee

Les mesures d‟accompagnement du traitement des onychomycoses à

moisissures peuvent être déterminants pour obtenir une guérison, éviter les

récidives et prévenir la diffusion de l‟infection à l‟entourage [ 164].

Les principales mesures devant accompagner les traitements des onychomycoses

à moisissures sont :

Une bonne hygiène des pieds ; garder les ongles d'orteils courts et désinfecter

les instruments utilisés pour les nettoyer.

Séchage minutieux des pieds,

Lavage à l‟eau de javel du bac de douche,

Utilisation de caillebotis en plastique au lieu de ceux d‟en bois,

107

Limitation de l‟application de tous les vernis esthétiques : pose ponctuelle, ne

dépassant pas quelques heures.

Port de chaussures ouvertes ou aérées, de préférence avec des semelles

intérieures en cuir et utilisation de chaussettes en coton.

Décontamination des chaussures, chaussettes et tapis de bain (lavage à 60

°C),

Traitement de l‟hyperhidrose (un anti-transpirant à base de chlorure

d‟aluminium à 20 % en cas de transpiration excessive)

Traitement des lésions cutanées associées aux onychomycoses à moisissures

(présentes chez les diabétiques et les immunodéprimés)

Ne pas marcher pieds nus sur les sols publics (salles de sport, piscines…),

Ne pas arrêter le traitement d‟une mycose qu‟après sa complète guérison.

108

Partie pratique

109

CHAPITRE IV: PARTIE PRATIQUE

II OOBBJJEECCTTIIFFSS

L‟étude menée dans notre laboratoire a pour buts de :

Déterminer la prévalence des onychomycoses à moisissures tout en la

comparant à celle des onychomycoses à dermatophytes et à Candida

Identifier les principales espèces de moisissures engendrant une

onychomycose

Evaluer l‟influence du sexe et de l‟âge dans ce type d‟onychomycose.

IIII MMAATTEERRIIEELL EETT MMEETTHHOODDEESS

Cette étude rétrospective a été réalisée sur une période de 14 ans, entre 1993 et

septembre 2007 sur 5385 patients, généralement adultes, adressés par les

différents services de dermatologie du Centre Hospitalier Universitaire Ibn Sina

de Rabat, au Laboratoire de Parasitologie et de Mycologie Médicale de l‟Hôpital

d‟Enfants de Rabat. Dans ce laboratoire, sont effectués les prélèvements au

niveau des ongles dans le but de confirmer ou d‟infirmer l‟origine fongique des

onyxis.

Le travail effectué consiste en une consultation des registres sur la période citée

afin de déterminer les caractéristiques épidémiologiques et mycologiques des

onychomycoses à moisissures tout en les comparant à celles des onychomycoses

à dermatophytes et à Candida. Les informations particulièrement ciblées sont :

Le nombre de patients présentant une onychomycose (examen directe

positif).

110

Le nombre de patients présentant une infection par des espèces de

moisissures en fonction du sexe et selon la localisation des ongles

atteints (mains ou pieds).

Le nombre de patients présentant une infection par des dermatophytes

tout en notant le sexe de ces patients.

Le nombre de patients ayant une infection à levure en fonction du sexe.

L‟âge des patients

11.. EExxaammeenn mmyyccoollooggiiqquuee

11..11 LLee pprrééllèèvveemmeenntt

Les prélèvements sont effectués au Laboratoire de Parasitologie et de Mycologie

Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat par un personnel expérimenté.

La zone à prélever est soigneusement choisie. En cas d‟une atteinte distolatérale

avec hyperkératose sous unguéale, le bord libre est coupé à l‟aide d‟une pince à

ongles pour pouvoir prélever des débris sous unguéaux friables à la jonction

zone saine - zone infectée. Dans le cas d‟une atteinte à périonyxis ou à

leuconychie, un grattage de l‟ongle est effectué. Le prélèvement se fait alors à la

base de l‟ongle avec un écouvillon stérile.

11..22 LL’’eexxaammeenn ddiirreecctt

Le matériel biologique collecté est déposé entre lame et lamelle dans une goutte

de potasse à 30 %. L‟observation microscopique est effectuée à l‟objectif 10

puis à l‟objectif 40. Un examen direct positif permet d‟observer des fragments

de filaments ou des spores, s‟il s‟agit d‟une moisissure ou d‟un dermatophyte.

Dans le cas d‟une espèce de Candida ledit examen montre des levures

bourgeonnantes de 2 à 4 µm.

111

11..33 LLaa ccuullttuurree

Pour chaque matériel biologique prélevé, 3 tubes (gélifiés en position inclinée)

sont ensemencés, La gélose de Sabouraud simple, additionnée de

chloramphénicol seul et le troisième associé à l‟actidione®. Ensuite les tubes

sont mis à l‟étuve à 28 °C pendant 3 semaines.

L‟identification du champignon se fait par l‟observation de l‟aspect

macroscopique et microscopique des cultures.

Identification macroscopique. Elle consiste à noter :

La vitesse de pousse ;

Les moisissures se développent en 8-10 jours tandis que les

dermatophytes, à croissances plus lente, ne peuvent être identifiés

qu‟après 3 semaines. La vitesse de pousse peut orienter le diagnostic.

L‟aspect des colonies ;

Les colonies peuvent avoir une texture laineuse, cotonneuse, poudreuse,

duveteuse, veloutée, granuleuse ou encore glabre.

La consistance qui peut être molle, friable ou dure.

La taille des colonies

Le relief de la colonie, plat, lisse ou cérébriforme

La couleur de la colonie avec la présence ou l‟absence du pigment sur la

gélose. La couleur permet de distinguer:

Les Hyalohyphomycètes qui donnent des colonies blanches, ou

aussi colorées (verte, jaunâtre, gris orange, rose),

Les Phaéohyphomycètes qui donnent des colonies devenant

rapidement foncées (brunes ou noires).

112

Identification microscopique : A l‟aide d‟un oêse, des échantillons de

colonies sont prélevés si ces dernières sont glabres. Si elles sont poudreuses

ou cotonneuses, la technique de drapeau est utilisée.

La lecture se fait au microscope optique à l‟objectif 10 permettant de

déterminer la longueur des hyphes pour certaines espèces, et à l‟objectif 40

qui permet de préciser :

Le thalle végétatif : siphonné ou septé ;

La couleur du thalle : hyalin et clair ou foncé et mélanisé ;

L‟origine endogène ou exogène des spores ;

113

IIIIII RREESSUULLTTAATTSS

A l‟issue de cette étude, quelques résultats d‟ordre général ont été recueillis.

Nombre de prélèvements : 5385 prélèvements mycologiques au niveau

des ongles.

Nombre de patients présentant une onychomycose :

o Examen direct et culture positifs : 3671 cas.

o Examen direct positif et culture négative : 1055 cas.

Nombre de patients présentant une onychopathie autre qu‟une

onychomycose : 659 cas.

Fig. 55 : Prévalence des onychomycoses parmi les onychopathies

Onychomycoses (examen direct et culture positifs)

Onychomycoses (examen direct positif et culture négatiive)

Autres onychopathies

114

11.. RRééppaarrttiittiioonn ddeess oonnyycchhoommyyccoosseess sseelloonn llee sseexxee ttoouutteess ééttiioollooggiieess

ccoonnffoonndduueess

Dans notre série nous avons remarqué, qu‟indépendamment de l‟agent fongique

causal, les onychomycoses touchent nettement le sexe féminin (70,47 %)

beaucoup plus que le sexe masculin (29,53 %) ( voir tableau V et Fig. 55)

Tableau V : Répartition des onychomycoses selon le sexe

Sexe féminin Sexe masculin

Patients présentant une onychomycose

2587 cas 1084 cas

Total 3671 cas

29,53%

70,47%

Sexe féminin

Sexe masculin

Fig. 56: Prévalence des onychomycoses selon le sexe

RRééppaarrttiittiioonn ddeess oonnyycchhoommyyccoosseess sseelloonn ll’’ââggee ttoouutteess ééttiioollooggiieess ccoonnffoonndduueess

115

Lors de cette étude, le pourcentage des patients atteints d‟onychomycoses

varie considérablement selon la tranche d‟âge. Le tableau VI et le figure 57

montrent ces variations.

Tableau VI : Nombre de cas d‟onychomycoses selon la tranche d‟âge

Tranche d’âge Nombre de cas

9 mois-10 ans 110

10-20 ans

175

20-30 ans 731

30-40 ans

942

40-50 ans

944

50-60 ans

462

60-80 ans

307

Total 3671

Fig. 57: Prévalence des onychomycoses selon la tranche d‟âge

116

LLeess oonnyycchhoommyyccoosseess àà mmooiissiissssuurreess

33..11 PPrréévvaalleennccee ddeess oonnyycchhoommyyccoosseess àà mmooiissiissssuurreess ppaarr rraappppoorrtt àà cceelllleess

ccaauussééeess ppaarr lleess aauuttrreess aaggeennttss ffoonnggiiqquueess

La méthode adoptée dans notre laboratoire pour la confirmation de la

responsabilité d‟une moisissure dans une onychomycose est la plus fiable et la

plus répandue. Elle consiste à réaliser deux cultures successives après un

examen direct positif. L‟isolement de la même moisissure de ces deux cultures

confirme le rôle pathogène de celle-ci dans l‟atteinte unguéale. Grâce à cette

méthode, 57 cas d‟onychomycoses à moisissures ont été décelés, avec une

prévalence de 1,55 % de l‟ensemble des cas d‟onychomycoses confirmés

mycologiquement (voir tableau VII et Fig. 58). Les levures du genre Candida,

viennent en second rang avec 1022 cas. Quant à eux, les dermatophytes,

s‟avèrent être les plus impliqués dans les onychomycoses avec 2592 cas.

9 mois-10 ans 10-20 ans 20-30 ans 30-40 ans 40-50 ans 50-60 ans 60-80 ans

3 %

4,77 %

19,91%

25,66 % 25,71%

12,60%

8,36 %

5 %

10 %

15 %

20 %

25 %

30 %

117

Tableau VII : Nombre de cas d‟onychomycoses confirmées selon la classe fongique

Classe fongique Nombre de cas

Moisissures 57

Dermatophytes

2592

Candida

1022

Total

3671

1,55%

70,60%

27,83%

Moisissures

Dermatophytes

Candida

Fig. 58 : Prévalence des différentes classes fongiques dans les cas d‟onychomycoses confirmées

Les genres de moisissures impliqués dans ces cas étaient au nombre de 7 dont 6

appartenant à la famille des Hyalohyphomycétes. La famille des

Phaéohyphomycètes (ou Dematiaceae) n‟était représentée que par un seul genre.

33..22 LLeess MMooiissiissssuurreess HHyyaalloohhyypphhoommyyccéétteess rreessppoonnssaabblleess dd’’oonnyycchhoommyyccoosseess

Les genres isolés

La répartition des moisissures Hyalohyphomycétes isolées des ongles

pathologiques selon le genre (voir tableau VIII et Fig. 59) , montre que le

Fusarium est le genre le plus fréquemment identifié dans notre laboratoire, avec

24 cas soit 46,15 % de l‟ensemble des Hyalohyphomycétes responsables

d‟onychomycoses dans notre laboratoire, suivi du genre Aspergillus avec 17 cas

118

soit 32,7 % des Hyalohyphomycétes. Le Scopulariopsis vient en troisième rang

avec 13,46 % des cas. Enfin, le Penicillium, le Scedosporium et l’Acremonium

ne sont que rarement isolés.

Tableau VIII : Nombres de cas de moisissures isolées des ongles selon le genre

Moisissures

Nombre de cas

Fusarium 24

Aspergillus 17

Scopulariopsis 7

Penicillium 2

Acremonium 1

Scedosporium 1

Total 52

La fréquence des genres de moisissures isolées est récapitulée par le graphique

ci-dessous :

119

Fig. 59 : Fréquence des genres de moisissures isolées

Les espèces d’Aspergillus isolées

Parmi les espèces d‟Aspergillus responsables d‟onychomycoses, Aspergillus

niger est l‟espèce la plus fréquemment isolée dans cette étude avec 13 cas

représentant 22.80 % de l‟ensemble des moisissures isolées.

Tableau IX: Nombre de cas des espèces d‟Aspergillus isolées

Espèce Nombre de cas pourcentage

Aspergillus niger

13 76,47%

Aspergillus flavus

3 17,64%

Aspergillus nidulans

1 5.88%

Fusarium Aspergillus Scopulariopsis Penicillium Acrémonium Scedosporium

10%

20%

30%

40%

50%

1,92 % 1,92 % 3,84 %

13,46 %

32,7 %

46,15 %

120

33..33 LLeess ggeennrreess ddeess PPhhaaééoohhyypphhoommyyccèètteess rreessppoonnssaabblleess dd’’oonnyycchhoommyyccoosseess

Dans notre série, la famille des phaéohyphomycètes n‟est représentée que par un

seul genre qui est Cladosporium avec 5 cas, soit 8,77 % de l‟ensemble des

atteintes des ongles par des moisissures

33..44 RRééppaarrttiittiioonn ddeess ccaass dd’’oonnyycchhoommyyccoosseess àà mmooiissiissssuurreess sseelloonn llee sseexxee

Le tableau de répartition des cas d‟onychomycoses à moisissures selon le sexe

montre que les moisissures, et à l‟instar des autres champignons, s‟attaquent

préférentiellement aux ongles du sexe féminin avec une fréquence de 75,43 %.

Tableau X : Fréquence des moisissures responsables d‟onychomycoses selon le sexe :

Sexe féminin Sexe masculin

Moisissures Nombre Fréquence Nombre Fréquence

Fusarium 19 33,33 % 5 8,77 %

Aspergillus 13 22,81 % 4 7 %

Scopulariopsis 4 7 % 3 5,62 %

Cladosporium 4 7 % 1 1,75 %

Penicillium 2 3,51 % 0 0 %

Acremonium 0 0 % 1 1,75 %

Scedosporium 1 1,75 % 0 0 %

Total 43 75,43 % 14 24,56 %

33..55 RRééppaarrttiittiioonn ddeess ccaass dd’’oonnyycchhoommyyccoosseess àà mmooiissiissssuurreess sseelloonn ll’’ââggee

L‟un des facteurs déterminants dans la probabilité de l‟infection unguéale par les

moisissures est bien entendu, l‟âge de l‟individu. Le tableau XI et Fig. 60,

montrent la répartition des atteintes selon ce facteur.

121

Tableau XI : Répartition des onychomycoses à moisissures selon la tranche d‟âge

Tranche d’âge

Nombre de cas Pourcentage

6-10 ans 1 1,75 %

10-20 ans 2 3,50 %

20-30 ans 9 15,80 %

30-40 ans 16 28,07 %

40-50 ans 14 24,56 %

50-60 ans 10 17,54 %

60-80 ans 5 8,77 %

Fig. 60 : Répartition des onychomycoses à moisissures selon la tranche d‟âge

1,75 %

3,50 %

15,80 %

28,07 %

24,56 %

17,54 %

8,77 %

6-10 ans 10-20 ans 20-30 ans 30-40 ans 40-50 ans 50-60 ans 60-80 ans

3,75 %

7,5 %

11,25 %

15 %

18,75 %

22,5 %

26,25 %

30 %

122

33..66 RRééppaarrttiittiioonn ddeess ccaass dd’’oonnyycchhoommyyccoosseess àà mmooiissiissssuurreess sseelloonn llaa llooccaalliissaattiioonn

Nous avons noté également une différence de fréquence des espèces isolées

mais cette fois-ci par rapport à la localisation de l‟atteinte (voir tableau XII et

Fig.61). Les principaux siéges des lésions sont les pieds (92,98 %). Les atteintes

des mains, associées ou non à celles des pieds sont beaucoup plus rares. Un,

plusieurs ou tous les ongles peuvent être touchés à la fois.

Tableau XII : Espèces de moisissures isolées des ongles selon la localisation (mains ou pieds) :

Moisissure

Mains Pieds Mains + pieds

Aspergillus flavus 0 3 0

Aspergillus niger 0 9 1

Aspergillus.sp 0 4 0

Aspergillus nidulans 0 1 0

Fusarium 3 21 0

Acremonium 0 1 0

Scopulariopsis 0 7 0

Penicillium 0 2 0

Cladosporium 1 4 0

Scedosporium 0 1 0

Total des moisissures 4 53 1

123

1,75 %

92,98 %

7,01 %

Mains

Pieds

Mains + pieds

Fig. 61 : Espèces de moisissures isolées des ongles selon la localisation (mains ou pieds) :

124

IIVV DDIISSCCUUSSSSIIOONN

Les onychomycoses sont les pathologies de l‟ongle les plus communes et les

plus répandues. Les champignons impliqués dans ces mycoses sont variés et

peuvent être des dermatophytes, des levures ou des moisissures. Ces

champignons présentent des différences tant au niveau de la physiopathologie de

l‟atteinte qu‟au niveau de la thérapeutique recommandée. Cependant, les

onychomycoses qu‟ils engendrent, peuvent être cliniquement indiscernables, ce

qui impose le recours au diagnostic mycologique. Celui-ci nécessite des

prélèvements unguéaux au niveau de la lésion active pour isoler le champignon

à son état vivant afin de réussir les cultures et déterminer ainsi de manière plus

spécifique et plus précise l‟agent fongique dont la nature reste difficile à définir

à partir de l‟examen direct seul.

Ayant pour but principal de constituer une image aussi fidèle que possible sur la

cartographie des onychomycoses à moisissures au Laboratoire de Parasitologie

et de Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat, cette étude

rétrospective a été réalisée sur une période de 14 ans, entre 1993 et septembre

2007. 5386 prélèvements mycologiques au niveau des ongles ont été alors

effectués révélant dans 68,17% des cas un examen direct et une culture positifs

confirmant l‟atteinte par une onychomycose. D‟autres cas représentant 19,59 %

de l‟ensemble des patients, ont accusé d‟un examen direct positif et une culture

négative. Pourtant, il s‟agissait vraisemblablement de mycoses unguéales. Parmi

les raisons qui auraient pu être derrière ces résultats, citons ; des examens

mycologiques qui n‟ont pas été répétés, des lésions parfois trop anciennes ou

encore une automédication à base d‟antifongiques utilisés par ces patients. En

125

somme, le taux d‟onychomycoses observé dans notre laboratoire se situerait

entre les deux valeurs limites 68,17% et 87,76% (le taux maximal étant celui des

cas avec examen direct et culture positifs augmenté du taux des cas avec examen

direct positif et culture négative). Ceci démontre bien, et au même titre que les

études précédemment menées [165], que les onychomycoses sont les

pathologies unguéales les plus fréquentes au Maroc. Les autres onychopathies,

tout type d‟atteinte confondu, restent minoritaires et peuvent être des

traumatismes mécaniques répétés, des psoriasis ou des paronychies chroniques

secondaires à une dermite de contact.

Dans notre étude, les onychomycoses touchent principalement les femmes. En

effet le sex-ratio entre les femmes et les hommes, indépendamment de la famille

de l‟agent causal, est de 2,4 environ. Dans une étude finlandaise, les hommes

sont quatre fois plus atteints que les femmes [172]. Aux USA, l‟écart serait plus

réduit avec un taux d‟atteinte chez les hommes trois fois plus important que chez

les femmes [173]. Une étude écossaise par sondage [174] montre des taux

d‟atteinte comparables chez les deux sexes. D‟après ces résultats on peut

affirmer qu‟il n‟y a pas de différences notables entre les deux sexes qui

prédisposerait l‟un à développer une onychomycose par rapport à l‟autre. Ce

sont plutôt les facteurs culturels et/ou comportementaux qui peuvent expliquer

de tels écarts. Au Maroc par exemple, la haute fréquence des onychomycoses

chez les femmes peut être due aux tâches ménagères (cuisine, pâtisserie,

lessive…) qui occasionnent de façon importante l‟humidité et les traumatismes

au niveau des ongles. On pourrait également penser que les femmes seraient

appelées à consulter beaucoup plus que les hommes dans le cas de ces atteintes,

et ce, pour des raisons esthétiques dont l‟importance qui leur est accordée diffère

selon le sexe.

126

Quant à la répartition des onychomycoses selon l‟âge, notre étude montre une

rareté de l‟atteinte chez les enfants. A contrario, le taux d‟atteinte augmente

significativement avec l‟âge et la tranche d‟âge la plus touchée est celle

comprise entre 40 - 50 ans, pour diminuer par la suite chez les patients âgés. Il

est bon de noter que la limite inférieure des atteintes relativement à l‟âge a été

enregistrée chez des nourrissons (9 mois) où l‟agent étiologique était un

Candida. Plusieurs facteurs peuvent expliquer l‟atteinte dès le plus jeune âge

par le Candida, citons à titre d‟exemples la simultanéité avec une candidose

buccale, la succion répétée du pouce, une dermatite atopique, etc…. Dans cette

dernière éventualité, la candidose est associée à un eczéma périunguéal.

Dans le cadre de cette étude, la prévalence des onychomycoses à moisissures est

de 1,55% de l‟ensemble des cas d‟onychomycoses confirmés mycologiquement.

Cette prévalence n‟a pas changé depuis les années quatre-vingt, puisque l‟étude

menée par A. AGOUMI sur la période s‟étalant entre 1982 et 2003 (22 ans) [26]

a mis en évidence un taux similaire, soit 1,53%. La rareté de ce type

d‟onychomycoses, peut être expliquée par le climat tempéré du pays qui n‟est

pas aussi bien adapté à la prolifération et à l‟implantation de ces champignons

que celui des régions tropicales et subtropicales. Une autre explication toute

aussi plausible, pourrait être le faible nombre des sujets âgés consultants dans

notre laboratoire et chez lesquels les conditions environnementales, circulatoires

et anatomiques favorisent la greffe unguéale des moisissures. Quant aux

onychomycoses à dermatophytes et à Candida, leurs prévalences ont été plus

grandes ( 70,60% et 27,83% respectivement).

Malgré la rareté statistique des onychomycoses à moisissures dans notre pays,

un examen attentif des ongles pour chercher ce type d‟atteinte chez le sujet

127

immunodéprimé ou tout autre sujet sous traitement immunosuppresseur s‟avère

impératif, afin d‟éviter toute dissémination interne d‟une moisissure à partir de

l‟issue unguéale. Une telle dissémination constitue dans de tels cas une

complication dramatique pour ce genre de patients. En effet des cas de

fusarioses disséminées mortelles dont la porte d‟entrée était des ongles atteints

d‟onyxis à Fusarium passé inaperçu, ont été rapportés [166]. Idem, les patients

diabétiques (ceux à diabète mal équilibré spécialement) sont particulièrement

sensibles aux onychomycoses à moisissures vu la possibilité de dissémination

cutanée et viscérale des moisissures à partir des ongles, ce qui pourrait conduire

dans le pire des cas à une amputation. Une fois de plus, un examen attentif de

l‟appareil unguéal s‟avère de première nécessité [166].

Plusieurs facteurs favorisant les onychomycoses à moisissures sont en commun

avec ceux favorisant les onychomycoses à dermatophytes. Toutefois, le facteur

déterminant pour l‟infection avec une moisissure est bien entendu lié aux

traumatismes répétés qui favorisent l‟altération préalable de la kératine de

l‟ongle et permettent par la suite à ce type de champignons d‟outrepasser le

caractère saprophyte et d‟agir en pathogène. Rappelons que hormis Scytalidium

et Onychocola , jamais isolés dans notre laboratoire, les autres types de

moisissures ne peuvent s‟attaquer qu‟à une kératine altérée contrairement aux

dermatophytes qui peuvent digérer une kératine saine grâce à leurs kératinases.

D‟après notre étude, les Hyallohyphomycètes constituent la famille la plus

fréquemment incriminée dans les onychomycoses à moisissures avec un taux

d‟atteinte atteignant 91,23%. La famille des Phéahyphomycètes, qui fût

représentée par le seul genre Cladosporium, a été beaucoup moins impliquée

avec un taux d‟atteinte de 8,77%. En général, de très rares études ont confirmé

128

quelques cas d‟atteintes unguéales par ce genre dont une menée en Turquie

[178] et une autre en Inde [179] ayant signalé chacune 1 seul cas.

La prédominance des Hyallohyphomycètes trouve sa justification dans la

pathogénicité de certains de ses genres, notamment Fusarium et Aspergillus. En

effet, Fusarium est majoritairement responsable de ce type d‟atteintes parmi

toutes les moisissures de cette famille avec un taux de 46,15%. Ceci s‟accorde

avec les résultats de l‟étude effectuée par A. AGOUMI qui a révélé une

responsabilité de Fusarium dans 47 % des cas d‟onychomycoses à moisissures

[26]. D‟autres études, dont une menée par H. VELEZ et F. DIAZ [167] en

Colombie confirment ce fait en mettant en évidence une incrimination de

Fusarium dans 40 % des infections des ongles de pieds par des moisissures, ces

dernières étant responsables elles-mêmes de 4 à 10 % de l‟ensemble des cas

d‟onychomycoses. Même constat en France où la prévalence croissante des

onyxis à Fusarium, a récemment dépassé celle des onychomycoses à

Scopulariopsis, jusqu‟alors considérées comme la première infection unguéale

non-dermatophytique [33]. Selon la même source, Fusarium oxysporum serait la

principale espèce responsable d‟onychomycoses à moisissures parmi le genre

Fusarium, infectant essentiellement les ongles des orteils. La pathogénicité

propre de ce genre et sa capacité d‟adhérence et de production d‟enzymes de

type protéinase, associées à un ou plusieurs facteurs locaux ou généraux,

favorisent la prolifération unguéale de ce champignon. Parmi ces facteurs, se

sont la notion de marche pieds nus, la fréquentation de piscines et de douches

extérieures, la dystrophie préalable de l‟ongle, la malposition des orteils, les

troubles vasculaires et les traumatismes ou l‟infection préalable par un

dermatophyte [33, 168 169 ] qui sont les plus cités. De sont côté, Aspergillus est

le deuxième genre isolé dans notre laboratoire en étant à l‟origine de 32,7 % des

129

cas. L‟espèce dominante de ce genre est Aspergillus niger avec 22.80 % des

onychomycoses à moisissures. Ce genre vient de se substituer au Scopulariopsis

qui constituait jadis la deuxième cause d‟infections unguéales non

dermatophytiques conformément aux résultats de l‟étude menée par A.

AGOUMI [26]. Aspergillus doit sa haute fréquence d‟atteinte à son net pouvoir

de colonisation d‟une kératine préalablement altérée, à l‟abondance des spores

de ses différentes espèces dans la nature [180-] et à la durée de vie desdites

spores qui est sans doute longue. En effet, un même génotype peut rester

présent dans l‟environnement de 6 mois à 1 an [37]. L‟abondance des spores de

l’Aspergillus a été également illustrée par une étude mycologique réalisée durant

la période estivale de 2004 à Casablanca (Maroc) sur le sable de deux plages de

la ville et qui a révélé l‟existence de 25 souches d’Aspergillus sp., contre 13

souches de Penicillium sp., 2 souches de Cladosporium et 2 souches de

Scedosporium [181-].

Les autres moisissures de cette même famille ne sont que moins ou rarement

isolées dans notre étude ; c‟est le cas du, Penicillium, du Scedosporium et de

l‟Acremonium. Cette rareté d‟atteinte par ces moisissures peut être due à leur

pathogénicité relativement basse malgré l‟ubiquité de leurs spores dans la

nature.

Il est à noter que les pseudo-dermatophytes (Scytalidium et Onychocola) n‟ont

pas été isolés dans le cadre de notre étude. Cette absence peut s‟expliquer

essentiellement par la non adéquation du climat du Maroc au développement de

ces deux moisissures, la première, préférant un climat tropical et chaud et la

seconde, un climat froid tel que celui régnant au Canada. En général, la

fréquence d’Onychocola en pathologie humaine reste très limitée [170]. Dans

130

les rares cas où il a été isolé, il était derrière des onyxis des pieds et des

intertrigos chez des personnes âgées, ayant des troubles vasculaires des

membres inférieurs (lymphœdème, ulcères de jambe). Scytalidium, quant à lui,

représente jusqu‟à 40 % des atteintes fongiques des pieds en zone d‟endémie

[83] telles l‟ouest de l‟Inde, la Guyane française, l‟Afrique sub-saharienne, les

îles Comores et la Réunion....

Notre étude a enregistré une disparité de l‟atteinte selon l‟âge. En effet, chez les

enfants de moins de 6 ans, aucun cas d‟onychomycoses à moisissures n‟a été

signalé. Ce résultat est en accord avec la plupart des études réalisées dans le

même cadre [175]. La raison d‟une telle absence est expliquée par la rapidité de

la pousse de l‟ongle de l‟enfant et par la rareté des traumatismes des pieds

observés chez lui, ce qui empêcherait la moisissure de s‟implanter durablement

[23].

Concernant les autres tranches d‟âge, notre étude a enregistré le taux le plus

élevé d‟onychomycoses à moisissures dans la tranche d‟âge entre 30 et 40 ans

avec une prévalence de 28,07 %. Ce taux diminue ensuite dans la tranche d‟âge

allant de 50 à 60 ans pour atteindre 8,77%. Ceci s‟oppose aux résultats obtenus

par la plupart des études, qui montrent généralement une fréquence élevée des

onychomycoses à moisissures chez les sujets âgés [23,176,177]. Selon les

données de la littérature, les personnes âgées seraient même les plus touchées

par les onychomycoses à moisissures, et ce, vu la vitesse ralentie de pousse de

leurs ongles, la difficulté qu‟elles éprouvent parfois pour assurer une hygiène

correcte des pieds (ongles difficiles à couper, absence de soins réguliers…) mais

aussi et surtout à cause de certains facteurs locaux (troubles trophiques,

insuffisance circulatoire périphérique, malposition des orteils) [23, 63, 69]. Dans

131

notre série, la faible prévalence chez cette tranche d‟âge serait principalement

due au nombre restreint des sujets âgés qui consentent à la consultation et au

prélèvement suite à l‟atteinte par une onychomycose contrairement aux sujets

jeunes. Un tel comportement est justifié, chez cette catégorie de patients, par des

raisons socioéconomiques faisant des onychomycoses un sujet d‟une grande

banalité, voire futile devant les malaises communément sentis chez eux.

L‟étude a fait l‟état d‟une autre disparité de l‟atteinte mais cette fois-ci selon le

sexe et ce, au même titre que les autres types d‟onychomycoses. En effet les

moisissures touchent les ongles des femmes beaucoup plus que ceux des

hommes (le taux d‟atteinte chez les femmes est de 75,43 %). Les causes de la

fréquence des onychomycoses à moisissures chez les femmes sont généralement

celles expliquant la fréquence de l‟atteinte chez le sexe féminin dans les autres

types d‟onychomycoses.

Une dernière disparité enregistrée est relative à la localisation de l‟atteinte. En

effet les principaux siéges des lésions unguéales à moisissures sont les pieds

avec un taux de 92,98 %. Les atteintes des mains associées ou non à celles des

pieds sont plus rares et représentent respectivement 1,75 % et 7,01 %. Ceci

pourrait s‟expliquer par l‟exposition plus fréquente du pied aux traumatismes

répétés, par la vitesse de pousse des ongles du pied, beaucoup plus lente que

celle des ongles des mains, ce qui permet aux passants occasionnels d‟y

séjourner plus longtemps et enfin par le microclimat chaud et humide

occasionné par les chaussures mal adaptées favorisant le développement des

moisissures. Un, plusieurs ou tous les ongles peuvent être touchés à la fois ce

qui porte à croire que la consultation pour un onyxis mycosique est souvent

tardive.

132

Conclusion

133

CONCLUSION

Les moisissures sont habituellement impliquées dans les onychomycoses partout

dans le monde. Le degré de cette implication varie considérablement

dépendamment des régions géographiques, du climat et même des mœurs des

gens. Il en résulte ainsi une prévalence qui oscille entre 1,5% et 20 %.

Les onychomycoses à moisissures présentent généralement une clinique

similaire à celle des onychomycoses causées par les autres champignons.

Cependant, la majorité des variétés cliniques des onychomycoses à moisissures -

l‟OSP étant la variété la plus souvent rencontrée- est très souvent associée à une

paronychie.

Le rôle exact des moisissures dans les onychomycoses est parfois difficile à

déterminer puisqu‟elles peuvent être aussi bien un envahisseur primaire qu‟un

envahisseur secondaire infectant une lésion préexistante ou même un simple

contaminant.

Eu égard à la similitude de la clinique des onyxis et aux différentes natures

d‟implication possible, le recours au diagnostic mycologique et parfois même à

l‟histomycologie s‟avère incontournable pour la détermination précise du rôle

pathogène des moisissures dans les onychomycoses.

D‟autres méthodes de diagnostic ont vu le jour dont notamment le PCR qui est

une méthode très prometteuse, actuellement en expérimentation dans quelques

laboratoires.

Quant à leur traitement, les onychomycoses à moisissures semblent répondre

mieux à un traitement topique plutôt qu‟à un traitement systémique quoiqu‟en

général les résultats des traitements restent encore decevants. Pour combler ce

134

vide thérapeutique, une plus grande importance doit être accordée aux études

ciblant une codification du traitement des onychomycoses à moisissures.

Au terme de cette étude menée dans le Laboratoire de Parasitologie et de

Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat, nous retiendrons que les

onychomycoses constituent les pathologies unguéales les plus fréquemment

rencontrées dans ce laboratoire et que les onychomycoses à moisissures

présentent une prévalence de 1,55%.

L‟étude a également démontré une prédominance de certaines moisissures dans

ce type d‟atteintes unguéales, le Fusarium étant le plus incriminé suivi de

l‟Aspergillus et du Scopulariopssi brevicaulis.

La prévalence des onychomycoses à moisissures varie notablement selon

certains critères ou grandeurs. En effet cette prévalence diffère suivant la tranche

d‟âge, selon le sexe et enfin d‟après la localisation de l‟appareil unguéal.

Enfin, nous tenons à rappeler, sans prétendre le répéter assez, que le diagnostic

et le traitement des onychomycoses à moisissures doivent revêtir une grande

importance notamment lors de la prise en charge de sujets diabétiques et

immunodéprimés.